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Description des consequences des violations de coutumes luba-kasai et leurstherapies

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par Augustin MUBIAYI MAMBA
Université de Kinshasa - DIPLOME D'ETUDES SUPERIEURES (DES) EN PSYCHOLOGIE 2014
  

Disponible en mode multipage

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REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

UNIVERSITE DE KINSHASA

FACULTE DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L'EDUCATION

DEPARTEMENT DE PSYCHOLOGIE

DESCRIPTION DES CONSEQUENCES DES VIOLATIONS DE COUTUMES LUBA - KASAI ET LEURS THERAPIES

Par

Augustin MUBIAYI MAMBA

Assistant

Licencié en Psychologie Clinique

Mémoire présenté et défendu le 15 Septembre 2015 en vue de l'obtention du Diplôme d'Etudes Supérieures (D.E.S.) en Psychologie

Orientation : Psychologie Clinique.

Promoteur :

- Professeur Ignace NGUFULU BASULU

Copromoteurs :

- Professeur Timothée KAMANGA MBUYI

- Professeur Jean KANGA KALEMBA VITA

Jury

Professeur Gaston KAPUKU MUDIPANU, Président

Professeur Maurice TINGU NZOLAMESO, Secrétaire

Professeur Ignace NGUFULU BASULU, Membre

Professeur Timothée KAMANGA MBUYI, Membre

Professeur Jean KANGA KALEMBA VITA, Membre

TABLE DES MATIERES

TABLE DES MATIERES I

SOMMAIRE IV

LISTE DES ABREVIATIONS v

LISTE DES FIGURES vi

LISTE DES TABLEAUX vii

DEDICACE viii

AVANT-PROPOS ix

INTRODUCTION GENERALE 1

1. PROBLEMATIQUE 1

2. HYPOTHESES DE TRAVAIL 6

3. OBJECTIF DE L'ETUDE 6

4. IMPORTANCE ET INTERET DU SUJET 7

5. METHODOLOGIE ET TECHNIQUES DE RECHERCHE 7

6. POPULATION ET TERRAIN D'ETUDE. 9

7. DIVISION DU TRAVAIL 9

CHAPITRE PREMIER : PRESENTATION DU CADRE SOCIO-ETHNICO-PHYSIQUE DE RECHERCHE 11

I. 1. HISTORIQUE ET TRAITS DE PERSONNALITE DU PEUPLE LUBA 11

I.1.1. Historique 11

I.1.2. Traits de personnalité du peuple luba 12

I.2. ETHNONYMIE 14

I.3. PEUPLE 19

CHAPITRE DEUXIEME : COUTUMES DES BALUBA DU KASAI : CONSEQUENCES ET THERAPIES LIEES AUX VIOLATIONS. 23

II.0. Introduction 23

II.1.Les grands traits (les préceptes) de la culture luba ou les normes culturelles et leurs applications 24

II. 1.1. Culture Traditionnelle 24

II.1.1.1. Arts 24

II.1.1.2. Mariage 25

II.1.2.3. Naissance d'un Nouveau-né. 28

II.1.1.4. Mort 30

II.1.1.5. Spiritualité 32

II.1.2. Normes culturelles Luba et leurs applications 34

II.1.2.1. Inceste/Adultère. 36

II.1.2.2. Viol. 39

II.1.2.3. Parjures (nshiya, milau, mitshipu,) 40

II.1.2.4. Jalousie (mukau/mutshiaudi) 42

II.1.2.5. Fétiches 42

II.2. Conséquences de violations de coutumes luba 43

II.3. Thérapie et sens de la maladie chez les baluba 46

II.3.1. Définition 46

II.3.1.2. Sens de la maladie chez les baluba 47

II.3.1.3. Puissance de la parole 48

II.3.2. Description des thérapies en milieu social luba. 49

II.3.3. Thématique du nom chez les Baluba : sa signification et son effet psychologique. 50

II.3.4. Substances naturelles et minérales 56

II.3.5. Bêtes thérapeutes 58

II.3.6. Thérapeutes ou agents thérapeutes Luba. 59

II.4. Tableau synoptique des pratiques thérapeutiques luba 64

CHAPITRE TROISIEME : APPROCHE METHODOLOGIQUE 67

III.1. Population et échantillon d'étude 67

III.1.1. Population 67

III.1.2. Echantillon d'étude 67

III. 2. Méthodes et Techniques 68

III.2.1.Méthodes 68

III.2.2. Techniques de récolte des données 73

III.3. Difficultés rencontrées 75

CHAPITRE QUATRIEME : ETUDE DE CAS 76

IV. 1. Présentation de cas 77

IV. 1. 1. Aide aux mourants 77

IV.1.2. Résolution des frustrations/le défoulement 85

IV.1.3. Aide à l'accouchement 88

IV.1.4. Rite de réparation 92

IV.2. Evaluation globale des cas 95

IV.2.1. Aspects diagnostics 96

IV.2.2. Aspects thérapeutiques 98

IV.2.3. Fonctionnement du psychisme 99

CONCLUSION 101

BIBILOGRAPHIE 103

SOMMAIRE

TABLE DES MATIERES

LISTE DES ABREVIATIONS

LISTE DES FIGURES

LISTE DES TABLEAUX

I. INTRODUCTION

II. CHAPITRE PREMIER : PRESENTATION DU CADRE SOCIO-ETHNICO-PHYSIQUE DE LA RECHERCHE

III. CHAPITRE DEUXIEME : COUTUMES DES BALUBA DU KASAI : CONSEQUENCES ET THERAPIE DE LEURS VIOLATIONS

IV. CHAPITRE TROISIEME : APPROCHE METHODOLOGIQUE

V. CHAPITRE QUATRIEME : ETUDE DE CAS

VI. CONCLUSION

Bankambua kabafua kale malu akatuambilebu ajimina !

= Les ancêtres sont morts, il y a si peu et tout ce qu'ils nous ont appris est déjà oublié.

Proverbe luba.

LISTE DES ABREVIATIONS

Baluba-Kat.

: Baluba du Katanga

E.I.C.

: État Indépendant du Congo

Kg

: Kilogramme

O.M.S.

: Organisation Mondiale de la Santé

RC

: Recherche Clinique

RDC

: République Démocratique du Congo

OMS

: Organisation Mondiale de la Santé

 
 

LISTE DES FIGURES

 
 

Pages

Figure n° 1

: RDC. Province du Kasaï Occidental. Carte administrative.

22

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

LISTE DES TABLEAUX

 
 
 

Tableau n°1

: Tableau synoptique des pratiques thérapeutiques chez

le Baluba .........................................................64

 

Tableau n° 2

: Paramètres du dispositif et caractéristiques de l'observation...

73

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

DEDICACE

A toute la progéniture MUBIAYI MAMBA, afin qu'elle suive notre exemple de détermination et de perspicacité dans toutes leurs entreprises.

REMERCIEMENT

Arriver à ce stade de notre recherche en psychologie clinique requiert beaucoup de détermination, d'abnégation et de courage. Nous ne pouvions aboutir à cette fin sans le concours multiforme de certaines personnes qui nous sont très chères et pour qui nous devons notre profonde gratitude. De ce fait, cette page qui vient avant l'abord de notre étude, est consacrée aux remerciements et reconnaissance à tous ceux qui, de près ou de loin, par appui direct ou indirect, ont prêté leur main forte à la réalisation de cette oeuvre.

Nous pensons particulièrement de prime abord aux professeurs Ignace Ngufulu, Timothée Kamanga et Jean Kanga, qui, malgré leur emploi de temps très chargé et étant fortement sollicités, ont daigné accepter de nous encadrer. Leur apport caractérisé par des observations, des orientations tant sur le plan de fond que de forme, nous a donné une autre compréhension beaucoup plus claire de notre propre travail. Nous devons admettre qu'à leurs côtés nous étions dans une grande école. C'est pour cette raison que nous leur présentons de tout coeur nos sincères remerciements pour le travail abattu.

Dans le même ordre d'idées, nous reconnaissons humblement un autre apport remarquable de tous les professeurs de la Faculté de Psychologie et de Sciences de l'Education, surtout ceux qui se sont rendus disponibles pour nous assurer les séminaires devant nous donner accès au Diplôme d'Etudes Supérieures (D.E.S). Ces séminaires qui ont tous été axés sur la préparation des apprenants que nous étions à la recherche, quantitative et qualitative, à l'éducation et à la bonne prestation des travaux scientifiques de plus haut niveau. Ces séminaires ont davantage enrichi ce travail que nous présentons ce jour avec des innovations en ce qui concerne la culture et personnalité, le fonctionnement du système nerveux surtout avec l'apport des neurosciences, etc. A tous nos professeurs et dirigeants de la faculté, et particulièrement la Révérende soeur Docteur Florence MBIYA qui nous a accepté dans sa cellule scientifique, veuillez recevoir notre reconnaissance.

Nous ne pouvons oublier les encouragements et stimulations des familles des professeurs Yvon MWENGWE et Van TSHOMBE MULAMBA. Nous leurs témoignons notre profonde gratitude.

Nos remerciements vont aussi vers notre famille qui nous a encouragé et soutenu, en nous donnant la force nécessaire pour persévérer jusqu'au bout, nous pensons ici à tous nos enfants et leurs mères, nos frères, soeurs, cousins et cousines, nos neveux et nièces, nous citons Alphonsine-Anastasie, Kiara-Thérèse, Rebazar Gilbert, Donatien, Dieudonné, Kapi- Régine, Daki, Emmy, Maylice, Gael, Flory, Rhono, Mélanie, Mamie-Emérence, Marcel, Augustin-François, Michel, Martin, Edmond, Albert, Medhi, Divine, Emmanuel, Ida, Kaba, July, Vicky, Tshikumbi, Claudine, Belly, en Tshiluba on dit kubala umue nkudibala (même ceux qui ne sont pas cités se retrouvent à travers cette liste),

Nous ne pouvons oublier de présenter notre gratitude au Professeur Révérend Pasteur Paul Mpongo et aux Sieurs Kayembe Ali et Felly Tshibwabwa pour nous avoir appuyé avec une documentation en rapport avec la culture et traditions Luba du Kasaï. Qu'ils trouvent ici notre mot de remerciement.

Augustin MUBIAYI MAMBA

INTRODUCTION GENERALE

Ce travail est un recherche clinique en milieu culturel Luba du Kasaï. Il décrit la manière dont les baluba ou le peuple luba ciblé répare les violations des coutumes. Ces pratiques, nous interpellent au point de nous aider à expliquer et faciliter le processus thérapeutique.

La psychologie clinique s'insère dans une activité pratique visant la reconnaissance et la nomination de certains états, aptitudes, comportements, dans le but de proposer une thérapeutique (Fernandez & Pedinielli, 2006). Cela étant, toute recherche en psychologie clinique devrait avoir comme soubassement, les manières d'être et de réagir d'un être humain concret et complet aux prises avec une situation, pour ainsi paraphraser Lagache (1949), l'un des pères fondateurs de la Psychologie clinique. Par ailleurs, l'homme concret et complet ne peut être saisi que dans son habitat naturel et son milieu social. Ce qui nous conduit à comprendre la personnalité à travers une étude psychodynamique qui tient compte du développement individuel, sa socialisation, sa perception du monde, ses croyances acquises, ses convictions, bref sa culture.

Il est évident qu'en Afrique subsaharienne, il existe beaucoup de traditions et coutumes, et selon que l'on croit à l'appartenance à une société, on se voit obligé d'adopter une certaine attitude et afficher un comportement lié soit à la tradition, soit aux normes de son clan, de sa tribu ou de sa culture en général. Cette énergie culturelle qui se transmet de génération en génération s'intériorise et est à la base de manifestation, de déclenchement et du maintien de certaines situations pathologiques qu'il nous est parfois impossible de soulager si on n'a aucune notion de la culture du patient. Il y a également le fait d'acculturation à travers les migrations et différentes mutations de la population, et on arrive parfois à subir l'influence de la culture nouvelle dans laquelle l'on s'est accommodé. Le psychologue clinicien devrait se sentir intéressé par cette façon de faire.

Puisque tout être humain commence sa vie en étroite relation avec son milieu social, ce qui sous-entend, entre autres, la culture qui caractérise le milieu social avec ses différentes facettes dont la connaissance, les croyances, la morale, le droit, les coutumes, les valeurs, etc. ceci nous pousse à souligner l'importance de la psychologie culturelle et des théories interculturelles de la psychologie telles que développées par Troadec (2007), Segall, Dasen, Berry et Poortinga (1999, 2002).

En psychothérapie, l'intérêt est placé sur le rapport que le patient entretient avec sa condition de malade, la manière dont il participe au maintien ou à l'aggravation de sa situation, toutefois les conceptions culturelles peuvent fortement édifier et dans une certaine mesure faciliter le processus thérapeutique. L'on comprend dès lors l'importance de la culture dans la psychologie clinique. Cette vision permet d'intervenir dans les situations socioculturelles.

Dans l'espace culturel de la République Démocratique du Congo (RDC), il existe énormes ethnies parmi lesquelles l'ethnie Luba ou les Baluba qui semble avoir une grande envergure en Afrique centrale et environ. Cette expansion implique les interactions interculturelles avec ses corollaires d'inculturation d'une part et d'acculturation d'autre part. Mukendi wa Nsanga en préfaçant Tshibasu Mfuadi (2004) dit : « les us et coutumes des baluba sont évidemment plus intensément vécus sur leur territoire traditionnel, mais dans les régions non baluba de la République Démocratique du Congo, cette culture rayonne d'un éclat particulier : les valeurs baluba vont au-delà de simples racines culturelles d'une population pour constituer des valeurs sociales largement universelles. »

Notre expérience dans ces milieux nous fait dire que la conception de la vie (et de la mort), les rituels (de mariage, de naissances spéciales, de deuil, de résolution des problèmes, ...) sont d'une richesse inestimable.

Nous avons porté une attention particulière sur les conséquences de violations des préceptes de coutumes qui sont des vecteurs de plusieurs maladies et complications existentielles et surtout leurs thérapies, c'est-à-dire, la façon dont ces maladies ou ces problèmes sont traités chez cette peuplade luba du Kasaï.

Ce faisant, nous avons constaté qu'il existe plusieurs techniques de résolution des problèmes sociaux dans la culture luba qui intéresseraient la psychologie clinique et la psychothérapie à telle enseigne que ces pratiques peuvent contribuer à l'enrichissement de la science et du psychologue clinicien en particulier. Ces pratiques partent des problèmes individuels et familiaux aux problèmes du groupe en général.

1. PROBLEMATIQUE

Quand un chasseur, par exemple, n'arrive pas depuis un certain temps à attraper du gibier, un commerçant court de perte en perte, un couple qui s'est marié depuis plus d'une année sans avoir des enfants, des femmes qui éprouvent des difficultés à l'accouchement, des décès en chaînes dans la même famille, etc. , les baluba s'interrogent d'abord au niveau individuel et s'il n'y a pas une suite favorable, ils interrogent la famille et s'il n'y a pas de suite non plus on interroge les ancêtres (les Bankambua/banyinka ou les morts). Dans un cas ou un autre, il peut s'agir d'un mukiya (litige ou contentieux) né de l'inobservance d'un interdit (tshibindi) qui expose à une infraction sociale (tshibawu). A chacune des situations, il existe un rituel approprié et des personnes bien attitrées pour procéder à la résolution du problème. Ceci se fait selon les règles bien précises, parfois magico-religieuses. Ces problèmes nécessitent une réponse urgente et à une très courte durée. Et les pratiques utilisées sont de nature à trouver une solution si pas immédiate mais dans un délai très bref. Voilà pourquoi au cours de cette recherche, nous allons plus mettre l'accent sur ces pratiques thérapeutiques brèves comme le cas de l'aide aux mourants ou l'aide à la réanimation, l'aide à l'accouchement, l'aide aux personnes frustrées et le rite de reparation.

Ces pratiques procèdent par la parole, comme fondement de moyen thérapeutique, qui peut être parlée ou chantée, sous forme des proverbes, anecdotes, poésies, chansons, ou simplement à travers le nom que l'on porte. A la parole s'ajoute parfois certains ornements cérémoniaux pour donner toute l'importance à la scène. Les pratiquants se parent des poudres, caolins, de l'argile et autres garnitures susceptibles d'élever la conscience et amplifier la grandeur du rituel. Mais par-dessus tout, la parole reste et demeure l'élément primordial qui déclenche tout en dehors du rituel.

Nsane MBONGO (2003), Philosophe et sociologue camerounais, dans son Article  en Méthode de la lutte Constructive, dit : « La parole métaphysique africaine est une pensée spéculative méconnue, mais ayant une intelligibilité de dimension philosophique. Par ailleurs, elle met au jour une méthode de traitement des conflits dont l'intérêt est à étudier... » et dans sa conclusion, il dit : « ... on notera que le discours thérapeutique traditionnel fait passer aisément de la pensée ordinaire à la réflexion métaphysique des initiés, et que cette parole profonde fournit un système rationnel de traitement des crises... ».

La culture luba semble avoir une influence qui déborde les frontières de son espace géographique. Cette dimension devrait attirer l'attention de la psychologie clinique et c'est ce qui fait appel à l'ethnopsychopathologie, la psychopathologie interculturelle et l'anthropologie culturelle, qui permettent de comprendre parfois l'inefficacité de certaines de nos pratiques soignantes et d'en proposer celles qui semblent être les plus adaptées.

La question principale de cette recherche est celle de savoir si les pratiques thérapeutiques luba du Kasaï peuvent jouer le rôle des psychothérapies

Pour y parvenir, on se propose de répondre à ces questions subsidiaires:

- Quels sont les préceptes culturels chez les baluba du Kasaï et leurs conséquences ?

- Comment diagnostiquer les troubles de comportement ou les problèmes qui sont les conséquences de violations des préceptes de la culture ? En d'autres termes, y a-t-il moyen de détecter un comportement pathologique dans la culture luba ?

- Quelles sont les pratiques thérapeutiques génériques  chez les Baluba? Autrement dit, y a-t-il des pratiques susceptibles de réparer l'inobservance aux préceptes ?

- Ces pratiques peuvent-elles être considérées comme méthodes ou techniques psychothérapeutiques ?

- Enfin, Comment effectivement la parole qui est l'outil principal de l'entretien psychologique fonctionne dans la thérapie ? Autrement dit, comment fonctionne le psychisme pour déclencher le dénouement du problème. Ici, notre recherche nous amène à démontrer comment la parole, l'outil principal de l'entretien psychologique, fonctionne dans la thérapie.

2. OBJECTIF DE L'ETUDE

a. Objectif général

Ce travail vise à décrire les conséquences de violations des coutumes et la manière dont les baluba du Kasaï arrivent à les traiter afin d'en tirer les pratiques thérapeutiques que l'on peut appliquer en psychothérapie.

b. Objectifs spécifiques

- identifier les normes ou préceptes culturels luba Kasaï ;

- identifier les conséquences des violations de coutumes ;

- expliquer comment se fait la thérapie.

3. IMPORTANCE ET INTERET DU SUJET

L'intérêt de cette étude se trouve dans la recherche des techniques pratiques et efficaces dans la relation d'aide, dans le but de trouver le mieux-être de la personne en souffrance.

La relation d'aide étant une psychothérapie de courte durée, est plus ciblée que la psychothérapie longue qui s'inscrit dans une relecture plus ou moins complète de la vie, et Jacques Poujol dit : « La relation d'aide (thérapie courte) cherche à répondre aux divers besoins que vous pouvez rencontrer au cours de votre existence. Besoin de vous dire ou de poser une parole face à une souffrance, de vous comprendre ou de comprendre l'autre. Besoin de soutien dans une période difficile de votre vie, besoin d'améliorer votre qualité de vie relationnelle sur le plan personnel, familial ou professionnel. » 

Il s'agit d'une étude centrée sur des problèmes ou des problématiques qui semblent insurmontables et plongent l'individu dans la souffrance, la confusion, la tristesse ou la dépression comme : problèmes relationnels, familiaux, de couple, professionnels, liés à l'enfance ; estime de soi, confiance en soi ; communication problématique ; dépression ; stress ; deuil; maladie ; addiction [alcool, drogue...] ; etc. »

4. METHODOLOGIE ET TECHNIQUES DE RECHERCHE

Du point de vue méthodologique, nous disons que cette étude est basée sur des phénomènes sociaux et pour mener à bien notre recherche, nous allons utiliser la méthode clinique globalement (étude de cas), tout en nous appuyant sur l'approche descriptive, ethnographique pour l'exploration des faits, l'observation participante et les entretiens cliniques seront de mise pour conduire à une meilleure analyse et explication des phénomènes.

La technique d'observation participante nous est très favorable d'autant plus que nous travaillons sur un terrain où nous sommes natifs. Nous avons vécu les faits rapportés. Nous maitrisons le terrain et nous avons cette facilité d'accès à l'information.

Cette étude porte essentiellement sur les aspects culturels. De ce fait, il est impérieux d'évoquer de prime abord les théories psychologiques en rapport avec le développement affectif et cognitif de l'individu. Ceci fait appel aux théories de Dr S. Freud en rapport avec la psychanalyse entre autres le développement libidinal, qui va faire intervenir les instances de l'appareil psychique. La psychodynamique nous a semblé la théorie la mieux indiquée pour réveiller les pensées, les formations, les situations traumatiques enfuies dans l'inconscient du sujet et qui seraient à la base de blocages responsables des problèmes ou des symptômes que les sujets manifestent.

C'est ici le lieu de signaler l'importance de deuil psychologique. Le travail de deuil consiste principalement à désinvestir l'amour pour un objet perdu. Selon Freud (1994), la résistance à ce travail vient du fait que « l'homme n'abandonne pas volontiers une position libidinale, pas même lorsqu'un substitut lui fait déjà signe ». Il s'agit, pour le sujet concerné, de détacher toutes les connexions avec cet objet perdu. Freud compare le deuil à la mélancolie pour en dégager les différences : si, dans le deuil, le monde s'est appauvri, le mélancolique s'accuse de tous les maux en dévalorisant son moi.

Le travail de deuil consiste à réactiver les satisfactions narcissiques dues au fait de rester en vie pour accepter la réalité de la perte de l'objet. « On peut, peut-être, se représenter que ce dénouage s'effectue si lentement et à pas si comptés qu'à la fin du travail tout ce que celui-ci requiert en fait de dépense est même dilapidé ». Pour Isabelle Delisle (1987), le travail de deuil ne se réfère pas uniquement à un décès, mais à différentes pertes aux différents stades de la vie. En effet, la problématique « grandir-vieillir » est, dès le départ, une problématique de deuil. L'enfant doit se séparer de sa mère pour entrer à la garderie et ensuite faire son apprentissage scolaire. L'adolescent quittera la maison familiale pour faire son apprentissage d'adulte. Nous avons continuellement à prendre congé de quelqu'un ou de quelque chose, à quitter et à laisser partir...le travail de deuil se réfère à cette notion de solitude que Winnicott a développée dans la « capacité d'être seul ». Cette capacité s'élabore dès la petite enfance. C'est l'enracinement du sentiment qu'un bébé éprouve de pouvoir vivre avec lui-même, sans angoisse, seul, même en la présence d'autres personnes ; c'est l'expérience d'être seul, en tant que nourrisson et petit enfant en présence de la mère.

5. POPULATION ET TERRAIN D'ETUDE.

En ce qui concerne le terrain d'étude et la population, le territoire de Demba dans le Kasaï-Occidental a été notre terrain de prédilection et les pratiques thérapeutiques en réponse aux conséquences de violations des coutumes du peuple Luba au pluriel « Baluba », notre population d'étude d'où nous avons extrait 6 cas concrets pouvant mieux expliciter cette recherche.

6. DIVISION DU TRAVAIL

Ainsi, nous subdivisons cette recherche en quatre chapitres hormis l'introduction et la conclusion, dont le chapitre premier est intitulé : « Présentation du cadre socio-ethnico-physique de la recherche » ; il permettra de mieux cerner l'étendue de l'influence culturelle des pratiques thérapeutiques luba sur des populations environnantes et l'effet interculturel de la psychologie clinique. Le chapitre deuxième parle des «coutumes des Baluba du Kasaï : leurs conséquences et thérapies liées aux violations». Il sera basé sur la description des valeurs et préceptes culturels luba, sans pour autant être exhaustif et expose les thérapies luba en réponse aux conséquences de violations de ces coutumes. Le chapitre troisième est « l'approche méthodologique » devant conduire notre démarche à la présentation des résultats. Le chapitre quatrième qui est consacré à «  l'étude proprement-dite de cas », va cheminer vers les conclusions de notre recherche.

CHAPITRE PREMIER : PRESENTATION DU CADRE SOCIO-ETHNICO-PHYSIQUE DE RECHERCHE

Ce chapitre décrit le cadre de notre recherche et fournit les éléments pouvant faciliter l'intérêt et le choix d'analyser les pratiques thérapeutiques luba. Il donne une description de l'ethnie Luba ou les Baluba en général, et ceux du Kasaï occidental plus précisément de Demba, notre champ d'action, en particulier. Et, afin de permettre une meilleure compréhension de cette culture ainsi que la pertinence de notre choix, nous abordons ce chapitre en passant en revue les points saillants de cette culture à savoir : les traits de personnalité des baluba, les langues, l' ethnonymie, l' histoire, la population, les traits culturels ( arts, famille/mariage, croyances/spiritualité, mort, etc.).

Plusieurs auteurs ont écrit sur le groupement culturel luba, parmi lesquels Tshibasu Mfuadi (2004), Burton (1956), Colle (1913), Mabika Kalanda (1959), Flament (1943), Yezi (1968), Van Houtte (1976), Muteba Nzambi Mutshipula (1987). Les travaux de ces auteurs auxquels s'est ajoutée notre propre expérience sur terrain font le produit de la description de l'espace culturel luba que nous présentons dans ce chapitre.

1. 1. HISTORIQUE ET TRAITS DE PERSONNALITE DU PEUPLE LUBA

1.1.1. Historique

Les Luba sont un peuple bantou d' Afrique Centrale établi principalement en République Démocratique du Congo où ils constituent l'une des peuplades les plus nombreuses. Quelques communautés vivent aussi dans les pays voisins d' Afrique australe, en Zambie et en Angola. Ils sont connus au cours de l'histoire sous le royaume luba.

Le royaume luba trouve son origine dans la province du Katanga, au Sud-Est de la République Démocratique du Congo. La naissance du royaume vers le XVIème siècle se développe chez les Luba centraux où dominent les Luba Shankadi (Shankadi synonyme du mot swihili Sankaji qui signifie Tante) ; les Luba occidentaux - Luba Kasaï -. Selon la tradition orale, les Baluba seraient des chasseurs venus des régions et pays du Nord-Est du lac Kisale où ils se sont finalement installés. Le royaume Luba est le premier royaume dans le bassin du Congo vers les IIIème et IVème siècles de notre ère.

1.1.2. Traits de personnalité du peuple luba

Le peuple luba est caractérisé par son attachement à la famille et aux coutumes traditionnelles, son amour pour la vie, l'apparence, son acharnement pour un travail bien fait.

a. Sur le plan professionnel

Le peuple Luba est très visible. C'est parfois cet acharnement pour le travail bien fait et son souci d'apparence qui lui a valu parfois dans la capitale Kinshasa le surnom de « Demulu (muluba) vantard ». L'amour du travail est intériorisé par le proverbe « mudimu mbakisha shiya : le travail fait marier l'orphelin ou c'est du travail qu'on peut trouver de quoi fonder sa famille surtout quand on est orphelin ; et aussi une autre version du même proverbe est «  mudimu ke tatu : le travail c'est mon père. » Mais en même temps chez les baluba pour stimuler les jeunes gens au travail, on les prévient que Bilengele mbiase mu nkelende pour dire que les bonnes choses sont cachées dans les épines, alors il faut toujours fouiller jusqu'au bout. De là, le proverbe d'encouragement qui dit «  kalume kabo nkufisha bujitu, kalume kabu ki nkupangile mu njila » ce qui signifie un homme est celui qui parvient au bout et non celui qui échoue en cours de route ou encore « Kutshinyi mukuna bule kule kua mukuna ke kudi njila » qui veut dire ne te lasse pas de la hauteur de la montagne car c'est au sommet que se trouve la voie. Bref, il s'agit d'un trait de caractère qui stimule les baluba à aller toujours vers l'avant et à travailler sans relâche.

Il est bien vrai que certains hommes luba présentent une arrogance extrémiste surtout quand ils ont une bonne position financière et d'autres parfois traitent leurs épouses comme des choses qu'ils ont achetées. Mais ce caractère devient de plus en plus relatif selon les milieux.

b. Sur le plan coutumier

Quant au respect des coutumes traditionnelles, le peuple luba a beaucoup de respect pour les interdits depuis l'enfance. Il a appris tous les tabous et interdits familiaux. Il évite de tomber dans le Tshibindi (une faute grave, une infraction sociale contre les interdits ou les sacrilèges qui comportent les conséquences (ou litiges) appelées mikiya sur toute la famille et la progéniture) et en payer une forte sanction sociale qu'on appelle Tshibawu (un châtiment qui peut coûter les vies humaines). Encore une fois dans la capitale Kinshasa, les filles issues d'autres ethnies ont souvent peur de se marier aux baluba par peur de Tshibawu, qui signifie plutôt la culpabilité et ses conséquences sur le délinquant. Parmi les conséquences, il y a la malédiction qui peut entraîner la mort ou se perpétuer de génération en génération si la faute n'est pas réparée et/ou pardonnée. C'est à ce niveau qu'il faut aussi parler de Tshipapa (un poison magique) applicable à celui dont la vérité est mise en doute. On parle de kunua tshipapa (boire le tshipapa) ou kubinga tshipapa : survivre de tshipapa). Pour ce faire, le délinquant doit confesser sa faute et ensuite se soumettre à la sentence prononcée à son égard et aux rites de sa purification et sa réintégration dans la famille/société. Quand quelqu'un est reconnu "mwena tshibawu", tout le monde se dissocie de lui. Le "Tshibawu" va toujours de pair avec Tshibindi. Tshibawu a plus le sens de culpabilité tandis que "Tshibindi" a le sens de "malédiction" et ses conséquences.

c. Sur le plan sociabilité

Le peuple luba est un peuple hospitalier et vit dans une grande famille. D'ailleurs chez les baluba, il n'existe presque pas de famille nucléaire. Tout membre de la famille élargie est papa, maman, grand/petit frère ou grande/petite soeur. Les cousins/cousines et neveux/nièces sont quasiment inexistants.

Ce peuple adore les familles nombreuses. Et dans les villages, la polygamie n'est pas interdite, sauf ces jours avec la prolifération des églises évangéliques ou de réveil que les choses ne sont plus comme avant. Le planning familial était automatique et les grands parents avaient des principes quant au moment de s'approcher de sa femme.

1.2. ETHNONYMIE

Selon l'historique, on rencontre deux grandes variantes : les Luba du Kasaï et les Luba du Katanga, toutes les deux variantes étant issues de « Nsanga Lubangu », région située aux alentours du Lac Kisale et Upemba, dans la province du Katanga dont le nom fut changé, du temps de Mobutu à "Shaba" pour être rebaptisée "Katanga" par Laurent Désiré Kabila. Un groupe a émigré de cette localité pour aller dans la province du Kasaï. Ici, ils se sont encore séparés, une branche s'installa tout autour de la rivière Lubulanji pour donner les Baluba-Lubilanji, et l'autre branche est allée s'installer dans la région de la rivière Lulua pour donner la variante Baluba-Lulua.

La présente recherche s'est effectuée dans le cadre de l'espace de cette variante Lulua située dans le territoire de Demba, qui est au centre même de cette ethnie. C'est un territoire à vocation agricole, parsemé par plusieurs cours d'eaux dont les principaux sont Lulua, Lombelu, Muanzangoma, Lubudi, Tshibashi, Tshibungu, Katusenga. Il est connu sous la dénomination de « Demba `a Mutombo » et ou encore « Demba base », car vers les années 1960, ce territoire était parmi les grands théâtres de guerres fratricides Luba-Lulua et c'est justement dans ce terroir, plus précisément dans la localité du nom de Tshibumbula (exterminateur) actuellement Tshibambula, qu'il y a eu usage de la flèche magique appelée tshibola (qui signifie « pourri ou pourriture », est une flèche qui, une fois lancée pouvait tuer toute personne en contact avec elle ou avec toute personne touchée par elle). On a pensé que les effets néfastes de cette flèche magique pouvaient ressembler à l'épidémie de la fièvre hémorragique d'Ebola que nous connaissons ces jours.

Cette société Luba a connu un corps de différents métiers : les chasseurs, les pêcheurs, les ouvriers, les guerriers, les charpentiers, les agriculteurs, les éleveurs, les sculpteurs, les ouvriers du métal (cuivre), les bijoutiers (ornements ou colliers avec les pierres précieuses, couronnes royales en cuivre serties des diamants et de malachites) et les sages qui entouraient le Roi pour diriger le royaume, faire le juge, penser à l'amélioration des aliments et des conditions de vie, la prospérité du royaume.

De cette stratégie Luba, il est remarquable de constater que dans le bassin du Congo, toute oeuvre artistique notable, le peuple travailleur, structuré et à chaque fois capable d'amener des changements, se retrouve dans cette lignée. Ceci permet de comprendre l'influence de la civilisation Luba à travers le temps. Nous trouvons la trace des traditions luba en Angola, en Zambie, en Tanzanie jusque vers la Namibie.

Vint ensuite le Royaume Lunda au VIème siècle et le royaume Kongo au VIIème siècle.

Les songye sont les descendants du fils insoumis Songye à son père, le Roi du peuple originel vivant au bord du Lac Moéro en Zambie. Pour des raisons de sécurité et de pérennité, le Roi était chez les luba venu faire épouser son fils insoumis vers le VIème siècle. Ils sont originaires du lac Moéro en Zambie. Le mariage s'était fait sur base d'une alliance entre la royauté luba et celle du Roi Songye pour écarter ce fils insoumis qui voulait attenter à son père et mettre de l'ordre sur la succession du côté du Lac Moéro. Le Roi Songye, par ce mariage, avait atteint deux objectifs :

1° faire l'alliance avec un royaume prospère et fort afin d'éviter d'être tôt ou tard envahi et

2° protéger son peuple et bénéficier de la science infuse de ce peuple, Luba.

Pour corroborer l'histoire, le constat de voir combien le peuple songye, sans tradition finie, essaye de trouver les similitudes avec les traditions Luba. De fois, ils ont même la prétention de dire que les traditions Luba, sont songye. Les luba, après le mariage, ont donné un territoire au fils insoumis accompagné d'un corps de garde, du côté de Kabinda au Kasaï Oriental. C'est cette lignée qui donna naissance au peuple communément appelé Songye du Congo aujourd'hui.

Le commerce de l'esclavage régna avec Tippo-Tippo. Il venait du Nord en suivant la première route, le fleuve Nil, jusqu'à sa source au Nord du Congo dans les montagnes. Après avoir occupé le Nord du bassin du Congo, il se dirigea vers une deuxième route en suivant la côte de l'océan indien. Il arriva en Tanzanie, en poursuivant les esclaves dans toute cette région et l'ayant facilement occupée, il a commencé à remonter les rivières qui forment les sources du fleuve Congo. Il captura le Roi des Songye et fit esclave la population. Il commença la conquête du peuple luba et fit prisonnier les songye du Kasaï. Pour protéger sa population, le Roi des Songye Lumpungu conclut un accord pour trahir la couronne luba et permettre à Tippo-Tippo d'en faire des esclaves. Il y a eu plusieurs fronts dont celui de l'Est menés par Tippo-Tippo lui-même qui a vu reculer les luba en cédant une partie de l'actuel Katanga aux guerriers venus de la Tanzanie et de la Zambie. Les conquêtes de Tippo-Tippo se manifestent par la langue swahili et les pratiques barbares ou de velléité vis-à-vis de l'autorité.

Ayant rencontré des résistances au front de l'Est, Tippo-Tippo attaqua les luba en venant vers le Nord. Il fit prisonniers les songye et leur Roi Lumpungu. Il avait conclu un accord pour protéger son peuple et faire des luba des esclaves. Lumpungu fut pendu à l'arrivée des belges qui ont mis fin à l'esclavage de Tippo-Tippo après que ce dernier leur ait montré la route et le commerce de l'ivoire. L'oeuvre fut de Stanley et sauva ainsi les luba de l'extermination et de différentes guerres.

Leur berceau est le Katanga, plus précisément la région du lac Kisale. Les Baluba se sont répandus dans presque tout le nord-est du Katanga et le Sud du Kasaï, formant ainsi différentes ethnies et tribus. Le premier empire Luba fut fondé vers le XIIIème siècle par Nkongolo Mwamba. Le deuxième empire Luba est né d'une sécession entre la lignée de Luluabourg (Lulua), de Mbuji-Mayi (Luba).

Au XVIème siècle l'État qu'ils créèrent, était organisé en chefferies décentralisées qui s'étendait de la rivière Kasaï au lac Tanganyika. Les chefferies recouvrent un petit territoire sans véritable frontière qui regroupe tout au plus trois villages. Cependant les différentes chefferies sont liées par le commerce. Leur système politique et d'organisation influencèrent beaucoup des peuples qui habitaient tout autour d'eux, qui les adoptèrent.

Les figures marquantes de cette monarchie Luba sont les rois Kongolo, Kalala Ilunga ( XVIème siècle) et leurs successeurs Kasongo Nyembo et Kabongo.

Les Baluba se fractionnèrent souvent, donnant naissance à d'autres tribus dont certains devinrent des ethnies à part entière, telles les Baluba du Kasai, les Lundas, les Babemba, les Baholoholo, les Babwari, les Basanze, les Bavira, sans oublier les Bagoma, les Bajiji ainsi que les Bafipa dont une grande partie se trouve maintenant en Tanzanie, etc.

Ainsi le Mwant Yav, empereur Lunda est né d'un père luba, et Moïse Tshombe, un de ces descendants, est donc aussi d'origine luba. Au XIXème siècle, les BaLuba du Kasaï ne purent faire face aux assauts des Tchokwés, et Lélés; tandis que les Baluba du Katanga à ceux des Yékés.

En 1897, Léopold II a rayé les chefferies Luba de la carte et engloba leurs territoires dans son Etat Indépendant du Congo. Leurs territoires furent confiés à des compagnies concessionnaires dont La Compagnie du Kasaï et La compagnie du Katanga.

Auparavant les balubas vénéraient leurs ancêtres morts résidant au ciel et devant les protéger. Il y avait également des oracles (lubuku) avec des divinateurs (bilumbu). Au Kasaï, les prêtres flamands ont néanmoins transcrit et enseigné le Tshiluba dans les écoles à côté du français. Les baluba ne connaissaient pas la propriété privée, la notion de vendre un terrain est arrivé avec la colonisation.

1.3. PEUPLE

Une minorité de Baluba vit aussi dans l'Angola voisin, la colonisation européenne ayant séparé le même groupe ethnique. En République démocratique du Congo, les Luba sont la plus grande ethnie (20 % à 25 %) environ 6 000 000 dans le Kasaï-Occidental, 7 000 000 dans le Kasaï-Oriental, 5 millions dans le Katanga, 1 million dans le Maniema et au moins 2000 000 à Kinshasa ; ils sont très peu nombreux en Angola.

Toutefois la notion Baluba est difficile à cerner parce qu'en parlant des Baluba on fait allusion aux Baluba propres, c'est-à-dire le peuple luba d'origine, donc avant toutes les dislocations et migrations. Le plus important à retenir est le suivant :

- Les Baluba du Katanga (Baluba-Kat ou Baluba Centraux): ce sont les peuples du coeur du Buluba où est issu tous les autres peuples Luba et tous ceux qui leur sont reliés. Ils sont situés dans la région du Katanga en majorité, mais il y a quelques de leurs tribus établies dans le Kasaï Oriental dans le secteur de Baluba Shankadi et Baluba Lubangule. Leur langue est le Kiluba (luba-Kat, luba-Central). Ce sont les peuples fondateurs de l' empire luba dans la région du lac Kisale et du Bupemba. A coté de L' empire Luba il y avait d'autres chefferies Luba qui purent garder leur autonomie face à celui-ci, on peut citer les Bena-Kalunduwe, le royaume de Kinkondja, etc.

- Les Baluba du Kasai (Luba-Lulua, Luba-Kasaï, Bakasai, ou Baluba Occidentaux) sont les peuples établis dans les vallées des rivières: Lubilanshi, Lulua jusqu'à l'Est de la rivière Kasaï et au sud de la Sankuru. Ils situent leur origine à Nsanga Lubangu ou (Nsanga-a-Lubangu) quelque part au Katanga dans la Région du Lac Kisale et du Bupemba, ils ont émigrés au Kasaï dans leur emplacement actuel par vagues d'immigrations successives entre les 16ème et 19ème siècles, et c'est ce qui justifiait leur classification en tribus actuelles. On les trouve au Nord-Ouest des Baluba du Katanga dans la Région du Kasaï. Leur langue est le Tshiluba (Luba-Kasaï, Luba-lulua, Luba occidental) qui est différente du Kiluba parlée par les Baluba-Kat. Contrairement au Baluba du Katanga, les Baluba du Kasaï n'étaient pas organisés en royaume, leur système était celui des chefferies indépendantes les unes des autres avec comme instrument d'union la langue commune à eux tous le Tshiluba. Les chefferies étaient basées sur la notion de tribu qui regorgeait quelques clans en son sein. Quelques tribus Luba-Kasaï : Bakwa-Bowa, Bakwa-Dishi, Bakwa-Luntu, Bakwa-Ngoshi, Bakwa-Konji, Bajila-Kasanga, Bakwa-Mulumba, Bakwa-Kalonji, Bakwa-Beya, Bakwa-Biayi, Bena-Mpuka, Bakwa-Nyambi, Bakwa-Kasanzu, Basangana, Bakwalongo, bakwamulamba nkanga, etc.

- Les Baluba du Kasaï peuvent encore être regroupés en trois : Bakwa-Luntu et Bakwa-konji (Baluba du territoire de Dimbelenge dans le Kasaï Occidental) ; Bena-Lulua (Baluba du Kasaï occidental à l'exception du territoire de Dimbelenge) qui furent appelés Bapemba ou Bahemba car dans le tshiluba ancien le phonème p et h signifiait la même chose et on croit savoir que cela était dû à la provenance de Upemba ; Bena-Lubilanji (Baluba Lubilanji ou Baluba du Kasaï oriental) suivant leurs ascendances et vagues d'immigration. Du côté Lulua, Kalamba Mukenge tentera de monter une chefferie « Le royaume de Bashilange » englobant toutes les tribus et clans Lulua vers 1880-90 avec l'appui des premiers européens dans sa région, mais son autorité n'avait pas était reconnue et acceptée par tous. Mais néanmoins il avait réussi à passer comme le représentent de ce groupe Lulua auprès de l'autorité coloniale.

Après l'indépendance du Congo en 1960, Albert Kalonji fit sécession du Sud Kasaï et se proclama Mulopwe de Baluba (Bena-Lubilanji) qui dura jusqu'en 1962.

Ce deuxième groupe est formé surtout des balubalisés ou peuples qui ont reçu une forte influence des Baluba, et Bena-Malambo des ethnies qui situent leur origine chez les Baluba. Tous ces Baluba (1er et 2ème groupes) on les désignait sous le nom de Bana Ba Ilunga Mbidi (enfants de Ilunga Mbidi : qui est l'ancêtre commun le plus lointain à eux tous) ou Bana Ba Muluba, pour éviter la confusion avec le terme Baluba qui est plutôt restreint.

Afin de mieux localiser le cadre physique ou géographique de notre recherche, nous avons placé à la fin de ce chapitre la carte géographique qui représente la province du Kasaï occidental afin de mieux situé le territoire de Demba d'où nous avons puisé le plus d'informations culturelles contenues dans ce travail.

Ref : fr.weather.forecast.com /locations/Demba

CHAPITRE DEUXIEME : COUTUMES DES BALUBA DU KASAI : CONSEQUENCES ET THERAPIES LIEES AUX VIOLATIONS.

2.0. Introduction

Ce chapitre expose les coutumes luba du Kasaï, présente les conséquences auxquelles on s'expose, ainsi que les pratiques thérapeutiques telles qu'elles sont connues dans cette culture. Nous devons souligner à ce stade que beaucoup de choses sont actuellement négligées surtout dans les milieux urbains, mais cela ne dilue en rien l'efficacité de ces traditions. Aussi devrons-nous indiquer que ces pratiques sont innombrables et nous ne saurions les décrire toutes. Néanmoins, nous allons présenter les pratiques qui peuvent aider à comprendre la façon dont les baluba du Kasaï procèdent pour régler les problèmes que nous pouvons considérer comme pathologiques et susceptibles de corroborer les psychothérapies classiques. Les pratiques que nous évoquons dans ce travail tirent leurs sources de nos lectures de quelques documents écrits disponibles, des entretiens que nous avons eus avec les vieux du village et de notre propre expérience sur terrain où nous avons vécu durant toute notre enfance et adolescence.

Au cours de ce chapitre, nous allons présenter :

1. les grands traits de la culture luba

2. les normes culturelles et leurs applications ;

3. les conséquences (mikiya) des violations ou les sacrilèges (bibindi) liés aux normes et les sanctions sociales (tshibawu) qui en résultent ;

4. la thérapie et le sens de la maladie chez les baluba et enfin ;

5. le tableau synoptique de quelques préceptes de coutumes luba, leurs violations, les conséquences et les thérapies y afférentes.

Nous faisons cette recherche en ayant à l'esprit les recommandations de Dasen (1993, p.161) qui dit : « Pour le psychologue clinicien, il est important de se rendre compte qu'il y a dans différentes cultures, des conceptions différentes du normal et du pathologique, de la maladie et de la santé, du public et du privé, du laïque et du sacré ; ces conceptions sont en général cohérentes avec l'ensemble du système culturel, et vont de pair avec les coutumes et les conventions qu'il est bon de connaitre et de respecter si on veut assurer une communication interculturelle efficace ».

2.1. Les grands traits (les préceptes) de la culture luba

La coutume ou la culture luba établit des règles de la vie dans leur société, les valeurs socioculturelles et leurs croyances. Les valeurs ancestrales sont exprimées à travers les grands traits à savoir : les arts, le mariage/naissance, la mort et la spiritualité.

2.1.1. Arts

Les sculptures luba représentent souvent des femmes porteuses de coupe ou femme venant d'accoucher, par exemple -, ce qui reflète l'importance qui leur est accordée au sein de la société. Le prestige de l'empire luba explique aussi les nombreux objets exaltant sa puissance : sceptres porte-flèches, sabres, sièges à caryatides ou tambours de cérémonies. S'y ajoutent nombre d' amulettes, de vases et de masques (masque-heaume ou masque-cloche). Malgré l'hiératisme de certaines figures, les angles sont généralement adoucis, le bois est sombre et poli.

On ne peut parler de l'art luba sans mentionner le folklore. La culture luba est réputée pour son ingéniosité dans la musique et la danse. La chanson luba reconnu sous l'appellation de kasala/kalala nsambu qui signifie poésie a fait bouger toutes les sensibilités sonores que cela soit dans la musique populaire ou dans la musique chrétienne. La danse mutuashi fait trémousser tout le monde y compris les non luba même s'ils ne comprennent pas les paroles chantées. Il est arrivé que même dans la rumba congolaise, pour avoir du succès il faut y insérer un bout de phrase luba.

Tout muluba même dans un pays étranger, dès qu'il entend jouer une musique luba ressent de la nostalgie. De même, on dirait que la danse luba est dans le sang. Chaque enfant luba nait avec la danse mutuashi. Ceci démontre comment la culture luba se transmet de génération en génération, comme une énergie psychodynamique.

2.1.2. Mariage et naissance

a. Mariage

Le mariage (Dibaka) est un événement très important chez les baluba. Quand un jeune adolescent arrive à se construire une cabane, va à la chasse, les parents disent « Kakuasa lungenyi, kakusua kubaka », ce qui veut dire   il a de la sagesse et il veut se marier ». Aussi, on conseille au prétendant que « dibaka nkambele wasungula kadi kakole et dibaka nkasaka kambuile muena menji, kambuile kapumbe kitshikila », ce qui signifie le mariage comme l'arachide, il faut choisir celle qui est bien mûre et que le mariage est comme un panier qui peut être transporté par un homme intelligent, transporté par un faible cela peut tomber.

Katanga (1969) parlant de l'âge de l'initiation au mariage souligne : « le jeune homme n'est plus seulement un curieux. Il devient un sujet agissant. Ce n'est plus seulement ce qu'on lui raconte qui l'intéresse. Il sent qu'il est déjà suffisamment mûr pour fonder aussi un foyer, pour avoir aussi une femme et des enfants... En effet l'éducation d'un jeune luba n'est pas encore achevée. Même pendant le mariage, son éducation continue... c'est le chez-soi et un chez-soi stable et honorable qui confère au jeune le droit de faire partie de la société des adultes.

Quand des jeunes couples souhaitent se marier, le futur époux demande l'avis de ses parents qui lui remettent symboliquement une somme d'argent comme droit de la parole que la fille présentera à ses parents pour annoncer qu'il y a un garçon qui a porté le regard sur elle et une fois que les parents de la fille aient accepté la demande, le garçon se présentera avec sa famille, en délégation avec un proche (appelé tshibanji buku) pour la cérémonie de pré-dot, c'est-à-dire, une fois la cérémonie terminée, la poudre sera versée sur la fille qui devient alors propriété privée du garçon et la famille ne pourra plus prendre la dot de quelqu'un d'autre.

Signalons un trait important qui résulte de l'union conjugale, c'est le respect mutuel. Les deux conjoints se promettent de ne jamais affronter leurs parents, mais de les respecter. Les beaux parents sont sacrés.

Notons que de nos jours, beaucoup de familles ne respectent plus à la lettre les prescrits de la dot et même du mariage. Les jeunes se marient selon leur gré sans même faire un recours aux parents. Certains exagèrent, mais d'autres s'en tiennent à la tradition.

Puis, il doit amener de la boisson et la nourriture pour que les parents de la fille puissent manger et lui demander la dot. La famille de la mariée demande ensuite une dot comprenant :

· Des biens pour la mère (ou la tutrice) 

o un ou deux pagnes de premier choix ou son équivalent en argent,

o une chemise,

o une paire de chaussures,

o un mouchoir de tête,

o une grande casserole pouvant convenir une grande famille,

o une somme d'argent pour couture du pagne en un modèle Africain d'habillement du moment,

o une couverture de lit,

o un bidon d'huile de cuisine de 20 litres,

o un sac de sel de cuisine de 50 kg.

· Des biens pour le père (ou le tuteur

o un costume ou son équivalent en argent,

o une chemise,

o une paire de chaussures homme,

o une cravate,

o une somme d'argent en remplacement d'un bien traditionnel (comme une arme de chasse par exemple),

· Une somme d'argent suffisante pour financer :

o un poids éducationnel symbolique,

· les cérémonies des cuisines (cuisine pour le gendre).

· Pas de feu pour le garçon pour lui souhaiter la bienvenue dans la famille de la fille et lui permettre de manger tout ce qu'il trouvera dans la maison en tant que fils de la maison.

Autrefois, la conception du mariage pour les Luba était moins matérialiste qu'elle ne l'est aujourd'hui. Les futurs mariés étaient préparés à la vie conjugale et sur la gestion de leur famille retreinte.

Dans cette société, le fruit du mariage était d'abord la progéniture. Une femme qui n'arrivait pas à avoir des enfants une année après le mariage avait des comptes à rendre à la belle famille. Cela pouvait conduire soit au divorce, soit à la polygamie.

Somme toute, le mariage chez le peuple luba reste un lien sacré. L'infidélité de l'homme ou de la femme était sanctionné soit par le nsangu (c'est une scène par lequel l'homme qui a connu l'infidélité reconnait cela avant de voir son nouveau né) si c'est l'homme le coupable, soit par le lududu (kudula lududu, c'est ôter les habits, cela se fait pour une femme qui a reconnu d'avoir commis l'adultère, on doit lui ôter les habits en public et on crie sur elle afin d'annihiler l'infidélité) si c'est un cas d'adultère de la femme.

b. Naissance d'un Nouveau-né.

Chez les baluba, les enfants sont une richesse. Ne pas avoir des enfants est considéré chez les baluba comme une malédiction. A l'enterrement d'une personne qui n'a pas eu d'enfants (appelé nkumba pour une femme inféconde et mutungu pour un homme impuissant) on jette le charbon de bois dans la tombe comme pour dire qu'il parte avec sa malédiction. Et par contre une femme qui est restée longtemps sans concevoir, une fois qu'elle arrive à mettre au monde un enfant c'est la joie et l'on chante : «  nkumba kalelalela lelu wakukulela », ce veut dire la stérile est devenue féconde aujourd'hui.

L'enfant représente la continuité, le pouvoir et la progéniture et une anecdote dit : «  kabondo ka muana dipanda ; bakulela walela biebe = un palmier enfant d'un palmier, enfante comme tu as été enfanté aussi ». Mais toutefois, les baluba reconnaissent que les enfants sont un don de Dieu, donc nul ne peut s'en faire car la venue d'un enfant ne dépend que de Dieu seul. Et on dit ; « Kulela kakuena ku makanda, anu Nzambi wa kulu wa kuela lupemba = mettre au monde cela ne se force pas, seul Dieu peut donner un feu vert ». Ici le mot lupemba est une argile blanche que les femmes enceintes mangent souvent pour arrêter de vomir. Lupemba est une matière très utilisée dans la pratique thérapeutique luba. Elle signifie bénédiction ou feu vert. Nous allons donner amples détails dans le chapitre suivant sur l'usage de lupemba et tant d'autres produits.

Dans sa thèse de doctorat en psychologie, Kamanga Mbuyi Timothée (2001, p.130), dit ceci de la naissance d'un enfant ou de l'accouchement chez les baluba : « Evénement majeur de la vie familiale, l'accouchement est comme, les funérailles, l'occasion privilégiée où s'expriment les rapports d'alliance aussi bien que des tensions existant entre époux et les lignages qui se trouvent alliés par leur intermédiaire. C'est l'alliance et la continuité de la chaine de filiation qui fondent la vie sociale, mais comme l'épouse et future mère est l'agent de la mise au monde d'un membre du groupe, il n'est pas fortuit qu'elle soit tenue pour principale responsable des aléas de l'accouchement ;». Ceci démontre l'importance de l'accouchement ou de la naissance d'un nouveau-né dans une famille.

Signalons aussi qu'autant l'enfant a une grande valeur autant la femme enceinte est très respectée et protégée. Chez les baluba quand une femme est enceinte, surtout dans les cas des jeunes mariés, la belle mère vient rester avec sa bru jusqu'à l'accouchement. Quand une femme est enceinte on la considère comme quelqu'un qui est monté sur un arbre (mukaji udi kulu kule = la femme est en haut).

2.1.3. Mort

Les baluba considèrent la mort comme le grand chagrin qui puisse arriver dans la vie d'une famille. A l'issue d'un décès, les membres de la famille fondent tous en larmes et celui qui ne pleure ou ne coule des larmes est qualifié de sorcier ou soupçonné d'être à la base de la mort que l'on déplore.

Cette conception nous montre comment les baluba même s'ils reconnaissent que la mort existe et que ses causes peuvent être naturelles (maladie, accident, vieillesse, etc.), ils croient fermement à un bouc émissaire qui serait derrière tout décès, surtout celui qui survient au jeune âge. Il faut absolument rechercher les causes ailleurs. Ils croient que Dieu qui a donné la vie à tous ne peut en aucun cas tuer. D'où le proverbe « wa Mvidi kafuafua, ufuafua ngua muloji ne bampakamanga anyi bakina-bantu » pour dure que celui qui appartient à Dieu ne meurt pas, celui qui meurt appartient aux sorciers et les féticheurs ou les jaloux/envieux ». C'est ainsi que certaines personnes vont jusqu'à faire des fétiches pour les rendre invulnérables à toute mort des mains des hommes. Cette pratique défie les ancêtres et le pratiquant finit toujours par connaitre des conséquences fâcheuses, car ces fétiches ont des limites.

Voilà pourquoi le deuil apporte un grand chagrin dans les familles luba et il comporte plusieurs rituels. Le deuil est empreint des pleurs, fait des paroles susceptibles de toucher la sensibilité du coeur de l'assistance. Sauf pour les Chefs coutumiers, les pleurs sont prohibés et le deuil est parfois retardé et l'enterrement se fait en cachette.

Il est de coutume qu'après la mort d'un conjoint, le veuf ou la veuve est tenu de porter la charge mortuaire (lufuila). On croit que le défunt qui vient de mourir n'est pas parti, il s'attache à son conjoint vivant qui doit observer une longue période de quarantaine avec des habits sales (généralement de couleur noir) jusqu'au jour de la fin de cette procédure appelée mpidi. Le conjoint porte aussi en dessous une cache-culotte appelée Mukaya (Kukota mukaya/ kukuata lufuila = porte la charge mortuaire). La fin de cette procédure s'accompagne d'une grande fête au cours de laquelle le veuf ou la veuve va faire ou simuler les premiers rapports sexuels (Kudula mpidi qui signifie ôter la charge mortuaire) avec un membre de la famille du défunt, généralement le jeune frère et faire une sorte de défilé avec ses plusieurs nouveaux habits accumulé pendant toute la période de mpidi. Cette cérémonie est très importante dans la culture car elle constitue une purification et une bénédiction pour ouvrir la voix au veuf ou à la veuve de se remarier. Ici il existe une autre cérémonie spéciale pour l'héritage (bumpianyi), si la veuve doit être héritée par un des frères du défunt.

Une autre scène qui montre l'attachement aux parents décédés est la nourriture que l'on apporte aux morts. Généralement, c'est un poulet (nzolo wa bakishi) qu'on prépare et que l'on va déposer soit aux cimetières soit à la bifurcation des chemins. Si le lendemain on rentre trouver que la nourriture n'y est plus, alors on croit que les morts sont venus les consommer. Toutefois, le nzolo wa bakishi peut être préparé aussi dans les circonstances thérapeutiques où l'on évoque l'intervention des ancêtres ou des morts pour la réparation d'une grave faute ayant engendré des conséquences à travers la famille et même des générations (Mukiya).

Notons de nos jours, que la plupart de ces cérémonies sont de plus en plus négligées et même oubliées dans plusieurs milieux luba.

Par ailleurs le deuil chez les baluba suit pratiquement le processus du deuil psychologique tel qu'énoncé par Freud(1976) dans « Deuil et Mélancolie » et analysé par Isabelle Delisle (1987) dans « Survivre au deuil ». Ces auteurs par du deuil psychologique comme étant un processus intrapsychique consécutif à une perte d'un objet d'attachement ou d'un être cher.

2.1.4. Spiritualité

Le peuple luba croit en Dieu Créateur appelé Mvidi Mukulu connu également sous plusieurs d'autres noms Nzambi, Mulopo, Maweja, Kafukila Mwena bantu, etc. Les baluba reconnaissent que Mvidi Mukulu est le Dieu Suprême de qui proviennent toutes les puissances. On reconnait aussi que ce Dieu est Omnipotent, Omniscient et Omniprésent. C'est ainsi qu'on l'appelle, par exemple, Tshipapayi upapa ne mitshi ya muitu qui signifie le donneur qui donne même aux arbres de la foret, Lupensu mesu mu nsona monso mumba Lupensu yeye mumanye qui veut dire Lupensu (cancrelats) qui a des yeux partout même dans la chaume et tout ce que tu prétends dire lui le sait d'avance. Et tant d'autres noms pour exprimer la puissance de Dieu.

Mais aussi le peuple luba croit aux ancêtres (bankambua aussi appelés bakishi). Les baluba reconnaissent que ceux qui sont mort ne sont jamais partis loin. Ils sont proches pour leur venir en aide chaque fois que de besoin. A ce stade, signalons que les baluba croient également aux esprits qui ne sont pas des hommes qui ont vécus avec nous. On les considère comme des dieux ou des puissances surnaturelles capables de maintenir un individu en vie le plus longtemps possible et parfois même le détourner des pouvoirs des ancêtres. Pour différencier ces esprits des ancêtres morts en tshiluba on parle de mukishi au singulier et mikishi au pluriel donc du rang Mu-MI des choses ou des abstraits, tandis que pour les ancêtres mort on des mukishi au singulier et bakishi au pluriel donc du rang Mu-BA des hommes.

A chaque enterrement, par exemple, les baluba essaient de parler au mort (kumuela lusanzu qui signifie faire une invocation ou une communication spéciale), lui demandant de faire voir (découvrir, démontrer) lui-même l'origine de sa mort par des actions concrètes, notamment en frappant mortellement ceux qui l'on précipité dans la tombe.

Cette société maintient le rapport avec les esprits et les morts et utilise les mediums (bena mikendi) ou les devins (bena mbuku) ou des divinatrices (bilumbu ou mua mulopo). Nous allons entrer en profondeur de ces pratiques qui sont classées parmi les pratiques thérapeutiques luba au 2.3 de ce chapitre qui expliquent les therapies.

Le peuple luba croit également au pouvoir magique ou fétichiste. Il utilise le fétiche pour se protéger contre les esprits maléfiques, mais également pour obtenir de la guérison spirituelle. Il est vrai qu'avec la venue du christianisme beaucoup de baluba ont abandonné leurs fétiches bon ou mauvais. Les fétiches bons sont ceux qui contribuent à la protection, à la guérison tandis que les fétiches mauvais sont ceux qui concourt à la domination des autres, à sacrifier les autres, bref à la destruction. Il y a de fétiches comme des plantes guérisseuses et d'autres comme amulettes de protections. Les baluba croient que les féticheurs ont un pouvoir et une grande capacité de nuisance. C'est comme la foudre (nkuba/kansonda), il s'agit de fétiche que l'on utilise pour réprimer les malfaiteurs. La foudre est souvent associée à la pluie.

Mais il s'agit dans la plupart des cas d'une pluie torrentielle de courte durée et pleine de tonnerres. Cette pluie s'arrête juste après que la foudre a atteint l'objectif. Mais dans le cas de kansonda, on n'a pas besoin de la pluie pour agir.

2.2. Les normes culturelles Luba et leurs applications

Au premier chapitre, nous avons effleuré que le peuple luba est très attaché aux coutumes et à la famille. Ces coutumes regorgent beaucoup d'interdits et/ou sacrilèges. Ceci constitue un code de bonne conduite culturelle et morale. La violation, la transgression ou la non observance de ces normes coutumières est passible des pénalités sociales (Tshibawu). Nous allons décrire les faits saillants de cette société conduisant à des sanctions culturelles qui peuvent se manifester sous forme de maladies psychosomatiques. Tous ces faits lorsqu'ils sont commis au sein d'une même famille, se regroupent autour d'un terme générique « Tshibindi ». Les faits sociaux rapportés ci-après, en rapport avec le tshibindi ont connu l'apport précieux de Benjamin Ngulungu Tshinyenye (1990).

Comme nous l'avons souligné, la culture luba s'articule autour de la famille, du clan, de la tribu, jusqu'à atteindre l'ethnie. Les prescriptions orales qui passent de bouche à oreille, de père en fils et de mère en fille relève de la discipline et le respect de la hiérarchie et d'autrui. Les sanctions qui surviennent de l'indiscipline ou le non respect relèvent de la désobéissance à Dieu et aux ancêtres ou aux anciens qui les représentent parmi les vivants.

La tradition ou la coutume établit les règles pour une vie harmonieuse entre les gens de même lignage, de même échelon ou de même alliance. Ces règles s'articulent autour des totems et tabous.

Il s'agit des normes que les ancêtres ont imposées afin d'avoir une vie harmonieuse et une conduite irréprochable au sein de la famille stable.

Notons que face à toutes ces situations d'impasse, l'agent causal de toutes ces sanctions, tel que Fartunat Mukendi (2003) le répète, n'est pas à rechercher de façon médicale, tant et si bien qu'il ne s'agit pas de ce qu'un médecin légiste peut repérer. Les membres de la famille s'en rendent seulement compte après introspection, si un devin ou vieil homme vient le leur révéler. C'est là que le psychologue clinicien trouve sa place de choix dans l'intervention au sein de notre société.

Les parents sont considérés chez les baluba comme des dieux sur terre. On leur doit respect et obéissance à tous égards. On ne peut pas découvrir la nudité des parents, ni avoir les relations intimes (sexualité) avec son père ou sa mère. On ne doit pas injurier les parents, leur parler avec grossièreté ni arrogance. Pour traduire le fait que les parents ou les anciens les plus sages et que l'on doit rester à leur écoute, un proverbe luba « makaya kaatu atamba nshingu, muana mulela katu watamba shandi » ce qui signifie « les épaules ne dépassent jamais le niveau du coup comme un enfant ne peut dépasser son père ». Bref, les enfants ne doivent en aucun cas défier les parents.

Il découle de ce respect et de cette discipline que toute indiscipline ou toute désobéissance signifie une violation aux préceptes coutumiers et sont passibles des sanctions sévères allant des troubles de comportement mineur à la mort, en passant par plusieurs formes de malédictions (milau ou mitshipu) qui peuvent aussi se manifester par des maladies somatiques, psychiques ou la combinaison de deux à la fois. Si les conséquences de ces violations ne sont pas diagnostiquées rapidement, il y a risque que cela se répande à travers plusieurs générations et on parle de mukiya (ou mikiya au pluriel) qui veut dire qu'il y a contentieux.

Le respect des parents s'étend également à tous ceux qui ont leur rang soit par alliance (comme les beaux-parents), soit par leur âge (ceci inclut les vieillards ou les personnes de troisième âge).

La coutume luba réglemente les relations entre les enfants ou les personnes ayant des liens de consanguinité. Il est formellement interdit aux enfants de même famille de se marier, d'avoir des rapports intimes (sexualité) entre eux, de partager les mêmes conjoints, d'avoir des querelles qui vont jusqu'à faire des parjures (nshiya).

Nous allons décrire quelques concepts saillants de la tradition luba ayant des conséquences génériques.

2.2.1. Inceste/Adultère.

La société traditionnelle Luba règlemente la vie de famille et de couple comme suit :

· dans un foyer, une femme mariée ne peut ni coucher avec un autre homme en dehors de son mari ni recevoir des cadeaux d'un ex-fiancé/amant. Elle ne peut en aucune façon exposer sa nudité devant les membres de sa belle famille. Il s'agit d'un problème de conscience et les conséquences sont multiples. Cet acte peut conduire à la mort de la femme lors d'accouchement, il peut bloquer l'accouchement, il peut conduire à l'infécondité de la femme, cela peut entrainer la mort du mari ou des enfants. Dans d'autres cas, la femme peut arriver à mettre au monde un bébé monstrueux.

· L'homme ne devrait pas coucher avec une autre femme sur son lit conjugal, que son épouse soit présente ou absente. Cet acte est préjudiciable à tout son foyer, c'est-à-dire il peut causer la mort de son épouse ou de ses enfants qu'il aura à engendrer de ce lit souillé avec une autre femme. Le lit conjugal est considéré comme sacré.

· Par respect des liens familiaux, l'homme ne devrait pas avoir des rapports intimes avec sa belle soeur et vice versa. Signalons ici que ceci n'est pas à confondre avec l'héritage ou le rite d'héritage (bumpianyi) qui est un acte réglementé avec des conditions d'application bien précises et qui intervient après la mort d'un des conjoints. Et même en matière d'héritage, il est impérieux de suivre les règles d'usage afin d'éviter les litiges (mikiya).

· La femme ne devrait en aucune circonstance frapper son mari. C'est un sacrilège. Une femme qui se donne à une telle pratique est exposée à des sanctions sociales de la part de membres de sa belle famille. Ceci en vertu du principe que l'homme est le chef de la famille. La femme, quelle que soit sa grande taille par rapport à son mari, lui doit obéissance et soumission. Il y a un proverbe qui dit à ce propos que « kalume kabaka mukaji » ce qui se traduit par « un homme si petit de taille soit-il épouse une femme », et non le contraire.

· La désertion du toit conjugal par une femme mariée, à l'issue d'une dispute, est une contravention aux coutumes si celle-ci est allée se refugier en dehors de la famille de son mari. Il est à noter que plusieurs considérations sont mises en jeu. Peut- être elle peut avoir eu des visites de ses ex-fiancés ou prétendants, elle peut s'exposer à des nouveaux prétendants etc. Alors si après conseils de ses parents, elle décide de regagner son foyer, le conseil familial devrait se réunir pour examiner le cas. Et dans l'entretemps, le soir, c'est tout le quartier que va crier sur elle en disant «  wakupanga mbuji » ce qui veut dire elle a manqué la chèvre, car pour réparer elle devrait payer des amendes auprès des ses belles soeurs qui varient entre l'argent et la chèvre selon le cas et lors de la cérémonie publique on chante «  X wakaya kuabo kabamulonda, x wakalua muele mabele mulu » ce qui signifie «  X était partie chez elle et on ne l'a jamais suivie, X est revenue seule avec ses seins en l'air. »

· Les parents devraient respecter leur lignage par rapport aux enfants. Un père ne devrait jamais avoir des relations intimes avec une fille du rang de ses enfants, de même pour la mère, c'est une perversion et une faute grave. Ceci s'applique aussi aux enfants entre eux. Agir ainsi, c'est briser le lien de sang. C'est incestueux. Les conséquences sont mortelles. C'est pourquoi on conseille aux enfants majeurs de ne pas jouer avec leurs mères et leurs soeurs surtout les jeux de mains. Un proverbe dit : « seketela wakabaka nyinandi » cela veut dire : « Seketela a fini par coucher avec sa mère. »

· Comme nous venions de le dire plus haut, la chambre des parents est sacrée. Les enfants ne devraient coucher avec leurs femmes dans les chambres des parents.

· Deux frères devraient éviter de sortir avec une même femme. La femme est réservée à un seul homme. Donc deux frères ne peuvent en aucun cas partager le lit avec une même femme. C'est comme se lier au même destin. Un proverbe luba dit : «  mukaji nkaseba ka kabunji, batu bakasomba kudi muntu umue » ce qui veut dire « la femme est comme une peau de renard, seul un homme convient de s'y asseoir. »

· Les parents sont considérés comme des représentants de Dieu Créateur sur terre. Les enfants leur doivent du respect tout azimut. Le manque de respect aux personnes du rang des parents est un sacrilège et sanctionné par la tradition luba. De ce fait, un enfant ne peut se permettre de frapper ni injurier un parent. Ceci apporte une malédiction.

· Le comportement sexuel indiscipliné des parents peuvent avoir une incidence pathologique sur le couple et sur les enfants. A ce propos, Fortunat Mukendi (2003, 91) dit : « Si l'adultère est sanctionné par des peines allant des amendes aux humiliations, voire même la mort en passant par le divorce chez les baluba du Kasaï, la non observance de certains codes de conduite communautaire entraine des malaises physiques soit chez l'enfant, soit chez la mère, soit encore chez son père. La guérison de ces malaises requiert des cérémonies appropriées ». On parle alors de nsanga. Nsanga est à la fois la conséquence de l'indiscipline sexuelle du père ou de la mère et aussi la pratique ou la technique thérapeutique employée pour guérir de ces conséquences. Le diagnostic chez l'enfant se manifeste par soit le refus du bébé de sortir du ventre de sa mère (blocage de l'accouchement), soit l'enfant naît mais n'augmente pas du poids, soit l'enfant tarde à marcher, soit l'enfant fait une forte diarrhée et un certain étourdissement.

2.2.2. Viol.

La culture Luba réprime le viol, surtout celui sur mineur. Quand une jeune fille a été violée, le fauteur doit payer des amendes considérables à la famille de la fille. C'est tout le village qui est mis au courant de cet acte ignominieux et on crie sur la fille surtout si celle-ci vient de perdre sa virginité. On parle souvent d'abus de la fille (kunyanga muana wa bakaji) mais aussi on dit qu'elle vient de connaitre le sixième commandement (diyi disambombo), ici l'on fait référence au sixième commandement biblique qui dit « tu ne commettras point d'adultère ». Cette scène affecte négativement le psychisme de la fille et ses conséquences sont l'isolement, le rejet des hommes, le refus de se marier, l'infécondité, etc.

Il y a dans la société luba des cas de viol par défi. Cela arrive souvent aux filles qui se croient plus belles du village ou de la contrée et qui défient tous les garçons. Les garçons complotent souvent pour les trouver sur le chemin de la rivière ou dans un coin reculé pour les violer. D'autres jeunes gens promettent aux filles qu'elles vont être violées. Et une expression vulgaire dans ces milieux dit : lekela kumpotela, panakupeta ku kasuku ka kulayi numona munakuenza = cesse de m'importuner, si je t'attrape aux brouissons du coté des rails tu verras ce que je ferai de toi ».

2.2.3. Parjures (nshiya, milau, mitshipu,)

La parole prononcée a une force extraordinaire. Chez les baluba, on conseille toujours de contrôler sa langue, car la langue peut tuer ou provoquer la mort. C'est ainsi qu'en cas des querelles entre frères/soeurs, les ancêtres luba disaient : « matandu nkumoyo kuenda, tshinji ntdhilunguishi » qui signifie « on peut bien se quereller, mais pas garder la haine » ; Ceci pour demander aux frères/soeurs qui se disputent de banaliser et se réconcilier vite et non garder la rancoeur. Puisque sous l'effet de la colère, on peut prononcer des paroles méchantes pouvant provoquer les litiges sociaux (mikiya), on peut être amené à prononcer des parjures qui auront des conséquences dans le futur. Ces paroles peuvent être du genre, « désormais toi et moi on ne mangera jamais ensemble », ou « qu'on ne se verra que dans la tombe » et en tshiluba il y a des expressions semblables telles que « bua kudia nebe nku ngulube », ou encore « kuetu nebe nku bajangi ». Ces paroles créent une séparation entre frères/soeurs et c'est ce qu'on appelée nshiya. Ses répercutions sont lointaines, parfois dans les générations futures quand les promoteurs de ce précédent sont déjà morts et les victimes sont parfois des innocents comme pour paraphraser Jean de la Fontaine dans le loup et l'agneau où le loup dit que si ce n'est pas toi qui a troublé mon breuvage, c'est donc toi ou quelqu'un des tiens.

Pour prévenir cette situation malheureuse et fatale, il y a un proverbe qui dit : « nsamba utu wibaka padi tshitata, muena mupongo utu ulowa padi diyoyo = nsamba (une sorte de souris) construit dans les marais, le sorcier jette le sort là où il y a des querelles », ou encore, « tupalowela tshinyi, kapayi matandu, kapayi nshiya = pourquoi doit- on y ensorceler, car il n'y a ni querelles ni conflits. » Il y a également d'autres variantes de ces mêmes conseils en guise de leçons à tirer : « talala ngudi tulu/ walala ne nzala kuladi ne muanda =  le calme favorise le sommeil, dors affamé, mais ne dors pas avec des problèmes ».

En ce qui concerne le mulawu (au pluriel Milawu) ou mutshipu (pluriel mitshipu) il s'agit d'une parole chargée de malédiction. Elle est prononcée par une personne qui a le pouvoir sur l'autre. Cette personne peut être un parent ou un chef. La parole de mulawu ou mutshipu est accompagnée d'une scène comme par exemple, une maman qui veut maudire son enfant qui lui a manqué du respect peut dire « wewe, anu meme tshiyi mukunuishe mabele anyi aa, neumone... = toi, sauf si tu n'as pas tété mes seins ici, tu verras... », la mère prononce ses paroles en tenant ou en secouant ses seins. Cet acte va à tout prix avoir des répercutions graves sur ce délinquant s'il ne se ressaisit pas et ne vient s'agenouiller devant sa mère. Il arrive que l'on oublie ces genres de disputes et c'est seulement plus tard quand il y a des effets néfastes que l'on arrive à diagnostiquer qu'il existe des précédents entre cet enfant et sa mère ou son père.

2.2.4. Jalousie (mukau/mutshiaudi)

Dans la culture luba, certaines personnes peuvent jeter un mauvais sort aux enfants ou à un frère, juste par jalousie. Cela survient quand deux frères ont des enfants, ceux de l'un des frères prospèrent (étudient normalement, trouvent du travail et aident leurs parents), celui dont les enfants sont fainéants qualifie son frère ou son voisin de « wa diese » pour « le béni », mais cette parole est péjorative. Elle cache l'intention de vouloir nuire. C'est ainsi qu'on dit « ka diese ka muabi, ka kafua nansha =  le béni qui peut même mourir ». Cette jalousie amène les frères à user soit des fétiches, soit de la sorcellerie pour jeter les mauvais sorts sur les autres et voir l'autre frère souffrir aussi. Signalons ici parlant de la sorcellerie et des fétiches que ces pouvoirs magiques ou mystérieux peuvent être utilisés négativement ou positivement. Dans le cas des Chefs coutumiers, par exemple, ils sont dotés d'un pouvoir de guérison ou de protection de tout le village ou de toute l'entité sous leur responsabilité (mupongo wa kulama nawu bantu). Leur sorcellerie ou leur fétiche concourent au bien être de leur population. Ce qui est différent de ce pouvoir de destruction dont disposent certains membres de famille au détriment de leurs frères.

2.2.5. Fétiches

Martin Kalulambi Pongo (1997, P.85), dit que dans tous les pays des Noirs, existent des fétiches, des mânes, de la divination (...) ceux qui les pratiquent disent : c'est mieux que je munisse d'un fétiche pour être fort, pour protéger ma maison, afin que je n'aie pas de maladie, que je ne meurs pas, que je vive éternellement ici-bas... Mais selon Tshibasu Mfuadi (2004, pp 218-219), on peut traduire buanga ou manga par médicaments ou fétiches suivant que le contexte de son utilisateur. Buanga est un médicament quand il est utilisé pour mettre fin à une ou plusieurs maladies. C'est un fétiche quand il est destiné à atteindre un objectif bénéfique ou maléfique pour son possesseur. Par ailleurs, notons que le traitement de certaines maladies nécessite l'intervention de quelques fétiches ; il s'agit surtout des maladies dont l'origine est supposée surnaturelle. Il est important dans ce cas de trouver une force capable de neutraliser la force vectrice de la maladie. Ce genre des fétiches et tant d'autres destinés à faire du bien, à rendre des services aux autres, sont tolérés par la société baluba qui rejette des fétiches, sources des malheurs, capables de mettre fin à la vie des autres ou de jeter sur eux un mauvais sort.

2.3. Les conséquences de violations de coutumes luba

Les violations des coutumes chez les baluba ont des conséquences graves selon le degré de parenté et de l'acte posé. Disons que ces conséquences sont liées soit à la violation directe des normes culturelles ou coutumières, soit à la soustraction ou l'usurpation des celles-ci en brisant l'alliance avec les ancêtres et en se frayant son propre chemin.

Parlant de la transgression des coutumes, Fortunat Mukendi (2003) dit, par exemple, ceci à propos de mariage : «  la transgression portant sur des échanges des tributs en matières de dot ou le non respect de la filière normale dans les offrandes de dot est lourd de conséquences (mukiya) dans toute famille Luba-Kasaï où la ramification est fonction des mariages d'émanation masculine ou patrilinéaire. Dans certains cas, ajoute-t-il, on est arrivé à la stérilité des femmes dont la dot n'a pas suivi le circuit normal. Dans d'autres cas, c'est la mort tout simplement qui emporte le fautif, surtout si sa contravention était perpétrée délibérément par esprit de cupidité. Les autres cas de malheurs tels que les maladies, le chômage ou la faillite chronique des entreprises tirent leur origine, très souvent, de l'indiscipline en matière d'affectation de dot.»

Les conséquences de violations de coutumes chez les baluba sont caractérisées par la sanction sociale appelée Tshibawu. Le tshibawu qui est le prix à payer par le délinquent ou le fautif doit être diagnostiqué afin que l'on pense à la réparation ou à la thérapie appropriée. Signalons que les signes cliniques de ces conséquences sont parfois très difficiles à dénicher et il faut recourir aux personnes ayant un pouvoir spécial pour arriver à découvrir que telle maladie ou telle situation observée est due à un précédent coutumier ou qu'il existe une violation de coutume quelque part.

Les gales sur la peau, la succession de mort dans une famille, la maladie d'origine inconnue sur le plan médical, l'épilepsie, la complication d'un accouchement, l'adversité dans les affaires, l'infécondité, l'impuissance sexuelle, certaines névroses ou psychoses, les malformations congénitales chez les nourrissons, etc., sont autant des pathologies qui peuvent être d'origine coutumière et partant des conséquences de violations de coutumes.

Une même violation de coutumes peut se manifester à travers différentes maladies ou conséquences selon l'équation individuelle de chacun et leur résolution peut aussi être une pratique unique pour différents type de problème.

Dans les milieux traditionnels luba, il y a des personnes initiées pour détecter les pathologies, les événements anormaux et les comportements liés aux violations des coutumes et moeurs. On compte dans cet ordre, les chefs des villages, les devins, les mediums, les guérisseurs traditionnels et les vieux sages. Mais les victimes comme les fautifs peuvent aussi réaliser après avoir rencontré beaucoup de problèmes ou souffrances que quelque chose serait à la base de leurs difficultés. C'est à ce moment là que l'on recourt soit au conseil familial, soit à la consultation des spécialistes ci-haut cités.

Le diagnostic devrait tenir compte de la conception de la santé chez les Baluba. Comme tous les Bantous, les baluba répondent à la définition de la sante comme « l'harmonie entre le bien-être physique, mental, social, familial, moral, religieux et même culturel » (Ondura, 1974).

Le diagnostic chez les baluba vient intervenir, parfois et même dans la plupart des cas quand on déplore déjà les morts. Au lieu de diagnostic, c'est plutôt le dépistage pour retracer l'origine de la catastrophe ou de litiges qui ravagent la famille. Mais l'avantage de ce diagnostic, c'est d'arrêter l'opprobre et protéger la progéniture contre la malédiction.

Les vieux sages, les chamans ou les devins sont rodés dans cette matière et se rabattent toujours sur la sagesse ancestrale qui est coulée sous forme d'anecdotes comme, par exemple : « lueni kalutu lununka kaluyi lulenga » ce qui peut se traduire par « la menthe ne peut sentir si elle n'est pas touché » ou encore « tua nyoko katutu tulua bebe =  l'insulte ...de ta mère ne vient jamais sans raison ». Ces expressions sont l'équivalent de « il n'y a pas de fumée sans feu ». Mais, il y a une autre expression qui lie la cause à effet  « wadia kala wafua kala ou diudiadia tshula kendiudi umena mpusu » qui signifie « tu manges aujourd'hui et tu meurs longtemps plus tard ou ce n'est pas le jour que tu manges le crapaud que tu pousses la galle ».

Fort de cette expérience, les anciens peuvent faire une sorte de psychodynamique pour lier les faits et trouver le noeud du problème afin d'amorcer la thérapie appropriée.

2.4. La thérapie et le sens de la maladie chez les baluba

2.4.1. Notion

De façon vulgaire, le terme thérapie signifie : traitement d'une maladie. Mais du point de vue étymologique de l'ancien grec, thérapie vient de therpeia qui signifie cure dérivé du verbe therapevo qui veut dire servir, prendre soin de, et par extension, soigner, traiter.

Ainsi en médecine, le terme est utilisé pour le traitement en vue de guérir une personne malade. Le champ thérapeutique devient très large et on parle d'aimantthérapie, d'auriculothérapie, de bioénergie, de magnétothérapie, de catharsis, de chromothérapie, de guérison spirituelle, de clairvoyance, d'emplâtres, de médiumnité, d'héliothérapie, d'hypnothérapie l'ethnothérapie, etc.

Mais en psychologie, plus précisément en méthode curative, la thérapie est définie comme un moyen de parvenir , de traiter, de soigner ou de soulager une maladie par une communication verbale ou non vernale et la maladie prise au sens médical comme de tout désordre comportemental (Classification Internationale de la maladie). A ce propos ; l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) dans sa Constitution lie la maladie à la santé et déclare ce qui suit : « LES ETATS parties à cette Constitution déclarent, en accord avec la Charte des Nations Unies, que les principes suivants sont à la base du bonheur des peuples, de leurs relations harmonieuses et de leur sécurité : La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité ».

Voila pourquoi nous comprenons la thérapie comme toute aide, toute modification de comportement tendant à supprimer ou à atténuer une souffrance, un malaise ou créer une situation harmonieuse pour un individu ou un groupe.

Cependant, nous allons définir les thématiques et concepts thérapeutiques luba en trois étapes : d'abord la notion de la thérapie et le sens de la maladie chez les baluba, la description des pratiques thérapeutiques en milieu luba, et enfin le diagnostic ou la détection des problèmes ou pathologies liées aux violations des coutumes. Mais avant d'en arriver là, nous allons d'abord parler du sens que donnent les peuples luba à la maladie ainsi que la puissance de la parole.

2.4.2. Sens de la maladie chez les baluba

Selon Joseph D.  Katanga Tshitenge (1969, p.147), toute maladie est une conséquence d'un péché commis soit par l'intéressé ou par ses parents avant l'âge de raison. Les véritables causes de la maladie doivent être découvertes pour pouvoir demander l'intervention des esprits dans la guérison après les cérémonies rituelles ( ...). Un homme qui marche contre les préceptes prescrits par la tradition s'expose à des maladies graves et même à la mort.

2.4.3. La puissance de la parole

Si en psychothérapie la parole est l'outil principal d'entrer en intersubjectivité avec le patient, chez les baluba comme dans plusieurs cultures africaines, la parole que les baluba appellent Diyi est au centre de guérisons exceptionnelles.

Olivier Bidounga, dans son article sur l'art de la parole chez les Kongo (2007,PP 220-226), dit : « le kimuntu ( ce qui fait l'homme) revêt ainsi une philosophie et un art de vivre lié essentiellement à la parole, celle que pratique le Nzonzi (celui qui détient l'art de la parole).

La Bible chrétienne ne dit-elle pas qu'au commencement était la parole et toutes choses ont été faite par elle et rien de ce qui a été fait n'a été fait sans elle ? (Jean 1, 1-3)

Les travaux du colloque international de Kinshasa (1979, p65-66) sur les religions africaines et christianisme déclarent ce qui suit : la civilisation africaine procède avant tout du verbe, qu'il soit parole, rythme ou symbole, (...) Le langage, toutefois n'est pas seulement instrument de communication, il est expression par excellence, de l'être-force, déclenchement des puissances vitales et principe de la cohésion (...) C'est ainsi que Komo- Dibi, le chantre malien de Komo (société initiatique), répond à la question « qu'est-ce que la parole ? » :

« La parole est tout.

 Elle coupe, écorche.

Elle modèle, module.

Elle perturbe, rend fou.

Elle amplifie, abaisse selon sa charge.

Elle excite ou calme les âmes. »

Ceci démontre la place que les africains et particulièrement les baluba accordent à la parole dans leurs pratiques thérapeutiques.

2.4.4. La description des thérapies en milieu social luba.

La thérapie chez le peuple luba consiste en une reconnaissance du forfait ou un aveu de la part du coupable suivi d'un rituel de purification par des personnes dotées des pouvoirs de guérison (les devins/divinatrices, les mediums, les chamans ou les chefs du village).

C'est comme chez les bakongo Janzen (1995, 28, 88), distingue les maladies de Dieu et les maladies de l'homme. On considère la maladie de Dieu comme celle naturelle et celle de l'homme comme celle ayant une guérison lente d'une blessure ou d'une plaie à un conflit ouvert dans le groupe social du malade. Une fois cette étiologie admise par le groupe organisateur de la thérapie, une série d'alternatives d'essais thérapeutiques est mise en oeuvre : elle comprend des efforts concertés pour résoudre le conflit, des formules magiques pour contrecarrer l'hostilité et la suspicion, ainsi que des rituels de purification pour guérir la discorde.

Nous allons décrire à ce stade le pouvoir thérapeutique dans les paraphrastiques luba de résolutions des problèmes sociaux graves (pathologies sociales) à travers la thématique des noms, les substances naturelles et minérales, puis les agents guérisseurs (les devins/divinatrice, les mediums, les chamans, ...) considérés comme organisateurs des thérapies.

2.4.5. Thématique du nom chez les Baluba : sa signification et son effet psychologique.

Le nom est un attribut employé pour identifier une personne. Toute personne a un nom. Le nom éveille la conscience de celui qui le porte. Dans la thérapie, on utilise le nom soit pour arrêter la propagation ou la répétition d'une situation désastreuse ou simplement son atténuation. Mais, certaines personnes trouvent que les noms à signification négative ou péjorative sont à éviter. Ils vont même jusqu'à les changer croyant que cela porte malheur. Cet état de chose peut se justifier par l'intériorisation de l'aspect négativiste de la signification du nom que l'on porte, le fait de penser intensément à quelque chose étant une forme de création de la chose même. Mais pour le psychologue ou le psychothérapeute, la signification du nom ou du prénom peut être utilisée comme une psychoéducation et résoudre le problème qu'a son client ou patient. Sur le plan comportemental, le message que transmet un nom peut être employé pour modifier le comportement du sujet ou toucher son psychisme.

De même, dans la tradition luba, certains noms sont effectivement donnés dans ce contexte en vue d'arrêter la succession des événements malheureux et provoquer un effet contraire. C'est ici qu'on peut aussi comprendre le pouvoir thérapeutique qu'a le nom.

Les baluba y attachent beaucoup d'importance. Dans cette culture luba, les noms ne sont pas donnés au hasard. Ils ont une signification particulière et un effet psychologique. Nous allons au cours de cette étude analyser quelques aspects liés au nom, sans être exhaustif toutefois, mais en mettant l'accent sur ceux qui ont un impact sur le plan psychologique et peuvent concourir à la psychothérapie. On peut ainsi classer les noms en deux grandes catégories : les noms ordinaires (ceux donnés aux enfants sans avoir un lien avec un événement quelconque) et les noms spéciaux (ceux donnés suivant les événements de la vie de couple, en famille, ou selon la conception/l'accouchement de l'enfant, ou même la succession des enfants dans la famille).

Voici ce que Tshibasu Mfuadi (2004, pp. 50-54) dit à ce sujet ; « Dans la société baluba, le nom doit généralement avoir une signification profonde. Le père qui donne à son enfant un nom, ne le fait pas au hasard. Il sait très bien pourquoi il l'a choisi. De ce fait, s'il ne sert pas à perpétuer la mémoire d'un ancêtre, d'un parent, le nom peut servir à transmettre un message ou rappeler un événement quelconque. Le père peut, par exemple, donner à son enfant le nom de Kabanyishi pour dénoncer l'ingratitude et le manque de reconnaissance de la famille pour les services qu'il lui a rendus. De même qu'il peut appeler l'enfant Batubenga pour dire qu'on n'est pas aimé dans la famille ; Mukengenshayi (faites-le souffrir) comme pour dénoncer des souffrances endurées dans le passé... ; de leur côté, les membres de la famille (diku) peuvent facilement comprendre le sens de ce nom ou interpréter le message que l'un de leurs a voulu leur transmettre... Devenu adulte, tout muluba s'ajoute un nom qui renferme une signification particulière, sans pour autant rejeter le nom qui lui a été donné à la naissance. Ce deuxième nom est souvent appelé dina dia bukole ou nom de la puissance. A titre d'exemple, Kamba Nkala. Nkala signifie le crabe. Ce nom exprime la force de celui qui le porte : il peut réagir et faire mal comme le crabe, une fois qu'il est attaqué. Muamba Tshioto. Tshioto signifie la famille. Ce nom est un reflet de l'esprit de famille de celui qui le porte et sa préoccupation à réunir tous les membres de la famille pour la sauvegarde de leur fraternité... »

Voyons une esquisse de quelques noms des enfants spéciaux que l'on appelle parfois bana ba bupanga pour dire que ce sont des enfants spéciaux qui nécessitent un cérémonial pour leur assurer une vie normale

a. Selon la conception.

- Mapasa (les jumeaux), Mbuyi et Kanku/Kabange, dans le cas de triplet : Mbuyi, Kanku/Kabange et Katuma, les parents deviennent Mwambuyi pour la mère et Shambuyi pour le père ; les ancêtres trouvaient ces enfants réellement spéciaux car une naissance multiple et dans la vie de tous les jours, ils avaient un comportement différent des autres enfants nés de naissance simple.

- Ntumba est un enfant dont la conception est spéciale, c'est-à-dire, la mère ne s'en rend pas compte, car depuis l'accouchement précédant la mère n'a pas encore eu ses règles et cet enfant nait à la suite de l'aménorrhée. Par cette naissance Ntumba jouit de mêmes privilèges et même plus que les mapasa.

b. Selon l'accouchement

 

- Mujinga (celui qui sort avec le cordon ombilical autour du cou) ; c'est un enfant introverti. Il a toujours tendance à se renfermer sur soi comme le cordon ombilical qui le liait à la naissance.

- Tshiela ou Tshiela-Makasa, (un enfant qui, au moment de l'accouchement, sort d'abord les pieds) généralement ces accouchements sont très dangereux.

- Ndomba, par contre sort d'abord la main ; ce signe est parfois interprété comme une demande. L'enfant demande quelque chose avant de venir au monde.

- Kabungama, se dit d'un enfant qui nait avec la main sur la joue en signe de tristesse ou mélancolie ; selon la culture, cet enfant exprime son chagrin de naitre dans une famille où existent des mésententes et des conflits. Il peut aussi s'agir des problèmes que cache la mère. Soit que la mère ne voulait pas de cette grossesse et a essayé d'avorter sans succès, soit que la mère et le père ne s'entendent pas et l'enfant vient dans un monde où il sait d'avance qu'il n'est pas le bienvenu. Cette énergie négative peut accompagner l'enfant même dans son développement.

- Tshiowa ou Tshiowa-Mashi (qui signifie qui baigne dans sang, est un enfant qui, tout au cours de la grossesse, la mère avait toujours des règles ; cet enfant risque d'avoir toujours horreur du sang.

- Tshikuta (qui signifie emballé) est un enfant qui nait emballé ou renfermé dans la membrane foetale ; cet enfant peut avoir cette influence pour demeurer refermé sur lui-même et devenir introverti.

- Kabishi ou Tshutuka se dit d'un enfant né prématuré ; cet enfant a besoin d'être stimulé, faute de quoi il risque de se sentir inférieur aux autres se considérant comme immature.

- Musangu/Musanguke signifie réincarné, est un enfant qui nait avec un signe distinctif sur le corps semblable à celui que portait un des membres de la famille déjà mort. Parfois ce signe peut être invisible, mais un parent mort peut se révéler être revenu à travers le bébé qui vient de naitre. Ceci se remarque quand l'enfant présente quelques agitations (pleure tout le temps, par exemple) alors on doit chercher à savoir quel est peut être le problème. C'est à ce stade que la mère ou le père peut se rappeler avoir vu en songe à plusieurs reprises un parent déjà décédé. Il suffit de l'admettre et de donner à l'enfant le nom de ce parent défunt pour arrêter les troubles.

c. Selon la succession des naissances.

- Ngalula (fille) ou Ngalamulume (garçon) est l'enfant qui nait après une succession de trois ou quatre garçons pour Ngalula et trois ou quatre filles pour Ngalamulume. Disons qu'il s'agit d'un événement heureux dans la famille qui n'a eu que les garçons alors que la famille a besoin aussi des filles ou vice versa, alors la venue d'un enfant de sexe opposé apporte la joie et on doit célébrer cela.

- Kapinga est un nom donné à un enfant qui nait après Ntumba, on l'appelle souvent Kapinga ka ba Ntumba.

- Mputu est un enfant qui nait après la naissance des jumeaux et on l'appelle Mputu wa ba Mbuyi.

d. Selon les événements survenus dans la famille ou donnant un message.

On peut passer en revue quelques noms ayant un message spécifique. Ces messages sont dans la plupart des cas porteurs d'effet paradoxal afin de contourner ou éviter ce que l'on redoute. Il s'agit par exemple de :

- Biduaya/Nkita ou Nkita bungi, qui veut dire plusieurs tombes, pour parler d'un enfant qui nait vivant après que la mère ait fait plusieurs fausses couches ;

-  Bakanseka qui signifie « on s'est moqué de moi », est un nom donné à un enfant dont le couple est resté longtemps après le mariage sans que la femme ne conçoive. Ceci résulte de la moquerie dont la mère a été l'objet de la part de la belle famille et même de l'entourage ;

- Kafuafua lelu qui signifie il va mourir aujourd'hui, est un nom donné à un enfant qui est né malade et qu'on croit mourir à tout moment. Les parents n'ont pas d'autres recours que de lui conférer un nom qui devra jouer un rôle paradoxal. En affirmant qu'il va mourir aujourd'hui, on s'attend à une réaction ou un effet contraire. Ce nom ou ce message paradoxal est une thérapie très puissante qui agit comme une énergie qui bloque tout esprit maléfique porteur de la maladie ;

- Diakangamba/Bangamba est un nom abrégé de Diyi diakangamba kaditu dimpue buila (qui signifie la parole que tu m'avais adressée je ne l'ai jamais oubliée). Ce nom est une mise en garde qui montre que le père n'a pas oublié l'affront qu'il avait reçu dans le passé. Et de là, le proverbe : «  Tshipepele tshia mushipu tshidi tshituta mashika : diyi diakangamba didi dintua ku mmutshima » ce qui veut dire « le vent de la saison sèche souffle le froid : la parole que tu m'avais adressée me pique au coeur » ;

- Kamonyi wa kuebeja signifie qui n'a personne à qui adresser la parole, est nom expressif d'une frustration surtout pour la recherche du futur conjoint. Un homme ou une femme qui, à plusieurs reprises amène un prétendant futur conjoint qui est rejeté par la famille se sent frustré et s'octroie ce nom. En fait, ceci vient de l'anecdote «  Kamonyi wa kuebeja, yonso wakueja ne wakulua nyoko, utua kudi ewu ne mmuanenu menemene ? Kadi nakulua dikubua ndie buloba anyi ? =  qui n'a personne à qui adresser la parole, car tout celui ou toute celle que tu pretends fiancer devient ta mère, celui-là c'est vraiment ta soeur ou ton frère ? finalement moi je deviens un ver pour manger de la terre ou quoi ? ». Ces personnes sont souvent exposées au suicide et la schizophrénie. Ils pensent souvent qu'ils n'ont pas de place dans la société, d'où le sentiment de solitude et la tendance au suicide. Un psychologue clinicien avisé qui rencontre un patient avec un tel nom, peut vite penser à la culture et tirer des éléments de la psychodynamique. Le fait de parler avec le patient de la signification de son nom peut constituer un début de thérapie, car si ce nom a été attribué dans les conditions précitées permet de parler de circonstances qui ont milité pour le choisir.

2.4.6. Substances naturelles et minérales

a. Lupemba

Lupemba peut être l'argile blanc, cela peut être la chaux ou même le caolin enduit blanc, peu importe. C'est cette couleur blanche qui donne le sens à ce que l'on appelle chez les baluba lupemba. Les expressions kuela lupemba (jeter le lupemba) ou kulaba lupemba (badigeonner de lupemba) signifie bénir ou donner le feu vert. C'est un produit utilisé dans plusieurs rituels luba en signe de purification ou de bénédiction.

On a vu les parents donner un morceau de lupemba à leur fils qui va en voyage d'affaires, à leur fille qui entre en mariage en disant « kuebe kutoka » pour dire que ton chemin soit clair, en guise de prospérité et bonne chance.

b. Kakula (Caolin)

Kakula signifie le caolin. Ici on fait référence au caolin rouge dont on s'induit le corps pour l'embellir et dans les milieux traditionnel luba, le kakula est utilisé pour embellir les fétiches et les danseuses pour les rituels. Il est le symbole de la beauté. Le caolin est toujours imbibé d'huile de palme.

c. Dikala (la braise/le charbon)

Le charbon de bois est une substance à connotation négative. Il est employé pour marquer la séparation avec quelque chose dont ont veut se débarrasser et qu'on ne souhaite pas revoir. C'est le cas d'une dent pourrie qu'on jette d'un coté et le charbon de l'autre, c'est également le cas de l'enterrement d'une personne morte de tshibawu, par exemple ; on l'accompagne du charbon pour qu'il aille définitivement avec sa malédiction.

d. Tshiseba tshia nkashama (peau de léopard)

Le léopard est considéré dans la culture luba comme le roi des animaux. De ce fait, on lui confère beaucoup de pouvoir. C'est la raison pour laquelle, la peau de léopard est un objet de grande valeur. Cette peau est utilisée comme tribut aux chefs. Elle est portée par les chefs et les guérisseurs pour montrer qu'ils possèdent le pouvoir.

La peau de léopard est également utilisée pour être traversée dans le rituel d'épreuve de vérité (le tshipapa). Même sur le plan artistique et économique, la peau de léopard vaut de l'or et de l'argent.

e. Masala a nkusu anyi mpunga nyunyu (plumes de perroquet ou d'aigle)

Les chefs coutumiers, les guerriers et les guérisseurs traditionnels portent parfois des coiffures (couvre-chefs) couvertes de plumes d'aigle ou d'une seule plume de perroquet. Ces plumes sont présumées porteuses de puissance.

2.4.7. Bêtes thérapeutes

Chez les baluba, nous l'avons dit plus haut, qu'il n'y a pas de mort ordinaire même si cela est une évidence. Tous les problèmes qui surviennent dans leur vie sont provoqués soit par les esprits mauvais, soit les ancêtres qui punissent les fauteurs pour violation des coutumes. De ce fait, parmi les amandes à payer par les fautifs, il y a toujours selon le cas une poule, un coq ou une chèvre.

Toutefois, signalons que ces bêtes peuvent être également utilisées dans des circonstances heureuses. Il s'agit des cérémonies de mariage, des moments des fêtes populaires ou de clôture des obsèques.

a. Nzolo (poule ou coq)

Nzolo est un terme très courant dans la culture luba. On ne peut concevoir la culture luba sans parler de Nzolo. Il y a le nzolo wa bakishi qui est cette poule que l'on prépare pour donner de la nourriture aux ancêtres ou aux morts afin d'intercéder pour les vivants et réparer le tshibindi ou la violation des préceptes ancestraux. Mais, on parle aussi dans le langage courant de nzolo mulaya mujangi qui signifie la poule promise au défunt et elle est utilisée pour rappeler une promesse non tenue. (mujangi comme mukishi signifie la même chose employé aussi pour parler de fantôme). Précisons ici une nuance qui existe entre mukishi dont le pluriel est bakishi, signifie mort en parlant d'ancêtre tandis que mukishi dont le pluriel est mikishi s'emploie pour parler des esprits comme des esprits planétaires et dont la forme est diffuse à voir. Il y a le nzolo wa buku (poule de mariage) que l'on immole pour le gendre ; il y a le nzolo wa mikiya que l'on tue pour expier les manquements survenus dans la famille, etc.

Bref dans toutes les cérémonies luba, on trouve toujours une poule qu'on doit immoler, même parmi les objets ou les tributs relatifs à la dot, on demande aussi une poule.

b. Mbuji (chèvre/bouc)

La chèvre (ou le bouc) est utilisée aussi dans les mêmes circonstances que la poule ; on parle généralement du bouc émissaire. Seulement la chèvre est payée pour des fautes graves. Chez les baluba, il y a aussi différents types de chèvre comme mbuji wa bakishi qui signifie une manne des ancêtres.

On parle, par exemple, de mbuji wa nyima (une chèvre de virginité) donnée à la mère par le gendre pour avoir gardé sa fille vierge jusqu'au mariage, c'est la joie de la mère et sa famille.

2.4.8. Les thérapeutes ou agents thérapeutes Luba.

Les thérapeutes luba sont connus sous un terme générique de nganga/banganga (guérisseurs), on retrouve parmi eux les bena-mbuku(devins), les bilumbu (divinatrices), le bena mikendi ou mua mulopo (mediums), et les vieux sages ou chamans.

L'Organisation Mondiale de la Santé (O.M.S.) citée par Mbonyinkebe (1987, p. 214) reconnait et définit le guérisseur ou le tradipraticien (le nganga africain) comme « une personne qui est reconnue par la collectivité dans laquelle elle vit comme compétente pour dispenser des soins de santé, grâce à l'emploi des substances végétales, animales ou minérales et d'autres méthodes basées sur le fondement socioculturel et religieux aussi bien que sur les connaissances, comportements et croyances liées au bien-être physique, mental et social ainsi qu'à l'étiologie des maladies et invalidités».

Notons que cette définition bien que ne couvrant pas toutes les dimensions du thérapeute luba ou africain, elle donne une ouverture d'esprit quant à ce qu'il est censé faire. Celui-ci ne s'occupe pas que de la santé au sens strict. Comme le dit si bien Singleton (1997, p. 4), «Ce que nous appelons de la médecine ne couvre pas l'essentiel de ses activités. Le nganga, entre autres, faisait la pluie et le beau temps, remédiait au manque de gibier ou augmentait les récoltes, empêchait le vol et garantissait le succès des entreprises. Et même - dato non concesso - s'il fonctionnait médicalement à ses heures, cette fonction faisait de toute façon partie intégrante d'un Tout qui la transformait en tout autre chose que de la biomédecine primitive».

En bref, le nganga est un allié principal de la vie. Autrement dit, l'objet que définit l'O.M.S. et que nous traitons dans ce travail, à savoir, l'art de guérir, n'est qu'une dimension de l'activité du nganga. Il comprend la prévention, le traitement, la guérison des maladies et la réhabilitation du patient dans son groupe social. La médecine des nganga concerne également le domaine plus large où la maladie, la vie et la mort sont perçues comme un jeu commun entre les forces du bien et du mal, l'individu et la société, les vivants et les morts (Cfr Panu Mbendele, 2005).

Ces thérapeutes le sont devenus soit par initiation ou intronisation à ce pouvoir par les ancêtres à travers la lignée de succession héréditaire, soit par cession.

a. Les devins/divinatrices.

Dans la culture luba, les devins sont des personnes initiées à l'art de prophétie et de lecture des écrans psychiques des leurs clients afin de découvrir les problèmes qui les tourmentent, mais aussi de prédire l'avenir ou les événements futurs. Le devin se sert des cartes, des mibela (des petites coquilles de mer) qu'il jette et interprète leurs positions. D'autres devins utilisent l'eau dans un bassin ou le miroir pour visionner les personnes méchantes derrières les envoutements qui les troublent. Les divinatrices (bilumbu) jouent pratiquement le même rôle, à la seule différence que les bilumbu se badigeonnent de caolins blancs, de la chaux ou de l'argile blanche et utilisent les carapaces d'escargots remplies de lupemba.

b. Les mediums (bena mukendi)

Un medium est une personne qui possède les capacités de communiquer avec les morts. Il peut céder même son corps à un mort qui désire donner un message à un des membres de la famille en vue de régler une situation que lui-même ne peut finir, compte tenu du fait qu'il vit dans l'au-delà et dans un autre corps. Certains mediums sont innés. Depuis leurs bas âges, on peut déjà constater que l'enfant a des facultés surprenantes et raconte qu'il voit certaines choses que des personnes ordinaires ne comprennent, ni ne voient.

Ce pouvoir est souvent conféré aux femmes. On les appelle bena mukendi ou mua Mulopo. Les mikendi sont des esprits considérés dans le sens des esprits des ancêtres qui peuvent entrer en contact avec nous les vivants, tandis que Mulopo vient du nom de Dieu (Mulopo, Maweja, Mvidi Mukulu, etc.). On considère le medium comme une personne qui communique avec Dieu et Mua Mulopo signifie mère de Dieu.

Disons que les medium comme les devins/divinatrices possèdent un sens d'intuition très développé. Ils sont initiés ou si l'on peut dire entrainés Phénomènes parapsychiques appelés Perception Extra-Sensoriel (P.E.S.) tels que la télépathie, la claire audience, la clairvoyance, la télékinésie, et la lecture de l'espace psychique d'un individu.

c. Les chamans et les sages

Dans la culture luba, l'on considère que la sagesse vient avec l'âge et l'expérience. Mais aussi l'on reconnait qu'un jeune peut aussi avoir de la sagesse et du pourvoir. A ce propos, il existe un dicton : « biwasangana kana ku mayi kukedi mpata » ce qui signifie «  si tu rencontres un jeune gens à la rivière ne doute pas de lui, s'il dit qu'il veut te faire traverser la rivière » ceci comme pour paraphraser P. Corneille dans le Cid quand il dit qu'aux âmes bien nées la valeur n'attend point le nombre des années.

Alors, dans le milieu luba, on trouve généralement le pouvoir de guérison ou de Chefs de village confié au vieux ou à des personnes assez mures et quand ce pouvoir est confié à un jeune adulte, on lui prodigue des conseils de s'armer de sagesse des anciens pour le mériter. Et une anecdote dit «  bakupe bukalenge, bakupe ne nsumuinu ? = on ne peut pas te confier le pouvoir et on te donne les anecdotes (la sagesse de diriger). Le respect des personnes âgées est de strict rigueur, car considérées tous comme parents. Voila pourquoi quand survient un problème dans une famille, on recourt au vieux sages, aux guérisseurs (chamans) ou aux chefs de famille/clan/tribu etc. Nous comprenons alors que ce n'est pas à n'importe qui qu'on confère le pouvoir, soit de diriger, soit de guérir. Il faut le mériter, il faut démontrer qu'on en a les capacités requises.

Les chamans, les sages et les chefs de village, procèdent un peu comme les autres types de nganga en ce qui concerne l'intuition et le sens de perception extrasensorielle. Ils disent avoir de la sorcellerie positive, cette magie de protection et de détection de la force du mal et de l'anéantir. Ils utilisent la parole qui a une puissance de créer, de neutraliser et de dénoncer tout pouvoir maléfique. Ils utilisent également les plantes dont eux-mêmes savent les recettes pour guérir les aspects somatiques de la maladie, mais aussi d'autres plantes sont utilisées pour faire entrer leurs clients en transe ou les hypnotiser. Ces pouvoirs dont disposent ces chamans, ils les ont soit hérités de leurs ancêtres, soit ils ont été initiés par les tenants du pouvoir. Notre travail, est focalisé sur comment se fait la thérapie chez les baluba et quelles sont les éléments ou les étapes de ces pratiques qui peuvent aider les psychologues cliniciens et non de faire d'eux les chamans ou les guérisseurs traditionnels luba. Voila pourquoi nous soulignons les aspects importants de ces thérapies qui corroborent les psychothérapies universelles à savoir l'usage de la parole comme pivot, exprimant le pouvoir du psychisme.

2.5.Tableau synoptique des pratiques thérapeutiques luba

Normes culturelles ou préceptes

Violations /sacrilèges

Conséquences (maladies ou problèmes)

Traitement ou réparation

 

a. Tabou

 
 

· Respects des parents

- Insultes aux parents ou équivalents

- Sexualité avec les parents

- Découverte de la nudité des parents

- Refus d'obéir aux parents

- Défier les parents

- Maladies psychosomatiques

- Epilepsie

- Complication d'accouchement

- Adversité

- Infécondité

- Impuissance sexuelle

-Névrose ou psychose

- Malformation congénitale chez les nourrissons

- Mort

- Conseil familial

- Rituel de réparation

- Guérison spirituelle

- Palabre

- Aveu

- Usage des noms

· Respects entre frères et soeurs

- Sexualité entre frères et soeurs consanguins

- - Parjures

- - Médisances

- Sexualité avec même partenaires

- - Jalousie

Idem

idem

· Harmonie entre époux

- Adultère

- Infidélité

- Fréquentation des ex (amants, fiancés, ou conjoints)

Idem

Idem

· Respects des biens d'autrui

- Adultère

- Vol

- Viol

Idem

Idem

 

b. Totem

 
 

* Respects des bêtes ou objets sacrés

- Consommation de la viande de bêtes sacrées

- Toucher les objets sacrés

- Gales de peaux, peste

- Malformation corporelle

- Malédiction

- Mort

Idem

 

c. Culte aux morts ou ancêtres

 
 

* Communion avec les morts

* Reconnaissance des pouvoirs ancestraux

* Fétiches

- Sacrifier les membres de la famille

- Trahison

- Rupture d'alliances

- terme ou fin de fétiche

- Adversité

- Psychose comme la paranoïa

- Coma prolongé avant la mort

- Infécondité

Etc. 

- Exorcisme

- Médiumnité

- Clairvoyance

- Rite de purification

- guérison spirituelle

- aide aux mourants

Du tableau précédant, l'on remarque que les pratiques thérapeutiques luba ont en commun le schéma de la médecine occidentale qui procède par la consultation, le diagnostic, le traitement et la guérison.

Par ailleurs, la culture luba, comme on peut le constater dans le tableau part des préceptes ou normes culturelles, leurs violations considérées comme faits sociaux engendrant des conséquences qui peuvent être des maladies/affections ou des problèmes sociaux troublant l'harmonie au niveau individuel ou familial. Nous ne saurons être exhaustifs dans la description des pratiques thérapeutiques luba que nous croyons nombreuses. Nous voudrions montrer le rapport qui existe entre ces pratiques et la psychothérapie et en tirer les bénéfices utiles.

Dans le même tableau, nous avons parlé des effets des violations des espaces ou des objets sacrés considérés comme totémiques, soit en les touchant, en les mangeant ou en les profanant. Les conséquences de ces violations sont les mauvais sorts que nous avons regroupés autour des malédictions et malformations physiques ou par des formes des prurits (galles, pestes, démangeons, etc.).

Comme nous l'avons souligné au point 2.4.3 de ce chapitre , les pratiques thérapeutiques luba procèdent par la parole sous forme d'entretien, des anecdotes, des proverbes, des chansons, des noms spéciaux donnés aux individus ou portés par eux pour éveiller la conscience ou pénétrer l'inconscient. Autour de la parole, il y a toujours des rituels associant certaines substances à l'instar des caolins (Kakula), de l'argile blanc ou la chaux (lupemba), du charbon (dikala), etc., et quelques plantes ainsi que les peaux de certains animaux (léopard, renard, aigle, etc) ; mais aussi des animaux domestiques comme la poule, la chèvre, etc. somme toute, la parole reste l'élément clé soit pour éveiller la conscience et enclencher le psychisme, soit pout les entrevues.

CHAPITRE TROISIEME : APPROCHE METHODOLOGIQUE

Ce chapitre axé sur l'approche méthodologique est consacré à l'énoncé des procédés, théories ainsi que les techniques de récolte/ traitement des données pour cette étude (Population, échantillon, méthode, techniques) ainsi que la manière dont nous allons procéder pour décrire notre thème et enfin les difficultés rencontrées.

3.1. Population et échantillon d'étude

3.1.1. Population

La détermination de la population d'étude est une nécessité impérieuse, car elle permet au chercheur de préciser la catégorie des sujets ou des objets concernés par son étude.

Dans le cadre de la présente recherche sur les conséquences de violations de coutumes Luba-Kasaï et leurs thérapies, nous avons observés les pratiques thérapeutiques de baluba du Kasaï dans le territoire de Demba, dans le Kasaï Occidental, pratiques comportant les conséquences des violations de coutumes et leur thérapie, que nous considérons comme notre population d'étude. Pour bien comprendre ces pratiques, nous avons consacré le premier chapitre de cette recherche à la description des peuplades luba et au deuxième chapitre nous avons décrit les conséquences des violations et les thérapies comme elles sont exercées dans cette culture luba.

3.1.2. Echantillon d'étude

Dans une recherche scientifique, l'idéal étant de réaliser les observations sur tous les éléments qui la composent, mais comme la population cible, dans une étude, est trop nombreuse il est pratiquement impossible d'étudier toutes les pratiques. Nous allons nous focaliser sur six cas qui permettront de comprendre comment cela fonctionne dans cette culture et en tirer les conclusions scientifiques qui en découlent.

Afin de constituer l'échantillon pour cette étude, nous nous sommes fixé comme critères de choix pour retenir les cas, ceux issus des personnes répondant aux critères suivants :

- être Muluba (singulier de baluba),

- vivre sur le territoire de Demba,

- avoir une connaissance de la culture luba.

3. 2. Méthode et Technique

3.2.1. Méthode

La méthode, d'après Chahraoui & Benony (2003, p. 1), est la manière de faire une chose suivant certains principes, certaines règles et selon un certain ordre pour parvenir à un but. Tout chercheur doit à tout prix se servir d'une ou de plusieurs méthodes afin d'atteindre les objectifs qu'il s'est assignés.

Considérant les objectifs spécifiques assignés à notre étude, nous avons opté pour la méthode clinique d'approche descriptive. Ce qui implique une démarche rigoureuse liée à l'expérience pratique, à la relation intra et inter individuelle, à l'histoire personnelle et à la situation actuelle du sujet. Toutefois, compte tenu du fait que nous étudions les pratiques culturelles, cette démarche sera appuyée par les théories de l'ethnographie qui est un modèle qualitatif que Spradley et McCurdy cités par Goetz & LeCompte (1984, p.2) définissent comme une description analytique ou une reconstruction des scènes et groupes intacts qui prend en compte les croyances partagées, les pratiques, l'art, les connaissances folkloriques, et les comportements d'un groupe du peuple.

Pedinielli (2009, p.31), parlant de la méthode clinique laisse entendre aussi bien l'ensemble des techniques utilisées dans le cadre de la pratique des cliniciens que la démarche centrée sur l'individu, la singularité, la totalité et l'implication. Et Chahraoui & Benony (2003), soulignent que la méthode clinique implique une démarche rigoureuse liée à l'expérience pratique, à la relation, à la demande (instrumentale, individuelle, groupale), à l'implication, aux champs du social et aux valeurs culturelle et à la complexité du fonctionnement de l'être humain.

Selon Lagache cité par Chahraoui & Benony (2003, p. 11), la méthode clinique envisage la conduite dans sa perspective propre, relève aussi fidèlement que possible la manière d'être et d'agir d'un être humain concret et complet aux prises avec une situation, cherche à en établir le sens, la structure et la genèse, décèle les conflits qui la motivent et les démarches qui tendent à résoudre ces conflits.

La méthode clinique est l'étude approfondie des cas, de l'écoute du patient, de son histoire existentielle ; elle est une approche subjective plus heuristique (Western, 2000). Elle comprend : une clinique à mains nues (l'entretien et l'observation pour développer l'étude de cas unique qui prend en compte la totalité de l'individu) et une clinique instrumentale (les tests, les échelles d'évaluation, le jeu). Pour ce qui est de notre étude à ce stade, nous trouvons que seule la clinique à mains nues suffit pour décrire les conséquences de violation des coutumes luba et expliquer les pratiques thérapeutiques Luba. Notre travail consiste bien sûr à organiser les faits observés autour de l'étude de cas.

Cette méthode va nous guider dans une activité pratique visant à la connaissance et à la nomination de certains états, aptitudes, comportements dans le but de proposer une thérapeutique, une mesure d'ordre social ou éducatif, comme le souligne Pedinielli (2009, 32), ou une forme de conseil permettant une modification positive de l'individu.

L'étude de cas est au centre de la méthode clinique, avec le principe de singularité ci-haut cité, de subjectivité, de prise en compte de l'histoire et de la totalité des situations qu'elle sous-tend. Chartier, dans le prologue de 9 études de cas en clinique projective adulte (Dana Castro, 2009), expose l'écriture de l'étude de cas cliniques comme une démarche parfois utopique et même un risque. Il finit par conclure que la rédaction de cas cliniques demeure une nécessité, donc un acte indispensable. Il ajoute qu'écrire une étude de cas, c'est parler de soi et donner à penser à nos collègues à partir du partage d'une expérience, tout en gardant à l'esprit que le but de l'étude de cas n'est pas de rapporter les faits exacts, mais de chercher à illustrer l'expression de telle ou telle construction théorique préalablement élaborée.

On comprend donc que l'étude de cas ne procède pas seulement de la description de la situation et des signes présentés par le patient, bref de la sémiologie ou du diagnostic, elle s'appuie sur l'écoute du discours concret du sujet pour comprendre sa souffrance et accueillir sa subjectivité.

Frenandez & Pedinielli (2006) résument la méthode clinque dans leur article sur la recherche en psychologie clinique comme suit : « La psychologie clinique désigne à la fois un domaine, celui de la psychopathologie, et une méthode (clinique) qui s'insère dans une activité pratique visant la reconnaissance et la nomination de certains états, aptitudes, comportements dans le but de proposer une thérapeutique, une mesure d'ordre social ou éducatif ou une forme de conseil permettant une aide, une modification positive de l'individu. Les domaines d'intervention se composent de multiples champs qui ne se limitent ni aux sujets atteints de troubles mentaux ni à la stricte référence à la dimension individuelle. L'évolution de la discipline a entraîné l'apparition de nouvelles pratiques, de nouveaux lieux, de nouveaux objets : aide aux mourants, handicap, marginalité, souffrance sociale..., institutions non psychiatriques (crèche, hôpital général, prison...), moments du développement normal (nourrisson, adolescent, sujet âgé...). Quatre types de recherche existent : la recherche en clinique ; la recherche clinique ; la recherche-action et la recherche évaluative. Les méthodes et les techniques sont : l'observation clinique, l'entretien clinique, les tests, les échelles et les questionnaires. »

De ce fait, la méthode clinique, naturaliste, se réfère à la totalité des situations envisagées, à la singularité des individus, à l'aspect concret de l'observateur faisant partie de l'observation.

Ainsi, les techniques sur lesquelles s'appuie la méthode clinique ont pour but d'enrichir la connaissance d'un individu dans l'activité pratique et la thérapie, ou de problèmes plus généraux et proposer enfin une interprétation ou une explication se basant bien entendu sur les théories psychologiques en vigueur.

v Recherche clinique.

La recherche clinique (RC) tente de répéter la démarche clinique où des approches descriptives et interprétatives peu contrôlées semblent fournir des résultats plus intéressants pour les cliniciens. Elle repose sur l'idée que la situation clinique est la source d'inspiration et le lieu d'élaboration de la recherche. Elle porte une attention particulière à l'engagement de l'observateur et procède à une description minutieuse de la spécificité de la situation en se fondant, sur le plan méthodologique, sur des études de cas comme source de connaissance du fonctionnement psychique qui vise à construire en une structure intelligible des faits psychologiques dont un individu est la source (Pedinielli, 2009, Perron, 1979, Schmid-Kitsikis, 1999).

Ce type de recherche permet une étude approfondie d'un sujet fondée sur une pratique de la communication langagière, satisfait aux critères de reproductibilité et favorise de nouvelles conceptions théoriques. La recherche correspond à une succession d'élaborations conceptuelles, de moments de relation avec les sujets (Giami, 1989) et de retours vers le matériel clinique, l'objectif étant de comprendre certains processus et de formuler des significations. Elle permet d'aborder des phénomènes complexes en évitant leur réduction inhérente à la connaissance de type scientifique. Il n'y a pas une hypothèse formulée au départ mais un corps d'hypothèses avec des questions issues de la pratique qui se posent au chercheur et que la recherche va contrôler à partir du matériel recueilli traité selon les principes de l'analyse clinique.

Le tableau suivant tiré de l'illustration de Fernandez et Catteuw (2001) nous indique les paramètres du dispositif que nous avons eu à mettre en oeuvre pour réaliser notre recherche clinique.

Tableau 2 : Paramètres du dispositif et caractéristiques de l'observation

Paramètres du dispositif

Caractéristiques de l'observation

La situation d'observation

En milieu naturel à Demba

Le champ de l'observation

Globale (attention flottante, sélection non régulière, sensibilité à l'inattendu) observer tout ce qui ce passe dans les villages

La séquence de l'observation

Faible inférence (comportements)

La nature des observables

Implication (observation participante) on a vécu dans le milieu avec une implication directe

La relation observateur/observé

Visible (prises de notes dans un carnet, contact face à face...)

Visées de l'observation

Comprendre le comportement, être capable de l'expliquer et leur donner un sens

Pour mettre ce tableau en pratique, nous nous sommes rendu à Demba, nous munissant de notre carnet de notes, d'un stylo, et nous nous sommes immergé dans la vie de tous les jours enregistrant toutes les situations retenant notre attention. Nous avons associé cela avec les événements que nous avons vécus personnellement dans ce milieu lors de notre enfance. La somme des expériences vécues dans le présent et dans le passé ont constitué les données de base de cette recherche.

3.2.2. Techniques de récolte des données

Ngub'Usim Mpey Nka (2004, p.51) pense que les techniques sont des instruments utilisés par le chercheur pour mettre en application la méthode. Elles sont donc la réalisation pratique, la matérialisation effective d'une méthode, d'une procédure.

Shomba Kinyamba (2013, p. 9) répond à la question « où trouve-t-on les informations intéressant les sciences sociales » par des sources suivantes :

- la pratique, l'expérience vécue et l'observation. Ici l'on se sert de ses sens pour apprendre le réel. Dit-on, « rien n'entre dans l'intelligence sans passer par le sens ». c'est empirisme ;

- l'intuition. Celle-ci porte sur les perceptions de la réalité par un sujet observant. En science, les données provenant de l'intuition doivent être soumises à un jugement critique ;

Puisque cette recherche que nous menons en psychologie clinique intervient en milieu naturel et fait principalement appel aux méthodes descriptives, à l'étude de cas (Chahraoui & Benony, 2003, p.3) qui procède par l'entretien et l'observation cliniques, nous avons estimé nécessaire d'associer à ces techniques celle de récit de vie pour améliorer la qualité de nos résultats et parer aux biais de l'observation. La technique documentaire nous est également d'un apport important pour comparer différents écrits sur la culture et la tradition du peuple luba du Kasaï.

Bref, pour mener notre recherche, nous nous sommes contenté des ouvrages et récits disponibles, de notre propre observation directe en milieu naturel, l'entretien clinique avec les personnes âgées ayant une bonne expérience dans la culture et de notre expérience personnelle sur certains cas que nous allons présenter.

3.3. Difficultés rencontrées

Aucun travail de recherche sur terrain ne peut se réaliser sans embûches. Nous devrions nous déplacer pour revivre les expériences rapportées dans cette étude, dans le milieu de notre naissance après une vingtaine d'années ; ce qui signifie une imputation budgétaire pour le déplacement jusqu'en ce lieu. Aussi, avec le temps, beaucoup de choses ont-elles changé et il y a eu avec la prolifération des églises dites de réveil, une évolution remarquable dans les us et coutumes constituant la culture luba. Avec cette prolifération des églises, la population devient de plus en plus hypocrite et fait parfois semblant de ne rien connaitre de coutumes etant donné que les affaires coutumières sont considérées comme sataniques. Une autre difficulté est que beaucoup de conduites de la culture luba sont encore en tradition orale vernaculaire, donc en tshiluba et il ne nous a pas été aisé de trouver une traduction très fiables, car les dictionnaires disponibles en tshiluba-français ne couvrent pas tout le vocabulaire et les tournures employés localement.

CHAPITRE QUATRIEME : ETUDE DE CAS

Ce chapitre est la base de cette première étape de notre recherche. Il est consacré à la description, l'analyse et l'interprétation des résultats en faisant la combinaison entre la pratique thérapeutique telle qu'elle est vécue dans la culture Luba et les théories sur la psychologie clinique en général et en psychothérapie en particulier.

Au cours de ce chapitre nous allons présenter les cas concernant l'aide aux mourants, en rapport avec l'assistance aux personnes en dernière instance de leur vie se trouvant en état comateux dont il faut réveiller la conscience, soit pour qu'ils disent leurs dernières volontés, soit pour les aider à avoir une bonne mort/mort en douceur, la résolution des frustrations, l'aide à l'accouchement : déclenchement de l'accouchement bloqué et enfin le rite de réparation (désertion du toit conjugal).

Pour des raisons de respect des personnes concernées par cette étude, nous utilisons les pseudonymes dans les cas suivants qui relèvent de notre propre observation participante qui constitue un récit de vie quotidienne. Ainsi le chapitre est subdivisé en deux parties :

Ø Présentation de cas avec une analyse partielle, qui ressort les détails du processus thérapeutique que comporte chaque cas individuel, les techniques utilisées pour le diagnostic, le traitement, la forme de guérison éventuelle tout en faisant mention des théories scientifiques qui s'y apparentent,

Ø Discussion des résultats qui est interprétation des données et résultats de l'étude.

4. 1. Présentation de cas

Les cas étudiés dans cette recherche concernent trois personnes que nous avons eu à assister lors de leurs dernières instances de vie, une observation de comment les femmes résolvent leurs frustrations, une manière intéressante dont on parvient à faciliter l'accouchement qui semble bloqué et nous présentons comment les baluba réparent un différend résultant d'une désertion du toit conjugal.

4. 1. 1. Aide aux mourants

Bien que la mort soit une réalité indéniable, elle continue à faire peur et pleurer, quelle que soit la culture à laquelle on appartient. En occident, par exemple, le Conseil de l'Europe s'est prononcé en 1976 sur «  les droits des malades et des mourants ». Ces droits incluent celui à la liberté, à la dignité et à l'intégrité de la personnalité, d'être informé, aux soins appropriés et celui de ne pas souffrir. Et Rosette Poletti et al (1982) dans « la mort restituée » nous disent que dans nos sociétés, statistiquement on meurt plus à l'hôpital. On y meurt trop souvent par manque d'approche axée sur le confort, l'accompagnement, les soins palliatifs, le soutien, le contrôle de la douleur, l'aide spirituelle... Bref nous devons aider nos semblables à mourir d'une bonne mort, comme qui dirait d'une mort en douceur.

La mort rappelle le travail de deuil de Sigmund Freud (2011). Sigmund Freud associe le processus de deuil à un travail psychique réactionnel à une expérience de dépression. Le dépressif  vit en effet dans la perte d'un Objet très aimé et idéalisé. Après la perte d'un Objet externe particulièrement investi, la libido doit entreprendre un détachement angoissant, vécu dans la douleur pour permettre au Moi de retrouver sa liberté. 

Dans l'Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu, de Bernard Werber, Edmond Wells(2007) publie un récit de Elizabeth Kubbler Ross, une psychologue clinicienne qui a accompagné beaucoup de mourants dans leurs dernières heures et a repéré cinq étapes qui se produisent souvent chez les individus condamnés par des maladies incurables. Ces étapes sont quasiment les mêmes que celles de toutes les situations de deuil en général. Elles sont les suivantes :

- le Déni : le malade refuse sa mort. Il exige que son existence continue comme avant. Il parle de son retour à la maison après la guérison ;

- La Colère/révolte : il importe de designer un coupable ;

- Le Marchandage : il demande un répit au médecin, au destin, à Dieu ? il se fixe des dates : « je veux vivre jusqu'à Noel... » ;

- La Dépression : toute énergie disparait. Impression de renoncement. Il cesse de se battre ;

- L'Acceptation : dans les unités de soins palliatifs, celui qui va partir réclame alors les plus beaux tableaux, les plus belles musiques.

Ce tableau peint par des psychologues cliniciens explique parfois le comportement des personnes comme Vieux Lambert à se chercher des fétiches pour barrer la route à la mort bien que cela soit impossible.

Nous avons exposé dans le premier chapitre comment le peuple luba considère la mort. Nous avons retenu trois cas suivants pour analyser comment ce peuple prépare un proche à la mort.

4.1.1.1. Cas Vieux Lambert

L'étude du cas Lambert est une analyse d'aide au mourant vécue par nous-mêmes et qui explique la dimension psychologique de traitement d'une personne se trouvant dans un état comateux prolongé.

Cette observation nous illustre la manière très intéressante et originale dont les baluba s'y prennent pour accompagner un de leurs membres qu'ils trouvent en instance de fin de vie.

Dans notre analyse, nous situons la place du thérapeute et intégrant le fonctionnement de l'inconscient dans une communication parfois asymétrique. L'approche psychodynamique nous révèle les liens que Lambert a avec la vie sur terre qui l'empêche d'y renoncer par peur de manque de contrôle de la situation.

Description du contexte

Vieux Lambert était âgé de près de 95 ans. Marié à une dame qui pratiquait la divination (Tshilumbu qui signifie divinatrice) et dont la soeur était medium (Muena mikendi). Le Vieux Lambert était très réputé pour ses pouvoirs magiques ou fétichistes. Il portait un anneau en cuivre au bras gauche. Le vieux est tombé malade et est resté plusieurs jours cloué au lit et son état se détériorait chaque jour. Il est entré dans un coma profond. Et comme son corps entrait déjà en décomposition, un autre membre de sa famille est venu à son chevet et a commencé à lui parler quoique le vieux ne puisse lui répondre. Il lui a dit qu'un vieux du village de sa trame ne peut partir ainsi sans dire un mot (kutula diyi ce qui veut dire prononcer un mot ou dire quelque chose).

Quelques temps après plusieurs reprises, le vieux Lambert va ouvrir les yeux et indiquer d'un signal pointeur son anneau. Ce membre de la famille compris que le problème résidait dans l'anneau et va lui enlever l'anneau du bras et quelques heures plus tard le Vieux Lambert rendit l'âme.

Notons que dans la tradition luba, il y a certains fétiches qui rendent un homme « immortel ». Selon les pratiquants, l'initié à ce fétiche est rendu invulnérable à toute mort de mains des hommes. Toutefois, on reconnaît dans la culture luba l'existence de la mort, mais on n'accepte que celle qui vient de Dieu.

Il est bien vrai que dans la culture Luba on reconnait que l'homme nait, grandit et meurt. Aussi que les causes de la mort sont multiples : maladie, accident, vieillesse, suicide assassinat, ... (Tshibasu Mfuadi, 2004). Les baluba considèrent la mort comme une souffrance la plus chagrinante.

La société traditionnelle luba fait tout ce qui est possible pour lutter pour la survie. Mais aussi l'on accepte que lorsque la souffrance déborde, mieux vaut mourir et aller se reposer pour arrêter la souffrance. Voilà pourquoi certaines personnes se suicident quand la souffrance devient atroce et insupportable.

Un vieillard de 95 ans est assez âgé pour qu'on s'attende à sa mort ordinaire. Chez les luba, il est vrai que la mort est certaine et tout le monde naît, grandit et meurt un jour. Le fait que Vieux Lambert ait fait beaucoup de jours en coma et que son corps entre en décomposition fait penser à quelque chose d'inhabituel. On doit se poser des questions pour en savoir plus. Ce questionnement nous pousse à rentrer dans la vie du Vieux Lambert dans le but de comprendre comment il a vécu depuis son enfance jusqu'à ce stade. Quels sont les faits marquants de sa vie. Il s'agit de faire une étude psychodynamique afin de couvrir ce qui bloque le départ du Vieux Lambert. Cette étape permet de faire le diagnostic du patient.

Analyse psychodynamique

Lambert a passé la majeure partie de sa vie dans ses convictions fétichistes. Il croit fermement à ses pouvoirs magiques qu'il pense le maintenir en vie quelle que soit la maladie. Lui comme son épouse croit aux esprits qui les protègent. Puisque sa conviction relève de son psychisme, le psychisme prend le dessus sur le soma (son corps) et le maintien en vie. Dans son état, la douleur de son corps n'a aucun effet sur son être, car inconscient (en état comateux).

Il faut une tierce personne, une personne qui est soit initiée comme lui (Lambert), soit qui en a l'expérience, c'est-à-dire une personne qui en a déjà entendu parler ou qui a déjà vécu une scène similaire pour déclencher le processus d'une mort en douceur après avoir éveillé la conscience du patient pour que ce dernier exprime soit sa dernière volonté, soit dévoile quelque chose qui peut le libérer. Ici, il s'agit d'une libération spirituelle quand le patient même si il n'est pas croyant mais arrive à faire des aveux en guise d'une confession. Cette pratique constitue une sorte de cure d'âme semblable à l'huile de malades que les curés catholiques versent sur le patient afin de lui absoudre toutes les souillure (péchés) et lui préparer un chemin de retour dans le monde de l'au-delà avec apaisement (Mamba, A. M., 2013).

Le membre de la famille ou du clan du Vieux Lambert qui vient à sa rescousse n'utilise que la parole. La parole chez les Bantous et général et surtout chez les baluba est la clé de dénouement de toutes les situations (P. Temples, 2009). Il s'ensuit bien sûr d'autres rituels, mais l'élément primordial dans toutes les pratiques Luba c'est la parole (diyi). Il y a un proverbe qui dit « diyi diakangamba didi dintua ku mutshima » c'est qui signifie « la parole que tu m'avais adressée me pique au coeur ». C'est le cas ici de ce membre de famille du vieux Lambert qui lui dit : « tula diyi, muntu mukole bu wewe katu wafua nanku » pour dire «  prononce un mot ou une parole car un vieux comme vous ne peux jamais partir ainsi sans rien dire ». Mais cette (ces) parole(s) qui dénoue(nt) la situation doit/doivent être prononcée(s) dans un certain ton, et surtout en respectant certaines règles, faute de quoi on ne peut pas aboutir au résultat escompté.

Le fait que Vieux Lambert réagisse aux paroles du vieux du village, montre que la thérapie est valide et répond au cas en présence. Et la mort du Vieux Lambert qui s'en suit signifie qu'on a résolu le problème, donc c'est une forme de guérison, c'est-à-dire cela pris dans le sens d'épargner au patient les souffrances qu'il endurait et la décomposition totale de son corps.

4.1.1.2. Cas Tatu

Le cas Tatu est une autre version d'aide au mourant en utilisant les ressources vitales émotionnelles ; entendons par là les objets ou les personnes ayant un lien affectif fort avec le mourant afin de susciter son réveil de conscience. Ce cas illustre la manière dont nous avons utilisé la parole pour obtenir la libération d'une personne qui a tant souffert et lui éviter la souffrance.

Description du cas Tatu

Tatu est un homme d'environ 70 ans. Il est marié à une dame de 45 ans avec laquelle il a eu une fille de 13 ans. Tatu est un haut fonctionnaire dans une entreprise publique. La famille nous a consulté, car Tatu est dans un coma profond depuis plus de trois mois et le médecin traitant l'a déjà placé en soins palliatifs. Tatu a souffert de diabète et problème respiratoire depuis plusieurs années. Il a une plaie sur la cuisse qui ne se cicatrise pas et Tatu lutte entre la vie et la mort. Notre première tâche était de préparer la famille de Tatu à toutes éventualités (c'est-à-dire faire le travail de deuil). Puis nous avons eu pour référence le cas du Vieux Lambert et nous nous sommes mis à nous entretenir avec Tatu en lui rappelant sa position dans son entreprise, la situation dans laquelle se trouve confrontée sa famille qui pleure sans cesse ; tout en lui suggérant de prendre la bonne décision qui soulagerait sa famille. Nous avons cité nommément son épouse et sa fille. Nous lui avons demandé s'il avait quelque chose qu'il voulait peut-être régler avant de s'en aller en paix. Nous lui avons demandé de nous faire signe s'il nous écoutait. Tatu a bougé ses mâchoires et nous avons insisté de nous prouver réellement si ce signal signifiait qu'il nous entendait, puis Tatu a soulevé son bras. Alors nous lui avons remercié de nous avoir entendus. Plus tard à minuit de la même nuit l'épouse de Tatu nous a appelé pour nous annoncer son décès. Nous avons soutenu l'épouse psychologiquement et la fille.

Comme nous pouvons le constater, la vie de Tatu est liée à une fine corde qu'il fallait sensibiliser pour qu'il rende l'âme en douceur. Même si Tatu ne nous a pas dit un seul mot avant de mourir, mais le fait de manifester par des gestes qu'il nous écoutait est déjà significatif pour nous. Cette technique a été bénéfique même pour sa famille qui n'a pas trouvé le départ de Tatu comme un châtiment mais plutôt comme une délivrance.

Le cas Tatu est une autre variante du cas Vieux Lambert et la démarche diagnostique et thérapeutique reste quasiment la même. On cherche à savoir un peu plus sur la vie de Tatu à travers son épouse, on utilise les paroles qui peuvent susciter un déclic et ramener Tatu à la conscience, puis sa mort qui survient comme un repos et l'économie de son corps de pourrir de sa plaie qui rongeait sa cuisse.

4.1.1.3. Cas Washington

Ce cas est une autre variante de l'aide aux mourants. Il souligne l'importance de la parole dans le réveil d'une personne dans un état comateux. Dans ce cas, nous mettons en exergue le nom de puissance ou de force que les Baluba se donnent a l'âge adulte et comment ce nom travaille dans le psychisme du sujet pour lui susciter des émotions capables de déclencher le réveil d'un mourant.

Description du cas Washington

Washington est un nom de puissance (comme chez les baluba) que Papa Washington s'est donné dès son retour de Washington, aux Etats Unis d'Amérique où il était allé rendre visite à son fils qui y était diplomate. Papa Washington est dans la quatre-vingtaine d'âge et son épouse est déjà morte. Papa Washington est tombé malade et son fils l'a placé dans une grande institution hospitalière. Un jour Papa Washington est entré dans le coma et son fils est venu lui rendre visite.

Le fils plein d'émotion prononce en criant « Washington ! » et tout d'un coup Papa Washington ouvre les yeux et regarde son fils. Bien sûr Papa Washington va mourir quelques jours plus tard.

Le cas Washington est une illustration de la signification du pouvoir qu'a un nom pour atteindre le psychisme d'une personne. Seul le nom surtout celui qualifié dans la culture Luba comme nom de puissance (dina dia bukole) possède des valeurs thérapeutiques inestimables. Il suffit de savoir interpréter le nom de quelqu'un pour opérer des prodigieuses victoires en psychologie clinique. Le fils de Washington en utilisant ce nom spécial de son père, savait son impact sur lui et cela démontre que la culture fait partie intégrante de la personne. Ce fils n'a peut-être pas procédé de façon systématique, mais en guise de psychothérapie de soutien cela a apporté des résultats spontanés.

Il est possible de réveiller la conscience d'un patient dans un état comateux en utilisant soit son nom de puissance tel que le cas Washington, mais on peut également utiliser d'autres expressions puisées dans la culture soit en puisant les souvenirs d'enfance ou d'adolescence.

Ce cas nous incite à faire une analyse minutieuse sur le nom tel qu'il est attribué chez les baluba et comprendre ses pouvoirs thérapeutiques. Aussi, considérant cette influence qu'a le nom sur la personne qui le porte, il est prudent et de bon aloi d'attribuer les noms aux enfants en connaissance de cause afin d'éviter une influence négative sur le comportement de son enfant. Ici, tout repose sur l'interprétation que l'on donne au nom selon sa culture.

4.1.2. Résolution des frustrations/le défoulement

4.1.2.4. Cas Mankashi

Mankashi est une tante qui a deux filles, Tshibola, âgée de 14 ans, et Kapinga, âgée de 16 ans, orphelines de père et de mère, et qui vivent avec elle. Mankashi est âgée d'une soixantaine d'années et n'a jamais eu d'enfants. Son mari est un ivrogne qui n'a pas de temps de suivre ce qui se passe à la maison. Mankashi traite ses deux nièces comme des esclaves. Les deux nièces de Mankashi font tous les travaux ménagers (la vaisselle, la cuisine, la blanchisserie, etc.). Chaque jour est un calvaire pour ces deux filles. Mais puisqu'elles sont obligées de rester soumises à leur tante et supporter leurs sévices, elles n'ont que le moment de piler le maïs, le manioc et les feuilles de manioc (matamba/kaleji), pour exprimer leur frustration. Voici comment les deux filles arrivent à surmonter leur dépression en pilant et en chantant harmonieusement :

« Tubatuile, tubatuile, tubatuile bana nzubu yabo, batutuilatuila kabasuasua

Tubatuile, tubatuile, tubatuile bena nzubu yabo, batutuilatuila kasuasua

Tutue bababidi, tutue babidi, tutue babidi tupande tshinu etshi, bena tshinu bakutamba diamba

Tutue babidi, tutue babidi tupande tshinu etshi, bena tshinu bakutamba diambu (et quand la tante approche)

Wabitutua, wabitua, wabitua biateketa nseke, wamona mua kulua kubidia, wabidia ne nyama wa mbuji

Wabitutua, wabitua, wabitua biateketa nseke, wamona mua kulua kubidia, wabidia ne nyama wa mbuji. »

Ce qui se traduit par :

« Pilons pour eux, pilons pour eux, les propriétaires, ceux pour qui on pile ne l'acceptent (ne le reconnaissent) pas

Pilons pour eux, pilons pour eux, ceux pour qui on pile ne l'acceptent (ne le reconnaissent) pas ;

 Pilons à deux, pilons à deux, pilons à deux et écrasons ce mortier,

Pilons à deux, pilons à deux, pilons à deux et écrasons ce mortier, les propriétaires du mortier parlent trop (et quand la tante approche)

Pilons, pilons, pilons jusqu'à rendre la semoule épaisse, afin qu'on puisse bien le manger, qu'on le mange avec la viande de chèvre

Pilons, pilons, pilons jusqu'à rendre la semoule épaisse, afin qu'on puisse bien la manger, qu'on la mange avec la viande de chèvre. »

 L'analyse du cas Mankashi nous montre comment les deux nièces frustrées par leur tante cherchent un mécanisme pour pouvoir exprimer leur frustration et vivre dans l'harmonie. Leur chanson est subdivisée en trois phases. La première phase est l'expression de la frustration. La deuxième exprime l'agressivité qui résulte de leur frustration. Comme elles ne peuvent pas s'attaquer à leur tante, elles orientent cette agressivité vers le mortier qu'elles sont prêtes à écraser et casser en morceaux. Et la troisième phase c'est le contentement qu'elles manifestent après s'être rendues compte que leur message est parvenu au destinataire.

La frustration selon le dictionnaire international de psychanalyse désigne l'état dans lequel se trouve une personne qui se refuse, ou à qui l'on refuse, dans l'immédiat ou à jamais une satisfaction pulsionnelle. Elle concerne quelque chose qui est désiré et qui n'est pas tenu, mais qui est désiré sans nulle référence à aucune possibilité de sa satisfaction ni acquisition (A. de Mijolla, 2007, pp. 704-705). Les deux nièces de Mankashi peuvent bien vouloir revivre avec leurs parents biologiques, mais jamais cela deviendra une réalité. Mais pour Freud, la frustration trouverait toute son utilité à la l'épanouissement de l'individu. Elle serait à l'origine des plaisirs, et susciterait ainsi le désir. C'est ce que l'on constate dans la troisième phase de la chanson de ces deux nièces de Mankashi.

En consultant le dictionnaire Dico-Psycho ( www.psychologies

.com) on définit la frustration comme un état d'insatisfaction provoqué par le sentiment de n'avoir pu réaliser un désir. C'est comme les deux nièces de Mankashi qui éprouvent un désir de se sentir aimées et être traitées comme des enfants que tante Mankashi n'a pas pu avoir, mais cela n'arrivera pas un jour. On constate que la frustration place l'individu dans l'attente de la réalisation de quelque chose qui ne se fera pas. Cette frustration, comme conflit intérieur entraine le manque de confiance en soi. Et comme cela devient une obsession chez les deux filles, elle réveille la colère et la tristesse.

Le manque de tendresse déclenche immanquablement des sentiments d'infériorité, de frustration chez les enfants, comme chez les adolescents. Cela arrive souvent quand un parent humilie, domine, infériorise ou abandonne visiblement son enfant (Daco, P., 1973, P. 211).

Il suffit d'être attentif et d'avoir un coup d'oeil clinique pour déceler dans les chants de nos mamans qui pillent dans les villages, les conflits intra psychiques, les problèmes existentiels ainsi que toutes formes des frustrations auxquelles elles sont exposées. Les chansons luba referment toujours un aspect d'expression de son for intérieur, un message-réponse à une provocation, un conseil, ou un cri de désespoir.

Et dans cette culture, il a été conçu un jeu des marionnettes constitué de deux femmes, un mortier et deux pilons. Les deux femmes sont en train de piller en chantant. En écoutant attentivement les chansons des femmes lors de cet exercice, le matin ou le soir, elles expriment toujours soit leurs angoisses, leurs frustrations, leurs problèmes qu'elles ne sont pas capables de résoudre directement. Donc, ce jeu de marionnette peut nous servir de «  technique de mortier et pilon » en vue de soulager les stress, les frustrations, l'angoisse et beaucoup d'autres troubles psychiques qui sont enfuis dans l'inconscient et peuvent facilement être extériorisé en jouant ce jeu et en chantant au rythme cadencé des marionnettes.

4.1.3. Aide à l'accouchement

Le cas présenté dans cette rubrique concerne les difficultés ou le blocage d'accouchement (accouchement dystocique). La médecine moderne parle d'accouchement qui ne se déroule pas normalement en basant la difficulté comme pouvant venir de la mère ou du foetus lors d'une présentation par le siège ou un gros bébé. Mais dans la culture luba, les causes peuvent provenir aussi, soit à cause de l'inceste ou l'adultère de la mère, soit dû aux parjures de la mère à la suite de disputes qu'elle a eues avec son mari. Des pareilles situations peuvent également être observées en cas de viol lointain ou à bas âge de la future mère qui refuse de voir naître un enfant issu d'une relation honteuse et rappelant des mauvais souvenir. Cette situation a des répercutions sur l'enfant qui est exposé à des crises multiformes telles que le refus de téter, les morsures à la mère, etc.

4.1.3.5. Cas Ya Mbombo

Ya Mbombo est une dame de 32 ans. Elle est mariée à Vieux Mulume âgé de 50 ans depuis 6 ans et ils ont deux enfants. Ya Mbombo est tombée enceinte du jeune frère à Vieux Mulume avec qui ils vivaient sous le même toit. Les deux adultères ont gardé leur secret jusqu'au jour où Ya Mbombo est arrivée à terme de sa grossesse. Elle va passer trois jours sans que l'enfant ne naisse. Ya Mbombo était devenue très pâle et on pensait déjà qu'elle allait mourir quand une des femmes sages qui l'aidait a commencé à lui parler en disant « baba tula diyi ne udi musambuke biuma bia bende » ce qui veut dire «  maman dit quelque chose si tu as transgressé la dot d'autrui ». Ici la sage femme voulait savoir si Ya Mbombo avait commis l'adultère. Elle a tellement insisté en lui rappelant que « lufu ntulu » ce qui signifie «  la mort est comme le sommeil » c'est-à-dire tu pourras mourir comme un jeu. Finalement Ya Mbombo va avouer en pleurant qu'elle a été séduite par son beau-frère.

Dès que Ya Mbombo a seulement avoué, les contractions se sont accélérées et par la suite l'enfant est sorti. Et puis la famille s'est réunie et a décidé de réparer cet inceste (tshibindi/mukiya) plus tard. Comme on ne pouvait pas cacher cela la nouvelle s'est répandue dans tout le village. Le jour J, Ya Mbombo devait apporter une poule issue de sa propre famille et la famille du mari aussi a fait de même. On procède à la cérémonie appelée kudula lududu (ce qui signifie ôter les habits c'est-à-dire réparer l'infidélité) en public. Notons que cette cérémonie est faite au cas où on souhaite garder la femme surtout pour protéger les enfants, sinon c'est le divorce pur et simple.

Analyse du cas Ya Mbombo

L'analyse de ce cas nous montre que le seul fait d'avouer son délit suffit pour déclencher l'accouchement. Le rituel traditionnel de réparation suit après, en guise de réinsertion dans la société. Donc la thérapie qui déclenche la sortie de l'enfant ici sontt les paroles prononcées par la sage femme ou l'aidant qui ont un pouvoir de déclencher le déclic.

Dans la psychodynamique, on remarque que le comportement de la mère avant la conception, pendant la grossesse et à l'accouchement est très déterminant pour le comportement et le développement de l'enfant. Nous disons que le comportement est influencé par l'énergie créée par la chaleur ou l'ambiance familiale en tant qu'environnement primaire dans lequel l'enfant qui nait devra se socialiser. Cette énergie affecte la naissance et est révélatrice de la santé mentale de la mère et par ricochet celle du couple. L'enfant refuse de naitre pour plusieurs raisons : la grossesse n'a pas été désirée (soit parce qu'elle a été accidentelle, soit parce qu'elle est issue des relations incestueuses, soit parce qu'elle est issue d'un viol, soit parce qu'il existe des conflits intra conjugaux ayant emmené la mère à jurer ne pas avoir des enfants, etc.) , la grossesse est désirée mais le comportement de la mère au cours de la grossesse a affecté l'enfant (soit que la mère a commis l'adultère, soit il s'agit des conflits intrapsychiques de la mère qui la prédispose à ne pas être prête à accoucher comme dans le cas des primipares, etc.).

L'enfant dans la culture luba dévoile la face cachée de sa famille et exprime cela soit par son refus de naitre, soit par le refus de se nourrir des seins de sa mère (l'anorexie), soit il va manifester son mécontentement en naissant Kabungame et quand il doit téter, il mord le sein de la mère

Michèle MAURY dans son module sur les troubles alimentaires chez les nourrissons évoque les aspects psychologiques ci-après : « Chez le nourrisson, un dysfonctionnement est relationnel avec l'entourage corporelle. L'investigation des troubles alimentaires et du sommeil doit toujours se faire dans une triple dimension, médicale, éducative et psychologique. Parmi ces troubles elle insiste sur l'anorexie et elle dit l'anorexie d'opposition (on parle parfois d'anorexie du sevrage, d'anorexie du deuxième semestre), par exemple est la plus fréquente. C'est plus une conduite de refus alimentaire qu'une absence d'appétit. Elle naît de la non-adéquation entre un comportement qui a valeur de signal émis par le bébé et le décodage inadéquat qui en est fait par la mère. Le bébé peut manifester une opposition légitime qui est à reconnaître comme un besoin de changement et non comme un caprice. Il peut de la même façon se manifester face à des changements dans l'environnement (sevrage, mise en nourrice, déménagement, départ d'un familier ...).

L'on constate qu'à l'accouchement, est lié le comportement (présent ou futur) du bébé.

Les conséquences lointaines de ce genre d'accouchements, c'est la carence affective avec tout ce qui s'en suit. L'enfant d'aujourd'hui, une fois devenu adulte risque de se comporter en rebelle et cherche à se venger d'une manière ou d'autre sans savoir d'où lui provient ce sentiment.

De ce fait, l'ethnopsychologie nous permet d'analyser tout le contour des difficultés que la mère connait à l'accouchement pour améliorer l'avenir de l'enfant et par là celui de la vie de toute la famille. Le comportement de l'enfant peut aussi être interprété à ce stade comme une punition (expression des frustrations/agressivité). Voilà pourquoi la vie du foetus ou du nourrisson et celle de la mère sont intimement liées. Le comportement du bébé peut mieux indiquer ou révéler les conflits psychiques de la mère. Dans la culture luba, toute manifestation du malaise de l'enfant est révélatrice de ce qui ne va pas soit chez sa mère, soit chez son père ou soit dans la vie du couple en général et la famille ou le clan surveille tout membre et les personnes attitrées soumettent le couple à un interrogatoire afin d'en découvrir les causes dans l'intérêt d'une vie harmonieuse de la famille.

4.1.4. Rite de réparation

Le rite de réparation chez les Baluba du Kasaï consiste en un rituel organisé par les membres de la famille ou du clan constitué en une cour populaire pour régler un conflit social de suite de violations des préceptes de coutumes, ayant engendré ou pas de conséquences. Ce rite a pour objet le retour à l'harmonie familiale ou la prévention de dégâts futurs au sein de la famille ou du clan.

Notre travail n'est pas de reproduire fidèlement l'intégralité des audiences organisées dans cette culture, mais plutôt d'illustrer un cas qui montre comment les Baluba arrivent à résoudre certains conflits sociaux.

· Au cours du deuxième chapitre, nous avons énuméré quelques conséquences de violations de coutume chez les Baluba du Kasaï et leurs pratiques thérapeutiques. Pour illustrer cela, nous avons dit ceci en ce qui concerne la désertion du toit conjugal : « la désertion du toit conjugal par une femme mariée, à l'issue d'une dispute, est une contravention aux coutumes si celle-ci est allée se refugier en dehors de la famille de son mari. Il est à noter que plusieurs considérations sont mises en jeu. Peut être elle peut avoir eu des visites des ses ex-fiancés ou prétendants, elle peut s'exposer à des nouveaux prétendants etc. Alors si après conseils de ses parents, elle décide de regagner son foyer, le conseil familial devrait se réunir pour examiner le cas. Et dans l'entre-temps, le soir c'est tout le quartier que va crier sur elle en disant «  wakupanga mbuji » ce qui veut dire elle a manqué la chèvre, car pour réparer elle devrait payer des amendes auprès des ses belles soeurs qui varient entre l'argent et la chèvre selon le cas et lors de la cérémonie publique on chante «  X wakaya kuabo kabamulonda, x wakalua muele mabele mulu » ce qui signifie «  X était partie chez elle et on ne l'a jamais suivie, X est revenue seule avec ses seins en l'air. »

4.1.4.6. Cas Ngala

Ngala est une jeune dame de 30 ans et d'une famille assez aisée, elle est mariée, mais n'a pas encore eu d'enfants. Son mari Kelly rentre souvent tard à la maison après avoir été boire avec ses amis. Ngala en a marre du comportement de son mari et un jour après une forte dispute, elle se décide de déserter sa maison pour rentrer chez ses parents.

Une semaine plus tard, après avoir eu des conseils de sa mère et d'autres membres de sa famille, Ngala décide de retourner auprès de son mari. Elle y arrive vers les heures du soir et soudainement, c'est tout le quartier qui entre en effervescence en criant de partout : « kukululukuluuu, wakupanga mbujieee» qui peut se traduire par elle a manqué la chèvre, ceci pour dire qu'elle a échoué et n'a pas pu tenir ; et d'autres chantent « Ngala Mulumba wakaya kuabu kabamolonda, wakalua wuele mabele mulu ...» qui signifie Ngala Mulumba est partie chez elle et sans être récupérée par son mari, elle est rentrée toute seule brandissant les seins.

Ngala va rester pendant près d'une semaine, renfermée dans sa maison toute couverte de honte. Cette action est perçue comme un châtiment aux femmes qui désertent leurs toits conjugaux et une mise en garde contre toutes celles qui en auraient des intentions.  

Analyse du cas Ngala

Cette situation est semblable à celle d'une femme qui, par sa faute, son mari a déserté le toit conjugal. A ce propos, il y a une légende chez les Baluba qui explique comment une femme à la recherche de son mari va rencontrer une vieille divinatrice (kakaji kakulu) en lui disant : « kakaji kakulu wetuawu kumuenyiku mbayani awu, nakudia kapasu tshimupela, tshinji tshia kapasu tshiamukuata, et kakaji kakulu le dit nuakutanda anyi, elle dit non, elle ajoute nuakuluangana ? La femme dit non, et elle poursuit tshinji ntshia mpasu ? et la femme dit oui ». Dans cette légende kakaji kakulu veut savoir si la femme à la recherche de son mari ont eu de disputes ou se sont bagarrés, et kakaji kakulu n'arrive pas à concevoir que le mari de cette femme n'ait pu déserter le toit conjugal seulement à cause d'un grillon ou d'un insecte. Ceci sous-entend qu'il y a plutôt d'autres causes ayant conduit à la désertion du mari que la femme n'arrive à s'exprimer.

Ce cas illustre comment les Baluba veillent à prévenir le danger de séparation de couples et renforcent l'harmonie dans un foyer. La désertion d'un toit conjugal peut créer des conflits psychiques dans la vie d'un couple. Ces conflits peuvent avoir d'autres conséquences graves comme l'infécondité chez la femme, l'infidélité chez l'homme et beaucoup d'autres troubles psychiques.

La sanction populaire caractérisée par les chahuts du quartier et d'autres tribus ou amendes (tshibau) que le déserteur est appelé à payer constitue le rite de réparation. Ce rituel ressemble un peu à celui d'une femme adultère et dont le mari accepte à réintégrer le toit conjugal et de poursuivre la vie conjugale ensemble, à la seule différence que dans ce dernier cas la femme est obligée de se dénuder.

4.2. Discussion des résultats

Après avoir présenté et analysé singulièrement les six cas de notre étude, nous allons faire à présent une analyse globale en rapport avec les objectifs que nous nous sommes assigné.

Dans cette démarche, nous avons cherché à savoir ce qui suit :

- comment se fait le diagnostic des troubles de comportement, des maladies ou des problèmes psychologiques qui sont des conséquences de violations des coutumes dans la culture luba ;

- s'il existe des pratiques thérapeutiques appropriées qui peuvent être utilisées dans plusieurs circonstances et situations, et par conséquent être employées comme techniques thérapeutiques en psychothérapie ;

- comment fonctionne le psychisme à travers la puissance de la parole lors de l'entretien thérapeutique.

En d'autres termes, nous allons analyser tous les cas en tenant compte des aspects diagnostics, thérapeutiques et le fonctionnement du psychisme lors de cet exercice thérapeutique.

4.2.1. Aspects diagnostics

Au cours du deuxième chapitre de cette étude, nous avons cité Katanga TSHITENGE pour qui toute maladie chez les Baluba est considérée comme conséquence d'un péché commis soit par le patient lui-même ou par ses parents avant l'âge de raison et que les véritables causes devraient être découvertes afin de pouvoir demander l'intervention des esprits ou des ancêtres.

Nous avons également souligné le fait que le diagnostic dans cette culture, est souvent posé lorsque la situation est devenue critique, voire même irréversible.

Dans le cas du Vieux Lambert, comme celui de Tatu, l'on constate que nous sommes devant des patients dont les corps entrent déjà en décomposition, les intéressés plongés dans un coma profond, mais continuent à vivre. Ils se battent entre la vie et la mort. Voilà une indication que quelque chose ne va pas et il faut une intervention. C'est à ce stade que l'on fera appel ou qu'interviendra le personnel soignant, en l'occurrence le vieux sage de la famille ou le chef de famille investi des pouvoirs de guérison. L'histoire personnelle du Vieux Lambert ou l'analyse psychodynamique va révéler qu'il avait des fétiches devant le rendre invulnérable et immortel. Ce genre de fétiches usurpent les pouvoirs ancestraux du fait que le détenteur se place à l'abri de tout contrôle familial et clanique. Mais comme tous ces fétiches ont toujours des termes, les esprits ancestraux attendent l'intéressé en fin terme pour lui demander des comptes. Cette situation met le Vieux Lambert comme Tatu en ballotage ne sachant quoi faire. Il faut un aveu (kutula diyi) sous quelque forme que ce soit afin d'entamer toute autre thérapie.

Le cas de ya Mbombo qui a commis l'adultère avec son beau-frère (un cas d'inceste comme cela s'est produit avec un personne ayant des liens familiaux) suscite un diagnostic presque similaire car l'on constate qu'elle fait plusieurs jours de travail d'accouchement sans que l'enfant ne naisse. Cette situation qui dépasse les sages femmes va au-delà de l'obstétrique et il faut rechercher les causes, faute de quoi Ya Mbombo risque la mort. Il s'agit d'un patient dont l'état est également critique. Le blocage de l'accouchement chez Ya Mbombo permet de détecter un problème lié à la violation de coutumes. Les femmes sages ou les aides accoucheuses, si elles sont préparées ou initiées à diagnostiquer l'existence d'un problème particulier qui nécessite une prise en charge spéciale, elles arrivent à denouer la situation. C'est ce qui conduit à un entretien clinique qui permet à Ya Mbombo de faire son aveu et libérer l'accouchement.

Le cas Mankashi, renseigne comment le comportement inadapté d'un parent vis-à-vis des ses enfants peut rendre les enfants agressifs et les frustrations générées par la maltraitance d'un parent sont détectées à travers l'expression des enfants et comment elles développent les mécanismes de défense pour parer à cette situation. La technique de pilon et mortier qui est répandue dans plusieurs village où l'on peut entendre les femmes se défouler en chantant, en lançant des proverbes et anecdotes sous forme des chants pour exprimer les difficultés ou les violences dont elles sont victimes soit de la part de leurs maris, ou encore de la part de leurs belles familles.

4.2.2. Aspects thérapeutiques

Nous avons compris que la thérapie est une aide ou une modification de comportement d'un individu tendant à supprimer ou à atténuer sa souffrance, son mal à l'aise ou créer une situation harmonieuse pour un individu ou un groupe d'individus. Les cas que nous avons étudiés nous montrent comment on arrive dans cette culture à aider les personnes qui ont des problèmes à soit les supprimer, soit en atténuer l'ampleur. Pour certains comme Vieux Lambert et Tatu, il leur fallait mourir pour aller se reposer en paix et leur éviter toutes les souffrances qui n'avaient que trop duré.

Pour Ya Mbombo, le fait de l'amener à avouer son acte d'adultère l'a aidé à accoucher et arrêter ses souffrances, bien que pour ce cas, la thérapie se fait en deux temps. Il y a d'abord la thérapie instantanée qui vise à trouver une solution immédiate. Cette thérapie est parfois éphémère, car il peut y avoir des récurrences d'où le deuxième temps qui consiste en une réparation publique. Notons ici que notre intérêt a été plus dans la quête d'une solution immédiate, mais nous attirons l'attention de l'intéressé de pouvoir poursuivre la thérapie au niveau familial avec des rites de réparation pour une solution définitive ou durable. Somme toute, pour le psychologue clinicien ou la sage femme, le fait d'avoir aidé la femme à accoucher est le plus important.

Le Cas Washington nous montre comment le nom joue un rôle très important dans la thérapie. Le nom est chargé d'un pouvoir psychique d'éveiller la conscience. Washington, en plein coma, a su se réveiller grâce au nom de puissance que son fils a eu à prononcer.

Dans le cas Mankashi, il s'agit d'une auto thérapie. Les deux filles ou nièces de Mankashi par le fait d'exprimer les frustrations en chantant, elles sont dans un processus thérapeutique. Cela va de même de toutes ces femmes qui expriment leurs angoisses, leurs chagrins, les déshonneurs, leurs souffrances en pillant et en chantant, ou en confiant leurs difficultés à des personnes de confiance, mures et expérimentées. Raconter son chagrin à un ami, un proche constitue en soi une libération du lourd fardeau qu'on a sur la conscience..

L'aspect thérapeutique trouve son sens dans le fait que le problème posé trouve de solution immédiate qu'elle soit temporaire ou définitive. Il nous revient d'envisager d'autres voies qui aideraient les patients à obtenir des solutions beaucoup plus durables.

4.2.3. Le Fonctionnement du psychisme

Nous nous plaçons ici dans un contexte d'entretien clinique entre le personnel soignant qui peut être un guérisseur traditionnel ou un psychologue clinicien. Au centre d'entretien la parole reste l'élément clé pour réaliser l'intersubjectivité. Benony et Chahroaoui (2003) disent que l'entretien vise à appréhender et à comprendre le fonctionnement psychologique d'un sujet. Ceci fait appel à la théorie psychanalytique freudienne où l'on considère la psychanalyse comme une technique d'analyse du psychisme et permet donc d'accéder à l'inconscient des individus. Et dans cette démarche, on peut arriver à provoquer une abréaction chez le sujet qui produira une catharsis. Cet effet est une réponse au stimulus du psychisme.

Pour les neurosciences, tout se passe dans le cerveau et que le psychisme humain n'est qu'une résultante des connexions et interactions des neurones au niveau du cerveau. Mais ces recherches sont encore en cours. Jean-Jacques Pinto (2011) évoque une pseudoconvergence entre les neurosciences et la psychanalyse.

Les neuroscientifiques parlent da la polarisation des neurones qui sont chargés positivement et négativement. Cette énergie qui découle des neurones selon les neurosciences, explique en quelque sorte les pouvoirs que détiennent les guérisseurs (les nganga) qu'ils soient medium, devin ou chef de clan tels que décrits au deuxième chapitre et leur permet de pénétrer l'espace psychique ou l'inconscient d'un individu et lire les archives contenant les affects, les traumatismes ou les événements de l'histoire individuelle du patient afin de proposer une thérapeutique. Outre les neurosciences, les expériences faites dans le cadre de parapsychologie expérimentale démontrent aussi comment cette intersubjectivité marche dans la phénoménologie de la perception extra sensorielle.

Les cas Lambert, Tatu, Washington et Mbombo, se rangent dans cette logique où l'on utilise la parole pour éveiller la conscience, la parole qui contient une énergie nécessaire pour mettre en contact le personnel soignant et le psychisme du patient afin d'aboutir au résultat escompté.

Dans le cas Washington, le fait de prononcer ce nom spécial « Washington » réveille ce patient qui était dans un coma profond. Ceci démontre la puissance que possèdent certains noms que portent les individus. Cette réaction est l'effet d'une métacommunication entre deux individus.

CONCLUSION

Les coutumes et traditions culturelles, les représentations mentales ou les savoirs quotidiens sont devenus aujourd'hui objet d'études de toutes les disciplines, depuis que la sociologie - dans le sillon de Durkheim cité par Panu Mbendele (1988) - a découvert leur importance.

Le présent travail qui est parti des théories subjectives luba du Kasaï relatives aux traitements des maladies et problèmes, conséquences de violation des coutumes s'est voulu une réponse aux interrogations selon lesquelles les pratiques thérapeutiques de cette culture peuvent être utiles à la psychologie clinique en générale et la psychothérapie en particulier. Il nous montre comment nos représentations communes déterminent la nature de nos comportements.

Notre travail s'est ainsi intéressé aux savoirs endogènes, au vécu du peuple luba puisé du monde dans lequel il vit et surtout aux savoirs sur la résolution des problèmes psychosomatiques.

Nous avons constaté que les personnels de santé que nous avons appelés agents guérisseurs ou les nganga ont développé diverses stratégies et techniques pour aider leurs frères et soeurs à entretenir la santé (vie) ou à la restaurer lorsqu'elle a été perturbée (à soigner la maladie). Dans leurs pratiques, ils utilisent la parole comme outil principal bien que les rituels peuvent mettre en exergue d'autres objets comme les peaux de certaines bêtes, des plantes, etc., en vue de préparer psychologiquement la thérapie. La clé de voûte de toute leur construction thérapeutique est que tout est interconnecté, tout peut influencer tout, avec la parole.

A la lumière de ces quelques cas, étudiés au cours de cette recherche, nous nous rendons compte dans nos cultures, il existe des méthodes et techniques thérapeutiques qui procèdent quasiment comme les méthodes scientifiques. Il y a des procédures diagnostiques et des techniques de traitement valables et comparables aux procédures et aux techniques de certaines psychothérapies scientifiques. Bien plus, il y a des techniques que la psychothérapie scientifique ignore encore et qui peuvent être adaptées afin de rendre nos pratiques scientifiques beaucoup plus efficaces.

Bien que ce pratiques thérapeutiques ne saurons répondre de la même façon chez tout le monde, cela est lié, bien sûr, à l'équation personnelle ou de l'histoire individuelle du sujet, elles demeurent d'un apport important pour la science.

C'est en ce sens que nous poursuivrons nos recherches futures, en nous basant sur les aspects issus de cette étude, avec un échantillon plus élargi pour que ces pratiques soient utiles non seulement en milieux luba, mais à travers d'autres cultures.

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