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Amnisties et prescriptions penales en droit international des droits de l'homme


par Seth Jireh OUMBA BAZOLA
Université Catholique d'Afrique Centrale - Master 2021
  

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B- Les fondements des prescriptions pénales

La doctrine pénale française a dégagée plusieurs fondements à la prescription des peines qui, sont pour la plus part des fondements liés à l'étape de la poursuite des présumés auteurs

33 Dans ce cadre, il n'est pas toujours évident de distinguer la règle de l'exception. Pour en donner deux exemples, v. l'Accord de Linas-Marcoussis du 24 janvier 2003 (concernant la Côte d'Ivoire), d'une part, et l'Annexe `A' de l'Accord de cessez-le-feu de la République démocratique du Congo du 10 juillet 1999, de l'autre.

En ce qui concerne l'Accord de Linas-Marcoussis, l'article 3.i prévoit que : « Le gouvernement de réconciliation nationale prendra les mesures nécessaires pour la libération et l'amnistie de tous les militaires détenus pour atteinte à la sûreté de l'Etat et fera bénéficier de la même mesure les soldats exilés. ». Alors que le chapitre VI de l'Annexe, dédié au Programme du Gouvernement de réconciliation, établie que (§ 3) : « Sur le rapport de la Commission internationale d'enquête, le gouvernement de réconciliation nationale déterminera ce qui doit être porté devant la justice pour faire cesser l'impunité.

Condamnant particulièrement les actions des escadrons de la mort et de leurs commanditaires ainsi que les auteurs d'exécutions sommaires sur l'ensemble du territoire, la Table Ronde estime que les auteurs et complices de ces activités devront être traduits devant la justice pénale internationale ».

Quant à l'Annexe `A' de l'Accord de cessez-le-feu de la République démocratique du Congo du 10 juillet 1999, le Chapitre 9 consacré au désarmement des groupes armés prévoit, au § 1, que: «The Joint Military Commission with the assistance of the UN/OAU shall work out mechanisms for the tracking, disarming, cantoning and documenting of all armed groups in the DRC [...] (a). handing over to the UN International Tribunal and national courts, mass killers and perpetrators of crimes against humanity; and (b) handling of other war criminals». Alors que le § 2 établit que : «The Parties together with the UN and other countries with security concerns, shall create conditions conducive to the attainment of the objective set out in 9.1 above, which conditions may include the granting of amnesty and political asylum, except for genocidaires. The Parties shall also encourage inter-community dialogue».

34 C'est par exemple le cas de l'Arusha Peace and Reconciliation Agreement for Burundi du 28 Août 2000. L'article 6 du Protocol I on the Principles and measures relating to genocide, war crimes and other crimes against humanity, inclut, parmi les Political principles and measures : «(1) Combating the impunity of crimes ; (2) Prevention, suppression and eradication of acts of genocide, war crimes and other crimes against humanity, as well as violations of human rights, including those which are gender-based; (3) Implementation of a vast awareness and educational programme for national peace, unity and reconciliation; (4) Establishment of a national observatory for the prevention and eradication of genocide, war crimes and other crimes against humanity; (5) Promotion of regional cooperation to establish a regional observatory for the prevention and eradication of genocide, war crimes and other crimes against humanity. (6) Promotion of a national inter-ethnic resistance front to combat genocide, war crimes and other crimes against humanity, as well as generalization and collective attribution of guilt. (7) Erection of a national monument in memory of all victims of genocide, war crimes and other crimes against humanity, bearing the words "NEVER AGAIN"; (8) Institution of a national day of remembrance for victims of genocide, war crimes and other crimes against humanity, and taking of measures that would facilitate the identification of mass graves and ensure a dignified burial for the victims».

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des infractions. Deux fondements gouvernent ainsi la prescription des poursuites pénales, à savoir le fondement moral (1) et le fondement social (2).

1- Le fondement moral

Les fondements moraux des prescriptions pénales peuvent être considérés comme les plus anciens. Pour ce courant, le temps accorde un pardon moral aux auteurs des infractions qu'il faudrait oublier et ne pas prononcer les sanctions. Cette conception est considérée par J. PRADEL comme du « romantisme juridique »35 montrant que l'auteur d'une infraction serait déjà condamné par son angoisse à l'idée de penser que son acte lui vaudra une sanction. Ainsi, en attendant une punition légale, le fautif est déjà sanctionné, ce qui serait inutile de la sanctionner une nouvelle fois.

