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Amnisties et prescriptions penales en droit international des droits de l'homme


par Seth Jireh OUMBA BAZOLA
Université Catholique d'Afrique Centrale - Master 2021
  

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Paragraphe II : Les difficultés d'application des deux institutions

Les difficultés d'application des amnisties et des prescriptions pénales se manifestent par leur incompatibilité avec les DIP et le DIH (A), avec les principes de l'ONU (B) et enfin avec la monté du principe de l'imprescriptibilité des crimes internationaux (C).

A- L'incompatibilité de des amnisties avec le Droit international pénal et le Droit international humanitaire

L'incompatibilité des amnisties avec le DIP et le DIH est autant conventionnelle que jurisprudentielle.

En effet, relativement au DIP, on assiste depuis plusieurs années à la création de Tribunaux pénal tant ad hoc que universelles, dont le but est de lutter contre l'impunité dans le monde. L'amnistie qui est une forme d'encouragement de l'impunité est donc incompatible aux exigences du DIP. Dans une décision du 13 mars 2004, les juges du Tribunal spécial pour la Sierra Leone ont affirmé l'incompatibilité des amnisties avec les obligations et les conventions internationales en ces termes : « Even if the opinions held that Sierra Leone may not have breached customary law in granting an manesty, this court is entitled in the exercise of its discretionary power, to attribute little or a weight to the grant of such amnesty which is contary to the obligations in certain treaties and conversations the purpose of which is to protct humanity.».

Aussi, l'incompatibilité des amnisties avec le DIP résulte du fait que le DIP prône la responsabilité de chaque individu devant ses manquements. Le préambule de la CPI rappelle que « qu'il est du devoir de chaque Etat de soumettre à sa juridiction criminelle les responsables des crimes internationaux ». Cette position de la CPI bien que non précise sur le cas particulier de l'amnistie, puisque ayant un caractère extrajudiciaire, montre que la pratique des amnisties est contraire aux obligations internationales des Etats qui doivent livrer à la juridiction internationale, les responsables des crimes internationaux.

L'amnistie des crimes internationaux n'est pas envisageable en DIP. Cet argument est soutenu par plusieurs auteurs comme Maison (R) qui ne voit pas le bien fondé des amnisties en DI. C'est pourquoi elle écrit : « Un Etat ne peut pardonner un crime, tel qu'un crime de Droit international, que d'autres Etats sont amenés à garder en mémoire et à poursuivre ».

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C'est dans ce sens que la Cour interaméricaine des droits de l'homme va déclarer dans l'affaire Velasquez-Rodriguez, que « Les Etats doivent prévenir toute violations des droits reconnus par les conventions et enquêter au sujet de toute violation et la punir67 ».

L'obligation de répression qui est considéré comme un des principes du DIP est incompatible avec l'amnistie. En effet, suivant l'article 25 du Statut de Rome parlant de la responsabilité individuelle, il est affirmé que « 1. La Cour est compétente à l'égard des personnes physiques en vertu du présent Statut. 2. Quiconque commet un crime relevant de la compétence de la Cour est individuellement responsable et peut être puni conformément au présent Statut. 3. Aux termes du présent Statut, une personne est pénalement responsable et peut être punie pour un crime relevant de la compétence de la Cour si : a) Elle commet un tel crime, que ce soit individuellement, conjointement avec une autre personne ou par l'intermédiaire d'une autre personne, que cette autre personne soit ou non pénalement responsable; b) Elle ordonne, sollicite ou encourage la commission d'un tel crime, dès lors qu'il y a commission ou tentative de commission de ce crime;... ». Les amnisties sont donc dans cette perspective incompatible au DIP.

Relativement à l'incompatibilité avec le DIH, celle-ci se fonde sur les violations ou les interprétations erronées des conventions internationales. En effet, au regard des articles art. 49, 50, 129 et 146, des quatre conventions de Genève de 1949, les Etats doivent sanctionner pénalement les auteurs des crimes dans les CAI, ou ceux qui ont donné l'ordre de les commettre Ils doivent rechercher les personnes soupçonnées d'avoir commis, ou donné l'ordre de commettre, de telles infractions et les déférer, quelle que soit leur nationalité, à leurs propres tribunaux, ou les extrader. Ils doivent également prendre les mesures nécessaires pour faire cesser toutes les autres infractions aux Conventions.

Quant à la mauvaise interprétation des conventions internationales par les Etats, il faut reconnaitre que les Etats se basent sur l'article 6.5 du PA II des CG pour appliquer les amnisties, alors même que cet article ne concerne que les CANI. Les différentes violations du DIH observées doivent nécessairement faire l'objet d'enquêtes et de poursuites judiciaire de la part des autorités. Toutefois, le DIH coutumier applicable tant dans les CAI que dans les CANI impose aux États d'enquêter sur tous les crimes de guerre qui auraient été commis par leurs ressortissants ou leurs forces armées, ou sur leur territoire, et, le cas échéant, de poursuivre les

67 Cour interaméricaine des droits de l'homme, Affaire Velasquez Rodriguez, Arret du 29 juillet 1988, série C, n4, §172.

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suspects. Ils doivent également enquêter sur les autres crimes de guerre relevant de leur compétence et, le cas échéant, poursuivre les suspects68.

Les incompatibilités des amnisties avec le DIP et le DIH sont donc liées à la responsabilité internationale des individus et aux violations des conventions de DIH. Qu'en est-il des incompatibilités avec les principes des NU ?

B- Incompatibilité avec les principes de l'Organisation des Nations Unies

Les Nations-Unies ont condamné par leurs principes et politique, l'impunité des crimes graves touchant à la sensibilité internationale. L'ONU affirme que les amnisties, les prescriptions pénales et toute autre forme d'impunité sont incompatible à sa politique. Les Etats doivent selon elle veiller à ce que: a) les auteurs d'atteintes graves aux droits de l'homme et au droit humanitaire soient traduits en justice69; et b) les victimes aient droit à un recours utile, y compris à réparation70.

Les Nations-Unies dans sa politique, obligent les différends Etats à mettre en place les des mécanismes d'enquête et de réparation des violations des droit de l'homme. Les amnisties et les prescriptions pénales sont prohibées. C'est ainsi que l'un des Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l'homme et de violations graves du droit international

68 Voir la Règle 158 de l'étude du CICR sur le DIH coutumier, op. cit., note 1.

69 Par exemple, les Principes de la coopération internationale en ce qui concerne le dépistage, l'arrestation, l'extradition et le châtiment des individus coupables de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité prévoient que les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité «doivent faire l'objet d'une enquête, et les individus contre lesquels il existe des preuves établissant qu'ils ont commis de tels crimes doivent être ... traduits en justice et, s'ils sont reconnus coupables, châtiés» (résolution 3074 (XXVIII) de l'Assemblée générale). Les Principes relatifs à la prévention efficace des exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires et aux moyens d'enquêter efficacement sur ces exécutions prévoient: «En aucun cas ... une amnistie générale ne pourra exempter de poursuites toute personne présumée impliquée dans des exécutions extrajudiciaires, arbitraires ou sommaires» (résolution 1989/65, annexe, Principe 19, du Conseil économique et social). La Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées prévoit que «[l]es auteurs et les auteurs présumés [d'actes de disparitions forcées] ne peuvent bénéficier d'aucune loi d'amnistie spéciale ni d'autres mesures analogues qui auraient pour effet de les exonérer de toute poursuite ou sanction pénale» (résolution 47/133, art. 18, de l'Assemblée générale), alors que la Déclaration sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes, de 1993, prévoit que les États devraient «agir avec la diligence voulue pour prévenir les actes de violence à l'égard des femmes, enquêter sur ces actes et les punir conformément à la législation nationale, qu'ils soient perpétrés par l'État ou par des personnes privées» (résolution 48/104, art. 4 c), de l'Assemblée générale). La Déclaration et le Programme d'action de Vienne, adoptés en 1993 par la Conférence mondiale sur les droits de l'homme, affirme que «[l]es États devraient abroger les lois qui assurent, en fait, l'impunité aux personnes responsables de violations graves des droits de l'homme telles que les actes de torture, et ils devraient poursuivre les auteurs de ces violations, asseyant ainsi la légalité sur des bases solides» (A/CONF.157/24 (partie I), chap. III, par. 60).

70 Par exemple, la Déclaration universelle des droits de l'homme proclame: «Toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la Constitution ou par la loi» (art. 8).

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humanitaire, adoptés par l'Assemblée générale en 200571, réaffirme cette obligation lorsqu'il dit : « En cas de violations flagrantes du droit international des droits de l'homme et de violations graves du droit international humanitaire qui constituent des crimes de droit international [par exemple des «crimes de guerre»], les États ont l'obligation d'enquêter et, s'il existe des éléments de preuve suffisants, le devoir de traduire en justice la personne présumée responsable et de punir la personne déclarée coupable de ces violations ». Cette affirmation est une volonté manifeste des NU pour mettre fin aux pratiques d'amnisties et de prescription pénale pour les crimes internationaux.

Aussi, l'Ensemble de principes actualisé pour la protection et la promotion des droits de l'homme par la lutte contre l'impunité, dont la Commission des droits de l'homme a pris acte avec satisfaction en 2005, affirme essentiellement la même norme dans son Principe 1972, comme quoi « Les États doivent mener rapidement des enquêtes approfondies, indépendantes et impartiales sur les violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire et prendre des mesures adéquates à l'égard de leurs auteurs, notamment dans le domaine de la justice pénale, pour que les responsables de crimes graves selon le droit international soient poursuivis, jugés et condamnés à des peines appropriées ».

Parlant spécifiquement du cadre des amnisties et des prescriptions pénales, le principe 24 vient donner des limites d'applications aux Etats, si ceux-ci mettaient quand même les impunités en oeuvre. Pour ce principe, « Y compris lorsqu'elles sont destinées à créer des conditions propices à un accord de paix ou à favoriser la réconciliation nationale, l'amnistie et les autres mesures de clémence doivent être contenues dans les limites suivantes:

a) Les auteurs de crimes de droit international graves ne peuvent bénéficier de telles mesures tant que l'État n'a pas satisfait aux obligations visées au Principe 19 ou qu'ils n'ont pas été poursuivis par un tribunal - international, internationalisé ou national - compétent hors de l'État en question... ».

Enfin, plusieurs autres principes comme le principe 31 ou 32 nous permettent de comprendre que la politique des Nations-Unies est incompatible aux institutions prônant l'impunité. Cette affirmation d'incompatibilité entre les amnisties, les prescriptions pénales et la politique de

71 Résolution 60/147, annexe, de l'Assemblée générale.

72 Résolution 2005/81 sur l'impunité, par. 20.

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l'ONU est dans une certaine mesure la conséquence de la monté de la notion d'imprescriptibilité des crimes au rang de principe en DIP.

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