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La structure de la phrase interrogative en shupamem


par Ernest NJIFON NGOUPAYOU
Université de Yaoundé I - Master 2 en Linguistique Graduat 2017
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE DE YAOUNDE I

THE UNIVERSITY OF YAOUNDE I

FACULTE DES ARTS, LETTRES ET SCIENCES HUMAINES

FACULTY OF ARTS, LETTERS AND

SOCIAL SCIENCES

DEPARTEMENT DE LANGUES AFRICAINES ET LINGUISTIQUE

DEPARTMENT OF AFRICAN LANGUAGES AND LINGUISTICS

..............

LA STRUCTURE DE LA PHRASE

INTERROGATIVE EN SHUPAMEM.

Mémoire présenté en vue de l'obtention du diplôme de Master en Linguistique Générale

Par :

Ernest NJIFON NGOUPAYOU Licence ès Lettres Bilingues

Sous la direction de :
Edmond Biloa
Professeur

Juillet 2017

Dédicace

Je dédie ce travail à mes parents Jonas NJI NGOUPAYOU et Aminatou LUEMGOUROU

II

Remerciements

Ce travail qui arrive à sa fin ne pouvait pas se réaliser sans l'aide de mes enseignants, de mes camarades, de mes frères et de mes amis. C'est pour cette raison que je tiens à remercier très sincèrement le Professeur Edmond BILOA, mon directeur de mémoire, pour avoir accepté de me diriger dans ce travail délicat, subtil et contraignant, malgré ses multiples occupations. Je le remercie aussi pour toute sa rigueur, ses remarques, ses conseils, ses encouragements car c'est grâce à tout cela que j'ai pu braver les difficultés rencontrées au cours de la rédaction de ce mémoire de Master ; sans lui, je ne pouvais pas réaliser ce travail. Et pour cela, j'aimerais qu'il trouve ici toute ma gratitude.

Je tiens à remercier le Docteur Florence TABE qui nous a encouragé à aimer la syntaxe en nous montrant son importance dans l'étude des langues en général et des langues africaines en particulier. Elle nous a permis de découvrir et de comprendre le Programme Minimaliste de Noam Chomsky qui est aujourd'hui incontestablement l'une des théories la plus importante et la plus influente en syntaxe.

Je tiens à remercier le Professeur Clédor NSEME pour tous les conseils qu'il n'a cessé de nous prodiguer en Master I et en Master II ; lesquels conseils nous ont permis de travailler d'avantage et de nous améliorer de manière incessante. Je tiens aussi à remercier tous mes enseignants du Département de Langues Africaines et Linguistique qui ont, chacun à son niveau, contribué à ma réussite.

Je remercie le Docteur Théodore BEBEY qui a accepté de lire mon travail. Je le remercie pour toutes les remarques pertinentes et aussi pour tout le temps qu'il a consacré sur ce travail.

Je dis un grand merci au Docteur Gaston BESSALA NDZANA BILOA qui m'a permis d'améliorer considérablement la qualité de ce travail ceci à travers les remarques et toutes les suggestions qu'il a fait dans le cadre de la rédaction de ce mémoire.

Je remercie Blaise MKOUNGA TALA TEKU qui m'a assisté tout au long de la rédaction de ce mémoire. Je le remercie aussi pour ses observations.

Je ne saurais ne pas remercier mon épouse Midéle Coralie qui m'a soutenu tout au long de la rédaction de ce mémoire.

Je tiens aussi à remercier tous mes frères pour leur assistance et leur encouragement. Je dis merci à M. MBOUOBOUO Mama, M. NJIKAM Chouaibou, Mme NJAPDOUNKE Mariama, M. CHAYOU Thomas, Mme MFOUNSIE Souliatou, M. PELENA Alain et M. KUTCHEM Mathieu qui m'ont aidé à remplir mon questionnaire en répondant aux multiples questions qui n'étaient pas souvent faciles.

III

Résumé

`

« m?

Dans ce travail, il était question pour nous de décrire les interrogations en Shupamem. Mais aussi d'apporter une explication à certaines structures interrogatives que le Shupamem présente. Et pour cela, nous nous sommes donné pour tâche principale d'identifier les marqueurs des interrogations, les types des interrogations, les structures des phrases interrogatives et les différents mécanismes ou contraintes qui entrent en jeu dans la formation des questions. De manière générale, l'interrogation est marquée en Shupamem par « ?Ì », », « n?Ì », « I », « nI » et les syntagmes Qu. Nous utilisons les marqueurs de

l'interrogation « ?Ì », « m?Ì » ou « nô » comme marqueurs de l'interrogation dans tous les types de questions à l'exception de l'interrogation oratoire où « I » et « nI » sont utilisés comme marqueurs de l'interrogation. Par ailleurs, dans les interrogations Qu, la question est marquée par le mot Qu et l'un des marqueurs de l'interrogation « ?Ì », « m?Ì », « n?Ì », « I » ou « nI ». Nous avons recensé cinq (05) types d'interrogations et douze (12) structures interrogatives en Shupamem. Par ailleurs, nous avons constaté qu'à l'inverse des langues comme le français et l'anglais qui admettent des interrogations (interrogations totales) sans marqueurs de l'interrogation, en Shupamem, il n'existe pas des interrogations sans marqueurs de l'interrogation. Notre étude nous a aussi révélé que le Shupamem est une langue à Qu in-situ et à Qu ex-situ. Dans cette langue et ceci dans les interrogations à syntagme Qu, le syntagme Qu peut apparaître en initial de phrase (ex-situ) ou en finale de phrase (in-situ). Il convient alors de noter que le syntagme Qu est in-situ lors qu'il n'est pas focalisé, alors qu'il est ex-situ soit lorsqu'il est focalisé ou lorsqu'il est dans une interrogation averbale. En outre, nous avons parlé de la périphérie gauche ; c'est ainsi que nous avons parlé de la topicalisation, de la focalisation et de la relativation. Parlant de la focalisation, nous nous sommes rendu compte que tous les constituants peuvent être focalisés en Shupamem et par ailleurs, la stratégie utilisée en Shupamem pour focaliser est le clivage et la duplication verbale. En outre, nous avons parlé de la topicalisation. Nous avons découvert que les constituants topicalisés se trouvent en initial de phrase, et ils laissent souvent un pronom résomptif. Parlant de la relativation, nous avons découvert que le sujet, le complément d'objet direct et indirect ainsi que les adverbes interrogatifs peuvent être relativés en Shupamem. Il a été révélé que pendant la focalisation et la relativation du sujet, la trace du sujet est remplacée par le pronom résomptif. Et ceci se justifie par le fait que le Shupamem n'admet pas que la position sujet soit vide. La périphérie gauche est constituée des projections qui se présentent dans l'ordre suivant :

SForce > SRel > (STop1) > SFoc > (STop2) SForce > (STop1) > SRel > SFoc > (STop2)

-

-

Abstract

In this dissertation, our goal was to analyze question formation in Shupamem. More precisely, we wanted to explain the structures of interrogative sentences that are peculiar to Shupamem. For this reason, our main task was to identify questions markers, types of questions and the structures of interrogative sentences. Also, our aim was to identify some of the constraints and mechanisms that are generated by questions formation in Shupamem. Our data revealed that questions are marked in Shupamem by the following question markers:

` « ?

`

», « m?

», « n?Ì », « I », « nI » and Wh words. In fact, we used the question markers « ?Ì »,

iv

« m?Ì » and « n?Ì » in all types of questions apart from rhetorical questions where we use « I » and « nI ». In Wh questions, the question markers are the Wh word and one of the following interrogators « ?Ì », « m?Ì », « n?Ì », « I » or « nI ». We found five (05) types of interrogative sentences in Shupamem. It was discovered that Shupamem exhibits twelve (12) interrogatives structures. We noticed that contrary to languages like French and English that admit question formation (as in «yes» or «no» question) without questions markers, in Shupamem, there is always a question marker in interrogative sentence. Moreover, we found out that Shupamem is both a Wh in-situ and a Wh ex-situ language. In fact, in this language, the Wh word can appear in sentence initial position (ex-situ) as well as in sentence final position (in-situ). We should note that the Wh phrase is in-situ when it is not focalized and is ex-situ or in sentence initial position when it is focalized and when it appears in verbless question.

Furthermore, we talked about the left periphery. And for this reason, we talked about focalization, topicalisation and relativization. Talking about focalization, we found out that all the constituents can be focalized in Shupamem. And the main techniques used in focalization are clefting and verb doubling. Talking about topicalisation, we discovered that topicalised constituents are usually at sentence initial position and may leave behind a resumptive pronoun. Our data revealed that subjects, objects and adverbials can be relativized in Shupamem. Finally, it was revealed that Shupamem does not allow any empty subject position and for this reason, in the process of focalization and relativization of the subject, the trace of the subject is replaced by a resumptive pronoun. From this analysis, we discovered that the left periphery in Shupamem has the following projections in this order:

- SForce > SRel > (STop1) > SFoc > (STop2)

- SForce > (STop1) > SRel > SFoc > (STop2)

V

Abréviations et signes diacritiques

1sg : première personne du singulier 2pl : deuxième personne du pluriel 2sg : deuxième personne du singulier AC : aspect accompli

Accs : accord sujet

Adv Int : adverbe interrogatif

BB : bas bas

BH : bas haut

BHB : bas haut bas

BHH : bas haut haut

BHHBH : bas haut haut bas haut

F1 : futur immédiat

F2 : futur 1

F3 : futur 2

HAB : aspect habituel HB : haut Bas

IMPF: imperfectif

INC: inchoative

INF: infinitif

INH: aspect inhérent

Int Or : interrogateur oratoire

Int : interrogateur

ISV : inversion sujet-verbe

IT : itératif

M.Int : marqueur de l'interrogation

Mot int : mot interrogatif

N AC : Aspect non-accompli

Nég : négation

Ø : morphème zéro

Op.cit. : (opus citatum ou opere citato) déjà cité

P1 : passé 1

P2 : passé 2

vi

P3 : passé 3

P4 : passé 4

PERF : perfectif

PPR : pronom personnel de reprise

Pro Int : pronom interrogatif

PRS : présent

SInt : syntagme de l'interrogation

SAccor : syntagme de l'accord

SC : syntagme du complémenteur

SClivée : syntagme de la clivée

SFoc : syntagme du focus

SI : subordonnée interrogative

Spéc : spécifieur

SRél : syntagme de la relativation

STop : syntagme du topique

SVO : sujet verbe objet

V.I : verbe interrogatif

Signes diacritiques

/ '/ : ton haut / `/ : ton bas

/ "/ : ton descendant

/ v / : ton montant

Index des tableaux, graphes et schéma

INTRODUCTION GENERALE Tableau 1 : Les informateurs Chapitre I

Tableau 1 : Les consonnes en Shupamem

Tableau 2 : Variation contextuelle des consones, adapté de Nchare (2012 : 23) Tableau 3 : Les voyelles en Shupamem

Tableau 4 : Différentiation des mots selon leur ton, adapté de Nchare (2012 : 66)

vii

Tableau 5 : Récapitulatif des tons en Shupamem

Tableau 6 : Les classes nominales en Shupamem Nchare (2012 :99) Tableau 7 : Les marqueurs temporels en Shupamem

Tableau 8 : Les marqueurs de la négation en Shupamem

Chapitre III

Tableau 1 : Les mots interrogatifs en Shupamem

Chapitre IV

Tableau 1 : Récapitulatif des caractéristiques des types d'interrogations en Shupamem

Tableau 2 : Récapitulatif des structures des interrogations en Shupamem Chapitre V

Tableau 1 : Les stratégies de focalisation en Shupamem

Index des graphes

Chapitre IV

Graphe 1 : Fréquence et pourcentage des structures des interrogations en Shupamem

Index des cartes

Chapitre I

Carte N°1 : Langues standardisées du Cameroun

Carte N°2 : Le Shupamem dans le département du Noun

Index des schémas

Chapitre I

Schéma 1 : Classification du Shupamem parmi les langues du grassfields, Nchare (2012 :9)

vIII

Ix

Table des matières

Dédicace i

Remerciements iii

Résumé iv

Abstract v

Abréviations et signes diacritiques vi

Signes diacritiques vii

Index des tableaux, graphes et schéma vii

Index des graphes viii

Index des cartes viii

Index des schémas viii

Table des matières ix

INTRODUCTION GENERALE 1

0.1 Problématique 1

0.2 Motivation de la recherche 1

0.2.1 Motivation scientifique 2

0.2.2 Motivation pédagogique 2

0.3 Objectif général de la recherche 3

0.4 Objectifs spécifiques de la recherche 3

0.5 Questions de recherche 3

0.6 Hypothèse générale de recherche 3

0.7 Hypothèses secondaires 3

0.8 Méthodologie 4

0.8.1 Approche minimaliste 4

0.8.2 Démarche empirico-inductive 4

0.8.3 Démarche hypothético-déductive 5

0.8.4 Population de recherche 5

0.8.4.1 Population cible 6

0.8.4.2 Population accessible 6

0.8.5 Echantillon de recherche 6

0.8.6 Instruments de collecte de données 6

0.9 Revue de la littérature 6

0.10 Corpus 8

0.11 Plan du travail 9

Chapitre I : PRESENTATION DE LA LANGUE 10

Introduction 10

1.1 Origine du peuple bamoun 10

1.2 Localisation du peuple bamoun 11

1.3 Localisation du Shupamem 11

1.4 Activité économique du peuple bamoun 11

1.5 Classification du Shupamem 12

1.6 Rappel phonologique 15

1.6.1 Les consonnes et les voyelles en Shupamem 15

1.6.1.1 Les consonnes en Shupamem 15

1.6.1.2 Distribution des consonnes en Shupamem 16

1.6.1.3 Les voyelles en Shupamem 17

x ix

1.6.1.4 Distribution des voyelles en Shupamem 17

1.7 Analyse suprasegmentale 18

1.7.1 Les tons du Shupamem 18

1.7.1.1 Les tons ponctuels 19

1.7.1.2 Les tons modulés 19

1.8 Les classes nominales en Shupamem 20

1.9 Les verbes en Shupamem 24

1.9.1 L'infinitif du verbe en Shupamem 24

1.9.2 La dérivation verbale 25

1.10 Les temps verbaux en Shupamem 25

1.11 Le présent 25

1.11.1 Le futur 25

1.11.1.1 Le futur 1 (Futur immédiat) 25

1.11.1.2 Le futur 2 (Futur proche) 26

1.11.1.3 Le futur F3 (Futur lointain) 26

1.11.2 Le passé 27

1.11.2.1 Le passé 1 (Passé immédiat) 27

1.11.2.2 Le passé 2 (Passé récent) 27

1.11.2.3 Le passé 3 (Passé lointain) 28

1.11.2.4 Le passé 4 (Passé très lointain) 28

1.12 Construction périodique et directionnelle du verbe en Shupamem 29

1.13 Aspects du verbe 29

1.13.1 Aspect inhérent 30

1.13.2 Aspect perfectif 30

1.13.3 Aspect imperfectif 31

1.13.4 Aspect habituel 31

1.13.5 Aspect inchoatif 31

1.14 La quantification des procès 32

1.14.1 Le procès répétitif 32

1.14.2 Le procès itératif 32

1.15 La modalité temporelle 32

1.15.1 Le mode réel 33

1.15.2 Le mode irréel 33

1.15.3 La nécessité 33

1.16 La négation en Shupamem 34

1.16.1 La négation du présent 34

1.16.2 La négation du futur immédiat (F1) 35

1.16.3 La négation du futur proche (F2) 35

1.16.4 La négation du futur lointain (F3) 36

1.16.5 La négation du passé immédiat (P1) 36

1.16.6 La négation du passé récent (P2) 37

1.16.7 La négation du passé lointain (P3) 37

X

1.16.8 La négation du passé très lointain (P4) 38

Conclusion 39

Chapitre II : CADRE THEORIQUE 40

Introduction 40

2.1 Le Programme Minimaliste 40

2.1.1.2 La fusion interne 43

2.1.1.3 Le déplacement 44

2.2 Les contraintes d'économie universelle 44

2.2.1 Le principe de dernier recours 44

2.2.2 Le principe d'avarice 45

2.2.3 Le principe de distance minimale 45

2.3 On Wh-movement 45

2.3.1 Le mouvement Qu laisse une trace 45

2.3.2 Le mouvement Qu se produit vers la position du complémenteur 46

2.3.3 Le mouvement Qu est cyclique 46

2.3.4 Le mouvement Qu respecte la contrainte de la sous-jacence 46

2.3.4.1 La Contrainte de l'îlot Qu 47

2.3.4.2 La Contrainte du Syntagme Nominal Complexe 48

2.3.4.3 La Contrainte de la Structure Coordonnée 49

2.3.4.4 La Contrainte du Sujet Conditionné 49

2.4 Mouvement de l'argument (A-movement) 49

2.4.1 Mouvement de la tête (Head movement) 50

2.4.2 Mouvement du syntagme (Phrase movement) 50

2.4.3 Mouvement Qu 51

2.5 Mouvement Non argumental (A-bar movement) 51

Conclusion 52

Chapitre III : LES MARQUEURS DE L'INTERROGATION EN SHUPAMEM 53

Introduction 53

3.1 Les marqueurs de l'interrogation en Shupamem 53

3.1.1 Les pronoms interrogatifs en Shupamem 54

3.1.1.1 Les pronoms interrogatifs monosyllabiques en Shupamem 54

3.1.1.2 Les pronoms interrogatifs polysyllabiques en Shupamem 55

3.1.2 Les adjectifs interrogatifs en Shupamem 56

3.1.3 Les adverbes interrogatifs en Shupamem 56

3.1.3.1 Adverbe interrogatif de lieu 57

3.1.3.2 Adverbe interrogatif de temps 57

3.1.3.3 Adverbe interrogatif de cause 57

3.1.3.4 Adverbe interrogatif de manière 58

3.1.3.5 Adverbe interrogatif de durée 58

3.1.3.6 Adverbe interrogatif de quantité 59

3.1.3.7 Adverbe interrogatif de prix 59

xi

3.1.4 Utilisation des marqueurs de l'interrogation « ?Ì», « m?Ì », « n?Ì », « ì» et « nì» 60

3.1.4.1 La distribution de « ?Ì », « m?Ì » et « n?Ì » dans les interrogations en Shupamem 63

3.1.4.2 La distribution de « ì » et « » dans les interrogations en Shupamem 65

Conclusion 66

Chapitre IV : TYPOLOGIE DES QUESTIONS EN SHUPAMEM 67

Introduction 67

4.1 La phrase de base 67

4.2 Type d'interrogations en Shupamem 68

4.2.1 Interrogation totale 69

4.2.1.1 Interrogation totale directe 70

4.2.1.2 Interrogation totale indirecte 74

4.2.1.2.1 Les constituants de l'interrogation totale indirecte 75

4.2.1.2.2 Distribution des constituants de l'interrogation totale indirecte 76

4.2.2 L'interrogation Qu 76

4.2.3 Interrogation partielle directe 79

4.2.3.1 Les constituants de l'interrogation partielle directe 80

4.2.3.1.1 Distribution des constituants de l'interrogation partielle directe 83

4.2.3.2 Interrogation partielle indirecte 84

4.2.3.2.1 Les constituants de l'interrogation partielle indirecte 85

4.2.3.2.2 Distribution des constituants de l'interrogation partielle indirecte 85

4.2.4 Interrogation alternative 85

4.2.4.1 Les constituants de l'interrogation alternative 86

4.2.4.2 Distribution des constituants de l'interrogation alternative 86

4.2.5 Interrogation oratoire 87

4.2.5.1 Les constituants de l'interrogation oratoire 88

4.2.5.2 Distribution des constituants de l'interrogation oratoire 88

4.2.6 Interrogation averbale en Shupamem 89

4.2.6.1 Les constituants de l'interrogation averbale en Shupamem 90

4.2.6.2 Distribution des constituants de l'interrogation averbale 90

4.3 Analyse des interrogations à Qu multiple 93

4.3.1 Distribution des syntagmes Qu en Shupamem 96

Conclusion 98

Chapitre V : LA PERIPHERIE GAUCHE EN SHUPAMEM 99

Introduction 99

5.1 L'éclatement de SC 99

5.2 La focalisation 100

5.2.1 Focalisation du sujet 101

5.2.2 Focalisation du complément d'objet direct 105

5.2.3 Focalisation du complément d'objet indirect 107

5.2.4 Focalisation du complément circonstanciel 107

5.2.5 Focalisation du verbe 110

5.2.6 Focalisation des arguments dans les interrogations averbales 112

xII I

5.2.7 Focalisation des adjoints référentiels 113

5.2.8 Focalisation des adjoints non référentiels 114

5.2.9 La focalisation postverbale en Shupamem 114

5.3 La topicalisation 117

5.3.1 Topicalisation du sujet 117

5.3.2 Topicalisation du complément d'objet 118

5.3.3 Topicalisation du complément circonstanciel 119

5.4 La relativation 119

5.4.1 Relativation du sujet 119

5.4.2 Relativation du complément d'objet direct 122

5.4.2.1 Le complémenteur 124

5.4.3 Relativation du complément d'objet indirect 124

5.4.4 Relativation du complément circonstanciel 125

5.5 La cartographie de la périphérie gauche en Shupamem 125

Conclusion 129

CONCLUSION GÉNÉRALE 131

REFERENCES 134

1

INTRODUCTION GENERALE

0.1 Problématique

De prime abord, il convient de noter que dans chaque recherche, notre objectif est de résoudre un problème particulier. Dans ce travail, nous voulons savoir comment l'interrogation est formée en Shupamem. Ceci résulte d'une part du fait que certaines structures interrogatives en Shupamem ne soient pas encore expliquées. Et d'autre part, le nombre réduit des documents écrits qui parlent de l'interrogation en Shupamem fait qu'il soit difficile de parler ou d'expliquer les différents mécanismes observés lors de la formation de certaines structures interrogatives dans cette langue. Il est certes vrai qu'il existe une littérature sur le Shupamem, car nous savons qu'aucune recherche n'est faite ex nihilo c'est-à-dire à partir de rien. Pour cela, nous avons Boum (1977), «Esquisse phonologique du bamoun». Djeunou (1981), «Le verbe en bamoun''. Ondoua (2004), «La structure phrastique du Shupamem : Une approche générativiste''. Nchare (2005), «Une analyse minimaliste et dérivationnelle de la morphosyntaxe du Shupamem». Nchare (2012), «The grammar of Shupamem''. Ils ont tous menés des études très variées sur le Shupamem, mais seulement, ils n'ont pas fait de notre sujet l'objet principal de leurs différents travaux.

En outre, le Shupamem comme la plupart de langues camerounaises connait un véritable problème de standardisation. Ce travail vient à point nommé afin d'apporter un plus à la standardisation du Shupamem. Nous devons le noter, la plupart de nos langues nationales sont plutôt des langues à tradition orale c'est-à-dire qu'elles ne sont pas écrites. Or, nous savons que l'enseignement oral n'est pas le meilleur gage d'exactitude. Le plus souvent les renseignements transmis sont sujets à des additions ou des soustractions, à des modifications et des déformations, à des exagérations et des confusions de tel point qu'il devient difficile de distinguer la vérité de l'invention. Et aussi, l'enseignement oral ne laisse pas de trace ; donc il est difficile que cet enseignement puisse survivre au cours des années, et garder toute sa subtilité et sa finesse d'antan. Tout ceci vient justifier la raison pour laquelle nous nous sommes décidés à mener nos recherches sur cet aspect particulier du Shupamem.

0.2 Motivation de la recherche

Notons que la motivation est l'ensemble des causes conscientes et inconscientes qui sont à l'origine du comportement individuel. La motivation est aussi le stimulus de la volonté qui donne une raison d'agir. Tout acte que nous posons dans la vie a une motivation, à ce moment précis, la motivation devient comme une sorte de justificatif ou de mobil à nos actes. Cette recherche a deux motivations principales à savoir : la motivation scientifique et la motivation pédagogique.

2

0.2.1 Motivation scientifique

La motivation scientifique consiste en la recherche de rendre compréhensible des connaissances ou des phénomènes qui ne le sont pas. C'est grâce à la recherche scientifique que tout le monde, spécialiste ou non, peut comprendre comment tel ou tel phénomène fonctionne. C'est pour cette raison que la motivation scientifique constitue le fondement de toute recherche. La motivation scientifique nous permet de rendre notre tâche ou notre travail explicable parce qu'elle est purement empirique, c'est-à-dire qu'on dit ce qu'on voit, on parle de ce qu'on observe, on n'invente rien. Bref on présente les faits tels qu'ils sont, sans rien n'ajouter ni rien retrancher. Ce qui nous permet de dire que la motivation de cette recherche vient du fait que nous voulons permettre aux chercheurs de comprendre comment on forme l'interrogation en Shupamem. Nous voulons permettre aux chercheurs de cerner et de différencier les transformations que subit une phrase interrogative en Shupamem et de pouvoir les expliquer à leur tour. Donc, nous voulons ici inventorier et répertorier les différents mécanismes qui ont lieu pendant la formation des questions en Shupamem.

0.2.2 Motivation pédagogique

La motivation pédagogique est d'une très grande importance en ce fait que c'est grâce à elle que tout enseignement est possible. Et nous savons tous quelle place l'enseignement occupe au sein de notre société aujourd'hui. Et par ailleurs, à l'heure actuelle ou l'Afrique en général et le Cameroun en particulier est en train d'introduire dans le programme de l'enseignement scolaire l'enseignement des langues nationales, il devient tout à fait urgent pour nous de travailler dans le sens de rendre facile l'enseignement de nos langues maternelles. Car comme le dit Diongue (1980 :21), «Ce que l'on a sur le coeur, ne peut être bien exprimé que dans sa langue maternelle». Cette recherche va inévitablement permettre aux enseignants des langues nationales de comprendre le fonctionnement de certains phénomènes grammaticaux en Shupamem. Elle permettra aussi aux pédagogues d'aborder certaines leçons qu'ils seront appelés à enseigner avec aisance et assurance sachant ce qu'ils font et comment ils vont le faire. Et l'élève pourra alors comprendre facilement la leçon qui lui est enseignée parce que celle-ci est enseignée dans sa langue maternelle qu'il maîtrise mieux. Diongue (1980 :55), confirme ceci en nous rappelant que «Toute connaissance quel que soit sa nature ne peut être diffusée et acceptée que dans une langue connue».

Par ailleurs, les langues africaines véhiculent et sauvegardent nos cultures, car, comme le dit si bien Sow (1971 : 6), «Les langues africaines demeurent dans nos sociétés où l'oralité représente la forme de communication par excellence, les témoins privilégiés de l'itinéraire culturel de nos nations et les réceptacles de la pensée et de la civilisation de nos peuples».

3

0.3 Objectif général de la recherche

L'objectif général de cette recherche est d'expliquer la formation des questions en Shupamem.

0.4 Objectifs spécifiques de la recherche

L'objectif spécifique est une sous composante de l'objectif général. C'est grâce aux objectifs spécifiques que nous atteignons l'objectif général de toute recherche. Les objectifs spécifiques constituent en quelque sorte les différentes étapes d'une recherche. Dans le cadre de ce travail, les objectifs spécifiques sont :

1) Identifier les différents marqueurs de l'interrogation en Shupamem ;

2) Identifier la position du syntagme de l'interrogation en Shupamem ;

3) Identifier les différentes possibilités de formation des interrogations en Shupamem.

0.5 Questions de recherche

Nous utilisons les questions de recherche lorsque nous avons à faire un travail descriptif et explicatif. Ce qui est les cas ici. Ce travail est qualifié de descriptif parce que nous allons décrire ou présenter ce qu'on voit. Il est aussi explicatif parce que nous n'allons pas simplement présenter les faits, mais nous allons aussi les expliquer afin de savoir le pourquoi de tel ou de tel mouvement ou de tel phénomène. Pour mener à bien cette recherche, nous avons retenu les questions suivantes :

1) Quels sont les différents marqueurs de l'interrogation en Shupamem ?

2) Quelle place occupe le marqueur de l'interrogation en Shupamem ?

3) Qu'est-ce qui justifie le déplacement ou non d'un marqueur de l'interrogation en Shupamem ?

0.6 Hypothèse générale de recherche

En Shupamem, l'interrogation se forme de deux façons : soit par l'utilisation du marqueur de l'interrogation è, m?Ì, nè, l et nl tous en fin de phrase ou soit par l'utilisation du syntagme Qu et du marqueur de l'interrogation , m?Ì, n?Ì, l et nl tous en fin de phrase.

0.7 Hypothèses secondaires -

Hypothèse secondaire n°1

L'interrogation est marquée en Shupamem par le marqueur de l'interrogation , m?Ì, ou l'interrogateur oratoire l et nl.

- Hypothèse secondaire n°2

Le syntagme Qu est en initial de phrase lorsqu'il est focalisé alors qu'il est in-situ lorsqu'il n'est pas focalisé.

4

- Hypothèse secondaire n°3

Le syntagme Qu est en initial de phrase dans les interrogations averbales

0.8 Méthodologie

Il sera question pour nous ici de parler de la méthodologie que nous avons utilisée dans le cadre de ce travail.

0.8.1 Approche minimaliste

L'approche minimaliste est une approche descriptive et en même temps explicative. Car ici, il est question de décrire les phénomènes que nous observons mais aussi de les expliquer c'est-à-dire de donner les raisons de tel ou de tel comportement linguistique. C'est pour cette raison que nous avons opté pour cette approche car elle va inévitablement nous permettre de comprendre certaines structures syntaxiques des phrases interrogatives en Shupamem.

0.8.2 Démarche empirico-inductive

Dans ce travail, nous allons utiliser la démarche empirico-inductive. Ici on ne part pas a priori d'une théorie, mais, on part d'une problématique, c'est-à-dire d'une question que l'on pose à un ensemble de phénomènes. On va d'abord recueillir de nombreuses données, les catégoriser et les ordonner. Et par la suite, on formule un schéma de compréhension organisant la compréhension du fonctionnement global des phénomènes. C'est pourquoi Gondard-Delcroix (2007 :26) estime que «cette méthode est plus apte à révéler une information à la fois riche et précise».

La méthode empirico-inductive consiste à s'interroger sur le fonctionnement et sur la signification de phénomènes humains qui éveillent la curiosité du chercheur. Elle recherche des réponses dans les données, en incluant les interactions mutuelles entre les diverses variables observables dans le contexte global d'apparition du phénomène, dans son environnement, ainsi que les représentations que les sujets s'en font (enquêteur comme enquêtés, l'observateur étant également observé). II s'agit de comprendre c'est-à-dire de donner du sens à des évènements spécifiques et non d'expliquer des lois universelles de causalité. Selon Gondard-Delcroix op.cit., cette approche méthodologique et épistémologique se caractérise par les dix points suivants :

1) Une recherche qualitative est inductive : les chercheurs tentent de développer une compréhension des phénomènes à partir d'un tissu de données, plutôt que de recueillir des données pour évaluer un modèle théorique préconçu ou des hypothèses a priori ;

2)

5

Dans une méthodologie qualitative, les sujets ou les groupes ne sont pas réduits à des variables, mais sont considérés comme un tout : le chercheur qualitatif étudie le contexte dans lequel évoluent les personnes ainsi que le passé de ces dernières ;

3) Le chercheur est attentif à l'effet qu'il produit sur les personnes concernées par son étude : cet effet d'interaction inévitable doit être pris en compte dans l'interprétation des données ;

4) Le chercheur essaie de comprendre les sujets à partir de leur système de référence : il observe la signification sociale attribuée par les sujets au monde qui les entoure ;

5) Le chercheur ne met pas ses propres convictions, perspectives et prédispositions en avant : rien n'est pris d'emblée comme « vérité » ;

6) Tous les points de vue sont précieux ;

7) Les méthodes qualitatives relèvent d'un courant humaniste qui implique l'ouverture à l'autre et au social ;

8) Les chercheurs insistent sur la qualité de validité de leur recherche : en observant les sujets dans leur vie quotidienne, en les écoutant parler, ils obtiennent des données non filtrées et donc non tronquées par des concepts a priori, des définitions opérationnelles ou des échelles de mesure et de niveau ;

9) Tous les sujets sont dignes d'étude mais restent uniques ;

10) La recherche qualitative exige, plus que l'utilisation des techniques, un savoir-faire : elle n'est pas standardisée comme une approche quantitative et les manières d'y parvenir sont souples ; le chercheur crée lui-même sa propre méthodologie en fonction de son terrain d'observation.

0.8.3 Démarche hypothético-déductive

La démarche hypothético-déductive est une méthode scientifique qui consiste à formuler une hypothèse afin d'en déduire des conséquences observables futures (prédiction), mais également passées (rétrodiction), permettant d'en déterminer la validité. Elle part du connu pour arriver à l'inconnu, du particulier pour aller au général, du concret pour aller vers l'abstrait. Elle est une méthode de recherche qui vise à conduire l'apprenant à une vérité à laquelle on voudrait aboutir.

0.8.4 Population de recherche

La population d'étude est l'ensemble dont les éléments sont choisis parce qu'ils possèdent tous une ou plusieurs caractéristiques communes et sont de même nature. Deux termes sont très importants quand on parle de la population de recherche. Il s'agit de la population cible et de la population accessible.

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0.8.4.1 Population cible

Selon Njifon (2011), la population cible est l'ensemble des individus sur lesquels les résultats d'une étude peuvent être appliqués. Le résultat de cette recherche sera important aux chercheurs qui s'intéressent au Shupamem.

0.8.4.2 Population accessible

La population accessible est la partie de la population dont l'accès s'offre aisément au chercheur sans difficultés manifestes. La population accessible de notre recherche est tout locuteur natif du Shupamem et qui a une maîtrise parfaite du Shupamem.

0.8.5 Echantillon de recherche

Un échantillon est un ensemble d'individus extraits d'une population étudiée de manière à ce qu'il soit représentatif de cette population, au moins pour l'objet de l'étude. Pour ce faire, on peut le tirer de façon aléatoire, par un ensemble de méthodes mathématiquement très contraignantes, ou quand ces méthodes se révèlent impossibles à appliquer, par des méthodes pratiques comme la méthode des quotas1.

0.8.6 Instruments de collecte de données

Pour conduire notre analyse, nous avons collecté les données auprès de nos informateurs. Pour ce faire, nous avons utilisé les instruments de collecte de données qui sont le questionnaire et l'interview.

0.9 Revue de la littérature

Bien qu'étant une langue peu étudiée, le Shupamem a tout de même constitué un champ d'étude à bon nombre de personnes. C'est ainsi que quelques travaux ont été recensés à savoir :

1. Esquisse phonologique du bamoun, (Boum 1977) ;

2. Le verbe en bamoun, (Djeunou 1981) ;

3. La structure phrastique du Shupamem : Une approche générativiste, (Ondoua 2004) ;

4. Une analyse minimaliste et dérivationnelle de la morphosyntaxe du Shupamem, (Nchare 2005) ;

5. The grammar of Shupamem, (Nchare 2012).

Boum (1977), dans «Esquisse phonologique du bamoun» a mené une étude sur la phonologie du Shupamem, ce qui lui a permis de répertorier les consonnes et les voyelles dans cette langue et de dresser les différents tableaux consonantiques et vocaliques en Shupamem ; toute chose qui nous permet d'avoir une idée sur sa phonologie.

1Pourcentage respectif des différentes catégories démographiques ou socioprofessionnelles qui constituent une population totale, qui permet d'établir un échantillon représentatif dans une enquête par sondage.

7

Djeunou (1981), dans «Le verbe en bamoun», s'est attelé à étudier le verbe en Shupamem. Cette étude occupe une place très importante parce que faisant partie des toutes premières études menées sur le verbe en Shupamem. Djeunou (1981) a étudié la structure du verbe en Shupamem pour cela ; il a pu identifier le marqueur de l'infinitif en Shupamem et la place que ce marqueur occupe. Par ailleurs, il a aussi étudié la dérivation verbale en Shupamem. C'est justement pour cette raison qu'il a parlé de l'aspect, du temps et du mode dans cette langue.

Ondoua (2004), dans «La structure phrastique du Shupamem : Une approche générativiste», étudie la structure de la phrase en Shupamem. Il analyse en particulier la structure des syntagmes et celle des phrases.

Nchare (2005), dans «Une analyse minimaliste et dérivationnelle de la morphosyntaxe du Shupamem» s'est attelé à parler du Shupamem sur le plan de sa morphologie et de sa syntaxe. A travers cette étude, Nchare étudie les mouvements des constituants en Shupamem ainsi que les propriétés morphosyntaxiques de cette langue.

Et pour se faire, il a étudié la morphosyntaxe2 du syntagme du déterminant et cela lui a permis d'établir les différentes classes morphologiques et sémantiques du substantif en Shupamem.

Par la suite, il a aussi examiné la morphosyntaxe du syntagme verbal ou il a étudié le système aspecto-temporel et modal, ceci pour avoir une idée claire et précise sur les éléments qui constituent le syntagme verbal en Shupamem.

En outre, Nchare (2005) a étudié la morphosyntaxe de la négation pour savoir les éléments du syntagme de la négation en Shupamem.

Nchare (2005) a aussi étudié les questions en Shupamem et de cette étude, il ressort que c'est la focalisation qui déclenche le mouvement du syntagme Qu en Shupamem.

Finalement, Nchare (2005) nous a permis de comprendre à travers cette étude que la variation dans l'ordre des mots se traduit par les déplacements de certains constituants vers les

2 Selon Parisse (2010), la morphosyntaxe concerne l'ensemble des structures qui permettent de construire grammaticalement un énoncé. Elle porte aussi bien sur les formes des mots flexions régulières et irrégulières, variantes irrégulières de certains noms et verbes, l'agencement des marques syntaxiques autour du nom (déterminants, etc.), du verbe (pronoms, etc.), de l'adjectif, de l'adverbe, et enfin de l'organisation des mots et groupes de mots dans un énoncé ou une phrase. Dans la langue française, tous les niveaux d'organisation langagière sont touchés de manière importante par la morphosyntaxe. On distinguera quatre niveaux de morphosyntaxe : lexical (racine des mots), flexionnel (terminaison des mots), contextuel (marqueurs syntaxiques ayant un caractère obligatoire et dont l'emplacement est strictement déterminé) et positionnel (organisation des mots ou groupes de mots présentant une certaine flexibilité). Ces quatre niveaux d'organisation correspondent le plus souvent à l'âge des structures langagières et à leur évolution au cours du temps, des plus anciennes (lexicales) au plus récentes (positionnelles). Par contre, l'utilisation est largement indépendante de l'âge des structures et tous les niveaux interagissent dans la morphosyntaxe du français actuel.

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différentes positions dans la phrase. En fait ceci revient à dire que la structure de la phrase varie avec le type de phrase.

Dans la thèse de Nchare (2012) intitulé «The grammar of Shupamem», il a mené une étude globalisante sur le Shupamem, c'est ainsi qu'il a examiné tour à tour la phonétique, la phonologie, la sémantique et la syntaxe. Ce qui nous permet de dire qu'il a étudié des aspects très variés de la grammaire du Shupamem.

0.10 Corpus

Pour réaliser ce travail, nous avons collecté les données sur le terrain. La collecte des données s'est faite par le biais d'un questionnaire. Notre questionnaire a été divisé en quatre parties. La première partie nous a permis d'identifier les marqueurs de l'interrogation en Shupamem. La deuxième partie quant à elle a contribué à l'identification des types et des formes des phrases interrogatives en Shupamem. La troisième partie était consacrée sur les structures des interrogations en Shupamem. La quatrième partie nous a permis de parler de la focalisation, de la topicalisation et de la relativation en Shupamem. Nous avons aussi utilisé les interviews pour collecter nos données. Ces interviews avaient pour but d'amener nos informateurs à nous apporter plus de clarifications sur certains aspects importants du Shupamem tels que les interrogations averbales, les interrogations à Qu in-situ ou à Qu ex-situ. Nous avons aussi utilisé les documents écrits sur le Shupamem tels que le mémoire de DEA de Nchare (2005) intitulé : «Une étude minimaliste et dérivationnelle de la morphosyntaxe du Shupamem», le livre d'Emmanuel Matateyou (2008), «Palabres au Cameroun». Nous avons aussi utilisé la thèse de Nchare (2012) intitulé : «The grammar of Shupamem».

Le tableau ci-dessous est celui de nos informateurs.

Tableau 1 : Les informateurs

INFORMANTEURS

STATUS SOCIAL

RESIDENCE

AGE

SEXE

M. MBOUOBOUO Mama

Enseignant de français

Foumban

45

M

M. NJIKAM Chouaibou

Commerçant

Foumbot

50

M

Mme NJAPDOUNKE Mariama

Enseignante de français

Foumban

49

F

M. CHAYOU Thomas

Cultivateur

Foumban

51

M

Mme MFOUNSIE Souliatou

Cultivatrice

Koutaba

60

F

M. PELENA Alain

Commerçant

Magba

51

M

M. NKUTCHEM Mathieu

Instituteur retraité

Malatouen

62

M

9

Sur le tableau ci-dessus, nous avons tous les informateurs qui nous ont aidés dans le cadre de ce travail. Nous avons par ailleurs donné les informations sur le statut social, la résidence, l'âge et le sexe de nos informateurs.

0.11 Plan du travail

Ce travail intitulé «La structure de la phrase interrogative en Shupamem» comporte cinq chapitres. Le chapitre 1 intitulé « Le peuple bamoun et le Shupamem » parle brièvement du peuple bamoun, tout en retraçant leur origine. En outre, il présente un aperçu phonétique et phonologique du Shupamem. Pour finir, il recense les temps verbaux dans cette langue. Le chapitre 2 intitulé « Cadre théorique » présente la théorie sur laquelle nous nous sommes appuyés pour mener cette recherche. Le chapitre 3 intitulé « Les marqueurs de l'interrogation en Shupamem » identifie les marqueurs de l'interrogation en Shupamem. Le chapitre 4 intitulé «Typologie des questions en Shupamem » parle de la distribution des constituants de la phrase interrogative d'une part, et d'autre part, il identifie et explique les différents mouvements que subissent les constituants des phrases interrogatives en Shupamem. Le chapitre 5 intitulé « La périphérie gauche en Shupamem » parle de la focalisation, de la topicalisation et de la relativation. Et par ailleurs, il nous permet aussi d'identifier la cartographie de la périphérie gauche en Shupamem.

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Chapitre I :

 

PRESENTATION DE LA

LANGUE

Introduction

Dans ce chapitre, il sera question pour nous de parler du peuple bamoun, du système consonantique et vocalique du Shupamem ainsi que de classes nominales, du verbe et de la négation.

1.1 Origine du peuple bamoun

Les origines du peuple bamoun remontent au 13ème siècle. Les bamouns sont partis de Bankin, sous la conduite de Nchare. Selon Nicod (2002), le royaume bamoun a été fondé par Share yen. En fait, après la mort de Fonrifum (Roi de Rifum ou Tikar), son fils Dikum, au détriment du très ambitieux Nchare est désigné comme successeur. Ce dernier en est très vexé, et sa mère, la reine Yen, se sent déshonorée. D'un commun accord et sous la conduite de Nchare, ils décident de s'en aller hors du royaume qui se trouve à Bankin. La reine réunit donc ses enfants et quelques fidèles et prennent la direction de Léké où ils prennent refuge. Mais malheureusement, ils constatent très vite qu'ils sont en insécurité et décident de progresser vers la droite à l'Ouest. L'un des neveux du feu roi nommé Njimongha qui connaît mieux le pays et a souvent entendu parler de la cruauté des hommes d'une tribu Tikar nommée Manté, suggère alors à ses compagnons de se diriger vers la gauche afin de traverser le fleuve Ripah (actuel Mbam) à son confluent avec le fleuve Mvi et de se rendre à Njipou. Suivant cet itinéraire, les fugitifs arrivent sans encombre au bord du fleuve Mbam. C'est là que se présente le premier obstacle. Le groupe présente un poids supérieur à celui que peut supporter la pirogue qu'il doit emprunter pour traverser le fleuve Mbam. A ce niveau, il est important de désigner ceux des membres du groupe qui auront un rôle important à jouer. Ce sont les cinq enfants de la reine YEN : Fomban, Koumjouon, Nchare, Mfom et Nguonsoh, qui empreinte la pirogue. Quand ils atteignirent l'autre rive, la reine Yen ordonna que la pirogue fût détruite, condamnant ainsi deux de ses enfants et leurs compagnons à demeurer sur les terres des Tikars.

Durant la marche pour l'assaut de Njimon, ils conquirent plusieurs tribus en soumettant de nombreux rois. Ainsi tombèrent : Fondouobouh, Nfonpalap, Fonpayat, etc.

Après, vint le jour où il fallut choisir un guide (roi) pour diriger le groupe de conquérants d'origine Tikar. La tradition voulant que ce fût quelqu'un ayant un sang noble, ce guide ne pouvait être que l'un des fils ou des filles du Roi Fonrifum ; plus précisément un des

11

enfants de feue la reine Yen. Les aspirants furent Koumjouom, Nchare et leur soeur Mfom. Les trois prétendants devaient faire une compétition en vue de la désignation du roi. La discipline choisie fut une course sur une distance d'un peu moins de cents mètres à partir du tronc d'arbre où étaient assis les trois prétendants. Le premier à poser le pied sur la pierre allait devenir le roi. Njimongha, en sa qualité de neveu de Forifoum, fut chargé de donner le signal de départ. Koumjouom, grand, costaud et bien bâti d'un point de vue sportif, jubilait d'avance. Il voyait bien qu'il partait favori. Face à lui, Nchare, petit et fluet n'avait aucune chance... Pourtant, tout le monde souhaitait que Nchare devienne roi. La raison était simple : au contraire de son frère qui était arrogant et antipathique, Nchare était modeste, affable et sociable. Quand approcha l'heure du départ, Njimongha s'avança très discrètement vers Mfom et lui donna quelques consignes. Celle-ci alla s'asseoir sur le tronc d'arbre, emprisonna sous ses fesses, un pan du pagne de Koumjouom. Quand Njimongha vint donner le signal du départ, Mfom eut de la peine à lever son gros corps, comme par mégarde, retardant en même temps le démarrage de Koumjouom. Nchare fonça tête basse et gagna la compétition. Nchare devint Roi et l'état bamoun est proclamé et Njimom devient la première capitale du royaume.

Né autour des années 1873-1874 selon Njele (2010), le roi Njoya est le concepteur du shumom qu'il utilise pour transcrire la parole bamoun.

1.2 Localisation du peuple bamoun

Le peuple bamoun est localisé au Cameroun plus particulièrement dans la région de l'Ouest et dans tout le département du Noun. Le département du Noun a une superficie de 7 700 km2 et est peuplé d'environ 820 000 habitants. Il couvre plus de la moitié de la Région de l'Ouest. Il est constitué d'un haut plateau (700 m) à l'ouest, surmonté de trois massifs alignés le Mbapit (1910 m), Nkogham et le Mbam (2200 m) et d'une plaine encaissée au pied de la falaise à l'Est de Foumban. Cette plaine longe la rive du Mbam jusqu'au point de confluence avec le Noun près de Bafia.

1.3 Localisation du Shupamem

Le Shupamem est parlé au Cameroun dans la région de l'Ouest et plus particulièrement dans le département du Noun dont le chef-lieu est Foumban. C'est la seule langue parlée dans le département du Noun par le peuple bamoun.

1.4 Activité économique du peuple bamoun

D'après Matateyou (1990 :90), l'économie du Noun est dominée par la sculpture, la poterie, la fonderie, la pêche, l'agriculture et l'élevage. La principale activité économique du peuple bamoun est l'agriculture comme le pense Tardits (1980). Cela s'explique sans doute par le fait qu'ici, la terre est très fertile et à cela, il faudrait ajouter le fait que cette partie du

12

pays a une terre volcanique, ceci dans les arrondissements de Kouoptamo, Baïgom et de Foumbot en particulier.

1.5 Classification du Shupamem

Dieu et Renaud (1983) classe le Shupamem dans la zone 9. Le Shupamem est classé sous le code 901. Nchare (2012 :9) propose la classification suivante du Shupamem :

(1) Grassfields étendu

Grassfields étroite Grassfields périphérique

Nomo Ndemly Est Ring Ambele Ouest Menchum

Bantu Grassfields Momo

(1) Nord (2) Mbam-Nkam

Noun

(i) mu?gaka

(ii) bamum [a]Shupamem

[b] bafanji

[c] bamali

[d] bambalang

[e] banbolan

(iii) mamenyam

Schéma 1 : Classification du Shupamem parmi les langues du grassfields adapté de Nchare (2012 :9)

Ce schéma nous permet de noter que le Shupamem appartient au groupe grassfields-Est (Mbam-Nkam) et plus particulièrement au sous-groupe Noun.

Dans la carte suivante, nous allons représenter le Shupamem au sein des langues standardisées du Cameroun.

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Carte 1 : Langues standardisées du Cameroun

002 : kanuri

900 : mungaka 902 : m?d?mba 951 : ?gy?mb??? 952: y?mba

960: gh?mala' 970: fe ìfeì

601 duala

802 tiv

Jukun 701

kut?b 702

401 basa'a

403 b?tifa?

720 v?te

001 fulfulde

351 mbum

001 fulfulde

381 gbaya

309 baka

001

Source : Atlas Administratif des langues nationales du Cameroun (1991 : 19) une adaptation d'Ernest NJIFON NGOUPAYOU Source : Atlas Administratif des langues natio

Cette carte nous permet de localiser le Shupamem au Cameroun.

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La carte suivante nous permet de localiser l'aire linguistique du Shupamem au Cameroun.

Carte N°2 : Le Shupamem dans le département du Noun

DONGA -MANTUM

MAYO-BANYO

501 : tikari

BUI

MEZAM

MAGBA

FOUMBAN

BAMBOUTOS

MALATOUEN

KOUTABA

kOUOPTAMO

MBAM-ET-KIM

MIFI

MASSANGAM

KOUNG-KHI

MBAM-ET-INOUBOU

NDEì

BANGOURAIN NJIMON

901 : sh?pam?m

Département

Limites

Chef-lieu

Arrondisse-
ment

Limites

Désignation

Langues

sh?pam?m

Dialectes

Parlers

Source : Atlas Administratif des langues nationales du Cameroun (1991), une adaptation d'Ernest NJIFON NGOUPAYOU

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Cette carte nous permet de noter que le Shupamem est la seule langue parlée dans tout le département du Noun. Le département du Noun est limité à l'Ouest par les départements du Mbam-et-Kim et du Mbam-et-Inoubou, au Nord-Ouest par le département du Donga Mantung et au Nord-Est par l'Adamaoua.

1.6 Rappel phonologique

Essono (2006 :167) définit la phonologie comme :

« La discipline qui prend en charge l'étude des phonèmes. Elle analyse les propriétés distinctives des sons de la parole. En relation avec le signifié, la phonologie étudie dans une langue donnée, les unités phoniques du point de vue de leur fonction. Elle interprète et rend compte de l'utilisation des sons par l'homme pour communiquer. En définitive, la phonologie est l'étude scientifique du système des phonèmes et de leurs règles de combinaisons. »

1.6.1 Les consonnes et les voyelles en Shupamem

Dans un premier temps, nous allons parler des consonnes.

1.6.1.1 Les consonnes en Shupamem

En nous appuyant sur les consonnes répertoriées par Boum (1977) et Nchare (2005,

2012), nous avons recensé 25 consonnes en Shupamem. Ces consonnes sont les suivantes :

[p, b, t, d, k, g, f, v, s, z, ?, ?, m, n, ?, ?, l, r, ?, ÷, kp, gb, j, w, ?]

Le tableau suivant nous permet de classer les consonnes selon leurs places et modes

d'articulation.

Tableau1 : Les consonnes en Shupamem

Point

d'articulation

Mode

d'articulation

Labiales

Alvéo laires

palatales

Vélaires

uvulaires

Labio-vélaires

Glottales

Occlusives

p
b

t
d

 

k
g

 

kp
gb

?

Fricatives

f
v

s
z

?
?

?

÷

 
 

Nasales

m

n

?

?

 
 
 

Latérale

 

l

 
 
 
 
 

Vibrantes

 

r

 
 
 
 
 

Semi-voyelles

 
 

j

 
 

w

 

Dans ce tableau, nous avons recensé et classé toutes les consonnes que nous avons en Shupamem.

16

1.6.1.2 Distribution des consonnes en Shupamem

Il est question pour nous ici d'identifier le contexte d'apparition des consonnes en Shupamem. En fait, nous allons plus particulièrement nous intéresser aux consonnes qui changent de forme selon leur contexte d'apparition.

Selon Nchare (2005: 23), les consonnes [p, d et g] changent selon leur contexte d'apparition. En plus de ces consonnes identifiées par Nchare nous avons aussi découvert que /j/ change selon son contexte d'apparition. Nous allons dans la section suivante parler de changement de ces différentes consonnes.

1.6.1.2.1 Le phonème /p/ se réalise [b] après la nasale

Le phonème /p/ se réalise [b] après la nasale comme nous indiquent les exemples suivants :

(2) a. pa'm : arrête ji'n ba`m : arrêter

b. po'n?Ì : rassemble ji'n bo'n?Ì : rassembler

c. pu'?n?Ì: la précipitation ji'n bu'?n?Ì: se précipiter

Les exemples (2a, b et c) nous permettent de voir que /p/ se réalise [b] après la nasale. Le phonème /l/ se réalise [d] après la nasale

Nchare (2005 :23), nous montre que le phonème /l/ se réalise [d] après la nasale. Observons les exemples suivants :

(3) a. li'?Ìr?ì : filtre ji'n di'?Ìr?Ì : filtrer

b. l?ìr?Ì : montre ji'n d?ìr?Ì : montrer

c. la'm i` : marie-le ji'n da'm : marier

d. la?â i` : frappe-le ji'n da'p : frapper

Les exemples (3a, b, c et d) nous montrent clairement que le phonème /d/ se réalise [l] après la nasale.

1.6.1.2.2 Le phonème / ÷/ se réalise [g]après la nasale

Considérons les exemples suivants :

(4)a. ÷u?pm?: la pensée ji'n gu'pm?Ì: penser

b. ÷u'm?: respect ji'n gu`m?: respect

La constrictive vélaire/÷/ devient une occlusive vélaire sonore [g] après une nasale. 1.6.1.2.3 Le phonème / j / se réalise [?]après la nasale

Observons les exemples suivants :

(5) ja`n?Ì: sèche ji'n ?a`n?Ì: sécher

(6) jo`r?Ì: met de l'eau ji'n ?o`r?Ì :mettre de l'eau

Le phonème / j / devient [?] après la nasale.

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Tableau 2 : Variation contextuelle des consonnes, adapté de Nchare (2005 : 23)

Phonèmes

Initiale de mot

Après la nasale

/p/

[p]

[b]

/l/

[l]

[d]

/X /

[X]

[g]

/ j /

[j]

[3]

Comme nous pouvons le constater à travers le tableau ci-dessus, en Shupamem les phonèmes / p, d, X et j / changent selon qu'elles se trouvent en initial de mot, après le nasale ou entre deux voyelles. Nous devons noter que ce changement se fait généralement avec les verbes et les noms dérivés des verbes.

1.6.1.3 Les voyelles en Shupamem

Dans cette partie, nous allons recenser et catégoriser les voyelles que le Shupamem comporte. Nous allons nous inspirer des voyelles recensées par Boum (1977) et Nchare (2005, 2012).

Tableau 3 : Les voyelles en Shupamem

Point

d'articulation

Aperture

Antérieures

Centrales

Postérieures

Fermées

i y

} u

tu u

Mi- fermées

e

a

o

Mi- ouvertes

E

 

a

Ouvertes

 

a

 

Comme nous pouvons le constater, il existe en Shupamem 12 voyelles reparties comme nous indique le tableau ci-dessus.

1.6.1.4 Distribution des voyelles en Shupamem

En Shupamem, certaines voyelles changent totalement dans certains contextes. Selon Nchare (2004 : 24), la suffixation de la voyelle [a] à la marque du possessif / 1 / et /ù/ donne respectivement [e] et [o].

1.6.1.4.1 / i / se réalise [e]après [a] Observons les exemples suivants :

(7)a. ndà-1 : sa maison ndè : sa maison

b. jiìn 3A- 1 : compatir en sa faveur jiìn 3è : compatir en sa faveur

c. ntaà- 1 : son frère jumeau ntè : ton frère jumeau

d. jiìn faà- 1: l'avoir jiìn fè : l'avoir

e. jiìn taà- 1: laisser jiìn tè : le laisser

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Comme nous pouvons le constater [à + 1] = / è /. 1.6.1.4.2 /u/se réalise[o]après[a]

Soient les exemples suivants :

(8) a. ndà-ù: ta maison ndô : ta maison

b. ntà- ù : ton frère jumeau ntô : ton frére jumeau

c. jiìn 3à- ù : compatir en sa faveur jiìn 36 : compatir en sa faveur

[à ] + [ù] = / ô /, c'est ce que nous montrent les exemples (8a, b et c).

1.7 Analyse suprasegmentale

Nous allons parler ici des tons utilisés en Shupamem.

1.7.1 Les tons du Shupamem

D'après Essono (2006), le ton est un trait prosodique, un palier mélodique sur lequel chaque syllabe est réalisée. Wiesemann et al (1983), quant à eux pensent que le ton est la hauteur relative de la voix pendant l'exécution d'un ton. Les tons sont généralement classés selon leur nature et leur fonction. Sur le plan de leur nature, on distingue les tons ponctuels et les tons modulés. Alors que sur le plan purement fonctionnel, nous distinguons les tons lexicaux et les tons grammaticaux. Notons aussi que le Shupamem est une langue à ton parce que dans cette langue, le ton est utilisé à des fins distinctives, c'est-dire pour différencier les mots qui ont une même orthographe. Le Shupamem comporte quatre tons : le ton haut, le ton bas, le ton haut bas (HB) et le ton bas haut (BH). Observons le tableau suivant :

Tableau 4 : Différentiation des mots selon leur ton, adapté de Nchare (2012 : 66)

Singulier

Pluriel

Traduction

nìkàâ

ni?kà

Le fusil

sàsÉrâ

sàsÉrà

La sauterelle

fèk?ìr0

fÉkÉrÉ?

Le tamis

màlôri?

màlôri?

Le riz

firà

fiìrà

Le piège

làrà

làrà

Le pont

Dans ce tableau, nous avons deux colonnes des mots qui s'écrivent tous de la même façon. D'un côté, nous avons le singulier et de l'autre côté nous avons le pluriel des mots. Ces deux colonnes se distinguent par les tons. Dans ce cas précis, le ton a une fonction distinctive (voir Njoya (2009) pour plus d'éclaircissement). Ce qui nous amène à conclure que, le ton nous permet de différencier entre le singulier et le pluriel en Shupamem.

19

1.7.1.1 Les tons ponctuels

Les tons ponctuels sont les tons qui gardent la même hauteur pendant la réalisation de la syllabe. En nous appuyant sur Nchare (2012), nous distinguons deux tons ponctuels en Shupamem à savoir : le ton haut et le ton bas.

1.7.1.1.1 Le ton haut

Le ton haut renvoie à l'élévation du ton sur une syllabe. Conventionnellement, le ton haut est noté par le signe diacritique suivant / '/, (accent aigu) placé au-dessus de la voyelle où il y a accentuation.

(9) a. nkâp : richesse

b. méviì : la chèvre

c. mésiì : l'oiseau

d. nfâ : le poisson

e. mbiì : cafard Nchare (2012 :46)

Les exemples (9a, b, c, d et e) illustrent le ton haut.

1.7.1.1.2 Le ton bas

Le ton bas renvoie à l'abaissement du ton sur certaines syllabes lors de leur réalisation. Le ton bas se note par l'accent grave / `/ placé sur le centre de syllabe.

(10) a. pàm : le sac Nchare (2012 :458, ex. 4a)

b. 3àm : la hache

c. pàJàm : les animaux

d. pùm : l'oeuf

Les exemples (10a, b, c et d) illustrent le ton bas en Shupamem.

1.7.1.2 Les tons modulés

Un ton modulé est un ton qui résulte de l'association de deux tons ponctuels. En Shupamem, il existe deux tons modulés : le ton haut bas (HB) et le ton bas haut (BH).

1.7.1.2.1 Le ton haut bas

Le ton haut bas (HB) est la combinaison du ton haut et du ton bas. Le ton haut bas (HB) se note comme suit : / 7.

(11) a. ndâ : vraiment

b. pô : avec

c. ndâp : le fil

d. pâ : est (verbe être)

e. rjârjâ : maintenant

Nous pouvons noter à travers les exemples (11a, b, c et d) que le ton haut bas existe en Shupamem.

20

1.7.1.2.2 Le ton bas haut

Le ton bas haut (BH) est la combinaison du ton bas et du ton haut. Le ton bas haut (BH) est noté / /.

(12) a. na? : maman

b. wa? : père

c. so : scie

d. la?p : tas

e. m?? : je

Cette analyse nous permet de noter qu'il existe en Shupamem deux combinaisons de tons ponctuels possibles : le ton haut bas / à/ comme indiquent les exemples (11a, b, c, et d), et le ton bas haut (BH) noté / / comme indiquent les exemples (12a, b, c, et d). Le tableau suivant récapitule les différents tons du Shupamem.

Tableau 5 : Récapitulatif des tons en Shupamem

Type des tons

Exemples

Tons ponctuels

Ton haut

jiì : ceci

Ton bas

jwoÌ : cela

Tons modulés

Tons hauts bas (HB)

pô : avec

Tons bas hauts (BH)

wa? : père

Ce tableau nous permet de récapituler les différents types de tons en Shupamem.

1.8 Les classes nominales en Shupamem

Comme toutes les langues bantoues, le Shupamem est une langue à classe nominale. Cela revient à dire que la façon dont on forme le pluriel des mots dans cette langue n'est pas stéréotypée. En fait, dans cette langue, un nom peut appartenir à une classe donnée en raison de traits caractéristiques de son référent, tels que le sexe, la distinction animé / non animé, etc. De manière générale, il y a trois critères sur lesquels on se base pour ranger les noms en classes nominales. Nous pouvons classer les noms en fonction de leur similitude de sens, en fonction de leur similitude de forme ou en se basant sur les conventions arbitraires. Dans cette section de notre travail, nous allons essayer d'expliquer le mécanisme de formation du pluriel des noms en Shupamem, question pour nous de recenser les classes nominales en Shupamem. Nchare (2005) a recensé 11 classes nominales en Shupamem et par la suite il a actualisé son travail, ce qui lui a permis de recenser 15 classes nominales. Dans le tableau suivant, nous allons récapituler toutes classes nominales recensées par Nchare (2012).

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Tableau 6 : Les classes nominales en Shupamem Nchare (2012 :99)

Classes nominales

Singulier

Traduction

Pluriel

Traduction

1/2 : m-/p

1: m?bwi? 1: m?f?

La fille Le chien

2 : p?bwi? 2 : p?f?

Les filles Les chiens

1a/2a : N-/ Ø-

1a : n-sa`s?ì

Ton frère ainé

2a : Ø- sa`s?ì

Tes frères ainés

1b/2b : Ø -/ pa-

1b : Ø-wa?

Le père

2b: pa wa?

Les pères

3/4 : m?Ì /p?^

3 :m?Ì -mvi'

La chèvre

4: p?^ - mvi`

Les chèvres

5/6 : Ø -/N

5 : Ø -/pu`m

L' oeuf

6: m-bu`m

Les oeufs

7/8 : Cv`/red

B>BH-B

7 : nda`p

La maison

8 : nda?p nda`p

Les maisons

9/10 BB/BHH

9 : ?i`r?Ì

Le piège

10 : ?i?r?ì

Les pièges

11/12 :

B-HB/BH-HBH

11 : ma`twa^

La voiture

12 : ma?twa^a'

Les voitures

13/14 : ji`m/pi`m

13 : ji`m- adjectif

 

14 :pi`m- adjectif

 

15 : N-

--

 

--

 

Dans ce tableau nous avons toutes les classes nominales qui existent en Shupamem. Comme nous pouvons le constater, le Shupamem a 15 classes nominales. Les marqueurs de classes nominales apparaissent sur la première colonne, Il s'agit ici du marqueur du singulier et pluriel des mots. La deuxième colonne contient les mots au singulier, la troisième colonne recense la traduction en français. La quatrième colonne est consacrée au pluriel des mots et enfin, la dernière colonne est dédiée à la traduction.

La classe nominale 1/2 est celle dont le singulier et le pluriel sont marqués respectivement par « p» et « b». Cette classe regroupe généralement les parties du corps humain ainsi que les noms des animaux. Les exemples suivants illustrent la classe 1/2.

(13) a. m?ìn: enfant (singulier) b. p?ìn : les enfants (pluriel)

(14) a. m?ìn m?ìn : arrière-fils (singulier) b. p?ìn p?ìn : les arrière-fils (pluriel)

En (14a et 1Sa), nous avons à faire au singulier, c'est d'ailleurs pour cette raison que ces mots commencent tous par « p» ceci nous permet de remarquer que le singulier de la classe 1 est indiqué par « p». En (13b et 14b), nous avons le pluriel des mots ; ici, on constate que le pluriel commence par /b/.

22

La classe 1/2 a deux sous-classes la classe 1a/2a et la classe 1b/2b. Le singulier de la classe 1a/2a est la nasale alors que le pluriel est le morphème zéro. C'est ce qu'indiquent les exemples suivants :

(15) a. n-sa`s?ì : grand-frère (singulier) b. Ø- sa?s?Ì : grand-frères (pluriel)

Le singulier de la classe nominale 1b/2b est le morphème vide alors que son pluriel se forme par l'adjonction du morphème « pa » au nom singulier.

(16) a. ø-?u' : abeille (singulier)

b. pa` -?u' : les abeilles (pluriel)

(17) a. ø-wa? : le père (singulier)

b. pa-wa? : les pères (pluriel)

(18) a. ø-na? : la mère (singulier)

b. pa' -na? : les mères (pluriel)

Les exemples (16b, 17b et 18b) illustrent bien ce que nous venons de dire.

La classe 3/4 forme son singulier avec le préfixe « m?Ì » et son pluriel avec le préfixe « p?^ ». Cette classe regroupe les noms des animaux et des outils. Les exemples suivants illustrent cette classe nominale.

(19) a. m?Ì -vi` : chèvre (singulier)

b. p?^ -vi` : les chèvres (pluriel)

(20) a. m?Ì -si` : oiseau (singulier)

b. p?^ - si` : les oiseaux (pluriel)

(21) a. m?Ì - t?Ì? : la boite (singulier)

b. p?^ -t?Ì? : les boites (pluriel)

(22) a. m?Ì -?i` : couteau (singulier)

b. p?^ - ?i' : les couteaux (pluriel) Nchare (2012 :103), ex. (63a, b et c))

Les exemples ci-dessus nous permettent de voir que la classe 3/4 forme son pluriel par préfixation, en transformant le préfixe « m?Ì » en « p?^ ».

Le singulier de la classe 5/6 est le morphème zéro alors que le pluriel est la nasale homorganique « N ».

(23) a. Ø -pu'm : oeuf (singulier)

b. mbu`m : les oeufs (pluriel)

(24) a. Ø - ku`t : pied (singulier)

b. ? - ku`t : les pieds (pluriel)

(25) a. Ø -pwo` : main (singulier)

b. m-pwo` : les mains (pluriel)

(26) a. Ø - kj?Ìt : la flèche (singulier) b. ?- kj?Ìt : les flèches (pluriel)

23

Nous notons que cette classe ne forme pas son pluriel de la même façon.

La classe 7/8 est celle qui forme son pluriel par réduplication. En fait, le mot est totalement répété ici. Soient les exemples suivants :

(27) a. f5n : roi (singulier) b. f5n f5n : les rois (pluriel)

(28) a. sum : champ (singulier) b. sum sum : les champs (pluriel)

(29) a. ndàp : maison (singulier) b. ndâp ndâp : les maisons (pluriel)

Les exemples ci-dessus nous permettent de confirmer que la classe 7/8 forme son pluriel par réduplication.

La classe 9 forme son singulier par le ton bas-bas alors que la classe 10 quant à elle forme son pluriel par le ton bas-haut-haut. Observons les exemples suivants :

(30) a. fiÌrà: piège (singulier) b. fi?râ : les pièges (pluriel)

(31) a. fèfà : aiguille (singulier) b. féfâ : les aiguilles (pluriel)

(32) a. màpàm : gandoura (singulier)

b. mâpâm : les gandouras (pluriel) Nchare (2012 :107), ex. (65a, b et c))

Il ressort des exemples ci-dessus que le ton nous permet de faire la différence entre la classe 9 et la classe 10.

Les classes 11 et 12 se différent au niveau du ton. Par ailleurs, ces classes sont constituées des mots dissyllabiques et particulièrement des emprunts. La classe 11 forme son singulier par le ton bas-haut-bas alors que la classe 12 quant à elle forme son pluriel par le ton bas-haut-haut-bas-haut. C'est ce qu'illustrent les exemples suivants :

(33) a. màtwâ: voiture (singulier) b. mâtwââ : les voitures (pluriel)

(34) a. gàtô: gâteau (singulier) b. gâtôô : gâteaux (pluriel)

(35) a. kàkâ : cacao (singulier) b. kâkââ : cacao (pluriel)

(36) a. télê : télévision (singulier)

b. télêé : télévisions (pluriel) Nchare (2012 :107 & 109), ex. (66a, b et c))

Les exemples ci-dessus nous permettent de constater que la différence entre la classe 11 et la classe 12 est au niveau du ton.

La classe 13 utilise le préfixe « jiÌm » pour marquer le singulier alors que la classe 14 utilise le préfixe « piÌm » pour marquer le pluriel. Soient les exemples suivants :

(37)

24

a. jiÌm-boÌk?ìt : le bon (singulier) b. piÌm-boÌk?ìt : les bons (pluriel)

(38) a. jiÌm-byÌk?ìt : le mauvais (singulier) b. piÌm-byÌk?ìt : les mauvais (pluriel)

(39) a. jiÌm-z?tk?ìt : le lourd (singulier)

b. piÌm- z?tk?ìt : les lourds (pluriel) Nchare (2012 :110), ex. (67a, b et d))

Les exemples ci-dessus nous permettent de constater que le singulier de la classe 13 est marqué par le préfixe « jiÌm » alors que la classe 14 utilise le préfixe « piÌm» pour marquer le pluriel.

La classe 15 est indiquée par la nasale homorganique qui s'attache généralement au verbe pour former les adjectifs. Considérons les exemples suivants :

(40) a. sa? (grandir) : verbe

b. n-saì (grand) : adjectif (classe 15)

(41) a. la?m (bavarder) : verbe

b. n-daÌm (bavard) : adjectif (classe 15)

Les exemples ci-dessus nous permettent de noter que la classe 15 est marquée par la nasale homorganique comme indiqué en (40b) et (41b).

1.9 Les verbes en Shupamem

Le verbe est un mot qui sert à exprimer l'action ou l'état du sujet, et qui prend différentes formes selon le mode3, le temps, la personne et le nombre.

1.9.1 L'infinitif du verbe en Shupamem

En Shupamem, l'infinitif du verbe se forme par l'adjonction du morphème grammatical jiìn au radical du verbe comme nous indiquent les exemples suivants :

(42) a. jiìn-twoì : venir

b. jiìn-faì? : travailler

c. jiìn-taì? : chercher

d. jiìn-?gwoìn : partir

e. jiìn-biì??Ì : demander

Comme nous pouvons le constater, contrairement au ?Ìgj?mb???4, le Shupamem forme son infinitif par préfixation. En fait, le marqueur de l'infinitif en Shupamem se place en début du verbe.

3 Selon Lay (2009), le mode est une catégorie de la conjugaison qui définit la manière qu'on perçoit l'état ou l'action exprimé par le verbe.

4 Selon Ndiola (2008 :32), le ?Ìgj?mb??? forme son infinitif de cinq manières différentes :

1- par adjonction du préfixe « le » ou « leì » et par adjonction du marqueur de l'infinitif au radical verbal. Comme dans l'exemple suivant : leì- szç « savoir » ;

2- par adjonction du morphème (Ø -) nul au radical verbal : kiìj?ì : « sauter» ;

3- par adjonction de la nasale syllabique au radical verbal qui comporte plusieurs réalisations comme nous montre le schéma suivant :

25

1.9.2 La dérivation verbale

La dérivation verbale encore appelée extension verbale permet aux verbes dans bon nombre de langues africaines d'exprimer le temps, l'aspect et le mode.

1.10 Les temps verbaux en Shupamem

Dans une phrase, le temps peut servir à évoquer une action, une situation en cours de l'évolution ou encore l'apparition d'un sentiment, un mécanisme intellectuel : c'est ce qu'on appelle un procès. Il peut aussi évoquer un état ou un sentiment permanent. Il existe en Shupamem trois temps : le présent, le passé et le futur. Nchare (2005 & 2012) a répertorié un présent, quatre passés et trois futurs.

1.11 Le présent

Soient les phrases suivantes :

(43)a. polo ø - faì? ?gbom.

Paul PRS -travailler maïs
« Paul travaille le maïs. »

b. iì ø - juì pàjuì.

3sg PRS-manger nourriture « Il mange la nourriture. »

Comme nous pouvons le constater, le présent n'est pas morphologiquement marqué en Shupamem c'est ce que nous montrent les phrase (43a et b).

1.11.1 Le futur

En Shupamem, il existe trois futurs : le futur immédiat (F1), le futur proche (F2) et le futur lointain (F3).

1.11.1.1 Le futur 1 (Futur immédiat)

Le futur immédiat (F1) sert à parler des états ou des actions très proches. Généralement, les actions dénotées par le futur 1 sont des actions qui ont lieu le même jour. Considérons les phrases suivantes :

(44)a. iì nà twó -juìn ndàp. 3sg Accs F1-acheter maison « Il achètera une maison. »

b. m?? nà twó-pié p?ìn.

1sg Accs F1- prendre enfants « Je prendrai les enfants. »

[n] / [-t, ts, -t, -d, -z, -d3, -zs, -rh] (nì-d3uì?) « écouter, suivre»

/N/ [m] / [-b, -bv, -bh, -by] (m-bvaìaì) « grelotter»

[?] / [-k, -g, -gw, -g j ] (?-gw??)« écraser»

26

c. p?ì naÌ twó-?gwoìn maì ndaÌp.

3pl Accs F1-aller à maison
« Ils iront à la maison. »

Comme nous révèlent les phrases (44a, b et c), le futur immédiat (F1) est marqué en Shupamem par le morphème grammatical twó.

1.11.1.2 Le futur 2 (Futur proche)

Le futur proche (F2) sert à dénoter des événements ou des actions qui sont lointains par rapport aux événements indiqués par le futur 1. En fait, le futur 2 nous permet de parler des actions qui ne vont pas se produire aujourd'hui. Soient les phrases suivantes :

(45) a. petro naÌ l?ì? -juìn maìtwaì.
Pierre Accs F2 -acheter maison « Pierre achètera la voiture. »

b. na? faì naÌ l?ì?-naÌ paìjuÌ.

maman moi Accs F-préparer nourriture « Ma maman préparera la nourriture. »

Les phrases (45a et b) nous permettent de découvrir que le futur proche (F2) est marqué en Shupamem par le morphème l?ì?.

1.11.1.3 Le futur F3 (Futur lointain)

Comme son nom l'indique, le futur lointain (F3) nous permet de parler des événements plus lointains.

(46) a. í naì twoìl?ì? - faì.
3sg Accs F3- donner « Il donnera. »

b. m?? naì twoìl?ì? -juÌn.

1sg Accs F3 - acheter
« J'achèterai. »

c. na? naì twoìl?ì?- faì.

mère Accs F3 - donner « La mère donnera. »

En Shupamem, le (F3) est marqué par le morphème twoìl?ì?. C'est ce qui est illustré par les phrases (46a, b et c).

En conclusion, nous pouvons dire avec Nchare (2012) que le futur immédiat (F1) est marqué en Shupamem par twó, alors que le futur proche (F2) est marqué par l?ì? et le futur lointain (F3) par twol?ì?.

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1.11.2 Le passé

Le passé est le temps le plus prolifique en Shupamem. Nchare (2012), récence quatre (04) passés en Shupamem :

a) Le passé 1 (P1)

b) Le passé 2 (P2)

c) Le passé 3 (P3)

d) Le passé 4 (P4)

1.11.2.1 Le passé 1 (Passé immédiat)

Le passé 1 (P1) nous permet de parler des événements récents, c'est-à-dire des événements qui viennent d'avoir lieu.

(47) a. petro ø - ju'on u' n?Ì?

Pierre P1-voir toi M Int « Pierre t-a vu ? »

b. i' ø-lu'om m?Ì ? 3sg P1-garder M Int « Il a gardé ? »

c. m?Ìn ø - gb?Ì .

enfant P1-tomber

« L'enfant est tombé. » Nchare (2012 : 380, ex. 41)

Le passé1 n'est pas morphologiquement marqué en Shupamem. C'est ce que nous montrent les exemples (47a, b et c). Il est très important de noter qu'il n'y a pas une différence majeure entre le présent et le passé 1 en Shupamem. Ceci s'explique par le fait que ces deux temps sont tous marqués par le morphème zéro. C'est pourquoi, Nchare (2012: 266) parle en ces termes: «There is a clear overlapping between the present tense and the immediate past (F1) in Shupamem. The boundaries between those tenses are blurred»5.

1.11.2.2 Le passé 2 (Passé récent)

Le passé 2 (P2) nous permet de parler d'un événement qui a eu lieu il n'y a pas très longtemps.

(48) a. i' pê-ju'on.

3sg P2-voir « Il avait vu. »

b. i pê -ji'.
3sg P2 -savoir « Il savais »

c. i pê -lu'om ?Ì ? 3sg P2-garder M Int

5 Il y a un chevauchement évident entre le présent et le passé immédiat (P1) en Shupamem. Les limites entre ces deux temps sont floues.

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« Il avait gardé ? »

Les phrases (48a, b et c) illustrent le passé 2 en Shupamem. Comme nous pouvons voir, le passé récent est marqué par le morphème .

1.11.2.3 Le passé 3 (Passé lointain)

Le passé 3 (P3) nous permet de parler des événements lointains.

(49) a. polo pi-luôm.

paul P3-garder

« Paul avait gardé. »

b. pûo piì- fâ.

1pl P3-donner

« Nous avions donné. »

c. Ali piì-twoì.

Ali P3- venir
« Ali était venu. »

Le passé 3 est marqué en Shupamem par le morphème grammatical piì. C'est d'ailleurs ce que nous indiquent les phrases (49a, b et c).

1.11.2.4 Le passé 4 (Passé très lointain)

Le passé 4 nous permet de parler des événements qui ont eu lieu il y a très longtemps. C'est pourquoi lorsque nous utilisons le passé 4 nous ne mentionnons jamais le moment de l'action.

(50) a. puoì kàpiì -led.

1pl P4 montrer

« Nous avions montré. »

b. Njikam kàpiì -fie.

Njikam P4 chercher

« Njikam avait cherché. »

c. mâtwà kàpiì -mé.

voiture P4 arriver

« La voiture était arrivée. »

d. pâjù kàpiì -mié.
nourriture P4 finir « La nourriture était finie. »

Les phrases (50a, b, c et d) nous montrent que le passé 4 (P4) est marqué en Shupamem par kàpiì.

Le tableau ci-dessous nous permet de récapituler tous les marqueurs de temps en Shupamem.

29

Tableau 7 : Les marqueurs temporels en Shupamem

 

Temps

Marqueurs temporels

1.

Présent

0

2.

Futur immédiat (F1)

twó

3.

Futur proche (F2)

l?ì?

4.

Futur lointain (F3)

twol?ì?

5.

Passé immédiat) (P1)

0

6.

Passé récent (P2)

7.

passé lointain (P3)

pi'

8.

passé très lointain (P4)

ka`pi'

 

Le tableau 7 présente les différents marqueurs temporels qui existent en Shupamem. Comme nous pouvons constater, chaque temps a un marqueur temporel spécifique à l'exception du présent et du passé immédiat (P1) où il y a chevauchement entre leurs deux marqueurs du temps.

1.12 Construction périodique et directionnelle du verbe en Shupamem

Une construction périodique directionnelle du verbe (CPDV) est une suite de verbes exprimant une même action et ayant un même sujet. Comme le dit Nchare (2005), les verbes de la construction périodique directionnelle du verbe (CPDV) ont les caractéristiques suivantes :

- Ils expriment des actions simultanées ou directement consécutives ;

- Ils ont un seul sujet grammatical ;

- Ils n'ont aucun connecteur (conjonction de coordination ou de subordination) ;

- Ils sont indiqués ou interprétés comme ayant les mêmes catégories grammaticales telles que l'aspect, la modalité temporelle ou modale, la négation, etc.

(51) a. i' ka`pi' -pie' ?gbom fa'.

3sg P3 prendre maïs donner

« Il avait pris le maïs et avait donné. »

b. i' pi'-two` mbi'??Ì m?Ìn.

3sg P2 -venir demander enfant

« Il était venu et avait demandé l'enfant. »

Nous constatons que les phrases (51a et b) comportent deux verbes qui ont tous le même sujet. En outre, ces deux verbes sont conjugués au même temps.

1.13 Aspects du verbe

Comrie (1976) cité par Nchare (2005 :86) définit l'aspect comme la manière selon laquelle une action est vécue par un locuteur (par exemple, terminée ou continue). Il s'agit en fait du point de vue sur la durée interne du procès, particulièrement de son déroulement et de

ses limites. Selon Lagane et René (1997 :94), quand on parle de l'aspect, l'action peut être présentée de deux façons :

a. Comme étant en train de se faire ; c'est l'aspect non-accompli

(52) Ali tiaì - faì? ?gbom.

Ali N AC -travailler maïs

« Ali est en train de travailler le maïs »

b. Comme étant déjà faite au moment où l'on s'exprime ; c'est l'aspect accompli

(53) Ali t?ì - faì? ?gbom .

Ali AC- travailler maïs

« Ali a travaillé le maïs »

Nchare (2005) a parlé de trois aspects : le perfectif, l'imperfectif et l'habituel. Dans le cadre de ce travail, nous allons parler des aspects suivants : l'aspect inhérent, l'aspect perfectif, l'aspect imperfectif, l'aspect habituel et de l'aspect inchoatif.

1.13.1 Aspect inhérent

L'aspect inhérent renvoie au verbe encore considéré à l'infinitif, comme le dit Nséme6. Il s'agit généralement de l'aspect duratif :

(54) a. jiìn- faì? ?gbom.

INH -travailler maïs « Travailler le maïs. »

b. jiìn- tw?ìt l?Ì.

INH-écrire lettre

« Écrire. »

Comme nous le montrent les exemples (54a et b), l'aspect inhérent existe en Shupamem. Cet aspect est marqué par le morphème « jiìn » préposé au verbe. Il convient de noter que le marqueur de l'aspect inhérent est le même marqueur que celui de l'infinitif.

1.13.2 Aspect perfectif

D'une manière générale, nous parlons d'aspect perfectif lorsque le procès est considéré dans sa totalité. Ici, nous n'attachons pas d'importance ni au début, ni au milieu, ni à la fin du procès.

(55) a. Njikam pê -teÌ - ndaìp mbaÌlloÌ.

Njikam P2-PERF-jouer ballon « Njikam avait joué au ballon. »

b. Ndam piì- teÌ- ?uì?Ìn.

Ndam P3- PERF-voir « Ndam avait vu. »

30

6 Communication personnelle, (21 février 2012).

31

En Shupamem, l'aspect perfectif est indiqué par le morphème « teÌ » comme indiquent les phrases (55a et b) ci-dessus.

1.13.3 Aspect imperfectif

L'aspect imperfectif s'oppose à l'aspect perfectif. Selon Nchare (2005 :87), l'aspect imperfectif considère l'action du procès du point de vue de sa structure comme ayant un début, un milieu et une fin. L'aspect imperfectif nous permet de présenter les actions qui sont en cour au moment de l'énonciation. En Shupamem, l'aspect imperfectif est marqué par le morphème « tiaì».

(56) a. Njikam tiaì - ndaìp mbaÌlloÌ. Njikam IMPF -jouer ballon « Njikam joue au ballon. »

b. Njikam tiaì - ntaìp -ndaÌp ì mbaÌlloÌ. Njikam IMPF -Neg -jouer 3sg ballon

« Njikam joue au ballon. » (Nchare (2005 :86), ex (10a & b))

L'aspect imperfectif est indiqué par le morphème « tiaì » préposé au verbe comme nous indiquent les phrases (56a et b) ci-dessus.

1.13.4 Aspect habituel

L'aspect habituel nous permet de présenter les actions qui ont l'habitude de se produire.

(57) a. iì naì mb?Ì- twoì ?aìiÌ.
3sg Accs HAB-venir ici « Il vient souvent ici. »

b. ali naì mb?Ì- mbiì??Ì uì. Ali Accs HAB-demander toi «Ali te demande souvent. »

Les phrases (57a et b) expriment des actions qui ont l'habitude de se dérouler. Comme nous pouvons le constater, l'aspect habituel est matérialisé par le morphème « mb?Ì» placé avant le verbe.

1.13.5 Aspect inchoatif

L'aspect inchoatif est utilisé lorsque nous voulons exprimer une action dans son commencement ou en cours de son développement.

(58) a. iì luì? jiìn- faÌ?faÌ?.

3sg INC-commencer à travailler
« Il a commencé à travailler. »

b. p?ì luì? jiìn-ntwoÌ.

3pl INC-commencer à venir

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« Ils ont commencé à venir. »

Les phrases (58a et b) nous permettent de constater que nous pouvons exprimer l'aspect inchoatif en Shupamem. Par ailleurs, l'aspect inchoatif est marqué en Shupamem par « luì?».

1.14 La quantification des procès

Quand nous parlons de la quantification des procès, nous faisons allusion à la manière dont un procès se présente. Mais, nous nous intéressons plus particulièrement au nombre de fois qu'une action se produit. C'est ainsi que nous distinguons généralement deux (02) types de procès : le procès répétitif et le procès itératif.

1.14.1 Le procès répétitif

Le procès répétitif est un procès qui se répète de façon aléatoire.

(59) a. m?? piì-ju?ìn iì kéjiì teìn.
1sg P3 voir lui fois dix « Je l'avait vu dix fois. »

b. iì pê- twoì kéjiì pa^.

3sg p2 - venir fois deux « Il était venu deux fois. »

Les actions exprimées dans (59a et b) se sont répétée plusieurs fois et cela de façon fortuite.

1.14.2 Le procès itératif

Les procès itératifs sont des procès qui se produisent de façon régulière. Notons qu'ici, le temps est perçu comme un cycle.

(60) a. Matateyu naìb?Ì ø - ?u?ìn matio guì gaìfuÌt.
Matateyou IT PRS- voir Mathieu tout lundi

« Matateyou voit Mathieu tous les lundis. »

b. iì naìb?Ì-mbiì??Ì uì.

3sg IT-demander toi

« Il te demande régulièrement. »

c. iì naìb?Ì -twoÌ

3sg IT- venir

« Il vient régulièrement. »

Les phrases (60a, b et c) expriment l'aspect itératif. L'aspect itératif est marqué par le morphème « naìb?Ì ».

1.15 La modalité temporelle

La notion de mode occupe une place centrale en conjugaison. En effet, le mode est une catégorie de la conjugaison qui définit la manière dont celui qui parle perçoit l'état ou l'action exprimée par le verbe. Traditionnellement, il existe sept (07) modes, chacun d'entre eux

33

pouvant si le sens le permet exister à la voix active, passive, pronominale et à différents temps. Généralement, nous classons les modes en trois catégories : Le mode réel, le mode irréel et la nécessité.

1.15.1 Le mode réel

Le mode réel nous permet d'exprimer des états ou des actions présentées comme réels. Les phrases suivantes illustrent le mode réel.

(61) a. Ali pê- le'd nda`p ne' ma`.

Ali P2- montrer maison à moi
« Ali m'avait montré la maison. »

b. f?ìn na` twó -ju'n matwa.

Roi Accs F1 acheter voiture « Le roi achètera la voiture. »

Les phrases (61a et b) expriment des événements réels.

1.15.2 Le mode irréel

Le mode irréel est utilisé pour parler des actions non certaines dont la réalisation est hypothétique. C'est ce qu'indiquent les exemples (62a et b).

(62) a. ape'ju?Ì m?? ø - fi' gbi` bu' m?? twó-fa' bum n(e) u`.

Si 1sg PRS-vendre bois ce que 1sg F1 -donner argent à toi
« Si je vends le bois, je te donnerai de l'argent. »

b. ape'ju?Ì pa'ju` ø - mi`e bu' m?? twó-jun m?ì?

Si nourriture PRS- finir ce que 1sg F1 -acheter autre « Si la nourriture finit, j'achèterai l'autre. »

Les phrases (62a et b) parlent des évènements incertains qui ne peuvent se produire que si certaines conditions sont remplies.

1.15.3 La nécessité

La nécessité est généralement utilisée quand on a à faire aux verbes modaux tels que vouloir, pouvoir et devoir). C'est ce que nous indiquent les exemples suivants.

(63) a. polo na` ø - ta'? ji'n- ju?Ìn u`.
Paul Accs PRS -vouloir INF -voir 2sg « Paul veut te voir. »

b. m?? ø - jetn?ì ji'n - die'.

1sg PRS-dormir INF - dormir « Je peux passer la nuit ici. »

Les phrases (63a et b), expriment la nécessité. Cela se traduit par l'utilisation de ø-ta'? « vouloir» en (63a) et de l'utilisation de ø-jetn?ì « pouvoir » en (63b).

34

1.16 La négation en Shupamem

En linguistique, la négation, du latin negare (nier), est une opération qui consiste à désigner comme fausse une proposition préalablement exprimée ou non ; elle s'oppose à l'affirmation. La négation n'est pas figée en Shupamem. En fait, dans cette langue, il n'existe pas un marqueur standard de la négation. Comme le dit Nchare (2012 :355), le marqueur de la négation varie avec le temps verbal en Shupamem. C'est pourquoi la négation d'un verbe qui est au futur est différente de la négation d'un verbe qui est au passé. La négation est très complexe car elle ne porte pas obligatoirement sur l'ensemble d'une phrase ou d'un prédicat, mais elle peut aussi s'appliquer à un constituant d'énoncé ; aussi, elle ne se limite pas à une opposition binaire de type « tout ou rien » ; elle ne concerne pas que les phrases déclaratives, qui ne constituent qu'un sous-ensemble des phrases possibles. Et pour finir, nous devons noter que l'usage de la négation dépend de la langue, de la culture et de l'époque.

Comme nous l'avons dit plus haut, nous allons présenter la négation de chaque temps verbal.

1.16.1 La négation du présent

Nous allons tout d'abord commencer par donner les phrases affirmatives, et par la suite, ces phrases affirmatives seront transformées en phrases négatives.

Présent : Phrase affirmative

Considérons les phrases suivantes :

(64) a. polo 0 - rigwôn mâ ndàp.

paulb PRS- aller à maison « Paul va à la maison. »

b. ali 0 -jü gwôm.

ali PRS- manger plantain
« Ali mange le plantain. »

Présent : Phrase négative Soient les phrases suivantes :

(65) a. polo nà 0 -ntâp- gwôn I mâ ndàp.
Paul Accs PRS- Nég partir 3sg à maison « Paul ne part pas à la maison. »

b. ali nà 0 -ntâp-3ü iì gwôm.

Ali Accs PRS- Nég manger 3sg plantain « Ali ne mange pas le plantain. »

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Les phrases (65a et b) nous permettent de savoir que la négation du présent se marque par le morphème ntâp. Nous devons aussi noter que le marqueur de la négation ntâp se trouve entre le marqueur du temps et le radical verbal.

1.16.2 La négation du futur immédiat (F1)

Futur immédiat (F1) : Phrase affirmative

Observons les phrases suivantes :

(66) a. I nâ twoì-jûn ndàp.
3sg Accs F1-acheter maison « Il achètera la maison. »

b. m5 nâ two-pié p5n. 1sg Accs F1-prendre enfants « Je prendrai les enfants. »

Futur immédiat : Phrase négative Soient les phrases suivantes :

(67) a. I nà ntâp-twoì-jûn I ndàp.

3sg Accs Nég-F1-acheter 3sg maison
« Il n'achètera pas la maison. »

b. m5 nà ntâp-two-piè p5n. 1sg Accs Nég -F1-prendre enfants « Je ne prendrai pas les enfants. »

Nous constatons que la négation du Futur immédiat est marquée par le morphème ntâp

comme le montrent les phrases (67a et b).

1.16.3 La négation du futur proche (F2)

Futur proche (F2) : Phrase affirmative

Considérons les phrases suivantes :

(68) a. petro nà l5? -jùn mâtwà.
Pierre Accs F2 acheter maison « Pierre achètera la voiture. »

b. nà fà nà l5?-nâ pâjù.

maman moi Accs F2-manger nourriture « Ma maman préparera la nourriture.

Futur 2 proche (F2) : Phrase négative Reprenons les phrases (68a et b)

(69) a. petro nâ ntâp- l5? -jùn I mâtwà.
Pierre Accs Neg- F2- acheter 3sg maison « Pierre n'achètera pas la voiture. »

36

b. na? ?à nà ntaìp -l?ì? -naì I paìjuÌ.

mama moi Accs Nég - F2 préparer 3sg nourriture « Ma maman ne préparera pas la nourriture. »

La négation du futur (2) en Shupamem est marquée par le morphème ntaìp comme en

(69a et b).

1.16.4 La négation du futur lointain (F3)

Futur lointain (F3) : Phrase affirmative

Considérons les phrases suivantes :

(70) a. I naì twoÌl?ì?- faì.
3sg Accs F3 donner « Il donnera. »

b. m?? naì twoÌl?ì? -juÌn.

1sg Accs F3- acheter
« J'achèterai. »

Futur lointain (F3) : Phrase négative Reprenons les phrases (70a et b) :

(71) a. i nà ntaìp - twoìl?ì? - faì I.
3sg Accs Nég - F3 - donner 3sg « Il ne donnera pas. »

b. m?? nà- ntaìp-twoìl?ì? -jûn à.

1sg Accs Nég -F3-acheter 1sg « Je n'achèterai pas. »

La négation du futur lointain (F3) est marquée en Shupamem par ntaìp comme nous

indiquent les phrases (71a et b).

1.16.5 La négation du passé immédiat (P1)

Passé 1 : Phrase affirmative

Considérons les phrases suivantes :

(72) a. I Ø - jûn m?Ìgàp.
3sg P1 -acheter poule « Il a acheté la poule. »

b. petro 0 -jûon û n?Ì?

Pierre P1 -voir toi M Int « Pierre t-a vu ? »

Passé 1 : Phrase négative

Reprenons les phrases (72a et b) :

(73) a. I ma^- 0 - jûn I m?ìgàp.

3sg Nég P1 -acheter 3sg poule

37

« Il n'a pas acheté la poule. »

b. petro ma^- Ø -jûon iì û.

Pierre Nég P1 -voir 3sg toi « Pierre ne t-a pas vu. »

Les phrases (73a et b) montrent que la négation du passé immédiat est formée par le morphème ma^.

1.16.6 La négation du passé récent (P2)

Observons les phrases suivantes :

Passé 2 : Phrase affirmative

(74) a. i pe^-juon
3sg P2-voir « Il avait vu. »

b. i pe^- ?gwon

3sg P2 -aller

« Il était parti. »

Passé 2 : Phrase négative

Reprenons les phrases (74a et b) :

(75) a. iì pe^- ma^- ?uoìn iì.
3sg P2- Nég-voir 3sg « Il n'avait pas vu. »

b. iì pe^- ma^- ?gwoìn iì.

3sg P2- Neg- aller 3sg « Il n'était pas parti. »

La négation du passé récent (P2) est formée par l'insertion du morphème grammatical ma^ entre le marqueur temporel et le radical verbal comme (75a et b).

1.16.7 La négation du passé lointain (P3) Considérons les phrases suivantes :

Passé 3 : Phrase affirmative

(76) a. polo piì- luoÌm.
paul P3 - garder « Paul avait gardé. »

b. puo piì- faì.

1pl P3-donner

« Nous avions donné. »

Passé 3 : Phrase négative

Reprenons les phrases (76a et b) :

(77) a. polo piì- ma^- duoÌm iÌ.
Paul P3 -Nég- gader 3sg

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« Paul n'avait pas gardé. »

b. puo' pi'- ma^- fa' puo'.

1pl P3 -Nég- donner 1pl
« Nous n'avions pas donné. »

La négation du passé lointain (P3) est formée par l'insertion du morphème

grammatical ma^ entre le marqueur temporel et le radical verbal comme en (77a et b).

1.16.8 La négation du passé très lointain (P4)

Soient les phrases suivantes :

Passé 4 : Phrase affirmative

(78) a. puo' ka`pi'-le`d.

1pl P4 - montrer

« Nous avions montré »

b. Njikam ka`pi'-fie`.

Njikam P4 - chercher

« Njikam avait cherché. »

Passé 4 : Phrase négative

Reprenons les phrases (78a et b) :

(79) a. puo' ka`pi'- ma^-ded (r) puo`.

1pl P4- Nég -montrer 1pl
« Nous n'avions pas montré. »

b. Njikam ka`pi'- ma^- fie' i'.

Njikam P4- Nég-chercher 3sg « Njikam n'avait pas cherché. »

Les phrases (79a et b) nous permettent de noter que la négation du passé très lointain (P4) est formée par l'insertion du morphème ma^ entre le verbe et le marqueur temporel. Le tableau suivant récapitule les marqueurs de la négation en Shupamem.

Tableau 8 : Les marqueurs de la négation en Shupamem

Temps

Marqueurs de la négation

Présent

nta'p

Futur immédiat (F1)

nta'p

Futur proche (F2)

nta'p

Futur lointain (F3)

nta'p

Passé immédiat (P1)

ma^

Passé récent (P2)

ma^

Passé lointain (P3)

ma^

39

Passé très lointain (P4)

 

ma^

Le tableau 8 récapitule les marqueurs de la négation en Shupamem. Ce tableau nous permet de constater que nous avons en Shupamem deux marqueurs de la négation : à savoir nta^p qui est utilisé dans la négation du présent, du futur immédiat (F1), du futur proche (F2) et du futur lointain (F3). Alors que le passé immédiat (P1), le passé récent (P2), le passé lointain (P3) et le passé très lointain (P4) marquent leur négation par ma^.

Conclusion

Ce chapitre introductif qui a pour but de présenter certains aspects qui sont importants à l'étude du Shupamem, nous a permis de parler de manière succincte de l'origine du peuple bamoun, des systèmes consonantiques et vocaliques du Shupamem, ainsi que des classes nominales. Nous avons recensé en Shupamem 15 classes nominales. Nous avons aussi parlé des aspects du verbe et pour cela, nous avons recensé cinq (05) aspects en Shupamem à savoir : l'aspect inhérent, l'aspect perfectif, l'aspect imperfectif, l'aspect habituel et l'aspect inchoatif. Nous avons aussi parlé des temps verbaux en Shupamem. Nous avons noté qu'il existe en Shupamem trois temps principaux le futur, le présent et le passé repartir de la manière suivante : un (01) présent, quatre (04) passés et trois (03) futurs. Pour finir, nous avons parlé de la négation en Shupamem : ceci nous a permis de constater qu'en Shupamem, la négation varie avec le temps verbal (futur, présent et passé). C'est pour cette raison que nous n'avons pas un seul et même marqueur de la négation dans cette langue.

40

Chapitre II :

 

CADRE THEORIQUE

Introduction

Le chapitre I, qui vient de s'achever, nous a permis de parler des éléments importants qui constituent la grammaire du Shupamem à savoir le système consonantique et vocalique, de classes nominales, du temps de l'aspect et mode ainsi que de la négation dans cette langue. Le chapitre II sera consacré à la théorie sur laquelle nous allons nous appuyer pour mener notre étude à savoir le Programme Minimaliste.

2.1 Le Programme Minimaliste

Pour comprendre la portée et élucider la raison d'être d'émergence du Programme Minimaliste, il importe de retracer l'histoire de ce programme de recherche. Apparue dans les années 1950 avec les premiers travaux de Chomsky, la grammaire générative7 marque un changement majeur et radical en linguistique. Les deux questions principales auxquelles la théorie minimaliste cherche à trouver une réponse sont :

i) Comment peut-on caractériser le savoir linguistique des locuteurs adultes d'une langue donnée ?

ii) Comment le savoir linguistique se développe-t-il chez les locuteurs ?

Dans le cadre du Programme Minimaliste, le langage est considéré comme un don biologique. C'est-à-dire que le langage est inné et appartient au patrimoine génétique de l'espèce humaine. Ce qui voudrait dire que chaque être humain est équipé d'une `faculté de langage' innée que l'on peut caractériser comme un module dans le cerveau contenant un ensemble de contraintes ou lois constituant la Grammaire Universelle8. Avant de continuer, il convient de noter que les contraintes sont paramétriques car elles varient d'une langue à une autre. Construire la grammaire d'une langue revient à décrire comment sont appliquées les contraintes dans cette langue. La théorie des Principes et Paramètres permet de rendre compte simultanément des ressemblances et des distinctions entre les différentes langues. Le savoir linguistique de chaque locuteur est appelé `langue interne' (Chomsky 1986 :22) ou `grammaire interne' ou encore (`I-language'). La langue interne est un système de règles

7 Selon Bailleul (2013 :5), «la grammaire générative prend pour principes de base l'existence d'une grammaire universelle».

8 Ensemble d'instructions assez abstraites pouvant se décliner de manières différentes selon les langues ou les groupes de langues. On ne peut pas parler de grammaire universelle sans faire allusion aux universaux linguistiques qui sont en fait des éléments linguistiques (phonétiques, phonologiques, syntaxiques sémantiques ou lexicaux).

intériorisées qui constitue la grammaire mentale d'un locuteur et qui lui permet de porter des jugements d'acceptabilité dans sa langue maternelle. La langue interne s'oppose à la `langue externe' (`E-language') qui est l'ensemble des données attestées dans une langue donnée ou le savoir linguistique partagé par une communauté linguistique. Contrairement à la langue interne, la langue externe n'est pas un ensemble cohérent, mais hétérogène.

Le Programme Minimaliste a pour but de rendre compte de la créativité du langage qui permet à un être humain de comprendre et de produire des phrases qu'il n'a jamais entendues par le passé. Dans le cadre du Programme Minimaliste, Chomsky distingue deux concepts importants à savoir : la compétence et la performance. La compétence est la connaissance innée, tacite, implicite voir même inconsciente qui permet aux individus de produire et de comprendre des phrases qu'ils n'ont jamais entendues par le passé. La performance est l'utilisation réelle de la langue par le sujet parlant. La grammaire générative s'évertue à décrire et à expliquer la compétence linguistique c'est-à-dire cet ensemble fini des règles qui permet au sujet parlant d'engendrer un nombre infini de phrases. Ce qui caractérise le Programme Minimaliste c'est que les règles et les opérations syntaxiques sont guidées par divers principes. De plus, la manière de représenter la grammaire et les opérations syntaxiques est devenue plus simple ou `minimale'. Ainsi, la distinction entre une structure profonde et une structure de surface a disparu. Il ne reste plus qu'un seul niveau de représentation, relié à deux niveaux d'interface : la Forme Phonétique (FP9) et la Forme Logique (FL10).

Le Programme Minimaliste (Chomsky, 1993, 1995), Biloa & Nchare (2004) garde des propriétés importantes de la théorie des Principes et des Paramètres comme la présence de paramètres de variation. Le schéma suivant est le modèle de la faculté de langage dans le Programme Minimaliste proposé par Strik (2008 :5).

41

9 Le FP concerne les propriétés sensori-motrices du langage à savoir le son.

10 Le FL renvoie aux propriétés sémantiques et conceptuelles, donc l'interprétation d'un énoncé.

42

(1)

Lexique

- traits lexicaux

- traits non interprétables, déclenchant des opérations

Numération

Système Computationnel Opérations :

- Fusion externe (`External Merge') - Fusion Interne (`Internal Merge') - Accord (`Agree')

Epel

Interfaces : Forme Phonétique Forme Logique

Il convient de noter que dans le Programme Minimaliste deux opérations conduisent à la dérivation d'une phrase : la fusion ou assemblage et le déplacement ou délocalisation.

2.1.1 La fusion

Notons tout d'abord que la dérivation d'une phrase commence toujours par la sélection dans le lexique des items nécessaires à la construction de la phrase. L'ensemble des items sélectionnés est appelé numération. Généralement, on distingue deux types de fusions : la fusion externe et la fusion interne.

2.1.1.1 La fusion externe

Selon Chomsky (1995), la fusion externe est une opération binaire qui explique la constitution d'une troisième entité C à partir du fusionnement de deux entités A et B. C'est donc une dérivation syntagmatique (Pollock (1997), Chomsky (2004, 2007, Laenzlinger (2011)). L'opération de fusion est récursive c'est-à-dire qu'elle est répétée tant qu'il y a encore des éléments non pris en compte dans la numération. Observons les exemples suivants :

(2) a. pájù (nourriture)

b. jà (ma / mon)

c. pájù 3à (ma nourriture)

(3) a. rjgbôm (maïs)

b.

43

iì (sa/ son)

c. rjgbôm iì (son maïs)

(4) a. màtwâ (voiture)

b. wâ (père)

c. màtwâ wâ (la voiture du père)

Nous avons fusionné (2a) et (2b) pour avoir (2c). En fait, en (2a), nous avons paìjù « nourriture » et en (2b) nous avons l'adjectif possessif jà « ma / mon », c'est après la fusion de (2a) et (2b) que nous avons eu (2c) paìjù 3à (ma nourriture) qui est « ma nourriture » qui représente la troisième entité. De même, pour obtenir (3c) qui est rjgbôm iì (son maïs), nous avons fusionné (3a) rjgbôm (maïs) et (3b) (sa/ son). Pour obtenir (4c) màtwâ wâ (la voiture du père) nous avons fusionné (4a) màtwâ (voiture) et (4b) (père). Il s'agit ici de la fusion externe.

2.1.1.2 La fusion interne

Connue sous le nom de déplacer á dans Chomsky (1981) et d'opération déplacer dans Chomsky (1995), la fusion interne assure le déplacement de certains éléments, par exemple, le sujet ou le verbe, à partir de leurs positions canoniques dans la structure phrastique pour occuper de nouvelles positions dans le cadre de certains processus syntaxiques comme la passivation, la focalisation, topicalisation, etc. (Pollock 1997, Chomsky 2004, 2007). Soient les phrases suivantes :

(5) a. ali 0 -fa ndàp nè petro.

Ali PRS- donner maison à pierre
« Ali donne la maison à Pierre. »

b. aì ndàp judo Ali 0 -fa nè petro na.

c'est maison que Ali PRS- donner à Pierre Comp « C'est la maison qu'Ali donne à Pierre. »

(6) a. iì 0-rjgwèn maì ndàp.

3sg PRS-aller à maison
« Il va à la maison. »

b. maì ndàp, iì 0-rjgwèn.

à maison, 3sg PRS-aller « À la maison, il y va. »

En (5a), nous avons une phrase déclarative où chaque constituant occupe sa position de base. En (5b), ndàp (maison), a été focalisé, c'est pour cette raison qu'il se retrouve en initial de phrase. La phrase (6b), nous permet de voir que maì ndàp (à la maison) a été topicalisé, c'est pour cette raison qu'il s'est deplacé pour la péripherie gauche. Tous ces déplacements qui se sont produits en (5b) et (6) sont des exemples de fusion interne.

2.1.1.3 Le déplacement

Le déplacement est l'opération par laquelle un constituant pour les raisons de vérification de traits syntaxiques et pour d'autres raisons se déplace de sa position canonique pour une autre position. Notons que le déplacement est motivé par la vérification des traits syntaxiques des certaines catégories. Mais, le déplacement peut aussi avoir d'autre motivations à savoir : la motivation structurale, la motivation du Principe de la Projection Etendue (EPP11), la focalisation, la topicalisation et la relativation.

En fait certaines catégories ne contiennent que des traits non interprétables ; c'est le cas des catégories fonctionnelles (SAccor, ST etc.). Ces traits non interprétables peuvent être vérifiés s'ils entrent en contact avec les éléments lexicaux qui contiennent les mêmes traits interprétables. C'est pour cette raison que les constituants se déplacent vers les têtes des catégories fonctionnelles identiques pour vérifier les traits non interprétables de ces catégories. Le déplacement des constituants est rendu possible par la condition de pleine interprétation (Full interpretation condition) qui régit les niveaux PF et LF, et qui exige que tout trait présent à l'une ou à l'autre de ces deux interfaces soit interprétable. Les traits interprétables sont pertinents pour l'interprétation d'une phrase et n'ont pas besoin d'être vérifiés. En revanche, les traits non interprétables ne sont pas pertinents pour l'interprétation et doivent être éliminés pour que la dérivation soit bien formée. Nous devons noter que le but ultime des opérations syntaxiques est d'éliminer les traits non interprétables afin que la phrase soit correcte c'est-à-dire grammaticalement acceptable.

Pour finir, au niveau de l'épel (spell out), la dérivation est reliée à deux niveaux d'interface, FP et FL.

2.2 Les contraintes d'économie universelle

Dans le cadre du Programme Minimaliste, tous les mouvements syntaxiques sont soumis aux contraintes d'économies universelles qui sont : le principe de dernier recours, le principe d'avarice et le principe de distance minimale.

2.2.1 Le principe de dernier recours

Le principe de dernier recours encore appelé procrastination en anglais est le principe selon lequel un syntagme ne se déplace que s'il est contraint par la présence des traits ininterprétables. Selon ce principe, le mouvement doit être retardé le plus longtemps possible car le mouvement en FL est plus économique qu'en syntaxe ouverte.

44

11 Selon le Principe de la Projection Etendue, toute phrase doit avoir un sujet, (Chomsky (1981).

45

2.2.2 Le principe d'avarice

Selon ce principe, le déplacement se fait seulement pour vérifier les traits du syntagme concerné et de lui seul.

2.2.3 Le principe de distance minimale

Le principe de distance minimale a pour but de réduire la portée du déplacement et exige que l'élément se déplace dans la cible la plus proche

2.3 On Wh-movement

Comme le dit Strik (2008 : 46), le cadre théorique de « On Wh-Movement » est la Théorie Standard Etendue (TSE). Dans ce travail, Chomsky unifie sous l'étiquette « Qu » un certain nombre de règles qui étaient auparavant considérées comme des règles séparées. Il donne les propriétés suivantes du mouvement Qu :

1. Le mouvement Qu laisse une trace ;

2. Le mouvement Qu se produit vers la position complémenteur ;

3. Le mouvement Qu est cyclique ;

4. Le mouvement Qu respecte la contrainte de sous-jacence.

2.3.1 Le mouvement Qu laisse une trace

Lorsqu'un syntagme Qu se déplace de sa position canonique ou de sa position de base,

il laisse une trace. L'élément déplacé et sa trace sont co-indexés.

Par ailleurs, la trace doit être proprement gouvernée12 par son antécédent selon le

Principe de Catégorie Vide (ECP)13.

La phrase suivante illustre tout ce qu'on vient de dire :

(7) Qui demandes tu « demandes » « qui » ?

(1)

(2)

Dans la phrase (7), il s'est opéré deux mouvements à savoir le mouvement du verbe « demandes » qui est la tête de SV et le mouvement du syntagme Qu « qui ». Nous pouvons noter que chaque fois que chacun de ces deux constituants se déplace, il laisse derrière une

12X gouverne proprement y si et seulement si :

a) x thêta-gouverne y ou x gouverne par antécédence y

b) x thêta-gouverne y ssi x gouverne y et thêta marque y

c) x gouverne par antécédence y ssi x gouverne y et x est co-indexé avec y

13 Le Principe de Catégorie Vide (ECP) exige que toute trace soit proprement gouvernée par son antécédent.

46

trace. La trace est la copie14 du constituant déplacé. Les constituants déplacés laissent derrière eux une trace indiquant leur position d'origine. C'est le cas en (7).

2.3.2 Le mouvement Qu se produit vers la position du complémenteur

Cette propriété stipule d'une manière indirecte que le site d'atterrissage du syntagme Qu est le complémenteur qui se trouve dans la périphérie gauche de la phrase. En outre, le déplacement du mot Qu de sa position de base vers la position complémenteur, se fait par cycle. Dans une question enchâssée, le mot Qu se déplace en deux cycles. Ceci revient à dire qu'une question enchâssée implique un mouvement plus long que dans une question à Qu simple. Car le syntagme Qu va d'abord vers la position complémenteur de la phrase subordonnée où il laisse une trace, et il continue ensuite son chemin vers la position complémenteur de la phrase matrice.

2.3.3 Le mouvement Qu est cyclique

En syntaxe, le cycle est le déplacement du syntagme Qu ou mot Qu de sa position de base vers la position complémenteur.

(8) [COMP Whoi [did you tell Mary [COMP ti [that [she should meet ti]]]]]

(Chomsky 1977 : 84, ex. 41) cité par Strik (2008 :47, ex.56))

La phrase (8) nous permet de noter que le mot Qu s'est déplacé en deux cycles ou phases c'est-à-dire de sa position de base pour la position complémenteur de la phrase subordonnée, et après il continue vers la position complémenteur de la phrase matrice. A chaque déplacement, le syntagme Qu laisse une trace. Nous devons noter que le mouvement cyclique est soumis à la contrainte de la sous-jacence.

2.3.4 Le mouvement Qu respecte la contrainte de la sous-jacence

Cette contrainte est aussi appelée contrainte de la borne, des frontières ou des barrières. Cette contrainte régit les conditions de localité limitant la distance entre un antécédent15 et sa trace16. La contrainte de sous-jacence stipule que la distance entre un antécédent et sa trace ne peut outrepasser plus de deux bornes. Nous devons noter que les

14 D'après Guilliot (2006), la copie résulte d'un mouvement.

15Constituant déplacé qui laisse une trace dans sa position de basse.

16Les traces sont des catégories qui n'ont pas des réalisations lexicales, ce sont des constituants qui sont dépourvus de contenu phonique. La présence des traces dans les structures syntaxiques découle du Principe de Projection Etendue et de la position non canonique de certains constituants dans des constructions particulières comme la passivation, l'interrogation, la topicalisation, la focalisation etc. On ne peut pas parler de trace sans parler de catégorie.

En syntaxe, il existe deux sortes de catégories : les catégories pleines et les catégories vides. Les catégories pleines ont une réalisation lexicale. Alors que les catégories vides qu'on appelle aussi trace n'ont pas de réalisation, Yapo (2007).

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bornes sont les projections maximales en l'occurrence le syntagme nominal (SN) et le syntagme du complémenteur (SC).

Il est à noter que la Contrainte de sous-jacence réunit aussi d'autres contraintes à savoir : la Contrainte de l'îlot Qu (`Wh-island Constraint'), la Contrainte du Syntagme Nominal Complexe (`Complex Noun Phrase Constraint' CNPC), la Contrainte de la Structure Coordonnée (`Coordinate Structure Constraint' CSC) et la Contrainte du Sujet Conditionné (`Subject Condition Constraint).

2.3.4.1 La Contrainte de l'îlot Qu

Suivant cette contrainte, un mot Qu ne peut pas être extrait d'un SN complexe, c'est-à-dire un SN contenant une proposition subordonnée.

(9) a. â kkà pôkèt màtwâ juô Njoya rié ml nchare jûn n à ?
c'est quelle belle voiture C1 Njoya dire que Nchare acheter Int, « C'est quelle belle voiture que Njoya dit que Nchare a acheté ? »

*b. â kkà juô Njoya rié ml nchare jûn pôkèt mâtwâ n à ?

C'est quelle C1 Njoya dire que Nchare acheter belle voiture Int « C'est quelle que Njoya dit que Nchare a acheté une belle voiture ? »

(Nchare 2005 : 167, ex (33a et b))

Comme l'explique Nchare (2005), l'extraction de l'élément Qu est bloquée en (9b). L'extraction du marqueur de l'interrogation juô laisse en chômage une partie du SD objet, et la contrainte de la sous-jacence est violée en ce sens que le marqueur de l'interrogation est déplacé au-delà du complémenteur ml. En fait, ce que nous devons savoir c'est que le déplacement du syntagme Qu dans une enchâssée doit se faire d'un syntagme du complémenteur (SC) à un syntagme du complémenteur (SC) c'est-à-dire par phase ; C'est ce qu'illustre la phrase anglaise suivante :

(10) Which movie did John say Bill liked?

(11) SC

Spéc C'

Which movie

C° ST

John

T° SV

+Qu +EPP

Spéc T'

did did

Spéc V'

V° SC

(1) say Spéc C'

Which movie C° ST

Spéc T'

Bill T° SV

liked which movie

(3) (2)

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(11), nous permet d'observer que le déplacement de «which movie» se fait de SC à SC.

2.3.4.2 La Contrainte du Syntagme Nominal Complexe

Selon Ross (1967), la Contrainte du Syntagme Nominal Complexe (`Complex Noun Phrase Constraint' CNPC) stipule qu'aucun élément ne peut être extrait d'un SD complexe. Un SN complexe est un SN contenant une proposition subordonnée.

Considérons les phrases suivantes :

(12) a. Ali a vu l'enfant de mon frère.

*b. L'enfant, Ali l'a vu de mon frère.

(13) a. Pierre m'a donné le livre de mathématique.

*b. Est-ce le livre que Pierre m'a donné de mathématique ?

Les phrases (12a) et (13a) contiennent chacune un syntagme nominal complexe. En (12a), le syntagme nominal complexe est « l'enfant de mon frère » alors qu'en (13a) le syntagme nominal complexe est « le livre de mathématique ». (12b) est agrammaticale parce que nous avons extrait un constituant du syntagme nominal complexe. En réalité, en (12b), nous avons extrait « l'enfant » du syntagme nominal complexe « l'enfant de mon frère ». Tout de même, (13b) est agrammaticale parce que nous avons extrait « le livre » du syntagme

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nominal « le livre de mathématique ». En conclusion, nous devons savoir qu'il est impossible d'extraire un élément du syntagme nominal complexe.

2.3.4.3 La Contrainte de la Structure Coordonnée

La Contrainte de la Structure Coordonnée (`Coordinate Structure Constraint' CSC) nous permet de savoir qu'aucun élément ne peut être extrait d'un syntagme ayant en son sein des éléments coordonnés. Considérons les phrases suivantes :

(14) a. Mefire kaÌpi^-fiì s?ì m poì ndaìp.
Mefire P4-vendre champ et maison « Mefire avait vendu le champ et la maison. »

b. *Mefire kaÌpi^-fi k÷?Ì poì ndaÌp m?Ì?

Mefire P4-vendre quoi avec maison M Int « Qu'avait vendu Mefire et la maison ? »

L'agrammaticalité de (14b) est causé par le fait que nous avons extrait le syntagme nominal s?ì m (champ) au sein de la structure coordonnée s?ì m poì ndaÌp (champ et maison). Aucun élément ne doit être extrait de la structure coordonnée.

2.3.4.4 La Contrainte du Sujet Conditionné

La Contrainte du Sujet Conditionné (`Subject Condition Constraint) stipule que rien ne doit être extrait du syntagme en position sujet. L'exemple suivant illustre bien ce que nous venons de dire.

(15) a. A story about whom was written by John? *b. whom was a story about « whom » written by John?

L'agrammaticalité de la phrase (15b) est dû au fait que nous avons extrait whom dans A story about whom qui est le sujet de la phrase. Or, la Contrainte du Sujet Conditionné stipule que nous ne devons pas extrait un constituant dans le groupe sujet.

2.4 Mouvement de l'argument (A-movement)

Le mouvement de l'argument est le fait de déplacer un constituant à une position où il reçoit une fonction grammaticale bien précise ; c'est par exemple le cas de la passivation où le constituant sujet devient objet et le constituant objet devient sujet. Ce mouvement concerne seulement les arguments (le sujet et le complément) comme son nom l'indique.

En syntaxe, le terme argument est généralement utilisé pour regrouper les fonctions syntaxiques de sujet et de complément (complément direct, complément indirect, attribut.). Ceci nous permet de dire simplement que le terme argument est utilisé pour désigner les deux constituants de la phrase que sont le sujet et le complément d'objet direct ou indirect. Il existe

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deux types d'arguments : l'argument externe et l'argument interne. L'argument externe renvoie au sujet du verbe alors que l'argument interne quant à lui, renvoie au complément d'objet direct ou indirect. Les arguments de la phrase sont identifiables de part leur position dans la phrase ; l'argument externe apparait avant le verbe alors que l'argument interne apparait après le verbe. Les arguments peuvent aussi être classés en deux sous-groupes à savoir : l'argument syntaxique et l'argument sémantique. L'argument syntaxique renvoie à la position d'un syntagme nominal par rapport au verbe, alors que l'argument sémantique renvoie à la fonction d'un nom par rapport au verbe.

Nous distinguons généralement trois sortes de mouvements en syntaxe :

- Le mouvement de la tête (Head movement) ;

- Le mouvement du syntagme (phrase movement) ;

- Le mouvement Qu (WH-movement).

2.4.1 Mouvement de la tête17 (Head movement)

Le mouvement de la tête (Head movement) est le déplacement de la tête d'un syntagme à une position plus haute dans la phrase. Radford (2006 : 98) nous fait savoir que dans ce genre de mouvement, le déplacement se fait d'une tête à une tête ; c'est-à-dire d'une tête de syntagme à une autre tête de syntagme. Ce genre de déplacement se voit généralement dans la formation des interrogations totales en français ou il y a inversion sujet-verbe. Cet exemple illustre le mouvement de la tête :

(16) Habite-il « habite » ici ?

La phrase (16) nous permet de constater que « habite » qui est la tête du syntagme verbal (SV) a été déplacé de V° (tête du syntagme verbal) à C° (tête du syntagme du complémenteur (SC)).

2.4.2 Mouvement du syntagme (Phrase movement)

Nous parlons du mouvement du syntagme (phrase movement) quand c'est le syntagme tout entier qui se déplace. Ce genre de mouvement est le plus souvent observé dans les constructions passives dans les langues comme le français, l'anglais et le Shupamem. Il importe de noter ici que le déplacement de tout le syntagme est le plus souvent observé quand nous avons à faire au constituants tel que : quel, quels, lequel, lesquels laquelle, lesquelles, etc.

17 Tête du syntagme.

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Observons les phrases suivantes :

(17) a' ji'ja` nda'p juo' u' 0 - ta'? n?Ì?

c'est quelle maison que 2sg PRS-vouloir M Int « C'est quelle maison que vous voulez ? »

Nous pouvons noter que dans la phrase (17), ji'ja` (quelle) en se déplaçant, à tirer avec lui nda'p (maison) ; ce phénomène est appelé pied-piping. Nous parlons de pied-piping en syntaxe lorsqu'un constituant pendant son déplacement emmène avec lui d'autre(s) constituant(s). Le pied-piping trouve son fondement dans le principe de la convergence (convergence principle). Le Principe de la convergence stipule que: «when an item moves, it carries along with it just enough material for convergence18» Radford (2004:111).

2.4.3 Mouvement Qu

Le mouvement Qu est l'extraction, le déplacement ou la délocalisation du syntagme Qu de sa position d'origine pour la périphérie gauche.

(18) Qui as-tu « as » vu « qui » ?

(1)

(2) En (18), « qui » syntagme Qu a laissé sa position de base pour se retrouver en initial de phrase, c'est ce genre de déplacement qu'on qualifie de mouvement Qu.

2.5 Mouvement Non argumental (A-bar movement)

Quand nous parlons de mouvement non argumental (A-bar movement), nous faisons allusion au déplacement des constituants (sujet et objet) de leur position de base pour une position autre où ils ne sont plus considérés comme sujet ni objet. C'est le cas des constituants focalisés, topicalisés, relativés et aussi des syntagmes Qu qui se retrouvent à la périphérie gauche dans les phrases interrogatives.

(19) a. a' nè ma' juo' na? 0 - mbi'??Ì m?Ìn n?Ì?

c'est à moi que mère PRS-demander enfant M Int « C'est à moi que la mère demande l'enfant ?»

b. m?ìn, i' 0-two'.

enfant 3sg PRS-venir « L'enfant, il vient. »

c. Nda'p juo' u' 0 - zu` n?ì pa' ji' Petro.

maison que 2sg PRS-laver Force être pour Pierre « La maison que tu laves appartient à Ali. »

Les phrases (19a, b et c) sont les exemples de mouvement non argumental.

18 Lors de son extraction, le constituant se déplace avec tous les éléments nécessaires pour que la phrase soit grammaticale.

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Conclusion

Ce chapitre avait pour but de présenter la théorie que nous allons utiliser dans le cadre de notre étude. Et comme nous l'avons vu, la théorie utilisée dans le cadre de cette recherche est le Programme Minimaliste de Noam Chomsky. Nous avons aussi parlé des contraintes sur le mouvement ainsi que les propriétés des syntagmes Qu.

53

Chapitre III :

 

LES MARQUEURS DE L'INTERROGATION EN SHUPAMEM

Introduction

Le chapitre précédant nous a permis de présenter le cadre théorique de notre étude ; dans ce chapitre il était question de parler du programme minimaliste ainsi que de son apport dans ce travail. Dans le chapitre III, il sera question pour nous d'identifier les marqueurs de l'interrogation en Shupamem à savoir les pronoms interrogatifs, les adjectifs interrogatifs, les adverbes interrogatifs bref tous les mots qui nous permettent de poser les questions dans cette langue.

3.1 Les marqueurs de l'interrogation en Shupamem

Cette section sera consacrée à l'identification des différents marqueurs de l'interrogation en Shupamem.

Observons la phrase suivante et ses différentes transformations :

(1) a. Maria ø - faì peÌn n?ì abdu maìt?Ì kiì??ìm ndiÌa.

Maria PRS- donner couscous à Abdou dans cuisine aujourd'hui « Maria donne du couscous dans la cuisine à Abdou aujourd'hui. »

b. Maria ø - faì peìn n?ì abdu maìt?Ì kiì??ìm ndiìa n?Ì ?
Maria PRS- donner couscous à Abdou dans cuisine aujourd'hui M Int « Maria donne-t-elle du couscous dans la cuisine à Abdou aujourd'hui ? »

c. aì ø - faì wo peìn n?ì abdu maìt?Ì ki??ìm ndiìa n?Ì?
c'est PRS- donner qui couscous à Abdou dans cuisine aujourd'hui M Int « C'est qui qui donne du couscous dans la cuisine à Abdou aujourd'hui ? »

d. Maria ø - faì k÷?ì n?ì abdu maìt?Ì ki??ìm ndiìa n?Ì ?
Maria PRS- donner quoi à Abdou dans cuisine aujourd'hui M Int « Marie donne quoi dans la cuisine à Abdou aujourd'hui ? »

e. Maria ø - faì peìn poÌ n?ì wo maìt?Ì ki??ìm ndiìa n?Ì ?
Marie PRS- donner coucous à qui dans cuisine aujourd'hui M Int « A qui Marie donne-t-elle du coucous dans la cuisine aujourd'hui ? »

f. Maria ø - faì peìn poÌ jaì n?ì Abdou ndiìa n?Ì ?
Marie PRS- donner coucous à où à Abdou aujourd'hui M Int « Où Marie donne-t-elle du coucous à Abdou aujourd'hui ? »

g. Maria ø - faì peìn n?ì abdu maìt?Ì ki??ìm poÌ f??n?Ì n?Ì?
Maria PRS- donner couscous à Abdou dans cuisine Foc quand M Int « Quand Marie donne-t-elle du coucous dans la cuisine à Abdou ? »

h. aì ø - faì maria peìn n?ì abdu maìt?Ì ki??ìm ndiìa n?Ì?
c'est PRS- donner Marie couscous à Abdou dans cuisine aujourd'hui M Int

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« C'est Marie qui donne du couscous à Abdou dans la cuisine aujourd'hui ? »

Dans la phrase (1b), nous avons à faire à une interrogation totale, elle porte sur toute la phrase et non sur une partie de la phrase. Ici, l'interrogation est marquée par n?Ì en fin de phrase. Dans la phrase (1c), nous avons interrogé le sujet du verbe en utilisant le pronom interrogatif wo (qui). Alors que dans (1d), nous avons interrogé le complément d'objet direct en utilisant le pronom interrogatif k÷?ì (quoi). En (1e), nous avons interrogé le complément d'objet indirect ceci par le biais du pronom interrogatif wo (qui). En (1f), nous avons interrogé le complément circonstanciel de lieu en utilisant l'adverbe interrogatif de lieu ja' (où). En (1g), nous avons interrogé le temps du déroulement de l'action en utilisant l'adverbe interrogatif de temps f??n? (quand). En (1h), nous avons interrogé le sujet « Marie » question de savoir si c'est vraiment cette personne qui fait l'action exprimée par le verbe.

Nous devons remarquer que les exemples (1a, b, c, d, e, f, g et h) comportent tous (n?Ì) en fin de phrase qui permet de marquer l'interrogation.

En conclusion nous pouvons remarquer à travers les exemples (1b, c, d, e, f, g et h), qu'il existe en Shupamem plusieurs mots interrogatifs. Dans les sections suivantes il sera question pour nous de recenser tous les marqueurs interrogatifs dans notre langue d'étude.

3.1.1 Les pronoms interrogatifs en Shupamem

D'après Lagane et René (1997), le pronom interrogatif est un mot qui invite l'interlocuteur à designer l'être ou la chose sur laquelle porte une question. En Shupamem, nous pouvons classer les pronoms interrogatifs d'après le schéma binaire suivant : pronoms interrogatifs monosyllabiques et pronoms interrogatifs polysyllabiques.

3.1.1.1 Les pronoms interrogatifs monosyllabiques en Shupamem

Les pronoms interrogatifs monosyllabiques sont les pronoms interrogatifs formés d'une seule syllabe. Nous avons en Shupamem deux pronoms interrogatifs monosyllabiques : à savoir wo (qui) et k÷? (quoi).

Considérons les phrases suivantes :

(2) a. a' 0 - ?u' wo ma' nda`p m?Ì?

c'est PRS-rester qui à maison M Int « C'est qui qui habite à la maison ? »

b. i' 0 -mpo' wo n?Ì ?
3sg PRS- être qui M Int « Qui est-il ? »

c. ji` m?ì?gbi`e` 0 -mpo' wo n?Ì ? Cette femme PRS- être qui M Int « Qui est cette femme ? »

d.

55

ji' m?Ìn 0 -mpo' wo n?Ì ?
Cet enfant PRS-être qui M Int « Qui est cet enfant ? »

e. * wo 0 - ?u' ma'n nda`p m?Ì ?

Qui PRS-rester à maison M Int
« Qui habite à la maison ? »

f. u' 0 - fa'? k÷?Ì n?Ì?
2sg PRS-travailler quoi M Int « Tu fais quoi dans la vie ? »

g. a' 0 - n?a'? k÷?Ì n?Ì ?
c'est PRS-passer quoi M Int « C'est quoi qui se passe ? »

Comme nous le montrent les phrases (2a, b, c et d), le pronom interrogatif « qui » se traduit par wo en Shupamem. Le pronom wo (qui) n'a pas une position fixe ou figée ceci est attesté par les phrases (2a, b, c et d).

Le pronom interrogatif « quoi » se traduit par k÷?Ì en Shupamem comme le montrent les phrases (2f et g) ci-dessus.

3.1.1.2 Les pronoms interrogatifs polysyllabiques en Shupamem

Les pronoms interrogatifs polysyllabiques sont les pronoms interrogatifs formés d'au moins deux syllabes.

Soient les phrases suivantes :

(3)a. u' 0 - ?o'? ji'ja` m?ìry` ji' n?Ì ?

2sg PRS- choisir lequel parmi ceux-ci M Int « Lequel as-tu choisi parmi ceux-ci ? »

b. na? ?u` te' - ?i'ke`t ndu' ji'ja` n?Ì ?
maman toi PERF -parler sur lequel M Int ? « Duquel parle ta maman ? »

c. a' mp?ìm'm?Ì 0 - mb?ì ji'ja` juo' p?ìn 0 -?i'ke`t t?Ìm ?Ì?
c'est vraiment PRS-être lequel que vous PRS-parler sur M Int « Auquel faites-vous vraiment allusion ? »

d. a' ?i'ja` 0 - mb?Ì po'ke`ri' n?Ì ?
C'est lesquels PRS-être bien M Int ? « Ce sont lesquels qui sont bien ? »

e. wa? ?u` p?ì-?i'ke`t ndu' ?i'ja` n?Ì ?
père toi Pas1-parler sur lesquels M Int « Desquels parle ton père ? »

f. *?i'ja` n?Ì wa? ?u` p?ì-?i'ke`t ndu' n?Ì ?
lesquels M Int père toi Pas1-parler sur M Int « Desquels parle ton père ? »

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g. a' ?i'ja` 0 - mb?ì ju' n?Ì?

C'est lesquels PRS-être toi M Int?

« Ce sont lesquels qui sont à toi ? »

Les phrases (3a, b, c, d, e, f et g) nous permettent d'identifier deux pronoms interrogatifs polysyllabiques en Shupamem : ji'ja` (lequel ou laquelle) et ?i'ja` (lesquels ou lesquelles). Le constat que nous pouvons faire concernant ces deux pronoms interrogatifs, c'est qu'ils ne se placent jamais en initial de phrase à moins qu'ils ne soient focalisés, comme illustré en (3d et g).

3.1.2 Les adjectifs interrogatifs en Shupamem

Lagane et René (1997) définissent l'adjectif interrogatif comme un mot qui invite à indiquer la qualité de l'être ou de la chose sur lesquels porte la question.

Soient les phrases suivantes :

(4) a. a' 0 -two' ji'ja` m?ìn ma' mda'p m?Ì ?

c'est PRS-venir quel enfant à maison M Int ? « C'est quel enfant qui vient à la maison ? »

b. a' 0 - ?i'ke`t ji'ja` na?m?ìn fre'n?i` n?Ì ?
c'est PRS- parler quel maman français M Int ? « C'est quelle maman qui parle français ? »

c. a' 0 - ?gwo'n ?i'ja` ti'tap?Ìn ndiaa' n?Ì ?
c'est PRS- partir quels parents aujourd'hui M Int ? « C'est quels parents qui partent aujourd'hui ? »

d. u' 0 - ta'? ji'n- ?u'n ji'ja` ?a'm ?Ì ?
2sg PRS-vouloir INF-acheter quelle hache M Int ? « Quelle hache veux-tu acheter ? »

Les adjectifs interrogatifs en Shupamem sont : ji'ja` (quel ou quelle) et ?i'ja` (quels ou quelles).

3.1.3 Les adverbes interrogatifs en Shupamem

D'après Lagane et René (1997 : 120), les adverbes interrogatifs sont des adverbes qui indiquent la modalité19 interrogative de la phrase. En d'autres termes, les adverbes interrogatifs introduisent des questions qui portent sur le temps, le lieu, la manière, la cause, la durée, la quantité, le prix, etc.

19 La modalité est la trace de l'attitude du locuteur face à ce qu'il dit. Lorsque le locuteur interroge sur la modalité de ce qu'il dit, on dit que la modalité de cette phrase est interrogative.

57

3.1.3.1 Adverbe interrogatif de lieu

L'adverbe interrogatif de lieu introduit une question qui porte sur le lieu. Dans les exemples qui suivent, nous allons identifier les adverbes interrogatifs de lieu en Shupamem.

(5) a. u' 0 - ?gwo'n ja' n?Ì?
tu PRS- partir où M Int « Où vas-tu ? »

Réponse : m?? na` 0 - ?gwo'n ma' nda`p.

1sg Accs PRS - partir à maison « Je vais à la maison. »

b. m?ìn 0 -po' ja' n?Ì ?

enfant PRS- être où M Int « Où est l'enfant ? »

Réponse : m?ìn 0 - pa' ?ai'.

enfant PRS- être ici
« L'enfant est ici. »

En Shupamem, l'adverbe interrogatif de lieu est ja` (où) comme le montrent (5a et b).

3.1.3.2 Adverbe interrogatif de temps

L'adverbe interrogatif de temps nous permet de poser une question qui porte sur le temps. Observons les phrases suivantes :

(6) a. u' 0 -two' f?ì?n?Ì n?Ì ?
2sg PRS- venir quand M Int «Quand viens-tu ? »

Réponse : m?? 0 -two' ndia`.

1sg PRS- venir aujourd'hui « Je viens aujourd'hui. »

b. na? ?u' 0 -gwo'n f?ì?n?Ì n?Ì ?

Maman toi PRS- partir quand M Int « Quand va ta maman ? »

Réponse : na? ?a' na` 0 -gwo'n ga'fu`t.

Maman moi Accs PRS- partir lundi « Ma maman part lundi. »

Les exemples (6a et b) nous montrent que nous avons en Shupamem deux adverbes interrogatifs du temps en Shupamem : f??n? (quand).

3.1.3.3 Adverbe interrogatif de cause

L'adverbe interrogatif de cause nous permet de poser une question sur la cause d'une action ou d'un évènement. Les phrases qui suivent nous permettent d'identifier l'adverbe interrogatif en Shupamem.

(7) 58

a. Ali 0 -nda'p m?ìn po' m?ì?ga`k÷?ì n?Ì ?

Ali PRS- battre enfant pour pourquoi M Int
« Pourquoi Ali bat-il l'enfant ? »

Réponse : Ali na 0 -nda'p m?ìn po' ndo'mdo`m.

Ali Accs PRS- battre enfant pour rien « Ali bat l'enfant pour rien. »

b. u' 0 -twó ?ai' po' m?ì?ga`k÷?ì n?Ì ?

2sg PRS- venir ici pour pourquoi M Int « Pourquoi viens-tu ici ? »

Réponse : m?? 0 -twó ji'n-?u?ìn u` ?ai'.

1sg PRS- venir INF-voir toi ici « Je viens te voir ici. »

En Shupamem l'adverbe interrogatif de cause est m??gakw÷? (pourquoi) comme illustré par les phrases (7a et b).

3.1.3.4 Adverbe interrogatif de manière

L'adverbe interrogatif de manière introduit une question qui porte sur la manière. En Shupamem l'adverbe interrogatif de manière est n?ì(comment).

(8) a. p?ì 0 - fa'? pi'ri?Ìn po' n?ì n?Ì ?
On PRS- cultiver arachide pour comment M Int « Comment cultive-on les arachides ? »

Réponse : ma^ 0- ji'a ji'n- fa'? pi'ri?Ìn.

Nég PRS- connaître INF-cultiver arachide

« Je ne connais pas comment on cultive les arachides. »

b. i` n0 - po' n?ì n?Ì ?

3sg PRS- être comment M Int « Comment est-il ? »

Réponse : i` 0 -pa' po'ke`ri'.

3sg PRS-être bien « Il est bien. »

En (8a et b) nous voyons que l'adverbe interrogatif de manière en Shupamem est n?ì (comme).

3.1.3.5 Adverbe interrogatif de durée

L'adverbe interrogatif de durée nous permet de poser une question qui porte sur la durée d'une action ou d'un événement. C'est ce que nous montrent les phrases suivantes :

(9) a. i' two'-kw?Ìt nda`p po' m?Ì f?ì ji's÷?Ì n?Ì ?
3sg F1-construire maison pendant temps combien M Int « Pendant combien de temps construira-t-il la maison ? »

59

Réponse : ma' two'-kw?Ìt nda`p po' m?Ì t?Ìn ?ga`b.

1sg F1-construire maison pendant dix semaine « Je construirai la maison pendant dix semaines. »

b. a' l?ì? f?ì ji'si÷?Ì juo' u' 0 -two' n?Ì ?

c'est depuis temps combien que 2sg Pas1-venir M Int « C'est depuis combien de temps que tu es venu ? »

Réponse : 0 -twa' l?ì? pe`? ?ga`b.

Pas1-venir depuis deux semaines

« Je suis venu depuis deux semaines. »

Les phrases (9a et b) nous permettent de constater que l'adverbe interrogatif de durée « pendant combien de temps, depuis combien de temps » se traduit par f? jis÷? en Shupamem. 3.1.3.6 Adverbe interrogatif de quantité

L'adverbe interrogatif de quantité est un mot qu'on utilise pour poser une question qui porte sur la quantité. Observons les phrases suivantes :

(10)a. u' p?Ì- ta'? ji's÷?Ì n?Ì ?

2sg pas2 -vouloir combien M Int « Combien voulais-tu ? »

Réponse : ma' na` p?Ì- ta'? ji' ?gba`.

1sg Accs pas2- vouloir nombre quatre « Je voulais quatre. »

b. p?ì 0-po' pi's÷?Ì n?Ì ?

3pl PRS- être combien M Int ? « Combien sont-ils ? »

Réponse : p?' 0- pa' pi' te'?.

3pl PRS- être nombre trois « Ils sont à trois. »

L'adverbe interrogatif de quantité se réalise de deux façons en Shupamem : ji's÷?Ì (combien) et pi's÷?Ì (combien). Notons avant de continuer que l'adverbe interrogatif de quantité ji's÷?Ì (combien) est utilisé quand nous posons une question qui porte sur les objets alors que pi's÷?Ì (combien) est utilisé lorsque nous posons une question sur les êtres humains.

3.1.3.7 Adverbe interrogatif de prix

L'adverbe interrogatif de prix introduit une question qui porte sur le prix. Considérons les phrases suivantes :

(11)a. ko'se` 0-po' b?ìs÷?Ì n?Ì ?

beignet PRS- coûter combien M Int ? « Combien coûte le beignet ? »

60

Réponse : kóseÌ 0 -paì te^n kaìm.

beignet PRS- coûter cinq mille « Le beignet coûte cinq mille. »

b. û 0-two bés÷?Ì n?Ì ?

2sg Pas1-venir combien M Int «Combien as-tu ? »

Réponse : 0 -twaì té? kaìm.

Pas1-venir trois mille « J'ai trois mille. »

Comme nous le montrent les phrases (11a et b), l'adverbe interrogatif de prix est bés÷è (combien) en Shupamem.

3.1.4 Utilisation des marqueurs de l'interrogation « ?Ì», « m?Ì », « n?Ì », « iÌ» et « niÌ»

Nchare (2012), appelle è, et nè question marker c'est-à-dire marqueur de l'interrogation. Ses travaux révèlent que l'interrogation est marquée en Shupamem par , m?Ì, , les pronoms interrogatifs, les adjectifs interrogatifs et les adverbes interrogatifs. En plus des marqueurs de l'interrogation identifiés par Nchare (2012), nous avons identifié deux autres marqueurs de l'interrogation à savoir et niÌ que nous appelons dans le cadre de notre travail interrogateur oratoire (Int or). L'interrogateur oratoire est utilisé dans les questions oratoires ; nous parlerons des questions oratoires dans le chapitre IV qui est consacrée aux types des questions. De manière générale, les marqueurs de l'interrogation è, mè, nè, et niÌ peuvent soit être utilisés en combinaison avec d'autres mots interrogatifs comme les pronoms interrogatifs, les adjectifs interrogatifs, les adverbes interrogatifs (interrogation partielle) ou être utilisés seul comme dans les interrogations totales ou dans les interrogations alternatives. Nous pouvons dire avec Nchare (2012 : 497) que les marqueurs de l'interrogation , mè, n?Ì, et niÌ sont toujours en fin de phrase interrogative.

Considérons les phrases suivantes :

(12) a. aì polo juó iì woÌ? ?gbom ?

c'est Paul qui 3sg ecraser maïs M Int
« C'est Paul qui écrase le maïs ? »

b. aì 0-?gwón wo tén ?

c'est PRS -aller qui marché M Int « C'est qui qui va au marché ? »

c. aì jiìjaÌ f?Ì ? jûó léraì? juÌn pé?i n?Ì?

c'est quel moment que enseignant acheter crayon M Int

« C'est à quel moment que l'enseignant a acheté le crayon ? » (Nchare 2012 :498, ex. (35a))

d.

61

u' 0-ta'? ji'n-?u`n pe'?i n?Ì ?
2sg PRS-vouloir INF-acheter crayon M Int « Veux-tu acheter le crayon ? »

e. u' 0-mbi'??Ì wa? n?Ì?
2sg PRS-demander père M Int « Demandes-tu le père ? »

f. i' 0- ?gwo'n ma` nda'p m?Ì?
3sg PRS -aller à maison M Int « Va-t-il à la maison ? »

g. Ali 0- ?u' ?i'mba`m ?
Ali PRS- habiter Njimbam M Int «Ali habite-t-il à Njimbam ? »

h. u' 0-ta'? pe'?i` ke' ta'r?Ì n?Ì?
2sg PRS-vouloir crayon ou parapluie M Int «Veux-tu le crayon ou le parapluie ? »

i. i' 0-two' ndia' ke' f?ì m?u` n?Ì?
3sg PRS-venir aujourd'hui ou demain M Int «Vient-il aujourd'hui ou demain ? »

j. u' 0-?u?ìn k÷?ì ni` ?
2sg PRS-voir quoi Int or « Que vois-tu ? »

k. Ali 0- two' f?ì?n?Ì ni` ?
Ali PRS- venir quand Int or « Quand vient Ali ? »

l. m?Ìn 0-?gwo'n te'n i` ?
enfant PRS-aller marché Int or « L'enfant va-t-il au marché ? »

En (12a, b et g), l'interrogation est marquée par le marqueur de l'interrogation . En (12c, d, e, h et i), l'interrogation est marquée par n?Ì. En (12j et k), l'interrogation est marquée par ni`, alors qu'en (12l) par i`.

Les phrases (12a, b, c, d, e, f, g, h, i, j et k) nous permettent de confirmer qu'en Shupamem, l'interrogation est marquée par : , m?Ì, n?Ì, ni` et i`. Ce constat fait, nous allons essayer de répondre à une question très intéressante dans la formation des questions en Shupamem. Cette question est la suivante : l'utilisation des marqueurs de l'interrogation , m?Ì, n?Ì, ni` et i` en association avec les autres mots interrogatifs (les pronoms interrogatifs, les adjectifs interrogatifs et les adverbes interrogatifs) est-elle optionnelle ou obligatoire en Shupamem ? Pour répondre à cette question, nous allons reprendre les questions utilisées à la section 3.1.4.

62

(13)a. aì ø-?gwoìn wo teìn ?

c'est PRS -aller qui marché M Int « C'est qui qui va au marché ? »

*b. aì ø-?gwoìn wo teìn ?

c'est PRS -aller qui marché M Int « C'est qui qui qui va au marché ? »

*c. aì ø-?gwoìn teìn ?
c'est PRS -aller marché M Int « C'est qui qui qui va au marché ? »

d. Ali twó-jàp k÷?Ì ndù t?ìb?Ì n?ì polo ndiaÌ n?Ì?

Ali F1-deposer quoi sur table à Paul aujourd'hui M Int « Que déposera Ali à Paul sur la table aujourd'hui ? »

*e. Ali twó-jàp k÷?Ì ndù t?ìb?Ì n?ì polo ndiaÌ ?
Ali F1-deposer quoi sur table à Paul aujourd'hui «Que déposera Ali à Paul sur la table aujourd'hui »

*f. Ali twó-jàp ndù t?ìb?Ì n?ì polo ndiaÌ n?Ì?
Ali F1-deposer sur table à Paul aujourd'hui M Int « Ali déposera-t-il à Paul sur la table aujourd'hui. »

g. aì ø-?gwoìn wo maì ndaÌp m?Ì?

c'est PRS-aller qui à maison M Int « C'est qui qui part à la maison ? »

*h. aì ø-?gwoìn wo maì ndaÌp?
c'est PRS-aller qui à maison « C'est qui qui part à la maison ? »

*i. aì ø-?gwoìn maì ndaÌp m?Ì ?
c'est PRS-aller à maison M Int « C'est qui qui part à la maison ? »

j. uì ø-?u?ìn k÷?ì niÌ ?

2sg PRS-voir quoi Int or « Que vois-tu ? »

*k. uì ø-?u?ìn k÷?ì ?
2sg PRS-voir quoi « Que vois-tu ? »

*l. uì ø-?u?ìn niÌ?
2sg PRS-voir quoi « Que vois-tu ? »

m. aì ø-?gwoìn wo teìn ?

c'est PRS-aller qui marché Int or « Qui va au marché ? »

*n. aì ø-?gwoìn teìn ?

c'est PRS-aller marché Int or

63

« Qui va au marché ? »

*o. aì 0- ?gwoìn wo teìn? c'est PRS-aller qui marché « Qui va au marché ? »

En (13a), l'interrogation est marquée par le pronom interrogatif wo (qui) et le marqueur de l'interrogation . Dans la phrase (13b), nous avons enlevé le marqueur de l'interrogation , et du coup cette phrase est agrammaticale. De même, la phrase (13c) est aussi agrammaticale parce que nous avons enlevé le pronom interrogatif wo (qui).

Quand nous observons la phrase (13d), nous notons que l'interrogation est marquée par le pronom interrogatif k÷?Ì (quoi) et le marqueur de l'interrogation n?Ì. En (13e), nous avons utilisé seulement le pronom interrogatif k÷?Ì (quoi) ce qui rend cette phrase agrammaticale. De même (13f), est agrammaticale parce que nous n'avons pas utilisé le marqueur de l'interrogationn .

La phrase (13g) comporte deux mots interrogatifs wo (qui) et m?Ì. (13h) est agrammaticale parce qu'elle ne comporte pas m?Ì. (13i) est aussi agrammaticale à cause de l'absence de wo (qui).

En (13j), nous avons utilisé k÷?ì (quoi) et l'interrogateur oratoire niÌ. L'agrammaticalité de (13k) relève de l'absence de niÌ. (13l) est agrammaticale parce que nous n'avons pas utilisé k÷?ì (quoi).

En (13m) l'interrogation est marquée par : wo et . La phrase (13n) et (13o) sont agrammaticales parce qu'ils comportent chacun un marqueur de l'interrogation au lieu de deux.

En conclusion, il ressort que dans les interrogations partielles et oratoires en Shupamem (interrogations dans lesquelles on utilise deux marqueurs de l'interrogation), l'utilisation de deux marqueurs de l'interrogation est obligatoire l'absence de l'un rend la phrase agrammaticale.

3.1.4.1 La distribution de « ?Ì », « m?Ì » et « n?Ì » dans les interrogations en Shupamem

Il sera question pour nous de dire ce qui justifie l'utilisation de « ?Ì », « m?Ì » et « n?» dans une interrogation. Considérons les phrases suivantes :

(14)a. uÌ 0 - ?uì ?aìiÌ poÌniì n?Ì ?

2sg PRS- rester ici avec M Int « Habites-tu ici avec lui ? »

b. ndaìp 0-poì b?ìs÷?Ì n?Ì ?

beignet PRS- couter combien M Int ? « Combien coûte le loyer ? »

c.

64

p?ìn 0-po' pi' t?Ìn ?Ì ?
enfants PRS- être à cinq M Int ? « Combien sont-ils les enfants ? »

d. i' 0-?gwo'n n?imbam ?Ì ?
3sg PRS- aller Njimbam M Int « Va-ti-il à Njimbam ? »

e. u' 0 -ta'? nda'p m?Ì ?
2sg PRS- chercher maison M Int « Es-tu à la recherche d'une maison ? »

f. u' 0 -ta'? nda'b m?Ì ?
2sg PRS- chercher fil M Int « Es-tu à la recherche du fil ?

g. ndia' 0 - po' su'nd?Ì n?Ì ?
aujourd'hui PRS- être dimanche M Int « Est-ce dimanche aujourd'hui ? »

h. a' 0 - ?gwo'n ?i'ja` p?ìn ndiaa' n?Ì?
c'est PRS- partir quels enfants aujourd'hui M Int ? « Ce sont quels enfants qui partent aujourd'hui ? »

i. u' 0 -ta'? ma'twa` ke' kwo'r?Ì n?Ì ?
2sg PRS- chercher voiture ou vélo M Int « Es-tu à la recherche de la voiture ou du vélo ? »

j. u' 0 - mbi'??Ì ma' ke' ali n?Ì ?

2sg PRS-demander moi ou Ali M Int
« Est-ce Ali ou moi que vous demandez ? »

Le marqueur de l'interrogation s'utilise quand il est précédé par une nasale comme nous indiquent les phrases (14c et d). Le marqueur de l'interrogation m?Ì est utilisé devant les bilabiales (p et b) comme en (14e et f) ; il y a dans ce cas précis assimilation consonantique qui est en réalité le fait pour une consonne d'épouser les traits caractéristiques de la consonne voisine.

Le marqueur de l'interrogation n?Ì est utilisé lorsqu'il est précédé par une voyelle ; c'est ce qu'illustrent les phrases (14g, h, i et j).

Ceci nous permet de dire en guise de conclusion que , m?Ì et n?Ì sont en distribution complémentaire en Shupamem parce que les contextes d'apparition de ces marqueurs de l'interrogation ne sont pas identiques. Ces trois marqueurs de l'interrogation ne peuvent pas apparaitre toutes dans une interrogation.

Dans le chapitre quatre, nous verrons quelle place les marqueurs de l'interrogation , m?Ì et n?Ì occupent au sein d'une phrase interrogative.

65

3.1.4.2 La distribution de « i` » et « ni` » dans les interrogations en Shupamem

Nous allons dans cette section parler de la distribution du marqueur de l'interrogation i` et ni` en Shupamem. Pour cela, observons les phrases suivantes :

(15) a. u' l?ì? -ju`n k÷?ì ni` ?

2sg F2-acheter quoi Int or « Qu'achèteras-tu ? »

b. m?Ìn pê-juo'n wo ni` ? enfant P2-voir qui Int or « Qui l'enfant avait-il vu ? »

c. u' ø -z?Ìn ji'n- ?gwo'n te'n i`?
2sg PRS-vouloir INF-aller marché Int or « Veux-tu aller au marché ? »

d. na? two'-fa'? ta'm i` ?

mère F1-cultiver marécage Int or

« La mère cultivera-elle le marécage ? »

En Shupamem, ni` est utilisé lorsqu'il est précédé par une voyelle ou une consonne à l'exception de la nasale (m et n) comme en (15a et b). Nous utilisons pour marquer l'interrogation lorsqu'il est précédé par la nasale (m et n).

Dans le tableau suivant, nous allons récapituler tous les mots interrogatifs en Shupamem.

Tableau 1 : Les mots interrogatifs en Shupamem

Catégories grammaticale

Shupamem

Français

 

Les pronoms interrogatifs monosyllabiques

Wo

qui

 
 

k÷?Ì

que

 
 

Les pronoms interrogatifs polysyllabiques

ji'ja`

laquelle/Lequel

 
 

?i'ja`

lesquelles / Lesquels

 
 

Les adjectifs interrogatifs

ji'ja`

quelle/quel

 
 

?i'ja`

quelles / quels

 
 

Les adverbes interrogatifs

Ja'

 
 

f?ì?n?Ì

quand

 
 

m?ì?ga`k÷?Ì

pourquoi

 
 

n?ì

comment

 
 

f?jis÷?

pendant combien

combien de temps

de

temps/depuis

ji's÷?Ì et pi's÷?Ì

combien (quantité)

 
 

b?ì s÷?Ì

combien (prix)

 
 

Marqueurs de

l'interrogation

?Ì, m?Ì, n?Ì, i` et ni`

 
 
 

Comme nous pouvons le noter, il y a en Shupamem dix-neuf (19) mots interrogatifs.

66

Conclusion

Ce chapitre était consacré à l'identification des différents marqueurs de l'interrogation en Shupamem. Nous avons découvert que dans cette langue, l'interrogation est marquée par le marqueur de l'interrogation è, n?Ì, mè, l'interrogateur oratoire i` ou ni`, les pronoms interrogatifs, les adjectifs interrogatifs et les adverbes interrogatifs.

Nous avons constaté que les marqueurs de l'interrogation è, nè, sont utilisés seul dans les interrogations totales alors que dans les interrogations alternatives et averbales, ils sont utilisés en combinaison avec d'autres marqueurs de l'interrogation (les pronoms interrogatifs, les adjectifs interrogatifs et les adverbes interrogatifs). Les interrogateurs oratoires i` ou ni` quant à eux sont utilisés dans les questions oratoires mais en combinaison avec d'autres marqueurs de l'interrogation.

Par ailleurs, nos données ont révélé que dans les interrogations partielles et oratoires en Shupamem (interrogations dans lesquelles on utilise deux marqueurs de l'interrogation), l'utilisation de deux marqueurs de l'interrogation est obligatoire l'absence de l'un rend la phrase agrammaticale.

67

Chapitre IV :

 

TYPOLOGIE DES QUESTIONS EN

SHUPAMEM

Introduction

Le chapitre III, nous a permis de dénombrer les différents marqueurs de l'interrogation en Shupamem. En fait, il ressort qu'en Shupamem l'interrogation est marquée par le marqueur de l'interrogation è, nè, mè, l'interrogateur oratoire I ou nI, les pronoms interrogatifs, les adjectifs interrogatifs et les adverbes interrogatifs. Dans le chapitre IV, il sera question pour nous d'inventorier les types d'interrogations en Shupamem, de parler de la distribution des constituants de la phrase interrogative, d'identifier et d'expliquer les différents mouvements que subissent les constituants des phrases interrogatives en Shupamem. Pour ce faire, nous allons parler tour à tour des constituants de l'interrogation totale directe, des constituants de l'interrogation totale indirecte, des constituants de l'interrogation partielle directe, des constituants de l'interrogation partielle indirecte, des constituants de l'interrogation oratoire, des constituants de l'interrogation alternative et des constituants de l'interrogation averbale. Par la suite, nous allons aussi parler des différents mouvements syntaxiques qui s'opèrent dans chaque type d'interrogation. Pour finir, nous parlerons des interrogations à Qu multiple.

4.1 La phrase de base

La phrase de base est une phrase qui n'a encore subi aucune transformation syntaxique. C'est en fait la phrase canonique. C'est elle qui sert de modèle à toute analyse syntaxique. Cette phrase nous permet de comprendre la structure de la grande majorité de phrases. Ce modèle de phrase a généralement deux constituants obligatoires à savoir : un groupe en fonction sujet et un groupe en fonction prédicat. Notons aussi que la phrase de base peut avoir un ou plusieurs constituants facultatifs. Disons pour finir que la phrase de base possède les caractéristiques suivantes : elle est de type déclaratif et de forme20 active, positive, neutre et personnelle. Les phrases qui ne sont pas de forme positive, active, neutre et personnelle sont des phrases transformées.

20 La notion de forme de phrase regroupe plusieurs phénomènes syntaxiques et particularités grammaticales. La forme de phrase correspond à des structures des phrases différentes. Les formes de phrase se reconnaissent par la présence ou non de certains mots et par la variation dans l'ordre de mots dans la phrase. C'est en forme d'opposition que se définit les formes de phrase. Communément, on oppose ainsi les formes de phrase suivantes :

a. Forme positive ou forme négative

b. Forme active ou forme passive

c. Forme neutre ou forme emphatique

d. Forme personnelle ou forme impersonnelle

68

4.2 Type d'interrogations en Shupamem

Dans cette section, il sera question pour nous de recenser les types d'interrogation en Shupamem. Mais avant cela il est important de dire ce qu'on entend par phrase interrogative. En linguistique, l'interrogation est un acte de langage21 par lequel l'énonciateur demande une information au destinataire et attend une réponse de la part de celui-ci. Une phrase interrogative est couramment appelée question. Les structures de phrases interrogatives peuvent varier puisqu'il existe plusieurs moyens pour les construire. Observons les phrases suivantes :

(1) a. aì ø - fû wo ?aiì n?Ì ?

c'est PRS-rester qui ici M Int « C'est qui qui habite ici ? »

b. wo jaì n?Ì ?
qui où M Int « Qui est où ? »

c. û ø-?gwoìn fï?n?Ì n?Ì ?
2sg PRS-aller quand M Int « Quand vas-tu ? »

Les phrases (1a, b et c) montrent clairement que les structures de phrases interrogatives ne sont pas les mêmes. En (1b), le mot interrogatif est en initial de phrase alors qu'en (1c), il est en final de phrase. Ce qui nous permet de conclure que l'interrogation se forme de plusieurs façons en Shupamem.

Nous avons recensé en Shupamem cinq (05) types d'interrogations à savoir :

1) L'interrogation totale

2) L'interrogation partielle

3) L'interrogation alternative

4) L'interrogation rhétorique

21 Le terme acte de langage a été créé en 1962 par Austin John Langshaw dans Quand dire c'est faire. Un acte de langage est un moyen mis en oeuvre par un locuteur pour agir sur son environnement par ses mots : il cherche à informer, demander, inciter, etc. son ou ses interlocuteurs par ce moyen.

La notion d'acte de langage est une notion très importante qui a donné naissance à la pragmatique (branche de la linguistique spécialisée dans l'étude de l'usage du langage). La pragmatique se propose d'étudier, dans les énoncés, tout ce qui implique la situation de communication.

Dans le cadre de la théorie de l'acte de langage, Austin distingue trois types d'actes accomplis grâce au langage :

- Acte locutoire, qui correspond au fait de dire, dans le sens de produire de la parole (en articulant et en combinant des sons et des mots selon les règles de la grammaire).

- Acte illocutoire que l'on accompli en disant quelque chose : j'accomplis un acte de promesse en disant je promets, de questionnement en employant une interrogation etc.

- Acte perlocutoire qui correspond à l'effet produit sur l'interlocuteur par l'acte illocutoire. En posant une question, je peux m'attendre au niveau perlocutoire, à toute une série de réactions possibles. Je peux obtenir la réponse demandée ou une non-réponse.

69

5) L'interrogation averbale

4.2.1 Interrogation totale

Parlant de l'interrogation totale, Strik (2008 : 19) dit que l'appellation totale dans les questions fait référence à ce sur quoi l'interrogation porte. Dans une question totale, elle porte sur la question dans sa totalité. On parle aussi de question oui/non, car la réponse à une question totale peut être oui ou non. « oui » et « non » sont appelés des mots-phrases parce qu'ils remplacent toute une phrase comme réponse.

Considérons les phrases suivantes :

(2) a. u' ø- ji' i`.

2sg PRS- connaitre lui « Tu le connais. »

b. u' na` ø - ?u' n?i'nka`.
2sg Accs PRS- habiter Njinka « Tu habites à Njinka. »

c. Petro ø - ?gwo`n n?i'nka`.
Pierre PRS- partir Njinka « Pierre part à Njinka. »

d. Ali na` ø- ta'? m?Ìn

Ali Accs PRS-chercher enfant « Ali cherche l'enfant. »

Les phrases (2a, b, c et d) sont des phrases affirmatives. Transformons ces phrases en des phrases interrogatives.

(3) a. u' ø- ji' i` n?Ì ?

2sg PRS- connaitre lui M Int « Est-ce que tu le connais ? »

b. u' ø - ?u' n?i'nka` n?Ì ?
2sg PRS-habiter njinka M Int « Habites-tu à Njinka ? »

c. Petro ø - ?gwo'n n?i'nka` n?Ì? Pierre PRS -partir Njinka M Int « Est-ce que Pierre part à Njinka ? »

d. Ali ø- ta'? m?Ìn n?Ì ?

Ali PRS- chercher enfant M Int

« Est-ce que Ali cherche l'enfant ? »

Tl est important de noter qu'on répond aux questions (3a, b, c et d) par « oui » ou par « non ». La question totale n'a pas de réponse autre que « oui/non », c'est pour cette raison qu'on appelle ce genre de question en anglais « yes or no question ».

70

4.2.1.1 Interrogation totale directe

Une interrogation est dite totale directe lorsqu'elle se termine par un point d'interrogation et quand elle fait appel au marqueur de l'interrogation , n?Ì ou m?Ì. Considérons les phrases suivantes :

(4) a. m?ìn 0 -li?ì n?Ì ?

enfant PRS- dormir M Int « L'enfant dort ? »

b. u' ma` 0- n?i' u' n?Ì ? Matateyou (2008 :20)
2sg Neg PRS- connaitre 2sg M Int

« Ne le sais-tu pas ? »

c. p?ì 0- fa' n?Ì ?
3pl PRS- donner M Int « Est-ce qu'ils donnent ? »

d. u' 0- ?gwo'n ?Ì ? 2sg PRS- aller M Int « Est-ce que tu vas ? »

e. i' two' - ja'p m?Ì ?
3sg F1-déposer M Int « Déposera-il ? »

Comme le montrent les phrases (4a, b, c, d et e), l'interrogation totale directe est marquée en Shupamem par le marqueur de l'interrogation , m?Ì et n?Ì en fin de phrase. Toutes ces phrases ont une réponse commune soit « oui » soit « non ». En (4b) ci-dessus, il y a double utilisation du pronom personnel u' (tu). Notons qu'il ne s'agit pas de l'inversion sujet-verbe mais plutôt du pronom personnel de reprise qui est présent dans les interronégatives en Shupamem.

4.2.1.1.1 Les constituants de l'interrogation totale directe

Nous allons parler des constituants de l'interrogation totale directe.

Soient les phrases suivantes :

(5) a u' 0- juo'n ali n?Ì?

2sg P1-voir Ali M Int « As-tu vu Ali ? »

b. u' 0 -?ú n?i'?ka` n?Ì ?

2sg PRS-habiter Njinka M Int « Habites-tu à Njinka ? »

c. u' ma` 0-?i' u' ?ai' n?Ì?

2sg Neg PRS- connaitre 2sg ici M Int « Ne connais-tu pas ici ? »

d.

71

aì ø-ndieì ali ?aiì n?Ì ?
c'est PRS -dormir Ali ici M Int « C'est Ali qui dort ici ? »

e. aì magba ?aì Ali ø-?gwoìn n?Ì?
c'est Magba où Ali PRS-dormir M Int « C'est à Magba où Ali part ? »

Comme nous révèlent les phrases ci-dessus, l'interrogation totale directe comporte les constituants suivants : un sujet, un verbe, un complément et le marqueur de l'interrogation.

4.2.1.1.2 Distribution des constituants de l'interrogation totale directe

Pour faciliter notre analyse, nous allons reprendre les phrases (5a, b, c, d et e) utilisées plus haut. Pour cela, observons les phrases suivantes :

(6) a. û ø- juoìn Ali n?Ì?

2sg PRS-voir Ali M Int
Sujet verbe complément M Int « As-tu vu Ali ? »

b. u ø -fú n?iì?kaÌ n?Ì ?
2sg PRS-habiter Njinka M Int Sujet verbe complément M Int « Habites-tu à Njinka ? »

c. ù maÌ ø-n?iì û ?aiì n?Ì ?

2sg Neg PRS-connaitre 2sg ici M Int

Sujet Nég verbe PPR22 circonstant M Int

« Ne connais-tu pas ici ? »

d. aì ø-ndieì ali ?aiì n?Ì ?
c'est PRS -dormir Ali ici M Int

c'est verbe sujet circonstant M Int
« C'est Ali qui dort ici ? »

e. aì maìgbaÌ ?aì Ali ø-?gwoìn n?Ì?
c'est Magba où Ali PRS-dormir M Int c'est circonstant Comp sujet verbe M Int « C'est à Magba où Ali part ? »

En s'appuyant sur les phrases (6a, b, c, d et e), nous découvrons que l'interrogation totale directe en Shupamem comporte les structures suivantes :

1-

Sujet + verbe + (complément) + M Int

22 Le pronom personnel de reprise (PPR) est utilisé dans les interrogations totales à la forme négative. Le PPR nous permet de reprendre le pronom personnel qui se trouve en début de phrase. Dans le cas d'espèce, le pronom personnel de reprise (PPR) u (tu) en (2a), reprend u (tu) en début de phrase.

2-

3-

4-

72

Sujet + Nég + verbe + PPR+ (circonstant) + M Int

Foc + verbe +sujet + (circonstant) +M Int

Foc + (circonstant) + Comp + sujet + verbe + M Int

Avant de continuer, il importe de noter que dans toute phrase interrogative, le syntagme Qu doit avoir porté sur toute la phrase. Ceci revient à dire que la phrase interrogative a, comme la plus haute projection, le syntagme de l'interrogation. Nous rejoignons Strik (2008 :51) dans cette ligne de pensée qui nous rappelle que depuis les années 1970, il est généralement admis que le mot Qu, étant un quantifieur, doit occuper une position haute dans la périphérie gauche, pour pouvoir avoir portée sur la proposition entière. De plus, depuis cette même période, on considère que la position du complémenteur d'une question Qu est dotée d'un trait Qu ou interrogatif qui force le mot Qu à se déplacer vers cette position. C'est ce que Rizzi (1992), cité par Strik (2004 :51) appelle le critère Qu23 :

A. Un opérateur Qu doit être dans une configuration [Spéc, Tête] avec un noeud X <+Qu>.

B. Un noeud X <+Qu> doit être dans une configuration [Spéc, Tête] avec un opérateur Qu.

(7) SC

Opérateur Qu C'

IP C°

+QU

En outre, Nchare (2004 :146) pense aussi que d'après l'approche standard, le trait [+Q] est généré dans C° ; il y a déplacement de l'opérateur de l'interrogation au spécifieur du complémenteur étant donné le critère Q.

23 Le critère Qu exige une configuration structurale [Spéc, Tête] entre le syntagme Qu et le verbe fini et demande que le verbe fléchi se déplace de la tête du syntagme de l'inflexion (IP) pour la tête du syntagme du complémenteur (SC). Selon Strik (2008 : 51 ,52), le Critère Qu stipule qu'à un certain niveau de représentation d'une phrase interrogative, un opérateur interrogatif doit se trouver dans le spécifieur (Spéc) du complémenteur qui est interprété comme une question et qu'inversement, le complémenteur d'une question doit avoir un opérateur interrogatif dans son spécifieur. Le Critère Qu exige donc une configuration structurale dans laquelle il y a accord entre le spécifieur et la tête de la projection SC.

73

Cette analyse nous permet de conclure qu'en Shupamem, il y a bel et bien mouvement dans une phrase interrogative. Il convient tout au moins de noter que ce mouvement est invisible parce qu'il s'opère en forme logique (FL) ; cette analyse du syntagme Qu est connue sur le nom l'analyse à la Chomsky24. Huang (1982)25 a mené une étude similaire sur les syntagmes Qu mais sur le chinois. L'exemple suivant illustre le mouvement dans la phrase interrogative en Shupamem.

(8) û ø -fû n?i'?ka` n?Ì?

2sg PRS- habiter Njinka M Int « Habites-tu à Njinka ? »

24 L'analyse à la Chomsky est une façon d'analyser les syntagmes Qu mis sur pied par Chomsky (1977). Selon lui, le déplacement des syntagmes Qu in-situ s'opère en Forme Logique (FL) c'est-à-dire en syntaxe invisible. Ceci s'explique par le fait que le syntagme Qu est un quantificateur ou un opérateur et pour cette raison, doit obligatoirement occuper une position haute dans la périphérie gauche de la phrase pour avoir portée sur la phrase interrogative toute entière.

25 Huang (1982) analyse le syntagme Qu dans la même vision que Chomsky (1977). Il s'appuie sur l'hypothèse formulée par Chomsky qui postule pour le déplacement du syntagme Qu en forme logique. Il prend l'exemple du chinois où les syntagmes interrogatifs se trouvent in-situ, mais se déplacent au début de phrase afin d'avoir portée sur toute la phrase. Comme indiquent les phrases suivantes :

(1) a. Ta renwei ni maile shenme ?

Il pense tu achètes quoi ?

« Qu'est-ce qu'il pense que tu achètes ? »

b. [CP1 shenmei [ta renwei [CP2 ni maile ti]]] Quoi il pense tu achètes

(Canel 2012 :62 ex (134a & b), Aoun & Li 1993 : 201))

En réalité, le travail de Huang (1982) constitue une étape majeure dans l'analyse des syntagmes Qu in-situ, c'est dans cette lancée que Strik (2004 : 109) affirme que «Huang a été le premier auteur à avancer l'hypothèse qu'en chinois et d'autres langues asiatiques, le mouvement Qu s'opère en FL. Dans cette langue, les mots Qu se trouvent in-situ dans la syntaxe visible. Le travail de Huang (1982) a contribué énormément au développement de la théorie des questions Qu et en même temps de la théorie de la Forme Logique dans le modèle du Gouvernement et du Liage».

La conclusion de Huang (1982) sur les syntagmes Qu est que dans toute langue, on peut appliquer le mouvement Qu, mais que selon le type de langue, on applique la règle du mouvement en FL ou bien en syntaxe visible. C'est ce qui nous ramène aux Principes et Paramètres qui nous permettent de savoir que les langues ne sont pas si différentes les unes des autres. Les différences qu'on observe au niveau des langues sont des différences apparentes (ordre des mots, différences des mots, de sons...). C'est pour cette raison que les différences entre les langues sont qualifiées d'épiphénomène. L'analyse de Huang nous permet de comprendre que chaque langue a sa règle du mouvement du syntagme Qu, et qu'il serait maladroit d'analyser les syntagmes Qu dans une logique de la généralisation.

74

(9) SInt

Spéc Int'

n?Ì û

Jú n3lI)kà

Int° SAccor

Spéc Accor'

Accor° ST

Spéc T'

T° SV

Spéc V'

V° V

SN

N'

L'arbre ci-dessus représente la phrase (8). Comme nous pouvons le constater, la plus haute projection de notre arbre est le syntagme de l'interrogation (SInt). Il y a mouvement du syntagme de l'accord (SAccor). Il s'agit en fait du déplacement de tout le syntagme de l'accord (SAccor) à [Spéc, SInt]. C'est ce qu'on appelle «heavy pied-piping» pour parler comme Nkemnji (1995 :16).

C'est donc après ce mouvement que nous obtenons la phrase (8). Cet arbre nous permet de comprendre qu'en Shupamem, le marqueur de l'interrogation (?Ì, m?` et n?Ì) occupe la plus haute projection dans une interrogation.

4.2.1.2 Interrogation totale indirecte

Tout d'abord, il convient de noter que dans l'interrogation indirecte, la question est posée dans une enchâssée dépendant d'un verbe marquant la demande ou l'ignorance. Notons que l'interrogation indirecte est introduite par le complémenteur ml (si) comme nous montrent les phrases (10a, b, c et d) ci-dessous. L'interrogation totale indirecte est une interrogation dont la réponse est « oui » ou « non » et dont la question est posée dans une enchâssée qui dépend d'un verbe marquant la demande. Les phrases suivantes sont des interrogations totales indirectes.

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(10) a. m?? na` 0-mbi'??Ì mi' u 0-?u' po' ni' n?Ì.

1sg Accs PRS- demander si 2sg PRS- habiter avec lui M Int « Je demande si tu habites avec lui. »

b. m?? na` 0- ta'? ji'n- n?i' mi' u` pu'tn?Ì n?Ì.
1sg Accs PRS- vouloir INF-savoir si 2sg revenir M Int « Je veux savoir si tu es revenu. »

c. m?? na` 0-mbi'??Ì mi' u` 0-?gwo'n ndia' n?Ì.
1sg Accs PRS- demander que 2sg PRS- partir aujourd'hui M Int « Je demande si tu vas aujourd'hui. »

d. m?? na` 0- ta'? ji'n- n?i' mi' u` 0- ?u' ?ai' n?Ì.
1sg Accs PRS-vouloir INF savoir que 2sg PRS- habiter ici M Int « Je veux savoir si tu habites ici. »

Les phrases (10a, b, c et d) sont des interrogations totales indirectes. Les questions indirectes dépendent du verbe dans la proposition matrice. Les verbes matrices les plus évidents sont se demander et savoir qui sont en fait des verbes qui marquent la demande. Toutes ces phrases contiennent toutes des verbes qui marquent la demande ji'n-mbi'??Ì (demander) en (10a et c) et ji'n-n?i' (savoir) en (10b et d). En outre, ce type d'interrogation n'a pas de point d'interrogation en fin de phrase.

4.2.1.2.1 Les constituants de l'interrogation totale indirecte

Nous allons examiner dans cette section les constituants de l'interrogation totale indirecte. Considérons les phrases suivantes :

(11) a. Djara na` 0- mbi'??Ì mi' u' 0- ?u' pa'ju` n?Ì.

Djara Accs PRS- demander si 2sg PRS- manger nourriture M Int « Djara demande si tu manges la nourriture. »

b. Chouaibou na` 0- ta'? ji`n- n?i' mi' u' 0-pútn?Ì n?Ì.
Chouaibou Accs PRS- vouloir INF -savoir si 2sg PRS- revenir M Int « Chouaibou veux savoir si tu es revenu. »

c. Amina na` 0-mbi'?? mi' u' 0-?u' po' ma'ria`ma` n?Ì.
Amina Accs PRS- demander si 2sg PRS- habiter avec Mariama M Int « Amina demande si tu habites avec Mariama. »

d. p?ì na` 0- ta'? ji`n- n?i' mi' na? ?ai' n?Ì.

3pl Accs PRS- vouloir INF savoir si mère ici M Int
« Ils veulent savoir si la mère est ici. »

Les phrases (11a, b, c, et d) nous permettent de constater que l'interrogation totale indirecte contient les constituants suivants :

1. Un verbe qui marque la demande ji`-mbi?? (demander) ou ji`-n?i' (savoir) ;

2. Le complémenteur mi' (si) qui introduit la subordonnée interrogative ;

3. La subordonnée interrogative.

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Donc les constituants de l'interrogation totale indirecte en Shupamem se présentent dans l'ordre suivant :

Le verbe interrogatif + Le complémenteur miì (si) + La subordonnée interrogative.

4.2.1.2.2 Distribution des constituants de l'interrogation totale indirecte

Dans cette section, nous allons parler de la distribution des constituants de l'interrogation totale indirecte. Pour cela, reprenons les phrases (11a, b, c et d)

(12) a. Djara na` ø-mbi'??Ì mi' u' ø -?u' pa'ju` n?Ì.

Djara Accs PRS- demander si 2sg PRS- manger nourriture M Int

S V I COMP SI
« Djara demande si tu manges la nourriture. »

b. Chouaibou na` ø- ta'? ji`n- n?i' mi' u' ø-pu'tn?Ì n?Ì.

Chouaibou Accs PRS- vouloir INF -savoir si 2sg PRS- revenir M Int

S VI COMP SI
« Chouaibou veut savoir si tu es revenu. »

c Amina na` ø-mbi'??Ì mi' u' ø-?u' po' ma'ria`ma` n?Ì.

Amina Accs PRS- demander si 2sg PRS- habiter avec Mariama M Int

S VI COMP SI
« Amina demande si tu habites avec Mariama. »

d. p?Ì na` ø- ta'? ji`n- n?i' mi' na? ?ai' n?Ì.

3pl Accs PRS- vouloir INF savoir si mère ici M Int

S V VI COMP SI
« Ils veulent savoir si la mère est ici. »

S + (V) + VI + COMP + SI

Nous remarquons que les phrases (12a, b, c et d) ont toutes la même structure, toute chose qui nous permet de conclure que la structure de l'interrogation totale indirecte en Shupamem est la suivante :

S= Sujet

VI= Verbe Interrogatif

SI= Subordonnée Interrogative

4.2.2 L'interrogation Qu

Comme nous l'avons dit au Chapitre trois, en Shupamem, nous regroupons le syntagme Qu en trois catégories : les arguments, les adjoints référentiels et les adjoints non référentiels. Contrairement au français standard, l'utilisation du syntagme Qu en initial de phrase n'est jamais une option mais une obligation26. En Shupamem, le syntagme Qu peut

26 Voir Baunaz et Patin (2011).

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rester in-situ c'est-à-dire dans sa position canonique ou être à la périphérie gauche. C'est ce qu'illustrent les phrases suivantes :

(13) a. ndiaì pol k÷?Ì n?Ì ?

Aujourd'hui être quoi M Int

« Quand sommes-nous aujourd'hui ? »

b. il ø- juoìn wo n?Ì ?

2sg PRS- voir qui M Int
« Qui vois-tu ? »

c. aì wo juoì û ø-ju?ln n?Ì ?
c'est Qui que 2sg PRS- voir M Int « C'est qui que tu vois ? »

d. Njikam kaìp?Ì-ndèd n?Ì wo n?Ì? Njikam P4 montrer à qui M Int « A qui montrait Njikam ? »

e. aì n?l wo jûoì ?iìkaÌm kaìp?Ì -ndeÌd n?Ì?
c'est à Qui que Njikam P4 - montrer M Int « C'est à qui que Njikam montrait ? »

Dans chacune des phrases ci-dessus, le syntagme Qu est en gras. En fait, en (13a, b et d), le syntagme Qu est in-situ alors qu'en (13c et e), le syntagme Qu est ex-situ parce qu'il est focalisé. Toute chose qui nous amène à poser un certain nombre des questions :

1. Quel mécanisme syntaxique permet au syntagme Qu en Shupamem de se déplacer et de se retrouver à la périphérie gauche ?

2. Est-ce que les syntagmes Qu in-situ sont vraiment exempts de tout mouvement ? Pour répondre à la première question qui est celle de savoir ce qui permet au syntagme Qu de se déplacer, nous allons dire que les syntagmes Qu se déplacent lorsqu'ils sont focalisés. Comme illustrent les phrases suivantes.

a) Questions sans focalisation du syntagme Qu

(14) a. û ø- tá? wo n?Ì?

2sg PRS- vouloir qui M Int « Qui veux-tu ? »

b. û ø- tá? k÷?Ì n?Ì ?

2sg PRS- vouloir quoi M Int « Que veux-tu ? »

b) Questions avec focalisation du syntagme Qu

(15) a. aì wo juoì û ø- taÌ? n?Ì?

c'est qui que 2sg PRS- vouloir M Int
« C'est qui que tu veux ? »

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b. aì k÷?Ì juoì û ø- taÌ? n?Ì ?

c'est quoi que 2sg PRS- vouloir M Int « C'est quoi que tu veux ? »

Les phrases (14a et b) sont les exemples d'interrogations sans focalisation du syntagme Qu. Ces deux phrases nous permettent de noter que lorsque le syntagme Qu n'est pas focalisé, il est in-situ c'est-à-dire qu'il reste dans sa position canonique.

L'analyse du syntagme Qu par Baker (1970) expliquerait bien cette position in-situ du syntagme Qu dans les interrogations en Shupamem. Baker, postule pour la présence d'un morphème Q dans la périphérie gauche de la phrase. Il estime que le fait qu'il ait un morphème Q dans la périphérie gauche de la phrase permet au syntagme Qu de ne pas se déplacer. Il ajoute que le morphème Q qui se trouve dans [Spéc, SC] est co-indexé avec le syntagme Qu in-situ en même temps qu'il le C-commande27.

Cette phrase illustre en bref l'analyse de Baker :

(16) [[Qi] p?n na twoì-ju k÷?Ìi n?Ì ?]]
enfant Accs F1-manger quoi M Int « Que mangeront les enfants »

Dans cet exemple nous constatons que le morphème Q dans la périphérie gauche est co-indexé avec le syntagme Qu in-situ, et ce même morphème empêche au syntagme Qu de se déplacer pour la périphérie gauche.

Par ailleurs, le syntagme Qu peut être ex-situ sans être focalisé. C'est ce que nous révèlent les phrases suivantes :

(17) a. wo jaì n?Ì ?
qui où M Int « Qui est où ? »

b. k÷?ì jaì n?Ì ?

quoi où M Int

« Qu'est-ce qui est où ? »

Les phrases (17a et b) nous permettent de découvrir qu'en Shupamem, le syntagme Qu peut bien être en position ex-situ sans être focalisé. Toute chose qui nous permet de constater que le Shupamem se comporte dans une certaine mesure prête comme le français ou l'anglais qui sont des langues à Qu in-situ et en même temps à Qu ex-situ.

En conclusion, Contrairement aux langues comme le français ou la forme avec Qu in-situ et avec déplacement du Qu représentent des variantes optionnelles, le Shupamem utilise l'interrogation avec déplacement du syntagme Qu lorsqu'il y a focalisation du syntagme Qu

27 En syntaxe, on dit que A c-commande B si et seulement si le premier noeud branchant C qui domine A domine aussi directement ou indirectement B.

79

ou dans les interrogations averbales. Hors mis ces deux cas de figures, le syntagme Qu reste in-situ. Donc que nous pouvons dire en prenant appui sur nos données que le Shupamem est une langue à Qu in-situ et en même temps à Qu ex-situ (voir Cheng et Roocryk (2000))28.

Notre deuxième question était celle de savoir si les syntagmes Qu in-situ sont vraiment exempts de tout mouvement. Pour répondre à cette question, observons les différentes phrases suivantes :

(18) a. m?ìn ø- swoÌ l?ìrwaÌ t?Ì paÌm ndiaÌ n?Ì ?

enfant PRS- mettre cahier dans sac aujourd'hui M Int « L'enfant met-il le cahier dans le sac aujourd'hui ? »

b. m?ìn ø- swoÌ k÷?Ì t?Ì paÌm ndiaÌ n?Ì ?
enfant PRS- mettre quoi dans sac aujourd'hui M Int « Que met l'enfant dans le sac aujourd'hui ? »

c. m?ìn ø- swoÌ l?ìrwaÌ po ndiaÌ n?Ì ?
enfant PRS- mettre cahier dans où aujourd'hui M Int « Où l'enfant met-il le cahier aujourd'hui ? »

En observant les phrases (18b et c), nous pouvons constater que le syntagme Qu dans ces deux phrases reste in-situ, il ne se déplace pas.

4.2.3 Interrogation partielle directe

Comme son nom l'indique, dans l'interrogation partielle la question porte sur une partie de la phrase, sur un constituant de la phrase interrogative. C'est pour cette raison que l'interrogation partielle peut porter sur le sujet, l'objet du verbe, un complément circonstanciel, etc. L'interrogation partielle contient un mot interrogatif (un argument, un adjoint référentiel ou un adjoint non référentiel) en plus de è, ou . Dans une interrogation partielle, la réponse est en principe l'élément, le constituant ou le mot sur lequel porte l'interrogation.

En Shupamem, nous utilisons le syntagme Qu pour poser les questions partielles. Ainsi, nous regroupons généralement le syntagme Qu en trois catégories : les arguments, les adjoints référentiels et les adjoints non référentiels.

1) Les arguments

Nous avons deux arguments en Shupamem à savoir wo (qui) et k÷è (quoi).

28 Cheng et Rooryck (2000) dans leur étude sur les interrogations in-situ, pensent qu'il y a deux types de syntagmes Qu in-situ en français, un type de syntagme qui implique le mouvement du trait interrogatif au niveau de forme logique, et un autre qui n'implique aucun mouvement. La conclusion à la quelle Cheng et Rooryck (2000) arrivent est que la différence fondamentale entre les interrogations à Qu in-situ et les interrogations avec fronting du Qu réside dans la présence ou non du morphème de l'intonation. Ils disent par la suite que c'est le morphème intonatif qui vérifie le trait fort en C°.

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2) Les adjoints référentiels

Les adjoints référentiels sont : jaì (où) et f?Ì?n?Ì (quand).

3) Les adjoints non référentiels

Les adjoints non référentiels sont : n? (comment), jiìs÷è (combien) et piÌs÷è (combien).

Dans le cadre de notre travail, nous allons regrouper sous l'étiquette syntagme Qu les mots interrogatifs utilisés dans la formation des questions partielles. Ce regroupement se fait sur la base du fait que dans toute interrogation partielle, nous avons besoin d'un mot interrogatif pour poser une question, ceci parce que la question porte sur un constituant de la phrase et non sur toute la phrase. Les mots interrogatifs que nous allons regrouper sous l'étiquette syntagme Qu sont : les pronoms interrogatifs, les adverbes interrogatifs et les adjectifs interrogatifs.

Cela dit, nous allons parler de l'interrogation partielle en Shupamem. Soient la phrase suivante et ses différentes transformations :

(19) a. polo naÌ fû maì jaìuÌndeÌ pó maÌ.

Paul Accs habiter à Yaoundé avec moi « Paul habite à Yaoundé avec moi. »

b. polo ø-fû jaì pó maì n?Ì ?
Paul PRS- habiter où avec moi M Int « Où habite Paul avec moi ? »

c. polo ø-fû maÌ jaìuÌndeÌ pópaÌ wo n?Ì ?
Paul PRS- habiter à Yaoundé avec qui M Int « Avec qui Paul habite-il à Yaoundé? »

d. aì ø-fû wo maÌ jaìuÌndeÌ pó maì n?Ì?
c'est PRS- habiter qui à Yaoundé avec moi M Int « C'est qui qui habite à Yaoundé avec moi ? »

La phrase (19a) est une phrase affirmative qui nous a permis d'obtenir les phrases (19b et c). Les phrases (19b et c) nous montrent clairement que dans une interrogation partielle, l'interrogation porte bel et bien sur un constituant de la phrase. Dans (19b) par exemple, l'interrogation porte sur le complément circonstanciel de lieu. Alors que dans la phrase (19c) l'interrogation porte sur le complément d'objet indirect (COT). Autant de choses qui nous permettent de confirmer que l'interrogation partielle porte sur une partie de la phrase interrogative.

4.2.3.1 Les constituants de l'interrogation partielle directe

Les langues du monde sont généralement classées selon la façon dont elles forment leur interrogation. C'est pour cette raison qu'on parle des langues à Qu in-situ et des langues à

81

Qu ex-situ. Les langues à Qu in-situ sont les langues dont les syntagmes Qu restent dans leur position canonique pendant la formation des interrogations. Le Shupamem ainsi que la plus part des langues camerounaises sont des langues à Qu in-situ. Observons les phrases suivantes :

(20) a. I ø-pó jaì n?Ì ?
3sg PRS -être où M Int « Où est-il ? »

b. I ø-pó n?Ì ?

3sg PRS- être qui M Int « Qui est-il ? »

En (20a et b), le syntagme Qu reste in-situ, il ne se déplace pas. Mais, il est très important de noter qu'il y a mouvement invisible de tout le syntagme de l'accord pour le spécifieur du syntagme de la force. L'arbre suivant schématise le déplacement qui s'est effectué en (20a).

(21)

SInt

Spéc

Int'

Int° SAccor

Ì n?

I ø-pó jaì

Nous voyons bien clairement qu'en Shupamem, le syntagme Qu reste in-situ. Il n'y a pas de déplacement du syntagme Qu de sa position canonique pour la périphérie gauche. Les langues à Qu ex-situ sont des langues qui admettent le déplacement du syntagme Qu de sa position canonique à la périphérie gauche. On dit que dans ces langues, il y a fronting du syntagme Qu. Le français tout comme l'anglais sont des langues qui exhibent le fronting du syntagme Qu. Il est vrai qu'en français et en anglais, il arrive souvent que le syntagme Qu reste in-situ, dans ce cas précis il s'agit de l'utilisation du registre familier par celui qui parle, car le registre soutenu en français ou en anglais n'admet pas que le syntagme Qu reste in-situ dans les interrogations.

82

(22) a. What is your name «is » «what»? «What is your name? »

b.

What is your name «is » «what»?

c. Lequel veux-tu « veux » acheter maintenant « lequel » ?

Les phrases (22a, b et c) nous permettent de comprendre que le syntagme Qu s'est déplacé de sa position de base pour se retrouver en position initiale de phrase.

Maintenant, nous allons passer à l'identification les constituants de l'interrogation partielle directe en Shupamem. Pour cela, observons les exemples suivants :

(23) a. Matateyou ø -fû já n?Ì ?

Matateyou PRS- habiter où M Int « Où habite Matateyou ? »

b. iì ø- fiìk?Ìt poÌ wo n?Ì ?
3sg PRS-parler avec qui M Int « Avec qui parle-t-il ? »

c. ?gbom ø-poì b?ìs÷?Ì n?Ì ?
maïs PRS- coûter combien M Int « Combien coûte le maïs ? »

d. û ø-twoì f?Ì?n?Ì n?Ì ?
2sg PRS-venir quand M Int « Quand viens-tu ? »

Comme nous pouvons le constater à partir des phrases (23a, b, c et d), les constituants de l'interrogation partielle directe en Shupamem sont les suivants :

1. Le sujet

2. Le verbe

3. Le syntagme Qu

4. Le marqueur de l'interrogation

Ce que nous devons noter, c'est que l'interrogation partielle directe en Shupamem comporte toujours un mot interrogatif (pronom interrogatif, adjectif interrogatif, adverbe interrogatif...) autre que le marqueur de l'interrogation et . C'est d'ailleurs grâce à ce mot interrogatif que nous savons que nous avons à faire à une interrogation partielle.

83

4.2.3.1.1 Distribution des constituants de l'interrogation partielle directe

Pour rendre notre analyse plus fluide et plus facile à comprendre, nous allons reprendre les phrases (23a, b, c et d) un peu plus haut.

(24) a. Matateyou ø-?û ja' n?Ì ?

Matateyou PRS- habiter où M Int

Sujet verbe Adv Int M Int

« Où habite Matateyou ? »

b. i' ø- ?i'k?Ìt po' wo n?Ì ?
3sg PRS-parler avec qui M Int

Sujet verbe avec Pro Int M Int

« Avec qui parle-t-il ? »

c. ?gbom ø-po b?ìs÷?Ì n?Ì ?
maïs PRS- coûter combien M Int

Sujet verbe Adv Int M Int

« Combien coûte le maïs ? »

d. u' ø-two' f?ì?n?Ì n?Ì ?
2sg PRS-venir quand M Int

Sujet verbe Adv Int M Int

« Quand viens-tu ? »

Dans les phrases (24a, b, c et d), les adverbes (où), b?ìs÷?Ì ( combien), f?ì?n?` (quand) et le pronom interrogatif wo (qui) restent tous in-situ , ils ne se déplacent pas de leurs positions de base pour la périphérie gauche. Les constituants de l'interrogation partielle

directe se présentent comme suit : Sujet + verbe + Mot Inter + M Int

Maintenant, observons les interrogations partielles directes suivantes où les syntagmes Qu sont en initial de phrase :

(25) a. a' ji'ja` juo' u' ø- tá? n?Ì?

c'est Adv inter que sujet verbe M Int «C'est lequel que tu veux ? »

*b. ji'ja` u' ø- tá? n?Ì?

lequel 2sg PRS- vouloir M Int « Lequel que tu veux ? »

c. a' wo juo' i' ø-ntwo' n?Ì ?

c'est Adv inter que sujet verbe M Int
« C'est qui qui vient ? »

*e. wo i' ø-ntwo' n?Ì ?

quand 3sg PRS- venir M Int « Quand qu'il vient ? »

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Nous constatons que dans les phrases (25a et c), le pronom interrogatif jiìjaÌ (laquelle/lequel), l'adverbe interrogatif f?ì?n?Ì (quand) sont en initial de phrase. Ceci s'explique par le fait que ces mots interrogatifs sont focalisés. Ce qui nous permet de constater qu'en Shupamem le déplacement des pronoms et des adverbes interrogatifs n'est possible que lorsqu'il y a focalisation de ces derniers.

En outre, les phrases (25b et e) nous permettent de noter qu'en Shupamem l'adjectif interrogatif jiìjaÌ, l'adverbe interrogatif f?ì?n?Ì ne peuvent pas se retrouver en initial de phrase comme l'exemple français : qui veux-tu saluer ? Où nous avons le pronom interrogatif « qui » qui se trouve en initial de phrase. Nous avons alors la deuxième structure de l'interrogation partielle directe qui se présente comme suit :

Foc + Mot Inter + verbe + M Int

NB : Mot Inter = mot interrogatif

Nous pouvons nous résumer en disant qu'en Shupamem, l'interrogation partielle directe présente deux structures syntaxiques différentes :

Première structure :

Sujet + verbe + Mot Inter + M Int

Deuxième structure :

Foc + Mot Inter + sujet + verbe + M Int

4.2.3.2 Interrogation partielle indirecte

L'interrogation partielle indirecte se caractérise à l'oral par une intonation qui monte en fin de phrase. Alors qu'à l'écrit elle se termine par un point, elle comporte toujours un syntagme Qu. L'interrogation partielle indirecte porte sur l'un des constituants de la phrase. Observons les phrases suivantes :

(26)a. Ali naÌ ø-mbiì??Ì miÌ uì ø-nziìeì kw÷?ì n?Ì.

Ali Accs PRS- demander que 2sg PRS- dire quoi M Int « Ali demande ceque tu dis.

b. petro naÌ ø- tá? jiìn- n?iÌ miì uì ja n?Ì.
Pierre Accs PRS- vouloir INF savoir que 2sg où M Int « Pierre veut savoir où tu es.»

c. iì naÌ ø-mbiì??Ì miì ji ø- po wo n?Ì.
3sg Accs PRS- demander que celui PRS-être qui M Int « Il demande qui est celui-ci. »

d. f?Ìn naÌ ø- tá? jiìn- n?iÌ miì iì ø-?gwoìn jaì n?Ì.
roi Accs PRS- vouloir INF savoir que 3sg PRS- aller où M Int « Le roi veut savoir où tu vas. »

85

Les phrases (26a, b, c et d) sont des interrogations partielles indirectes, ici, nous recourons à l'enchâssement pour poser la question.

4.2.3.2.1 Les constituants de l'interrogation partielle indirecte

Dans cette section, nous allons identifier les constituants de l'interrogation partielle indirecte. Pour se faire, considérons les phrases suivantes :

(27) a. m?? naÌ ø-mbiì??Ì miÌ wa? ø- n3ù k÷?Ì n?Ì.

1sg Accs PRS- demander que père PRS-manger quoi M Int « Je demande ce que le père mange. »

b. iì naì ø- tá? jiìn - n3iÌ miì ii jaì n?Ì.

3sg Accs PRS- vouloir INF-savoir que 2sg où M Int « Il veut savoir où tu es. »

Les constituants de l'interrogation partielle indirecte en Shupamem tels que révélés par les phrases (27a et b) sont les suivants :

Le sujet (S) - le verbe interrogatif (VI) - Comp - la subordonnée interrogative (SI).

4.2.3.2.2 Distribution des constituants de l'interrogation partielle indirecte

Pour besoin de cohérence, nous allons reprendre les phrases (27a et b) pour identifier les constituants de l'interrogation partielle indirecte en Shupamem. Soient les phrases suivantes :

(28) a. m?? naÌ ø-mbiì??Ì miì wa? ø- n3ù k÷?Ì n?Ì.

1sg Accs PRS- demander que père PRS-manger quoi M Int

SUJET VI COMP SI
« Je demande ce que le père mange. »

b. iÌ naÌ ø- tá? jiìn- n3iÌ miì ii já n?Ì.

3sg Accs PRS- vouloir INF savoir que 2sg où M Int SUJET V VI COMP SI « Il veut savoir où tu es. »

Les constituants de l'interrogation partielle indirecte en Shupamem se distribuent selon le schéma suivant :

Schéma : SUJET + (V) + VI + COMP + SI

4.2.4 Interrogation alternative

Parlant de l'interrogation alternative, Nchare (2005 :143) dit ceci : Il s'agit des questions qui offrent le choix entre deux réponses possibles. Le choix peut aller du syntagme nominal simple à la phrase toute entière liée toute par la conjonction de coordination keì (ou) que nous traduisons en français par « ou ».

86

(29) a. m?ìn ntwo' ju' ku'n ke' ma'lo`ri n?Ì ?

enfant aller manger haricot ou riz M Int

« L'enfant mangera-t-il le haricot ou le riz ? » Nchare (2005 :143)

b. i' ø-?i'k?Ìt po' ma' ke' po' pe'tro` n?Ì ?
3sg PRS- parler avec moi ou avec pierre M Int « Parle-t-il avec moi ou avec Pierre ? »

c. u' ø-?gwo'n n?i'nka` ké ma' nda`p m?Ì? 2sg PRS- aller Njinka ou à maison M Int « Vas-tu à la maison ou à Njinka ?

En observant les phrases (29a, b et c), nous constatons que l'interrogation alternative est marquée par (ou) qui sépare les deux entités sur lesquelles portent l'interrogation. Nous utilisons obligatoirement le marqueur de l'interrogation n?Ì ou m?Ì en fin de phrase dans l'interrogation alternative.

4.2.4.1 Les constituants de l'interrogation alternative

Nous allons ici identifier les constituants de l'interrogation alternative en Shupamem. Observons les phrases suivantes :

(30) a. u' ø-n?u' ku'n ke' ?gbom ?Ì?

2sg PRS- manger haricot ou maïs M Int « Tu manges le haricot ou le maïs ? »

b. i' ø -?u' ?ai' ke' ku'ta`b?Ì n?Ì?

3sg PRS- habiter ici ou Koutaba M Int « Habite-il ici ou à Koutaba ? »

Comme nous pouvons constater à partir des phrases (30a et b), l'interrogation alternative en Shupamem est une phrase qui ne présente aucune transformation : c'est une phrase qui a la même structure qu'une phrase affirmative. Les constituants de cette phrase sont disposés comme les constituants d'une phrase déclarative :

Sujet - verbe - complément - ConjCor - Compl - M Int

4.2.4.2 Distribution des constituants de l'interrogation alternative Reprenons les phrases (30a et b).

(31) a. u' ø-n?u' ku'n ke' ?gbom ?Ì ?

2sg PRS- manger haricot ou maïs M Int

Sujet verbe complément ConjCor Compl M Int « Tu manges le haricot ou le maïs ? »

b. i' ø -?u' ?ai' ke' ku'ta`b?Ì n?Ì ?

3sg PRS- habiter ici ou Koutaba M Int

Sujet verbe complément ConjCor Compl M Int
« Habite-il ici ou à Kouaba ? »

La structure de l'interrogation alternative en Shupamem est la suivante :

87

Sujet + verbe + compl +ConjCor + Compl + M Int

ConjCor : conjonction de coordination

La structure ci-dessus nous permet de voir l'ordre des constituants dans une phrase interrogative.

4.2.5 Interrogation oratoire

Stanley (1986 : 408), cité par Ndiola, (2008 :109) définit les questions oratoires ou rhétoriques comme des questions dirigées ou des questions argumentativement orientées. Il continue en disant que ces formes d'interrogations ont pour fonction d'attirer l'attention de l'interlocuteur alors que les autres formes d'interrogation appellent l'action. Une question rhétorique ou question oratoire est une figure de style qui consiste à poser une question n'attendant pas de réponse, cette dernière étant connue par celui qui la pose. Certains linguistes appellent l'interrogation oratoire interrogation figurée car il y voit une manoeuvre du locuteur sur son allocutaire qui le place dans l'impossibilité de pouvoir ni nier ni répondre. C'est pourquoi la question rhétorique peut amener deux types de manoeuvres oratoires :

1) soit amener le public à prendre une décision (délibération) ;

2) soit en s'interrogeant soi-même on feint de proposer une objection (dubitation). Observons les phrases suivantes :

(32) a. n3?ì twoìl?ì? - poì n?ì niÌ ?

monde F3 être comment Int or
« Comment sera le monde ? »

b. û ø-ziìe k÷?ì niÌ ?
2sg PRS dire quoi Int or « Que dis-tu ? »

c. û ø - 3û k÷?Ì niÌ?
2sg PRS-manger quoi Int or « Que manges-tu ? »

d. û ø - ?gwoìn f?ì?n?Ì niÌ?
2sg PRS-aller quand Int or « Quand vas-tu ? »

Les questions (32a, b, c et d) font ressortir la dubitation de celui qui les pose. En fait, nous n'avons pas obligation de répondre à ces questions. Ces questions nous amènent à réfléchir profondément sur ce sur quoi elles portent et à prendre certaines dispositions conséquentes.

88

4.2.5.1 Les constituants de l'interrogation oratoire

Ici, il sera question pour nous d'identifier les constituants de l'interrogation oratoire en Shupamem.

Observons les phrases suivantes :

(33) a. lee' ø- po' n?ì ni` ?

école PRS- être comment Int or « Comment est l'école ? »

b. u' pe`-?gwo'n ma' nda`p po' m?ì?ga`k÷?Ì ni` ?
2sg p2 -partir à maison pour pourquoi Int or « Pourquoi étais-tu parti à la maison ? »

c. m?Ìn ø - gb?Ì t?Ì ta'm i` ?
enfant P1-tomber dans trou Int or « L'enfant est-il tombé dans le trou ? »

Nous devons tout d'abord noter que dans les phrases (33a, b et c), ni` et i` sont les marqueurs de l'interrogation oratoire. Ce sont ni` et i` qui nous permet de savoir en Shupamem que nous avons à faire à une interrogation oratoire. Les constituants de l'interrogation oratoire sont :

Le sujet (S) - le verbe(V) - (mot interrogatoire (mot inter)) - (le complément) -le marqueur de l'interrogation oratoire (Inter or)

4.2.5.2 Distribution des constituants de l'interrogation oratoire

Nous allons ici donner la structure de l'interrogation oratoire. Pour cela, nous allons nous appuyer sur les phrases (33a, b et c).

Soient les phrases suivantes :

(34) a. lee' ø- po' n?ì ni` ?

école PRS- être comment Int or

Sujet verbe mot inter Int Or
« Comment est l'école ? »

b. u' pe`-?gwo'n ma' nda`p po' m?ì?ga`k÷?Ì ni` ?

2sg p2 -partir à maison pour pourquoi Int or

Sujet verbe complément mot inter Int Or
« Pourquoi étais-tu parti à la maison ? »

c. m?Ìn ø - gb?Ì t?Ì ta'm i` ?
enfant P1-tomber dans trou Int or Sujet verbe complément Int Or « L'enfant est-il tombé dans le trou ? »

A partir des exemples (34a, b et c), nous constatons qu'en Shupamem la structure de l'interrogation oratoire est la suivante :

Sujet +verbe + (complément) + (mot inter) + Int Or

89

4.2.6 Interrogation averbale en Shupamem

L'interrogation averbale est une particularité du Shupamem. L'interrogation averbale est une phrase interrogative qui ne contient pas de verbe. L'interrogation averbale est une phrase interrogative qui est constituée des éléments qui dépendent directement du verbe à savoir le sujet et le complément bien que ne possédant pas de verbe. Le sujet du verbe est appelé l'argument externe alors que le complément du verbe est le l'argument interne.

Observons les phrases suivantes :

(35) a. u' ja' n?Ì ?

2sg où M Int « Où es-tu ? »

b. p?ìn pi's÷?Ì n?Ì ?

enfants combien M Int

« Combien d'enfants y a-t-il ? »

c. nda'p b?ìs÷?Ì n?Ì ?
maison combien M Int « Combien coûte le loyer ? »

d. ?a'p b?ìs÷?Ì n?Ì ?

viande combien M Int

« Combien coûte la viande ? »

*e. m?ìn f??n? n?Ì ?

enfant quand M Int « Quand enfant ? »

Nous constatons que les phrases (35a, b, c, d et e) ne contiennent pas des verbes, mais ils contiennent toutes des sujets. Ce qui nous permet de dire qu'il y a eu effacement du verbe, c'est ce que nous appelons ici effacement verbal. Ces phrases sont dites alors averbales. Ceci nous permet de déduire que dans certaines phrases interrogatives en Shupamem, l'utilisation des verbes n'est pas obligatoire, elle est optionnelle, c'est-à-dire que nous avons le choix d'utiliser ou de ne pas utiliser le verbe.

Nous devons aussi noter que la forme averbale de l'interrogation n'est pas possible avec tous les mots interrogatifs en Shupamem (pronoms interrogatifs, adjectifs interrogatifs et adverbes interrogatifs). La forme averbale de l'interrogation n'est possible qu'avec l'adverbe interrogatif de lieu ja' (où), l'adverbe interrogatif de quantité pi's÷?Ì (combien) et l'adverbe interrogatif de prix b?ìs÷?Ì (combien) comme nous montrent les phrases (35a, b, et c). La phrase (35e) est agrammaticale parce que nous avons posé la question avec l'adverbe interrogatif de temps.

90

Il convient aussi de remarquer tout de même que l'utilisation de la forme averbale d'interrogation est motivée par la recherche d'économie de la part de la personne qui parle. En effet, cette personne veut utiliser moins de mots possibles pour se faire entendre. Et pour cette raison, elle préfère utiliser des phrases qui ne sont pas correctes sur le plan syntaxique, mais qui sont correctes sur le plan purement sémantique.

4.2.6.1 Les constituants de l'interrogation averbale en Shupamem

Nous allons maintenant identifier les constituants de l'interrogation averbale. Soient les phrases suivantes :

(36) a. p?ì já n?Ì ?

3pl où MInt « Où sont-ils?»

b. ndiá k÷?ì n?Ì ?

aujourd'hui quoi M Int

« Quelle est la date d'aujourd'hui ? »

c. wó já n?Ì ?

qui où M Int
« Qui est où ? »

d. k÷?ì já n?Ì ?

quoi où M Int

« Qu'est-ce qui est où ? »

Comme nous le montrent les phrases (36a, b, c et d), les constituants de l'interrogation averbale en Shupamem sont : l'argument sujet sur lequel porte la question, le mot interrogatif et le marqueur de l'interrogation.

4.2.6.2 Distribution des constituants de l'interrogation averbale

Nous allons identifier l'ordre dans lequel se présentent les constituants de l'interrogation averbale en Shupamem.

Reprenons les phrases (36a, b, c et d) plus haut :

(37) a. p?ì já n?Ì ?

3pl où MInt

Sujet syntagme Qu M Int « Où sont-ils?»

b. ndia

k÷?Ì n?Ì ?

aujourd'hui quoi M Int

Sujet syntagme Qu M Int

« Quelle est la date d'aujourd'hui ? »

d. wó

já n?Ì ?

qui où M Int
Syntagme Qu syntagme Qu M Int

91

« Qui est où ? »

d. kXâ já n(3 ?

quoi où M Int

Syntagme Qu syntagme Qu M Int « Qu'est-ce qui est où ? »

Les structures de la phrase averbale sont les suivantes :

1-

2-

Sujet + mot inter +M Int

Syntagme Qu + syntagme Qu+ M Int

Nous avons en Shupamem deux (02) structures de l'interrogation averbale. Nous pouvons avoir un constituant en position sujet ou deux syntagmes Qu.

NB : Nous devons noter que l'interrogation averbale est seulement possible avec un seul temps verbal en Shupamem : le présent (P).

Dans le tableau qui suit, nous allons récapituler les types d'interrogations ainsi que leurs caractéristiques.

Tableau1 : Récapitulatif des caractéristiques des types d'interrogations en Shupamem

Marqueurs
interrogatifs

Types

d'interrogatio ns

Marqueur
de
interrogatio
n
« (3/n(3/
m(3 »

Marqueur
de
interrogat
ion «
] /n]»

Autre mot
interrogatif
plus

« (3/n(3/
m(3
/ ] / n] »

Présence de
mot
interrogatif
autre que
« (3/n(3/m(3 /
]/n] »

Réponse
obligatoir
e autre
que
« oui/non»

Réponse par « oui/non »

Interrogation totale directe

oui

non

non

non

non

oui

Interrogation totale

indirecte

oui

non

oui

oui

non

oui

Interrogation partielle directe

oui

non

oui

oui

oui

non

Interrogation partielle indirecte

oui

non

oui

oui

oui

non

Interrogation alternative

oui

non

oui

oui

oui

non

Interrogation oratoire

oui

oui

non

oui

oui

non

Interrogation averbale

oui

non

oui

oui

oui

non

92

Le tableau ci-dessus récapitule les types de phrases interrogatives en Shupamem et ce qui les caractérise. C'est pourquoi, nous pouvons voir sur notre tableau oui et non. Oui veut dire que l'interrogation a les caractéristiques indiquées alors que non signifie que l'interrogation n'a pas les caractéristiques indiquées. Oui/non veut dire que les caractéristiques peuvent être là ou pas.

Le tableau suivant récapitule les structures de phrases interrogatives que nous avons recensées en Shupamem.

Tableau 2 : Récapitulatif des structures des interrogations en Shupamem

Types

d'interrogations

Structures interrogatives

01

Interrogation totale
directe

1- SUJET+ VERBE + (COMPLEMENT) + M INT

2- SUJET + NEG + VERBE + PPR+ (CIRCONSTANT) + M Int

3- FOC+ VERBE +SUJET + (CIRCONSTANT) + M Int

4- FOC + (CIRCONSTANT) + COMP + SUJET + VERBE + M INT

02

Interrogation totale
indirecte

5- SUJET + (V) + VI + COMP + SI

03

Interrogation partielle directe

6- SUJET+ VERBE +MOT INTER + M Int

7- FOC + MOT INTER + SUJET + VERBE + M Int

04

Interrogation partielle indirecte

8- SUJET + (V) + VI + COMP + SI

05

Interrogation
alternative

9- SUJET + VERBE +(COMPL) +CONJCOR + COMPL + MInt

06

Interrogation oratoire

10- SUJET+ VERBE + (COMPLEMENT) + MOT INTER+INT OR

07

Interrogation
averbale

11- SUJET + MOT INTER+ M Int

12- SYNTAGME QU + SYNTAGME QU+ M Int

Comme nous pouvons le constater, nous avons en Shupamem douze (12) structures

interrogatives réparties de la manière suivante :

- Quatre (04) structures des interrogations totales directes

- Une (01) structure de l'interrogation totale indirecte

- Deux (02) structures des interrogations partielles directes

- Une (01) structure de l'interrogation partielle indirecte

- Une (01) structure de l'interrogation oratoire

- Une (01) structure de l'interrogation alternative

- Deux (02) structures de l'interrogation averbale

Ce qui nous permet de noter qu'en Shupamem, le type d'interrogation le plus

prolifique qui présente plusieurs structures est l'interrogation totale directe avec six (04)

93

structures. Suivent ensuite l'interrogation partielle directe et l'interrogation averbale avec toutes deux (02) structures. Et enfin, nous avons l'interrogation totale indirecte, l'interrogation alternative l'interrogation partielle indirecte et l'interrogation oratoire qui compte chacune une (01) structure. Le graphe suivant nous permet de représenter la fréquence des structures des interrogations en Shupamem.

Graphe 1 : Fréquence et pourcentage des structures des interrogations en Shupamem

Ce graphe nous montre la fréquence des structures des interrogations en Shupamem. Il nous permet en outre de savoir quelle structure interrogative est la plus répandue en Shupamem.

4.3 Analyse des interrogations à Qu multiple

Il sera question pour nous ici de parler des questions à Qu multiple ; c'est-à-dire des interrogations qui ont plusieurs syntagmes Qu. Pour cela, nous allons analyser les différents déplacements des syntagmes Qu dans une interrogation à Qu multiple. Pour se faire, nous

94

allons nous appuyer sur la contrainte de supériorité, Attract Closest Principle et la contrainte sur les dépendances emboîtées.

La contrainte de supériorité (superiority condition) stipule que dans une interrogation à Qu multiple, le syntagme Qu en position basse29 ne peut pas se déplacer avant le syntagme Qu en position haute30.

Considérons les phrases suivantes :

(38) a. wo ja' n?Ì?
Qui où M Int « Qui est où ? »

b. *ja' wo n?Ì ?

Où qui M Int «Où est qui ?»

(39) a. k÷?ì ja' n?Ì ?
quoi où M Int «Qu'est-ce qui est où ? »

b. *ja' k÷?Ì n?Ì ?

où quoi M Int
« Où est quoi ? »

Dans les phrases (38a) et (39a), nous avons à faire à des interrogations averbales à Qu multiple. Dans (38a) et (39a) nous avons les syntagmes Qu en position haute qui sont wo (qui) et k÷?Ì (quoi) et le syntagme Qu en position basse qui est ja' (où) dans toutes les deux phrases. Nous constatons que la contrainte de supériorité est respectée dans cette interrogation. Ceci parce que les syntagmes Qu en position haute wo (qui) et k÷?Ì (quoi) se déplacent avant le syntagme Qu en position basse ja' (où).

Contrairement aux phrases (38a) et (39a) qui sont grammaticales, nous constatons que les phrases (38b) et (39b) ne le sont pas. L'agrammaticalité de (38b) et (39b) s'explique par le fait que la contrainte de supériorité n'est pas respectée ici car en (38b), le syntagme Qu en position basse ja' (où) s'est déplacé avant le syntagme Qu en position haute wo (qui), et ja' (où) s'est déplacé avant k÷?Ì (quoi) en (39b).

Selon Bayer (2004), dans une question à Qu multiple, la trace du syntagme Qu en position initiale doit c-commander le syntagme Qu in-situ. C'est ce que nous montre l'exemple anglais ci-dessous :

29 Les syntagmes Qu en position basse sont les adjoints référentiels et les adjoints non référentiels. En Shupamem, les syntagmes Qu en position basse sont : ja' (où), f?ì?n?Ì (quand) et m?ì?ga`k÷?Ì (pourquoi).

30 Dans une interrogation à Qu multiple, les syntagmes Qu en position haute sont les arguments. En Shupamem, les syntagmes Qu en position haute sont wo (qui) et k÷?Ì (quoi).

95

(40) [[Comp whatj whoi] ti read tj]

(Strik 2004:92), ex. 148)) Pesetsky 1987: 100), ex.6))

`Attract Closest Principle', ce principe syntaxique stipule que dans une interrogation à Qu multiple, « a head which attracts a given kind of constituent attracts the closest constituent of the relevant kind »31 (Radford 2006: 136)

En fait, cela revient à dire que dans une interrogation à Qu multiple, c'est le syntagme Qu qui est en position haute qui doit se déplacer en premier lieu ; or comme nous l'avons dit un peu plus haut, il y a deux syntagmes Qu qui sont en position haute. Il s'agit des arguments wo (qui) et k÷è (quoi). Ceci veut dire que ce sont ces deux arguments qui doivent se placer avant les adjoints référentiels et les adjoints non référentiels. Les exemples (38a) et (39a) illustrent très bien ce que nous venons d'expliquer.

Nous devons aussi noter que même dans les interrogations à Qu multiple avec focalisation d'un syntagme Qu, ce sont toujours les syntagmes Qu en position haute qui se déplacent avant les syntagmes Qu en position basse (adjoints référentiels et adjoints non référentiels). C'est ce qu'illustrent les exemples suivants :

(41) a. aì ø-?gwoìn wo jaì n?Ì ?

c'est PRS- partir qui où M Int « Qui part où ? »

b. aì wo juoì I ø-?gwoìn jaÌ n?Ì?

c'est qui que 3sg PRS- partir où M Int
« C'est qui qui part où ? »

*c. aì jaì juoì ø-?gwoìn wo n?Ì ?

c'est quoi que PRS- partir qui M Int « C'est où qui part ? »

Nous pouvons observer que dans la phrase (41a), nous avons deux syntagmes Qu qui se trouvent en fin de phrase ; il s'agit de wo (qui) et jaì (où). Dans la phrase (41b), wo (qui) est focalisé et nous avons une phrase grammaticale. Mais (41c) est agrammaticale parce que c'est jaì (où), syntagme en position basse qui est focalisé au lieu de wo (qui), syntagme en position haute.

La Contrainte sur les Dépendances Emboîtées (Nested Dependency Condition) stipule que si deux dépendances de trace Qu se chevauchent, l'une doit contenir l'autre. L'exemple (50) ci-dessous nous illustre cette contrainte.

(42) a Whoi did you persuade ti to read what?

qui.Wh faire.PRET.2sg tu.NOM convaincre.INF de lire.INF quoi.Wh

31 Une tête qui attire un constituant donné attire le constituant du même genre le plus proche.

96

« Qui as-tu convaincu de lire quoi ? »

*b ??What1 did you persuade who(m) to read t1 ?

que.Wh faire.PRET.2sg tu.NOM convaincre.INF qui.Wh de lire.INF « Qu'as-tu convaincu à qui de lire ? »

(Strik 2004 : 93, ex. 151a&b) Pesetsky 1987 : 104, ex. 20))

Strik (2004) estime que la phrase (42a) est grammaticale alors que la phrase (42b) ne l'est pas, cela s'explique par le fait que dans (42a), le déplacement de who est emboîté dans le déplacement de what, alors que dans (42b) les deux déplacements se croisent. Il continue en disant que (42a) est jugé meilleur que (42b). Cela s'explique si on prend en considération la représentation de ces questions en FL. Par hypothèse, la représentation en FL de (42a) et (42b) correspond aux structures suivantes :

(43) a [S' what1 [S' whoi [S you persuade ti to read t1]]]

b)?? [S'whoi [S' what1 [S you persuade ti to read t1]]]

(Strik 2004 : 93, ex. 152a et b)

La Contrainte sur les Dépendances Emboîtées vient confirmée l'hypothèse selon laquelle le syntagme Qu en position haute se déplace toujours avant les syntagmes Qu en position basse.

4.3.1 Distribution des syntagmes Qu en Shupamem

Pour savoir la distribution des syntagmes Qu dans une interrogation à Qu multiple nous allons analyser les interrogations ayant plusieurs syntagmes Qu.

Soient les phrases suivantes :

(44) a. m?Ìn ka`pî - tá? k÷?Ì f??n?Ì m??ga'k÷?Ì n?Ì ?

enfant P4 vouloir quoi quand pourquoi M Int « L'enfant voulait quoi quand et pourquoi ? »

*b. wo ka`pi'- tá? k÷?Ì f??n?ì m??g'ak÷?Ì n?Ì?

qui P4-vouloir quoi quand pourquoi M Int « Qui voulait quoi quand et pourquoi ? »

Nous constatons que dans la phrase (44a), l'argument wo est focalisé. C'est pour cette raison qu'il se trouve à la périphérie gauche. La phrase (44b) est agrammaticale parce que wo (qui) se trouve à la périphérie gauche de la phrase interrogative. Or, pour que le syntagme wo

97

(qui) soit en initial de phrase, il faut que ce syntagme soit focalisé ou que nous ayons à faire à une interrogation averbale.

La phrase (44a) nous permet d'identifier l'ordre des syntagmes Qu dans une interrogation à Qu multiple. L'ordre des syntagmes Qu dans une interrogation à Qu multiple est le suivant :

Argument + Adjoints référentiels +Adjoints non référentiels

Si cet ordre n'est pas respecté, la phrase sera agrammaticale. Nous allons représenter la phrase (44a) sur un arbre.

(45) SInt

Spéc Int'

Int° ST

`

n?

Spéc

 

T'

T° SV

Spec

V'

SN Spec

N'

Adv'

SAdv

Spéc Adv'

Adv°

Adv°

N° SAdv

Spec

 

m?Ìn

enfant

ka`pî

P4

tá?

k÷?Ì

vouloir quoi

f??n?Ì

quand

m??ga'k÷?Ì

pourquoi

 

L'arbre (45) ci-dessus représente la phrase (44a). Cet arbre nous permet de voir les différents mouvements qui se sont opérés.

98

Conclusion

Dans ce chapitre, notre préoccupation était d'identifier les types d'interrogations en Shupamem, de parler de la distribution des constituants de la phrase interrogative, d'identifier et d'expliquer les différents mouvements que subissent les constituants des phrases interrogatives en Shupamem. Notre étude nous a révélé qu'il y a en Shupamem cinq (05) types d'interrogations à savoir : L'interrogation totale, l'interrogation partielle, l'interrogation alternative, l'interrogation rhétorique et enfin l'interrogation averbale. Lorsque le syntagme Qu n'est pas focalisé, il reste in-situ, alors que lorsqu'il est focalisé, il est ex-situ. Mais aussi, nos données nous ont révélées que dans les interrogations averbales, le syntagme Qu est en position ex-situ sans être focalisé. Ces différentes analyses nous ont permis d'arriver à la conclusion selon laquelle le Shupamem est une langue à Qu in-situ et à Qu ex-situ.

Nous avons parlé des interrogations à Qu multiples qui sont en fait des phrases interrogatives comportant plusieurs mots Qu. Il était plus question pour nous de dire pourquoi dans une interrogation à Qu multiple les arguments doivent se déplacer avant les adjoints référentiels ou les adjoints non référentiels. Nous avons pris appui sur la contrainte de supériorité pour dire que dans une interrogation à Qu multiple, le syntagme Qu en position basse ne peut pas se déplacer avant le syntagme Qu en position haute. Or, nous savons que le syntagme Qu en position basse renvoie aux adjoints référentiels et aux adjoints non référentiels. Alors que le syntagme Qu en position haute désigne les arguments. C'est pourquoi dans une interrogation à Qu multiple qui contient un argument et un adjoint référentiel ou un adjoint non référentiel, l'adjoint référentiel ou l'adjoint non référentiel ne peut pas se déplacer avant l'argument.

Pour finir, nous avons parlé de la distribution des syntagmes Qu dans une interrogation à Qu multiple. En nous appuyant sur la contrainte de supériorité, Attract Closest Principle et la contrainte sur les dépendances emboîtées, nous sommes arrivés à la conclusion selon laquelle l'ordre des syntagmes Qu dans les interrogations à Qu multiple est la suivante :

Argument - Adjoints référentiels - Adjoints non référentiels

99

Chapitre V :

 

LA PERIPHERIE GAUCHE EN SHUPAMEM

Introduction

Dans le chapitre IV nous avons identifié les types d'interrogations en Shupamem, les constituants de la phrase interrogative, la distribution de ces derniers, en fin, nous avons expliqué les différents mouvements que subissent les constituants des phrases interrogatives dans cette langue. Dans ce chapitre, il sera question pour nous de parler de la périphérie gauche en Shupamem. Pour cela, nous allons tout d'abord identifier les constituants qui se trouvent dans la périphérie gauche et par la suite, nous allons parler des phénomènes qui sont à l'origine du déplacement de ces constituants pour la périphérie gauche. Ceci nous amènera à parler tour à tour de la focalisation, de la topicalisation et de la relativation. Pour finir, nous allons donner la cartographie de la périphérie gauche. Nous ne saurions commencer ce chapitre sans parler de l'éclatement de la catégorie SC (syntagme du complémenteur).

5.1 L'éclatement de SC

Suite aux travaux de Kayne (1984) et de Pollock (1989) entre autres, plusieurs auteurs tels que Rizzi (1997, 2001b, 2004a) et Belletti (2009) estiment que la périphérie gauche doit contenir plusieurs catégories. C'est à ce moment précis qu'est née l'idée de l'éclatement de SC en plusieurs projections. En fait, la périphérie gauche peut héberger un ensemble hétérogène de syntagmes comme les pronoms interrogatifs, les complémenteurs et les verbes fléchis, mais aussi les pronoms relatifs, les éléments topiques et les éléments foci. C'est ainsi que Rizzi (1997) propose que SC se compose de plusieurs projections. Notons que la structure que Rizzi propose est essentiellement basée sur des données italiennes. D'après Rizzi, la projection SC est constituée des projections SForce, SFoc, SFin et de deux projections STop, dans l'ordre suivant :

(1) SForce (STop1) SFoc (STop2) SFin SI

La périphérie gauche est dominée par une catégorie SForce, où est exprimée la force illocutoire de la phrase. Ensuite, elle possède deux projections de topique. En italien (et dans d'autres langues) une même phrase peut contenir deux, voire plusieurs syntagmes topiques. En revanche, une phrase ne peut par hypothèse contenir qu'un seul syntagme focus. Observons les phrases suivantes :

(2) 100

Il libro, a Gianni, domani, pro glielo darò s enz'altro.32 «The book, to John, tomorrow, I'llgive it to him for sure»

(Rizzi 1997: 290, ex. 21)

(3) * A GIANNI IL LIBRO pro darò (non a piero, l'articulo).33
«To John the book tomorrow I'll give, not to Piero, the article» Rizzi (1997 : 290, ex. 22)

Si un syntagme focus est combiné avec deux syntagmes topiques, un de ces syntagmes topiques doit précéder le syntagme focus comme l'indique l'exemple suivant :

(4) A Gianni, QUESTO, domani, pro gli dovrete dire.34 «To Gianni, THIS, tomorrow, you should tell him» Rizzi (1997 : 291, ex. 23)

5.2 La focalisation

La focalisation consiste à mettre en exergue ou en emphase un constituant parmi tant d'autres. Selon Strik (2008 :82), il est commun dans la littérature de distinguer deux types de focus35 : le focus contrastif ou focus étroit36 et le focus non-contrastif ou focus large37.

La technique la plus utilisée dans la focalisation est le clivage. De manière générale, et ceci en français, on distingue quatre parties dans une phrase clivée : un pronom, une copule, un syntagme clivé ou focalisé, parfois appelé `pivot' et une proposition clivée ou coda.

(5) C' est la voiture que Pierre a acheté.

pronom copule syntagme clivé coda

32lérwà, né 3an, fuim3ti, maì twoì -faì niÌ m?Ì gaìbèkèt.

livre, à Jean, demain, 1sg F1 donner à sûrement « Le livre, à Jean, demain, je le lui donnerai sûrement. »

Nous avons traduit ici la phrase (2), et comme nous pouvons le constater, cette phrase à une traduction en Shupamem. Toute chose qui nous permet de conclure que la structure proposée par Rizzi existe en Shupamem.

33 *né 3an, lérwà, m? nà taìp twó faà né Petro, jiìr? jùm. à Jean livre, 1sg Accs Nég F1 donner à Pierre article

« A JEAN LE LIVRE je donnerai, pas A PIERRE, L'ARTICLE. » Cette phrase est agrammaticale en Shupamem.

34 né 3an, jiì, fuim3ti, û pé-lò rié?

à Jean ça demain 2sg Cond dire

« A Jean, ÇA, demain, tu devrais lui dire. » Cette phrase est la traduction de la phrase (4).

35 Selon Creissels (2004 :2), un élément de la phrase est mis en focus s'il apparaît particulièrement chargé d'une valeur informative

36 D'un point de vue sémantique, le focus contrastif représente la valeur de la variable liée par un opérateur abstrait qui exprime une identification exhaustive. D'un point de vue syntaxique, le focus contrastif est lui même par hypothèse un opérateur qui se déplace vers une position de portée dans le spécifieur d'une projection fonctionnelle et qui lie une variable.

37 Le focus non-contrastif correspond à l'information nouvelle de la phrase. Chaque phrase contient un focus non-contrastif. En revanche, chaque phrase ne contient pas un focus contrastif.

101

Nchare (2012) identifie deux stratégies de focalisation en Shupamem. Selon lui un constituant peut être focalisé par clivage c'est-à-dire, qu'on recourt à la clivé â (c'est). Par ailleurs, un constituant peut aussi être focalisé par duplication verbale. Comme le montre l'exemple suivant.

(6) a. man swô pâjù tà pàm.

enfant mettre nourriture dans sac

« l'enfant a mis la nourriture dans la sac. »

b. man swô pâjù swô tà pàm.

enfant mettre nourriture mettre dans sac « L'enfant A MIS la nourriture dans le sac. »

Comme nous pouvons observer, en (6a), nous avons à faire à une phrase déclarative. En (6b), c'est le verbe swô (mettre) qui est focalisé. Nous allons revenir de long en large sur la focalisation par duplication verbale dans la suite de notre travail.

Comme nous l'avons dit plus haut, dans une phrase, nous ne pouvons pas focaliser plus d'un constituant. En Shupamem, nous utilisons le clivage pour exprimer la focalisation. Par ailleurs, dans cette langue, il est possible de focaliser le sujet, le complément d'objet direct, le complément d'objet indirect et le complément circonstanciel.

5.2.1 Focalisation du sujet

Considérons la phrase suivante et ses dérivations :

(7)a. Ali pi-jùn rjgbôm né mà mà jaûndè.

Ali P2-acheter maïs à moi à Yaoundé
« Ali m'avait acheté le maïs à Yaoundé.

b. â Ali pi-jùn rjgbôm né mà mà jaûndè.
c'est Ali P2-acheter maïs à moi à Yaoundé « C'est Ali qui m'avait acheté le maïs à Yaoundé. »

c. â Ali jud iì pi-jùn rjgbôm nè mà mà jaûndè nâ.
c'est Ali qui 3sg P2-acheter maïs à moi à Yaoundé Comp « C'est Ali qui m'avait acheté le maïs à Yaoundé. »

(8) a. Petro 0 -rjgwôn mà jaùndè.

Pierre PRS- aller à Yaoundé « Pierre part à Yaoundé. »

b. â Petro jud iì 0 -rjgwèn mà jaùndè nâ.

C'est Pierre qui 3sg PRS-aller à Yaoundé Comp
« C'est Pierre qui va à Yaoundé. »

* c. â Petro 0 -rjgwôn mà jaùndè nâ.

C'est Pierre PRS-aller à Yaoundé Comp
« C'est Pierre va à Yaoundé. »

102

Dans (7b), nous avons focalisé le sujet « Ali ». Cette focalisation s'est faite par clivage. C'est pour cette raison que « Ali » se trouve en initial de phrase. En (8b), Petro (Pierre) a été focalisé en se déplaçant, sa trace est remplacée par le pronom résomptif i' (il) qui est le sujet de Ø -?gwo`n (aller) ; en fait, le Shupamem ne permet pas que la position sujet soit vide Nchare (2012 :505). Par ailleurs, nous constatons que c'est a' (c'est) en début de phrase qui permet de focaliser.

(8c) est agrammatical parce qu'il ne contient pas juo'(qui). La structure de (7c) est identique à (8c) qui est agrammatical, qu'est-ce qui peut bien expliquer le fait que (7c) bien qu'ayant une même structure que (8c) soit grammatical ? En Shupamem et au temps passé, il est

possible de focaliser un constituant en position sujet sans recourir à juo' n?ìet avoir une
phrase correcte mais quand nous avons à faire au présent nous utilisons obligatoirement juo'. L'agrammaticalité de (8c) est dû à l'absence de juo'. En conclusion, nous pouvons dire que la focalisation du sujet se fait en Shupamem de deux façons :

1. a' (c'est) en début de phrase suivi du constituant focalisé.

2. a' (c'est) en début de phrase suivi du constituant focalisé plus juo'(qui) et n?ì en fin de phrase;

L'arbre suivant représente la phrase (7b).

103

(9) SClivée

Spéc Clivée'

Clivée° SFoc

Spéc Foc'

Foc° ST

Spéc T'

T° SV

Spéc V'

V° SN

Spéc N'

N° SP

Spéc P'

P° SN

Spéc N'

N° SP

Spec P'

P° SN Spéc N'

aì Ali Ali pI juÌn ?gbom né maÌ maÌ jauìndeÌ

C'est Ali Ali P2 acheter maïs à moi à Yaoundé

L'arbre (9) représente la phrase (7b). Cet arbre nous permet de voir comment le sujet de la phrase « Ali » se déplace de [Spéc, ST] à [Spéc, SFoc]. Et ceci nous permet d'affirmer que le sujet peut être focalisé en Shupamem. Par ailleurs, nous pouvons dire avec Rizzi (1997) que l'élément focalisé occupe [Spéc, SFoc].

Nous allons représenter sur l'arbre suivant la phrase (8b) question pour nous d'avoir l'autre structure possible de la focalisation en Shupamem.

104

(10)

SForce

Spéc Force'

Force° Foc'

Foc° SClivée

Spéc Clivée
Clivée° SFoc

Spéc Foc'

Foc° SForce

Spéc Force'
Force° ST

Spéc T'

T° SV

Spéc V'

V° SP

Spec P'

P° SN Spéc N'

ì

n?

Comp

C'est Pierre qui 3sg aller à Yaoundé

aì Petro juoì I ?gwoÌn maÌ jauÌndeÌ

En (10), nous avons la deuxième structure de la focalisation en Shupamem. En fait ici, juoì(qui) et n?ì ont été ajouté à la phrase. En outre, à partir de l'arbre (10) ci-dessus, il ressort que juoì (qui/que) et n?ì occupent la tête du syntagme de la Force (Force°). Ce qui nous permet de constater qu'en Shupamem, la tête du syntagme de la Force peut héberger plusieurs constituants.

105

5.2.2 Focalisation du complément d'objet direct

Ici, nous allons nous intéresser au complément d'objet direct. Il sera question pour nous de voir si le complément d'objet direct peut être focalisé en Shupamem. Pour cela, observons les exemples suivants :

(11) a. ali 0 -fa mâtwà nè petro.

Ali PRS- donner voiture à pierre
« Ali donne la voiture à Pierre. »

b. â mâtwâ juô ali 0 -fa nè petro nâ.

c'est voiture que Ali PRS- donner à Pierre Comp « C'est la voiture que Ali donne à Pierre. »

(12) a. mbièr5 wô? rjgbôm mfiù â.

roi ecrasser maïs frais

« Le roi a ecrassé le maïs frais. »

b. à rjgbôm mfiù â jûo mbièr5 wô? nâ. c'est maïs frais que roi ecrasser Comp « C'est le maïs frais que le roi a ecrassé. »

Comme nous pouvons le constater, en (11b et 12b), nous avons focalisé respectivement le complément d'objet direct matwa (voiture) et rjgbôm ma il (maïs frais). La focalisation du COD est marquée par « â + le constituant focalisé + juô .....nâ ». L'arbre qui suit matérialise la phrase (11b).

(13)

SForce

Spéc Force'

Force° SClivée

Spéc Clivée'

Clivée° SFoc

Spéc Foc'

Foc° SForce

Spéc Force'

Force° ST

Spéc T'

T° SV

Spéc V'

V° SN

Spéc N'

N° SP

Spéc P'

P° SN
Spéc N'

' n)

a' matwa juo' ali fa' matwa nè petro

c'est voiture que Ali donner voiture à Pierre

106

Le complément d'objet direct matwa (voiture) a été focalisé, c'est pour cela qu'il occupe le spécifieur du syntagme du focus.

En outre, « n)' » occupe la tête de syntagme de la Force (SForce). Or, dans une phrase, nous savons que la plus haute projection doit être le syntagme de la force, c'est alors pour cette raison que tout le syntagme de la clivée (SClivée) s'est déplacé pour [Spéc, SForce] et nous donnant ainsi la structure que nous avons en (11b). Le dernier constat que nous faisons en observant l'arbre (13) c'est que nous n'avons pas de focalisateur. C'est pour cette raison que la tête du focus est vide

107

5.2.3 Focalisation du complément d'objet indirect

Dans cette partie, nous allons parler de la focalisation du complément d'objet indirect. Pour cela, considérons les phrases suivantes :

(14) a. i' 0 - taa' pa'ju` nè m?Ìn.

3sg PRS- laisser nourriture à enfant
« Il laisse la nourriture à l'enfant »

b. a' nè m?Ìn juo' i' 0 -taa' pa'ju` n?ì.

c'est à enfant que 3sg PRS- laisser nourriture Comp
« C'est à l'enfant qu'il laisse la nourriture. »

(15) a' nè wa?wa? juo' na? 0 -mbi'??Ì m?Ìn n?ì.

c'est à père que mère PRS-demander enfant Comp
« C'est au père que la mère demande l'enfant. »

En (14b) et (15), nous avons focalisé le complément d'objet indirect. En (14b), le COI m?Ìn (enfant) est focalisé, alors qu'en (15), c'est wa?wa? (père) qui est focalisé. Par ailleurs, la

focalisation du COI est marquée par « a' + le constituant focalisé + juo' n?ì ».

5.2.4 Focalisation du complément circonstanciel

Nous allons maintenant parler de la focalisation du complément circonstanciel de lieu en général. Soient les phrases suivantes :

(16) a. lérà 0 -jàp pé?i ndù t?ìb?Ì.
professeur PRS-déposer crayon sur table « Le professeur dépose le crayon sur la table. »

b. a' ndù t?ìb?Ì ?a' juo' lérà 0 -jàp pé?i n?ì.

c'est sur table où que professeur PRS-déposer crayon Comp « C'est sur la table que le professeur dépose le crayon. »

(17) a. lérà 0 -jàp pé?i mà ndàp.
professeur PRS-déposer crayon à maison « Le professeur dépose le crayon à la maison. »

b. a' mà ndàp ?a juo' lérà 0 -jàp pé?i` n?ì.

c'est à maison où que professeur PRS-déposer crayon Comp « C'est à la maison que le professeur dépose le crayon. »

(18) a. lérà 0 -jàp pé?i ndià mà ndàp.

professeur PRS-déposer crayon aujourd'hui à maison
« Le professeur dépose le crayon aujourd'hui à la maison. »

b. a' ndià juo' lérà 0 - jàp pé?i mà ndàp m?ì.

c'est aujourd'hui que professeur PRS-déposer crayon à maison Comp « C'est aujourd'hui que le professeur dépose le crayon à la maison. »

En (16b) le complément de lieu ndù t?Ìb? (sur la table) est focalisé. En (17b), nous avons focalisé le complément circonstanciel de lieu mà ndàp (à la maison). Finalement, en (18b), nous avons focalisé ndià (aujourd'hui) qui est le complément circonstanciel de temps.

108

Toute chose qui permet de confirmer que le complément circonstanciel est focalisé en Shupamem.

Il est important de noter que l'adverbe de lieu ?a (où) comme en (16b) et (17b) est utilisé lorsque nous focalisons un complément circonstanciel de lieu. ?a (où) est toujours utilisé en association avec juo' (qui/que).

Il convient de noter que pour focaliser le complément circonstanciel de lieu, nous

avons recouru à : « a' + le constituant focalisé.... ?a juo' n?ì ». Alors que pour focaliser le
complément circonstanciel de temps nous avons utilisé « a' + le constituant focalisé....

juo' n?ì ».

L'arbre suivant représente (16b).

á ndù téb?Ì ijá juó lérà jàp péfi` ndù t?Ìb

c'est sur table où que professeur déposer crayon sur table

' n?

109

(19) SForce

Spéc Force'

Force° SClivée

Spéc Clivée'

Clivée° SFoc

Spec Foc'

Foc° SAdv

Spec Adv'

Adv° SForce

Spec Force'

Force° ST

Spéc T'

T° SV

Spéc V'

V° SN

Spéc N'

N° SP

Spéc P'

P° SN

N'

110

Cet arbre matérialise le déplacement du complément circonstanciel de lieu ndù t?ìb?Ì (sur la table) de sa position canonique pour la périphérie gauche.

5.2.5 Focalisation du verbe

Nous allons nous intéresser ici à la focalisation du verbe en Shupamem. Avant de continuer, il convient de noter qu'en Shupamem, nous constatons avec Nchare (2012) que seuls les verbes à la forme infinitive peuvent être focalisés par clivage alors que les verbes conjugués quant à eux sont focalisés par duplication verbale.

Observons les phrases suivantes :

(20) a. a' ji'n -ju`n juo' m?? taa` n?ì.

c'est INF acheter que 1sg vouloir Comp
« C'est acheter que je veux. »

b. a' ji'n-?gwo'n juo' ma'ta` taa` n?ì.
c'est Inf -partir que Marthe vouloir Comp « C'est partir que Mathe veut. »

c. a` ji?-k?^ juo' m?ìn k?^ n?ì ?i` po` ji?-g??Ì.
ES INF cry that child cry Comp not Foc INF laugh «It is crying that the child is doing, not laughing.» Nchare (2012 :489), ex. 28c))

d. m?ìn two' two` g?^ r?.

enfant venir venir hier

« L'enfant EST VENU hier. »

e. i' pe^ fa' le`rwa` fa` ne` ma`.
3sg P2 donner cahier donner à moi « Il M'AVAIT DONNE le cahier. »

f. Ta^la' l?^ nto bv? e to.
Tala P4 braise potatoes his braise

«Tala BRAISED his potatoes.» (Gh?ma'la'', Mkounga (2015:93))

g. Atem a k?Ì? nc?u'u akend?Ì? c?u'u.
Atem Agr P1 boil plantain ø -boil

«Atem BOILED plantains.» (Nweh, Nkemnji (1995:138))

En (20a, b et c), ce sont les verbes à la forme infinitive qui sont focalisés. La focalisation des verbes dans (20a, b et c) s'est faite par clivage. Alors qu'en (20d), la focalisation s'est faite par duplication ou verb doubling pour parler comme Nchare (2012), nous voyons ici le verbe two' (venir) apparaître deux fois mais avec une différence de ton à relever.

Les phrases (20f et g) nous permettent de noter qu'en Gh?ma'la' et en Nweh, la focalisation se fait aussi par duplication verbale. En Gh?ma'la' pendant son déplacement, la

trace de ntô (braiser) est remplacée par sa copie (braiser) nous notons que la nasale [n] en début de ce verbe a disparu. Ce même phénomène est observé en Nweh avec la disparition de la nasale [n] en début du verbe Mu. Dans le processus de focalisation par duplication verbale, la trace du verbe déplacé est occupée par un verbe résomptif. En (20d), la trace du verbe two (venir), est occupé par le verbe résomptif twô (venir) la seule différence étant seulement au niveau des tons.

Afin de schématiser les différents mouvements qui s'opèrent dans une focalisation par duplication verbale, nous allons nous inspirer de la représentation arborescente faite par Mkounga (2015).

(21) ST

Spéc T'

T° SFoc

Spéc Foc'

Foc ° SV

[+Foc] Spéc V' Mkounga (2015 :95) tô bvu e

Tâlâ la

Tâlâ la^ [nto bvu e] to

nto bvu é

111

En observant l'arbre (21), nous notons que le verbe ntô (braiser) s'est déplacé de la tête du syntagme verbal pour la tête du syntagme du focus, pendant ce mouvement, il est devenu tô (braiser). Pendant son déplacement, la trace de ntô (braiser) est remplacée par sa copie. Et par la suite, il y a eu déplacement de tout le syntagme verbal pour le spécifieur du syntagme du focus.

Représentons maintenant la phrase (20e) sur un arbre.

112

(22) ST

Spéc T'

T° SFoc

Spéc Foc'

Foc° SV

[+Foc] Spéc V'

V° SN

Spéc N'

N° SP

donner cahier à moi

fà lèrwà nè mà.

iì pê fâ

3sg P2 donner

L'arbre (22) nous permet de voir les différents mouvements qui se sont opérés en (20e). Comme nous pouvons le constater, le verbe (donner) s'est déplacé de la tête du syntagme verbal pour la tête du syntagme du focus. Pendant son déplacement, sa trace est remplacée par sa copie. Et pour finir, tout le syntagme verbal s'est déplacé pour le spécifieur du syntagme du focus.

5.2.6 Focalisation des arguments dans les interrogations averbales

En Shupamem, il est possible de focaliser les arguments dans les interrogations averbales.

Observons les phrases suivantes :

(23) a. wô jâ nà ?
qui où M Int « Qui est où ? »

b. â wô jâ nà?

c'est qui où M Int « C'est qui qui est où ? »

(24) a. kkâ jâ nà?

quoi où M Int

« Qu'est-ce qui est où ?

b. â kkâ jà nà ?

c'est quoi où M Int

« C'est quoi qui est où ? »

113

Les phrases (23a) et (24a) nous permettent de noter que dans les interrogations averbales en Shupamem, le syntagme Qu est en initial de phrase bien qu'il ne soit pas focalisé. (23b) et (24b) nous permettent d'observer que dans les interrogations averbales, il est possible de focaliser les syntagmes Qu. En (23b), nous avons focalisé wo (qui) alors qu'en (24b), c'est k÷á (quoi) qui a été focalisé. Représentons la phrase (23b) sur un arbre syntaxique.

(25) SInt

Spéc Int

Int° SClivée

Ì

n?

Spéc

Clivée' Cleft°

Spéc

SFoc

Foc'

Foc°

Spéc

ST

T'

T° SV

Spéc V'

V° SAdv

Spéc Adv'

Adv°

aì wo

c'est qui

wo

qui

jaì

L'arbre ci-dessus illustre très bien la focalisation de l'argument wo. En outre, il nous indique aussi que le verbe n'existe pas dans les interrogations averbales en Shupamem. Par ailleurs, cet arbre nous permet de voir que wo (qui) est le sujet de la phrase. C'est pour cette raison qu'il se trouve à [Spéc, ST].

5.2.7 Focalisation des adjoints référentiels

Dans cette partie, nous allons focaliser les adjoints référentiels en Shupamem. Mais avant de présenter nos données, il convient de mentionner que nous allons parler ici de deux adjoints référentiels : jaì (où) et f?ì?n?Ì (quand).

Soient les phrases suivantes :

(26) a. û ø - ndieì jaÌ n?Ì?

2sg PRS-dormir où M Int

114

« Où dors-tu ? »

*b. a' f?ì?n?Ì ?a' u' 0 - ndie` n?Ì?

c'est quand où 2sg PRS-dormir M Int « C'est quand que tu dors ? »

(27) * a` ja' ?a' léra`? ja'p pe'?i` n?Ì?
Es where that teacher put pencil M Int

«Where is that the teacher put the pencil? » Nchare (2012 :481, ex. 19a)

(28) *a` n? f?'?n?Ì juo' léra`? ju'n pé?i` n?Ì?
Es at when that teacher buy pencil QM

«When is it that the teacher bougth the pencil? » Nchare (2012 :481, ex. 20b)

Les phrases (26b, 27 et 28) sont agrammaticales parce que les adjoints référentiels : ja' (où) et f?ì?n?Ì (quand) sont focalisés. En fait, nous constatons avec Nchare (2012) qu'en termes de questionnement, il est impossible de focaliser les adjoints référentiels en Shupamem.

5.2.8 Focalisation des adjoints non référentiels

Nous allons étudier le comportement des adjoints non référentiels m?ì?ga`k÷?Ì (pourquoi) et n?ì (comment) lorsqu'ils sont focalisés. Pour cela, observons les phrases suivantes :

(29) * a` m?ì?ga`k÷?Ì juo' léra`? ju`n pé?i` n?Ì?
Es why that teacher buy pencil QM

«Why is it that the teacher bougth the pencil? » Nchare (2012 :481), ex. 20b)

(30) * a` n?ì juo' léra`? ju`n pe`?i` n?ì?
Es how that teacher buy pencil comp

«How is it that the teacher bougth the pencil? » Nchare (2012 :482), ex. 21b)

(31) * a' m?ì?ga`k÷?Ì juo' na? 0 -two` n?Ì?
c'est pourquoi que mère PRS-venir M Int « C'est pourquoi que vient la mère ? »

(32) * a' n?ì juo' na? 0 -two` n?Ì ?
c'est comment que mère PRS-venir M Int « C'est comment que vient la mère ? »

Comme nous pouvons le constater, les adjoints non référentiels m?ì?ga`k÷?ì (pourquoi) et n?ì (comment) ne peuvent pas être focalisés en Shupamem. C'est d'ailleurs pour cette raison que les phrases (29, 30, 31 et 32) sont agrammaticales.

5.2.9 La focalisation postverbale en Shupamem

Comme le montrent les travaux de Nchare (2012), pendant la focalisation postverbale, le constituant focalisé ne se déplace pas pour la périphérie gauche il reste in-situ. En fait, il s'agit ici de la focalisation in-situ ; c'est ce que Aboh (2007) appelle in-situ focus.

115

Nchare découvre que la focalisation postverbale est marquée en Shupamem par po`. Par ailleurs, il constate que lors de la focalisation postverbale, po` sert de marqueur de focalisation devant les constituants suivants : les compléments d'objets directs et indirects, les adjoints référentiels et non référentiels.

(33) le'ra`? ju`n po` k??Ì/wo` n?Ì ?
Teacher buy Foc what/who QM

« What/who did the teacher buy? » Nchare (2012 : 499, ex.37a)

(34) m?ìn jap po` n?Ìk?Ì n?Ì ?
Enfant déposer Foc rapidement M Int « L'Enfant a t-il déposé rapidement ? »

Nchare représente la phrase (33) comme suit :

(35) TP

Spéc T'

T po-P

T V+v1 FocP

DP1 Foc'

Foc T'

vP

< DP1> v'

<V+v > VP

V DP2

le'ra`? ju`n po` k??Ì/wo`

Dans cet arbre ci-dessus que nous propose Nchare, nous notons que le marqueur de la focalisation po` vient avant les constituants focalisés k??Ì/wo` (quoi/qui). Selon Nchare, le Shupamem projette un syntagme différent ; le syntagme po` (Spo`) qui domine directement FocP.

Maintenant, représentons la phrase (34).

116

(36) TP

Spéc T'

T pò-P

T V+v FocP

DP1 Foc'

Foc° T'

vP

< DP1> v'

<V+v > VP

V DP2

m?ìn jap po` n?Ìk?Ì .

A travers l'arbre (36), nous notons que le Shupamem a un marqueur de la focalisation. En outre, ce marqueur est projeté et occupe la tête du syntagme po` (Spo`).

Au terme de cette analyse sur la focalisation, nous constatons qu'en Shupamem, un seul constituant occupe Foc° : il s'agit du verbe dans la focalisation par duplication verbale.

Le tableau suivant nous permet de recenser toutes les stratégies de focalisation en Shupamem.

Tableau 1 : Les stratégies de focalisation en Shupamem

Constituants focalisés

Stratégies de focalisation

Marqueurs du Focus

Sujet

a`+ sujet+ju'o n?ì

Pas de marqueur du focus

COD/COI

a`+ COD/COI + ju'o n?ì

Pas de marqueur du focus

Complément

circonstanciel de temps

a`+ Complément circonstanciel de

temps + ju'o n?ì

Pas de marqueur du focus

Complément

circonstanciel de lieu

a`+ Complément circonstanciel de lieu

+ ?a n?ì

Pas de marqueur du focus

Verbe à l'infinitif

a`+ Verbe à l'infinitif +ju'o n?ì

Pas de marqueur du focus

Verbe conjugué

duplication verbale (verbe + verbe

/verbe .+ verbe

Verbe

Focalisation postverbale

 

COD/COI

La phrase garde la structure SVO

po`

Adjoints référentiels et non référentiels

La phrase garde la structure SVO

po`

117

Le tableau ci-dessous présente les constituants et leurs stratégies de focalisation. Par ailleurs, ce tableau recense aussi les différents marqueurs du focus en Shupamem. Comme nous pouvons le voir, en Shupamem, il existe de marqueur du focus. Mais il convient de noter que la focalisation est marquée lors de la focalisation postverbale seulement.

5.3 La topicalisation

En linguistique, on appelle topicalisation (dans la tradition terminologique anglophone) ou thématisation (dans la tradition terminologique francophone) un procédé langagier consistant à mettre en position de thème (topic en anglais) un élément ou un groupe d'éléments qui compose la phrase. Généralement, le thème s'oppose au rhème. Le rhème représente un propos « nouveau » alors que le thème représente l'élément d'un énoncé qui est censé être connu par les participants à la communication.

La topicalisation est le mécanisme qui consiste à poser, à l'initiale, un terme topique38 ; il s'agit en fait de mettre en valeur un constituant de l'énoncé par contraste avec d'autres constituants qui sont exclus.

Il convient de noter que les procédés de topicalisation varient d'une langue à une autre. De manière générale, la technique ou le procédé de topicalisation le plus courant est la dislocation39 du constituant topicalisé en initial de phrase.

En outre, nous pouvons topicaliser plusieurs constituants en Shupamem, mais seulement, il faut que tous ces constituants appartiennent à un même paradigme ou une même partie du discours.

5.3.1 Topicalisation du sujet

Ici, il s'agit de la topicalisation du sujet dans une phrase. En Shupamem, nous pouvons avoir la topicalisation du sujet. Considérons les phrases suivantes :

(37) a. m?ìn, I ø-?gwoÌn.

enfant 3sg PRS-partir « L'enfant, il part. »

b. wa? poÌ na?, p?ì ø-twoÌ.
père et mère 3pl PRS-venir « Le père et la mère, ils viennent. »

c. wa?, na?, poÌ m?Ìn, p?ì ø-twoÌ.

père mère et enfant 3pl PRS-venir

« Le père, la mère et l'enfant, ils viennent. »

38Un topique est un élément de l'énoncé à partir duquel l'énonciateur développe un commentaire. 39 La dislocation consiste à déplacer l'élément à topicaliser en tête de phrase.

118

Comme nous le montrent les phrases (37a, b et c), la topicalisation du constituant sujet est caractérisée par :

1. Le déplacement du constituant sujet à gauche ;

2. Une pause.

5.3.2 Topicalisation du complément d'objet

Le complément d'objet peut être topicalisé en Shupamem. C'est ce qu'indiquent les phrases suivantes :

(38) a. rigbôm, pâ nà ø-fè.

maïs 3spl Accs PRS-cultiver
« Le maïs, ils le cultivent. »

b. mâtwà, m5 ø-jus n.

voiture 1sg PRS-acheter

« La voiture, je l'ai achetée. »

Les phrases (38a et b), nous permettent de découvrir que la topicalisation du complément d'objet est possible en Shupamem. La topicalisation se caractérise en Shupamem par :

1. Le déplacement du complément d'objet ;

2. Une pause ; (39)

STop

Spéc

 

Top'

Top° ST

Spéc T'

T° SV

Spéc V'

V° SN

N' N°

mâtwà m5 ø jus n « matwa »

voiture 1sg PRS acheter voiture

119

L'arbre (39) nous permet de schématiser la topicalisation et en particulier la phrase

(38b).

5.3.3 Topicalisation du complément circonstanciel Soient les phrases suivantes :

(40) a. ?aiì, Ali maÌ ø- n?î.

Ici Ali Neg PRS-connaître
« Ici, Ali ne connait pas. »

b. n?imbam, iì ø-?gwoÌn. Njimbam, 3sg PRS-aller « Njimbam, il y va. »

Nous pouvons noter que le complément circonstanciel peut être topicalisé en Shupamem. La topicalisation du complément circonstanciel se caractérise par :

1. Le déplacement du complément d'objet ;

2. Une pause.

5.4 La relativation

Dans cette section, il sera question pour nous de parler de la relativation en Shupamem, pour cela, il importe tout d'abord de définir ce qu'on entend par relativation. Selon Ondoua (2004 :66), la relativation est la formation des propositions relatives. Il s'agit d'une opération de fusion de deux phrases pour en former une seule ; un enchâssement dans une phrase de base d'une phrase dite relative grâce à l'utilisation d'un pronom relatif.

Dubois et al (2001) quant à eux pensent qu'en grammaire générative, la relativation est la formation d'une relative par une transformation qui enchâsse une phrase (phrase constituante) dans le syntagme nominal d'une autre phrase (phrase matrice) au moyen d'un relatif.

Ondoua (2004 :66), parlant de la relativation en Shupamem s'appuie sur la notion de la hiérarchie d'accessibilité à la position de sujet. Nous entendons par hiérarchie d'accessibilité à la position de sujet l'idée selon laquelle si on peut former les propositions relatives à un niveau précis sur la hiérarchie, il est possible de former des propositions à toutes les positions supérieures (à la gauche sur la hiérarchie).

Ceci dit, nous allons parler de la relativation du sujet, du complément d'objet direct, du complément d'objet indirect et du complément circonstanciel.

5.4.1 Relativation du sujet

Observons les phrases suivantes :

(41) m?Ìn juoì ù ø- mbiÌ??Ì n?ì pî -twoÌ ?aìiÌ.

enfant qui 2sg PRS-voir Comp P3 -venir ici
« L'enfant que tu demandes était venu ici. »

(42)

120

na? juoì iì ø- ?gwoÌn maÌ ndaÌp n?ì paÌ Alima.
Enfant qui 3sg PRS- aller à maison comp être Alima « La mère qui part à la maison est Alima. »

(43) ndaÌp juoì I fù tùm n?ì paÌ jiì Ali.
Maison qui 3sg habiter dans comp être pour Ali « La maison dans laquelle il habite appartient à Ali. »

Les phrases (41), (42) et (43) contiennent toutes des constituants relativés. Dans chacune de ces phrases, le sujet du verbe a été relativé. Ce qui nous permet de relativiser les constituants en Shupamem est le pronom relatif juô (qui) qui vient juste après le constituant relativé et n?ì qui se trouve en fin de phrase. En effet, comme le dit Biloa (2014) en étudiant le Muyang, n?ì est un complémenteur final (final complementiser), son rôle est de marquer la fin des propositions ou des constituants relativés. En (41), (42) et (43), n?ì indique la fin des propositions relatives. Ce qui nous amené à déduire qu'en Shupamem, n?ì marque la fin des propositions relatives et la fin des phrases qui comporte un constituant focalisé (voir la section consacrée à la focalisation).

La relativation du sujet est marquée par « le constituant relativé + juoì ..... n?ì ».

L'arbre suivant est la représentation arborescente de (42).

SAccor

(44) SForce

Spéc Force'

Force° SRel

Spéc Rel'

Rel° SAccor

Spéc Accor'

Accor° ST

ì

n?

na? juoì I ?gwoÌn maÌ ndaÌp

mère qui 3sg aller à maison

paÌ Alima être Alima

121

Spéc T' Accor'

T° SV Accor° ST

Spéc

V'

V° SP

Spéc

T'

T° SV

 

Spéc

P'

 

V' SN

 

 

SN

 

V° N'

 
 

Spéc

N'

 

 
 
 

 
 

122

L'arbre (44) ci-dessus nous permet d'observer le mouvement qui s'est opéré en (42). En fait, en (44), le sujet (la mère) s'est déplacé de sa position de base pour la périphérie gauche en laissant une trace. Sa trace est occupée par le pronom résomptif (elle). Car comme nous l'avons dit plus haut, le Shupamem ne permet pas que la position sujet soit vide. Par ailleurs, nous notons aussi que le site d'atterrissage du constituant relativé est le spécifieur du syntagme de la relativation [Spéc, SRel]. Et juô (qui) occupe la tête du syntagme de la relativation.

Relativation du complément d'objet direct

Nous allons parler de la relativation du complément d'objet direct. Pour cela,

examinons les phrases suivantes :

(45) ù nà zû màtwà. 2sg Accs laver voiture « Tu laves la voiture de Ali. »

(46) mâtwà pà jiì Ali.
voiture être pour Ali

« La voiture est pour Ali. »

En combinant (45) et (46), nous avons la phrase suivante :

(47) mâtwà juô ù zù n6 pà jiÌ Ali.
voiture que 2sg laver Comp être pour Ali « La voiture que tu laves est pour Ali. »

En (45), màtwà (voiture) est le complément d'objet direct de (lave), en (47), mâtwà (voiture) a été relativé et ceci par le biais du pronom relatif juô (que). L'arbre suivant représente la phrase (47).

SAccor

pa` ji` Ali

être pour Ali

'

n?

Spéc N'

ma'twa` juo' ù zù ma'twa`

voiture que 2sg laver

Spéc P' P° SN

Spéc SN

N' N°

123

(48) SForce

Spéc Force'

Force° SRel

Spéc Rel'

Rel° SAccor

Spéc Accor' Accor'

Accor° ST Accor° ST

Spéc T' Spéc T'

T° SV T° SV

Spéc V' Spéc V'

V° SN V° SP

124

Comme nous pouvons le constater, le complément d'objet direct ma'twa` (voiture) a été relativé ; c'est pour cela qu'il se retrouve en initial de phrase. En conclusion, nous constatons qu'en Shupamem, le COD peut être relativé.

5.4.1.1 Le complémenteur n?ì

Le complémenteur n?ì est utilisé dans le processus de la relativation et de la focalisation en Shupamem. Il marque la relativation et la focalisation. Observons les phrases suivantes:

(49) nda'p juo' u twó -ju`n n?ì pa' ji` Njoya.
Maison que 2sg F1 acheter comp être pour Njoya « La maison que tu achètera est pour Njoya. »

(50) ma'twa' juo' Njikam ø -ta'? n?ì pa' ji` Nji.
Voiture que Njikam PRS-chercher comp être pour Nji « La voiture que tu cherche est pour Nji. »

(51) a' m?Ìn juo' i ø - swo` l?ìrwa` t?Ì pa`m n?ì.
C'est enfant qui 3sg PRS-mettre cahier dans sac comp « C'est l'enfant qui met le cahier dans le sac. »

(52) a' polo juo' i' ø -faa'? pa'ju` n?ì.
C'est Paul qui 3sg PRS-donner nourriture comp « C'est Paul qui donne la nourriture. »

En (49), nous avons relativé nda'p (maison) alors qu'en (50), ma'twa' (voiture) a été relativé. Le constat que nous faisons en observant ces deux phrases c'est qu'elles contiennent toutes le complémenteur n?ì. En fait, ici, n?ì marque la fin des propositions relatives. En (51), m?Ìn (enfant), a été focalisé. Et En (52), polo (Paul), a été focalisé. (51) et (52) se terminent par le complémenteur n?ì. Donc dans ce cas précis, n?ì marque la fin d'une phrase avec un constituant focalisé. Ce qui nous permet de conclure en disant qu'en Shupamem, le complémenteur n?ì a un double rôle : celui de marquer la fin des propositions relatives et celui de marquer la fin d'une phrase avec un constituant focalisé. Comme nous l'avons dit un peu plus haut en nous référant sur l'étude menée par Biloa op.cit., en étudiant le Muyang, n?ì est un complémenteur final (final complementiser), son rôle est de marquer la fin des propositions ou des constituants relativés.

5.4.2 Relativation du complément d'objet indirect

Observons les phrases suivantes :

(53) petro juo' f?Ìn ø -taa` m?Ìn ni' n?ì ø -li?Ì.
Pierre qui roi P1 -laisser enfant à Comp PRS -dormir « Pierre à qui le roi a laissé l'enfant dort. »

(54) 125

m?Ìn juo' u' na` 0 - fa' b?Ìm ni` n?ì pê-?gw`on n?ì.

enfant qui 2sg Accs P1 -donner argent à Comp P2-venir Comp « L'enfant à qui tu as donné l'argent est parti. »

En (53) et (54), nous avons relativé le complément d'objet indirect. En (53), le COI qui est relativé est petro alors qu'en (54) c'est m?Ìn (enfant) qui est relativé. Notons que chacun des constituants relativés est précédé du pronom relatif juo'.

5.4.3 Relativation du complément circonstanciel

Nous allons parler de la relativation des compléments circonstanciels en Shupamem. Pour cela, observons les phrases suivantes :

(55) nda'p ?a` Ali 0- ?gwo`n n?ì 0 -pa' ma` ?y`.
maison où Ali PRS- partir Comp PRS-être à Foumban « La maison où Ali part est à Foumban. »

(56) li'? ?a` i' 0-ja'p b?Ìm n?ì 0 -pa' ma` ?y'.
endroit où 3sg PRS-déposer argent Comp PRS-être à Foumban « L'endroit où il a déposé l'ragent est à Foumban »

(57) ta'sa` ?a` u' ka`pî -su`o pa`ju` n?ì 0-fe`n?Ì ji`.
assiette où 2sg P4 -mettre nourriture Comp PRS- ressemble celle-ci « L'assiette où tu mettais la nourriture ressemble à celle-ci. »

Dans les trois phrases ci-dessus (55), (56) et (57), le complément circonstanciel est relativé. La focalisation du complément circonstanciel de lieu est marquée par « le constituant relativé + ?a` ..... n?ì ». Les phrases (55), (56) et (57) nous permettent d'arriver à la conclusion selon laquelle le complément circonstanciel peut être relativé en Shupamem.

5.5 La cartographie de la périphérie gauche en Shupamem

Après avoir parlé de la focalisation, de la topicalisation et de la relativation, il est maintenant question pour nous de donner la cartographie de la périphérie gauche en Shupamem. Pour cela, observons les phrases suivantes :

(58) a. m?Ìn juo' i' na` twó -ju`n ma'twa` n?Ì Ali Magba n?ì 0 -two`.

enfant qui 3sg Accs F1-acheter voiture à Ali Magba Comp P1-venir

« L'enfant qui achètera la voiture à Ali à Magba est venu. » (Relativation)

b. a' m?Ìn juo' i' na` twó -ju`n ma'twa` n?Ì Ali Magba n?ì.

C'est enfant qui 3sg Accs F1-acheter voiture à Ali Magba Comp

« C'est l'enfant qui achètera la voiture à Ali à Magba. » (Focalisation)

c. n?Ì Ali, m?Ìn juo' i' na` twó -ju`n ma'twa` ni` Magba n?ì 0 -two`

à Ali enfant qui 3sg Accs F1-acheter voiture à Magba comp P1-venir

« À Ali, l'enfant qui lui achètera la voiture à Magba est venu. » (Topicalisation)

d. m?Ìn juo', n?Ì Ali, a' Magba ?a`, ma'twa`, i' na` twó -ju`n ni` n?ì 0 -two`.
enfant qui à Ali, c'est Magba où, voiture, 3sg Accs F1-acheter lui Comp P1-venir

126

« L'enfant qui, à Ali, c'est à Magba où, la voiture, il l'achètera, est venu. » SForce > SRel > (STop1) >SFoc > (STop2)

*e. â Magba rjà, mâtwà, nà Ali, m3n juô, iì nà twó -jùn niÌ nâ 0 -twô. C'est Magba où voiture à Ali enfant qui 3sg Accs F1-acheter lui Comp P1-venir « C'est à Magba où, la voiture, à Ali il l'achètera, est venu. »

* SForce > SFoc > (STop1) > (STop2)>SRel

f. nà Ali, m3n juô â Magba rjà, mâtwà, iì nà twó -jùn niÌ nâ 0 -twô.

à Ali, enfant qui c'est Magba où voiture 3sg Accs F1-acheter lui Comp P1-venir « À Ali, l'enfant qui c'est à Magba où, la voiture, il l'achètera, est venu. »

SForce > (STop1) >SRel > SFoc> (STop2)

*g. nà Ali, mâtwà, m3n juô â Magba rjà, iì nà twó -jùn niÌ nâ 0 -twô.

à Ali, voiture enfant qui c'est Magba où 3sg Accs F1-acheter lui Comp P1-venir « À Ali, la voiture, l'enfant qui c'est à Magba où, il achètera, est venu. »

*SForce > (STop1) > (STop2)>SRel > SFoc

*h. â Magba rjà, m3n juô, mâtwà, nà Ali iì nà twó -jùn niÌ nâ 0 -twô. C'est Magba où enfant qui voiture à Ali 3sg Accs F1-acheter lui Comp P1-venir « C'est à Magba où, l'enfant, la voiture, à Ali il achètera, est venu. »

* SForce > SFoc > SRel> (STop1) > (STop2)

Les phrases (58b, c, d, e et f) nous permettent d'identifier l'ordre des constituants de la périphérie gauche en Shupamem. En (58d), nous avons focalisé m3n (enfant). Alors qu'en (58c), nà Ali (à Ali) a été topicalisé. La phrase (58d) contient un syntagme relativé m3n (enfant), un syntagme topicalisé nà Ali (à Ali), un syntagme focalisé (Magba) et un autre syntagme focalisé mâtwà (voiture). Ce qui nous permet d'avoir la structure suivante :

SForce > SRel > (STop1) > SFoc > (STop2)

(58f) contient deux constituants topicalisés nà Ali (à Ali) et mâtwà (voiture), un constituant relativé m3n (enfant) et un constituant focalisé (Magba). Ce qui nous donne la structure suivante :

SForce > (STop1) > SRel > SFoc > (STop2)

(58e) est agrammaticale parce que le syntagme de la relativation est précédé par le syntagme du focus. De même, (58g) est agrammaticale parce que les deux syntagmes du topique ainsi que le syntagme du focus précèdent tous le syntagme de la relativation. (58h) est agrammaticale parce que le syntagme du focus (SFoc) précède le syntagme de la relativation (SRel) ; en Shupamem, SFoc ne précède jamais SRel.

Après avoir analysé toutes ces phrases, nous constatons que la catégorie SC est constituée des projections suivantes : SForce, SFoc, STop et de SRel dans l'ordre suivant :

- SForce > SRel > (STop1) > SFoc > (STop2)

- SForce > (STop1) > SRel > SFoc > (STop2)

127

Il convient de noter que le syntagme du topique (STop) est la seule catégorie qui peut apparaître deux fois, les autres catégories ne pouvant apparaître qu'une fois.

L'arbre suivant représente la phrase (58d).

(59)

SAccor

ì

na

man juô nà Ali â Magba rjà mâtwà 1 nà twó-jùn mâtwà nè Ali Magba n1

Enfant qui à Ali c'est Magba où voiture 3sg Accs F1 acheter

fant qu A t M où vture 3sg eter voiture à Ali maga lui venir

lui

two!)

venir

SForce

Spéc Force'

Force° SRel

Spéc Rel'

Rel° STop

SP Top'

Spéc P' Top° SClivée Accor'

P° SN Spéc Clivée' Accor° ST

N'

Clivée° SFoc

 
 

Spéc

 

T'

Spéc Foc'

 
 
 

SV

 
 
 

Foc° SAdv

 
 
 
 
 
 
 
 
 

Spéc Adv'

 
 
 
 
 

V'

 
 
 

Adv°

STop

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Spéc

Top'

 
 
 
 

 
 
 
 
 
 

Top°

SAccor

 
 
 
 

129

En (58d) m?Ìn (enfant) a été relativé, c'est pour cette raison qu'il se déplace de [Spéc, SAccor] pour [Spéc, SRel] et sa trace est remplacée par i (3sg). n?Ì Ali (à Ali) a été

topicalisé, et pour cela, il s'est déplacé pour [Spéc, Stop]. Magba a été focalisé, c'est pourquoi il s'est déplacé pour [Spéc, SFoc]. MaìtwaÌ (voiture) a été topicalisé et pour cette raison, il occupe [Spéc, STop]. C'est après ces différents mouvements que nous avons la phrase (58d).

Conclusion

Ce chapitre était consacré à la périphérie gauche en Shupamem. Pour cela, nous avons parlé de la focalisation, de la topicalisation et de la relativation. Concernant la focalisation, nous avons découvert qu'en Shupamem, la focalisation se fait par clivage et par duplication verbale. Nos données nous ont permis de découvrir que le sujet, le complément d'objet direct, le complément d'objet indirect, le verbe à l'infinitif et le complément circonstanciel peuvent être focalisés par clivage et ceci grâce à l'élément explétif « » (c'est) en début de phrase. Alors que la focalisation des verbes conjugués se fait par duplication verbale. En outre, les arguments wo (qui) et k÷?Ì (quoi) peuvent être focalisés alors que les adjoints réferéntiels jaì (où) et f?ì?n?Ì (quand) ainsi que les adjoints non référentiels m?ì?gaÌk÷?Ì (pourquoi) et n?ì (comment) ne peuvent pas être focalisés. Par ailleurs, la focalisation se fait de deux manieres differentes selon que nous ayons à focaliser le sujet, le complément l'objet direct, le complément d'objet indirect ou que nous ayons à focaliser le complément circonstanciel. La focalisation du sujet, du complément d'objet direct et du complément d'objet indirect se fait de la manière suivante : « aì + le constituant focalisé + juoì .... n?ì », alors que la focalisation du complément circonstanciel de lieu se fait de la façon suivante : « aì + le constituant focalisé +

?aÌ juoì n?ì ».

Nous avons aussi parlé de la topicalisation et nous nous sommes rendu compte que nous pouvons topicaliser le sujet, le complément d'objet et le complément circonstanciel. En effet, la topicalisation se fait par le déplacement du complément d'objet, une pause et parfois par la reprise anaphorique du constituant disloqué. En outre, nous avons parlé de la relativation de manière générale. Pour cela, nous avons parlé de la relativation du sujet, du complément d'objet direct, du complément d'objet indirect et du complément circonstanciel. Nous avons noté que dans le processus de la relativation, les constituants relativés (le complément d'objet direct, le complément d'objet indirect et le complément circonstanciel du temps) sont suivi de juoì qui occupe la tête du syntagme de la relativation. Nous avons découvert que la relativation du sujet, du complément d'objet direct, du complément indirect et du complément circonstanciel du temps est faite comme suit : « le constituant relativé + juoì .... n?ì », alors que

130

la relativation du complément circonstanciel de lieu se fait ainsi qu'il suit : « le constituant relativé + ijà ..... n».

Pendant la relativation, le constituant relativé occupe le spécifieur du syntagme de la relativation et juó (qui/que) occupe la tête du syntagme de la relativation (SRel). Nous avons découvert que le complémenteur nqui marque la fin des propositions relativées, occupe la projection Force qui est la plus haute projection et, c'est suite au déplacement de tout le syntagme de l'accord (SAccor) pour le spécifieur du syntagme de la force que nous avons la structure des phrases comportant des constituants relativés.

Pour finir, nous avons trouvé qu'en Shupamem, la projection SC est constituée des projections SForce, SFoc, STop et de SRel suivant cet ordre :

SForce > SRel > (STop1) > SFoc > (STop2)

-

- SForce > (STop1) > SRel > SFoc > (STop2)

131

CONCLUSION GÉNÉRALE

Ce travail qui arrive à sa fin avait pour objectif général de parler de la formation des questions en Shupamem. Pour cela, nous nous sommes donné pour tâche d'identifier les marqueurs de l'interrogation, d'identifier les types d'interrogations, d'identifier les différentes places qu'occupent les marqueurs de l'interrogation dans une phrase interrogative et de parler de l'ordre des constituants dans une phrase interrogative.

Mais avant de continuer il convient de noter que toutes nos hypothèses ont été confirmées. Notre hypothèse générale a été confirmée : en Shupamem, l'interrogation se forme de deux façons : soit par l'utilisation du marqueur de l'interrogation è, , ou l'interrogateur oratoire i` ou ni` en fin de phrase ou soit par l'utilisation du syntagme Qu et du marqueur de l'interrogation è, m?Ì, ou l'interrogateur oratoire i` ou ni` en fin de phrase.

Notre hypothèse secondaire n°1 a été confirmée : l'interrogation est marquée en Shupamem par le marqueur de l'interrogation è, m?Ì, ou l'interrogateur oratoire i` ou ni.

Notre hypothèse secondaire n°2 a été confirmée : le syntagme Qu est en initial de phrase lorsqu'il est focalisé alors qu'il est in-situ lorsqu'il n'est pas focalisé.

En fin l'hypothèse secondaire n°3 a été aussi confirmée : le syntagme Qu est en initial de phrase dans les interrogations averbales.

Le chapitre 1 intitulé « Le peuple bamoun et le Shupamem » était un chapitre introductif. Il nous a permis de parler succinctement du peuple bamoun. Ce chapitre nous a aussi permis de parler du système consonantique et vocalique ainsi que de classes nominales, du verbe et de la négation dans cette langue.

Le chapitre 2 intitulé « Cadre théorique » avait pour but de parler de la théorie utilisée dans notre recherche.

Dans le chapitre 3 intitulé « Les marqueurs de l'interrogation en Shupamem », nous avons parlé des différents mots interrogatifs en Shupamem. Nous avons découvert que l'interrogation est marquée en Shupamem par le marqueur de l'interrogation è, m?Ì, , i`, ni`, les pronoms interrogatifs, les adjectifs interrogatifs et les adverbes interrogatifs.

Le chapitre quatre intitulé « Typologie des questions en Shupamem » nous a permis de parler de types de questions, de la distribution des constituants de la phrase interrogative et d'identifier les différents mouvements des constituants des phrases interrogatives.

Nous avons découvert qu'il existe en Shupamem cinq (05) types d'interrogations : L'interrogation totale (l'interrogation totale directe et l'interrogation totale indirecte), l'interrogation partielle (l'interrogation partielle directe et l'interrogation partielle indirecte), l'interrogation alternative, l'interrogation rhétorique et l'interrogation averbale. Nous avons vu

132

que l'interrogation totale porte sur toute la phrase interrogative et a pour réponse oui ou non. L'interrogation totale directe en Shupamem est marquée par è, mè ou en fin de phrase. Alors que l'interrogation totale indirecte est marquée par le verbe interrogatif (VI), le complémenteur mi`, la subordonnée interrogative et le marqueur de l'interrogation. Parlant de l'interrogation partielle, nous avons vu que c'est une interrogation qui porte sur un constituant de la phrase ; elle est marquée en Shupamem par l'utilisation obligatoire du syntagme Qu et du marqueur de l'interrogation è, mè ou . Alors que l'interrogation partielle indirecte est marquée en Shupamem par le verbe interrogatif (VI), le complémenteur mi` et la subordonnée interrogative (SI) qui contient un Syntagme Qu (SI).

Concernant l'interrogation alternative nous avons vu que c'est une interrogation qui offre le choix entre deux réponses possibles ; la réponse pouvant être le syntagme nominal simple ou la phrase toute entière liée par la conjonction de coordination « kè ». L'interrogation alternative est marquée par la conjonction de coordination (ou) qui sépare les deux entités sur lesquelles il faut choisir et le marqueur de l'interrogation en fin de phrase.

Nous avons dit concernant l'interrogation rhétorique que c'est une interrogation ou on n'attend pas de réponse car cette dernière est connue par celui qui la pose. Cette interrogation est caractérisée par le mot interrogatif (syntagme Qu) et le marqueur oratoire i` ou ni` (Int or).

Après, nous avons parlé de l'interrogation averbale et nous avons dit que c'est une interrogation qui ne contient pas de verbe, mais qui contient un sujet et un marqueur interrogatif. Il est à noter que l'interrogation averbale sélectionne les mots interrogatifs suivants : les pronoms interrogatifs (qui) et k%è (quoi), l'adverbe interrogatif de lieu (où), l'adverbe interrogatif de quantité pfs%è (combien) et l'adverbe interrogatif de prix bits%è (combien). L'interrogation averbale est marquée par le mot interrogatif (syntagme Qu) en fonction sujet ou en fonction complément, l'absence du verbe et la présence du mot interrogatif (syntagme Qu) ainsi que le marqueur de l'interrogation.

Ce chapitre nous a permis de comprendre qu'en Shupamem, le syntagme Qu peut être in-situ ou en initial de phrase. Le syntagme Qu est in-situ lorsqu'il n'est pas focalisé. Alors que le syntagme Qu est en initial de phrase lorsqu'il est focalisé ou dans les interrogations averbales.

Le chapitre cinq intitulé « La périphérie gauche en Shupamem » constitue le dernier chapitre de notre travail. Ce chapitre nous a permis de parler de la focalisation, de la topicalisation et de la relativation. Pendant la focalisation et la relativation du sujet, la trace du sujet est remplacée par le pronom résomptif, ceci se justifie par le fait que le Shupamem

n'admet pas de position sujet vide. Finalement, nous avons découvert que la projection SC est constituée des projections SForce, SFoc, STop et de SRel dans l'ordre suivant :

-

SForce > SRel > (STop1) > SFoc > (STop2)

133

- SForce > (STop1) > SRel > SFoc > (STop2)

134

REFERENCES

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