WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le conflit ukrainien et la relance de la guerre froide. Problèmes et perspectives.

( Télécharger le fichier original )
par Fiston KABUE YANGOYI
Université de Lubumbashi - Licence 2014
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

§2. Problème de l'unité

Sur le plan religieux, le pays fut le théâtre pendant la décennie quatre-vingt-dix d'une « guerre des églises » entre fidèles de trois obédiences d'une même Église orthodoxe, pour le contrôle des lieux de culte.

Depuis la christianisation de 988, le métropolite de la Rous orthodoxe résidait à Kiev, cependant l'insécurité l'avait contraint au XIIIe siècle à gagner le nord-est de la Rous, la région de Vladimir, plus sûre. En 1326, le prince de Moscou lui a offert un domaine près de sa ville qui devint ainsi le centre de l'Église orthodoxe « de toutes les Russies ». Historiquement, le Patriarche de Moscou est l'héritier légitime du métropolite de Kiev.

Mais lors de l'épisode de 1918-19, le gouvernement nationaliste ukrainien a créé une Église autocéphale ukrainienne, reconnue par Constantinople. Avec la victoire des Bolchéviks, elle a trouvé refuge dans l'importante diaspora ukrainienne du Canada. En 1991, le nouveau gouvernement ukrainien a créé lui aussi une Église orthodoxe autocéphale ukrainienne, cette fois non reconnue par Constantinople. L'Église exilée au Canada étant revenue, en Ukraine, l'orthodoxie est divisée en trois obédiences, celle du patriarcat de Moscou et deux Eglises autocéphales. En 2007, 11 233 paroisses dépendaient du Patriarcat historique, celui de Moscou, 3 963 du Patriarcat de Kiev, 1 178 de l'Église autocéphale ukrainienne de 1918. Il existe par ailleurs une Église uniate, ou gréco-catholique, de rite orthodoxe, qui reconnaît la suprématie du pape de Rome. Créée par les Polonais au XVIIe siècle pour « rallier les hérétiques à la Sainte Croix », elle n'est implantée qu'à l'Ouest de l'Ukraine.

Les Églises orthodoxes étant autocéphales, c'est-à-dire organisées par l'État, elles légitiment d'une certaine façon ce niveau de pouvoir politique. Pour un État qui apparaît par scission avec une entité politique plus vaste, l'existence d'une entité religieuse propre est un élément

1 Boyko, N., op.cit., p.90

Page | 63

important d'affirmation politique. Mais des fidèles peuvent voir cette partition comme une trahison de la communauté spirituelle. L'enjeu politique de ce conflit, à priori religieux, est très fort.

Sur le plan linguistique, l'unité n'est pas plus assurée. La définition de l'ukrainien officiel a fait gravement problème dans la décennie quatre-vingt-dix en raison de violentes divergences au sein du milieu se réclamant de l'ukraïnité.

Dans la partie de l'ex Rous sous contrôle polonais du XIVe au XVIIIe siècle, la Pologne avait favorisé l'usage du polonais. Le « ruthène », langue des paysans, était méprisé. Dans ce qu'on appelait la Malo Polska (Petite Pologne), les populations ruthènes étaient considérées comme ne se différenciant que par leur dialecte du tronc principal de la nation polonaise. En 1845, le prince Czartoryski déclarait « Ruthènes et Lituaniens forment avec nous une Nation ».

Fin XVIIIe, hormis la Galicie, acquise par l'Autriche, la Malo Polska est passée sous le contrôle de Moscou. Pour les autorités russes, ses habitants ne sont que des « Petit-Russiens », utilisant « un dialecte qui est du russe, simplement corrompu par l'influence de la Pologne ». L'enseignement de l'ukrainien y était interdit1.

En revanche, en Galicie, l'empereur d'Autriche s'est posé en père protecteur des « Ruthènes ». L'enseignement primaire était dispensé en ukrainien. Des journaux furent autorisés en ukrainien à partir de 1848. Ceci imposait le choix, parmi ses nombreuses inflexions, des canons d'une langue ukrainienne standard. Une chaire de philologie ukrainienne fut donc créée en 1849 à Lemberg). Les bases de la langue ukrainienne ont ainsi été jetées dans l'Empire d'Autriche. L'URSS développa elle aussi à partir des années vingt l'usage de l'ukrainien, mais en choisissant une variante de l'Ukraine centrale, plus proche du russe que celui qui avait été codifié en Galicie.

Page | 64

Concernant la langue, le recensement de 2001 fournit le décompte le plus à jour (celui de 2010 n'est toujours pas publié). Comme dans presque toute l'Europe centrale et orientale, il distingue la « citoyenneté » (ukrainienne) de la « nationalité », qui correspond au groupe ethnique auquel l'individu se rattache : 77,8 % de la population se déclare de nationalité ukrainienne, 17,3 % de nationalité russe, et 4,9 % d'une autre nationalité1

La population déclare par ailleurs sa langue maternelle et, effet de la longue symbiose entre Russie et Ukraine, 29,6 % des habitants du pays se déclarent de langue maternelle russe. La langue ukrainienne n'est donc la langue maternelle que de 68,5 % de la population : un nombre important de personnes se déclarant de nationalité ukrainienne se considère de langue maternelle russe.

L'ukrainien est plus répandu dans les campagnes, mais sous un grand nombre de formes dialectales. Presque toute la population comprend le russe et passe d'une langue à l'autre en fonction de l'interlocuteur, mais la majorité parle en réalité « surjik », un mélange personnel d'ukrainien et de russe2.

La modernité joue contre l'ukrainien. Les livres écrits en russe couvrent 90 % du marché, les publications en ukrainien n'ayant qu'un marché limité. La presse russe est présente partout, avec une vision plus internationale que la presse en langue ukrainienne, plus provinciale. Enfin, 98 % des sites internet ukrainiens utilisent le russe.

Si on se fonde sur la langue maternelle déclarée lors du recensement ukrainien, les 25 régions d'Ukraine (24 oblasts et une république autonome) se rattachent à six cas de figure (voir tableau 13).

Tableau 1- Langue maternelle déclarée par la population

1 Boyko, N., op.cit., p.99 2Boyko, N., op.cit., p.99 3 Idem, p.123

Page | 65

 

langue maternelle

langue maternelle

 

ukrainienne

Russe

Crimée

6,5-7 %

92-93 %

Donbass

30 % maximum

69 % et plus

Sud et Est

46-54 %

42-48 %

Bas Dniepr

67-73 %

25-32 %

Haut Dniepr

84-90 %

10-16 %

Centre

92-93 %

6,5-7 %

Ouest

95-98 %

1-5 %

Boyko, N., op.cit., p.96

Donbass : Lougansk, Donetsk ; Centre-sud : Kharkov, Zaporojié, Odessa ; Bas Dniepr : Dniepropetrovsk, Mikolaïev, Kherson ; Haut Dniepr : Kirovabad, Poltava, Soumy, Tchernigov ; Centre : Kiev, Jitomir, Tcherkassy ; Ouest : Vinnitsa, Khmielnitski, Tchernovtsy, Ternopol, Rovno, Volhynie, Lviv, Ivan-Frankivsk, Transcarpatie. La ville de Sébastopol, distinguée dans les statistiques ukrainiennes, a été regroupée avec la Crimée. De même, les données de la ville de Kiev sont fusionnées avec l'oblast du même nom1.

Les deux oblasts du Donbass comptent une forte majorité

d'habitants déclarant le russe comme langue maternelle (on les désignera sous le nom de « russophones »). La Crimée se rattacherait à ce groupe. Trois oblasts au centre et au sud présentent une situation de relatif équilibre entre russophones et ukrainophones. Trois oblasts du bas Dniepr ont de fortes minorités russophones (de un quart à un tiers). Trois oblast du haut Dniepr comptent entre 9,5 et 10,3 % de russophones et une énorme majorité

1 Levesque, J., op.cit., p.80

Page | 66

d'ukrainophones (89-90 %). On y a rattaché l'oblast de Soumy, qui les jouxte, et qui ne diffère du schéma (16 % de russophones pour 84 % d'ukrainophones) qu'en raison de districts frontaliers. Trois oblasts centraux comptent 6-7 % de russophones et 92-93 % d'ukrainophones. Dans les neuf oblasts de l'ouest, la part des ukrainophones dépasse 93 %, celle des russophones est partout marginale (3 à 5 %). Deux oblasts se distinguent. En Transcarpatie, 12,7 % de la population se déclare de nationalité hongroise. Dans celui de Tchernivtsy, 17,5 % de la population se déclare de nationalité roumaine ou moldave, ce qui réduit la part des ukrainophones à respectivement 81 et 77 %. Ces oblasts correspondent aux régions historiques de Ruthénie subcarpatique et de Bucovine du nord1.

Dans l'ouest, il existe par ailleurs un mouvement « ruthène » très actif, appuyé sur une forte diaspora aux États-Unis. Il réclame la reconnaissance d'une nationalité propre. Les ukrainophones, qui souffrent pourtant d'avoir été considérés comme des Polonais parlant mal le polonais puis comme des Russes parlant mal le russe, ne l'acceptent pas, expliquant qu'il n'y a pas de nationalité « ruthène », mais des Ukrainiens qui ne parlent pas bien ukrainien.

La fragilité du pays se lisait sur la carte des élections présidentielles de 2010, opposant radicalement deux Ukraines.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery