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Le conflit ukrainien et la relance de la guerre froide. Problèmes et perspectives.

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par Fiston KABUE YANGOYI
Université de Lubumbashi - Licence 2014
  

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§2. Ampleur de la réaction Russe

Le commerce extérieur ukrainien est plus lié à la CEI qu'à l'UE et serait très sensible à une rupture commerciale avec la Russie comme le montre le tableau 3.

Tableau 3 - Les orientations géographiques du commerce extérieur ukrainien

2012

Exportations

Importations

CEI

36,77

%

40,69

%

UE

24,82

%

30,89

%

1 Bernard, J.-P., Gaspard, M. et Harral , C., L'économie des transports dans l'ex-URSS, Courrier des Pays de l'Est, 1991, Paris, éd. Colin, p. 341.

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Asie

25,69

%

20,24

%

www.statistiqUkraine.donneclé.uk consulté le 22/12/2014

Au niveau russe, la dépendance est beaucoup plus réduite puisque l'Ukraine n'absorbe que 6 % des exportations russes, dont beaucoup de gaz et de pétrole.

Le simple fait qu'un rapprochement entre Kiev et l'OTAN ne puisse être totalement exclu impose à la Russie, pour des raisons de sécurité, d'éliminer toute dépendance de son appareil militaire vis-à-vis d'un fournisseur ukrainien. Au-delà des cas exposés (entretien de missiles stratégiques, motorisation d'hélicoptères de combat ...), l'industrie ukrainienne livre un nombre important de composants pour l'industrie militaire russe. Rompre ces liens est un impératif stratégique pour la Russie. En juin 2014, le ministère russe de la Défense a annoncé étudier en détail avec son homologue biélorusse l'éventail de tous les transferts de production possibles depuis l'Ukraine vers l'industrie biélorusse.

La question de la survie de l'industrie aérospatiale ukrainienne, qui représente l'essentiel de l'industrie de haute technologie du pays, avec 100 à 150 000 emplois très qualifiés, est donc posée. Dans ces domaines stratégiques, les pays développés, dans un contexte de réduction générale des commandes militaires, n'ont pas de place à offrir aux entreprises ukrainiennes, sauf à réduire les débouchés de leur propre industrie. L'aérospatiale ukrainienne peut se reconvertir partiellement en bureau d'études low-cost et fournisseur de pièces pour l'industrie occidentale (mais au détriment de ses sous-traitants actuels), très loin du rôle éminent qu'elle jouait dans le partenariat avec la Russie1.

Par ailleurs, en raison de sanctions occidentales, Moscou doit soutenir par tous les moyens l'activité en Russie. La part du commerce

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international russe qui est confiée aux ports des pays voisins (ukrainiens et baltes) devrait être transférée vers les ports russes. Une politique de substitution des importations devrait également être mise en place, favorisant la production locale. Elle pourrait viser particulièrement les fournisseurs ukrainiens mais comme on l'a vu pour le nucléaire, le fait que certaines usines produisant en Ukraine pour le marché russe sont la propriété de groupes russes complexifie les choses.

Une rupture avec la Russie compromettra inévitablement deux piliers de l'activité ukrainienne : son industrie de haute technologie et sa fonction portuaire pour l'hinterland eurasien. A cela il faut ajouter la perte inéluctable des revenus du transit du gaz (3,5 milliards de dollars en 2013) : le contournement du pays est au dire du secrétaire du Fonds pour la sécurité énergétique de Russie (( une question de principe » à réaliser d'ici quelques années.

Un blocage sélectif, ciblant les oblasts ukrainiens de l'Ouest est-il possible. Les six oblasts dont les exportations sont le plus orientées vers la CEI se trouvent aussi bien à l'est (Kharkov, 71,05 % ; Lougansk, 70,35 %), qu'au centre (Souma, 65,57 % ; Tchernigov, 61,65 %) ou qu'à l'ouest (Khmelnitsa, 53,66 % ; Vinnitsa, 52,93 %). Ceux dont les exportations sont le moins dirigées vers la CEI sont ceux de Transcarpathie (9,54 %) et Lviv (21,82 %), à l'Ouest, mais aussi d'Odessa (23,38 %) et Donetsk (25,9 %), en zone russophone (Donetsk exporte davantage vers l'UE (26,7 %) et l'Asie (36,12 %)1.

Moscou pourrait donc difficilement élaborer une stratégie de rétorsion commerciale (( régionalisée » : à l'Est comme à l'Ouest de l'Ukraine, des oblasts sont peu dépendants des exportations vers la CEI, d'autres le sont beaucoup. Même limitée aux nécessités stratégiques, la perte de marchés russes va provoquer des difficultés sociales en Ukraine. Les zones affectées, outre l'oblast de Lougansk déjà en rébellion, seront les centres

1 Bernard, J.-P., Gaspard, M. et Harral, C., op.cit., p.43

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d'industrie aérospatiale (Kiev, Kharkov, Dniepropetrovsk, Zaporojié), les façades portuaires (Odessa, Mikolaïev), les oblasts frontaliers très dépendants du marché russe pour leurs exportations (Kharkov, Souma, Tchernigov), toutes régions qui ne participent pas actuellement au mouvement dit « pro-russe »1.

On ne peut pas encore préjuger de l'intensité des mesures de rétorsion russes. Elle va dépendre de l'évolution des relations entre les deux capitales et aussi des négociations avec la CE qui a enfin convenu en septembre que l'accord d'association avec l'Ukraine concernait aussi la Russie et a reporté son application à décembre 2015.

La question de fond est de savoir si la Russie peut trouver intérêt à ménager un pays qui veut lui tourner le dos. Or on ne voit pas ce qu'elle aurait à perdre à ce que ce voisin soit en crise. D'autant que les relations entre les deux pays seront mauvaises de toute façon, ne serait-ce qu'en raison de la Crimée.

La rétraction des relations commerciales entre Russie et Ukraine, même réduite aux simples nécessités stratégiques russes, va aggraver la situation économique de cette dernière. Ceci conduit à une évidence : le coût du sauvetage de la Grèce n'a été qu'une « bagatelle », selon l'expression du commissaire européen Günther Oettinger, comparé aux besoins de l'Ukraine, qui nécessitera selon lui les efforts « de la CE, des États-Unis, du Canada, du FMI ». Il est d'ailleurs probable que tenir à bout de bras l'économie d'un pays de 45 millions d'habitants coupé de son hinterland naturel sera hors de portée de cette association, elle-même en situation économique précaire.

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