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Agrobusiness, sécurité foncière et alimentaire au Sourou (Burkina Faso). Cas des périmètres agricoles de Niassan, Di, Débé et Gouran.


par Ouango Blaise ZONGO
Université Joseph Ki-Zerbo (Ouagadougou) - Maîtrise de géographie 2014
  

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Chapitre 4:L'agro-business et les perspectives de sécurité foncière et alimentaire

Il sera question dans ce chapitre 4 d'analyser les réalités foncières des acteurs présents dans les périmètres aménagés en vue de les mettre en perspective avec la politique nationale de sécurisation foncière à travers le protocole d'accord et les lois foncières nationales pour les mettre en relation avec la sécurité alimentaire suite à l'avènement de l'agro-business dans les localités de Niassan, Di, Débé et Gouran.

4.1. Agro-business et perspectives de sécurité foncière

La sécurité foncière est la condition première pour une production agricole. Au Burkina Faso, des outils juridiques d'importance différente régissent les activités du monde agricole. La Réorganisation Agraire et Foncière (RAF), la loi coopérative, la loi n°034 et des décrets ministériels résultant de ces lois sont les principaux. Ces textes juridiques ont chacun un impact sur la sécurité foncière de chaque acteur agricole et cela en fonction de leur étendue. L'analyse de ces outils juridiques contribuera à évaluer son ampleur.

4.1.1. Les outils juridiques

Les périmètres agricoles de la vallée du Sourou ne sont pas accessibles à tous les producteurs agricoles. Avec une population de 231 591 habitants (DGPSA/MAHRH, 2008) que compte le Sourou, on n'a que 3000 exploitants agricoles soit 1,3% des effectifs et repartis dans treize coopératives, un groupement et un comité d'irrigant. Ceux qui y ont accès doivent remplir certaines conditions et établir des relations avec l'Autorité de Mise en Valeur de la Vallée du Sourou (AMVS). Cette structure veille au respect des outils de régulation foncière sur les périmètres aménagés de la vallée du Sourou. Ces outils de valeur juridique déterminent les droits, les devoirs et la sécurité foncière de chaque exploitant agricole. Il s'agit de la Reforme Agraire et Foncière (RAF), la Loi 034 portant régime foncier rural, la Loi coopérative, le cahier de charge de la vallée du Sourou, le protocole d'accord.

4.1.1.1. La Réorganisation Agraire et Foncière et la sécurité foncière des acteurs de la production agricole des périmètres de Niassan, Di, Débé et Gouran

Au Burkina Faso, la RAF est l'outil de régulation foncière de base. Elle est la première à définir les droits, les devoirs, à assurer la sécurité foncière des producteurs agricoles ou à la compromettre. Cette loi qui s'applique aussi bien aux acteurs agricoles des terres aménagées que ceux des terres non aménagées. C'est sous le Conseil National de la Révolution (CNR) qu'est intervenue pour la première fois l'Ordonnance N° 84-050/CNR/PRES du 04/08/84 portant reforme agraire et foncière au Burkina Faso. Cette RAF remplace la Loi N°77/60/AN du 12

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juillet 1960 portant réglementation des terres du domaine privé de la Haute Volta qui était calquée sur la Réorganisation foncière en Afrique Occidentale Française. Comme dans les versions relues, en 1991( Zatu AN VIII-39 bis du 4 juin 1991 portant RAF-BF), en 1996 : Loi N°014/96/ADP du 23 mai 1996 et en 2012 (Loi N°034-2012/AN du 02 juillet 2012 portant Réorganisation Agraire et Foncière), les terres appartiennent toujours à l'Etat. Ces relectures de la RAF la chûte du CNR vont consister à assouplir le monopole de l'Etat et redéfinir les structures de gestion foncière une des exigences des Programmes d'Ajustement Structurel (PAS). Ainsi, même s'il y a un assouplissement des lois sur l'accès aux périmètres aménagés notamment ceux de la vallée du Sourou, le privé n'étant plus exclu, les exploitants agricoles restent des attributaires ou des loueurs. La sécurité foncière des différents acteurs agricoles (exploitants familiaux, coopérateurs, agro businessmen) dépend toujours de l'Etat qui fixe, fait et défait les droits et les devoirs de chaque acteur de la production agricole des localités concernées. Pour la population locale, la RAF a aboli le droit d'exploitation illimitée de la terre. Elle n'a pas aussi permis l'installation de toute la population vivant de l'agriculture sur les périmètres agricoles de Niassan, Di, Débé et Gouran. Elle est laissée à elle-même face aux aléas climatiques, manque d'engrais et problèmes d'équipement agricole. Elle est obligée de rester confinée dans les champs pauvres et inextensibles à l'infini.

Quant aux coopérateurs, ce sont ceux qui ont été les premiers à avoir le droit d'occupation des périmètres agricoles. Ils sont eux aussi régis par la RAF car la loi coopérative est son émanation. Mais le droit d'exploitation qu'ils ont acquis n'est pas définitif car le coopérateur peut être exclu des parcelles s'il y a remise en cause de leurs devoirs envers sa coopérative et l'AMVS. Il s'agit de la redevance eau, les dettes pour les intrants. En clair les coopérateurs ne sont pas propriétaires des parcelles. Cet extrait de DIALLA, (2002) est explicite :

«En effet, l'Article 191 du Décret d'application de la RAF dispose que l'occupation et l'exploitation des terres hydro-agricoles par les personnes physiques ou morales sont subordonnées à la délivrance d'un titre de jouissance par l'autorité compétente. Il ne s'agit pas de titre de propriété, et les articles 193 et 195 fixent les conditions si contraignantes que l'exploitant a plus la chance de se voir expulser que d'être propriétaire» (p10).

Avec la RAF, les terres hydro-agricoles appartiennent à l'Etat qui peut attribuer des droits d'exploitation. Elle n'assure donc pas la sécurité foncière des coopérateurs sur les périmètres irrigués de Niassan, Di, Débé et Gouran. Les coopérateurs qui exploitent ces terres hydro-agricoles ne sont donc pas propriétaires. Et comme ils sont en majorité sont des migrants, ils n'ont pas de lien social avec la terre qui les accueille et même entre eux. Ils n'ont pas accès de ce fait aux champs pluviaux. Ils sont uniquement confinés aux périmètres irrigués. Ils sont isolés. Ce qui limite leurs initiatives. En cas de problème, ils sont obligés d'abandonner leurs

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exploitations au profit d'autres ou se jeter dans les bras des agro-businessmen et devenir des ouvriers agricoles.

Enfin en ce qui concerne les agro-businessmen, la RAF relue en 1991, 1996 et 2010 est en leur faveur. En fait sa dernière version est plus claire. C'est selon la RAF, (2012) pour un « principe d'équipé, de bonne gouvernance, d'innovation » (pp. 2-3). Cette loi offre aux agro-businessmen des conditions favorables. Au niveau des périmètres hydro agricoles, les articles 130 et 131 de la RAF de 2012 définissent les règles. A l'article 130 de la RAF, (2012), on retient : « Les zones rurales aménagées ou non aménagées de l'Etat sont occupées ou exploitées sous forme associative, familiale, individuelle ou par des personnes morales de droits privé ou de droit public» (p.36). Cette précision vient de l'article 131 de cette même loi :

« L'occupation ou l'exploitation des terres rurales aménagées fait l'objet de cahiers des charges élaborés par la

commission interministérielle présidée par le ministre chargé du secteur concerné et adopté par décret pris en Conseil de ministres...» (p37).

C'est uniquement sur les terres non aménagées du Domaine Foncier National (DFN), la RAF reconnaît un patrimoine foncier des particuliers en ces articles 194, 195 et 196. Sur les périmètres hydro-agricoles de Niassan, Di, Débé et Gouran, la population locale et les coopérateurs et les agro-businessmen n'ont que des droits d'occupation et des exploitations des périmètres. Ces derniers sont considérés comme les partenaires financiers privilégiés de rentabilisation de ces périmètres. Ils doivent aider l'Etat à supporter les charges d'aménagement. Cela les met au dessus des autres producteurs agricoles du Sourou. Ainsi, la RAF va introduire une notion de classe sur les périmètres : la bourgeoisie agricole. C'est la plus riche et la mieux équipée. Cet ensemble de fait peut conduire à un accaparement de terres car par manque de moyens économiques, les exploitants familiaux et les coopérateurs vont perdre leur statut et devenir des ouvriers agricoles sans terres.

Est-ce que des leçons ont été véritablement tirées des insuffisances des autres lois ? Dans quels sens et pour qui ? En fait, une révision d'une loi appelle une autre. Et, ces révisions, nous éloigne davantage des objectifs visés par les lois agricoles.

4.1.1.2. La Loi N°034-2009/AN portant régime foncier rural et l'état de sécurité foncière des acteurs de la production des périmètres agricoles de Niassan, Di, Débé et Gouran

Pour ce qui est de la population locale, qui d'ordinaire travaille en paysannat, cette loi organise l'exploitation des terres rurales. En son article 4 il ressort :

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« La terre rurale constitue un patrimoine de la nation. A ce titre, l'Etat, en tant que garant de l'intérêt général assure la gestion rationnelle et durable des terres rurales... ; organise la reconnaissance juridique effective des droits locaux légitimes des populations rurales, assure la garantie des droits de propriété et de jouissance régulière établie sur les terres rurales ; veille de manière générale à la protection des intérêts nationaux et à la préservation du patrimoine foncier national en milieu rural » (p. II).

Même avec l'adoption de cette loi, la terre appartient toujours à l'Etat Mais, au niveau des terres rurales non aménagées, les exploitants familiaux ont des droits locaux légitimes, ce n'est pas le même cas sur les périmètres agricoles de Niassan, Di, Débé et Gouran. Ils doivent adhérer à une coopérative et s'adresser à l'AMVS pour être attributaire d'une parcelle. Quant aux 3000 coopérateurs de la vallée du Sourou, avec la Loi N°034 portant régime foncier rural, ils occupent et exploitent entre 0,6 et 1,5 ha si les textes relatifs aux petits et grands aménagements sont respectés. Leurs superficies peuvent atteindre 3 ha s ils développent des stratégies pour contourner les textes en vigueur en adhérant à plusieurs coopératives à la fois. Enfin, la Loi N°034-2009/AN portant régime foncier rural fait aussi cas de l'agro-business. Dans son article 71 de la LOI N°034-2009/AN, il ressort :

«Outre les baux emphytéotiques, les personnes physiques ou morales de droits privés désirant réaliser des investissements productifs à but lucratifs en milieu rural, peuvent accéder aux terres agricoles et pastorales aménagées par l'Etat ou par les collectivités territoriales par voie de cession » (p. XI).

Tous ceux qui recherchent des opportunités et qui veulent faire des affaires (du business) dans l'agriculture, sont autorisés pourvu que certaines conditions soient respectées. Leurs droits et leurs devoirs sont consignés dans cette loi. Le paiement des taxes, la mise en valeur effective des parcelles attribuées et la production pour la commercialisation sont exigées par cette loi.

Cette Loi 034 en donnant la propriété de la terre à l'Etat a aboli le droit d'exploitation illimité de la terre surtout celle des périmètres aménagés et n'assure pas aussi de ce fait la sécurité foncière des populations locales. Aussi, la Loi 034 étant une consignation de la RAF, elle n'est pas un outil approprié de traitement des problèmes fonciers ruraux. Ayant été adoptée, deux ans avant la troisième relecture de la RAF en 2010, elle pourrait être en déphasage avec celle-ci. Enfin, les catégories de personnes auxquelles elle s'adresse, son appropriation est plus en faveur des acteurs les plus informés (leur responsabilité professionnelle et leur niveau d'instruction étant leurs atouts). Il s'agit des autorités décentralisées et certains agents de l'Etat en service dans les communes rurales qui ont été associés aux ateliers de formation et d'élaboration de cette loi, et qui maîtrisent mieux ses enjeux. Les acteurs les moins informés peuvent être un frein à l'application de cette loi. Leur vague compréhension de cette loi pourrait être la cause. Ils sont représentés par les autorités coutumières, les conseillers villageois de développement (CVD), les

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Conseillers municipaux, les agents techniques de l'Etat et les organisations paysannes. Quant au dernier groupe composé par la population locale (autochtones, migrants, coopérateurs et certains agro-businessmen), il peut être victime de l'application de cette loi foncière. Ainsi, selon OUEDRAOGO, (2011) :

« Le décalage de compréhension sur la Loi 034 entre les structures déconcentrées et décentralisées et la mise en place inachevée des services décentralisés en matière foncière contribuent à rendre davantage ambiguë les rôles respectifs des structures administratives (décentralisées et déconcentrées) dans le mécanisme de sa mise en oeuvre » (p 137).

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote