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Etudes des principaux déterminants du non enregistrements des actes de naissance en Haïti : cas de la juridiction de Miragoàne de 1990 à  2000


par Benoit CLEMENT
Cornerstone Christian University - Maitrise 2021
  

Disponible en mode multipage

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CORNERSTONE CHRISTIAN UNIVERSITY

FACULTÉ DE DROIT

Études des principaux déterminants du non enregistrements des actes de naissance en Haïti : Cas de la juridiction de Miragoâne de 1990 à 2000

Mémoire de sortie pour l'obtention du diplôme de maitrise en Sciences Juridiques

Présenté par : Benoit CLÉMENT

Sous la direction du Professeur NOËL Samy

Haïti, juillet 2021

Introduction

Selon les Nations-Unies, l'enregistrement de l'état civil est consignation continue, permanent, obligatoire et universel des faits d'état civil et de leurs caractéristiques (naissances vivantes, morts foetales, mariages, divorces et décès) (ONU, 2001). Pour chacun de ces événements, les autorités étatiques établissent un type document y relatif dénommé : acte de l'état civil. L'officier de l'état civil est l'autorité désignée par la loi pour recevoir, conserver les actes de l'état civil et délivrer les copies ou extrait auxquels elles confèrent l'authenticité. Il exerce sa fonction au nom et pour le compte de l'Etat (Gabriel Marty, 1980). En tant qu'autorité publique chargée de représenter l'Etat, il est soumis à un régime particulier organisé par le Code Civil. Les fonctions de l'officier de l'état civil occupent dès lors une place importante tant dans le droit public qu'en droit privé. Cette originalité se déduit notamment de la polysémie de l'expression d'état civil qui, pris dans son sens le plus large, désigne la considération juridique de la personne dans la société en l'individualisant grâce à l'application des règles relatives à la nationalité ainsi que celles propres à l'état et la capacité des personnes (Bosse-Platière, Actes de l'état civil, 2010). Une seconde acception, plus étroite, renvoie l'état civil à la notion de famille, telle qu'elle résulte du mariage et de la filiation. Dans son sens plus commun enfin, l'état civil entend comme le service public auquel il incombe de dresser les actes instrumentaires retraçant les différents événements intéressant l'état d'une personne et de les conserver dans les registres en vue de leur exploitation. Le rôle premier de l'état civil consiste donc à enregistrer les actes constatant les événements marquant l'état d'une personne. L'enregistrement à l'état civil qui est donc une nécessité a une double finalité.

D'un côté pour l'individu, il détient une valeur essentielle. Primo, du point de vue sociologique, l'être social manifeste le besoin primaire d'exister et d'être intégré dans le groupe auquel il s'identifie culturellement. Jean-Jacques Rousseau a été le premier à formuler cette nouvelle conception de l'homme reposant sur le postulat qu'il ne peut exister sans les autres (Rousseau, 1989). Il rejoint ainsi Aristote en affirmant que la societe nait des faiblesses de l'individu. La societe contribue cependant de manière essentielle à l'affirmation de l'homme au sens de Tzvetan Todorov, et que chacun de nous a donc besoin des autres, besoin d'être considéré (Todorov, 1995). C'est Hegel qui lui-même a dénombré trois facteurs essentiels à la détermination de l'identité subjective de l'homme. Outre l'estime sociale et l'amour, le droit permet de rattacher les personnes à une collectivité, à un territoire et surtout à une histoire. Donc il n'y a pas d'Etat sans individu, l'un et l'autre étant indissociables. La relation entre ces deux entités contribue à favoriser, en terme de droit, un traitement abstrait de l'homme qui, dans la Déclaration des droits nait enfant et meurt célibataire (Hegel, 1963). Le droit naturel présuppose en effet l'appréhension de l'individu comme être suprême qui tend à la satisfaction d'un intérêt national par la détermination de ses sujets de droit.

Secundo, sur le plan de la jouissance de droit, il permet à l'individu de faire valoir les droits liés à sa condition, comme les différents événements de la vie tel que la naissance, l'adoption, le mariage ou encore le divorce. Considérant l'acte de naissance, par exemple, il représente le premier document par lequel l'Etat assume qu'il reconnaît une personne comme son ressortissant. À travers cet acte, les autorités nationales compétentes établissent la personnalité juridique de l'enfant en lui garantissant le bénéfice d'un ensemble de prérogatives fondamentales attachées à tout individu, comme le droit à une identité, un nom et un prénom, une date de naissance, un sexe (ou à la rigueur une identité sexuelle), des parents, une nationalité, une personnalité juridique et un héritage (Mathieu, 2020 ).

L'enregistrement à l'état civil a également une finalité collective. D'un côté, il permet à l'Etat de connaitre la situation des personnes vivant sur son territoire. En effet, en tout être humain, il y a non seulement un être individuel mais aussi un être social pris en considération par le groupe et à ce titre, traité comme un sujet de droit (Fenouillet, 2012). Grâce à cette qualité de sujet de droit, l'homme est doté de nombreuses prérogatives et de droits subjectifs dont il peut se prévaloir. A en croire cette définition, l'être humain serait avant tout un citoyen. Or, Terré et Fernouillet l'ont si bien dit, si l'homme peut s'affirmer comme citoyen c'est uniquement s'il s'affirme, d'abord en tant qu'homme en tant que tel, dans son universalité afin de mieux fonder sa situation en tant que citoyen particulier. En ce sens également, Michel Virally soulignait que l'individu humain n'est pas nécessairement un sujet de droit. Il le devient et il ne bénéficie de cette qualité que si elle lui est attribuée par le droit positif, lequel peut en subordonner l'attribution aux conditions qu'il définit lui-même (Virally, 1960). L'état civil contribue donc à l'organisation sociale en conciliant tout à la fois reconnaissance de la vie humaine et institution de police. Placé sous l'autorité d'un officier, le service public de l'état civil demeure donc l'apanage du pouvoir central. Par son biais, l'Etat peut avoir une parfaite maitrise des personnes qui sont placées sous son autorité.

De l'autre côté, l'enregistrement est une nécessité pour tout État démocratique. Il constitue non seulement un outil juridique essentiel de protection des droits de la personne mais aussi représente une source de données essentielles pour établir des statistiques démographiques fiables, étant le moyen le plus efficace permettant à l'État d'enregistrer de manière continue et exhaustive des naissances et des décès (UNICEF, l'enregistrement à la naissance: un droit pour commencer, 2002). Toutefois, l'étendue du champ d'action de l'état civil ne se limite pas qu'aux droits humains. Tout gouvernement a beaucoup à gagner avec un système d'état civil fiable. Ceci est en grande partie dû au fait qu'il permet de tenir des statistiques à jour sur sa population s'il est bien géré. Ces statistiques permettent plusieurs choses à un État. Pour commencer, elles rendent possible la surveillance de plusieurs facteurs et données comme la santé de la population grâce à la fréquence des déclarations de décès par exemple. Elles permettent ainsi de connaître le taux de mortalité, ou encore le taux de divorces au sein du pays. L'état civil permet surtout d'établir des estimations du nombre d'habitants (ONU, Principles and Recommendations for a Vital Statistics System, 2014). Et l'estimation et la surveillance des données démographiques ont en réalité un attrait principal : elles garantissent de bonnes capacités de planification à un État, quel que soit le domaine : éducatif, social, ou sanitaire par exemple (Légibase, 2016). Pour l'éducation un État peut prévoir le nombre d'élèves à scolariser dans certaines zones. L'aspect social des statistiques se retrouve dans la capacité de l'État à planifier la construction de logements supplémentaires par exemple. Concernant la santé, le taux de mortalité est un bon indicateur des besoins du territoire en termes de fournitures médicales et de denrées alimentaires. En outre, parce que le gouvernement est informé, il peut savoir quelles zones cibler en particulier pour certaines politiques, quels territoires prioriser par rapport à d'autres. Les décisions prises par le gouvernement sont donc éclairées car basées sur la situation réelle. Les statistiques tenues grâce à l'état civil permettent enfin de mesurer précisément certains indices comme le niveau de vie, l'espérance de vie et la mortalité infantile. Le cas échéant, tout ceci permet aux ONG de préparer au mieux des actions humanitaires parce qu'elles auront un meilleur aperçu de la situation du pays (Dumont, 8 juillet 2015).

L'adoption des Objectifs de Développement Durable (ODD) par l'Assemblée générale des Nations Unies en septembre 2015 a hissé l'enregistrement des naissances au rang de priorité en matière de développement international. L'ODD 16 comprend une cible qui vise spécialement à garantir une identité juridique à tous, notamment grâce à l'enregistrement des naissances, d'ici à 2030 (cible 16.9). Elle est complétée par la cible 17.9, qui appelle à soutenir le renforcement des capacités statistiques nécessaires à la mise en place de systèmes solides d'enregistrement des faits d'état civil. Ces systèmes produisent des statistiques cruciales, notamment en matière d'enregistrement des naissances, qui sont indispensables pour réaliser un développement humain et économique durable. En conformité avec les ODD, l'UNICEF entend tenir la promesse de l'enregistrement universel des naissances et garantir une identité juridique à chaque enfant d'ici à 2030 (UNICEF, L'enregistrement des naissances pour chaque enfant d'ici à 2030 : Où en sommes-nous ?, 2017). Dans une perspective plus large, l'enregistrement des naissances, composante du système d'enregistrement des faits d'état civil, permet de favoriser une bonne planification, et surtout la planification des services à fournir à certaines catégories de la population (enfants, adultes, vieillards) et l'évaluation des politiques publiques. Un bon système d'enregistrement, par exemple, permet à l'État de planifier le nombre d'écoles à fournir à une région ou la quantité de centres de santé à construire pour garantir de soins de santé suffisants à la population. Les retombées au profit de certains groupes spéciaux dû à un enregistrement de naissances peuvent se révéler fructueuses.

Si l'enregistrement à l'état civil notamment des naissances révèle de si grande importance dans le développement socio-économique d'un pays tant pour l'Etat en tant que institution régulatrice que pour l'individu pris isolement, la réalité des chiffres exprimant le nombre de personnes enregistrées à l'état civil au niveau des Etats notamment en Haïti prouve qu'il y a un manque assez considérable dans ce domaine. Les rapports de nombreuses institutions intervenant dans ce domaine prouvent que de nombreuses personnes ne soient pas enregistrées dans le système d'état civil de leur pays.

Si dans les pays développés ou émergents, l'enregistrement des faits d'état civil est ancré dans les moeurs et pourrait ne pas constituer en quelque sorte un problème majeur pour les gouvernants, dans les pays sous-développés, la situation est tout autre. Prenons le cas d'Haïti, selon les résultats de l'Enquête Mortalité, Morbidité, et Utilisation des Services réalisés en 2017 par l'Institut haïtien de statistique et d'informatique (IHSI), environ 15 % d'enfants haïtiens ne sont pas enregistrés par les services d'état civil et environ 25% d'entre-eux ne disposent aucun certificat de naissance (EMMUS-VI, 2017).

Derrière ce chiffre apparemment élevé peut se cacher une diversité de situations. En effet, toujours d'après cette même enquête, même si 85% des enfants de moins de 5 ans sont déclarés, seuls 77% ont leur acte de naissance. Il pourrait témoigner également que l'enregistrement des naissances n'est pas systématique à travers les différentes juridictions du pays dont celle de Miragoâne n'est pas exempt. C'est donc dans cette perspective qu'il nous parait légitime de livrer nos réflexions et propositions sur ce problème d'importance de la vie nationale dont on ne doute pas que plus d'un ont déjà exploré. Pour avoir une meilleure compréhension de cette réalité nous formulons ainsi notre sujet : Etudes des principaux déterminants du non enregistrements des actes de naissance en Haïti : Cas de la juridiction de Miragoâne de 1990 à 2000

À travers cette étude, il sera question de diagnostiquer les obstacles qui empêchent l'enregistrement systématique et fiable des actes de naissance dans certaines juridictions du pays. S'intéressant particulièrement aux bureaux de l'état civil, à travers cette recherche notre regard converge plus spécifiquement sur la qualité de travail exécuté dans les dits bureaux. Notre étude repose sur une double approche. Le volet théorique repose sur une recherche documentaire. Ce qui nous a permis d'une part de consulter les différents documents existant dans le domaine de l'état civil, de l'autre, faire une analyse minutieuse du contenu de ces documents. Le volet empirique a consisté à aller sur le terrain en vue de comprendre la perception du personnel de l'état civil en particulier les officiers. Cette observation se fait par l'utilisation d'un guide d'entretien destiné aux officiers de l'état civil.

Notre travail a un plan binaire, c'est-à-dire il se divise en deux (2) grandes parties. Chaque partie se subdivise elle-même en deux (2) chapitres identifiés et ordonnés de façon méthodique. La première partie tient compte de tous les aspects théoriques, alors que la deuxième présente l'aspect empirique de la recherche.

Le premier chapitre présente le cadre théorique, la méthodologie et la question de recherche. Il s'attarde aussi sur les principaux objectifs poursuivis dans le cadre de ce travail. Il définit certains concepts généraux utilisés dans le domaine de l'état civil. Il fait également la recension des écrits ou est passé en revue la position de certains auteurs et à travers laquelle nous dégageons des points de convergences et de divergences. Précise enfin les choix méthodologiques fondamentaux et les stratégies utilisées pour l'élaboration du contenu de la recherche.

Le deuxième chapitre est consacré à faire une présentation de la fonction de l'officier de l'état civil en Haïti. Il passe en revue le rôle et la responsabilité qui lui est assignés ainsi que les sanctions à encourir en cas de non respect des principes établis. Ce chapitre fait état également de la nature juridique de l'acte de naissance. Il souligne les principaux éléments de son contenu et précise sa portée réelle dans la vie de son détenteur.

Dans la deuxième partie, le premier chapitre traite et analyse les données de l'enquête issues d'une série d'entrevues réalisées auprès des responsables des bureaux de l'état civil. Un guide d'entretien est utilisé à cette fin. Les données de l'enquête sont présentées et analysées.

Quant au dernier chapitre, il consiste à présenter quelques pistes à envisager en vue d'amélioration du phénomène de non enregistrement des actes de naissances en Haïti. Cette partie prend en compte non seulement les aspects financiers et administratifs mais aussi les aspects techniques et légaux.

Première partie

Cadre théorique et institutionnel de l'état civil

Il est évident aujourd'hui que l'état civil revêt une importance cruciale dans le développement d'un pays. C'est l'avis de plusieurs experts du domaine de l'état civil dont Aimé Gérard Yameogo. Ce dernier, dans son rapport pour le Ministère de l'administration territoriale et de la décentralisation (MITAD) de Burkina Faso, présente l'état civil de façon générale ; ses fonctions, ses acteurs ainsi que les différents documents qui le constituent. Il définit l'état civil comme étant un service important dont les prestations touchent divers domaines et intéressent toutes les couches sociales de la population sans distinction de nationalité, de sexe et de religion et ce, depuis la naissance de l'individu jusqu'à son décès. Il lui confie deux fonctions : l'une administrative et l'autre statistique. Pour Aimé Gérard donc il convient de reconnaître au regard de toutes ses fonctions que l'état civil joue un rôle très important dans la vie du citoyen. En effet, l'acte de naissance, le premier acte de l'état civil est considéré comme l'acte fondamental de la preuve du commencement de la personnalité. C'est autour de lui que se construiront toute la vie juridique de l'individu et tous les autres actes de l'état civil dont la nationalité, attribut de l'exercice de la citoyenneté. La déclaration donc des naissances étant une obligation légale, son respect par le citoyen est une expression de sa citoyenneté. Ainsi de l'étude réalisée par L'UNICEF en 2002, on retient que l'enregistrement à la naissance est un droit fondamental mais aussi la clé et le point de départ d'autres droits tels le droit à l'éducation, aux soins de santé, à la participation et à la protection. Cette étude explique les raisons qui font que chaque année, plus de 50 millions de naissances ne sont pas enregistrées. Elle insiste sur l'importance cruciale de l'enregistrement de tous les évènements à l'état civil, examine les obstacles à un enregistrement universel et met en lumière quelques actions, sensibilisations, changements dans la législation, allocations de ressources et constitution de capacités qui devront être prises pour garantir l'enregistrement de tous les enfants. Face à la quête permanente de l'enregistrement pour tous, tout le mérite est de comprendre les hauts et les bas du système afin d'envisager des solutions favorables à un enregistrement qualitatif et quantitatif. Pour parvenir à l'enregistrement de tous les enfants compétence exclusive est donnée à l'officier de l'état civil. Au vu de ses attributions, ce dernier tant à l'identification des citoyens qu'a l'individualisation des personnes. Le 14 juin 1983, dans un arrêt rendu par la première chambre civile de la cour de Cassation française a affirmé que les actes de l'état civil sont les écrits dans lesquels l'autorité publique constate, de manière authentique, les principaux événements dont dépend l'état des personnes.

Si pour Quivy R. et Campenhoudt L. tout travail de recherche doit s'inscrit dans un continium et peut être situé dans ou par rapport à des courants de pensées qui le précèdent et l'influencent, il est donc normal qu'un chercheur prenne connaissance des travaux antérieurs qui portent sur des objets comparables et qu'il soit explicite sur ce qui rapproche et sur ce qui distingue son travail de ces courants de pensées. C'est dans cette perspective que nous avons choisi de présenter tout ce qui sert de cadre théorique en vue d'analyser de façon systématique tout ce qui constitue l'essence du phénomène du non enregistrement tant au niveau international que national (Chapitre 1). S'il nous parait normal de reconnaitre que l'enregistrement des naissances est fondamentalement essentiel pour la reconnaissance des droit des personnes tant pour l'Etat que pour l'individu, il est tout aussi naturel de reconnaitre que l'officier de l'état civil est un acteur incontournable en droit de personne et de la famille au vue de l'importance et de nombreuses compétences qui lui sont conférées par la loi afin d'officialiser les principaux faits et actes ayant une incidence sur la condition personnelle et familiale de l'individu. Si la naissance constitue un événement naturel dont la survivance s'impose à l'officier de l'état civil, l'enregistrement de l'acte de naissance implique une vigilance particulière de la part de l'officier de l'état civil. A coté de son rôle moteur dans la question de la jouissance de droit, cet acte obéit à des règles particulières dans son fond et dans sa forme (Chapitre 2).

Chapitre I. Cadre théorique et méthodologique de la recherche

Dans ce chapitre, nous tachons de définir très précisément la problématique de notre travail, laquelle constitue l'élément central de notre recherche. Il se subdivise en deux sections. Dans la première, nous avons spécificité le problème de notre recherche et accentué sur les notions générales ayant rapport à notre sujet de recherche. La deuxième fait état des connaissances théoriques de plusieurs auteurs qui ont écrits sur les faits d'état civil en Haïti et dans le monde puis aborde également l'approche méthodologique qui a servi de fil conducteur à cette étude tout en précisant les techniques et instruments de collecte des données.

Section 1 : Problématique et concepts appropriés

1- Problématique

Le phénomène du non enregistrement de l'état civil en son essence semble être un fléau mondial. D'après certains observateurs, il aboutit au même résultat tant dans les pays sous-développés que dans les états en développement. Toutefois, il pourrait avoir un accent plus prononcé dans les pays dits pauvres.

Les Etats et les organisations internationales ont fait de ce phénomène une préoccupation. De nombreuses actions en témoignent. En 1946, le Fonds International de Secours à l'Enfance (en anglais United Nations International Children's Emergency Fund, UNICEF) fut crée. Cette institution qui est consacrée à l'amélioration et à la promotion de la condition des enfants, en 1953, est devenue un organe permanent du système des Nations Unies. (Vie-Publique, 2020).

Pour sa part, l'UNICEF intervient directement dans la question de l'état civil. Un peu partout dans le monde, elle accompagne et développe les systèmes de collecte des données (Regard-Femmes, 2017). En Haïti, cette institution des Nations-Unies travaille de concert avec le Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique pour relever le taux d'enregistrement des naissances, l'un des plus bas de la région de l'Amérique latine et les Caraïbes (Reliefweb, 2021).

Le 20 novembre 1959, l'Assemblée générale de l'ONU approuve à l'unanimité une déclaration des droits de l'enfant. Ce document dans ses dispositions fait injonction aux Etats de faire de la question de l'enregistrement un droit humain fondamental. L'Etat a pour obligation de mettre tout en oeuvre de le faire connaitre à tous mais également de l'appliquer.

Agissant ainsi, le but de l'ONU serait de faire en sorte que les systèmes d'état civil du monde entier soient fonctionnels. C'est encore loin d'être le cas aujourd'hui, parce que les résultats et les progrès enregistrés semblent encore insuffisants. Une preuve c'est que les taux de complétude et de couverture de l'enregistrement des faits d'état civil demeurent encore en-deçà de 40 % dans la majorité des États membres (ONU, 2003).

Selon les dernières estimations de l'UNICEF, 237 millions d'enfants de moins de 5 ans dans le monde ne détiennent pas actuellement d'acte de naissance (UNICEF, 2017). Par ailleurs, cette institution tente d'expliquer à travers le même document, d'une part, pourquoi l'enfant doit être enregistré. D'autre part, comment se fait-il que chaque année, plus de 50 millions de naissances ne sont pas enregistrées ? D'après les données récentes de l'UNICEF sur le continent africain, l'enregistrement à la naissance des enfants de moins de 5 ans en Afrique est de 52 pour cent. Pourtant en Asie du Sud, deux enfants sur trois ne sont pas déclarés à la naissance et n'ont donc aucune trace officielle de leur nom, de leur famille ou de leur date et lieu de naissance. Selon les statistiques sanitaires mondiales de 2012, les deux pays les plus peuplés du monde (la Chine et l'Inde, qui totalisent à elles deux 2,5 milliards d'habitants) ne disposent pas de systèmes d'enregistrement des faits d'état civil fonctionnels. Leurs statistiques de mortalité sont donc issues d'enregistrement par échantillons.

Haïti, pour sa part, situé l'Amérique central notamment dans le bassin de la Caraïbes, Haïti est un pays des Grandes Antilles, qui occupe le tiers occidental de l'île d'Hispaniola. Elle partage cette grande île, la plus peuplée des Antilles, avec la République dominicaine. C'est le seul pays francophone indépendant des Caraïbes. Il est également le seul pays de la région caribéenne où la démographie est la plus élevée avec une population de 11 591 279 habitants (2019). Son taux de croissance démographique est de l'ordre de 1,52 % par an. En effet, selon les statistiques produites par la Banque Mondiale en 2015, l'Indice Synthétique de Fécondité (ISF) du pays est de 3 enfants/femme (Banque Mondiale, 2019). La situation démographique semble inquiétante pour plus d'un. Eu égard à la question de l'enregistrement des naissances, les autorités étatiques, semblent accorder davantage attention à la protection des enfants, cette frange de la population sur laquelle repose l'avenir du pays. Le cadre juridique et institutionnel du système de l'état civil semble bien établi. Il est constitué non seulement un d'outils juridiques tant internationaux que nationaux de protection des droits de la personne mais aussi et surtout des instituions et d'acteurs impliquant dans le domaine.

Eu égard aux instruments internationaux, maintes tentatives ont été entreprises par les différents gouvernements notamment durant les trois dernières décennies (1989-2019) pour contrer ce phénomène. Citons à titre d'illustration : le Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, ratifié par Haïti le 23 novembre 1990 ; La Convention relative aux droits de l'enfant (novembre 1989), ratifiée par Haïti le 30 août 1994. L'approbation de ces instruments juridiques voudrait dire que l'Etat haïtien reconnait les droits qui s'en sont contenus, accepte de les respecter et s'engage à les faire connaître.

Il est à souligner qu'au regard de l'article 276-2 de la Constitution de 1987 amendée en 2011, Haïti a fait choix d'un système moniste à primauté du droit international. On entend par là que le point de départ est que le droit international et le droit interne font partie originellement d'un seul ordre juridique, d'un seul phonème global, il n'y a pas de séparation nette et entière entre l'ordre juridique international et interne. Pour cela, les traités internationaux signés et ratifiés sont directement applicables dans l'ordre juridique interne. Ainsi, les traités internationaux signés et ratifiés sont directement applicables dans l'ordre juridique interne. L'article se lit : Les Traités ou Accords Internationaux, une fois sanctionnés et ratifiés dans les formes prévues par la Constitution, font partie de la législation du pays et abrogent toutes les lois qui leur sont contraires.

A l'interne, les cadres juridiques pour l'enregistrement et la documentation des personnes semblent traduit une certaine volonté des gouvernements en vue d'enregistrer et de déterminer les personnes. Ce qui peut être assimilé à une approche basée sur le respect des droits des personnes et l'exercice de la pleine citoyenneté. A côté de la Constitution en vigueur qui intègre les conventions internationales et reconnaît l'identité comme un droit de l'homme inhérent à la personne qui doit être garanti par l'État. Au fil du temps, de nouveaux décrets et arrêtés sont apparus. L'objectif serait de faciliter l'accès à l'enregistrement des naissances et aux documents en vertu de la loi, conformément aux tendances mondiales définies dans les conventions et traités internationaux.

Entre 1995 à 2019, un décret et trois arrêtés ont établi chacun un délai légal de 5 années pour l'enregistrement en temps voulu des personnes physiques dépourvues d'acte de naissance pour faire régulariser son état civil. En vertu de ces arrêtés, tous les enregistrements de naissance qui ont lieu pendant la durée prévue sont exemptés des frais de procédures. Ces décisions juridiques (décrets et arrêtes) ont-elles atteint leur objectif ?

Sur le plan institutionnel, actuellement, sur toute l'étendue du territoire national, environ 200 bureaux d'état civil fonctionnant sous la juridiction de moins de 20 tribunaux civils, moins de 10 inspecteurs et moins de 20 contrôleurs. Trois institutions étatiques interviennent dans la gestion du système de l'état civil en Haïti. Ce sont le Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique qui, à travers le service d'inspection et de contrôle de l'état civil de la Direction des Affaires Judiciaires, détient la responsabilité de recrutement, de nomination, de contrôle, de supervision des officiers de l'état civil dans la réalisation de leurs fonctions. Sur la base de ces prérogatives, il est clair que l'état civil haïtien fait partie intégrante du Ministère de la Justice et de la Sécurité publique qui assure la gestion des ressources financières, humaines et financières allouées à ses différentes activités. Le Ministère des Affaires Etrangères intervient dans le cadre de l'état civil pour les haïtiens vivant à l'étranger, en participant à l'enregistrement des évènements par l'entremise des missions diplomatiques ou consulaires. A cet effet, il est ouvert auprès de chaque mission diplomatique ou consulaire un bureau qui s'occupe du service d'état civil. Le Ministère de la Culture via les Archives Nationales d'Haïti (ANH), de leur côté, constituent depuis le décret du 20 mars 1986, une structure déconcentrée du Ministère de la Culture et de la Communication (Moniteu#26, 1986). Avant cette date, elles étaient sous la tutelle du Ministère de la Justice. Fondées le 20 août 1860 sous le gouvernement du président Fabre Nicolas Geffrard, les Archives Nationales sont une des plus anciennes institutions d'Haïti.  Elle est une des seules à avoir célébré son tri-cinquantenaire d'existence continue en Amérique latine. Elles ont pour mission de stocker, protéger et conserver le double des registres de l'état civil haïtien, en particulier, et le patrimoine écrit de la république de manière générale. Le reposoir des registres de l'Etat civil, elles sont habilitées à fournir, sur demande, un extrait aux requérants nationaux. Il est à noter que cet extrait est l'un des rares documents officiels acceptés par les instances, tant nationales qu'internationales, pour les inscriptions à l'Université ou pour entreprendre les démarches relatives aux voyages vers les pays étrangers (Rousseau, 1991).

En dépit de tout sur les plans juridiques et institutionnels, la question de l'état civil notamment l'enregistrement des naissances reste d'une grande complexité. Nombreux sont les gens qui ont reconnu que la question du non enregistrement constitue un grand défi pour notre société. Le système haïtien semble ne pas parvenir à enregistrer la totalité des naissances d'une année, ni a fournir sans difficulté copie de l'acte à ceux ou celles qui en ont besoin. Les rapports des institutions tant nationales qu'internationales et les déclarations des autorités étatiques sur cet état de fait sont légions. Selon un rapport d'enquête de plusieurs organisations internationales comme l'Organisation des Etats Américains (OEA), le Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD) et la Banque Inter Américaine pour le Développement (BID), publié en 2009, montre que 40% des Haïtiens ne sont pas inscrits sur les registres de l'état civil ou l'ont été irrégulièrement et ne disposent donc pas d'acte de naissance valable (PNUD, 1999). Il faut mentionner que d'énormes progrès se réalisent dans l'intervalle. Des avancées considérables sont donc faites en termes de progrès vers la réduction du taux des personnes non enregistrées. Selon les statiques de l'UNICEF, en février 2020, le taux d'enregistrement à l'état civil des enfants de moins de 5 ans, est de 85 pour cent. Il est vrai que la situation d'enregistrement s'améliore de manière spectaculaire. Pas de quoi se réjouir pour autant car, même avec ce score, cela n'empêche qu'Haïti reste l'un des pays du continent américain ayant les plus bas taux d'enfants enregistrés à l'État civil (UNICEF, 2020).

Par ailleurs, la déclaration de monsieur Bertrand Wilfrid, actuel directeur des Archives Nationales, établit clairement l'évidence que le pays est confronté à des problèmes cruciaux relatifs à l'enregistrement de ses ressortissants. Selon le directeur, le quart de la population n'est enregistré nulle part et n'existe pas pour l'Etat (Nouvelliste, 2021). Pourquoi donc une situation ?

Ces chiffres témoignent en quelque sorte le niveau de gravité de la situation de non enregistrement des naissances dans le pays. À côté de cela, certains pensent que la situation est encore pire. En ce sens, ils avancent deux raisons majeurs. D'une part, de nombreux actes de naissance émis par les officiers d'état civil sont en effet, pour les autorités étrangères dont celles de France, entachés d'irrégularités, falsifiés, facilement falsifiables, non répertoriés, non enregistrés, ou enregistrés suivant des procédures irrégulières (Bertin et Drogue, 2010). D'autre part, l'acte de naissance original qui serait, selon la loi haïtienne, un papier a valeur authentique, n'est pas toujours considéré comme un document fiable par les autorités haïtiennes. Par conséquent, cet acte de naissance dont la possession est exigée par la loi ne permet pas d'effectuer certaines démarches de la vie courante, telle que l'obtention d'un livret de passeport par exemple. Le document officiel qui revêt une véritable force probante est l'extrait des archives, car il est censé offrir de meilleures garanties d'authenticité (France, 2012).

Cela dit, qu'une personne pourrait toujours avoir son acte de naissance alors que cet acte n'est enregistré nulle part. Plusieurs interrogations peuvent être suscitées par cette situation. Quelle est la valeur réelle de cet acte de naissance ? Quelles sont les obstacles à l'enregistrement de l'acte ?

Suivant les dispositions de l'article 45 du code civil haïtien, chaque année, entre le 1er janvier et le 10 février, l'officier de l'état civil est tenu de transférer les registres aux Parquets de la juridiction du ressort du bureau de l'état civil de sa juridiction. Cette disposition du code n'est-elle pas connue ou suivie par les officiers de l'état civil ?

Faute de statistique, nous ne pouvons pas dire avec justesse le nombre exact de compatriotes haïtiens se trouvant dans cette situation. Toutefois, cette situation préoccupe une bonne partie de la population qui sont victimes soient direct ou indirectement. La population vivant dans la juridiction de Miragoâne pourrait être, sans doute, fait partie des nombreuses personnes du pays dont leurs actes de naissance ne seraient pas régulièrement répertoriés au bureau des Archives Nationale. C'est par ce souci, par cette préoccupation au regard de l'importance de l'enregistrement que le sujet : Etudes des principaux déterminants du non enregistrements des actes de naissance en Haïti. Cas de la juridiction de Miragoâne de 1990 à 2000 a été choisi.

Sur le plan pratique, le choix d'un tel sujet fait également l'objet de notre vécu quotidien. Le phénomène de non enregistrement des actes de naissance est une réalité profonde, tenace et présente. En qualité de fonctionnaire attaché au service du Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique (MJSP), posté à un bureau d'état civil, à longueur de semaine une pléiade d'individus, en majorité des jeunes de moins de vingt (20) ans, défile au bureau en vue de trouver des renseignements sur les procédures à engager à propos de leurs actes de naissance qui ne sont pas enregistrés aux bureaux des Archives Nationales. C'est fort de ce constat, qu'il nous parait légitime de livrer nos réflexions et propositions sur ce problème d'importance de la vie nationale dont on ne doute pas que plus d'un ont déjà, à un certain niveau, exploré.

Dans les différentes approches adoptées par les institutions internationales surtout l'UNICEF, elles considèrent le phénomène de non enregistrement comme le fait pour un individu, en particulier un enfant, de ne jamais été déclaré, c'est-a- dire enregistrer à un niveau quelconque de l'état. Notre préoccupation ne se situe pas à ce niveau. Dans le cadre de cette recherche, nous cherchons à comprendre le phénomène du non enregistrement à un niveau plus particulier. Nous tâchons à comprendre comment et pourquoi certains individu en Haïti aient leurs actes de naissance quand ils se rendent aux bureaux des Archives pour trouver un extrait, la réponse est parfois négative.

Question formulées

Convenant que notre expérience de praticien au sein d'un bureau de l'état civil a influencé en partie le choix de notre sujet de recherche, nous optons pour une approche consistant en l'examen des conditions de fonctionnement des bureaux de l'état civil dans la juridiction de Miragoâne sur une vingtaine d'années environ. Analyser l'univers de travail des officiers dans le système d'état civil haïtien, sous l'angle de l'encadrement qui les concerne.

Question de départ

Devant l'ensemble de questionnements que pourrait susciter le sujet, nous adoptons une question de recherche principale. La question centrale de notre recherche se formule ainsi: Qu'est-ce qui pourrait expliquer qu'une personne ait son acte de naissance, au delà du délai fixé par la loi pour qu'il soit transmis au bureau des Archives Nationales, ne le trouve pas consigné dans les registres du dit bureau?

Questions secondaires

Pour en arriver à répondre à ces interrogations, nous formulons les sous-questions suivantes qui vont guider notre recherche :

1. Qu'est-ce que les recherches antérieures nous apprennent sur les différentes dimensions de la question de l'enregistrement des actes de naissance ?

2. A quel niveau de l'appareil étatique se situe le problème du non enregistrement des actes de naissance ?

3. Qu'est-ce qui doit-être fait pour enrayer ce problème ?

Hypothèse scientifique du travail

Plusieurs définitions ont été proposées autour du concept hypothèse. Dans le cadre de notre travail nous retenons celle de Grawitz Madeleine pour sa simplicité.

Une hypothèse, d'après Grawitz M., c'est une proposition de réponse à une question posée. Ce sont donc des thèses préalables que le chercheur émet en fonction des observations empiriques qu'il a faites. En tant que tel, elle appelle à la vérification à travers expérimentation et analyse. (Grawitz, 2001)

Ainsi définit l'hypothèse, par souci de méthode, nous hiérarchisons nos hypothèses en l'hypothèse générale et les hypothèses secondaires. Il importe maintenant de donner réponse à nos questions de départ.

Hypothèse générale

Les considérations théoriques qui ont été retenues et analysées conduisent à la formulation de l'hypothèse générale suivante :

Le non enregistrement de certains actes de naissance, qui est légalement une faute, dans la juridiction de Miragoâne est due au fait que les bureaux de l'état civil ne disposent pas de personnel et de matériels suffisants et adéquats devant faciliter l'enregistrement des dits actes.

Cette hypothèse générale, comme son nom l'indique, est assez globalisante. Pour cela, elle demande donc à être spécifiée et opérationnalisée à travers des hypothèses sous-jacentes ou secondaires.

Hypothèses secondaires

Ø Les officiers de l'état civil exercent leur fonction en marge des exigences des lois régissant la matière.

Ø Certaines lois relatives à l'état civil sont inadaptées.

Objectifs du travail de recherche

Pour vérifier ces hypothèses, les objectifs qui suivent ont été formulés.

Objectif général

Ce travail a pour ambition de fournir des éléments d'analyse et de propositions susceptibles de contribuer à offrir des pistes de solutions pour un meilleur enregistrement des actes de naissance rédigés dans les bureaux de l'état civil en Haïti, particulièrement dans la juridiction de Miragoâne. Il se veut une analyse non seulement de diverses littératures scientifiques, de documents issus d'organisations internationales et des chercheurs dans le domaine, mais aussi celle des pratiques réelles des acteurs intervenant directement dans les bureaux de l'état civil. C'est dans cette optique qu'en plus de l'analyse documentaire, des enquêtes de terrain ont été menées dans le cadre d'une étude exploratoire, aux fins d'aboutir à des propositions pouvant contribuer à l'amélioration du phénomène de non enregistrement en Haïti. A cet effet, deux objectifs spécifiques seront poursuivis. Il s'agit de :

Objectifs spécifiques

Ø Identifier les principaux facteurs responsables du phénomène de non enregistrement des actes de naissance.

Ø Formuler des propositions pour contrer ce phénomène

2. Clarification de certains concepts

La définition des concepts utilisés dans le cadre de ce travail permet de mieux comprendre l'importance de l'enregistrement dans le système de l'état civil, ainsi que les exigences liées à la construction de la connaissance. Il est donc important de bien cerner chacun de ces concepts formant ce diptyque aux fins d'attribuer une définition à même de convaincre que leur liaison peut être bénéfique à bien des égards à l'humanité et de prouver à quel point le tandem « état civil - enregistrement » peut être d'un apport considérable à la protection de l'enfant et au développement durable. Pour la compréhension de ce travail, et afin d'éviter toute confusion nous tenons à clarifier certains concepts polysémiques relatifs à l'état civil ce qui aide à structurer l'approche théorique et méthodologique de cette recherche. Ainsi convient-il d'apporter des précisions sur : Etat civil, enregistrement, enfant, dépôt légal, expédition, extrait, filiation formulaire, registre

Etat civil

Selon lexique des termes juridiques (Guillien et Vincent, juin 2001), l'état civil est défini comme suit :

a) "Situation de la personne en droit privé spécialement dans les rapports familiaux, telle que résulte des éléments pris en considération par le droit en vue de lui accorder des prérogatives juridiques".

b) "Service public chargé d'établir et de conserver les actes de l'état civil (acte de naissance, de mariage, de décès)".

Pour sa part, le dictionnaire juridique (Dictionnaire Juridique) définit l'état civil d'une personne, est constitué de l'ensemble des éléments relatifs à la personne qui identifient un individu. Par extension, c'est l'appellation donnée aux services administratifs d'une commune qui reçoivent les déclarations et qui conservent les registres concernant les naissances, les reconnaissances d'enfants naturels, les mariages et les décès.

Les civilistes français, TERRE et FENOUILLET (Fenouillet et Terré, 1996) soulignent que l'état civil est constitué d'éléments assortis d'effet juridiques permettant de situer la personne sur le plan personnel, familial et social. A ce titre, les éléments comme la vie, le sexe, l'âge, l'état mental, la situation par rapport à la filiation (enfant né dans ou hors mariage, affilié ou non, adoptif,...), la situation matrimoniale (célibataire, marié, veuf, divorcé) en font partie.

Pour Me. René Julien, l'état civil d'un citoyen constitue la base de l'organisation familiale et sociale de l'Etat. Il permet d'avoir des données concrètes sur l'existence de chaque membre de la société : Naissance, Décès ; sur les événements ayant marqué leur existence sociale : mariage, divorce, adoption (Julien, 1989).

Il est à noter, pour nous autre, dans le cadre de cette étude nous retenons que l'état civil est la structure administrative qui s'occupe de la délivrance des documents appelés actes d'état civil.

Enregistrement

En Droit Civil, l'enregistrement est une formalité fiscale obligatoire ou volontaire, consistant en l'analyse ou la mention d'un acte juridique sur un registre, donnant lieu à la perception de droits par l'Etat et conférant date certaine aux actes sous seing privés, qui en sont dépourvus (Fenouillet et Terré, Droit Civil: Les personnes La famille Les incapacites, 6 ed. Daloz, 1996).

En droit international public, il est l'inscription des traités aux archives du secrétariat de l'Organisation des Nation Unies (ONU), imposée aux Etats membres pour que les traités puissent être invoqués devant les organes de l'ONU. (Art. 102 de la Charte de l'ONU) (Fenouillet et Terré, Droit Civil: Les personnes La famille Les incapacites, 6 ed. Daloz, 1996)

En matière de l'état civil, l'enregistrement à la naissance c'est l'inscription officielle d'un enfant à la naissance. Il s'agit d'une procédure administrative de reconnaissance permanente et officielle de l'existence d'un enfant (ILBOUDO, 2008). C'est à cette dernière définition nous nous attachons dans le cadre de notre travail.

Enfant

Pour A. Gouttenoire l'enfant serait le petit homme, c'est-à-dire celui qui n'a pas encore acquis toutes les qualités nécessaires pour assumer les devoirs et responsabilités de la vie sociale et juridique (Gouttenoire, 1994). En d'autres termes, ce serait celui qui n'a pas encore la capacité d'exercer ses droits et obligations. L'auteure va plus loin quand il dit : l'enfant c'est aussi le petit d'Homme, celui qui s'inscrit dans le temps par un rattachement générationnel.

La Convention internationale relative aux droits de l'enfant de 1989 définit de manière plus précise le terme  enfant : [...] tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable. L'idée transmise, à travers cette définition de l'enfant, c'est sa jeunesse et sa vulnérabilité. En effet, l'enfant est un être en pleine croissance, un adulte en devenir, qui n'a pas les moyens de se protéger seul. A partir de ces deux définitions minimalistes de l'enfant, il faudrait déduire que l'enfant aurait deux droits fondamentaux distincts et complémentaires : le droit à la protection et le droit à la transmission.

Délai légal 

Pour nous autre, dans le cadre de cette étude nous retenons que le délai légal est l'espace de temps prévu par la loi pour que le double de tous les registres de l'état civil doive être transmis au bureau des Archives Nationales. Délai compris entre le 1er janvier et le 10 février de l'année suivante (Pierre-Louis, Code Civil Haitien, 2017).

Expédition 

Selon le lexique des termes juridiques, c'est une copie d'un acte authentique, délivrée par l'officier public dépositaire de l'original (Guillien et Vincent, juin 2001).

En matière de l'état civil, c'est l'original de l'acte délivré aux déclarants après qu'il soit transcrit dans les registres. C'est à cette dernière définition nous nous attachons dans le cadre de notre travail.

Extrait 

Selon le lexique des termes juridiques, c'est la reproduction partielle d'un acte, délivrée par le dépositaire.

Selon le Groupe d'Appui aux Rapatriés et Réfugiés (GARR), c'est la reproduction partielle d'un acte de l'état civil fait par le bureau des Archives Nationales pour prouver que le dit acte a été enregistré (Wiza Loutis, 2007). Cette définition est conforme à l'utilisation qui nous est faite dans notre travail.

Registre 

Dans le cadre de cette étude nous retenons qu'en matière d'état civil, le registre est un cahier spécial contenant des feuilles pré-remplies des actes de l'état civil, imprimé soit par les soins du Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique (MJSP) ou par l'officier lui-même et qui est à la disposition de l'officier de l'état civil pour transcrire les actes de l'état civil.

 Formulaire

Selon la définition de l'ouvrage Vocabulaire juridique de Gérard Cornu, un formulaire est un "recueil de formules à l'usage des rédacteurs d'actes". Toujours selon la définition de l'ouvrage  une formule (du latin formula) est un "modèle contenant les termes dans lesquels il est d'usage (parfois de rigueur) de rédiger un acte [...] ou de faire une déclaration". Généralement, les formulaires comprennent des formules et des commentaires.

Ces formulaires sont alors dits "commentés" et contiennent des indications précises permettant de compléter les formules sans faire d'erreur d'interprétation et d'anticiper sur les implications de telle ou telle formulation. De nombreux professionnels du droit utilisent donc ces formulaires parce qu'ils leur font gagner un temps précieux.

Filiation

D'après le Dictionnaire Juridique, le mot "filiation" désigne le rapport de famille qui lie un individu à une ou plusieurs personnes dont il est issu.

La filiation est tout d'abord un lien juridique par lequel est définie l'appartenance de l'individu à un groupe de parents, et auquel sont associés un ensemble de droits (parmi lesquels on trouve notamment la transmission du nom, la succession et l'héritage), de devoirs (obligation d'entretien réciproque) et d'interdits (prohibition de l'inceste) (A. Martial)

Section 2 : Revue de littérature et méthodologie de la recherche

1. Revue de littérature

Plusieurs auteurs et ou institutions ont travaillé sur les faits de l'état civil dans le monde en général et Haïti en particulier. Cette partie se veut être le résultat des consultations faites tout au long du processus de recherche. Au nombre de ces consultations se trouvent des ouvrages, des articles des journaux, des données statiques. Des synthèses de ces éléments ont servi de points de repère importants pour l'élaboration de cette recherche. Cette étape facilite l'exploration de différentes sources ayant contribué à la littérature de l'état civil dans le but de résumer les principales positions théoriques et pratiques des différents acteurs et civilistes relatives a la question. Pour ne pas alourdir notre travail, nous tenons compte que de quelques-uns qui sont en liens directs avec notre sujet.

En 2007, l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) constate que la faiblesse de fonctionnement du système de l'état civil des pays ne permet pas d'avoir des données fiables sur les statistiques démographiques, la longévité et la santé de leur population. Sept (7) ans après, soit en 2014, elle estime que chaque année, deux tiers (soit 38 millions) des 56 millions de décès ne sont pas enregistrés au niveau mondial (OMS, 2014). Elle établi que près de la moitié des naissances ne sont non plus enregistrées, et ceci imputable à un certain nombre d'obstacles qui empêchent l'enregistrement des naissances et des décès. Pour elle, les pays doivent connaître le nombre annuel des naissances et des décès, ainsi que les principales causes de mortalité, pour que leur système de santé fonctionne bien. Le seul moyen de comptabiliser tous les habitants consiste à recenser les naissances et les décès auprès de l'état civil. Cet enregistrement est à la base de l'identité légale de chaque individu et permet aux pays d'identifier les questions sanitaires les plus pressantes. En effet, lorsque les décès ne sont pas comptabilisés et les causes ne sont pas enregistrées, les gouvernements ne peuvent pas élaborer de politiques efficaces de santé publique, ni mesurer leur impact. L'état civil est un service établi dans tous les pays développés et nécessaire dans les pays en développement. Les informations sur la natalité et la mortalité en fonction de l'âge, du sexe et de la cause sont la pierre angulaire de la planification en santé publique.

Pour sa part, le Fonds des Nations Unies pour l'Enfance (UNICEF) remarque que chaque année dans le monde, 51 millions d'enfants ne sont pas enregistrés. En Asie du Sud, deux enfants sur trois ne sont pas déclarés à la naissance et n'ont donc aucune trace officielle de leur nom, de leur famille ou de leur date et lieu de naissance (UNICEF, https://www.unicef.fr/article/230-millions-d-enfants-n-existent-pas-officiellement, 2013).

De manière alarmante, Anne BertinCindy Drogue, présente le système état civil haïtien comme une structure archaïque et dysfonctionnelle qui exclu bon nombre d'haïtien. En effet, ils posent le problème au niveau de la présence des bureaux de l'état civil. Selon eux, en terme quantitatif le nombre est insuffisant avec seulement 184 bureaux pour 27,750 km2. Le placement géographique des bureaux pose problème, selon eux, 60 % de la population haïtienne vit en milieu rural, elle est éloignée des centres urbains et bourgs où sont implantés ces bureaux. Pour finir, ils mettent en doute non seulement le mode de recrutement mais également le niveau de formation des officiers et des clercs (Anne Bertin, 2012).

D'un autre côté, Me. René Julien, dirigeant d'une association de juriste: Amical des Juristes, s'est penché la question particulièrement sur ce qui concerne la problématique de la réforme de l'état civil en Haïti. Selon lui, la question est vraiment complexe et la résolution n'est pas pour demain s'il n'y a pas une volonté politique réelle des autorités au plus haut niveau de l'état. D'une part, Il avance pour dire que les accusations apportées aux officiers de l'état civil sont fondées mais il faut aller plus loin car il existe d'autres acteurs qui sont aussi importants qui interviennent dans le système et qui ne doivent pas être négligés. Les officiers d'état civil ne sont pas les seuls concernés. Il y a aussi les commissaires de gouvernement, les doyens, les Archives nationales, les casecs, prêtres, pasteurs, les centres materno-infantiles, les femmes-sages et les matrones. D'autre part, il pense que le pays a des lois suffisantes sur la question. Il revient à l'Etat de les faire appliquer. Enfin, selon les conclusions des résultats de son enquête, cinq (5) problèmes rongent le système en Haïti :

1) l'inapplication des lois régissant l'état civil;

2) l'incompétence de certains officiers d'état civil;

3) le refus des dirigeants haïtiens de pourvoir les bureaux de l'état civil en matériels nécessaires;

4) la méconnaissance de l'importance des actes de l'état civil ;

5) l'abandon total des zones reculées du pays.

D'après le guide de l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF, 2014) pour la consolidation de l'état civil, des listes électorales et la protection des données personnelles, la consolidation de l'état civil sert à renforcer l'action publique. L'identification des individus et, par là même, la connaissance de la population grâce aux statistiques publiques obtenues par la politique d'enregistrement des faits de l'état civil, permet de rationaliser les politiques publiques, de moderniser l'État et de garantir la transparence dans l'accès aux services publics. L'état civil, comme source de fichiers sectoriels, notamment pour les listes électorales, est un enjeu civique et politique. La liste électorale appartient à la catégorie des « registres de population », qui répondent aux objectifs administratifs d'un État, tels que la perception de l'impôt ou les procédures relatives à la délivrance des documents d'identité. La fiabilité du fichier de la population est un facteur majeur de l'efficacité de l'action publique, dont le premier retour est la confiance des citoyens. Difficulté récurrente identifiée par les missions électorales francophones organisées depuis 1992, la fiabilité des listes électorales figure parmi les principales recommandations émises par l'OIF. Or, sans listes électorales fiables, on pourrait se demander s'il serait possible d'organiser des élections exemptes de contestations.

Le Ph.D. Mickens Mathieu dans une analyse générale faite sur le système d'enregistrement des naissances en Haïti, montre les faiblesses du système. Il a fait remarquer que les structures, appelées à gérer le système d'enregistrement de l'état civil en Haïti, n'existent que de nom. Selon lui, ces dernières ne sont pas fonctionnelles, par manque de budget. Une situation qui offre le champ libre aux officiers de l'état civil de gérer leurs bureaux sans respect des procédures légales en vigueur. D'un autre côté, il avance pour dire que les Archives Nationales qui sont là pour délivrer des extraits des requérants nationaux, sont confrontées à un ensemble de problèmes majeurs, non résolus jusqu'alors, en relation avec la sécurisation des documents, le relais et le contrôle du travail des officiers d'état civil, l'encombrement, dû en grande partie à des dossiers en souffrance, suite à leur non-enregistrement dans les archives nationales, ce qui provoque l'envahissement des raketès (gens qui se font passer pour des facilitateurs ou même pour des avocats promettant aux individus de leur faciliter l'octroi en toute célérité des pièces recherchées, une fois versée la somme d'argent sollicitée).

Si nous nous penchons plus en détail sur le concept de l'état civil, nous pouvons dire qu'il est à la base de tous les droits, fondamentaux ou non. La Commission européenne explique qu'un système d'état civil fiable et bien organisé est le socle de l'exercice par les citoyens de leurs droits fondamentaux et, plus spécifiquement, un pré requis pour que les citoyens puissent jouir pleinement, dans le cadre de l'État de droit, de leurs droits civils, politiques et sociaux (Commission-européenne, 2016). Dans les textes fondateurs des droits humains, le lien entre l'état civil et certaines dispositions est facile à établir. Si nous prenons la Déclaration universelle des droits de l'homme, son sixième article attire particulièrement l'attention parce qu'il stipule que chacun a le droit à la reconnaissance en tous lieux de personnalité juridique. Son article 8 garantit à toute personne le droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la constitution ou par la loi. Toujours d'après ce texte, son article 15 dispose que chaque individu a droit à une nationalité. Pour insister sur l'impact universel de l'état civil, citons aussi l'article 23 qui concerne le droit au travail, ou encore l'article 26 sur le droit universel à l'éducation (ONU, 1948).

D'autres textes fondateurs des droits humains peuvent être étudiés à l'aune du caractère vital de l'état civil, comme le pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté en 1966. Son article 16 appuie lui aussi le droit à la reconnaissance de sa personnalité juridique. En fait c'est surtout pour son article 24 que nous le citons. Il énonce que tout enfant doit être enregistré immédiatement après sa naissance, avoir un nom et une nationalité. Il fait donc directement écho à l'importance de l'état civil (ONU, Google.fr, 1966). Il rejoint en cela la Convention relative aux droits de l'enfant de 1989. Plusieurs de ses articles valent la peine d'être cités. L'article 7 qui entérine l'importance de l'enregistrement à la naissance, l'article 28 qui indique que les États ratifiant la convention reconnaissent le droit de l'enfant à l'éducation, l'article 32 opposé au travail des enfants et l'article 34 à toute exploitation sexuelle (ONU, Google.fr, 1989).

2. Méthodologie de la recherche

Dans cette partie, il convient de présenter les orientations épistémologiques et méthodologiques dans lesquelles cette recherche s'inscrit. Le but poursuivi dans ce travail de recherche est d'observer les bureaux de l'état civil, d'analyser les comportements et la perception du personnel qui s'y rattache.

La collecte des données pour la réalisation de ce travail de recherche tient compte de deux approches méthodologiques. En premier lieu, nous commençons par un inventaire des documents disponibles, c'est-à dire la recherche d'information sur le sujet à travers les bibliothèques, les archives des organisations nationales oeuvrant dans le domaine des droits humains et sur l'internet. Cette recherche documentaire nous permettant de faire une analyse de contenus des différentes positions des chercheurs, des critiques et/ou analystes sur la question de l'état civil. La consultation de ces documents conduit à un état des lieux de la problématique et facilite l'accès à des informations sur les pratiques des acteurs de l'état civil, en particuliers les officiers. L'analyse des contenus de ces documents nous permet en outre de voir non seulement, l'importance que des spécialistes et chercheurs accordent à la notion de l'état civil, mais aussi nous démontrer les différentes failles existant dans notre système d'état civil. La recherche documentaire demeure une étape importante pour la réalisation de ce travail de recherche dont la qualité est directement liée à celle de l'information utilisée. C'est en quelque sorte, un excellent moyen de chercher des réponses à nos questions ou préoccupations, elle facilite la création de notre grille d'analyse et d'observations. Si les documents trouvés permettent d'avoir une vue éclairée sur notre question de recherche, toutefois, ils ne renseignent pas suffisamment sur nos préoccupations. Ainsi, une enquête de terrain s'avère-t-elle nécessaire pour compléter notre travail.

En deuxième lieu, une enquête de terrain est réalisée en vue de compléter le recueil des données. Elle comprend deux activités réalisées simultanément : l'observation et l'entretien. La première permet de saisir des faits pertinents pouvant aider dans l'accumulation des données nécessaires pour le renforcement de la deuxième. Dans la même lignée, Dépelteau définit l'observation comme un mode d'investigation direct qui permet au chercheur de porter son regard sur le phénomène à étudier et non sur la perception du phénomène en question (Dépelteau, 2000). Aussi, les observations directes et les entretiens semi-dirigés sont ils utilisés comme outils dans le but de collecter un corpus empirique qui nous permet de pénétrer le sens des phénomènes observés. L'observation ne serait autre chose qu'une méthode de recherches servant à décrire le comportement des individus ou un phénomène quelconque. Cette façon de collecter des informations exige qu'on soit sur le terrain afin d'observer et de comprendre les comportements effectifs des individus travaillant ou agissant dans un cadre institutionnel ou réglementaire. Dans ce sens, nous projetons un regard sur l'aspect sanitaire des bureaux. Nous observons également le comportement des clercs ou secrétaires relativement au respect des droits des gens qui fréquentent les bureaux, enfin nous observons l'état des bâtiments logeant les établissements.

Outre la recherche documentaire et l'observation directe, l'utilisation d'un autre instrument de collecte de données, à savoir l'entretien semi-dirigé, s'avère-t-elle nécessaire pour approfondir notre champ d'étude. À cet effet, chaque interviewé aura l'occasion de donner son point de vue sur la question, de sorte que le savoir produit par ce travail, soit socialement construit. Des entretiens ont été réalisés au moyen d'un guide structuré fait de questions ouvertes adressées aux officiers de l'état civil et des clercs et/ou Secrétaires travaillant dans les bureaux faisant l'objet de notre enquête. Tout en étant constamment en interaction avec le milieu dans lequel ils évoluent, ces acteurs ont la capacité d'avoir une vision stratégique de la réalité.

Cette recherche va être réalisée dans le département des Nippes, dans la juridiction du tribunal de première instance de Miragoâne. Cette juridiction s'étend sur les communes de Petite-Rivière, Miragoâne, Fond des Nègres et paillant. Cet espace géographique, avec l'ensemble de ses communes, constitue également sur le plan administratif, l'arrondissement de Miragoâne. Chacune de ces communes contient un bureau de l'état civil, a l'exception de Miragoâne qui en a deux. Notre principale population de recherche est constituée d'un échantillon de trois (3) bureaux de l'état civil dont l'un se trouve dans chacune des communes Fond des Nègres, Miragoâne et Petite-Rivière des Nippes. Certes la Commune de Miragoâne possède deux (2) bureaux de l'état civil mais nous n'avons retenu qu'un seul. Deux raisons peuvent l'expliquer. D'une part, le bureau de l'état civil qui se situe dans le quartier de Saint Michel du Sud n'ouvre ses portes qu'en 2004, alors que notre étude couvre la période de 1990 à 2000. D'autre part, avec un bureau par commune, ça nous permet de maintenir un certain équilibre entre les communes. Pour la commune de Paillant, ce n'est que tardivement son bureau commence à fonctionner, soit au cours de l'année 2017. Donc, impossible qu'il soit figuré dans l'échantillon constituant la population de notre enquête

Le guide d'entretien comporte des points en liaison à l'hypothèse de travail. Cet outil a été conçu avec des questions ouvertes afin de prospecter le plus largement que possible les différentes dimensions et facettes des variables concernés. Il confère la possibilité, au chercheur, de cibler les informations qu'il veut obtenir, et à l'interviewé, celle d'obtenir des clarifications sur les questions qui lui paraissent obscures. Il est préparé à partir d'une série de questions ouvertes et quelques unes fermées, permettant au chercheur de recueillir des informations assez explicites ; ils offrent aussi à l'interviewé beaucoup de liberté dans les choix de ses réponses. Réalisé en face à face, il aide à établir une relation de confiance entre les deux parties. Il faut souligner cependant qu'on ne peut pas faire une analyse statistique de toutes les données recueillies des entretiens réalisés. Le traitement de ces données requiert un important travail d'analyse de contenus et d'interprétation

Le guide d'entretien est là pour faciliter les directives lors des entretiens individuels. Les réponses sont notées directement sur un support papier, mais également enregistrées sur bande magnétique à partir d'un enregistreur vocal numérique (un dictaphone pouvant contenir un fichier de 180 minutes) afin de mémoriser et de retranscrire les données. Après chaque entrevue, la question de la confidentialité des réponses et l'usage des informations sont décrites à l'interviewé. Le guide d'entretien a été formulé en français mais l'entretien n'a été mené qu'en créole afin de faciliter une meilleure compréhension et une participation des interviewés. Pour les besoins de la cause, cet outil d'enquête apparaîtra en annexe. Faute de moyens financiers, nous avons assuré nous-mêmes la retranscription des données recueillies en français.

La collecte des données n'a pas été faite en toute tranquillité. Quand nous contactons les officiers de l'état civil pour solliciter d'eux un entretien, ils sont un peu réticents, cependant avec beaucoup d'insistance et de tact, ils ont fini par nous parler. Nous étions obligés de prendre plusieurs fois un même rendez-vous à cause de l'indisponibilité de certains d'entre eux. En outre, faute de temps, de disponibilité des acteurs et de moyens financiers limités, nous n'avons malheureusement pu étendre notre recherche à une plus grande population d'étude. Nous espérons toutefois que d'autres chercheurs qui seront intéressés par ce vaste champ d'étude approfondiront leurs recherches en vue de l'édification de plus d'un.

Notre détermination, nous a permis de surmonter ces difficultés donc les trois (3) entretiens recueillis constitueront la matière première sur laquelle se basera notre étude.

Du reste, sur la base des documentations et de l'enquête menée, nous avons engagé la méthode hypothético-déductive dans le but de poursuivre les objectifs et du coup vérifier les hypothèses émises.

Chapitre II : Officier de l'état civil et acte de naissance en Haïti

Tout comme l'état des personnes, l'état civil est un élément fondamental en ce qu'il est l'expression des heurs et malheurs de la vie de l'individu (Teyssié, 2007). C'est sans doute pour cette raison qu'ils suivent les mêmes particularités. A l'image de l'état des personnes, l'état civil confère à l'individu de nombreux statuts dont le statut individuel et le statut familial. Le premier permet l'identification de l'individu notamment par l'attribution d'un nom, d'un prénom, d'un domicile et de la reconnaissance de sa capacité juridique ou son incapacité juridique. Le statut familial permet, quant à lui, de déterminer la parenté, soit née des liens du sang (adoption), soit née de l'alliance (légitime ou naturelle). Pour que l'état civil puisse être effectif, il faudrait que la personne soit enregistrée dès sa naissance à un niveau quelconque de l'Etat. L'enregistrement de l'enfant à sa naissance constitue le point de départ d'un fichage qui doit durer toute sa vie. L'Etat accorde une valeur toute spéciale à l'enregistrement. C'est pour cela que la loi oblige à toute personne ayant été informée de la naissance d'un enfant d'en faire le signalement à l'officier de l'état civil. L'enregistrement de la naissance de l'enfant constitue un droit de l'enfant qui résulte de l'obligation qui est faite à toute personne ayant eu connaissance de la naissance. En effet, l'autorité désignée pour participer activement à l'accomplissement de la tâche d'enregistrement des enfants est donc l'officier de l'état civil. La loi du 20 août 1974 précise qu'il a l'autorité non seulement de recevoir et de conserver les actes de l'état civil, il peut également délivrer les copies ou extraits auxquels elles confèrent authenticité. C'est pourquoi dans le cadre de ce chapitre, notre préoccupation consiste, dans un premier temps, de le présenter comme acteur privilégié de l'état civil dans le cadre de sa mission (Section 1). Dans un second moment, analyser l'acte de naissance comme preuve de l'existence juridique de l'enfant (Section 2).

Section 1 : Officier de l'état civil : Acteur physique privilégié de l'état civil en Haïti

En Haiti, la loi sur l'etat civil reconnait six types d'acte de l'état civil auxquels competence exclusive est donnée à l'officier de l'état civil pour marquer du sceau de la souverainneté. Il s'agit, selon l'article 7 de la loi du 20 août 1974, des acte de naissance, de mariage, de décès, de reconnaissance, de divorce et d'adoption La rédaction de ces actes répond ainsi à un formalisme rigoureux afin d'éviter tout risque d'anulation ou de rectification ultérieur. Les attributions de l'officier de l'état civil ont un rôle essentiel dans l'établissement de ces dit actes.

1) Rôle et competence de l'officier de l'état civil dans l'établissement de l'acte de naissance

En ce que la personnalité juridique des personnes physiques s'entend de la fiction juridique attribuée à chaque individu au moment de sa naissance, l'intervention de l'officier de l'état civil est consacrée par l'acte de naissance. L'Etat trouve dans l'acte de naissance un intérêt en ce que l'enregistrement de la date, du lieu et du sexe du nouveau-né lui permet d'etablir des statistiques démographiques de sa population. Au vu de l'importance de cet acte, l'officier de l'état civil doit s'assurer des conditions lui permetant de recevoir les declarations au regard de la qualité des déclarants. Il doit également etre certain que l'acte de naissance qu'il établira sur les dires du déclarant est conforme à la réalité. Lors de l'établissement de l'acte de naissance, les énonciations formulées à l'officier de l'état civil deviennent le corps même de l'acte. En l'enregistrant puis en le consignant dans ses registres, selon l'idée de l'aticle 36 du Code Civil haitien, l'acte est le plus strict reflet des dires des déclarants, comparants ou parties. Suivant cette logique, l'officier de l'état civil n'intervient qu'à raison d'une saisine exterieur. Ce dernier ne peut en effet se saisir d'office quand bien même aurait-il eu connaissance d'un événement qui ne lui aurait été déclaré. Il ne peut pas non plus officier et participer à l'acte en tant que déclarant ou témoin, ces deux qualités étant incompatibles, selon le voeu de l'article 8 de la loi du 20 août 1974. Pour reprendre J. Massip, un acte dressé en de telles circonstances serait dépourvu de toute valeur authentique. On peut donc dire que l'officier de l'état civil n'est pas à l'origine des actes de l'etat civil. Seules les personnes autorisées par la loi pourront comparaitre devant lui pour déclarer un événement ou confirmer l'identité des parties ainsi que l'exactitude des faits qui seront consignés dans ses registres. Selon les dispositions des lois haïtiennes relatives à l'état civil, les déclarants sont quant à eux les personnes que la loi oblige ou autorise à faire connaître à l'officier de l'état civil des faits dont il doit être dressé acte. De ce fait, dans les actes de naissance, le déclarant est l'une des personnes énumérées à l'article 55 du Code Civil. Le deuxième alinéa de l'article dispose ainsi que  la naissance de l'enfant sera déclaré par le père, ou, à défaut du père, par la mère légitime ou naturelle, par les médecins, chirurgiens, sages-femmes ou autres personnes qui auront assisté à l'accouchement, et lorsque la mère aura accouchée hors de son domicile, par la personne chez qui elle aura accouché. Ainsi, au terme de l'expression générale mentionnée à l'article précité, l'obligation de déclarer la naissance semble peser indistinctement sur toutes les personnes présentes à l'accouchement sans qu'il n'y ait d'ordre successif. Il est prévu, en outre dans l'alinéa premier de ce même article que la déclaration de naissance doit être effectuée dans le mois de l'accouchement, à l'officier de l'état civil du lieu du domicile de la mère ou du lieu de la naissance de l'enfant. En effet, outre le délai légal d'un mois prévu, une prolongation de vingt-quatre autres mois est accordée aux comparants pour déclarer la naissance à l'officier de l'état civil. Cependant, le défaut de déclaration de la naissance dans ce délai de vingt cinq (25) mois entraine l'incompétence de l'officier de l'état civil. En pareil cas, seul un jugement rendu par le tribunal de civil de la juridiction où est né l'enfant ou à défaut par le tribunal civil du domicile de l'enfant pourra autoriser l'officier de l'état civil de consigner cette naissance dans ses registres. Il faut noter que selon les dispositions de l'article 37 du Code Civil en matière d'acte de naissance les parties interessées ne seront point obligées de comparaitre en personne, elles pourront se faire représenter par un fondé de procuration spéciale et authentique. En effet, l'officier de l'état civil, ayant compétence exclusive pour dresser les actes de naissance n'a pas à vérifier la réalite de l'événement déclaré ni se faire juge de la sincérité du déclarant. Il doit uniquement se fier aux énonciations du déclarant. Toutefois, le déclarant est tenu de relater à l'officier de l'état civil, de manière la plus exacte et fidèle possible, les circonstances de la naissance ainsi que tout élément qui aurait été porté à sa connaissance. Car, selon le voeu de l'article 55 du Code Civil, la déclaration de naissance a un caractère obligatoire pour les personnes visées. Elles sont tenus de fournir à l'officier de l'état civil, au sens de l'article 56 du Code Civil, l'ensemble des renseignements relatifs aux circonstances de la naissance par la précision du jour, de l'heure et du lieu de naissance ainsi que les renseignements relatifs à l'enfant par l'indication de son sexe, de son nom de famille, de ses prénoms ainsi que les dates et lieux de naissance. Le déclarant doit également renseigner l'officier de l'état civil sur l'identité des témoins ainsi que les parents de l'enfant notamment leurs noms, prénoms leurs professions et domiciles. La derniere rubique de l'acte de naissance porte sur la signature de l'officier de l'état civil, celle du déclarant et des des témoins, préalablement soumis à la formalité de lecture des informations contenant dans l'acte par l'officier de l'état civil, au sens de l'article 39 du Code Civil. La relecture de l'acte repond à l'obligation de s'assurer que l'acte de naissance aurait été compris et serait conforme aux énonciations du déclarant.

Toutefois, en tant que garant de la régularite de l'acte de naissance, l'officier de l'état civil devrait avoir la possibilité d'examiner les déclarations et pièces produites par les déclarants. Bien que la loi ne le prévoit pas, il devrait pouvoir d'exiger des pièces justificatives afin d'éviter toute erreur relative au patronyme des parents. Cependant, au nom du respect de la vie privée, et de l'immédiateté de la rédaction de l'acte de naissance, cette possibilité de proceder à des investigations s'avère, en pratique, délicat. S'il est vrai que l'officier de l'etat civil ne peut en effet se saisir d'office , il faut noter que les dispositions de l'article 57 du Code Civil prévoit qu'il appartient à l'officier de l'état civil d'établir un double document concernant les enfants retrouvés dont l'identite de leurs parents est inconnue. Il s'agit du procès verbal de la découverte et de l'acte de l'acte de naissance provisoire.

L'officier de l'etat civil fait aussi figure de gardien des actes et des informations attestant avec certitude la situation des personnes ainsi que leurs attributs. Sa tâche n'est finalement pas reduite à la rédaction des actes au regard des déclarations qui lui sont faites. Elle va au-delà en assurant une véritable coordination entre les actes et données relatifs à une même personne. Selon les dispositions de l'article 45 du Code Civil, l'officier de l'état civil a une double responsabilité. Il lui incombe en effet de constituer les registres puis de conserver un des deux exemplaires originaux. Le deuxieme étant adressé au Commissaire du Gouvernement qui l'expédiera au Ministère de la Justice qui, enfin, après contrôle et inspection, l'acheminera aux bureaux des archives nationales. Concernant la constitution des registres, la mission de l'officier de l'état civil est rigoureusement encadrée. L'article 41 du Code Civil prévoit les procédures d'ouverture des registres par le Doyen du Tribunal de Première instance à la diligence de l'officier de l'etat civil, pour chacun des exemplaires des registres. L'article précise que les feuilles destinées à l'inscription des actes doivent être numérotées. Elles sont en outre paraphées par le Doyen. Selon l'article 42 du même Code, des exigences particulières sont faites à l'officier d'inscrire les actes dans les registres suivant l'ordre de leur numérotation, de suite sans aucun blanc. Pour la conservation des registres, en terme de sécurité, la loi n'a pas tracé de procédures spécifiques. Elle n'a fait que mentionner dans l'article 45, alinea 2, que l'officier garde entre ses mains l'un des exemplaires originaux. Il le gardera autant qu'il soit encore en poste. A sa mutation (révocation, transfert ou décès) tous les doubles des registres qui constuent l'archive de l'officier de l'etat civil seront transportés, par les soins du Commissaire du Gouvernement, pour être déposés au greffe du tribunal civil de la juridiction de l'officier.

Les actes de l'etat civil sont des actes administratifs relatifs à l'etat des personnes. Dressés suivant les modalites prescrites aux articles 35 et suivants du Code Civil, ils devienent des actes authentiques. L'article 1102 du Code Civil definit l'acte authentique comme étant celui qui a été reçu par officiers publics ayant le droit d'instrumenter dans le lieu où l'acte a été rédigé, et avec les solennités requises. Etant ainsi, conformément à l'article 1104 du Code Civil, les actes de l'etat civil font pleines foi de la convention qu'ils renferment entre les parties contractantes et leurs heritiers ou ayants causes. En outre, la Cour de Cassation, dans un arrêt de la premiere chambre civile du 12 juillet 1911, a précisé que les actes de l'état civil ne font foi jusqu'à inscription de faux que des faits qui se passent devant l'officier de l'état civil et dont la réalité est constatée par lui ; quand aux déclarations émanées des témoins et aux faits qu'elles constatent, ils peuvent être combattus par la preuve testimoniale sans qu'il soit recourrir à l'inscription de faux. Les dispositions des articles 35 à 38 du Code Civil exigent aux officiers de l'état civil le respect minitieux des procédures non seulement de la présence mais aussi de la trascription des actes sur les registres. Poursuivant le même objectif, l'article 39 du Code Civil prescrit à l'officier de l'état civil de donner lecture des actes aux parties, comparants, ou à leur fondé de procuration, et aux témoins. Un autre élément qui garantit l'authenticité des actes de l'état civil est la signature des personnes dont la loi exige l'intervention. L'article 40 du Code Civil précise que les actes doivent être signés par l'officier de l'état civil, par les comparants et les témoins, ou mention sera faite de la cause qui empechera les comparants et les temoins à signer. L'officier devra également indiquer dans l'acte l'impossibilité pour le déclarant de signer, notamment en raison de son illetrisme. L'on en déduit que l'ommission de signature d'une partie, d'un déclarant ou d'un temoin n'est pas, en principe, une cause de nullité des actes de l'état civil.

S'il est certes que l'officier de l'etat civil joue un role important dans la determination de l'etat des personnes pour autant, il detient un pouvoir qui souffre de marges de manoeuvres limitées. D'abord, l'officier de l'état civil, selon les prescrits de l'article 17 de la loi du 20 août 1974, ne saurait établir des actes que la loi ne lui aurait pas prescrits, sous peine de sanctions. Son champs d'intervention est d'autant plus limité en ce qu'il soit conditionné strictement aux énonciations des déclarants. L'article 36 du Code Civil précise en effet que les officiers de l'état civil ne pourront rien insérer dans les actes qu'ils recevront, soit par note, soit par énonciations quelconque, que ce qui doit être déclaré par les comparants. Malgre la possibilité de fraude à l'état civil, il est supprenant que les pouvoirs de l'officier de l'état civil ne soient aussi restreints au regard des moyens de contrôle et d'investigation dont il dispose afin de s'assurer de la véracité mais aussi de la sincérité des déclarants ou parties à l'acte. En effet, la preuve de l'identité des parties, des déclarants ou des témoins, n'est pas une formalité substantielle conditionnant l'intervention de l'officier, qui ne surait refuser d'établir un acte de naissance en l'absence de justificatifs. En ce sens, l'oficier de l'état civil, selon l'article 55 alinéa 7, ne peut conditionner la rédaction de l'acte de naissance à la présentation préalable d'un justificatif permettant de faire preuve de l'identite du déclarant.

2) Conditions pour devenir officier de l'état civil

La loi du 20 août 1974 portant sur le contrôle et l'inspection de l'état civil, quand a elle fixe en son article 13 les conditions pour qu'une personne puisse être devenir officier sont définies. L'article précise sept (7) conditions essentielles que toute personne désireuse de devenir officier de l'état civil doit avoir. Cet article se lit, pour être officier de l'état civil il faut :

1) Etre haïtien;

2) Etre majeur ;

3) Jouir de ses droits civils et politiques et n'avoir jamais été condamné à une peine afflictive ou infamante;

4) Avoir subi avec succès un examen de recrutement roulant sur le programme officiel de la classe de 4e des lycées et collèges. Les détenteurs de certificat de fin d'études secondaires, première partie, ou d'un diplôme universitaire sont dispensés de cet examen;

5) Avoir fait un stage de trois mois au moins, ou avoir été clerc durant deux années dans un des bureaux de l'état civil du pays;

6) Etre détenteur d'un certificat de bonnes vie et moeurs délivré par le Maire de la commune ou le Juge de Paix et visé par la Police;

7) Avoir une bonne connaissance des centres urbains et des zones rurales de la juridiction.

M. André. F. BISTOURY, ancien officier de l'état civil, a écrit à ce sujet: la fonction d'officier de l'état civil est une des fonctions objet des convoitises les plus fantastiques. L'homme qui sait à peine écrire son nom, pourvu que les circonstances le mettent sur le chemin d'un homme politique qui a réussi, se croit autoriser à devenir officier de l'état civil. 

3) Responsabilités et sanctions de l'officier d'état civil

L'officier d'état civil agit dans sa juridiction en tant que représentant de l'Etat. Il est soumis à un contrôle des autorités judiciaires et en particulier du Commissaire du Gouvernement (Pierre-Louis, 2011). Les fautes et négligences commises par l'officier d'état civil dans l'exercice de ses fonctions peuvent engager la soit la responsabilité de l'Etat, soit celle de l'officier d'état civil lui-même. Dans le cadre de notre travail, nous prenons en compte que la responsabilité personnelle de l'officier lui-même. La responsabilité de l'officier de l'état civil est susceptible d'être recherchée sur le plan civil ou pénal et les sanctions qu'il peut encourir vont de l'amende civile à la sanction pénale en passant par la sanction disciplinaire.

1. Responsabilité civile de l'officier de l'état civil

Selon le code civil, toute faute ou négligence peut entraîner la responsabilité de ceux qui l'ont commise (art.1169). Ces dispositions s'appliquent à tous les citoyens, y compris aux officiers de l'état civil. Le code civil prévoit un certain nombre de situations à l'occasion desquelles la responsabilité de l'officier d'état civil pourra être mise en cause : la tenue et la conservation des registres d'état civil (art.52 et 53), ou les dispositions relatives aux mariages (art. 144 et 178).

2. Responsabilité pénale de l'officier de l'état civil

La responsabilité pénale des officiers de l'état civil est prévue par les dispositions de l'article 52 aux termes desquelles (Toute altération, tout faux dans les actes de l'état civil, toute inscription de ces actes faite sur une feuille volante et autrement que sur les registres à ce destinés, donneront lieu aux dommages-intérêts des parties, sans préjudice des peines portées au code pénal). La nature des peines qui peuvent être prononcées par des juridictions répressives renvoie à plusieurs articles du code pénal et du code civil. Les poursuites pénales relèvent du droit commun, et sont, suivant les cas, portées devant le tribunal de police, le tribunal correctionnel ou la Cour d'assises.

3. Sanctions civiles encourues par les officiers de l'état civil

Des sanctions civiles sont prévues pour manquement aux obligations des officiers relatives à la rédaction des actes et à l'apposition des mentions marginales d'une part, à celles relatives à l'instruction des dossiers de mariage d'autre part. Toutefois, les montants du dommage-intérêt n'est pas fixé.

4. Sanctions pénales encourues par les officiers de l'état civil

Comme on dit, la faute pénale est qualifiée de tout fait qui porte atteinte à l'intérêt public : elle affecte suffisamment les valeurs jugées fondamentales de la société pour que son auteur en réponde devant la loi en subissant une peine. C'est ce que l'on désigne comme responsabilité pénale. Cette sanction sera requise en principe par le ministère public, qui représente la Société ; l'action par laquelle la sanction pénale est recherchée s'appelle action publique ; elle est exercée devant une juridiction chargée d'appliquer la loi pénale qui sera différente selon la caractérisation de l'infraction : cours d'assise (crime), tribunal correctionnel (délit) et tribunal de simple police (contravention). Pour autant, une sanction pénale n'aura de sens que si l'auteur de l'infraction peut se voir reprocher sa conduite et en mesurer la portée, ce qui suppose qu'il ait commis l'infraction et en connaissance de cause. En qualité de dépositaire public, les sanctions classiques peuvent être appliquées a l'encontre de l'officier de l'état civil pour des infractions communes, tels les détournements d'acte public, la destruction, le détournement ou la destruction de biens ou pièces remis en raison de sa fonction. Ces dites infractions sont prévues et punies par l'article  134 du code pénal haïtien.

Les sanctions pénales susceptibles d'être prononcées à l'encontre des officiers de l'état civil sont les suivantes : - amende d'un montant allant de seize (16) à quarante huit (48) gourdes et de 1 à 3 mois d'emprisonnement : le fait pour l'officier de l'état civil d'avoir inscrit l'acte sur de simples feuilles volantes (art. 153 du code pénal) ;

- amende prévue par l'article 154 (16 à 64 gourdes) et de (6 mois a 1 an) d'emprisonnement : le fait de célébrer un mariage de mineurs sans avoir recueilli les autorisations familiales nécessaires ;

- amende de (16 à 64 gourdes): le fait pour l'officier de l'état civil de célébrer le mariage d'une femme déjà liée par mariage, en ayant connaissance de cette situation (art. 155 du code pénal) ;

- amende de 50 à 500 gourdes) : le fait pour l'officier de l'état civil de dresser un acte pour lequel il n'était pas compétent en raison de sa juridiction.

5. Sanctions disciplinaires

Outre les sanctions pénales et civiles que les officiers de l'état civil encourent pour les fautes commises dans l'exercice des fonctions de l'état civil, ils peuvent, pour les mêmes fautes, et selon leur gravité, être suspendus et même révoqués par l'autorité administrative. Ces dispositions sont prévues d'une part, dans le décret portant révision du statut général de la fonction publique en Haïti. Ce décret a été publie dans le Moniteur, Spécial No 7, 22 juillet 2005. Il a entre autre objectif de préciser les droits et garanties du fonctionnaire conformément aux prescrits constitutionnels et de fixer ses devoirs et obligations envers I `Etat et les administrés, ainsi que les sanctions consécutives à leur manquement. Ainsi le chapitre IV de ce décret, à travers les articles 182 à 192, la question de la discipline des fonctionnaires publics est donc traitée. D'autre part, l'article 17 de la loi du 20 août 1974 portant sur le contrôle et l'inspection de l'état civil en Haïti abonde dans le même sens. Selon cette loi, lorsqu'il s'agit de mettre en application une sanction disciplinaire, l'autorité hiérarchique n'a pas à attendre la décision d'un tribunal quelconque. Cela sous entend que l'action disciplinaire étant indépendante de l'action pénale, la suspension pouvait être prononcée, même si les faits sanctionnés pouvaient constituer une infraction pénale, sans avoir à attendre que la juridiction pénale compétente ait définitivement statué.

Section 2 : Acte de naissance en Haïti

L'acte de naissance est la première pièce d'état civil que doit recevoir tout être humain à la naissance. D'après les lois haïtiennes, chaque membre de la société doit être inscrit dans le registre d'état civil à sa naissance, de manière à être pris en compte par l'Etat auquel il appartient. Cet acte lui servira tout au long de son existence, permettant la rédaction d'autres actes d'état civil à obtenir, pour différentes transactions ou activités professionnelles et commerciales. Dans cette section de notre travail nous présentons l'ensemble des prescriptions contenues dans le formulaire de l'acte de naissance et analysons la portée de l'acte en lui-même.

1. Etablissement de l'acte de naissance

L'acte de naissance représente, pour reprendre Jobnel Pierre, le premier document par lequel l'Etat assume qu'il reconnaît une personne comme son ressortissant. Ce document est une pièce juridique attestant la déclaration ou l'enregistrement d'un fait d'état civil (Pierre, 2005).  Le système d'enregistrement est complexe et pose de sérieux problèmes. D'un coté, l'acte est enregistré par l'officier d'état civil de façon manuscrite sur des formulaires pré remplis proposés par le Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique. Ces formulaires laissent beaucoup de possibilités d'erreurs à la personne qui les remplit. De l'autre,  pas de référence d'orthographe officielle. Étant donné qu'il n'existe pas d'orthographe officielle pour les noms de famille haïtiens et le système se base sur simple déclaration, les possibilités d'erreurs paraissent évidentes. Le système offre à chaque officier de l'état civil la latitude d'écrire le nom comme il l'entend. Cela pourrait occasionner qu'au sein d'une même famille, une variété d'orthographes du patronyme. Cette réalité pourrait être source de conflits au moment par exemple, de partager des biens laissés en héritage. Enfin, le système étant exceptionnellement déclaratif, l'officier de l'état civil, bien qu'ayant compétence exclusive pour dresser les actes de naissance, n'a pas le pouvoir de vérifier la réalité de cet événement. Il doit uniquement se fier aux énonciations du déclarant. Il n'a qu'un simple rôle de transcription à tenir, sans vérification aucune. En conséquence, des gens détenteurs d'acte naissance pourraient sans difficultés aucunes s'en font délivrer d'autres. Donc, une personne peut se retrouver détentrice de plusieurs actes de naissance. Toutefois, dans le cadre des naissances institutionnelles (enfant né à l'hôpital), l'officier de l'état civil pourrait exige un certificat de naissance. Il pourrait également demander l'acte de mariage lorsque le déclarant se dit être marié. Lorsque l'enfant n'est pas né à l'hôpital, l'acte de naissance est obtenu par déclaration des parents (ou de l'un d'eux) et de deux témoins devant l'officier d'état civil. Eu égard à la forme, l'acte de naissance tel qu'il se présente aujourd'hui, selon un rapport d'une mission en Haïti, organisée du 26 mars au 7 avril 2017 par l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA), est une feuille de papier de format bureautique US letter 8 ½ X 11 pouces (Refworld, 2017). Cette feuille pré imprimé communément appelée formulaire, provient du Ministère de Justice et de la Sécurité Publique (MJSP) et est rempli par l'officier de l'état civil de concert avec le comparant, au moment de la déclaration faite par ce dernier. Selon la représentante de l'ambassade d'Haïti à Ottawa a précisé que les renseignements « de base » qui se trouvent sur l'acte de naissance sont les suivant :

· l'année de préparation et le jour et l'heure de comparution

· le nom de l'officier d'état civil et son identification

· le nom du comparant (père, mère, ou tiers)

· la profession (parfois), le nom de la ville de son domicile

· la déclaration en lien avec le type d'union

· le genre de l'enfant et son ou ses prénoms

· le nom de la mère, s'il s'agit d'une déclaration par le père

· les noms des témoins

· les signatures et sceaux

Le modèle présenté sous la forme de formulaire, pourrait être se décomposer en plusieurs rubriques distinctes. Cette présentation semble être faite à la lumière des conditions fixées par l'article 56 du code civil haïtien. Il faut le mentionner qu'en matière d'acte de naissance, trois (3) formulaires distincts peuvent être utilisés pour déclarer une naissance, selon la qualité du déclarant. Si c'est le père qui est le déclarant, on parle de déclaration père et type de formulaire est utilisé. Dans le cas ou c'est la mère, cas d'un enfant de père inconnu ou qui ne reconnaît pas la paternité, c'est un autre type de formulaire qui est utilisé (déclaration mère). La déclaration est tierce lorsqu'un parent donne mandat à une autre personne de se présenter devant l'officier de l'état civil pour faire la déclaration de naissance. En pareil cas le formulaire utilisé serait la déclaration tierce. Selon notre analyse du formulaire, nous tentons nous-mêmes dans le cadre de notre travail de les regrouper en plusieurs rubriques. La première concerne l'officier de l'état civil lui-même. Elle renferme l'année de déclaration, le jour et l'heure où la déclaration a été faite. En outre, elle contient le nom de l'officier de l'état civil et son identification. La seconde présente des indications permettant de vérifier l'identité du ou des parents et celle de l'enfant. Le père ainsi que la mère doivent être identifiés par l'indication de leur nom(s), prénom(s), profession et domicile. Quant a l'enfant, les informations relatives à son sexe, sa filiation (naturelle ou légitime), le lieu, la date et heure de la naissance, enfin le ou les prénoms qui lui est attribué. L'acte de naissance déclare l'enfant légitime lorsqu'il est né dans les liens du mariage, et naturel dans les autres cas. La dernière rubrique identifie les témoins ainsi que la signature de l'officier de l'état civil, du déclarant et des témoins. Ce sont ces dernières formalités qui permettent de clôturer l'acte de naissance, préalablement soumis à la relecture. Cependant, concernant les enfants trouvés, l'officier de l'état civil procède à une double inscription. D'une part du procès-verbal de découverte, de l'autre, de l'acte de naissance, selon les modalités prévues par l'article 57. Il est à noter que dans le cas d'un enfant trouvé, l'officier devra lui-même choisir les prénoms et noms à attribuer à l'enfant.

2. La portée de l'acte de naissance

Le système juridique haïtien reconnait trois (3) sortes de filiations : celle dite légitime, celle adoptive et celle naturelle. La filiation est légitime lorsque ceux que le droit nomme les père et mère sont mariés lors de la conception ou de la naissance de l'enfant. Elle est dite naturelle dans le cas contraire. Cette dernière catégorie n'est pas homogène. Elle pourrait se subdiviser entre les enfants naturels simples qui sont ceux dont les parents auraient pu légalement contracter mariage mais ont librement décidé de ne pas le faire ; les enfants naturels adultérins qui sont ceux dont l'un au moins des auteurs était, au moment de la conception, engagé dans une union conjugale avec un tiers ; les enfants naturels incestueux qui sont ceux dont les père et mère sont empêchés de s'épouser en raison de leur lien de parenté à un degré proche. La filiation adoptive est une relation de filiation juridique existant entre un enfant et des parents qui ne sont pas du même sang. Il existe deux sortes d'adoption parmi lesquelles un couple peut choisir : l'adoption simple et l'adoption plénière. Selon l'article 24 de la loi du 15 novembre 2013 reformant l'adoption en Haïti, l'adoption simple est celle qui confère le nom de l'adoptant à l'adopté en l'ajoutant au premier nom de ce dernier. Cette loi précise en outre qu'aucune modification ne sera apportée quand l'adoptant et l'adopté ont le même nom patronymique. En cas d'adoption par un couple, l'adopté prend le nom du mari ou du concubin.

Auparavant, le Code civil traitait séparément de la « filiation légitime », qui s'inscrit dans le mariage, et de la « filiation naturelle », qui existe en-dehors de l'union conjugale. A l'intérieur de ces catégories, il était édicté des règles différentes selon que l'on envisageait l'établissement du lien maternel ou du lien paternel, seule la reconnaissance étant commune à la maternité et à la paternité hors mariage. Cependant, la loi du 4 juin 2014 a refondu la présentation du droit de la filiation. L'article 1er de cette loi établi le principe de l'égalité des filiations légitime, naturelle, adoptive. Ainsi les enfants issus de l'une ou de l'autre condition engendrent nécessairement l'égalité entre tous les droits et les obligations moraux et pécuniaires à la charge de leurs parents.

Désignant le lien qui unit un enfant à son père et/ou à sa mère, la filiation n'est donc, comme dit Gutmann, ni du domaine de l'être, ni du domaine de l'avoir : elle est du domaine de la relation. Elle n'est pas non plus de l'ordre du fait, mais de l'ordre de l'artifice en ce qu'elle n'existe pas par elle-même mais est une création du droit (Gutmann, 2000). Certes, à la base de toute filiation, il y a l'engendrement, il y a la procréation. Que ce soit par le biais de relations charnelles ou d'une technique médicale, on rencontre toujours le phénomène de création, entendu comme l'action de faire naître et le phénomène d'assemblage, d'union ou de fusion. Ainsi, la filiation, c'est l'attachement que le droit (et la société dans son ensemble) considère comme digne d'être reconnu. Quel que soit le qualificatif apposé au mot filiation, il n'en demeure pas moins que celle-ci n'existe que parce qu'elle a été légalement établie, c'est-à-dire prouvée conformément à la loi. C'est en cela que Gérard CORNU dit du droit de la filiation qu'il est un droit de la preuve, un système de preuve (Cornu, 2003).

L'acte de naissance en constituera la preuve par excellence, telle que l'indique le premier alinéa de l'article 2 de la loi portant sur la paternité, la maternité et la filiation, publiée dans le Moniteur, le mercredi 4 juin 2014. Cette article souligne que la filiation s'établit par l'inscription de la naissance sur les registres de l'officier de l'état civil ou sur ceux du Consul haïtien à l'étranger, sur comparution des parents ou de l'un d'eux muni d'un acte authentique ou d'une procuration spéciale donnée par l'autre parent, ou d'une décision de justice passée en force de chose souverainement jugée, résultant d'une action en recherche de paternité ou de maternité (Moniteu#105, 2014). En qualité de preuve, il a ses propres particularités. Il peut se servir tantôt pour établir, tantôt pour anéantir une filiation. D'abord, l'acte naissance établit donc la preuve de la filiation de l'enfant à ses parents. En ce sens, il identifie clairement l'auteur, qui, à défaut d'être certain, est le géniteur le plus probable. Ensuite, il témoigne en quelque sorte l'expression d'une volonté du géniteur d'assumer un lien de filiation. Enfin, il est la manifestation d'un acte de foi, d'une vérité instituée : je reconnais l'enfant, je suis inscrit comme père sur l'acte de naissance de l'enfant de ma femme, je suis la femme qui accouche de l'enfant et dont le nom est porté à l'acte de naissance.

L'acte de naissance ne traduit pas seulement des preuves de filiation de son propriétaire. Il est également un outil puissant qui peut aider à protéger notamment les enfants contre des changements illicites d'identité, par exemple un changement de nom ou une falsification des liens familiaux. Cela se situe dans la ligne de l'article 8 de la Convention aux Droits des Enfants, et de l'obligation qu'a l'Etat de préserver l'identité de l'enfant. Une question particulièrement préoccupante ici est l'établissement de faux papiers en vue d'une adoption illégale. Il est à noter que l'article 8 de la Convention précise que le droit à un nom, à une nationalité et à des relations familiales font partie du droit à une identité, et que si un enfant est illégalement privé des éléments constitutifs de son identité ou de certains d'entre eux, les États parties doivent lui accorder une assistance et une protection appropriées, pour que son identité soit rétablie aussi rapidement que possible.

La démarche réalisée devant l'officier de l'état civil est une formalité imposant de révéler à l'État l'existence d'un fait dont on a eu connaissance afin que l'information qu'il constitue ne reste pas secrète. L'article 56 du Code civil dispose que doivent figurer dans l'acte de naissance les prénom, nom, âge, profession et domicile du déclarant lorsque ce dernier n'est pas le parent de l'enfant. Cela signifie que le déclarant agit en son propre nom, et non pas en représentation de l'enfant, de la mère de l'enfant ou de son père. Au sens de l'article 599 du Code civil, cette démarche constitue un acte strictement personnel qui ne peut donner lieu : ni à assistance, ni à représentation. A la différence de la reconnaissance, la déclaration de naissance n'a pas vocation à retranscrire un acte de volonté et c'est pourquoi elle peut être faite par toute personne ayant connaissance de la naissance de l'enfant (Carbonnier, 2004). Conformément à l'article 7 de la Convention internationale des droits de l'enfant qui prévoit que l'enfant est enregistré aussitôt sa naissance, le législateur fait obligation à toute personne ayant eu connaissance de la naissance d'un enfant d'en faire la déclaration auprès des services de l'état civil. En effet, le principal intéressé n'étant pas en mesure de se faire connaître, il faut remettre entre les mains des tiers l'obligation de déclarer sa naissance. A cette fin, le législateur charge toute personne ayant eu connaissance de l'accouchement de procéder à la déclaration. L'article 55 du Code civil ouvre une vaste liste de personnes, qui peuvent être : les docteurs en médecine ou en chirurgie, sages-femmes, officiers de santé ou toute autre personne qui aurait assisté à l'accouchement. Toutefois, ces personnes ne sont visées qu'en l'absence du père de l'enfant qui est prioritairement concerné par l'obligation de déclarer la naissance, puisque ce même article dispose que la naissance de l'enfant sera déclaré par le père ou la mère de l'enfant. Le droit de l'enfant d'être enregistré aussitôt sa naissance donne à l'enfant le droit d'être connu des services de l'État. Dans tous les cas, la jouissance effective des droits dont l'enfant peut bénéficier est soumise à l'enregistrement de sa naissance. A partir de cet instant il acquiert la personnalité juridique qui lui donne le statut juridique de personne et de ce fait le protège.

D'un autre côté, l'acte de naissance est l'un des éléments importants utilisé par les autorités de certains pays pour encourager la scolarisation. D'après l'UNICEF, certains Etats comme le Cameroun, le Lesotho, les Maldives et le Yémen, les écoles refusent d'inscrire les enfants qui n'ont pas de bulletin de naissance. En Turquie, ce document est exigé pour l'obtention d'un diplôme d'études primaires et par conséquent pour le passage dans l'enseignement secondaire ; en Tanzanie, il faut le fournir pour s'inscrire à l'université. A Sri Lanka, un certificat de naissance n'est pas demandé pour l'inscription à l'école, mais il est nécessaire pour se présenter à des examens.

Enfin, il est prouvé, suivant cette même ligne d'idées, que cette pièce administrative facilite la jouissance d'autres droits connexes, comme le droit de voter (une fois majeur) et de se faire élire, le droit au mariage formel, celui de posséder un compte bancaire et des propriétés, le droit de détenir d'autres pièces d'identification d'égale d'importance, comme un passeport et une carte d'identité.

Conclusion de la première partie

Au terme de cette première partie de notre étude, elle nous montre que l'acte de naissance en son essence ne cesse d'être au centre des préoccupations de l'individu pris isolement et de l'Etat lui-même en tant que puissance régulatrice. L'éventail des regards posés sur lui est fait qu'il devient un élément précieux et même vital. Quelles que soient les prises de positions en la matière, elles visent à influencer in fine les logiques qui sous tendent son rattachement au fonctionnement de tous les jours dans toutes les grandes décisions sociales et politiques de l'individu.

Toutefois, le diagnostic de la situation de l'état civil fait ressortir un certain nombre de difficultés, de contraintes et d'écarts qui ne facilitent pas l'enregistrement des enfants dès leur naissance, comme en témoignent des études ou recherche-action menées par des organisations internationales comme l'Unicef par exemple. Le fait d'être enregistré confère selon la revue Innocenti Digest de l'UNICEF, des droits et des privilèges aux enfants dans les domaines de l'alimentation, de la santé, de l'éducation. Selon la même source, il ouvre la porte aux droits que de nombreux adultes considèrent comme acquis : le droit de posséder un bien, de voter et de se présenter à une élection, d'obtenir un passeport, etc. Les enfants non enregistrés sont extrêmement vulnérables aux abus de toutes sortes et sont des proies faciles pour les trafiquants, les esclavagistes, les employeurs peu scrupuleux et d'autres individus de mauvaise foi. Pire, informe le document, les enfants sans papiers peuvent être pris pour des adultes qu'ils soient victimes ou coupables de crimes alors qu'en tant qu'enfant ils auraient eu droit à une protection spéciale. L'acte de naissance révèle non seulement le destin de l'individu et des familles, mais également celle d'une société toute entière. Conscient de son importance, les pouvoirs publics se livrent à une quête perpétuelle en vue d'améliorer les conditions de conservation des données de l'état civil. En tant que mode de preuve de l'état de personnes, il peut toutefois paraitre surprenant que l'acte de naissance présente encore certaines imperfections en ce qui concerne notamment au niveau de son enregistrement. C'est sans doute pour cette raison qu'un diagnostic approfondi sera faite dans la juridiction de Miragoâne afin de mieux scruter le problème. Une analyse approfondie sera faite des données provenant des bureaux d'état civil avec une attention particulière aux officiers de l'état civil. Acteur original en droit de la personne et de la famille, l'officier de l'état civil pourrait être considéré comme chef de file du système de l'état civil. De la naissance au décès, en passant par la célébration d'un mariage, la reconnaissance d'un enfant naturel, les actes qu'il dresse sont autant de preuves de la situation des personnes et des citoyens. L'entretien et la conservation des registres qu'il exerce dans sa fonction font de lui un maillon essentiel dans l'histoire de la famille en particulier et celle de la societe en générale.

Deuxième partie

Analyse du phénomène de non enregistrement des actes de naissance en Haïti plus particulièrement dans la juridiction de Miragoâne et des pistes de solutions vers son amélioration

La loi sur l'état civil en l'occurrence le Code Civil, distingue quatre types d'actes de l'état civil lesquels correspondent aux grandes étapes de la vie des individus et des familles. Compétence exclusive est donc donnée à l'officier de l'état civil pour marquer du sceau de la souveraineté les événements les plus marquants et non moins importants de la vie des individus à l'occasion de l'établissement des actes de naissance, de mariage de reconnaissance et de décès. Il ne fait dès lors aucun doute, au vu de ces attributions, que l'officier de l'état civil contribue tant à l'identification des citoyens qu'à l'individualisation des personnes. En enregistrant puis en consignant les données fournies par les déclarants dans les registres, l'acte est le plus strict reflet des dires des comparants ou parties. Les attributions de l'officier de l'état civil ont un rôle essentiel dans la détermination du but originel et de la fin naturelle de la vie, à une époque ou l'intervention humaine n'a de cesse de repousser les limites de l'existence. Le Code Civil donne les dispositions générales relatives à l'enregistrement des actes de naissance, toutefois certains décrets et arrêtés fixent des conditions particulières. L'application rigoureuse de ces règles est importante en ce qu'elles conditionnent les effets de l'acte de naissance à compter de son enregistrement à l'état civil. L'enregistrement de l'acte de

naissance constitue le point de départ d'un fichage qui doit durer toute la vie. Car c'est Isabelle Dauriac qui disait que l'état civil est irréversible. Quelle que soit sa politique, l'État a besoin pour la mener à bien, d'être en mesure d'identifier les personnes à qui elle s'adresse. Ainsi, l'invention des moyens nécessaires et la connexion entre les différents acteurs pour facilité le fonctionnement des techniques sont de l'apanage de chaque État. C'est pourquoi dans cette partie du travail nous allons investiguer le mode de fonctionnement des bureaux de l'état civil dans la juridiction de Miragoâne (chapitre I) pour pouvoir faire des propositions relatives à leur fonctionnement(chapitre 2).

Chapitre I : Enquête sur le fonctionnement des bureaux de l'état civil dans la juridiction de Miragoâne

Ce chapitre présente les résultats de la deuxième phase de notre recherche, comme il a été clairement expliqué dans la partie traitant de la méthodologie utilisée. Pour y parvenir il est question d'une part, de faire une présentation de la juridiction de Miragoâne. Cette présentation portera sur deux (2) aspects essentiels : l'aspect physique et l'aspect administratif (section1). D'autre part, présenter et analyser les résultats des données de l'enquête menée dans les bureaux de l'état civil de cette juridiction (section 2).

Section1 : Présentation de la juridiction de Miragoâne

Dans le cadre de cette section de notre travail de recherche, nous tentons de présenter la juridiction de Miragoâne qui comporte quatre (4) communes : Miragoâne, Petite-Rivière de Nippes, Paillant et Fond des Nègres. Pour éviter l'alourdissement des données sur la zone d'étude, nous ne retenons que certaines données sur les aspects physico-légal et administratif.

a. Aspect physico-légal

Cette partie prend en compte seulement les aspects légaux (loi portant création du département) ainsi que certains aspects relatifs à la démographie de la population à travers les différentes communes de l'arrondissement. Aussi, une présentation sommaire et sélective de certains éléments relatifs aux activités économiques retrouvées dans les communes sera faite.

§ Aspect légal

La juridiction de Miragoâne, comme dit précédemment, avec ses quatre communes forme également l'arrondissement de Miragoâne. A côté de cet arrondissement, on trouve deux autres, l'arrondissement de l'Anse-à-veau et celui des Barradères. Ce sont ces trois (3) arrondissements qui composent le département des Nippes. Ce dernier est crée grâce à un projet de loi déposé au parlement par le pouvoir exécutif d'alors. Ce dit projet a été voté à la chambre basse (chambre des députés), le 18 juin 2003 et par le Sénat, le 4 septembre 2003. L'exécutif a publié cette loi dans le journal officiel de la République, Le Moniteur, le 30 octobre de la même année. D'après cette loi, ce département compte onze (11) communes ; onze (11) quartiers et trente-sept (37) sections communales (Moniteur#82, 2003).

§ Aspect démographique

Selon les données de l'Institut Haïtien des Statistiques Internationales (IHSI), l'arrondissement de Miragoâne à une population estimée à plus de 141 826 habitants dont 85 924 habitants vivant dans les sections rurales, soit environ 61 % de la population. Cependant, la dernière estimation de la population totale, par sexe et population de 18 ans et plus estimées en 2009, au niveau des différentes unités géographiques réalisée par l'Institut haïtien de statistique et d'informatique (IHSI) a évalué cette population à 128 979 habitants. En six (6) ans, de 2009 à 2015, la population des communes et sections communales qui composent l'arrondissement de Miragoâne a augmenté de 12,847 habitants environ, ce qui donne une augmentation de 10% par rapport à la population recensée en 2009. A ce rythme, la population risquera d'atteindre les 180.000 à l'horizon de 2030. Cet arrondissement couvre un espace de terre pouvant être estimé à 435 km2 (IHSI, 2015).

Si l'on veut présenter la répartition des populations de cet arrondissement à travers ces quatre communes, on aura :

Tableau de répartition des populations par commune

Commune

Superficie (Km2)

Population

Densité

Miragoâne

185.87

62 528

336

Fond des Nègres

92.23

33 413

362

Petite-Rivière

93.70

28 553

305

Paillant

63.27

7 332

274

§ Aspect économique

Sur le plan économique, selon une enquête menée par le Ministère de l'Agriculture des Ressources Naturelles et du Développement Rural (MARNDR) le secteur primaire au niveau de l'arrondissement de Miragoâne occupe une place très importante dans l'économie. Toutes les activités du secteur primaires confondues mobilisent environ 75% de la population active de l'arrondissement, l'agriculture représente quand à elle plus 65% de la population active. Bien qu'elle soit l'activité la plus importante du secteur primaire, sa tendance n'est pas trop différente de celle qui prédomine à l'échelle nationale où plus de 60% de la population active dans les milieux ruraux se trouvent concentré dans l'agriculture (MARNDR, 2008).

Toujours d'après les résultats de cette enquête, la seconde activité ou catégorie importante est le commerce qui mobilise 18% de la population active. Il contribue à donner un nombre non négligeable d'emplois à une bonne partie de la population active, notamment les femmes. Les deux plus grands pôles d'activités commerciales sont, d'abord, la commune de Miragoâne qui est le chef lieu du département et possède l'un des principaux ports de commerce haïtien. Ce port reçoit généralement des cargaisons d'objets manufacturés en provenance des États-Unis d'Amérique. Il n'est pas inutile de mentionner que les installations portuaires étaient également utilisées par la compagnie américaine Reynolds Metals Company spécialisée dans l'aluminium et l'exportation de la bauxite en provenance notamment d'Haïti, notamment dans la commune de Paillant. Cette compagnie a quitté le territoire haïtien laissant derrière elle de grosses infrastructures, notamment un port en eaux profondes. Ce port a remplacé en 2010 l'ancien port civil de la commune qui a été endommagé avec le séisme du 12 janvier 2010. Ensuite la commune de Fond des Nègres qui, grâce a son marché, mobilise une part importante de semi détaillants et de petits marchandes de la région grand sud, en particulier du département des Nippes. Les produits vendus sont essentiellement constitués des produits agricoles de première nécessité, de certains produits manufacturés, et d'autres produits en provenance de l'étranger. Ce marché existe certes, mais n'est généralement doté d'aucune infrastructure de base. Il est représenté essentiellement par des espaces physiques aménagés en plein air, au bord de la route nationale #2 conduisant vers les Cayes. L'essentiel des échanges est réalisé dans le secteur informel, entre les agents des différentes communes du département et ceux venant de l'extérieur, c'est-à-dire des communes qui se trouvant dans des départements voisins, comme l'Ouest et le Sud en particuliers.

Toutefois, tenant compte du caractère informel des échanges au niveau de l'arrondissement, il parait assez difficile de disposer de données suffisantes permettant en quelque sorte de chiffrer les flux commerciaux. Quant aux activités du secteur secondaire, elles sont marginales et englobent la transformation artisanale des ressources naturelles.

§ Aspect administratif

Sur le plan administratif, c'est la juridiction de Miragoâne qui détiendrait la majorité des institutions publiques du département. On pourrait se demander pourquoi une telle organisation. Peut-être parce qu'il est plus proche géographiquement de la capitale du pays. Peut-être parce qu'il est administrativement le chef lieu du département des Nippes également chef lieu de l'arrondissement de Miragoâne. On n'a aucune évidence. Sauf nous constatons que presque toutes les institutions publiques sont représentées, sauf qu'elles sont présentes uniquement au niveau des villes de Miragoâne et de Fond des Nègres. On y retrouve : les directions départementales du Ministère de l'Agriculture des Ressources Naturelles et du Développement Rural (DDNi/MARNDR), du Ministère de l'Education Nationale et de la Formation Professionnelle (DDNi/MENFP), du Ministère de la Santé Publique et de la Population (DDNi/MSPP), du Ministère de la Planification et de la Coopération Externe (DDNi/MPCE), du Ministère des Travaux Publics du Transport et de la Communication (DDNi/MTPTC), du Ministère de l'Economie et des Finances (DDNi/MEF), du Ministère des Affaires Sociales et du Travail (DDNi/MAST) et du Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique via la PNH (DDNi/PNH) et le Parquet près le tribunal de première Instance de Miragoâne. Parallèlement, le Ministère de l'Intérieur et des Collectivités Territoriales (MICT) est représenté dans l'arrondissement par la délégation, les Mairies et les autres Collectivités Territoriales locales. Les membres des Collectivités Territoriales locales sont les plus présents au niveau de l'arrondissement, car on retrouve les CASECS et ASECS au niveau de toutes les sections communales.

Il faut souligner qu'en passant que depuis 2020, plusieurs institutions publiques sont en cohabitations. C'est le cas du Tribunal de Première Instance de Miragoâne et du Parquet près de ce dit tribunal ; de la DDNi/MENFP ; de la DDNi/MAST ; du Bureau Electoral Départemental des Nippes (BED-Nippes) et de la Direction de l'immigration et de l'émigration, pour ne citer que celles-là qui sont toutes logées au local du complexe administratif public qui se situe dans la ville de Miragoâne.

Pour ce qui concerne la Police Nationale d'Haïti (PNH), on rencontre au niveau de cette juridiction le commissariat départemental qui se situe à Miragoâne avec également la présence d'une unité spécialisée: Unité Départementale de Maintien de l'Ordre (UDMO). Il y a également un sous-commissariat dans chacune des communes y compris un sous-commissariat du quartier de Saint-Michel du Sud.

Sur le plan judiciaire, on y trouve un Tribunal de Première Instance (TPI). Ce tribunal qui se situe dans la commune de Miragoâne a été instauré par la loi du 11 juillet 2002. Cependant, celui-ci ne commence à fonctionner que le 3 octobre 2007, après maintes démarches et mouvements de revendications faites par la population de cette juridiction, notamment celle de la commune de Miragoâne. Siégeant à Miragoâne, la juridiction de ce dit tribunal s'étend sur cinq (5) tribunaux de Paix dont deux d'entre eux se trouvent dans la commune de Miragoâne : l'un est situé au centre ville de Miragoâne et l'autre est placé au niveau du quartier de Saint-Michel du Sud. Ce dernier a été crée par le décret du 30 octobre 1986 (Moniteur#90, 6 novembre 1986). Pour les autres tribunaux de paix, ils se situent respectivement dans les communes de Fond des Nègres, paillant et de Petite-Rivière des Nippes. Il faut noter que le Parquet près du tribunal de première instance de la juridiction de Miragoâne ouvre ses portes au même moment que le dit tribunal.

En matière de l'état civil, la juridiction de Miragoâne renferme également cinq (5) bureaux. Un (1) bureau dans chacune des communes sauf la commune de Miragoâne qui en a deux. A l'instar des tribunaux de paix, l'un des bureaux de l'état civil est situé dans la ville et est censé là, pour desservir la population centre ville et celle de la première section en raison de sa proximité. L'autre qui se trouve dans le quartier de Saint Michel du Sud est, depuis son installation en 2004, cohabité avec le tribunal de paix de ce dit quartier. Il est censé là pour recevoir non seulement la population de Saint Michel, à la fois quartier et 4ème section de la commune de Miragoâne mais également les gens venant des localités de Belle-Rivière et Dessources, respectivement deuxième et troisième section communale de Miragoâne.

Il faut noter qu'actuellement dans la juridiction de Miragoâne les bureaux de l'état civil sont logés dans les mêmes locaux que les tribunaux de paix. Cette situation est du en vertu de la loi du 23 juillet 1958 qui, dans ses dispositions, exige que dans chaque localité ou fonctionne un Tribunal de Paix, les locaux de ce dit tribunal doit servir également pour loger les Services de l'office de l'état civil (Moniteur#94, 1958).

Section 2 : Présentation et analyse des résultats de l'enquête sur les bureaux de l'état civil

Dans cette section, nous tâchons de présenter et du coup d'analyser les résultats de l'enquête que nous avons menée dans les bureaux d'état civil de la juridiction de Miragoâne. Cette démarche consiste à mettre à l'épreuve l'hypothèse et l'objectif de la recherche à partir des données empiriques récoltées sur le terrain pour ensuite livrer leurs sens dans le contexte théorique de la recherche. C'est dans cette perspective que nous menons notre enquête au cours de la période allant du 2 au 12 mai 2021. Les résultats de notre enquête se présentent sous forme de propositions catégoriques accompagnées d`explications, afin de vérifier si notre compréhension est conforme à la réalité et permettre de montrer que notre traitement des entretiens a été fait avec objectivité. Car ils vont nous permettre d'examiner en profondeur les principaux facteurs qui entravent l'enregistrement des actes de naissance. Pour une meilleure compréhension de cette section, nous présentons d'abord les démarches méthodologiques adoptées, ensuite les limites de notre recherche et enfin l'analyse proprement dite des résultats de l'enquête.

Méthodologie de l'enquête

Dans un souci de clarté et pour permettre une meilleure compréhension de notre étude, nous avons effectué notre enquête sur un secteur géographique bien défini, il s'agit de la juridiction de Miragoâne. Comme nous l'avons déjà dit, notre recherche a été menée dans les trois (3) communes abritant les bureaux d'état civil de la juridiction à savoir les communes de Miragoâne, Petite-Rivière de Nippes et Fond-des-Nègres. Les bureaux de l'état civil constituent notre principale population de recherche. Pour recueillir les données, nous avons utilisé la méthode qualitative.

Limites de notre recherche

Aucun chercheur ne saurait prétendre conduire une recherche sans se heurter à des embuches et des limites de toutes catégories ralentissant certaines fois ses élans et compliquant son travail. Cette recherche est réalisée à partir de la combinaison de trois techniques de recherches différentes: l'analyse documentaire, l'observation directe et l'enquête de terrain. Les limites de chacune de ces techniques étant déjà présentées, il s'agit ici de s'attarder sur les limites liées à la passation des guides d'entretien et celles de l'observation. Dans le cadre de ce travail, nous avons rencontré des contraintes ayant constitué des freins à notre démarche. La première limite est liée au désistement spontané ou à l'absence de certains personnels comme les clercs ayant préalablement accepté de répondre aux questions. Cette situation nous a imposé d'effectuer notre enquête seulement auprès des officiers d'état civil. Une deuxième limite est inhérente à l'observation directe. Tous les employés des bureaux d'états civils observés étaient bien informés à l'avance de notre présence, ils pourraient éventuellement prendre toutes les dispositions nécessaires pour que l'espace soit nettoyé et/ou arrangé, avant notre arrivée. Une troisième limite concerne la réponse des sujets par rapport aux guides d'entretien, les officiers ne jugent pas important de nous fournir certaines explications relatives au mode de rémunération des clercs et nous ont refusé l'accès à leur registre ce qui nous permettra de vérifier si effectivement les normes relatives à la transcription des actes de naissance sont plus ou moins respectées.

Analyse des résultats

Pour pouvoir analyser les données recueillies dans le cadre de la présente recherche, nous les regroupons autour de 3 thèmes.

D'abord, nous présentons le thème, puis l'objectif poursuivi par le dit thème. Ensuite, nous exposons et analysons les résultats qui sont des propositions d'ordre général sur les pratiques des officiers d'état civil sur la question.

1) Thème 1 : Vérification de l'existence du personnel attaché au bureau de l'état civil

Par ce premier thème, nous entendons poursuivre un objectif bien précis. Il s'agit de vérifier le personnel attaché au bureau de l'état civil. Cependant, il convient de noter que cette vérification se fait à deux niveaux. Dans un premier temps, nous prenons en compte l'effectif des employés attachés au bureau. Cela nous permet de voir si le personnel est suffisant pour exécuter les tâches essentielles liées au fonctionnement régulier des bureaux d'état civil. Dans un second temps, connaitre la formation du personnel, notamment celle liée directement à leur fonction. Nous faisons référence leur participation aux ateliers de formation, colloques et séminaires. Ce qui nous offre l'opportunité de mieux comprendre le lien existant entre le niveau de formation des employés et la persistance du phénomène de non enregistrement.

Les opinions des interviewés sont convergées par rapport à la quantité du personnel attaché au bureau de l'état civil. Chaque bureau a pratiquement comme personnel un officier de l'état civil. Ce dernier est un fonctionnaire nommé par le Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique. Pour faire fonctionner les bureaux d'état civil, selon le dit des officiers, la présence des clercs est nécessaire. Dans chaque bureau d'état civil, le constat montre qu'il existe un clerc. A l'exception du bureau d'état civil de Miragoâne où l'on en trouve deux. Si pour les autres bureaux d'état civil le clerc est pris en charge par l'Etat, ceux de Miragoâne ne sont pas nommés par l'Etat. Par conséquent, ils ne reçoivent pas un salaire provenant de la caisse publique. Ils sont considérés comme des clercs bénévoles. Etant bénévoles, ils n'ont pas un salaire fixe. En compensation à leur travail, ils reçoivent de l'officier de l'état civil, chaque semaine, une gratification. Interrogé sur les sources de provenance et le montant de cette gratification, l'interviewé nous a déclaré qu'il exige au comparant, pour chaque acte d'état civil délivré par le bureau, un frais de service. Quand nous lui questionnons sur le montant des frais de service versés par les déclarants, aucune réponse exacte ne nous est donnée. Selon lui, ce montant forfaitaire ne doit pas être déclaré mais restera à sa discrétion. Toutefois, pour ce qui concerne la rémunération qu'il attribue à ses clercs, selon l'officier de l'état civil, il ne s'agit pas d'un montant fixe et n'est non plus déterminé à l'avance. Donc, il varie selon la réalité. C'est-à-dire de la quantité des déclarants qui fréquente le bureau au cours de la semaine en question. Voulant savoir s'il existe de tâches spécifiques réservées à chaque clerc, l'officier nous répond qu'il n'y a pas de tâches spécifiques réservées à une personne bien déterminée. Les clercs reçoivent les déclarations dépendamment du service que réclame le comparant. Si la loi du 20 août 1974 reconnait que l'officier de l'état civil peut choisir un ou plusieurs secrétaires ou clercs qualifiés uniquement pour la transcription des actes dans les registres, en principe, la rédaction des actes de l'état civil devrait être faite par les clercs, et, la signature seule devrait appartenir à l'officier de l'état civil. Pourtant dans la réalité ce n'est pas toujours le cas. Dans le cadre de notre enquête, nous observons, dans certains bureau de l'état civil, des officiers qui eux-mêmes se chargent de la rédaction et de l'enregistrement des actes. Selon l'un des officiers interviewé, il nous a déclaré que certains actes de l'état civil comme le mariage civil, le divorce par exemple, il se charge lui-même de la transcription des dits actes. Il est à noter que les bureaux de l'état civil délivrent différents types d'actes comme : l'acte de naissance, l'acte de reconnaissance, l'adoption, l'acte de mariage civil ou religieux, l'acte de divorce, l'acte de décès, etc.

Quant au petit personnel comme gardien, ménagère et messager, leur présence n'était pas remarquée lors de notre enquête. Interrogé sur l'existence de ces employés, les officiers d'état civil interviewés ont unanimement reconnu que leurs bureaux fonctionnent sans leur présence. Toutefois, ils reconnaissent, bien que ces types de personnel ne soient pas directement concernés par la question de l'enregistrement des actes de l'état civil délivrés par les bureaux, les officiers savent cependant que leur absence constituerait un vide, un manquement pour le fonctionnement normal des bureaux. Pour eux, leur absence pose certains problèmes dans le fonctionnement régulier du bureau. En règle générale, ce personnel est là pour s'occuper de la propreté dans les bâtiments ; la sécurisation des personnes et la préservation des biens ; le contrôle du fonctionnement des matériels de bureau et leur maintenance ; la distribution des courriers, etc. Toutes ces tâches trainent à être exécutées. Pour exécuter certaines d'entre elles, dès fois, selon les officiers de l'état civil, le recours à la bonne volonté des clercs s'impose. Toutefois, pour réduire la poussière, la boue et toutes autres formes d'insalubrité dans les bureaux d'état civil leur intervention ne se fait sans peine.

L'analyse des données, relatives à la quantité du personnel attaché au bureau d'état civil, montre qu'il y a certainement un manque en terme quantitatif. Donc, la quantité de personnel attaché aux dits bureaux est loin d'être suffisante pour effectuer toutes les tâches relatives au fonctionnement réel des bureaux.

Concernant le niveau de qualification des officiers d'état civil, 3 deux interviewés sont des universitaires de niveau licence notamment en science juridique. Quant à l'autre, il a fait la 9e Année Fondamentale. Pour les clercs ou secrétaires, leur niveau d'instruction est en générale la classe de philosophie.

Le personnel attaché au bureau de l'état civil de la juridiction de Miragoâne possède un niveau académique acceptable. Car selon les exigences de la loi dans ce domaine, pour exercer la profession d'officier d'état civil, le niveau de qualification minimale est la 9e Année Fondamentale.

Pour ce qui concerne la formation relative à l'exercice de leurs tâches, à date, selon les interviewés, le Ministère de la Justice n'a mis en place aucun programme destiné à la formation du personnel attaché au bureau d'état civil. Certaines fois, selon les interviewés, des rencontres d'information sont organisées par le Ministère de la Justice, c'est uniquement pour les informer des dispositions relatives aux arrêtés sur les actes l'état civil. En ce qui à trait à la fréquence de ces rencontres, aucune réponse certaine pour la fréquence. La plus récente remonte en février 2014. Voulant savoir si les clercs ont reçu une formation relative à leurs taches, les officiers de l'état civil ont tous reconnu que la question de la formation des clercs ne fait pas partie du programme du Ministère de la Justice. Pour exécuter leurs tâches, ils se sont formés par la routine et la pratique de tous les jours.

Pour assurer un bon fonctionnement, un personnel formé et en nombre suffisant est nécessaire à chaque bureau d'enregistrement des faits d'état civil. N'ayant reçu aucune formation théorique dans le domaine relatif à la fonction qu'ils remplissent, n'ayant pas bénéficié d'une rémunération mensuelle fixe afin de leur enlever toute tentation de commettre des fraudes, ou de falsifier des documents, on pourrait se demander si les clercs bénévoles sont motiver pour exécuter leurs tâches avec de la joie et s'ils ont du souci pour leur travail. Cette attitude ne devient-elle pas pire quand ils n'ont aucune certitude s'ils seront effectivement recrutés dans le poste qu'ils occupent depuis plusieurs années ?

2) Thème 2 : Vérification du matériel des bureaux de l'état civil

Dans ce thème, les différentes questions développées nous amèneront à vérifier si les bureaux de l'état civil disposent de matériels suffisants et adéquats pour la réalisation de leur tâche.

Pour que les systèmes d'enregistrement des faits d'état civil fonctionnent correctement et sans heurt, il est nécessaire de disposer de ressources suffisantes, notamment en matière d'infrastructures, de fournitures et d'équipement de bureaux, notamment et surtout des formulaires d'enregistrement. Au cours de notre enquête, nous avons constaté que certains bureaux logent des locaux délabrés. Bien que certains bureaux d'état civil se trouvent dans des locaux présentant un aspect physique plus ou moins représentatif, n'empêchent qu'ils se sont généralement placés au fond des bâtiments dans des petites pièces. Il faut mentionner qu'en passant, au regard de la loi du 23 juillet 1958, que tous les bureaux de l'état civil de la juridiction de Miragoâne sont logés dans les locaux des tribunaux de paix. Ces dits bureaux possèdent des meubles poussiéreux et rapiécés, de tables bancales et même des registres rongés par les rats ce qui a attiré notre attention.

La fourniture en temps voulu, les matériels de bureaux disponibles et en quantité suffisante de formulaires d'enregistrement et matériels connexes aux bureaux d'état civil au niveau local est très importante pour assurer l'enregistrement universel, continu et ponctuel des faits d'état civil. La conservation des registres est aussi très importante pour éviter toute perte ou détérioration au fil du temps. Les registres doivent être stockés et conservés de manière appropriée sur une longue période pour faciliter la délivrance de documents juridiques sur demande de toute personne ou institution. Selon les résultats de l'enquête menée auprès des officiers de l'état civil nous pouvons remarquer que l'une des principales difficultés rencontrées par tous les bureaux de l'état civil de la juridiction est la dotation irrégulière en matériel et fourniture de bureau pouvant assurer le fonctionnement des dits bureaux. En effet, d'après l'officier de l'état civil de Miragoâne, s'agissant des infrastructures de stockage des registres de l'état civil, il se pourvoit lui-même en certains équipements comme : bureaux, chaises, armoires où stocker le double des registres. Quant aux fournitures de bureau comme : plume, règles, encre, tampon, enveloppes, ruban à encre, papier blanc, etc. les officiers sont unanimes à le dire que leurs bureaux possèdent ces fournitures grâce à leur diligence. Ils se les procurent sur le marché local. Dans ce domaine-ci, pour reprendre une phrase de l'un des officiers interviewés : le Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique (MJSP) qui devrait être notre fournisseur, est absent.

Pour ce qui concerne les registres, principaux outils de base de l'enregistrement des actes de l'état civil, la carence est encore plus marquante. D'après l'un des officiers de l'état civil, l'approvisionnement des bureaux en registres fait partie des attributions du service national de contrôle et d'inspection de l'état civil. C'est lui qui est d'ailleurs chargé d'en faire les commandes afin d'alimenter les bureaux de l'état civil en temps utile. Or, selon ce même officier depuis l'année 2012, il n'a pas reçu du Ministère de la Justice une seule paire de registres. Il se débrouille lui-même dans des imprimeries qui se trouvent dans la capitale à Port-au-Prince, pour s'approvisionner. Quand il place des commandes ça prend toujours du temps pour l'exécution. Dans cet espace de temps, le bureau compile les différentes déclarations et donne des rendez-vous aux déclarants.

Toujours selon ce même officier de l'état civil, le coût relativement élevé d'une paire de registre varie entre 1500 à 2500 gourdes, dépendamment du nombre de pages. Ne disposant pas toujours de ces sommes au début de l'année, cela explique en partie qu'il lui parait quasiment impossible pour l'officier d'avoir des registres à temps et en quantité suffisante.

Pour l'un des officiers de l'état civil, quand il n'a pas de registres, il reçoit les déclarations de naissance dans des petits cahiers en attendant d'être ravitaillé par le Ministère de la Justice ou par d'autres fournisseurs externes qui sont généralement des imprimeries de la capitale. Dans pareille condition, les déclarants peuvent-ils avoir confiance que les documents délivrés par ce bureau d'état civil soient effectivement enregistrés ?

· Thème 3 : Transmission des données au bureau des Archives Nationales

Dans ce thème notre objectif est clairement défini. Nous cherchons à découvrir si les registres provenant des bureaux de l'état civil sont transférés à temps d'abord au Parquet de la juridiction pour être acheminé au Ministère de la Justice qui lui-même doit les transférer au niveau des Archives Nationales.

La totalité des officiers de l'état civil avec qui nous avons entretenu affirme qu'ils connaissent très bien le voeu de la loi sur la question du délai pour la transmission des registres aux Archives Nationales. D'après l'article 45 du Code Civil haïtien, il est fait injonction aux officiers de l'état civil de transmettre le double de tous les registres au Parquet de leur juridiction au plus tard le 10 février pour l'année écoulée. Toutefois, ils n'arrivent pas à appliquer scrupuleusement le voeu de la loi. Ils tentent d'expliquer le non respect du délai de transmission des données par plusieurs raisons. D'un coté, ils avancent la question de l'indisponibilité des matériels de bureaux, notamment des registres dans les bureaux d'état civil. Selon les interviewés, cette question représente la cause fondamentale du non respect du délai fixé par la loi. Car, les déclarations enregistrées dans les petits cahiers seront reportés par la suite sur les registres lorsque les commandes arrivent. De l'autre, les officiers évoquent le problème de l'insuffisance du nombre de clercs attaché au service des bureaux de l'état civil. Etant donné que le nombre est, selon eux, insuffisant exécuter les différentes taches du bureau, généralement, les clercs n'arrivent pas à produire, avant la fin de l'année en cours, le double de tous les registres disponibles. C'est également, selon les officiers, l'une des causes du non respect des délais.

Les officiers de l'état civil se plaignent enfin à l'égard du comportement des autorités du Parquet. Selon eux, dès fois ils transmettent à temps les registres, pourtant le Parquet garde ces registres durant plusieurs mois sans les transférer au Service National de Contrôle et d'Inspection de l'Etat Civil du Ministère de la Justice, aux fins de les acheminer aux Archives Nationales. Ne voulant pas rester immobile face à ce problème, certains officiers de l'état civil tentent d'agir. C'est une situation qui, selon l'un d'ente eux, peut souiller leur image en tant que notable. Pour palier ce retard, selon l'officier de l'état civil de Miragoâne, une fois les registres sont clos et arrêtés par le Commissaire du Gouvernement et par le Doyen du Tribunal de Première Instance, il se charge lui-même de transporter les registres qui proviennent de son bureau au Ministre de la Justice.

A la lumière de ce diagnostic, il ressort que la problématique du non enregistrement des actes de naissance est complexe et présente de multiples facettes. Elle est d'abord d'ordre structurel. Car elle embrasse des problèmes liés à l'organisation du système de l'état civil. Elle est ensuite infrastructurelle. Elle touche des problèmes d'accessibilité des lieux d'enregistrement, des matériels non disponibles pour l'enregistrement. Enfin, elle est donc aussi un problème communicationnel. La démarche adoptée au cours de notre recherche aurait pu nous conduire à limiter notre étude aux effets de l'enregistrement de l'acte de naissance en droit des personnes et de la famille. Il est vrai que par le biais de l'enregistrement des actes de naissance les actions de l'officier de l'état civil doivent s'étendre comme l'expression de la reconnaissance officielle non seulement de l'individu, en tant que membre individualisé et intégré dans la société mais aussi de la famille, en tant que composante incontournable et indispensable à la vie en société. C'est peut-être beaucoup trop restreint une telle vision. Sachant que l'acte de naissance intéresse également l'Etat et tend à satisfaire des besoins nationaux. L'intérêt présenté par notre système d'état civil mérite en effet que l'on ouvre notre réflexion sur d'autres branches du droit notamment le droit public afin de comprendre, ou d'identifier d'avantage le fonctionnement des bureaux de l'état civil qui se rapprochent beaucoup plus d'un service judicaire que d'un service public. C'est sur la base de nos entretiens avec le personnel des bureaux de l'état civil et des analyses en profondeurs des différentes théories et pratiques liées à la gestion efficace des institutions , qu'il convient d'admettre que nous présentions, au prochain chapitre de notre travail, certaines propositions stratégiques de renforcement qui nous espérons pourront être utile. Cette utilité concerne, d'un côté, à l'organisation pour une amélioration du problème de non enregistrement des actes de naissance, et de l'autre, pour la promotion des déclarations de naissances dans la juridiction de Miragoâne d'une façon particulière et de façon générale dans l'ensemble du pays.

Chapitre II : Vers l'amélioration du problème de non enregistrement en Haïti

Après avoir analysé et interprété le phénomène du non enregistrement des actes de naissance dans les aspects liés au personnel et au matériel, l'Etat haïtien parait incapable de faire fonctionner les bureaux de l'état civil comme un service public. Est-ce pourquoi nous sommes obligé, croyons-nous, de formuler à l'État quelques propositions en vue d'améliorer ce fléau qui détruit la personnalité des victimes, avilit ceux qui le soutiennent et le pratiquent, et du coup, ruine la société. En effet, le dernier chapitre de notre travail de recherche académique, est consacré à un véritable plaidoyer sur l'ensemble des mesures à prendre pour diminuer considérablement le phénomène du non enregistrement tant dans la juridiction de Miragoâne qu'en toute Haïti. Pour ce faire, nous essayons de proposer toute une série de recommandations palpables visant à faciliter une solution durable. Dans ce domaine, nous insistons sur le rôle de l'Etat en tant qu'organe de régulation, il doit coordonner toutes les actions visant à réduire ou même à éliminer ce fléau. Ainsi l'intervention de l'État s'articulera autour de deux grands points : les aspects administratifs et financiers des bureaux de l'état civil (Section 1), les aspects techniques et légaux du système de l'état civil (Section 2).

Section 1: Aspects administratifs et financiers des bureaux de l'état civil

Dans le cadre de cette section de notre travail de recherche, nous faisons ressortir quelques propositions à l'Etat en Haïti portant sur des réformes à engager dans le système sur le plan administratif (§ 1), tout en instant sur la problématique de la réforme des propositions qui concernent le système au point de vue de la gestion financière des bureaux de l'état civil (§2).

I- Sur le plan administratif

Le constat presque général au cours de notre enquête est que les agents attachés aux différents bureaux de l'état civil ont très peu de conscience de leur responsabilité. À la tête d'un bureau est nommé un officier de l'état civil qui peut s'entourer de clercs pour le seconder. Aucun d'eux n'est formé à la profession car il n'existe aujourd'hui aucune école ni aucun concours de la profession, la nomination de l'officier relevant bien souvent d'un choix politique. Ils violent donc régulièrement les normes qui réglementent leur travail et commettent des erreurs dans la rédaction des actes. Aux administrés de payer pour les voir corrigées. Pour réduire sensiblement cette défaillance, il est recommandé à ce sujet que le Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique (MJSP) agit sur les ressources humaines ainsi que les ressources matérielles sans négliger les ressources financières.

1. Recrutement du personnel

Pour que le système d'état civil fonctionne correctement nous préconisons que les autorités étatiques attribuent à chaque bureau état civil en premier lieu tout le personnel nécessaire à son fonctionnement. Nous entendons par là non seulement des acteurs de l'enregistrement des actes (officiers de l'état civil, clercs et/ou Secrétaires) mais également et surtout le personnel de soutien comme : ménagère, gardien, messager, etc.

Pour s'assurer de la qualification et de la compétence des acteurs de l'enregistrement des naissances (officiers de l'état civil, clercs et/ou Secrétaires) et autres personnels attachés aux bureaux de l'état civil leur recrutement doit être fait de manière régulière. Par là, on entend que le Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique (MJSP) nomme selon le voeu des lois et règlements régissant la fonction publique. Selon le décret du 17 mai 2005, aucun agent public ne peut être engagé que par voie de concours. Donc toute nomination doit être faite par le truchement d'un concours de sélection consécutif à un programme de formation sanctionné par un test d'évaluation.

2. Formation du personnel et sensibilisation de la population

Les premiers chantiers à entreprendre doivent cibler les acteurs de l'état civil en leur assurant une formation et la population en l'encourageant à se rendre dans les bureaux de l'état civil. Sans déclarations il n'y a pas d'actes de naissance et donc pas de preuves de l'identité légale des personnes. Ces premières mesures consolideront les bases fragiles de l'état civil en en garantissant la production documentaire. La formation des professionnels et des représentants de l'État est impérative. Si l'on veut que le système d'état civil fournisse des données valables, fiables pour toute la nation, dans l'immédiat, l'Etat haïtien devrait donner aux officiers d'état civil, dits gestionnaires des bureaux d'état civil, une formation et une orientation concernant les lois et procédures applicables en matière de l'état civil. Cette formation devra être appuyée par des moyens adéquats tels que les supports durs (documents) de références appropriées, faciles à comprendre et régulièrement mis à jour.

Cette formation technique devrait intéresser non seulement les officiers, mais également le personnel du service d'enregistrement à savoir les clercs et secrétaires qui doivent être tenus constamment au courant des questions concernant par exemple la transcription, la présentation, le recueillement des données et la conservation des archives. D'ailleurs, un guide d'orientation devrait être mis à leur disposition et qui servira de référence dans l'accomplissement de leurs tâches. Dans tous les cas le personnel de l'état civil doit continuer à être formé afin d'atteindre, à défaut de pouvoir respecter la législation à la lettre faute de moyens, une bonne connaissance théorique de ses attributions et des pratiques prévues par la loi. Lorsqu'il pourra exercer leur travail dans de bonnes conditions, il ne sera pas nécessaire de lui enseigner la théorie.

Toutefois, pour une amélioration réelle et intégrale des capacités du personnel, la formation des acteurs du système de l'état civil doit inclure les questions relatives aux droits de l'homme, à l'étique et à la déontologie administrative ne seraient pas superflue ; c'est même une nécessité.

La sensibilisation doit être entièrement axée sur les actes de naissance. Parce qu'ils sont le premier document qui atteste l'identité légale d'une personne. La sensibilisation des parents par le personnel enseignant lors des rencontres de parents dans les écoles est une activité à envisager. Des professeurs pourraient écrire des sketches sur l'état civil et les faire interpréter par les enfants afin de les sensibiliser sur la problématique. Quand ils deviendront grands, ils garderont dans leur mémoire ces souvenirs. D'autres actions de sensibilisation peuvent être initiées comme la réalisation de spots radiophoniques, de débats publics, d'affiches pour atteindre la population. Ce ne sont que des exemples parmi d'autres des actions à mener en faveur de la population qu'il est vital d'encourager à se déplacer vers les bureaux de l'état civil.

3. Réalisation de voyages d'études dans des pays francophones

Pour profiter des expériences des pays francophones ayant déjà mis en oeuvre des programmes de modernisation de l'état civil, des missions de voyages d'études peuvent être envisagées surtout dans les pays africain. Ce, au regard des similitudes avec le contexte haïtien et des avancées observées dans les pays en question. L'objectif principal de ces missions est de prendre connaissance de l'expérience en cours dans le cadre des programmes de modernisation de l'état civil et des leçons apprises. Cet échange d'expériences dans la mise en oeuvre du processus de réforme du système d'état civil visera spécifiquement à : (i) apprendre comment fonctionne le système avec les innovations technologiques apportées dans le mécanisme d'enregistrement des faits d'état civil; (ii) obtenir une meilleure compréhension dans l'utilisation de nouveaux outils pour la gestion de l'état civil ; (iii) apprécier la valeur ajoutée des réformes en cours à partir des leçons apprises ; (iv) développer des partenariats pour des échanges d'expériences et de collaboration futurs.

4. Surveillance et transmission des données

Le délai allant du 1er janvier jusqu'au 10 février de l'année suivant celle de l'enregistrement qui est fixé pour la transmission des dossiers aux Parquets de la juridiction du ressort du bureau de l'état civil est très rarement respecté. La transmission des dossiers se fait avec beaucoup de retard. Si l'indisponibilité de registres dans les bureaux d'état civil représente la cause essentielle de ce retard parce que les déclarations enregistrées dans de petits cahiers seront reportées par la suite sur les registres qui arrivent souvent avec retard, cette défaillance n'est pas incorrigible. Pour réduire sensiblement cette défaillance, il est obligatoire que le Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique(MJSP) fournisse au début de chaque année des registres de tout type (naissance, mariage, décès, etc.) à chaque bureau de l'état civil. Le nombre de registre à fournir dépend de la réquisition faite par chaque Officier à la fin de l'année écoulée.

Pour empêcher à l'officier de l'état civil de garder les registres au cours d'une période de temps excédant l'année civile, le Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique (MJSP) doit installer un inspecteur-contrôleur de l'état civil dans chacune des juridictions du pays. Des matériels techniques et logistiques suffisants doivent être mis à la disposition de chaque inspecteur-contrôleur pour faciliter les procédures de contrôle permanent qui sont nécessaires à la bonne marche de l'état civil. Cet inspecteur-contrôleur aura, entre autre, la responsabilité de doter régulièrement les bureaux de l'état civil en registres et en formulaires suffisants pour l'enregistrement de tous les faits de l'état civil.

5. Conservation des données

L'archivage des documents de l'état civil doit répondre à certaines normes de façon à garantir leur stockage et par conséquent leur exploitation durable. L'analyse des conditions de conservation et d'archivage des registres dans les bureaux de l'état civil indique que leur état de fonctionnalité n'est pas conforme aux standards internationaux notamment ceux relatifs aux orientations du manuel des Nations unies relatif à l'archivage des données d'état civil (ONU, Manuel des systèmes d'enregistrement des faits d'état civil, 2000). L'article 45 du Code Civil haïtien exige que tous les registres de l'état civil doivent être tenus en double exemplaire pour chaque espèce d'acte de l'état civil ou dispositif de jugement du Tribunal de Première Instance. Selon ce même article, l'un des registres est détenu par l'officier de l'état civil en son bureau jusqu'à sa mutation, le second est déposé aux Archives Nationales, chaque année, entre le 1er janvier et le 10 février après la procédure de clôture prévue au Code Civil. Le Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique (MJSP) recommandera par circulaire aux commissaires du Gouvernement la diligence à laquelle ils sont assujettis au 10 février de chaque année. Le constat fait durant notre enquête nous montre que certains bureaux de l'état civil ne disposent pas plus qu'un seul classeur métallique pour la conservation des registres et autres documents importants pour le bureau. En ce sens, il est recommandé au Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique (MJSP) dans l'immédiat de loger les bureaux dans des locaux spacieux et sécuritaires. En outre, chaque bureau de l'état civil doit être doté d'armoires, d'étagères et de tous les autres meubles importants et suffisants pour le stockage des archives dans des lieux à l'épreuve du feu, de l'eau, des insectes et des rats. Il en est de même pour les registres et autres matériels de bureau non encore en service.

6. Sur le plan financier

Sous l'angle exclusivement financier, pour reprendre le Groupe d'Appui aux Rapatriés et Réfugiés (GARR), l'État se borne à instituer les officier de l'état civil mais non les bureaux de l'état civil. Ainsi, l'officier de l'état civil semble davantage être un officier ministériel que le représentant d'un service public. À charge par lui de trouver un local, d'en assumer les frais afférents (location, entretien, etc.), de recruter des secrétaires et clercs. Il va sans dire que ces dépenses sont répercutées sur le coût de tous les actes enregistrés ou délivrés par le bureau. En effet, la loi ne prévoit aucun budget de fonctionnement des bureaux de l'état civil, obligeant ainsi les officiers de l'état civil à établir des officines privées.

1. Budget de fonctionnement

Il est indispensable que les décideurs politiques chargés des allocations budgétaires dégagent des crédits assez substantiels et conséquents qui puissent assurer le fonctionnement des bureaux de l'état civil. Ces crédits devraient être suffisants pour l'acquisition d'équipements appropriés (fournitures de bureau, mobilier, machines à taper et ordinateurs si possible). Sans oublier certains frais de fonctionnement pour le paiement des factures de l'électricité, d'eau, téléphone, etc. Ajouté à cela, les officiers, les clercs et/ou secrétaires attachés au bureau de l'état civil, comme on le dit déjà doivent desservir toute une commune ou tout un quartier. Remplissant une fonction qui requiert des qualifications essentielles comme la probité et la pratique des écritures, officiellement ne peuvent, en aucune façon, percevoir directement des taxes. Pour cela, ils devraient bénéficier d'un salaire équilibré par rapport au coût de la vie afin de leur enlever toute tentation de commettre des fraudes, ou de falsifier des documents.

2. Grille de facturation

Le Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique (MJSP) doit créer une grille de facturation pour tous les bureaux de l'état civil. Cette grille prévoirait le tarif à payer pour chaque type de service payant que le bureau aura à fournir à la population. Le cas du mariage civil est un exemple pratique. Il est l'un des rares cas où l'officier est bien obligé, certaines fois, de laisser son bureau. Quant aux actes qui sont réputés gratuits comme les actes de naissance, les actes de reconnaissance d'un enfant naturel et les actes de décès, des sanctions doivent être appliquées aux Officiers de l'Etat Civil  en cas de non respect de cette formalité.

Section 2 : Aspect technique et légal

La question de la modernisation du système de l'état civil est une affaire fondamentale pour tout Etat qui se respecte quand on sait que les « droits citoyens », rappelons-le, commencent avec l'attribution de la personnalité juridique laquelle a besoin d'être authentifiée par les actes d'état civil depuis la naissance de la personne jusqu'à sa mort. Certes, moderniser le service de l'état civil représente un processus long et coûteux ; mais nul gouvernement ne peut en faire l'économie s'il souhaite se doter, pour des raisons de sécurité publique et de gestion prévisionnelle de ses administrés, d'un fichier national en mesure de lui fournir, ad minima, les données démographiques d'une importance cruciale en termes de bonne gouvernance.

Comme nous avions essayé de le montrer plus haut, le noeud gordien qui étouffe et qui continue d'étouffer la bonne gestion du système de l'état civil dans la juridiction de Miragoâne et dans toute Haïti constitue le personnel attaché au bureau et le matériel mis à leur disposition. C'est pourquoi nous pensons que dans la recherche de perspectives pour un meilleur fonctionnement du service de l'état civil, il est important d'adapter le matériel aux exigences du moment.

Pour ce faire, nous allons, d'un côté, proposer dans cette section plusieurs mesures comme : l'informatisation des services de l'état civil, l'interconnexion, la déconcentration et le fusionnement du service de l'état civil au service l'Office National d'Identification (ONI). Sous l'angle purement technique, ce sont des pistes envisageables qui pourraient aider l'Etat haïtien à l'amélioration du fléau de non enregistrement des actes de naissance. De l'autre, proposer quelques éléments liés à la reforme de la législation en vigueur relative à l'enregistrement des naissances.

I. Aspect technique

1. Informatisation des services de l'état civil

Plus la population haïtienne augmente, plus la tâche devient ardue pour les autorités qui gèrent le système de l'état civil. Surtout parce que la gestion de l'enregistrement s'effectue manuellement dans les bureaux de l'état civil. Non loin de cet amer constat existe l'informatique. Définie comme science de traitement automatique de l'information, l'informatique et les nouvelles technologies ne peuvent échapper à aucune gestion qui se veut rentable et promotrice. Actuellement, la tendance va dans la centralisation des informations grâce aux réseaux informatiques.

Face à cette réalité, il est grand temps d'aborder la gestion de l'enregistrement des faits passés à l'Etat civil sous l'approche de base de données. En effet, les informations organisées autour d'un réseau informatique, vont donner une vision globale de la population ainsi que de son évolution.

Pour améliorer les services rendus à la population en matière d'établissement des actes de naissance,  il est impératif que le Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique (MJSP) procède à l'informatisation des services de l'état civil pour répondre aux exigences d'un système moderne.

En effet, la mise en oeuvre d'une telle disposition favoriserait :

- L'exécution des tâches répétitives, lourdes et complexes par des machines programmables ;

- La sécurisation des données ;

- La centralisation de l'information - sur toute l'étendue du territoire;

- La rapidité des recherches des informations ;

- La disponibilité en temps réel des données statistiques en vue de permettre la prise des décisions ;

- La précision et l'exactitude de calcul des données statistiques grâce aux ordinateurs ;

- La reconstitution du passif des actes de naissance.

Nous ne sommes pas sans savoir que l'informatisation peut présenter un certain nombre d'avantage pour le secteur de l'état civil. Mais il convient de prendre en compte les contraintes énergétiques du pays et les capacités techniques du personnel afin de ne pas créer de nouveaux goulots d'étranglement. Pour l'envisagée, nous pensons que certains éléments de base sont à régler aux préalables. Nous faisons référence notamment à l'infrastructure, les ressources humaines et les capacités énergétiques. A ce titre, il est important de doter les bureaux de l'état civil : i) des équipements informatiques (ordinateurs, imprimantes, serveurs, modem) ; ii) développer une application pour l'informatisation de l'enregistrement des faits d'état civil, puis former les acteurs à leur utilisation ; iii) doter les bureaux de système d'électricité alternatif notamment de jeu de panneaux solaires et batteries. Outre ces éléments techniques, l'effectivité et la légitimité de cette action étant fortement associées à la révision du cadre juridique en vigueur.

2. Interconnexion du service de l'état civil

On entend par interconnexion la liaison physique et logique des réseaux ouverts au public exploités par le même opérateur ou un opérateur différent, afin de permettre aux utilisateurs d'un opérateur de communiquer avec les utilisateurs du même opérateur ou d'un autre, ou bien d'accéder aux services fournis par un autre opérateur. Les services peuvent être fournis par les parties concernées ou par d'autres parties qui ont accès au réseau. L'interconnexion constitue un type particulier d'accès mis en oeuvre entre opérateurs de réseaux ouverts au public.

Le système de l'état civil haïtien ne garantit pas dans les faits la permanence et la continuité. Par exemple, en cas de décès ou de départ (pour l'étranger) d'un officier de l'état civil, il arrive souvent qu'il n'y ait aucun suivi à propos des actes que celui-ci détenait, au grand désarroi des consommateurs (des demandeurs des actes de l'état civil en question). Le pire dans de telles situations, c'est que les consommateurs ne paraissent pas avoir de voies (ou de droit) de recours. La permanence est donc loin d'être garantie.

Il en est de même pour toute personne détentrice d'un acte de naissance. Quand elle se déplace d'un point à un autre à travers le pays, elle peut se présenter à n'importe quel bureau de l'état civil pour se faire enregistrer une nouvelle fois ou déclarer n'importe quel fait de l'état civil plusieurs fois. Ne disposant d'aucun contrôle sur les déclarations des faits de l'état civil avancés par les déclarants, grâce à l'interconnexion les officiers de l'état civil trouveront un moyen plus fiable pour contrôler les informations données par les déclarants.

L'interconnexion peut, en outre, raccourcir le délai de demande d'expéditions subséquentes pour ceux qui fréquentent l'état civil. N'importe qui pourra trouver ses papiers quand on a une affaire urgente à régler car son dossier est archivé dans tous les bureaux de l'état civil qui se trouvent à n'importe quel coin du pays.

De par l'interconnexion l'état haïtien pourrait bien suivre l'état civil de ses ressortissants afin d'éviter toute usurpation d'identité par des gens malintentionnés.

· Déconcentration du service des Archives Nationales

La déconcentration désigne un mode d'organisation de l'administration dans lequel certains pouvoirs sont délégués ou transférés d'une administration centrale vers des services répartis sur le territoire, dits services déconcentrés ou services extérieurs. Le but est d'améliorer l'efficacité de l'Etat en décongestionnant l'administration centrale et en accélérant les prises de décisions au niveau local.

Le terme de déconcentration est utilisé pour décrire des transferts partiels d'activité ou de compétences administratives ou gestionnelles des ministères, dans un système organisé et en partie géré à partir du centre.

L'une des conditions nécessaires pour l'amélioration de l'accès des populations aux services fournis par les Archives Nationales est la réduction du rayon d'action de cette dite institution. Ainsi, l'une des stratégies qui pourrait être appliquée consiste à considérer toutes les mairies comme des bureaux d'archives locaux. Elles pourront garder les registres provenant des bureaux de l'état civil pendant au moins vingt cinq (25) années, afin de faciliter aux populations des communes, surtout celles habitant les sections rurales, d'avoir des extraits des actes de l'état civil. Les avantages de cette décision sont les suivants :

1) Le rapprochement de l'administration des administrés;

2) La modernisation de l'administration: efficiente, responsable et citoyenne proche des préoccupations des citoyens ;

3) La célérité et la rapidité;

4) La meilleure connaissance du terrain par les responsables qui oeuvrent sur place;

5) L'adaptation à la diversité des spécificités et particularisme locaux ;

6) La valorisation des ressources humaines, l'amélioration de la qualité du service public et la rationalisation des dépenses publiques;

7) L'obligation pour l'agent déconcentré de s'habituer à l'exercice de ses nouvelles attributions et responsabilités par un véritable processus d'apprentissage.

· Fusionnement du service de l'état civil au service l'Office National d'Identification

En vue de l'attribution d'un numéro d'identification à chaque individu depuis sa naissance, un fusionnement des bureaux de l'état civil et des bureaux d'Office National d'Identification (ONI) au sein d'un même service dirigé par un officier de l'état civil est donc recommandé. En effet, à chaque déclaration de naissance prise par l'officier de l'état civil, les données seront entrées dans le fichier informatisé de la Carte d'Identification Nationale en vue de l'attribution immédiate d'un numéro d'identification. A sa majorité, l'enfant devra compléter son dossier par l'ajout de ses empreintes digitales et de sa photo numérique avant de se voir délivrer la Carte d'Identification Nationale (CIN).

I. Aspect légal

Le système d'enregistrement des faits de l'état civil haïtien repose sur plusieurs textes qui régissent son organisation et son fonctionnement. Loin de cibler l'ensemble des textes de lois relatives à l'état civil, nous n'envisageons, dans le cadre de ce travail que trois documents spécifiques ayant des rapports étroits avec le système en question. Il s'agit notamment dans un premier temps du Code Civil. Ce dernier est, selon Portalis, un corps de lois destinés à diriger et à fixer les relations de sociabilité, de famille et d'intérêt qu'ont entre eux les hommes qui appartiennent à la même cité (Jaume, 2009). De cette définition découle, d'une part, l'idée d'un code pour les citoyens et d'autre part, d'un code avec pour objectif l'organisation de la vie en société. Dans un second temps, loi du 20 août 1974 portant sur le contrôle et l'inspection de l'état civil en Haïti. Elle est donc faite en vue d'assurer la bonne tenue et la saine conservation des registres de l'état civil. En vue d'établir un cadre juridique approprié visant l'élimination des obstacles à l'enregistrement des naissances, nous pensons que la législation actuelle y relative devrait être passée au crible.

Promulgué le 27 mars 1825, sous l'administration du président Jean-Pierre Boyer, Le Code civil haïtien, dans sa dernière mouture après le vote du Parlement, est constitué de trente-six lois mises bout à bout. Il contient 2 047 articles et embrassent, dans un ordre logique, les grands axes du code français: certains principes généraux du droit - celui de la modification et de la non rétroactivité des lois, par exemple - le droit des personnes et de la famille, le droit de la succession et des biens et le droit des obligations, avec certaines modifications inspirés de moeurs haïtiennes. Pourquoi faut-il réformer le Code civil ?

Aujourd'hui, le Code civil est une oeuvre dépassée. Il a perdu de son éclat et n'occupe plus un rôle de premier plan dans les principales entreprises de codification. Il ne conserve pas même son aura immense acquise par le passé. En deux siècles le code civil a vu déferler plus d'une vingtaine de constitutions politiques. Pour répéter le civiliste G. Cornu, étant un élément de culture, une façon de penser le droit et élément du patrimoine, le Code civil ne peut plus être défendu comme un code symbole d'unité et de cohérence. Il n'est plus, selon la célèbre formule de Portalis précédemment employée, un corps de lois destinées à diriger et à fixer les relations de sociabilité, de famille et d'intérêt qu'ont entre eux les hommes qui appartiennent à la même cité. Il n'est pas pessimiste de dire que le droit civil est éclaté. L'éclatement du droit civil hors du Code civil consisterait ainsi en une dispersion de ce droit, dispersion qu'il faut envisager comme un changement profond et non comme un simple phénomène. L'on comprend alors la gravité du propos : un Code civil ne peut pas survivre si le droit civil n'est pas codifié en son sein. Les règles de droit civil se détachent ainsi du Code, jusqu'à constituer des droits autonomes. Lorsque l'on s'intéresse au droit des obligations, la gravité de l'éclatement du droit civil hors du Code civil apparaît : les manifestations d'éclatement fourmillent. L'ensemble des règles du droit des affaires ne sont à négliger.

De l'esprit de tous, une loi idéale est une loi de qualité, qui reflète la réalité. Si les lois deviennent de plus en plus nombreuses, elles seront méconnues et la sécurité juridique ne sera pas effective. L'instabilité a alors pour pendant la complexité, le Code civil souffre donc aujourd'hui d'une grande précarité. Parmi les trois piliers de la société civile haïtienne que sont la famille, la propriété et le contrat, la première matière a été fondamentalement ébranlée en raison de l'excès de réforme, autrement dit en raison d'une inflation législative sans précédent. Citons à titre d'exemple : le décret du 8 octobre 1982 donnant à la femme un statut conforme la constitution et éliminant les formes de discrimination à son égard (Moniteur, 8 octobre 1982). Le Decret du 14 novembre 1988 modifiant l'article 55 du Code civil et les articles 26, 27 et 28 de la loi du 20 aout 1974 sur le service d'inspection et de concotrole de l'etat civil (Moniteur#98, Decret modifiant l'article 55 du Code civil , 21 novembre 1988). La loi sur la paternité, la maternité, et la filiation (M0niteur#105, 4 Juin 2014). En effet, cette avalanche de réformes est le signe même d'une perte de crédibilité. Cette inflation législative revêt une seconde facette agrémentant l'argument selon lequel le Code civil n'est plus source de sécurité juridique.

En second lieu nous envisageons la loi du 20 aout 1974 sur l'état civil, créant un organisme dénommé service d'inspection et de contrôle de l'état civil. Cette loi était faite en vue de sincériser et sécuriser les actes de l'état civil ; régulariser le fonctionnement du système de l'état civil ; garantir une prompte inscription de tous les événements relatifs aux statuts personnels de l'haïtien. Dans sa structure, cette loi qui a 37 articles se divise en 3 grandes parties. Dans la première partie elle se propose d'organiser et de contrôler les bureaux de l'état civil ; la deuxième se porte sur les procédures de la déclaration tardive des naissances ; la troisième et dernière sont des dispositions spéciales. A l'analyse, cette loi souffre certaines imperfections et mérite donc au même titre que le Code civil de subir des modifications. Si l'Etat veut réellement arriver à garantir une prompte inscription de tous les événements relatifs aux statuts personnels de l'haïtien, il doit agir sur les lois existantes. D'abord en termes de localisation géographique des bureaux. D'après l'article 7 de cette loi, les bureaux l'état civil doivent être situé soient dans les villes ou dans les quartiers. A l'état actuel on trouve en tout 189 bureaux d'état civil à travers le pays. Selon un rapport d'étude de la Fonds des Nations-Unies pour l'enfance (UNFPA), plus de 83% des bureaux se trouvent dans les villes et seulement 3% au niveau des sections communales soit  cinq sections sur 570 disposent d'un bureau d'état civil (UNFPA, 2008). Cette situation montre que la structure administrative de l'état civil n'est pas toujours à proximité de tous les citoyens, quand on sait que 52% de la population vit en dehors des villes (Banque Mondiale, 2012). Cela peut, en tout état de chose, entrainer une faible demande de services à cause des difficultés d'accessibilité géographique. Ajouter à cela des coûts indirects liés au transport/déplacement quand on sait qu'environ les deux tiers des pauvres vivent dans les zones rurales. En tant que service public, l'offre des services d'état civil doit être fondée sur une approche inclusive et donc d'un accès facile pour toutes les composantes du pays.

Toujours d'après cette même loi, il est prévu en son article 1er de créer un service d'inspection et de contrôle de l'état civil. Ce service a pour mission, entre autre, de former et recycler les officiers de l'état civil, disséminer toutes les décisions relatives à l'état civil, contrôler tous les trois mois les registres d'état civil. Ce service compte en tout six inspecteurs pour les 189 bureaux d'état civil du pays. Largement insuffisant en terme quantitatif pour exécuter leur tâche, ce service clame toujours le manque de moyens pour effectuer son travail. En l'absence de toute supervision, les officiers de l'état civil accomplissent en réalité leurs tâches comme bon leur semble ; délivrent habituellement des expéditions aux comparants avec des erreurs graves dues à leur négligence n'inscrivent pas toujours les déclarations dans les registres et se font payer cher pour des actes qui sont en principe gratuits (Beaubrun, L'état civil que faire et pourquoi faire?, 2018).

En troisieme et dernier lieu, l'arrêté présidentiel du 13 novembre 2019. Notre analyse et proposition dans le cadre de cet arrêté s'inspire en grande partie de l'analyse critique faite par Me. Me. Saint-Pierre Beaubrun, GARR sur l'arrêté présidentiel du 16 janvier 2014. Dans l'arrêté du 13 novembre 2019 qui accorde à toute personne dépourvue d'acte de naissance, un délai de cinq (5) ans à partir de la publication du présent Arrêté, pour faire régulariser son état civil. Dans son essence, cet arrêté vise à garantir les droits fondamentaux à l'enregistrement et à l'identité de nos compatriotes ; des droits fondamentaux qui sont non seulement reconnus par le droit positif haïtien mais aussi et surtout consacrés par de nombreux textes internationaux ratifiés par Haïti. Toutefois, s'il est vrai que cette pratique reste louable quant à son but, elle ne demeure pas moins questionnable à plusieurs égards quant à la méthode ; car dans un Etat de droit démocratique, le principe machiavélique qui veut que l'excellence du but justifie tous les moyens ne saurait s'appliquer (GARR, 2014). De là, nous pouvons envisager plusieurs considérations. Premièrement, d'après la Constitution de 1987 amendée en 2011, l'Exécutif a pour mission fondamentale d'exécuter la loi. Il ne devrait, en aucun cas, avoir la prétention d'abroger ou de modifier une loi par voie réglementaire. Seul le Parlement détient le pouvoir de le faire par le vote d'une nouvelle loi. Ainsi, en émettant cet arrêté, l'Exécutif a manifestement empiété sur les attributions constitutionnelles fondamentales du Législatif et porté de graves atteintes aux principes fondamentaux de la séparation des pouvoirs et de l'Etat de droit démocratique. Secondement, la sensibilisation de la population. Nous savons qu'en 2014, il y avait un arrêté du même genre. A ce propos, y avait-il une évaluation de l'application de cette mesure administrative inconstitutionnelle ? Combien de personnes non enregistrées avaient pu réellement profiter à bon escient de cette mesure exceptionnelle ? Sont autant de questionnement que soulèvent cette question relative à la connaissance effective de la population relative a cette mesure. En ce moment, la quasi-totalité des masses de personnes les plus vulnérables et exclues de la société ne seraient pas au courant des termes et conditions d'application de cet arrêté qui, pourtant, leur devrait être profitable au premier chef. Sans de vastes campagnes nationales de sensibilisation de manière à ce que même les personnes qui vivent dans les endroits les plus reculés puissent être sensibilisées sur l'importance de l'enregistrement à l'état civil et informées des opportunités offertes par le nouvel arrêté, les résultats escomptes seront insatisfaits et seront de loin incomparables à ceux obtenir. Enfin, en plus d'être inconstitutionnelles et inefficaces, cet arrêté peut avoir aussi des effets pervers sur le système d'enregistrement d'état civil. Il donne la possibilité à de nombreuses personnes déjà enregistrées dont les expéditions des actes ont été perdues, détruites ou détériorées profitaient toujours des décrets et arrêtés pour se faire à nouveau enregistrer à l'état civil au lieu d'emprunter l'épuisante route des Archives Nationales pour l'obtention d'un extrait. Des personnes qui disposaient des actes dûment enregistrés mais qui nécessitaient un jugement rectificatif profitaient, elles aussi, de ces situations pour obtenir purement et simplement de nouveaux actes. Mentionnons également le fait que des personnes malintentionnées exploitaient souvent ces opportunités pour faire des modifications de toutes sortes dans leur identité et cela, parfois, à des fins criminelles. Elles arrivaient ainsi à obtenir facilement de nouveaux actes de naissance avec de nouvelles coordonnées spatio-temporelles, de nouveaux prénoms et noms, de nouvelles parentés ; bref, de nouvelles identités !

Conclusion générale

L'étude des principaux déterminants du non enregistrements des actes de naissance en Haïti. Cas de la juridiction de Miragoâne de 1990 à 2000 nous a conduit à appréhender le rôle de l'officier de l'état civil autant dans l'élaboration des principaux actes qui participent à l'état des personnes que dans la gestion du service qui les administre, les conserve et les exploite. L'état civil façonne non seulement l'identité civile des individus mais aussi leurs principaux attributs personnels et familiaux. L'officier de l'état civil serait le peintre qui façonne cette image. Ses premiers coups de pinceaux sur la toile seraient précieusement conservés dans sa galerie. Cette oeuvre première symboliserait donc l'acte de naissance. Ce dernier est donc un droit fondamental de l'être humain. Non seulement il donne à l'enfant une existence et une identité légalement connues, mais il est le signe de son appartenance à une famille, une communauté, une nation où l'enfant a sa place, et droit de participation. Il est la clé de certains autres droits, celui par exemple de bénéficier des services de santé ou d'éducation, offre une protection contre la discrimination et l'abandon, détermine le traitement de l'enfant dans le système judiciaire. Il garantit à l'individu, pendant toute sa vie, le droit de prendre part à la vie sociale et politique de son pays. Avec la mondialisation où la migration s'accélère les mouvements croissants de population tant sur le territoire national qu'au-delà des frontières, posséder une identité légale reconnue se révèle d'une importance cruciale.

Dénier ce droit fondamental revient non seulement à dénier le droit à une identité énoncée dans l'article 7 de la convention relative aux droits de l'enfant mais beaucoup d'autres droits auxquels peut prétendre chaque citoyen. C'est pour faire face aux nombreux problèmes liés au non enregistrement des actes de naissance que notre étude s'est fixée comme objectif principal de contribuer à offrir des pistes de solution pour un meilleur enregistrement des actes de naissance rédigés dans les bureaux de l'état civil du pays. Cet objectif nous a permis toutefois d'identifier les principaux obstacles liés à l'enregistrement des actes de naissance particulièrement dans la juridiction de Miragoâne.

À travers ce mémoire de recherche, nous avons voulu dresser un portrait et une analyse aussi complets que possible du système de l'état civil haïtien, de l'enregistrement des actes à leur archivage. Il s'agit d'un système qui est encore aujourd'hui miné par des problèmes très différents mais qui ont tous à peu près les mêmes raisons. Au terme de cette analyse, nous avons passé en revue nombre d'aspects du problème. L'explication de ce phénomène a été fournie à partir des théories des disciplines connexes au droit pénal et au droit administratif sans oublier d'autres disciplines comme la sociologie, l'histoire, le droit international, le droit constitutionnel. Nous avons été curieux d'interroger sur le dysfonctionnement du système état civil haïtien pratiquement sur le plan de la gestion administrative, le lien existant entre les acteurs du système et le pouvoir judiciaire.

La question principale est alors de savoir quelles sont les barrières empêchant une personne d'avoir son extrait de naissance au-delà du délai fixé par la loi pour que les registres provenant des bureaux de l'état civil soient transmis aux Archives Nationales ? Par ailleurs, les réponses à la question de départ ont montré que plusieurs facteurs entrent en ligne de compte autour de la problématique du non enregistrement des actes de naissance dans le système de l'état civil haïtien. Ils ont des incidences sérieuses sur le bon fonctionnement du système.

Cette recherche se veut le résultat d'un ensemble de questionnements sur le système de l'état civil relatifs à l'enregistrement des naissances. C'est aussi le souci majeur lié à une curiosité intellectuelle de pénétrer ce champ pour mieux comprendre le phénomène de non enregistrement en Haïti. Il s'agissait de répondre à une préoccupation fondée sur les questions suivantes: 1) le degré d'implication des officiers de l'état civil dans le problème du non enregistrement des actes de naissance ? 2) les barrières principales à l'enregistrement des actes de naissances ? Comment éliminer durablement ces barrières ? Deux méthodes de recherche ont été adoptées pour parvenir à apporter des réponses à ces questions préoccupantes. La recherche documentaire, l'entretien semi-dirigé. La première a permis de corréler et de confronter diverses approches théoriques de l'état civil relatif à l'enregistrement des actes de naissance. Toute la première partie de notre travail est consacrée à cet effet. L'analyse à fond sur le concept état civil avec un certains nombre de concepts les plus utilisés dans le système ; le rôle assigné à l'officier de l'état civil; importance de la fonction d'officier de l'état civil dans la question de droit de la personne ; la portée réelle de l'acte de naissance dans la vie des humains sont autant des points théoriques clés abordés dans les deux premiers chapitres de notre étude. A l'issus de cette analyse nous pouvons remarquer que l`inapplication des lois soit de manière volontaire ou par négligence, est donc condamnable. Quant aux dire des textes de lois traitant la question, l'inobservance de ces règlements paraît en contradiction avec le principe universel d'enregistrement. Car, ce principe obligatoire est inscrit non seulement dans les instruments légaux de notre pays d'une part, mais aussi à travers les instruments juridiques internationaux régulièrement ratifié par notre pays, d'autre part.

La pratique du travail de l'officier de l'état civil relative à l'enregistrement des actes de l'état civil notamment les actes de naissance dans le système de l'état civil haïtien est relatée à travers la deuxième partie de notre étude. Une brève présentation est faite de la juridiction de Miragoâne surtout sur ce qui concerne l'aspect administratif ainsi que les résultats de notre investigation à travers les bureaux de l'état civil de la juridiction.

De l'étude réalisée donc, il ressort que la totalité des acteurs interviewés reconnait que le système de l'état civil fonctionne non sans grandes difficultés. Et, l'une des causes principales du non enregistrement des actes de naissance dans la juridiction de Miragoâne est la non dotation des bureaux de l'état civil en matériel adéquat à l'enregistrement des dits actes. Les interviewés sont unanimes sur l'importance de ce document qu'est l'acte de naissance dans la vie d'un tout individu mais sont impuissants à résoudre seuls ce manquement. Le Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique (MJSP) qui devrait être leur fournisseur, est absent selon l'avis de certains officiers de l'état civil. De telle attitude porte le citoyen à se demander si le Ministère n'a pas failli à son devoir en ignorant le droit selon lequel tout individu membre de la collectivité doit être enregistré.

Il est également à noter que le personnel attaché au bureau de l'état civil constitue un autre handicap majeur à l'enregistrement des actes de naissance dans la juridiction de Miragoâne. Pour ce qui concerne les clercs et/ou secrétaires leur nombre n'est pas suffisant et leur degré de formation dans le domaine laisse à désirer. Ils fonctionnent donc sans une formation théorique liée à la mission qu'ils remplissent et sans une rémunération mensuelle fixe afin de leur enlever toute tentation de commettre des fraudes ou de falsifier des documents.

En somme, l'hypothèse principale selon laquelle le non enregistrement de certains actes de naissance, qui est légalement une faute, dans la juridiction de Miragoâne est due au fait que les bureaux de l'état civil ne disposent pas de personnel et de matériel suffisants et adéquats devant faciliter l'enregistrement des dits actes est donc confirmée.

La cause principale du non enregistrement des actes de naissance dans la juridiction de Miragoâne est d'ordre administratif et relève de la politique publique des autorités décisionnelles du pays. C'est un point crucial en matière de développement, auquel il faut s'attaquer en même temps qu'à la lutte contre la pauvreté et pour l'accès à la scolarisation universelle. Comme toute planification réaliste de développement exige que l'on dispose de données crédibles, l'enregistrement des actes de naissance est essentiel pour toute la nation.

Enfin, le chapitre quatrième qui est d'ailleurs le dernier a présenté un ensemble de propositions portant sur la gestion administrative et la modernisation du système de l'état civil dans le pays. L'application de ces propositions présenteront des avantages tant pour le présent que pour l'avenir de chaque individu et de toute la société en générale. A cet effet, une réforme du système de l'état civil est nécessaire pour faire face à certains problèmes suscités par le déséquilibre entre le dire des textes et la réalité qui se développe sur le terrain et à travers les bureaux.

Notre pays ne pourra améliorer le phénomène de non enregistrement des actes de naissance que si les autorités étatiques manifestent leur volonté politique de changement dans l'intérêt de la population surtout des masses défavorisées. Il est essentiel que les mesures juridiques adoptées pour améliorer le phénomène doivent d'une part, s'accompagner de moyens matériels adéquats pour que soient effectifs les voeux légaux mais de l'autre, sanctionnent de manière effective tous les acteurs de l'enregistrement qui enfreignent les dites lois.

L'Etat peut effectivement répondre à la demande de la population en améliorant la gestion administrative et financière des bureaux de l'état civil par le respect des normes établies pour recruter le personnel qualifié capable d'intervenir à tous les niveaux dans le système ; en adoptant des mesures devant favoriser la modernisation du système de l'état civil par l'introduction de la Nouvelle Technologie d'Information et de Communication (NTIC). On peut aussi maximiser le rendement des ressources en jumelant l'enregistrement des actes de naissance avec la déconcentration des services des Archives Nationales d'Haïti (ANH).

La mise en place d'un service d'état civil opérationnel à travers tout le pays à la portée de tous les fils et filles du pays afin de délivrer systématiquement à chaque individu l'un des documents les plus précieux qu'une personne puisse posséder qu'est l'acte de naissance est plus qu'important. Car, l'enregistrement de chaque naissance sur le territoire d'un pays est un pas vers le développement d'une administration nationale à part entière, et aide à consolider les fondements de la société civile. C'est important, surtout, parce que c'est l'unique moyen de garantir à chaque individu la jouissance de son droit à une identité et une nationalité, avec tout ce que cela implique. Car dénier ce droit fondamental revient non seulement à dénier le droit à une identité énoncée dans l'article 7 de la Convention Relative aux Droits de l'Enfant mais beaucoup d'autres droits auxquels peut prétendre chaque citoyen.

Disons enfin qu'aujourd'hui l'être haïtien doit continuer sans relâche sa lutte pour la défense de son droit social violé par les inégalités sociales et son droit civil bafoué particulièrement par le non enregistrement de son acte de naissance et généralement par tous les autres papiers importants délivrés par les bureaux de l'état civil. Car, il est grand temps que l'équité ainsi que la justice et le respect de tous les droits fondamentaux de la personne soient triomphés au grand dam de tous les haïtiens.

Ainsi nous ne prétendons pas épuiser ce sujet vu sa complexité et la limite de nos connaissances qui d'ailleurs ne l'ont même pas exploité comme il se devait. Une brèche est donc ouverte à quiconque souhaiterait l'exploiter à fond et éclairer par ce fait notre lanterne qui du reste ne suffit pas pour éclairer à lui seul la route obscure de la recherche dans la quelle nous nous sommes lancé.

Le parfait n'étant pas de notre nature, nous nous excusons pour toutes les erreurs ou omissions que vous avez pu remarquer en parcourant ce travail et dont nous sommes seul responsable.

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Annexes

Annexe 1 : Modèle Acte de naissance déclaration Père

Annexe 2 : Modèle Acte de naissance déclaration Mère

Annexe 3 : Guide d'entretien

Enquête auprès des Officiers d'Etat Civil de la juridiction de Miragoâne sur la problématique des actes de naissance non enregistrés au bureau des Archives Nationales. Période : du 2 au 12 mai 2021

I. Données générales sur le bureau d'état civil

1. Localisation du bureau : ............................................................

2. Etat général du bâtiment : .........................................................

3. Le bâtiment est-il alimenté en électricité ? : ....................................

4. Le bâtiment a-t-il une clôture ? : ................................................

5. Le bâtiment a-t-il une pancarte qui permet de l'identifier? : ..................

II. Personnel du bureau d'état civil

6. Combien d'agents votre bureau d'état civil compte-t-il?

7. Précisez les taches spécifiques de chacun d'eux.

8. Comment avez-vous eu ces agents ?

9. Avez-vous des bénévoles dans votre bureau ? Combien sont-ils ?

10. Reçoivent-ils une compensation ?

11. A combien s'élève cette compensation ?

12. Où vos agents ont-ils été formés ?

13. Quels sont les types d'actes délivrés par votre bureau ?

14. Avez-vous un agent préposé à la rédaction de chaque type d'acte ?

15. Avez-vous un agent préposé à l'enregistrement de chaque type d'acte ?

16. Entre la rédaction et l'enregistrement des actes, à quel moment apposez-vous votre signature sur les actes ?

17. Comment savez-vous que votre acte signé a été enregistré ?

18. Quels sont les différents chemins parcourus par vos registres avant d'arriver au bureau des Archives Nationales ?

19. A quel moment de l'année transmettez-vous vos registres au parquet de votre juridiction ?

20. Avez-vous un agent préposé à la transmission des registres au parquet de votre juridiction ?

21. Comment avez-vous la preuve que vos registres sont transmis au parquet ?

22. Et pour les autres étapes, qu'est ce qui peut vous rassurer que vos registres sont acheminés à temps ?

III. Équipements du bureau d'état civil

23. De quels types de matériels dispose votre bureau ?

24. Où stockez-vous vos documents d'Etat Civil ?

25. Avez-vous des registres?

26. De quels types sont-ils ?

27. Combien en avez-vous dans chaque type ?

28. Quelles sont leurs provenances?

29. A quel moment de l'année les recevez-vous?

30. Combien en recevez-vous par année ?

31. Sont-ils arrivés en quantité suffisante ?

32. Sont-ils arrivés à temps souhaité ?

33. Que faites vous quand ils ne sont pas arrivés à temps ?

34. Quelle est la contenance d'un registre ?

35. Combien de temps environ dure un registre avant qu'il soit rempli ?

36. Que faites vous quand un registre est rempli avant la fin de l'année ?

37. Peut-il arriver, au cours d'une année, que vous n'avez pas reçu de registres ?

38. Dans ce cas que faites vous ?

39. Quels autres matériels utilisez-vous pour faire fonctionner votre bureau ?

40. Pour ces matériels, qui vous approvisionne ?

41. Sont-ils arrivés en quantité suffisante ?

42. Sont-ils arrivés à temps souhaité ?

43. Pensez-vous que ces conditions peuvent faire obstacles à l'enregistrement des actes de naissance ?

44. Quelles sont, selon vous, d'autres barrières à l'enregistrement des actes de naissance ?

45. Quelles solutions proposerez-vous en tant qu'acteur pour un meilleur enregistrement des actes de naissance ?






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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault