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Sécurité et liberté chez Thomas Hobbes


par Jacob Koara
Université Joseph Ki Zerbo  - Master 2022
  

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CHAPITRE III : LA SPÉCIFICITÉ DE L'APPROCHE HOBBESIENNE DES CONCEPTS DE SECURITÉ ET DE LIBERTÉ

Après avoir posé le postulat dans les pages précédentes, notamment au chapitre II à la section trois que la politique sous l'impulsion de Thomas Hobbes, a pour but de pacifier les rapports humains en assurant leur sécurité et éventuellement leur liberté, il apparaît à présent nécessaire de chercher à mieux cerner le sens de la sécurité et de la liberté pour l'auteur du Léviathandans la mesure où l'effectivité de celles-ci y contribuent. Autrement exprimé, la question est, dans ce présent chapitre, de savoir quel contenu Hobbesdonne-t-il aux concepts de sécurité et de liberté ? Il semble avoir une approche assez particulière de ces concepts. Son intuition de ses deux notions va au-delà de la conception commune. C'est cette restitution conceptuelle qui sera exposée dans les sections une (sécurité) et deux (liberté) de ce chapitre.

1. La sécurité synonyme de stabilité et de paix

De manière courante, on estime qu'être en sécurité, revient pour le citoyen à se sentir à l'abri de tout danger, de tout péril. Rendre la sécurité du citoyen effective coïncide alors pour l'État à travailler à écarter tout ce qui pourrait constituer une menace directe pour la vie de ses sujets ou une source d'inquiétude. Le citoyen est dès lors en sécurité, si et seulement s'il peut mener une existence paisible, sous la protection de ce dieu terrestre qu'est le Léviathan. Bien compris, le citoyen ne doit pas être exposé à des dangers de quelque nature que ce soit. C'est en ce sens qu'il faut comprendre cette définition de la sécurité que l'on retrouve dans le dictionnaire Larousse : Du latin securitas, la sécurité est la « situation dans laquelle quelqu'un, quelque chose n'est exposé à aucun danger, à aucun risque, en particulier d'agressions physiques, d'accidents, de vols, de détérioration : cette installation présente une sécurité totale »155(*). Cependant, une telle conception de la sécurité considérée comme fin de l'autorité politique paraît trop idéaliste, voire irréaliste. Comment la république pourrait-elle éliminer tous les dangers que pourrait encourir le citoyen ?

Au-delà de tout ce qu'on peut en dire de façon objective, la notion de sécurité revêt manifestement un caractère subjectif. Elle est foncièrement liée à l'état d'esprit du sujet. Sébastian Roché dans son livre intitulé Insécurité et libertés parle pour ce faire de sentiment de sécurité156(*). Autant dire que le sentiment de sécurité est plus un état psychologique qu'une réalité objective. Ce sentiment, il l'oppose au sentiment d'insécurité. Le sentiment d'insécurité est un malaise qu'éprouve l'individu face à l'hypothèse d'une menace future ou probable qui pourrait s'abattre sur lui. Cette inquiétude peut être justifiée ou pas. L'insécurité implique l'existence d'un risque ou d'une menace. On peut même être dans l'incapacité d'identifier celle-ci. Cependant, la sécurité suppose une distinction de ces différents types de menaces157(*) : Ce qui constitue une situation d'insécurité pour un citoyen peut ne pas l'être pour un autre. Pour preuve, le délinquant, le truand, le chauffard représentent à des degrés divers une menace pour le citoyen. Le sentiment de sécurité est en ce sens relatif : relatif à l'individu, relatif à la situation, relatif au moment. S'il en est ainsi, on pourrait bien partager l'avis subséquent de Daniel Marc Weinstock :

la sécurité est un concept gradué plutôt qu'absolu. C'est-à-dire que l'on peut être plus ou moins en sécurité, dépendant de l'intensité de la menace à laquelle nous faisons face, et à l'étendue des intérêts que ces menaces visent. Il n'existe aucun seuil métaphysique au-delà duquel un agent peut être vu comme étant en sécurité, et en deçà duquel on peut dire de lui que la sécurité lui manque158(*).

En propos moins ambigus, il n'existe pas de définition objective, claire et absolue de la notion de sécurité.

C'est le lieu d'indiquer pour proscrire tout quiproquo de mauvais aloi que, la sécurité hobbesienne n'est pas réductible à ces deux conceptions de la sécurité susmentionnées. Mieux, elle n'est pas nécessairement à situer au niveau de l'individu, donc par la même voie réductible à ce sentiment de sécurité qu'éprouverait ce dernier. La sécurité, telle que le conçoit Thomas Hobbes, concerne l'ensemble du corps politique. OEuvrer à sécuriser le corps politique pour l'État-Léviathan, c'est assurer la survie biologique de tous ses membres. Le faire, c'est les mettre à l'abri de la violence. Autrement exprimé, c'est veiller à protéger le citoyen de toutes les sources de violence. Et comme la principale source de violence, c'est l'autre, alors sécuriser le citoyen, c'est le protéger d'autrui. Car la violence s'exprime toujours dans un rapport à autrui. Dès lors, le citoyen a de bonnes raisons de craindre son prochain. Le prochain s'appréhende comme une autre conscience qui représente un obstacle à sa liberté. Au vu de cette omniprésence d'autrui, le risque d'affrontement paraît inévitable. C'est pourquoi il donne plein pouvoir à l'État en vue d'intervenir par le biais de ses Appareils Idéologiques et Répressifs pour veiller à ce que cela n'arrive pas ou du moins soit jugulé dans des proportions acceptables. C'est à cette condition minimale que le citoyen pourrait vivre dans la république à l'abri de la violence qu'autrui pourrait exercer sur lui.

Le terme de sécurité en lui-même se rencontre assez rarement sous la plume de Thomas Hobbes. En lieu et place de ce mot, ilpréfère utiliser le concept de sûreté. Dans son argumentation, il les inter-change pour signifier la même chose. Mais, quel contenu donne-t-il au vocable de sûreté ? À cette question, sa réponse paraît des plus claires : « Notez que par sûreté, je n'entends pas ici la seule préservation, mais aussi toutes les autres satisfactions de cette vie que chacun pourra acquérir par son industrie légitime, sans danger ni mal pour la République »159(*). La sécurité ne se réduit donc pas à la simple conservation biologique de soi. Elle va au-delà de cette simple conception mécanique que l'on rencontre chez bon nombre de ses détracteurs. Elle englobe, au-delà de la survie biologique des citoyens, tout ce qui pourrait concourir à rendre leur existence plaisante, et qui ne constituerait pas une source possible de déstabilisation de la république. La dimension de survie que l'on retrouve dans le concept de sécurité concerne, en premier lieu, le citoyen, en seconde position, l'État et ses institutions160(*).

La survie de l'État et de ses membres, chez Thomas Hobbes, implique l'ordre puisque la sécurité signifie ordre ; ils sont synonymes. Le passage de l'état de nature à l'état civil est bénéfique pour l'homme, dans la mesure où le Léviathan vient pour instaurer l'ordre. Il met fin au désordre originel. À l'état de nature, règne le chaos total. Le risque de mort violente était le lot des individus. À tout instant, l'homme pouvait passer de vie à trépas. En retour, le souverain travaille à extirper du corps politique tous les germes de violence et de tension qui pourraient replonger la république dans la situation qui avait cours à l'état de nature. En clair, l'État veille à l'organisation du corps politique pour conjurer la violence. La sécurité publique s'analyse ainsi sous le couvert de l'extinction par le pouvoir politique de la violence originelle.

La vérité politique qu'il s'agit de professer ici, c'est que, « plus l'ordre civil est stable et solide, mieux la paix est assurée »161(*). Il en est de même chez Thomas Hobbes, parce qu'« aussi longtemps que les hommes vivent sans aucun pouvoir commun qui les tienne tous en respect ils sont dans cette condition qui se nomme guerre, et cette guerre est guerre de chacun contre chacun »162(*). L'ordre étatique concourt à l'assise de l'harmonie et de la concorde sociales. L'ordre étatique vise à promouvoir la paix, entendu que la paix est l'absence de troubles. En l'absence de troubles, les citoyens peuvent, en toute assurance, agir, vivre en harmonie, et vaquer à leurs occupations respectives, ils s'entraident et s'assistent mutuellement.

Cependant, ne court-on pas le risque que cet impératif de l'État-Léviathan en vue de l'harmonie sociale se retourne en menace contre le citoyen ? La sécurité ne peut-elle pas se transformer en insécurité comme l'écrit Hélène L'Heuillet163(*) dans son introduction à l'ouvrage collectif intitulé Sociétés contemporaines et sécurités? Mieux, cette quête inlassable de sécurité, à la limite obsessionnelle, ne constitue-t-elle pas un danger pour la liberté des citoyens ? La réponse à cette interrogation est négative si l'on se situe dans la perspective de Raymond Paulin qui estime que, « la sécurité de chacun, qui représente l'absence de tout empêchement, de toute contrainte violente, s'identifie dans ce cas, aux yeux de Hobbes, avec la liberté elle-même : être libre, c'est être en sécurité »164(*). Ainsi, dans la perspective hobbesienne, la sécurité, en plus d'être synonyme de stabilité politique et de paix sociale, s'accompagne aussi de liberté.

* 155« Sécurité », in www.larousse.fr, consulté le 27/06/2021.

* 156 Sébastian Roché, Insécurité et Libertés, Paris, Seuil, 1994.

* 157 Daniel Marc Weinstock, « Sécurité et démocratie », in Philosophiques, vol. 29, n°2, Automne 2002, p. 353.

* 158Daniel Marc Weinstock, Op. Cit.,p. 354.

* 159Thomas Hobbes, Léviathan, trad. François Tricaud, Paris, Sirey, 1971,p. 357.

* 160 Romuald Évariste Bambara, Les villes forteresses. De la peur à l'urgence sécuritaire, Paris, L'Harmattan, 2021, p. 40.

* 161 Raymond Polin, « Sur la signification de la paix d'après la philosophie de Hobbes », in Revue française de science politique, Vol. 4, n°2, 1954, pp. 267-268.

* 162Thomas Hobbes, Léviathan, trad. François Tricaud, Paris, Sirey, 1971,p. 124.

* 163 Hélène L'Heuillet et al., Sociétés contemporaines et sécurités, Introduction, dossier printemps 2010, coordination Hélène L'Heuillet et Thibaud Zuppinger, p. 7, in www.implications-philosophiques.org, consulté le 04/07/2021.

* 164 Raymond Polin, Op. Cit., p. 268.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo