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La spécificité du personnage héroà¯que dans le Comte de Monte Cristo


par Hagar Ali-Cherif
CY Université  - Licence de Lettres Modernes  2022
  

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Année universitaire 2021-2022

La spécificité du personnage héroïque dans Le

Comte de Monte Cristo

Mémoire préparé sous la direction de Mme Corinne Blanchaud

Présenté et soutenu par Hagar Ali-Cherif

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Remerciements

Je voudrais dans ces quelques lignes remercier toutes les personnes qui ont contribué à la rédaction de ce mémoire.

En premier lieu je souhaiterais exprimer ma reconnaissance à Mme BLANCHAUD pour m'avoir guidé pas à pas dans la réalisation de ce travail et avoir toujours eu un conseil pertinent à me donner.

Ces remerciements s'appliquent enfin de façon plus générale à l'ensemble de la promotion des L3 de Lettres modernes. L'atmosphère d'entraide collective qui y règne a apporté à mes études l'ambiance studieuse nécessaire à la réalisation d'un projet comme ce mémoire.

À tous, je témoigne mon respect et ma gratitude.

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Table des matières

Remerciements

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Table des matières

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Introduction

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Partie I : Une évolution significative de la conception Dumasienne

du héros

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1. Maturité et apprentissage

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2. L'ambition au service d'un idéal personnel

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Partie II : Un érudit parmi les ignorants

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1. Dantès, le héros cosmopolite

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2. Une utilisation ambigüe du savoir

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Partie III : La persistance du mystère autour de la figure du comte

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1. La notion de travestissement

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2. Une narration équivoque

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Conclusion

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Bibliographie

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Introduction

1807, Nîmes. À la suite d'un complot contre sa personne, le cordonnier François Picaud faussement accusé d'espionnage pour le compte de l'Angleterre est emprisonné sept ans à la forteresse de Fenestrelle, ignorant tout du motif de son incarcération. Libéré en 1814, riche d'un trésor que lui aurait légué un compagnon de cellule et revenant sous le nom de Joseph Lucher il se venge des quatre conspirateurs responsables de la machination avant de mourir lui-même assassiné. Issue des archives de la police et narrée par Dumas en personne1, cette histoire réelle, quoique très romancée, constituera le modèle du jeune marin Edmond Dantès, personnage principal du roman le plus célèbre de cet auteur : Le Comte de Monte Cristo2.

Genre très prisé et florissant au XIXème siècle, le roman feuilleton s'appuie sur des personnages marquants, adulés du grand public. Parmi la foule de héros qui peuplent l'oeuvre de Dumas, l'un des plus connus en France comme à l'étranger est sans conteste le second du navire Le Pharaon : Dantès. Il est tout à fait pertinent de se demander ce qui confère une telle aura au futur comte de Monte Cristo et en fait un héro qui se démarque de la représentation habituelle qu'on est en droit d'attendre d'un personnage principal. L'idée du justicier par excellence est l'un des points les plus fréquemment soulevés dans l'étude du personnage au même titre que le concept du travestissement : obligatoire pour parvenir à ses fins. Ces deux notions sont importantes et nous les développerons plus avant. Or si elles amorcent un fécond début de réflexion, elles ne constituent cependant qu'une partie des raisons qui différencient Edmond Dantès des autres héros de feuilleton. Quelles peuvent bien être ces raisons ? C'est ce que nous allons tâcher d'éclaircir dans ce mémoire en nous interrogeant sur la spécificité du personnage héroïque dans Le Comte de Monte Cristo.

En nous appuyant sur une lecture approfondie des tomes du roman et d'articles universitaires, nous étudierons tout d'abord le personnage comme étant le contre-pied du héro de roman Dumasien, mis en parallèle pour ce faire avec la figure du mousquetaire d'Artagnan, du même auteur. Ce que nous découvrirons nous amènera à aborder la position peu commune de Monte Cristo par rapport au savoir et à la connaissance que ce soit dans le domaine scientifique ou philosophique, rendant pour finir, le comte un être mythique encore plus impénétrable qu'avant.

1 DUMAS, Alexandre, Oeuvres complètes d'Alexandre Dumas, Paris, 1850-1857, p.404-408.

2 DUMAS, Alexandre, Le Comte de Monte-Cristo, Paris, 1844, folio classique 1998, 2075p. Désormais référencé : [LCMC1] ou [LCM] suivant le tome cité.

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Partie I : Une évolution significative de la conception Dumasienne du héros

Lorsqu'on dit Alexandre Dumas, l'on pense tout de suite à des héros représentant avant tout la fougue et les rêves de la jeunesse. Après tout un roman paraîssant en publication régulières se doit d'être captivant, empli de rebondissements et d'aventures. Cependant cette conception est facilement réfutable si l'on compare Les Trois Mousquetaires3, oeuvre majeure de Dumas s'il en est, avec le comte de Monte Cristo.

Si nous prenons Les Trois Mousquetaires, le personnage archétypal du héros se construit sous nos yeux. D'Artagan est un jeune homme qui vient d'atteindre sa dix-huitième année. Il sera tout au long du livre entouré de compagnons bien plus âgés, certes, mais il n'en reste pas moins le personnage central de l'oeuvre, celui qui lui donne son souffle épique, qui va au devant de l'action là où Athos, Porthos ou Aramis ne se seraient pas aventurés sans réflexion. Il paraît logique de narrer les aventures d'une personne jeune qui ne connaît encore rien à la vie, justement pour que les lecteurs puissent le voir évoluer positivement au fil du récit. Là réside le premier point de divergence entre le sémillant cadet aux gardes et le comte de Monte Cristo. Nous suivons la jeunesse de ce dernier durant un laps de temps compté : du début du livre jusqu'à l'exhumation du trésor. À ce moment là, Edmond Dantès disparaît pour revenir sous la forme de l'abbée Busoni, l'un de ses nombreux déguisements, puis enfin celle du comte de Monte Cristo, un homme d'environ trente à quarante ans, ainsi qu'il est décrit dans le livre : «Il [...] se trouva en face d'un homme de trente huit à quarante ans [...] cet homme avait une figure remarquablement belle; ses yeux étaient vifs et perçants» [LCMC1 : 346p]. On voit que le comte n'est pas spécialement marqué par l'âge, mais qu'il n'appartient déjà plus à la catégorie des jeunes hommes dans laquelle on rangerait plutôt Albert de Morcerf, le fils d'un de ses rivaux. La longueur des ellipses, que ce soit celle de la prison où Dantès passe quatorze ans, ou encore le long voyage à travers le monde qu'il opère après s'être emparé du trésor de Monte Cristo, nous prouve que le livre est centré sur l'Edmond Dantès adulte et non pas le jeune homme. Ce choix narratif nous permet de suivre les aventures d'un homme déjà mûr à qui la vie n'a rien à apprendre, ce qui constitue la déviation d'avec le modèle d'Artagnesque. Là où un monsieur de Tréville ou un Athos accompagnent le jeune bretteur tout au long du roman, la phase d'apprentissage de Dantès est beaucoup plus courte et il s'émancipe très vite de l'abbé Faria pour devenir son propre mentor. Le choix de nous focaliser sur cette partie de la vie du héros est représentatif du thème du livre, qui est la vengeance. Il y a deux façons de la concevoir dans ces

3 DUMAS, Alexandre, Les Trois Mousquetaires, Paris, 1844, 799p.

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deux ouvrages, deux façons qui présentent des similitudes et des différences. Le futur mousquetaire se vengera en effet de Milady pour le meurtre de Constance Bonacieux. S'il venge en quelque sorte un tiers en même temps que de se venger lui-même des affronts que la dame à commis envers lui, il le fait de façon très fougueuse et expéditive ce qu'Athos lui reprochera plus tard. La vengeance de Monte Cristo concerne lui aussi un tiers, son père qui suite à son incarcération est mort de faim, oublié de tous, mais le concerne aussi avant tout lui-même. Or loin d'être rapide, ce qui fait tout le sel et toute la célébrité de la vengeance du comte est qu'elle est très lente. On sent la maturité d'un homme ayant longtemps vécu derrière le plan ourdi de sang froid d'Edmond Dantès. Là où d'Artagnan et ses amis en se faisant justice ressentent beaucoup de douleur, car étant encore jeunes, ou pour le cas d'Athos imprégné de fatalisme, le comte est considéré comme un véritable surhomme justicier, de par son insensibilité et son plaisir apparent pour la souffrance qu'il cause à ses ennemis. Gérard Gengembre, professeur émérite à l'université de Caen reprend dans un article les termes d'Antonio Gramsci sur le comte : «Le type du «surhomme» est Monte-Cristo, libéré de cette auréole particulière de «fatalisme» qui est propre au bas romantisme et qui est encore plus appuyé chez Athos»4, cette idée de libération de notre héros montre bien la différence opérée entre les deux oeuvres et l'évolution de la figure héroïque, munie d'une nouvelle aura et donc d'une interprétation nouvelle.

Avec le comte de Monte Cristo, Dumas prend un nouveau départ, et propose une oeuvre au thème certes très usité, mais traité par un personnage peu conventionel. Car s'ils sont nombreux les romans feuilletons à aborder la notion de vengeance, et ainsi que nous venons de le citer Les Trois Mousquetaires n'échappe pas à la règle, il est plus rare cependant de traiter ce sujet à la manière du Comte de Monte Cristo. D'Artagnan était enclin à pardonner, le comte ne l'est pas, tout du moins pas avant la fin lorsque les doutes le prennent. Pas vraiement antagoniste et pourtant difficilement acceptable comme un protagoniste sans défauts il est novateur de présenter l'histoire d'un homme à la morale bien particulière et au but sanglant posé très clairement et qui donc en montrant le contre-modèle à suivre provoque une rupture entre le héros et le lecteur. Ce dernier continue toujours de suivre avec autant de délectation les aventures du comte, mais sait dorénavant que celui-ci ne consitue plus un modèle et cela l'amène à questionner sa morale, par rapport à celle de Monte Cristo. Encore une fois on remarque l'évolution par rapport à un roman tel Les Trois Mousquetaires où la quasi exemplarité du héros montrait de façon évidente la voie à suivre. Dumas dans Le Comte de Monte Cristo nous fait entrevoir la voie à suivre, mais de façon détournée et par le contre-exemple qu'il donne. C'est ce que Raphaël Yao Kouassi appellerait le héros concave protagoniste.

4 GENGEMBRE, Gérard, «Le comte de Monte Cristo ou le surhomme, la justice et la loi», dans Les Cahiers de la Justice, 2012, n°1, p160.

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Reprenant dans sa thèse sur les héros dans la littérature les explications de Vincent Jouve sur sa classification des différentes typologies de héro il écrit : «Le troisième type est le héros concave protagoniste. Sa conduite est loin d'être exemplaire, mais il est le sujet d'une histoire qui, elle, est porteuse de leçon. En outre, comme il occupe le devant de la scène, c'est lui qui focalise l'attention du lecteur»5. L'évolution d'avec d'Artagnan qualifié, lui, de héro convexe protagoniste est flagrante, un héros convexe protagoniste étant : «un personnage à la conduite exemplaire et qui occupe le devant de la scène [...] héros classique qui, non seulement est, quantitativement, plus présent que les autres personnages, mais qui, en outre, offre au public un miroir idéalisé. C'est, par exemple, Enée, d'Artagnan, ou encore James Bond» [HJA : 79p]. Avec l'exemple du modèle à suivre vient aussi celui des idéaux transmis par le héros. D'Artagnan est fortement politisé, se battant contre le cardinal de Richelieu, grand antagoniste du roman et faisant l'éloge du roi et de la reine. Cette vision de la politique perdure dans les autres tomes ou le romancier nous narre les épisodes de la Fronde et les différents partis dans lesquels les héros se rangent, souvent poussés par d'Artagnan. Le récit du comte de Monte Cristo aurait pu suivre le même chemin mais ne le fait pas. Emprisonné pour cause de Bonapartisme alors même qu'il n'avait pas d'idéaux politiques, le livre aurait pu nous décrire un Edmond Dantès ressassant une véritable haine contre l'empereur qui a indirectement causé sa perte. Par là il aurait pu faire l'éloge du régime monarchique restauré. Or ce n'est absolument pas ce qui se passe. En devenant le surhomme justicier qu'il est, Edmond Dantès se place au dessus des lois humaines, comme un envoyé divin. La politique trouve donc peu d'agrément à ses yeux et il s'en montre fort détaché. En décidant de n'inclure dans sa vengeance que des raisons personnelles et non pas politiques, Dumas ne fait donc pas de l'histoire de Dantès un cas général de l'injustice d'un régime, mais bien une histoire particulière avec un héros tout aussi particulier et qui s'en retrouve par là même rendu unique.

L'évolution de la figure héroïque dans le roman-feuilleton Dumasien est donc avant tout un moyen de mettre en avant un personnage en proposant une réappropriation des thèmes déjà traités et des modèles de héros connus afin d'aller toujours au-delà des attentes du lecteur de l'époque, conférant à Monte Cristo une aura d'être supérieur qui le démarque. Cela vaut lorsqu'on le compare à d'autres héros de romans comme d'Artagnan, mais est aussi valable à l'intérieur même de sa propre histoire où il se singularise par les qualités qu'il possède et sur lesquelles nous allons à présent nous pencher.

5 KOUASSI, Yao Raphaël, Héros, jeunesse et apprentissage dans quelques romans du XIXe siècle : Chateaubriand, René, 1802 - Stendhal, Le Rouge et le Noir, 1830 - Musset, La Confession d'un enfant du siècle, 1836 - Balzac, Illusions perdues, 1837/1843 - Flaubert, L'Éducation sentimentale, Histoire d'un jeune homme, 1869, thèse de doctorat, Université Blaise Pascal - Clermont-Ferrand II, 2011, p79. Désormais référencé [HJA].

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld