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L'engagisme à  la réunion


par Willy Boris GENCE
Université Paris VIII - Licence Histoire mention Science Politique 2021
  

Disponible en mode multipage

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ENGAGISME, GENRE ET SUBALTERN STUDIES

Retour sur les débats historiographiques contemporains à travers l'étude de l'engagisme

WILLY BORIS GENCE

ENGAGSIME, GENRE ET SUBALTERN STUDIES

Retour sur les débats historiographiques contemporains à travers l'étude de l'engagisme

WILLY BORIS GENCE

Mémoire de fin d'études présenté à l'Université de Paris VIII, au sein de la licenceHistoire, mention Science Politique

Sous la direction de Madame Emmanuelle Sibeud

2020 - 2021

TABLE DES MATIÈRES

TABLE DES MATIÈRES 2

INTRODUCTION 4

ÉPISTÉMOLOGIES DE L'ENGAGISME À LA RÉUNION : LA NAISSANCE D'UN OBJET D'ÉTUDE HISTORIOGRAPHIQUE 4

CHAPITRE 1 10

L'ENGAGISME ET LE COOLIE TRADE DANS L'HISTOIRE RÉUNIONNAISE 10

1.1. FIN DE L'ESCLAVAGE ET ESSOR DE L'ENGAGISME À LA RÉUNION 10

1.2. ENGAGISME ET INDENTURE 12

CHAPITRE 2 15

LES INTERPRÉTATIONS HISTORIOGRAPHIQUES DU PHÉNOMÈNE DE L'ENGAGISME À LA RÉUNION 15

2.1. UN ESCLAVAGISME DÉGUISÉ ? QUESTIONS TERMINOLOGIQUES 15

2.2. UNE APPROCHE À RELATIVISER 18

CHAPITRE 3 23

LES ÉTUDES HISTORIQUES SUR L'ENGAGISME ET LA QUESTION GENRÉE À LA RÉUNION 23

3.1. L'ENGAGISME AU PRISME DE LA QUESTION DU GENRE À LA RÉUNION 23

3.2. LE DÉPASSEMENT DU DÉBAT PAR UNE NOUVELLE LECTURE 25

CONCLUSION 28

BIBLIOGRAPHIE 30

ANNEXES.................................................................................................32

INTRODUCTION

Épistémologies de l'engagisme à la réunion : la naissance d'un objet d'étude historiographique

L'immigration indiennea considérablement modifié la géographie humaine de l'île de la Réunion, tout comme ce fut le cas dans d'autres îles comme la Guadeloupe ou l'île Maurice. On peut considérer que ce trafic s'inscrit dans les grandes migrations de travail identifiables au XIXème siècle. Selon Marimoutou-Oberlé, ce sont près de 3 millions de personnes qui ont été déplacées avec l'engagisme, dont une sur cinq vers « les îles à sucre des Mascareignes » et environ 200 000 à La Réunion1(*). Mais l'immigration indienne sur l'île ne date pas uniquement de cette période. Durant le XIXème et XXème siècles, près de 2 millions d'Indiens sont arrivés sur l'île, les premiers étant des femmes indo-portugaises venues de Goa. Sont ensuite venus les premiers esclaves, puis les artisans et ouvriers libres, et enfin les premiers travailleurs sous contrat en provenance de Yanaon. Cette migration s'est accélérée avec les conventions internationales de 1860 et 1861. Vers 1870, ce sont les commerçants indiens originaires de Bombay qui ont fait leur apparition, mais la dernière immigration indienne date de 1970 avec l'arrivée des Karanas, des Malgaches d'origine indienne.

L'engagisme prend différentes dénominations. On parle par exemple d'engagisme à la Réunion1(*)et d'indenture à l'île Maurice(traduction de « contrat » en anglais)2(*). Quelle que soit son appellation, le principe est le même : il s'agit d'un système contractuel qui offre une nouvelle de la main d'oeuvre après l'abolition de l'esclavage dans des territoires qui en ont besoin. Ce système se manifeste sous la forme d'un contrat signé par un travailleur « libre »et un employeur qui s'engage à avancer des frais de voyage qui lui seront remboursés en nature, contre une charge de travail.On parle également decoolie trade (migration de travail) pour désigner les mouvements migratoires asiatiques(coolie signifiant « salaire » en tamoul). Celui-ci est moins contraignant que l'engagisme. Il désigne les autres formes de recrutements organisés par des transporteurs européens dans une forme de migration libre. Ce phénomène est néanmoins resté plus marginal que l'engagisme puisqu'il n'a concerné que 10 % des migrants indiens au total3(*).

L'étude de l'engagisme à la Réunion a évolué au cours du temps sous l'influence de différents courants historiographiques et, depuis les années 2000,sous l'influence de deux nouveaux courants : les gender studieset les postcolonial studies.Nées aux États-Unis, les gender studiesforment un champ de la recherche qui s'intéresse au rapport entre les sexes dans tous les domaines des sciences humaines. Elles considèrent que ce rapport a une influence déterminante sur la compréhension et l'interprétation des phénomènes qu'elles s'emploient à revisiter sous un prisme différent. Selon ce courant, la binarité établie entre les deux sexes est un élément constitutif du prisme d'analyse historique occidental. Elle repose sur une représentation mutuellement exclusive et contrastée qui est à la fois fixe et stable : les rôles sociaux sont clairement différenciés, tout comme les attributs donnés à chacun. Ce paradigme a commencé à être remis en question dans les sciences humaines et sociales dans les années 1970.

En rebattant les cartes des cadres épistémologiques en vigueur, les gender studies ont participé à mettre en lumière l'artificialité et la porosité de la construction de nombreuses dichotomies structurant l'ordre social. Deux tournants importants ont eu lieu dans le développement des gender studies. Le premier est relatif au travail mené par Michel Foucault autour des thématiques liées aux relations entre corps et champ politique. Cela a entrainé un premier changement de perspective : le corps est désormais considéré comme le terrain de relations de domination et de pouvoir. Pour Foucault, il s'agit d'une «relation symbiotique». Le corps n'a d'existence qu'à l'intérieur de ces relations constitutives4(*). Le second tournant a été opéré par les travaux de Judith Butler dans les années 1990sur la remise en perspective de la naturalisation du corps. La représentation du genre serait sa construction et elle est imprégnée de la culture occidentale et de son histoire.Ce courant genré s'est développé dans la deuxième moitié du XXème siècle, en même temps que les postcolonial studies et le postmodernisme.

Le postmodernisme est important à mentionner ici car il venu bouleverser les codes existants en remettant en cause la « vérité » telle qu'elle est présentée dans les différents domaines de recherche en sciences humaines. Il s'agit d'une critique générale de la modernité au profit du relativisme, portée par des penseurs comme Gilles Deleuze, Jacques Derrida ou encore Michel Foucault.Le post-colonialisme est souvent rattaché au postmodernismeparce ce que l'objet des postcolonial studies est précisément de faire la critique des discours du colonialisme encore présents aujourd'hui dans les anciens territoires colonisés. Le postmodernisme porte sur la remise en question des discours de l'autoritéqui se traduisent par différentes manifestations (la langue, les institutions, les pratiques, les modes d'organisation, etc.) que le post-colonialisme tente d'étudier pour identifier les manifestations de la domination passée. Ainsi, il est aisé de faire le lien entre ces deux mouvements5(*). De leur côté, les subaltern studies (subaltern studies) s'inscrivent dans la même démarche que les postcolonial studies mais s'intéressent plus précisément à l'Asie du Sud.

Ce travail de recherche a pour but de montrer en quoi les perspectives développées par les gender studies et les subaltern studies permettent de renouveler l'étude de l'engagisme sur l'île de la Réunion.Nous tenterons à ce titre de répondre à une problématique centrale qui est la suivante :

Dans quelle mesure l'étude de l'engagisme à la Réunion permet-elle d'apporter une contribution aux épistémologies historiographiques subalternes ?

L'engagisme à la Réunion est un sujet intéressant à étudier car il comporte, au sein du phénomène colonial, un certain nombre de spécificités chronologiques et géographiques. Tout d'abord, il commence un peu avant l'abolition de l'esclavage, de manière prématurée, comme de manière à préparer la transition. Aussi, l'engagisme à la Réunion est marquée par une certaine diversité que l'on ne retrouve pas dans d'autres îles comme à l'île Maurice. Même si les Indiens représentent la plus grande partie des engagés, d'autresnationalités sont représentées : de 1828 à 1933, sur environ 155 000 engagés de toutes origines enregistrés, 117 000 sont Indiens, 37 000 sont Africains, 3 500 sont Chinois ou Vietnamiens, 3 600 sont Malgaches et 3 000 Rodriguais6(*). Cette diversité réunionnaise est flagrante en comparaison à l'île Maurice où seulement 2% des 500 000 engagés ne sont pas Indiens(22 % sur l'île de La Réunion). L'engagisme est donc une période cruciale de l'histoire réunionnaise, qui a imprimé sa marque au niveau de la composition démographique mais également de la culture et de la construction identitaire de l'île.

Mais ce sujet représente un autre intérêt du point de vu historiographique, car si c'est d'abord la vision de l'empire colonial qui prédomine, cette histoire a été peu à peu revisitée dans le même mouvement que les postcolonial studies. Le nouveau regard porté sur l'engagisme s'est retrouvé à travers les événements de mai 2020, moisdurantlequel les statuts ayant un lien avec le passé colonial et esclavagiste des grandes puissances ont été renversées un peu partout dans le monde. Cette apparition des enjeux mémoriels au sein de l'espace publicfait écho au succès des nouveaux courants historiographiques mentionnés plus tôt. Les travaux de Stanziani seront ici particulièrement étudiés. La Réunion n'a été constituée en objet d'étude que depuis les années 1970, après l'ouvrage pionnier de Tinker, A New System of Slavery : the export of Indian Labour Overseas, 1830-19207(*). Son titre est explicite : il y discute la continuité ou la rupture de l'engagisme avec l'esclavage. Les études sur l'engagisme à La Réunion connaissent depuis un essor considérable. La décennie 2010 a été notamment marquée parles travaux fondateurs de Stanziani, ceux de Marimoutou-Oberlé ou de Callandre et Barat.

De son côté, et dans un contexte de construction de cet objet d'étude, la mobilisation du prisme du genre n'en est encore qu'à ses prémisses. C'est Loza qui lui a ouvert la porte en 2019avec une lecture genrée de l'engagisme à La Réunion8(*). Celle-ci représente un grand intérêt dans la mesure où, si l'engagisme a concerné majoritairement des hommes, il a aussi touché des femmes dont l'expérience et la perception de l'expérience dans l'histoire renvoieà la divergence des discours sur l'engagisme en général. En effet, si certains considèrent que les femmes indiennes se sont libérées grâce à ces contrats de travail, s'émancipant des contraintes liées à leur appartenance à une caste ou à leur condition de femme, d'autres soulignent la dureté de leur condition à La Réunionavec des violences à la fois de la part de la hiérarchie coloniale et des hommes originaires de leur communauté. L'analyse de Loza nous permettra d'aborder l'ambivalence decette étude.

Nous tenterons de répondre à notre problématique en trois temps. Tout d'abord, nous aborderons le phénomène de l'engagisme dans l'histoire réunionnaise et ses spécificités en s'intéressant à son essor et en le comparant à d'autres formes d'engagisme. Dans un second temps, nous nous intéresserons aux études historiographiques sur l'engagisme, à la place qu'y occupentles subaltern studies et à l'apport de l'engagisme à ce nouveau courant. Enfin, nous verrons en quoi les gender studies proposent de porter un nouveau regard qui rejoint celui des subaltern studies dans les travaux historiographiques.

CHAPITRE 1

L'engagisme et lecoolie trade dans l'histoire réunionnaise

1.1. Fin de l'esclavage et essor de l'engagisme à La Réunion

L'arrivée des premiers travailleurs engagés à La Réunion date de 1828 mais elle s'arrête rapidement à la demande de la Grande-Bretagne pour reprendre après l'abolition de l'esclavage en France, en 1848. En effet, celalibère de leur situation 62 000 personnes, soit plus de la moitié de la population de l'île. Les continents africains et asiatiques deviennentune précieuse réserve de travailleurs pour les plantations. L'administration française réglemente d'abord seule cette immigration, puis l'organise par convention dès 1860. Cette date marque l'explosion de l'engagisme à La Réunion. De 1848 à 1860, 43 958 Indiens débarquent sur l'île9(*). Le traité de libre-échange franco-anglais du 25 juillet 1860 introduit l'autorisation de recruter 6 000 travailleurs par an depuis les territoires anglais. Entre 1834 et 1920, les Indiens sont 118 000 à débarquer sur l'île, beaucoup plus qu'en Guadeloupe (42 000) ou en Martinique (25 000)10(*).Officiellement, l'immigration indienne est clôturée en 1882 mais, dans la réalité, elle continuebien après cette date. Entre la fin de Première Guerre mondiale et 1948, la sphère publique réunionnaise voitl'émergence des enfants d'engagés. Progressivement, on assiste à une amélioration de la situation des familles issues de l'engagisme dont certaines acquièrent même des sucreries, s'installent sur leurs propres terres ou commencent à organiser le commerce avec l'Inde. C'est à cette époque qu'une classe intermédiaire indienne commence à se développer.

L'engagisme est donc un nouveau mode de recrutement de la main d'oeuvre qui apparaîtaprès l'abolition de l'esclavage. Celle-ci date de 1848 en Francemais est plus précoce en Angleterre, où les mouvements non-conformistes et abolitionnistes ont mené pendant plusieurs années une propagande efficace. La traite y est abandonnée en 1807 et l'esclavage en 183311(*). Avec la remise en question de tout ce système de traite, de nouvelles migrations de travailleurs apparaissentpour venir répondre aux besoins des plantations et notamment des exploitations sucrières.À La Réunion, les Français font appel à une main d'oeuvre étrangère libre en proposant des contrats dont les caractéristiques sont partout à peu près similaires: c'est un contrat de travail d'une durée déterminée pour lequel l'employeurd'engage à avancer les coûts du voyage au travailleur. Les Africains ou les Asiatiques ne sont pas les seuls concernés. Au départ, ce sont des « blancs pauvres » venus d'Irlande, d'Allemagne ou d'Écosse, perçus par la population locale comme des alcooliques paresseux, qui sont recrutés12(*). Plus tard, des milliers d'Indiens commencent à débarquer sur l'île.Cela s'explique autant par la volonté expansionnisme colonial que par la situation économique des pays d'origine des engagés. La famine, la surpopulation, la pression foncière et le manque de travail conduisent les Indiens à envisager de nouvelles solutions et à quitter leur région, souvent des provinces pauvres au Nord-Est et au Sud-Est.Le XIXème siècle n'est pas une période faste pour l'Inde. Malgré cela, il est faux de croire que tous les engagés étaient pauvres : selon les études disponibles,ils étaient autant issus de hautes castes et de castes intermédiaires que de basses castes13(*).

L'une des spécificités de l'histoire de l'engagisme à La Réunion réside dans sa mise en place prématurée, avant même que l'esclavage soit aboli dans l'empire colonial français. Cela est dû à deux facteurs principaux. D'une part, la métropole française constitue un marché croissant pour le sucre de canne, un produit qui connaît une demande exponentielle au fur et à mesure qu'il est diffusé en Europe. D'autre part, la France se sépare de Saint-Domingue, sa principale colonie productrice de sucre. Dans ces conditions, le sucre de canne apparaît comme un secteur clef à développer, puisque la main d'oeuvre qui y est mobilisée est peu coûteuse et que la métropole est en demande. La production sucrière nécessite cependant une main d'oeuvre abondante. La fin de l'esclavage oblige donc le secteur à trouver des solutions, d'autant plus que la traite des esclaves est illégale et que les organisations militantes se font de plus en plus véhémentes.

Dans cette situation, les autorités coloniales françaises tentent de préparer la transition. Elles décident donc de s'inspirer de l'ancien système de travail utilisé au XVIIIe siècle par les Compagnies des Indespour mettre en valeur les territoires conquis. Ce système permettait d'envoyer aux colonies des Européens avec des contrats dits des « 36 mois », mais aussi des travailleurs libres venus d'ailleurs. C'est ainsi que commence l'engagisme avec l'arrivée d'une majorité d'Indiens, en accord avec les autorités coloniales anglaises. La première grande période de cette émigration indienne est celle de 1828-1830 durant laquelle les engagés viennent majoritairement de Yanaon. Vient ensuite la période post-esclavagiste avec une émigration depuis les « comptoirs français » de Pondichéry et de Karikal14(*). La dernière période est celle de 1860 à 1885, qui voit le recrutement d'engagés toujours originaires des comptoirs français mais aussi de l'arrière-pays (Calcutta et Madras).

Après l'épuisement des flux en provenance de l'Inde, les engagés sont recrutés en Indochine, en Afrique, à Madagascar ou encore à Rodrigues dans des proportions plus réduites. La nécessité économique dece système contractuel pour la métropole est donc manifeste. Les champs de canne à sucre et les usines de transformation nécessitent un grand volume de travailleurs. Dès les années 1930, les exploitants se tournent vers Rodrigues en négociant de nouveaux accords avec l'autorité britannique pour des contrats de trois ans15(*).Hormis les Indiens,La Réunion voit donc, dès 1860, l'arrivée d'engagés originaires de Chine, des flux qui s'intensifient à partir de 1875. D'abord installés dans les villes principales, les engagés chinois occupent des fonctions de commerces alimentaires ou de détail.C'est ce qui explique, selon Marimoutou-Oberlé, qu'ils détiennent aujourd'hui la totalité du commerce de l'alimentation au détail et qu'ils contrôlent une partie du commerce de demi-gros. Même s'ils sont Français de naissance, ils restent moins occidentalisés que les Indiens et, pour certains, parlent et écrivent encore le chinois. Cette spécificité des intégrations et assimilations a notamment été étudiées par Stanziani16(*). Leur étude différenciée offre des clefs de compréhension par rapport au devenir des engagés à La Réunion aujourd'hui, en termesdémographique et socio-culturel.

1.2. Engagisme et Indenture

L'engagisme est un contrat de travail particulier dans la mesure où il donne un statut légal à la personne employée. Elle n'est pas du tout considérée comme un objet mais comme une personne soumise à des obligations et détentrice de droits. En cela, elle se distingue en théorie clairement de l'esclavage. Cet engagement doit êtrelibre et le contrat qui l'encadre doit mentionner clairement les conditions de travail (salaire, contreparties, durée).Il est conclu en général pour une durée de trois à cinq années renouvelables. Ces contrats ouvrent un réservoir de main d'oeuvre très intéressant pour les colonies françaises17(*). En échange de son voyagedepuis l'Inde, d'un logement et de la couverture de ses frais médicaux, l'engagé doit rendre entre7 à 10 heures de travail par jour à son employeur durant la durée fixée par son contrat, à raison en général de 6 jours par semaine. Le remboursement de sa dette correspond aux premières années de travail (les deux premières années en général), puis un salaire mensuel doit lui être versé18(*). Le retour au pays d'origine devait être pris en charge par les autorités coloniales à l'issue du contrat. L'engagé peut être transféré pour combler une créance et ne peut pas travailler pour un autre employeur ou partir avant la date de fin de contrat, auquel cas il risque de lourdes sanctions pénales allant jusqu'à des peines l'emprisonnement. Par ailleurs, il ne peut pas se marier sans l'autorisation de son employeur et ne peut pas imposer un remboursement anticipé de sa dette.

Ce sont toutes ces conditions annexes qui, malgré le fait que la relation soit définie par un contrat, font souvent parler de « travail forcé » dans le cas de l'engagisme, d'autant plus que le « maître » garde le droit sur ses immigrés en fuite et peut les mettre face à de lourdes sanctions pénales en cas de désertion. Le terme de« travail forcé », utilisé par les historiens pour qualifier l'engagisme depuis la deuxième moitié du XXème siècle, n'est pas assimiléà l'esclavage puisqu'il n'est pas une condition transmise par la naissance et qu'il reste temporaire19(*). Il est décrit comme un service exigé de la part d'un individu sous la menace d'une peine et non de son plein grès, en contrepartied'un salaire.

De son côté, l'indenture est l'équivalent de l'engagisme dans les territoires britanniques. Si l'engagisme a été étudié tardivement, l'indenture l'a été, elle, très tôt par les historiens anglo-saxons.Elle fixe le statut des travailleurs libres via un contrat. Faire le parallèle entre les deux phénomènes permet de remettre l'engagisme français en perspective avec d'autres expériences coloniales, notamment celle britannique. C'est l'île Maurice qui sert de cas d'école aux autorités britanniques afin d'expérimenter les modalités de ce contrat dès les années 1830, de la même manière que la Réunion est le théâtre d'expérimentations de la part des autorités françaisesavant même la fin de l'esclavage.De 1838 à 1917, 425 000 engagés indiens sontenvoyésvers les colonies de la Caraïbe sous domination britannique. À partir de 1845, l'indenture est développée et importée à Trinidad et dans les colonies caribéennes. L'une des caractéristiques principales de l'indenture est le rôle crucial joué par l'état britannique dans son développement. C'est ce qu'explique Loza : la collaboration entre le gouvernement indien et le Colonial Office a étédéterminante dans l'organisation de la migration, du recrutement et ducontrôle de l'application des termes de leurs contrats20(*).

Les contrats d'indenture et d'engagisme ont été étudiés de manière comparative par Stanziani pour en étudier les différences. Il montre que les deux contrats sont construits selon des dynamiques similaires puisqu'un employeur avance dans les deux cas les frais de voyages à un immigré ; puis l'immigré s'engage à travailler pour luidurant une période allant de cinq à sept ans, dont deux ans environ afin de rembourser son billet.Ces contrats tirent leurs origines plus tôt, ils s'inspirent du statut de servant dans l'empire britannique et du louage de service dans l'Hexagone. Les premiers contrats d'engagement rédigés en France le sont par des notaires qui s'inspirent des contrats des journaliers agricoles et des marins21(*). Dans sa comparaison, Stanziani aborde les différences d'interprétation qui portent sur ces contrats, ce qui permet de comprendre l'évolution de leur traitement du point de vue historiographique.

CHAPITRE 2

Les différentes interprétations historiographiques de l'engagisme : entre contrat de travail et esclavagisme

2.1. Un esclavagisme déguisé ? Questions terminologiques

La forme particulière de l'engagisme a donné lieu à des interprétations distinctes au cours du temps.Le contrat se manifeste à La Réunion par un livret ouvrier qui n'était alors plus utilisé en métropole depuis longtemps mais restaiten rigueur dans les colonies. Toutes les personnes ne pouvant pas justifier d'un emploi fixe sur l'île était considérées comme vagabonds, même si cette loi était facilement contournable par de faux contrats annuels signés par les propriétaires en contrepartie d'un travail saisonnier.Une première approche historique considère que le contrat d'engagisme est « une forme de travailforcé, de l'esclavage déguisé » avec un contrat qui exprime une « fiction juridique »22(*). Cette interprétation est avancée à partir du milieu duXIXe siècle par les autorités coloniales et le mouvement abolitionniste anglais (etplus tardfrançais). Elle a été reprise de nos jours par les subaltern studies et les historiens postmodernistes qui considèrent que les engagés n'étaient pas totalement des travailleurs libres. Cette approche a pour conséquencede supprimer l'importance historique de l'abolition de l'esclavage qui n'aurait pas modifié de manière conséquente la vie et les conditions de travail des travailleurs dans les territoires français comme La Réunion.

Si l'on reprend la définition de Carter proposée en introduction, l'engagisme donne lieu à des « obligations contractuelles coercitives »23(*). Ce sont elles qui constituent l'une des dimensions de l'engagisme qui a nourrit le parallélisme avec l'esclavage, et les discussions autour de la thèse de l'« esclavage déguisé ». En effet, plusieurs interprétations ont été données au phénomène lorsqu'on observe les travaux historiques sur le sujet. Pour certains, il s'agit d'un travail forcé et d'un « esclavage déguisé », c'est-à-dire d'un esclavage sous couvert de contrat mais dont les clauses asservissent le co-contractant, envers qui les engagements ne sont pas toujours respectés24(*). Le contrat ne serait qu'un support juridique visant à justifier l'emploi de cette main d'oeuvre étrangère. Comme le montre Stanziani, cette interprétation a été d'abord avancée par les autorités coloniales et le mouvement abolitionniste anglais avant d'être reprise par les subaltern studies. Selon cette interprétation, nous sommes face à une nouvelle forme d'esclavage qui tire sa légalité du contrat mais ne change rien aux conditions de travail des travailleurs qui subissent toujours des violences et ne sont pas libres.Dans les années 1970, Tinker définit l'engagisme comme une nouvelle forme d'esclavage qui n'a rien de volontaire et n'est « qu'une traite plus ou moins déguisée. Des centaines de malheureux, racolés sous divers prétextes dans les rues des villes commerciales, ou tout simplement volés sur la côte, étaient embarqués nuitamment, puis enfermés dans l'entrepont d'un navire, pour être ensuite livrés comme «engagés volontaires» aÌ des planteurs »25(*).

À partir de la seconde moitié du XIXème siècle, les contrats d'engagementsont qualifiés de contrats de « travail forcé » par les historiens. Loza montre que cette qualification se fonde sur une analyse des conditions de travail des engagés. Ceux-ci travaillent six jours sur sept, à raison de 9 à 10 heures par jour. Le non-respect de ce rythme de travail donne lieu à des sanctions lourdes. Même si les conditions sont clairement énoncées au départ, la situation de ces travailleurs est extrêmement difficile et leur traitement dur, marqué par une grande violence.Leur espérance de vie est d'ailleurs bien inférieure au reste de la population26(*). Les engagés n'ont pas le contrôle de leur mouvement, aucune liberté et sont soumis à des sanctions sévères (peines d'emprisonnement, lourdes amendes) lorsqu'ils ne répondent pas aux termes de leur contrat. Aussi, une fois engagés, on peut douter que le travail soit uniquement le fruit de leur volonté. Avec les subaltern studies, l'expression « d'esclavagisme déguisé » redevient abondamment mobilisée pour désigner ce travail forcé et remettre en question les rhétoriques présentant l'engagisme comme une réalité émancipatrice, en particulier pour les femmes. Ces travauxs'accompagnent dans le même temps d'un examen des liens profonds existant entre esclavage et engagisme, notamment à partir des travaux de Chummunsur les réécritures des géographies du corps humain et de l'espace à partir de ces expériences traumatiques27(*).

À La Réunion, les Indiens étaient supposément sous l'autorité et la surveillance des Britanniques, mais les kidnappings étaient fréquents et régulièrement dénoncés28(*). Aussi, même si le consul anglais fait pression pour la création d'une Union de protection des immigrés et qu'une aide juridique est mise en place pour les Indiens engagés, ces compétences sont peu exercées dans les faits29(*). De la même manière, le consul a la liberté de visiter les dépôts où se trouvent les Indiens pour s'assurer de leur bon état de santé et des conditions sanitaires dans lesquelles ils sont hébergés, mais ces visites sont rares30(*). Les recherches et travaux historiques montrent l'existence de nombreux cas de violences et de mauvais traitements avec une certaine impunité pour les employeurs, même si on observe plusieurs victoires juridiques de la part des engagés. Si ces derniers ont le droit de porter plainte en justice, ils obtiennent rarement gain de cause. Ainsi, on assiste à une situation qui voit se perpétuer des situations similaires à celles avant l'abolition de l'esclavage. C'est ce que dénoncent plusieurs descendants d'engagés auxquels Marimoutou-Oberlé fait écho dans son ouvrage Les engagés du sucre, en 2004.

Aussi, les termes du contrat ne sont pas toujours respectés par les employeurs. Comme le montre cette déclaration du consul britannique en 1890 : « les règlements, notamment les décrets du 30 mars 1881 et du 27 août 1887, sont largement suffisants. Ils tracent les règles essentielles de la protection ; seulement, il faut qu'ils soient exécutés, respectés et non battus en brèche par ceux qui doivent en assurer l'exécution (...) »31(*). Par ailleurs, comme le montrent les différents témoignages des descendants d'engagés32(*), les logements promis dans les contratsne sont pas souvent pas à la hauteur des attentes des travailleurs, entassés dans des lieux quasiment désaffectés, sans aucune commodité.

À cela s'ajoute le fait que les engagés ne comprennent pas toujours bien les termes de leur engagement, au regard des promesses faites par les autorités coloniales dans une situation où ils ne veulent pas rester dans leur pays. En effet, l'engagisme n'est possible que parce que la population d'un territoire souhaite partir pour trouver ailleurs un meilleur niveau de vie. Si on promet à l'époque aux Rodriguais une petite terre avec des animaux pour venir travailler à La Réunion, on assure aux coolies qu'ils trouveront de l'or sur place : « Ces gens-là ne sont pas partis parce qu'ils voulaient aller aÌ La Réunion mais parce qu'ils ne voulaient pas rester ici et on leur a fait des offres alléchantes. (...) AÌ Maurice, on soulevait des pierres et on pouvait voir de l'or. (...) Le Rodriguais a toujours une petite ferme. Alors on lui disait : `Il y a des cabris aÌ l'état sauvage ; de la volaille partout ; des boeufs dans les bois... LaÌ-bas, on a beaucoup d'argent !' »33(*).

Dans tous les cas, durant la seconde moitié du XXème siècle, les historiens commencent à défendre cette version de l'histoire, soutenus par les récits des descendants d'engagés. Ils s'appuient souvent, pour justifier cette vision, sur les nombreux mouvements de rebellions de la part des Indiens et des autres engagés sur l'île de La Réunion. Les manifestations pour réclamer les salaires promis et des logements décents montrent que les conditions définies dans les contrats de départ n'étaient pas toujours respectées. De nombreux engagés réclamèrent ainsi la fin anticipée de leur contrat ou tentèrent de fuir de la propriété dans laquelle ils avaient été engagés. Plusieursgrandes grèvesse déroulèrent et provoquèrent des mouvements de grande ampleur.

2.2. Une approche à relativiser

C'est précisément parce que ces événements ont pu avoir lieu queStanziani considère quecette approche est incomplète. Selon lui, voir l'engagisme comme de l'esclavage déguisé néglige certains aspects de l'histoire, et notamment les efforts faits par les immigrés pour défendre leurs droits devant les tribunaux.Dès 1829, il existe des traces de vives réactions de la part des Indiens face aux dérives des exploitants. Ils dénoncent les punitions corporelles qu'ils considèrent comme « intolérables ». Dans les années 1830, de nombreux mouvements de protestation sont enregistrés avec des grèves massives contre le paiement trop tardif des salaires ou les punitions corporelles34(*). Voir l'engagisme comme de l'esclavagisme conduit à négliger les efforts faits par les travailleurs pour faire respecter leurs droits devant les tribunaux alors que ceux-ci ont été bien réels. Pour d'autres historiens contemporains plus nuancés comme Stanziani, ces contratssont donc bien le fruit d'une certaine liberté contractuelle, même si des abus ont existé35(*). C'est cette même interprétation qui a dominé jusqu'au milieu du XIXème siècle.

L'approche qui domine jusqu'au milieu des années 1800 ne considère en effet pas l'indenture ou l'engagismecomme l'expression d'un travail forcé. Ilssont perçuscomme l'expression de la liberté de contractantsinformés dès le départ de leurs obligations et de leurs droits. Les individus sont libres de prendre part ou non au contrat. Ils sont considérés comme des individus ayant des droits,en principe respectés par leur hiérarchie.Mais la frontière entre travail libre et forcé reste mince, tout comme celle qui sépare l'émigration libre de l'émigration forcée. Les interprétations divergent ainsi sur le caractère volontaire de l'engagisme et l'exploitation qui en résulte durant la mise en application du contrat, les droits des engagés étant régulièrement bafoués. Néanmoins, cette approche, comme celle défendant une vision esclavagiste de l'engagisme, semblent trop réductrices. Les contrats apparaissent souvent davantage comme des compromis entre les orientations coloniales et les réalités locales.

Des travaux plus récents ont participé à nuancer cette approche à partir d'une étude d'archive fine visant à examiner les présupposés théoriques dissimulés derrière le terme d'engagisme.Pour éviter de parler de travail forcé, le terme de « liberté forcé » est ainsi employé. C'est par exemple celui qu'utilise Flory dans son ouvrage sur l'engagisme dans les Caraïbes françaises. Elle permet de nuancer celle « d'esclavage déguisé » tout en effectuant un parallèle avec l'ancien système de traite. Car même si les travailleurs ne sont pas des esclaves à proprement parler, ils ne maîtrisent clairement pas leur corps ou leurs mouvements et signent souvent sans connaître les termes exacts du contrat. Il est donc faux de penser qu'ils s'engagent volontairement dans une relation dont ils assument pleinement les implications36(*).

Des auteurs comme Stanziani montrent, de leur côté, que plusieurs périodes ont existé au sein de l'engagisme avec des conditions de travail et de vie différentes qui ne permettent pas de parler d'un phénomène uniforme37(*). Il montre ainsi que dans les années 1817, les premiers engagés vivent dans des conditions très similaires à celles des esclaves. Ils ne sont pas toujours envoyés volontairement dans le lieu de travail, les kidnappings sont fréquents et la paye n'est pas toujours concédée. Certains employeurs retiennent les salaires sous prétexte de mauvais services et certains engagés fuient, réduisent volontairement leur charge de travail ou se rendent devant la justice. Cette situation n'est plus la même dans la seconde partie du XIXème siècle où la pénurie de main d'oeuvre et la crise sucrière les mettent en position de force. Stanziani aborde particulièrement la question de l'accès à la justice car elle permet d'éclairer les différences entreengagés et esclaves.Même si les possibilités de saisir la justice sont inégales entre les engagés et leurs employeurs (en raison des abus, de la corruption, ou d'attitudes partisanes de la part des juges et du personnel administratif), les engagés ne peuvent pas pour autant être assimilés aux esclaves.

À La Réunion, on peut remarquer dans les archives un certain entêtement à dénoncer les abus et à organiserdes formes de résistance passive,des associations clandestines, voire de véritablesmobilisations de groupe. Avec le temps, cette résistance rencontre de plus en plusd'appuis de la part d'une partie des élites coloniales, les unes parce qu'elles croient sincèrementà la liberté et au libre marché, les autres simplement parce qu'elles s'empressent derépondre aux pressions de Londres et Paris. LesBritanniques tentent également de protéger un peules Indiens immigrés à La Réunion. Cela s'explique pour des raisons humanitaires, mais aussi pour des motifs politiques et économiques : il s'agit de préserver la forcede travail pour les exigences britanniques tout en évitant de froisser lesélites indiennes. Cependant, quelle que soit l'origine des attitudes britanniques,le résultat est là : les immigrés indiens bénéficient d'une protection de plus enplus importante à La Réunion avec le temps. À cela s'ajoute la concurrence entreemployeurs urbains et planteurs, ou entre petits et grands planteurs. Les derniers sont favorables à un marché libre qui leur permet de récupérerdes travailleurs aux dépens des petites unités.

Un dernier paramètre à prendre en compte afin de discuter cette question réside dans l'évolution des besoins de la métropole en sucre et surtout des fluctuations du marché. Le prix de la tonne varie fortement et baisse considérablement durant la seconde moitié du XIXème siècle. Elle passe de 39 livres sterling la tonne à 9,60. Cela s'explique par la hausse de la production, la mécanisation et la concurrence de la betterave. Cette baisse impacte particulièrement les petits producteurs qui n'ont pas assez pour investir et moderniser leur culture. Le seul levier pour eux est d'agir sur la main d'oeuvre en durcissant les conditions de travail. Les fuites commencent ainsi à se multiplier, tout comme les mouvements de résistance. Les petites propriétés sont contraintes de fermer, rachetées par de grandes entreprises, et la main d'oeuvre transférée dans des propriétés plus rentables38(*).

Ainsi, pour certains historiens,les conditions de vie difficilesdes engagés ne doivent pas conduire à la conclusion qu'il n'existe aucune différence entre engagés et esclaves. À La Réunion, le tiers des immigrés parviennent à rentrer chezeux, tandis que, sur place, les autres réussissent rapidement à améliorer leurs conditions de vie, notamment grâce à la crise sucrière.Les autorités britanniques créent même une banque foncière pour racheter des terres auxpropriétaires endettés et les revendre à des travailleurs d'origine indienne àdes prix intéressants. Par conséquent, plusieurs paramètres sont à prendre en compte afin de pondérer les parallèles établis entre engagisme et esclavage déguisé, parmi lesquels les différentes périodes de l'engagisme, les différentes populations considérées, ainsi que leur accès à la justice.

On peut donc noter une évolution, du point de vue historiographique, de l'étude de ce phénomène. C'est d'abord le discours colonial qui domine avec l'idée que l'engagisme est une réelle opportunité pour les Indiens qui décident de s'engager librement contre un salaire et un voyage, en étant exonérés des impôts et taxes sur place. À partir des années 1950-1960, durant la décolonisation, l'engagisme commence à être dénoncé comme un contrat inégal subi par de nombreuses familles indiennes à La Réunion. Les descendants d'engagés sont en première ligne de ce combat pour la reconnaissance de l'engagisme comme une forme d'esclavage. Les sulbaltern studies ont également mis en avant la liberté relative des contractants et la situation des Indiens dans leur pays d'origine à cette époque, ne permettant pas de parler totalement d'un engagement volontaire et libre. Cependant, les études récentes sur le thème appellent à nuancer ces positions pour voir dans l'engagisme un phénomène inédit, à mi-chemin entre travail forcé et migration légale de travail. La progression sociale rapide des Indiens installés sur l'île de la Réunion au cours du temps est un argument qui conduit à relativiser la position des subaltern studies. L'étude du phénomène sous le prisme du genre est intéressante à analyser car elle renvoie aux mêmes évolutions d'interprétation.

CHAPITRE 3

L'engagisme sous le prisme du genre

3.1. L'engagisme au prisme de la question du genre à La Réunion

Le prisme du genre a été peu mobilisé jusqu'ici pour analyser les conséquences démographiques de l'engagisme à la Réunion et dans le monde. Cela s'explique d'abord parce que la grande majorité des travailleurs engagés étaient des hommes. En effet, la faible mobilité géographique des femmes en Inde à cette époque explique probablement cette réalité. Une disposition légale est mise en place très tôt pour imposer un quota minimum de femmes engagées dans certaines îles, notamment en Guyane britannique. De ce fait, leur nombre explose entre 1858 et 1917, même si les agents recruteurs restent toujours principalement des hommes : « en dépit de l'hostilité initiale des planteurs, une disposition légale imposa un quota minimal de femmes de 40 % pour chaque contingent d'engagés à partir de 1868 »39(*).Cette volonté d'augmentation du nombre de femmes s'explique par l'intention des autorités réunionnaises d'assurer leurs arrières lors de la transition consacrant la fin de l'esclavage légal : il s'agit pour elles de « stabiliser la main d'oeuvre » en encourageant la formation et l'établissement de familles engagées sur l'île, en état de procréer et de reproduire des travailleurs. Par la suite, ce nombre ne fera qu'augmenter, ce qui peut être expliqué par la meilleure connaissance du système d'engagisme en Inde et la volonté, de la part de ces femmes, de venir s'y installer avec leur famille.

Les recruteurs partent donc à la recherche de femmes pour lesquelles ils sont mieux rémunérés (sept à huit roupies au lieu de six)40(*). Celles qui se retrouvent seules dans l'espace public pour une raison ou pour une autre se retrouvent à se voir proposer un contrat et les recruteurs utilisent parfois la duperie pour les faire adhérer. Les contrats d'engagés sont relativement similaires, qu'ils soient pour les femmes ou pour les hommes.Il existe seulement une différence de pratique dans l'application et la formulation des contrats. Les femmes bénéficient de contrats plus courts pour favoriser leur venue (trois ans contre cinq pour les hommes), d'une réduction du prix du billet et d'un assouplissement de sanctions en cas d'infractions. Mais au regard de leur vulnérabilité, les femmes constituent des cibles privilégiées pour les recruteurs d'engagés. Tout au long de la période engagiste, et particulièrement dans le cas de l'Inde se développe une rhétorique particulière visant à présenter les contrats engagés comme des espaces de libération pour femmes indiennes, leur permettant d'échapper à un système oppressif. Cette lecture domine jusque dans les années 1990.

Parmi les études historiques, deux paradigmes ont dominé la vision de l'engagismeen ce qui concerne le sort des femmes. L'un insiste sur leur statut de victime tandis que l'autre met l'accent sur l'émancipation.C'est le second qui a longtemps dominé les études historiographiques sur l'engagisme, particulièrement dans le cas des femmes indiennes. Le cadre législatif qui définit les conditions de leur engagement est particulier, puisque depuis 1864 et l'IndianActn°13, il subordonne leur engagement à l'obtention de l'accord d'un homme (frère, mari, père). Mais les femmes émigrent bien à titre individuel, comme les hommes. Leur contrat d'engagement est établi à leur nom, ce qui leur confère une identité et une autonomie nouvelle.Ce discoursd'émancipation des femmes grâce à l'engagisme a longtemps été concentré autour de la libération sexuelle des femmes indiennes lors de leurs années d'engagisme.

Un exemple de ce positionnement se retrouve dans la figure de Patricia Mohammed, pionnière des gender studies dans les Caraïbes. Celle-ci place l'accent sur un prisme d'analyse jamais étudié auparavant : les choix posés par les femmes indiennes concernant leur sexualité en fonction d'intérêts personnels. Les femmes indiennes se trouvent en effet dans une certaine position à leur arrivée : le nombre de femmes engagées est moindre par rapport au ratio d'hommes engagés. Cela leur confère une position de force relative. Plusieurs auteurs comme Loza ou Chatterjee mettent en avant l'importance de s'émanciper d'une lecture mobilisant uniquement les paradigmes patriarcaux et coloniaux des choix des femmes41(*). Cela permet de reconnaître leurs choix posés, souvent par intérêt ou par « matérialisme ». L'une des dérives de cette grille d'analyse vint à représenter les femmes indiennes comme des tentatrices séductrices tirant avantage de leurs charmes afin de duper des colons et des propriétaires naïfs : « Cette caricature, qui ne tenait aucun compte de la réalité hiérarchique de la plantation, vint conforter l'idée de l'immoralité de la femme indienne véhiculée par les autorités coloniales »42(*).

D'un autre côté, des auteurs comme Chatterjee soutiennent, en se basant sur des situations particulières (cas de veuves ou de jeunes femmes en rupture familiale), que l'engagement fut une vraie opportunité pour un certain nombre d'Indiennes. Le choix de ces personnes en perdition serait le fruit d'un résultat rationnel, confrontées à la prostitution et sans autre perspective dans leur pays d'origine. D'autres auteurs comme Pieter Emmer défendent le même point de vue en montrant que ce sont les difficultés sociales sur place qui ont favorisé l'émigration. Pour lui, l'engagement permettait à certaines Indiennes d'échapper à des sévices et des mariages forcés43(*). Les possibilités matrimoniales que l'engagement offre font partie de leur décision pour s'engager vers des îles comme La Réunion. Mayo évoque également les mariages précoces condamnant les Indiennes à une mort prématurée, ou l'immolation de veuves seulement interdite en Inde à partir de 182944(*). On retrouve ici la même vision de l'engagisme que celle diffusée par l'empire colonial avant la seconde moitié du XXème siècle, à savoir une image de ces îles comme des espaces de liberté.

3.2. Le dépassement du débat par une nouvelle lecture

Lozarappelle l'importance cruciale de nuancer cette lecture sur l'expérience des femmes engagées. Bien que son travail porte sur la Caraïbe, ses conclusions concernent l'engagisme en général. Elle montre que l'image de liberté répandue par le discours colonial envers les engagées est réel, mais que l'expérience des femmes indiennes doit être prise avec précaution. Dans certains cas, elles parviennent bien, grâce à l'engagisme, à échapper à un système de domination issu du système patriarcal traditionnel et de celui des castes, mais elle trouve sur place une nouvelle domination masculine liée à la hiérarchie au sein des plantations. Parfois, c'est une double domination qui s'applique de la part des employeurs et des hommes issus de la même culture. Les choix posés par les femmes sont donc, bien que relativement libres, inscrits dans des stratégies de survies dictées par des croisements de systèmes de dominations patriarcaux et coloniaux.

Les Indiennes sonten effet victimes de violencesà La Réunion et il semblerait que les conflits liés aux femmes constituentla principale cause des meurtres et des suicides dans les exploitations45(*). Deux hypothèses expliquent cette violence. La perspective culturaliste évoque une sorte de tradition de sévices à l'encontre des femmes en Inde avec des infanticides et des crimes passionnels. Une autre explication serait conjoncturelle : en raison du nombre réduit de femmes engagées, une compétition se serait déclarée entre les hommes, se terminant parfois dans des conflits d'une grande violence46(*). Par ailleurs, les études qui abordent la vie des engagées Indiennes évoquent toutes l'aspect des violences conjugales et de l'exploitation sexuelle subie dans les îles avec de la prostitution forcée et des dominations abusives de la part de la hiérarchie coloniale. Les relations entre les Indiennes et membres de cette hiérarchie donnent également lieu à des situations de crise47(*).

In fine, la dualité de discours et de rhétoriques mobilisées afin d'analyser l'engagisme à travers le prisme du genre sont révélatrice d'analyses fortement influencées d'une part parune rhétorique coloniale, d'autre part par des rhétoriques visant à s'en émanciper et à mobiliser une analyse post-coloniale. Cette binarité d'analyse sur l'engagisme genré (d'une part analysant l'engagisme comme un vecteur d'émancipation pour les femmes, d'autre part en l'interprétant comme un système oppressif perpétuant des dynamiques patriarcales et coloniales) n'est pas sans issue. Cette aporie n'est pas uniquement consubstantielle à l'étude de l'engagisme, mais se retrouve au contraire dans de nombreuses tentatives d'analyse historique genrée portant sur des objets d'études liés aux histoires coloniales occidentales.

L'une des pistes de dépassement de cette impasse se trouve dans la mobilisation du champ des épistémologies subalternes. D'ailleurs, Lozaexplique que l'émergence d'une nouvelle génération de féministes indo-caribéennes permettra probablement bientôt d'obtenir un nouvel éclairage sur l'opposition binaire articulée autour de la question de la liberté. Pour elle, une étude davantage basée sur l'expérience serait nécessaire pour venir dépasser ces débats.Par conséquent, l'inclusion de perspective d'engagées dans les études et les récits est donc l'un des enjeux cruciaux de ce dépassement. C'est l'approche qui est privilégiée par exemple par Callandre-Barat, 2013, qui font la part belle à la micro-histoire et au dépouillement de correspondances dans leurs études48(*).

On aperçoit ainsi la même évolution historiographique dans l'étude du phénomène de l'engagisme et dans la perspective genrée de cette analyse : au départ,le discours présente l'engagisme comme une opportunité d'émancipation et de liberté, puis ce point de vue est remis en cause au regard des violences et conditions de vie déplorables des engagés et notamment des femmes. Enfin, les analyses plus récentes conduisent à nuancer ces positions en se reposant sur la micro-histoire et en mettant l'accent sur les différences d'expériences en fonction de la période et des employeurs.

CONCLUSION

L'étude historiographique du phénomène de l'engagisme est cruciale car elle permet de mieux comprendre la réalité qui a été celle des Indiens de La Réunion, et par extension la réalité actuelle de l'île et de sa culture. L'engagisme a constitué un tournant non seulement démographiquemais également cultureldans l'histoire de La Réunion. Le nombre important de ces engagés a eu des conséquences énormes sur la cultureet a contribué à tisser des liens forts avec l'Inde avec le temps49(*). Cela signifie qu'une compréhension holistique des incidences culturelles et sociologiques de l'engagisme aujourd'hui ne peut se passer de l'examen des histoires des engagées, puisqu'elles ont contribué à façonner la manière dont La Réunion pense et conçoit son passé. Finalement, la mobilisation d'une lecture genrée constitue une manière de dépasser la binarité des analysesprésentées ci-dessus, mais surtout de constituer un apport significatif aux épistémologies subalternes en histoire.

Cette étude a permis de faire écho à l'étude du phénomène global de l'engagisme à travers les différents courants historiographiques et notamment les subaltern studies. Pour toutes ces interprétations historiques, la conclusion est la même : de nouveaux courants tendent à nuancer ce qui ressort d'une vision héritée du passé colonial et d'une autre vision postmoderniste qui prend le contre-pied en donnant l'image d'une histoire chaotique dans laquelle les engagés auraient été de véritables esclaves déguisés. Au niveau du genre, l'historiographie de l'engagisme a été façonnée par deux grilles d'analyses similaires :l'une victimisatrice,qui insiste sur les marges de manoeuvre nulles des femmes engagées, l'autre reprise de certaines rhétoriques coloniales mettant en avant l'aspect émancipateur et libérateur de l'engagisme pour les femmes.In fine, la dualité de discours et de rhétoriques mobilisées est révélatrice d'analyses fortement influencées par la rhétorique coloniale et par le discours post-colonial.

L'étude de l'engagisme permet donc de contribuer aux épistémologies historiographiques subalternes dans la mesure où elle conduit à les dépasser. L'idée est de pouvoir trouver une nuance entre des versions binaires de l'histoire dont l'une a été favorable aux empires coloniaux et l'autre à la défense des minorités et des communautés vulnérables, comme on le voit avec les historiens post-colonialistes et les penseurs postmodernistes. La remise en cause des rapports de domination ne doit pas conduire à appréhender un phénomène par son extrême opposé.

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ANNEXES

Annexe 1 - Passeport d'un engagé chinois

Annexe 2 - Photos d'engagés - Lazaret Grande Chaloupe

* 1 Marimoutou-Oberlé, Michèle. Les engagés du Sucre. Saint-Denis : L'Harmattan, 2004.

* 1Callandre, Florence et Barat, Christian. Traces de l'engagisme de 1933 à La Réunion et à Rodrigues. Études océan Indien, no 49-50, 2013, p. 1.

* 2Chummun, Divisha. Le trauma de l'esclavage à l'engagisme : une réécriture des géographies du corps humain et de l'espace. Boston : Boston University, 2018, p. 103.

* 3 Singaravélou, Pierre. Les empires coloniaux (XIXème-XXème siècle). Paris : Editions Points, 2013, p. 125.

* 4 Foucault, Michel. Michel Foucault:De la guerre des races au biopouvoir. Cités, 2. Paris : PUF, 2000.

* 5Samaddar Ranabir propose une explication plus détaillée dans son article « Lire Foucault à l'ère post-coloniale », paru dans la revue Actuel Marx en 2010.

* 6Marimoutou-Oberlé, Michèle. Les engagés du Sucre. Saint-Denis : L'Harmattan, 2004.

* 7Tinker, Hugh. A New System of Slavery: the export of Indian Labour Overseas, 1830-1920. Oxford: Oxford University Press, 1974.

* 8Loza, Léna. L'engagisme indien au féminin : entre tradition et modernité ? ILCEA, 2019.

* 9Weber, Jacques. L'émigration indienne à la Réunion : «contraire à la morale» ou «utile à l'humanité». In Maestri, Edmond. Esclavage et abolition dans l'Océan Indien, 1723-1860, p. 309-328. Paris: L'Harmattan, 2002, p. 54.

* 10 Singaravélou, Pierre. Les empires coloniaux (XIXème-XXème siècle). Paris : Editions Points, 2013.

* 11Surun, Isabelle. Les sociétés coloniales aÌ l'âge des empires, 1850-1960. Paris : Atlande, 2012.

* 12Surun, Isabelle. Les sociétés coloniales aÌ l'âge des empires, 1850-1960. Paris : Atlande, 2012.

* 13 Singaravélou, Pierre. Les empires coloniaux (XIXème-XXème siècle). Paris : Editions Points, 2013.

* 14Singaravélou, Pierre. Les empires coloniaux (XIXème-XXème siècle). Paris : Editions Points, 2013.

* 15Callandre, Florence et Barat, Christian. Traces de l'engagisme de 1933 à La Réunion et à Rodrigues. Études océan Indien, no 49-50, 2013, p. 1.

* 16Stanziani, Alessandro. Les métamorphoses du travail contraint. Paris : Presses de Sciences Po, 2020.

* 17Surun, Isabelle. Les sociétés coloniales aÌ l'âge des empires, 1850-1960. Paris : Atlande, 2012.

* 18Loza, Léna. L'engagisme indien au féminin : entre tradition et modernité ? ILCEA, 2019, p. 2.

* 19Surun, Isabelle. Les sociétés coloniales aÌ l'âge des empires, 1850-1960. Paris : Atlande, 2012.

* 20Loza, Léna. L'engagisme indien au féminin : entre tradition et modernité ? ILCEA, 2019, p. 1.

* 21Stanziani, Alessandro. Travail, droits et immigration. Une comparaison entre l'île Maurice et l'île de La Réunion, années 1840-1880. Le Mouvement Social, vol. 241, n° 4, p. 47-64, 2012, p. 50.

* 22Stanziani, Alessandro. Travail, droits et immigration. Une comparaison entre l'île Maurice et l'île de La Réunion, années 1840-1880. Le Mouvement Social, vol. 241, n° 4, p. 47-64, 2012, p. 47.

* 23Carter, Marina et Torabully, Khal. Coolitude: An Anthology of the Indian Labour Diaspora. Anthem South Asian Studies. London: Anthem, 2002.

* 24Ramsamy-Nadarassin, Jean-Régis. Les travailleurs indiens sous contrat à La Réunion (1848 - 1948)?: entre le retour programmé et le début des intégrations. La Réunion : Université de la Réunion, 2012, p. 104.

* 25Tinker, Hugh. A New System of Slavery: the export of Indian Labour Overseas, 1830-1920. Oxford: Oxford University Press, 1974.

* 26 Singaravélou, Pierre. Les empires coloniaux (XIXème-XXème siècle). Paris : Editions Points, 2013.

* 27Chummun, Divisha. Le trauma de l'esclavage à l'engagisme : une réécriture des géographies du corps humain et de l'espace, 2018, p. 8.

* 28Fuma, Sudel. Esclaves et citoyens, le destin de 62 000 Réunionnais. Histoire de l'insertion des affranchis de 1848 dans la société réunionnaise. Saint-Denis de La Réunion : F.R.D.O.I.,1979.

* 29Stanziani, Alessandro. Travail, droits et immigration. Une comparaison entre l'île Maurice et l'île de La Réunion, années 1840-1880. Le Mouvement Social, vol. 241, n° 4, p. 47-64, 2012, p. 55.

* 30Ramsamy-Nadarassin, Jean-Régis. Les travailleurs indiens sous contrat à La Réunion (1848 - 1948)?: entre le retour programmé et le début des intégrations. La Réunion : Université de la Réunion, 2012, p. 124.

* 31Ramsamy-Nadarassin, Jean-Régis. Les travailleurs indiens sous contrat à La Réunion (1848 - 1948)?: entre le retour programmé et le début des intégrations. La Réunion : Université de la Réunion, 2012, p. 250.

* 32Callandre, Florence et Barat, Christian. Traces de l'engagisme de 1933 à La Réunion et à Rodrigues. Études océan Indien, no 49-50, 2013, p. 8.

* 33Callandre, Florence et Barat, Christian. Traces de l'engagisme de 1933 à La Réunion et à Rodrigues. Études océan Indien, no 49-50, 2013, p. 2.

* 34Ramsamy-Nadarassin, Jean-Régis. Les travailleurs indiens sous contrat à La Réunion (1848 - 1948)?: entre le retour programmé et le début des intégrations. La Réunion : Université de la Réunion, 2012, p. 24.

* 35Steinfeld, Robert. The Invention of Free Labour: The Employment Relation in English and American Law and Culture, 1350-1870. Chapel Hill: University of North Carolina Press. 1991. - Brass, Tom et van der Linden, Marcel. Free and Unfree Labour. The Debate Continues. Berne: Peter Lang, 1997.

* 36Flory, Céline. De l'esclavage à la liberté forcée. Histoire des travailleurs africains engagés dans la Caraïbe française au XIXe siècle. Paris : Khartala, 2015.

* 37Stanziani, Alessandro. Travail, droits et immigration. Une comparaison entre l'île Maurice et l'île de La Réunion, années 1840-1880. Le Mouvement Social, vol. 241, n° 4, p. 47-64, 2012, p. 50.

* 38Stanziani, Alessandro. Travail, droits et immigration. Une comparaison entre l'île Maurice et l'île de La Réunion, années 1840-1880. Le Mouvement Social, vol. 241, n° 4, p. 47-64, 2012, p. 58.

* 39Loza, Léna. L'engagisme indien au féminin : entre tradition et modernité ? ILCEA, 2019, p. 2.

* 40Chatterjee, Sumita. Indian Women's Lives and Labor: The Indentureship Experience in Trinidad and Guyana, 1845-1917. Amherst.: University of Massachusetts, 1997, p. 43.

* 41Chatterjee, Sumita. Indian Women's Lives and Labor: The Indentureship Experience in Trinidad and Guyana, 1845-1917. Amherst.: University of Massachusetts, 1997.

* 42Loza, Léna. L'engagisme indien au féminin : entre tradition et modernité ? ILCEA, 2019, p. 5.

* 43Emmer, Pieter Cornelis. Immigration into the Caribbean: The Introduction of Chinese and East Indian Indentured Labourers between 1839 and 1917. Itinerario, vol. 14, n° 1, p. 61-95, 1990.

* 44 Singaravélou, Pierre. Les empires coloniaux (XIXème-XXème siècle).Paris : Editions Points, 2013.

* 45Tinker, Hugh. A New System of Slavery: the export of Indian Labour Overseas, 1830-1920. Oxford: Oxford University Press, 1974.

* 46Loza, Léna. L'engagisme indien au féminin : entre tradition et modernité ? ILCEA, 2019, p. 6.

* 47Look Lai, Walton. Indentured Labor, Caribbean Sugar: Chinese and Indian Migrants to the British West Indies, 1838-1918. Baltimore : John Hopkins University Press, 1993. - Faruqee, Ashrufa. Conceiving the Coolie Woman: Indentured Labour, Indian Women and Colonial Discourse. South Asia Research, vol. 16, n° 1, p. 61-76, 1996.

* 48Callandre-Barat, Florence. Archipels Créoles de l'océan Indien : Dynamique de La Rencontre Interculturelle et de La Créolisation. Études Océan Indien, no 49-50, 2013, p. 26.

* 49Chummun, Divisha. Le trauma de l'esclavage à l'engagisme : une réécriture des géographies du corps humain et de l'espace. Boston : Boston University, 2018.






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