Cette théorie peut se justifier par plusieurs éléments. D'abord, le fait de commettre une infraction pousserait le fautif à se mettre en marge de la société, donc de vivre une vie solitaire afin d'échapper à la sanction légale et par conséquent ne plus commettre d'infraction. Ensuite, toujours dans la logique de la crainte d'être sanctionné, un remord va se créer sur l'individu et, le délai de prescription pénal serait un autre moyen de « sanction pénale indirecte »36. Aussi, la période d'angoisse subit par le délinquant lui permettrait de retenir une leçon sur le respect de la vie sociale, ce qui le pousserait à se remettre sur le droit chemin. De ces arguments, il ressort que la prescription pénale est une arme efficace qui permettrait au droit pénal de résoudre les difficultés liées à l'application des peines. Ce qui réjouit certains criminologues et pénalistes qui se sont plutôt rangé de ce côté37.

Le pardon moral qui gouverne cette conception voudrait donc que la loi fixe un délai de prescription de la peine, adapté à chaque infraction selon sa gravité.

Ces fondements sont toutefois remis en cause et critiqués par d'autres auteurs qui pensent que la prescription pénale est un frein pour le droit pénal et la société en général. En effet, des auteurs comme Garraud ou Prins, rejettent cette conception et demandent « comment le simple écoulement du temps pourrait parvenir à l'amendement du délinquant alors que la peine ne peut

35 J.PRADEL, Procédure Pénale, Cujas, 15ème ed., 2010, N°236, p.184 mais aussi R.MERLE et A.VITU, op. cit., N°50, p.66.

36 M-L.RASSAT, Procédure Pénale, PUF, 2ème ed., 1995, p.469

37 Voir A.MIHMAN, op. cit., N°257, p.289

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pas toujours atteindre ce but »38. Le droit pénal moderne, à travers sa doctrine, rejette également cette conception qu'elle qualifie de trop idéaliste du temps qui passe39.

Face à la réalité d'aujourd'hui, nous pouvons comprendre dans quelle mesure cette conception, bien que moralement satisfaisante, ne peut être mis en place. Déjà, l'idée de penser que la prescription pénale peut être un rédempteur pour le délinquant, nous emmène à parler après d'un repentir actif ce qui n'est pas équivoque quel que soit l'époque. En effet, pour pouvoir se repentir d'un fait infractionnel il faut premièrement en être conscient et avoir agi volontairement. Ainsi, la rédemption à un comportement criminel ou délinquant ne vaudrait que pour une infraction intentionnelle. Bien qu'un certain sentiment de culpabilité puisse naitre d'une infraction non intentionnelle, le fait que ce type d'infractions relève d'une imprudence ou d'une faute qualifiée ne traduit pas la volonté d'un comportement particulièrement déviant pouvant s'amender par l'angoisse de la répression. La sanction pénale ici aura plutôt pour fonction de mettre en avant les responsabilités du délinquant et non pas contrarier une volonté d'atteinte aux valeurs sociales de la société40.

Aussi, pour se repentir, il faut être conscient d'avoir commis une infraction. Dès lors, les personnes ayant commis des infractions de manière involontaire pourront se repentir puisque conscient de n'avoir commis aucun acte délictueux. Leurs fautes ayant créée une infraction pénale mais ils n'en savent rien. L'expiration des délais de prescription dans cette perspective ne punit pas d'une manière quelconque le fautif.

Enfin, tout semble à comprendre que ces conceptions ne prennent pas en considération le problème du récidive. Pour le Professeur Rassat, « l'absence de poursuites des premières infractions d'un individu a pu le renforcer dans un sentiment d'impunité et l'inciter, au contraire, à en commettre de nouvelles »41. Pour éviter que l'angoisse soit un élément guérisseur du délinquant, Madame Rassat ajoute que « l'absence de poursuite a empêché d'appliquer tout de suite à l'intéressé les mesures qui auraient été propres à le détourner de la délinquance »42. Ainsi, faire écouler le temps est un obstacle à la rédemption du délinquant puisqu'il empèche les autorités d'intervenir afin de lui venir en aide. Pour le Professeur Pradel, chaque délinquant réagissant individuellement face à la possibilité de poursuites, il est impossible d'établir une

38 A.MIHMAN, ibid.

39 Voir J.PRADEL, op. cit., p.184 ; R.MERLE et A.VITU, op. cit., p.66 et 67 ; M-L.RASSAT, op. cit., p.469.

40 V. FOURMY, « Désordre de la prescription de l'action publique », Mémoire de master en droit pénal et science pénale. Faculté de droit, Université Paris II Panthéon -Assas. 2011.

41 M-L.RASSAT, op. cit., N°290, p.468

42 M-L.RASSAT, ibid

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théorie sur l'expiation aussi générale « le temps n'étant pas le même pour tous43. Par ailleurs, il ajoute que la prescription profite aussi bien aux petits délinquants, lesquels sont les plus susceptibles de rentrer dans la norme, qu'aux grands malfaiteurs, ancrés dans un comportement déviant et nettement moins susceptibles de repentir44.

Les théories moralistes de la prescription pénale apparaissent comme des formes de réflexions considérées aujourd'hui comme dépassé. Si certains peuvent aujourd'hui accepter que les infractions soient parfois oubliées, il est de plus en plus difficile de concevoir cet oubli sur la base du remord et du repentir du délinquant. Ainsi, d'autres conceptions comme l'utilité sociale à la répression ont vu le jour et semble adéquat à la prescription.

2- Le fondement social

Plus actuel que les fondements moraux, les fondements sociaux ont tout de même un lien avec les premiers. En effet, les fondements sociaux de la prescription ont pour but de consolider la paix acquise avec le temps. Il est pour cette conception, pas normal de poursuivre des délinquants après un temps écoulé alors que les faits qui leurs sont reprochés ont perdu de traces dans la société. Ainsi, pour cette conception sociale, c'est l'impact social de l'infraction qui doit être visé. Dès lors qu'il cesse avec le temps, il ne convient plus de demander justice.

Le droit pénal dont la fonction est de sanctionner les troubles sociaux par une infraction, son but est celui de mettre en place une paix sociale. Toutefois, si par le temps, l'impact d'une infraction n'est plus visible, les effets de celle-ci sont oubliés, il ne serait pas nécessaire de recourir aux sanctions pénales puisque la paix et la sécurité sociale ont été restaurées d'elles même. Comme le dit le Professeur Bouloc, « au bout d'un certain temps, mieux vaut oublier l'infraction qu'en raviver le souvenir »45. Si le temps a pour vertu de permettre à la société d'oublier l'infraction il serait alors inopportun de déclencher l'action publique tardivement car le déclenchement des poursuites aurait pour effet de rappeler à la société le trouble qu'elle a subi et ainsi « mettre en péril l'équilibre retrouvé46. Les poursuites tardives dans cette perspective perdent leur rôle fondamental qui est de veiller sur la paix et la sécurité sociale. Ainsi, le Professeur Rassat affirme que « qu'il est inopportun de manifester aussi

43 J.PRADEL, op. cit., p.184

44 J. PRADEL, ibid. « la prescription est pernicieuse (...) Elle nuit à la protection de la société en profitant aussi bien aux grands malfaiteurs qu'aux petits délinquants alors que le temps ne saurait atténuer les dangers des premiers. »

45 B.BOULOC, Procédure Pénale, Dalloz, Coll. Précis, 22ème ed, 2010, N°203, p.173.

46 A.MIHMAN, op. cit., N°257, p.288

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spectaculairement l'inefficacité d'un système pénal qui met des années avant de se saisir des délinquants »47. La prescription serait ici un moyen de pardon permettant de mettre en place une paix sociale. Le législateur met en place un délai pour la restauration de la paix et de la sécurité sociale en fonction des infractions, tout en se basant sur la classification de celles-ci.

Les fondements sociaux, comme les fondements moraux ont également fait l'objet des critiques. D'abord, comment affirmer que l'impact de l'infraction s'atténue avec le temps et donc l'application de la prescription est possible alors même que la poursuite pénale n'a pas pour seul rôle de sanctionner, mais aussi de prévenir l'avenir ? Comme pour les conceptions moralistes, l'acquisition de la prescription, résultant en l'impunité de l'auteur d'une infraction, n'assure pas son intention de ne plus récidiver dans son anti socialité. La paix sociale n'est dans cette perspective pas assurée par l'absence de poursuites. La prescription semble donc ici encore profiter aux délinquants de toute espèce sans pour autant les inciter à rentrer dans la norme. Aussi, si l'opinion publique ne souffre plus de l'infraction, il n'en demeure pas moins qu'une atteinte lui a été portée et qu'ainsi il est nécessaire d'y apporter une réponse.

Par ailleurs, le pardon qui est certes un élément fondamental pour l'instauration de la paix et de la sécurité, n'est pas généralisé à tous les troubles car certains ne finissent pas. Chaque crime ne s'équivaut pas et cette affirmation est aussi valable pour les délits. Ainsi un génocide n'équivaut pas en termes de gravité un vol à main armée48 alors que ces deux infractions sont des crimes. Il ressort aujourd'hui que notre législation prend en compte ces différences de gravité entre infractions. Les crimes contre l'humanité dont le génocide fait partie, sont imprescriptibles49 alors que le vol aggravé donné en exemple se prescrit selon la règle de l'article 7 du Code de procédure pénale par dix années révolues.

Paragraphe II : La manifestation des amnisties et des prescriptions pénales A- Les manifestations des amnisties

Fondées sur la ratification des conventions internationales relatives au DIDH et au DIH comme les CG, le PIDCP mais également sur les constitutions de différend Etats, la manifestation des amnisties ou la procédure de leur mise en place est clairement défini. En effet, suivant le cas particulier de la RCA qui a récemment mis en place une amnistie des crimes,

47 M-L.RASSAT, op. cit., N°290, p.468.

48 Article 311-8 CP français

49 Article 213-5 CP français.

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la constitution de ce pays précise que c'est à l'Assemblée Nationale d'adopter les lois d'amnisties, avant leur promulgation par le chef de l'Etat.

En effet, l'article 41 de la Constitution centrafricaine du 13 mars 2016 dispose que : « lorsque les circonstances l'exigent, le Président de la République peut soumettre au referendum, après avis du Conseil des Ministres, celui du Bureau de l'Assemblée Nationale, celui du bureau de Sénat et celui de Sénat et celui du Président de la Cour Constitutionnelle, tout projet de loi ou, avant sa promulgation, toute loi déjà votée par le Parlement ».

Cette disposition de la Constitution centrafricaine est une affirmation que la volonté du peuple est nécessaire pour toute manifestation de l'amnistie. Aussi, nous pouvons comprendre que seule le Parlement a le plein pouvoir pour la mise en marche des amnisties puisque représentant le peuple de manière souveraine.

Cependant, on distingue plusieurs types d'amnisties dont les amnisties générales et les amnisties réelle. Les premiers s'appliquent sur tous les présumés auteurs d'infractions et des crimes commis sur un territoire et, n'est valable que pour le pays ou les faits se sont produits et qui promulgué la loi d'amnistie. L'amnistie générale exonère de vastes catégories d'auteurs de violation des DH50. Les amnisties réelles par contre, concernent des faits précis définis par le législateur. Ainsi, les personnes ayant été emprisonnées pour des faits amnistiés sont automatiquement libérées peu importe leurs condamnations. Une illustration de l'amnistie réelle est faite par le législateur Congolais en 2005 lorsqu'il dit : « Il est accordé une amnistie pour les faits de guerre, infraction politique et d'opinion à tous les Congolais résidents au pays ou à l'étranger, inculpé, poursuivis ou condamnés par une décision de la justice51. ».

D'autres types d'amnisties peuvent être cités comme les amnisties conditionnelles, les amnisties personnelles ou encore les amnisties mixtes. Toutefois, toutes ces amnisties se manifestent de la même façon, selon qu'elles dépouillent « rétroactivement certains faits de leurs caractère infractionnel. ». Gacon (S) et Citron écrivaient sur ce point : « l'amnistie est un processus juridique surprenant par l'effet radical qu'il impose : On oublie tout, rien ne s'est passé52. ».

50 Garth, (M.), et al. « Amnisties with universal juridiction », in international Law Forum, 2000, vol. 2, n2, p.76.

51 Loi congolaise N 05-023 du 19 décembre 2005 portant amnistie des faits de guerre, d'infractions politiques et d'opinion.

52 Gacon, (S) et al., « Amnistie- Les commentaires de la mémoire officielle », in Oublier nos crimes :L'amnésie nationale, une spécificité française ? p.100.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon