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Inventaire de quelques vestiges coloniaux matériels dans la ville de Dschang(1907-1957)


par Yannick Guerin Diffouo
Universite de Dschang - Master 2014
  

Disponible en mode multipage

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REPUBLIC OF CAMEROON Peace-Work-Fatherland

REPUBLIQUE DU CAMEROUN Paix-Travail-Patrie

UNIVERSITE DE DSCHANG

THE UNIVERSITY OF DSCHANG

ECOLE DOCTORALE

POST GRADUATE SCHOOLS

UNITE DE FORMATION
DOCTORALE ARTS, LETTRES
ET SCIENCES SOCIALES

POST GRADUATE UNIT ARTS,
LETTERS AND SOCIAL
SCIENCES

INVENTAIRE DE QUELQUES VESTIGES

COLONIAUX MATERIELS DANS LA VILLE DE

DSCHANG (1907-1957)

Thèse présentée et soutenue publiquement en vue de l'obtention du

Diplôme de Master en Histoire

A thesis submitted in partial fulfillment of the requirements for the awards of a Master degree in History

Option : Histoire des Civilisations et des Religions

Par:

Yannick Guérin DIFFOUO Matricule : CMO4-08LSH0282 Licencié en Histoire

Sous la direction de :

Dr Célestine FOUELLEFAK KANA Chargée de cours

Juin 2014

i

IN MEMORIUM

Aux regrettés :

- Emmanuel Djatsa,

- Jean Djouda (dit Tameli)

- Et tous nos ancêtres tués ou devenus handicapés dans les différents chantiers pendant la colonisation.

Tous ceux que nous ne pouvons citer nommément ici qui voudraient bien accepter nos sincères remerciements.

ii

REMERCIEMENTS

Nos profonds remerciements vont à ceux qui, de près ou de loin, ont apporté leurs contributions multiformes à l'élaboration de ce travail. Ainsi nous pensons à :

Notre encadreur, Dr Célestine Fouellefak Kana, qui a accepté de guider nos premiers pas dans la recherche et dont les multiples conseils, critiques et encouragements nous ont permis d'aller jusqu'au bout de ce travail ;

Tous nos enseignants et missionnaires du Département d'Histoire, en particulier le Pr. Albert-Pascal Temgoua, les Docteurs Zacharie Saha, Jules Kouosseu, Noumbissie Tchouake, Théodore Ngoufo Sogang, et M. Williams Pokam qui ont grandement contribué à notre formation ;

Tous nos camarades de promotion, notamment W. Kuetagü Tchinda, C. Tsiafie, E. Djou Douandje, J. Modjom Tchuenchie, F. Mepoubong Fouedong etc. avec qui l'entraide sur le plan académique a été d'une utilité on ne peut plus certaine ;

M. René Tchaptchet, Romeo Keumo Songong et Marie Nodem qui ont bien voulu apporter leur soutien technique à l'élaboration de ce travail ;

Tous nos informateurs, responsables des centres d'archives et bibliothécaires en particulier Papa René Poundé et Dr Jean-Claude Tchouankap pour leur disponibilité et leurs témoignages qui ont été d'une utilité indéniable pour nous ;

Nos Mamans Monique Tedongmo et Jeanne-d'arc Mamekem, M. Yves Kemka, Mme Nathalie Koumetio et M. Arnaud Rudovit Djimeli dont le soutien incessant a donné un sens à notre vie après le Baccalauréat ;

Toute la grande Famille Tameli et à tous les ressortissants du Village Bafomlie-Bangang pour leur soutien moral et matériel ;

Nos remerciements vont également à nos Camarades Panafricanistes d'Action Sociale Africaine (A.S.A), et de l'Association pour l'Unité et le Développement de l'Afrique (A.U.D.A) pour leurs encouragements multiformes ;

iii

TABLE DES MATIERES

IN MEMORIUM i

REMERCIEMENTS ii

TABLE DES MATIERES iii

LISTE DES TABLEAUX ET CARTES vii

LISTE DES PHOTOS viii

LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS x

LISTE DES ANNEXES xi

RESUME xii

ABSTRACT xiii

INTRODUCTION GENERALE 1

I. RAISONS DU CHOIX DU THEME 3

II. INTERET DE LA RECHERCHE 4

III. CADRE CONCEPTUEL 6

IV. CADRE SPATIO-TEMPOREL 10

V. REVUE DE LA LITTERATURE 12

VI. PROBLEMATIQUE 16

VII. HYPOTHESES DE RECHERCHE 16

VIII. METHODOLOGIE 17

IX. LES DIFFICULTES RENCONTREES 21

X. PLAN DE L'ETUDE 21

PREMIER CHAPITRE: APERCU HISTORIQUE DE LA VILLE DE DSCHANG

ET CONSTRUCTION DES INFRASTRUCTURES COLONIALES 22

Introduction 22

I- APERÇU HISTORIQUE DE LA VILLE DE DSCHANG 23

1. Période allemande et la naissance du Bezirk de Dschang (1904- 06 novembre

1915) 23

iv

2. De la coalition franco-britannique à l'intermède anglais : une courte période

sans grands changements (06 novembre 1915-1920) 25

3. Dschang : Chef-lieu de la Circonscription de Dschang sous l'administration

française (1920-1960) 26

II. ROLES DES INFRASTRUCTURES COLONIALES 28

1. Le souci de "pacification" et de "sécurisation" 28

2. Le souci de création d'un cadre physique favorable 29

3. Le souci d'exploitation des ressources 30

4. La matérialisation de la prétendue "mission civilisatrice" de l'Europe en

Afrique 31

III. MATERIAUX ET RESSOURCES HUMAINES NECESSAIRES A LA

CONSTRUCTION ARCHITECTURALE 32

1. Un mélange de technique et de matériaux allogène et autochtone 33

2. Un accord de financement métropolitain 37

3. Une main d`oeuvre abondante et malléable 39

Conclusion 45

DEUXIEME CHAPITRE: INVENTAIRE DE QUELQUES VESTIGES COLONIAUX A USAGE POLITICO -ADMINISTRATIF ET ECONOMIQUE DANS

LA VILLE DE DSCHANG 46

Introduction 46

I. LES VESTIGES COLONIAUX A USAGE POLITICO-ADMINISTRATIF 47

1. La résidence et le lieu de service du Chef de région 47

2. Le Palais de justice 51

3. Gendarmerie nationale 52

4. Le Commissariat central 55

5. L'Aviation de Dschang 57

6. La prison de Dschang 60

7. La station météo 63

II. LES VESTIGES COLONIAUX A USAGE ECONOMIQUE 65

1. La régie de production d'électricité 66

v

2. L'entrée du marché "A" 69

3. Le Secteur de Modernisation des Cultures d'Altitude (SEMCA) 72

a. L'usine de la station de traitement du Quinquina 74

b. L'usine de café 79

Conclusion 82

TROISIEME CHAPITRE: INVENTAIRE DE QUELQUES VESTIGES COLONIAUX A CARACTERE CULTUREL, SOCIAL ET RELIGIEUX DANS LA

VILLE DE DSCHANG 83

Introduction 83

I.

LES VESTIGES COLONIAUX A CARACTERE CULTUREL

84

1.

Le foyer culturel français

84

2.

Le Centre Climatique de Dschang

88

3.

Le stade Municipal de Dschang

90

 

4. Le Centre d'Education Physique et Sportive (CEPS) et l'Ecole Normale

d'Instituteurs Adjoints (ENIA) 92

II. LES VESTIGES COLONIAUX A USAGE SOCIO-RELIGIEUX 94

1. L'hôpital de Dschang 94

2. Camp des fonctionnaires new town 100

3. Les différents types d'écoles coloniales 101

4. La Mission Catholique Sacré-Coeur de Dschang 103

Conclusion 115

QUATRIEME CHAPITRE: ETAT DES VESTIGES COLONIAUX A DSCHANG

ET URGENCE D'UNE VALORISATION 116

Introduction 116

I. L'ETAT DES VESTIGES COLONIAUX A DSCHANG 116

1. Les vestiges coloniaux transformés 116

2. Les vestiges coloniaux assombris ou en état de détérioration 117

3. Les vestiges coloniaux réhabilités ou en forme 119

vi

II. FACTEURS FAVORABLES A LA DESTRUCTION DES VESTIGES

COLONIAUX 119

1. Les conditions climatiques 120

2. L'inaction de l'homme 121

3. La non application de la politique culturelle 121

III. L'IMPORTANCE DES VESTIGES COLONIAUX POUR UN PEUPLE 123

1. Les vestiges coloniaux : Support matériel de mémoire collective 123

2. Les vestiges coloniaux : Vecteur de développement économique 125

IV. DES INITIATIVES A ENCOURAGER 128

Conclusion 130

CONCLUSION GENERALE 131

ANNEXES 139

SOURCES ET REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 140

I. SOURCES ORALES 140

II. LES SOURCES ECRITES 142

A. LES SOURCES ARCHIVISTIQUES 142

1. Archives Nationales de Yaoundé (ANY) 142

2. Archives Régionales de l'ouest (ARO) 142

3. Archives de Dschang 143

B. DICTIONNAIRES 143

C. LES OUVRAGES 143

D. MEMOIRES ET THESES 145

E. ARTICLES ET COMMUNICATION 148

F. LES JOURNAUX 150

G. SOURCES D'INTERNET 151

vii

LISTE DES TABLEAUX ET CARTES

TABLEAUX

Tableau 1: Evolution de la population européenne et indigène dans les différents

territoires dont Dschang était le Chef-lieu 40

Tableau 2: Comparaison de la population de Dschang avec les autres localités de la

circonscription en 1927. 40

CARTES

Carte 1: Localisation du cadre spatial d'étude 11

Carte 2: Cartographie de quelques vestiges coloniaux dans la ville de Dschang .. 114

viii

LISTE DES PHOTOS

Photo 1: Illustration d'une falsification de l'auteur d'un bâtiment colonial 20

Photo 2 : Une date problématique 20

Photo 3: Mission centrale de Dschang construite par les Pères Pallotins en 1906 35

Photo 4: Fort allemand de Dschang construit en 1907 (a g.) et la résidence du Chef

de région (à d.) 48

Photo 5: La sous-préfecture actuelle (a g.), et la résidence du préfet (à d.) 48

Photo 6: Le palais de justice construit vers 1955 51

Photo 7: Façade avant du Bâtiment principal de la gendarmerie 53

Photo 8 : Façade arrière Bâtiment principal de la gendarmerie 53

Photo 9 : Le quartier des fonctionnaires gendarmes 54

Photo 10: Le Commissariat central de Dschang 56

Photo 11: Une séance de jugement dans l'ancien palais de justice aujourd'hui

Commissariat central 56

Photo 12: La piste d'atterrissage de l'Aviation de Dschang 58

Photo 13: La tour de contrôle 58

Photo 14: La résidence du Chef de l'Aviation 59

Photo 15: Le quartier des fonctionnaires de l'Aviation de Dschang 59

Photo 16: La prison de Dschang vue de face a g. et vue de dessus a d. 61

Photo 17: La résidence du Chef de la station météo 64

Photo 18 : Un des éléments qui se trouve dans la station météo 64

Photo 19: Barrage de retenue d'eau situé derrière la prison de Dschang 66

Photo 20: Régie de production d'électricité 68

Photo 21: L'entrée du marché "A" de Dschang 70

Photo 22: l'Usine de traitement du quinquina 74

Photo 23: L'intérieur de l'usine de quinquina victime du vandalisme 78

Photo 24: Usine à café de la SEMCA 81

Photo 25: Une vue actuelle de l'Alliance franco-camerounaise 84

Photo 26 : Une vue de la Médiathèque et de la salle Manu Dibango 85

ix

Photo 27: Une vue partielle (à g.) et aérienne (à d.) du Centre Climatique de

Dschang 88

Photo 28: Une vue de la tribune du stade municipal 91

Photo 29: L'entrée du CEPS aujourd'hui CENAJES 92

Photo 30: Accueil de l'hôpital de Dschang : la structure a été réhabilitée vers les

années 1930 (a g.) et maintenant (a d.) 95

Photo 31: Bâtiment de l'hôpital de Dschang inauguré par Ahmadou Ahidjo en 1957

96

Photo 32: Physionomie actuelle du bâtiment inauguré par Ahmadou Ahidjo 97

Photo 33: Camp des fonctionnaires New Town dès sa construction (a g.) et son état

actuel (a d.) 100

Photo 34: Un des bâtiments du Centre de pré-apprentissage (CPA) 103

Photo 35: La paroisse Sacré-Coeur de Dschang 104

Photo 36: Résidence des pères de la paroisse Sacré-Coeur de Dschang 107

Photo 37: Résidence des Soeurs en terre cuite 108

Photo 38: L'école primaire st Michel de la Paroisse Sacré-Coeur 110

Photo 39: Cimetière allemand de la mission Sacré-Coeur de Dschang 112

Photo 40: L'actuel Rectorat de l'Université de Dschang construit sur le site de

l'ancien Camp Rouge 117

Photo 41: Cette résidence du Chef de l'Aviation mérite d'être réhabilité 118

Photo 42: Panneau signalant l'avenue Marcel Lagarde 128

x

LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS

AFCD : Alliance Franco-Camerounaise de Dschang

ANY : Archives Nationales de Yaoundé

AOF : Afrique Occidentale Française

ARO : Archives Régionales de l'Ouest

ATCAM : Assemblée Territoriale du Cameroun

CENAJES : Centre National de la Jeunesse et de Sport

COOPCOLV : Coopérative de Collecte et de Vente

DIPES : Diplôme de Professeur de l'Enseignement Secondaire.

DDSEP : Délégation Départementale des Sports et de l'Education Physique

FIDES : Fonds d'Investissement pour le Développement Economique et Social

IRAD : Institut de Recherche Agricole pour le Développement

JO : Journal Officiel

MINTOUR : Ministère du Tourisme

MINUH : Ministère de l'Urbanisme et de l'Habitat

OMT : Organisation Mondiale du Tourisme

ONU : Organisation des Nations Unies

ORSTOM : Organisation de la Recherche Scientifique dans les Territoires

d'Outre Mer

S.A.P : Société Africaine de Prévoyance

SDN : Société Des Nations

SEMCA : Secteur de Modernisation des Cultures d'Altitude

SEQ : Station Expérimentale du Quinquina

UNESCO : Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la

Culture

WTO: World Tourism Organisation

xi

LISTE DES ANNEXES

1. Guide d'entretien

2. Exemplaire de Fiche technique d'inventaire

3. Carte du Terrain attribué à la gendarmerie nationale par arrêté n°4014 du 07 août 1953

4. Arrêté du Ministère de la France d'outre-mer portant conseil régional de l'ordre des architectes du Cameroun

5. Lutte de la France contre la germanophilie à Dschang

6. Plan de construction de la sous-préfecture et projet d'aménagement

7. L'extrait de l'organigramme du fonctionnement du Ministère des Arts et de la Culture

8. Rapport de présentation relatif au marché avec la société Meunier et Cie pour l'exécution des travaux d'électrification de la ville de Dschang.

9. Disposition schématique de l'Usine à Café de Dschang

10. Décret n°58-167 du 24 novembre 1958 portant réorganisation du secteur de modernisation des cultures d'altitude (SEMCA)

11. Arrêté n°1008 du 16 mars 1950 portant création et organisation d'un centre d'éducation physique et sportive au Cameroun à Dschang

xii

RESUME

Dschang est une ville créée par les Allemands en 1907. Ceux-ci installèrent un poste militaire et administratif à partir de 1907. Elle est l'une des rares villes du Cameroun ayant connues une triple colonisation. Pour des besoins administratif, économique et socioculturel, les colons allemands et français ont édifié un certain nombre d'infrastructures qui ont défié le temps et sont encore visibles de nos jours. L'objectif est de faire l'inventaire, la description et l'état des lieux de quelques vestiges datant de la période coloniale dans la ville de Dschang. Pour y arriver, nous avons fait usage d'une démarche en deux étapes, d'abord la collecte des données basée sur les enquêtes de terrain, les sources écrites et surtout iconographiques ; ensuite le traitement et la restitution des données pendant laquelle nous avons utilisé les méthodes systémique, pluridisciplinaire et d'observation. Ceci nous a permis de nous rendre compte d'une part qu'il existe plusieurs vestiges coloniaux dans la ville de Dschang à l'instar du lieu de service et la résidence du Chef de région, le camp des fonctionnaires, l'usine de traitement du quinquina, la paroisse Sacré-Coeur, l'entrée du marché "A" etc. d'autre part que ces vestiges ont des formes variées et propres à chaque administrateur colonial et enfin qu'ils constituent, en dépit de l'état de détérioration avancée de certains, un support matériel incontestable de la mémoire collective et un vecteur de développement économique à travers le tourisme culturel qu'ils peuvent susciter.

Mots clés : Inventaire, Description, Vestiges coloniaux, ville de Dschang, tourisme culturel, Réhabilitation.

xiii

ABSTRACT

Dschang is a town created by the Germans in the beginning of the twentieth century (precisely in 1907). They set up a military and administrative post from 1907. Their stay will be of a very short time because, as from 1914 during the First World War, they were attacked by a French and English coalition which defeated them in 1916. This coalition decided that France will keep the town until independence of Cameroun. In order to occupy and exploit the territory of the town, aspiring for military and sanitary security, and finally to justify the contribution of their civilization, Germans and French settlers built a certain number of infrastructures, that have challenged times and are still existing in the town, even if some are in a state of advanced decrepitude. The place of work and residence of the Chief of Region, the camp of civil servants, the factory of cinchona processing, the «Sacré Coeur» parish and the entrance of «Marché A» are some of these infrastructures. These colonial relics, if they are conserved and rehabilitated, can be important at two levels; undeniable sources of maintenance of collective memory and as vectors of economic development through cultural tourism that they can create.

Keys words: Inventories, Colonial relics, town of Dschang, cultural tourism,

rehabilitation

1

INTRODUCTION GENERALE

A l'exception de certains pays1, l'Afrique a encore du mal à mettre sur pied une véritable politique en matière de technique d'inventaire, de protection et de conservation du patrimoine culturel. 1980, proclamée année du Patrimoine en Europe par exemple, a constituée une étape importante dans la perception occidentale du patrimoine2. Or le patrimoine culturel africain par excellence n'est valorisé que dans les discours officiels. Pierre de Maret semble avoir trouvé une explication à ce phénomène quand il écrit que :

le peu d'intérêt que les Africains éprouvent envers leur patrimoine, compris ici au sens classique du terme, tient en partie au moins au hiatus entre les définitions qu'en donnent les Occidentaux et les Africains et au fait que les politiques culturelles ont adhéré de façon non critique à la définition des premiers. Les musées, lieux par excellence de conservation du patrimoine en Occident, illustrent bien cette problématique3.

Ceci est d'autant plus vrai que certains musées qui devraient être en terre africaine (le musée royal de l'Afrique Centrale à Tervuren (Belgique) par exemple) se trouvent en Europe à cause des pillages. Abdou Sylla dénonce le pillage en ces termes : « la rencontre avec l'autre (le Blanc, l'Européen, l'Occidental) a ainsi provoqué des évolutions qui ont conduit à des destins très singuliers pour l'art nègre ; cet art a été détruit et brûlé (missionnaires), interdit et saccagé (christianisme et Islam), volé et pillé (ethnologues)4 ».

Depuis quelques décennies, il y a un engouement à procéder à la protection du patrimoine culturel africain. Or, cet engouement doit se fonder sur la connaissance la plus complète de son existence, de son étendue et de son étude. C'est dans ce sens que Pascal Prunet, Architecte en Chef des monuments historiques dans le projet de restauration du château des ducs de Bretagne et du Musée d'histoire de Nantes, écrit :

1 Nous pouvons citer ici les pays comme l'Egypte, le Maroc, le Benin etc.

2 Pierre de Maret, « Patrimoines africains : plaidoyer pour une approche plurielle », in Caroline Gaultier-Kurhan (éd), Le patrimoine culturel africain, Paris, Maisonneuve et larose, 2001, p.22.

3 Ibid p.24.

4Abdou Sylla, "Les musées en Afrique : entre pillage et irresponsabilité" in Africulture, réinventer les musées, L'Harmattan, n°70, 2007, p.92.

2

« Restaurer, c'est transmettre1. Cela passe par la conservation optimisée de ce qui a été laissé par l'histoire, ce qui n'exclut pas une lecture critique, mais cela implique des choix que l'on doit pouvoir expliciter 2». L'Afrique a donc le devoir de restaurer son histoire et les vestiges constituent une source importante d'écriture de celle-ci.

Ces éléments de la mémoire collective ont fait, au fil du temps, l'objet de pillages et de négligences volontaires ou non de la part du peuple et du politique. Pour parvenir à une restitution de cette histoire, nous devons mettre de côté les préjugés. Car, comme le remarque Sow Alpha : « il importe [...] de mettre l'accent sur l'immense travail de recherche et de collecte que requiert le recensement sans préjugé et sans discrimination du patrimoine culturel tout entier3 ». Beaucoup a déjà été fait pour conserver et restituer les traces des populations des Grassfields dans la période précoloniale notamment à travers l'initiative du " Programme Route Des Chefferies"4. L'originalité de ce programme est de placer l'Homme au coeur de son identité culturelle dans un esprit d'ouverture et de dialogue interculturel. Ses réalisations, à ce jour, peuvent se décliner sommairement sur deux axes principaux à savoir l'inventaire des oeuvres d'art dans 14 Chefferies-partenaires5 entre 2007 et 2010 et les constructions ou aménagements des cases patrimoniales ou musées communautaires au sein des Chefferies. Le tout couronné par l'édification du Musée

1 La transmission passe d'abord par la restauration puis la conservation. On ne saurait transmettre sans restaurer.

2 Pascal Prunet, « La restauration de l'édifice » in Château des ducs de Bretagne et du Musée d'histoire de Nantes, Nantes, 2007, p 24.

3 Alpha Sow "Introduction à la culture africaine", in Collection UNESCO, Paris, 1978,

p19.

4Le Programme Route Des Chefferies est issu du partenariat entre la Commune de Nantes en France et celle de Dschang au Cameroun. Elle expose les quatre grandes aires culturelles du Cameroun à savoir les peuples de la savane, de la côte, de la forêt et des grassfields en insistant sur le génie créateur lié à chaque environnement.

5 Ce sont des Chefferies ayant ratifiées, sous la présidence de sa majesté roi des Foto, la charte de ce programme. Chacune d'entre elles bénéficiant d'une case patrimoniale sur son territoire avec le soutien technique du Musée des Civilisations.

3

des civilisations du Cameroun à Dschang, ouvert au public le 20 novembre 2010, qui est l'épicentre de ce programme1.

Parmi les aspects du patrimoine ciblés par le "Programme Route Des Chefferies", les legs coloniaux n'en font pas partie et c'est ce qui a attiré l'attention du jeune chercheur que nous sommes. Nous espérons donc pouvoir produire un travail original en traitant la thématique suivante : " Inventaire de quelques vestiges coloniaux matériels dans la ville de Dschang (1907-1957)"

I. RAISONS DU CHOIX DU THEME

Trois importantes raisons nous ont amené à choisir ce thème de recherche.

La première raison est liée au constat selon lequel, Dschang2, destination touristique a, jusqu'à présent, attiré les visiteurs surtout à cause de son climat attrayant et surtout de la diversité des expressions culturelles de ses populations. Cet aspect culturel ou encore le tourisme culturel et plus spécifiquement les traces de la présence coloniale dans cette ville ne sont pas prises en compte.

La deuxième raison est le déclic provoqué par la contemplation des premiers résultats du long chantier initié par le Musée des Civilisations par rapport à l'inventaire et la conservation du patrimoine des peuples des Grassfields. En effet, nous faisons partie de la troisième génération des étudiants du Département d'Histoire passée après ce projet soutenu par le Département d'Histoire de l'Université de Dschang. La fierté avec laquelle les participants à ce projet en parlent nous a poussé à travailler sur une thématique en relation avec le patrimoine culturel. Nous avons voulu orienter ce sujet vers la conservation des legs coloniaux car ces traces font partie du patrimoine culturel national camerounais et se doivent d'être

1 Flaubert A. Taboue Nouaye et al, « La sauvegarde et la valorisation du patrimoine culturel au Cameroun », la lettre de l'OCIM, 139/2012, P.35

2 Voir à ce propos Bernard Momo, « Une politique des savoir-faire : exemple de Dschang (ouest-Cameroun) », in Les villes africaines et leurs patrimoines, Paris, Riveneuve, octobre 2011, pp 159-168 ; Elvis Tangwa Sa'a Nkem, « Chefferies traditionnelles africaines : quel rôle 125 ans après la conférence de Berlin ? », in Cahiers du Mapinduzi 2, Berlin, 2010, pp 73-90.

4

protégées et conservées au même titre que la forêt équatoriale ou le parc de Waza, pour ne citer que ces deux éléments.

« Les documents dont nous disposons permettent de ranimer, de faire vivre notre esprit, sous nos yeux, pour ainsi dire, le passé africain [...] il devient donc indispensable de dégeler, de défossiliser [...] toute cette histoire africaine qui est là, inerte, emprisonnée dans les documents 1», cette réflexion de Cheikh Anta Diop constitue notre troisième raison parce qu'elle nous a incité à apporter notre contribution à l'écriture de l'Histoire du Cameroun en général et de celle de la ville de Dschang en particulier à travers l`inventaire des legs matériels de la colonisation dans cette ville. Nous ne voulons pas que s'applique chez nous, le principe selon lequel la meilleure façon de soumettre un peuple soit la destruction de sa mémoire historique et culturelle et de ses symboles patrimoniaux2. Ce qui nous amène a nous intéresser à l'utilité de ce travail.

II. INTERET DE LA RECHERCHE

L'intérêt de ce travail se situe à deux niveaux à savoir l'intérêt scientifique et l'intérêt touristique.

Ce travail revêt un intérêt scientifique majeur. Il est un outil didactique très important pour le Cameroun en général et les populations de la région de l'Ouest en particulier car il renseigne sur les traces laissées par les différents colonisateurs dans cette partie du Cameroun ; lesquelles traces sont chargées d'Histoire. Il est donc important, pour mieux comprendre un fait colonial, de recourir aux infrastructures de cette période. Les populations de la Menoua, à travers ce travail, vont redécouvrir les legs coloniaux sous un angle nouveau. En plus, ce travail pourrait inspirer beaucoup de chercheurs dans le processus de réécriture de l'Histoire du Cameroun. En revanche, il devrait permettre aux techniciens de tirer de bonnes leçons, sur le plan

1Cheikh Anta Diop, Nations nègres et culture, Paris, Présence Africaine, p.15, Cité par Célestine C. Fouellefak Kana, « Approche globale de l'historiographie africaine : Renaissance et valorisation de l'Histoire de l'Afrique. », in Nka' lumière ; Revue interdisciplinaire de la FISH, hors série, n°001, Dschang, Université de Dschang, 2010, p75.

2 Felipe Pérez Roque, « Droits de l'Homme et Diversité Culturelle : Sans culture aucune liberté n'est possible », in www.Afrikara.com, Regards alternatifs sur les mondes d'hier, d'aujourd'hui et de demain posté le 16/09/2007.

5

architectural, concernant les techniques de constructions coloniales afin d'améliorer leur manière actuelle de construction. Si certains de ces édifices coloniaux, après un siècle, sont encore habitables1, cela témoigne d'un travail impeccable et bien fait à cette époque, contrairement à certains bâtiments qui, construits avec la technologie de l'heure, s'écroulent après une très courte durée. Charles Pomerol a bien compris cela quand il affirme que le constructeur d'aujourd'hui par commodité ou indifférence, renonce le plus souvent à l'utilisation de matériaux traditionnels alors que le bâtisseur d'autrefois s'ingéniait, en puisant dans la nature proche, à utiliser les éléments nécessaires à son ouvrage qui se trouve ainsi en accord parfait avec l'environnement2

L'intérêt touristique de cette étude se situe au niveau de la rentabilité économique. En effet, ce travail pourra pousser les décideurs politiques et privés de ce pays à prendre conscience3 de la nécessité de conserver les dernières traces coloniales et surtout d'entrer en action non seulement dans la ville de Dschang mais aussi dans toute la République du Cameroun. On va assister, dans un avenir proche ou lointain, à l'augmentation du nombre de touristes qui arriveront dans cette zone et certaines personnes vivant dans cette région verront leurs activités s'améliorer à cause de cette initiative. Eugene Désiré Eloundou va certainement dans le même sens en affirmant que le vestige peut aussi être un important facteur de développement touristique. Lorsqu'on s'intéresse aux grandes tendances du tourisme mondial aujourd'hui, on constate une grande évolution statistique du tourisme culturel, celui-là même qui conduit le visiteur à la découverte des autres cultures. 4

1 Particulièrement les constructions allemandes dont la majorité a un siècle de vie en

2013.

2 Charles Pomerol, Terroirs et monuments de France, Orléans, éditions du BRGM, 1992, p.3

3 Plusieurs lois ont déjà été votées par l'Assemblée Nationale sur la conservation du patrimoine. La plus récente est la loi n°2013/003 du 18 avril 2013 régissant le Patrimoine Culturel au Cameroun. Donc nous parlons surtout de la mise en application de ces lois qui est actuellement insuffisante.

4 Eugene Désiré Eloundou, « Vestiges historiques et préservation de la mémoire coloniale allemande au Cameroun » in Stefanie Michels et Albert-Pascal Temgoua (éds), La politique de la mémoire coloniale en Allemagne et au Cameroun, Actes du colloque à Yaoundé, Octobre 2003, LIT Verlag, Munster, 2005 p.77

6

Cet aspect patrimonial du tourisme, ajouté à d'autres aspects, constitue autant d'atouts qui peuvent faire de la ville de Dschang, une destination de prédilection pour les touristes. Grégoire Djarmaila vante l'atout du tourisme pour le Cameroun en disant : « Mieux valorisées, les activités touristiques et cynégétiques (art et technique de la chasse) peuvent constituer la deuxième ressource budgétaire après les impôts et donc contribuer à l'amélioration des conditions de vie des populations locales1».

Pour finir, si après lecture de ce travail, les vestiges coloniaux dans notre pays en général et à Dschang en particulier sont regardés d'un oeil neuf, s'il donne un nouveau cours au processus de protection et de restauration de ces vestiges, s'il persuade que le matériau de construction utilisé par les allemands dans leurs colonies (par exemple) est plus économique et plus résistant, alors notre démarche n'aura pas été vaine. Mais avant cela, penchons-nous sur la conceptualisation de notre thématique.

III. CADRE CONCEPTUEL

Pour une meilleure compréhension et une maîtrise profonde de notre sujet, la définition des termes clés s'impose. Ainsi, les mots à définir sont : Inventaire, vestiges coloniaux et ville de Dschang.

Selon le Dicos Encarta 2009, Inventorier signifie établir une liste descriptive

complète d'un ensemble de choses2. La loi n° 2013/003 du 18 avril 2013 régissant le patrimoine culturel au Cameroun définit l'inventaire comme une opération permanente de souveraineté qui recense, étudie et fait connaitre les éléments de patrimoine culturel.

« Vestige » vient du mot latin "vestigium3"qui signifie trace, reste, ruine, débris. C'est ce qui reste d'une chose détruite. Notons que c'est l'archéologie qui comprend et explique mieux la notion de vestiges. Pour elle, c'est toute trace

1 Gregoire Djarmaila, « Tourisme : pourquoi le nord se vend mal », in Cameroun tribune, n°9020 du Mardi 22 janvier 2008, p.9.

2 Microsoft Encarta 2009

3 Dictionnaire Larousse, Paris, Larousse, 2010, P.2085.

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matérielle qui après datation, peut renseigner sur les périodes les plus reculées de l'Histoire. Eugene D. Eloundou quant-à lui estime que :

le vestige lorsqu'il existe est par excellence le moyen à travers lequel les oeuvres entreprises par les hommes ne peuvent jamais s'effacer avec le temps, il est par excellence la trace la plus durable des civilisations humaines [...] le vestige joue donc un important rôle de mémoire et permet par la même occasion la pérennisation du souvenir douloureux ou heureux1.

Il parait contradictoire de parler de vestiges en faisant référence à quelque chose de fonctionnel. Nous allons adopter l'expression "vestiges coloniaux" dans notre travail pour désigner l'ensemble des édifices coloniaux (infrastructures fonctionnelles ou non) existants dans la ville de Dschang parce qu'au moins, ils ont défié le temps.

« Colonie» vient du latin "colonia2" qui veut dire Territoire occupé et administré par une puissance étrangère et dont il dépend sur le plan politique, économique et culturel. Notons ici que, d'un point de vue théorique ou officiel, le Cameroun n'a jamais été une "colonie", il a été respectivement protectorat allemand, territoire sous mandat de la Société des Nations et administré conjointement par la France et la Grande Bretagne et territoire sous-tutelle de l'Organisation des Nations Unies et administré à nouveau conjointement par les deux puissances ci-dessus nommées3. Mais sur le terrain, la gestion du Cameroun n'était pas différente de celle d'une colonie comme le Gabon ou le Tchad.

Nous entendons donc par « Inventaire des vestiges coloniaux », le recensement puis la description de toute trace, de tout élément qui marque ou qui rappelle la présence des administrateurs coloniaux et des colons. Comme exemple, nous pouvons citer les stations d'expérimentation agricole de Dschang, l'église Sacré-Coeur de Dschang, l'Hôpital de Dschang...

1 Eugene Désiré Eloundou, « Vestiges historiques et préservation...p. 77.

2 Dictionnaire Larousse... p. 266.

3 Pour plus d'information, lire Emmanuel Tchumtchoua, De la Jeucafra à l'Upc, l'éclosion du nationalisme camerounais, Clé, Yaoundé, 2006 ; Dieudonné Oyono, Colonie ou mandat international ? La politique française au Cameroun de 1916 à 1946, Paris, L'Harmattan, 1992.

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Quant à la notion de "ville", notons que sa définition et ses caractéristiques ne font pas l'unanimité entre les chercheurs et même les autorités politiques. Economistes, sociologues, historiens, géographes, architectes, urbanistes s'en donnent des définitions adaptées aux débats qui alimentent leur discipline. Ces définitions sont donc adaptées aux configurations de pensées des chercheurs, mais également aux contextes historiques et géographiques auxquels elles se confèrent1. Jacques Le Goff montre par exemple que, là où il y a expression matérielle du pouvoir politique et économique, ce n'est plus un simple village, ni un bourg rural, c'est un lieu de décision2. Pour Catherine Coquery-Vidrovitch,

L'idée de ville risque en permanence en histoire d'être restrictive, c'est à dire plus eurocentrée qu'il n'y parait [...] les historiens de la ville, voire les historiens tout court, continuent de faire comme si l'histoire urbaine africaine débutait avec l'intrusion européenne tardive de l'impérialisme colonial...contrairement aux idées reçues, l'idée de ville est ancienne et enracinée en Afrique3.

Cependant, la colonisation a donné une nouvelle impulsion aux villes existantes en Afrique et a transformé certains villages en ville. Le processus de développement des villes en Afrique, comme l'affirme Jacques Champaud, avait pour principal facteur, la création de postes administratifs4. La ville de Dschang est alors une pertinente illustration de ce processus de développement urbain. De façon plus simple, nous retenons cette définition tirée de wikipedia qui estime que la ville est un milieu physique où se concentre une forte population humaine, et dont l'espace est aménagé pour faciliter et concentrer ses activités : habitat, commerce, industrie, éducation, politique, culture, etc.5.

1 Anne Ouallet, « Les villes africaines et leurs patrimoines », in Les villes africaines et leurs patrimoines, Paris, Riveneuve, octobre 2011, pp.19-20.

2 Jacques Le Goff, « Introduction », in la ville médiévale. Des carolingiens à la renaissance, Paris, le Seuil, 1980, p.10.

3 Catherine Coquery-vidrovitch, « De la ville en Afrique Noire », in Annales histoire, sciences sociales, 2006/5, 61e année, pp.1088-1089.

4 Jacques Champaud, « Genèse et typologie des villes du Cameroun de l'Ouest », in Cahiers de l'ORSTOM, Série sciences humaines, Vol IX, n°3, 1972, p.325.

5Anonyme, « Définition de la ville », in www.wikipedia.org consulté le 14 janvier 2014

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Le mot Dschang est une appellation allemande du mot Atsang1 qui, en langue yemba, signifie palabre (dispute, querelle). En effet, les Allemands arrivent dans cette zone au moment où les Chefferies Foto et Foréké-Dschang se disputent le territoire dont elles partageaient la frontière. Ils s'essaient à arbitrer le conflit et profitent pour installer le poste administratif en ce lieu de conflit ; ce qu'on avait appelé le Fort allemand. C'est probablement là le point de départ du périmètre urbain de la ville de Dschang qui alla en s'agrandissant jusqu'à nos jours. Pour Feromeo Nguimebou Keumbou, le mot "Atsang" désigne la Chefferie Foréké-Dschang avant l'arrivée des Européens. L'administration coloniale allemande avait tout simplement récupéré ce nom pour désormais nommer la circonscription administrative à lui confiée par les Chefs Foto et Foréké, sans doute à cause des relations très amicales qu'il entretenait avec le Chef Ndong-Mbou des Foréké-Dschang2.

Dschang est donc une ville créée par les Allemands autour de 1907 comme Chef-lieu du Bezirk de Dschang3. Elle jouera la même fonction pendant l'administration française jusqu'en 1963, date du transfert du Chef-lieu de la région Bamiléké de Dschang vers Bafoussam. M Enoch Kwayeb, à cette époque Préfet du Département de Bamiléké (27 Juin 1960 au 23 août 19634), à travers cet extrait, y voit plutôt des besoins de gestion administrative plus efficace et plus sûre:

La finalité [de la réorganisation administrative] était de mettre fin à la sous-administration [...] à l'ouest, le Chef-lieu avait été d'abord Dschang, puis finalement Bafoussam tout simplement en raison de sa position centrale qui justifie encore qu'on ait par la suite décidé le rattachement à l'ouest de l'ancien Département du Noun, Dschang étant de toute évidence trop excentrique de part sa situation5.

1 Jean Marie Tchinda, « Grandeur, Décadence et Renaissance d'une ville camerounaise : Dschang (1903-2007) », Université de Dschang, Mémoire de Master en Histoire, 2008/2009, p.20.

2 Entretien avec Feromeo Nguimebou Keumbou, le 05 juin 2014 dans son atelier à la Chefferie Foréké-Dschang

3 Zacharie Saha, « Le Bezirk de Dschang : relations entre l'administration coloniale

allemande et les autorités traditionnelles (1907-1914) », Mémoire de Maîtrise en Histoire, Université de Yaoundé, avril 1993, p.45.

4 Mesmin Kanguelieu Tchouake, La rébellion armée à l'Ouest-Cameroun (1955-1971), contribution à l'étude du nationalisme camerounais, Yaoundé, Edition Saint Siro, 2003, p.44.

5 Anonyme, « La stricte vérité sur le transfert de la capitale régionale de Dschang à Bafoussam », in Dschang News, journal d'informations générales de la commune urbaine de Dschang, n°001, Septembre 1996, p.6.

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Nous sommes d'avis avec Jean Claude Tchouankap1 qui voit en ce transfert une conséquence de l'engagement assez poussé des populations de la Menoua dans le mouvement nationaliste, engagement très dangereux aux yeux de l'administration postcoloniale. Dès lors, ceci nous amène à délimiter sur le plan spatial et temporel notre cadre d'étude.

IV. CADRE SPATIO-TEMPOREL

Le cadre géographique2 de cette étude est centré sur la ville de Dschang. Elle est située dans la Région de l'Ouest en pays bamiléké à 231 kilomètres au Nord de Douala et à 350 kilomètres de la capitale politique Yaoundé. Elle compte une population de 165 000 habitants pour une superficie de 5 655 hectares3. En plus, cette ville s'étend au sud des monts Bamboutos sur le plateau bamiléké entre 5°27 de latitude Nord et 10°03 de longitude Est. Elle est située à cheval entre les territoires des Chefferies traditionnelles de Foto et de Foréké Dschang4 (voir carte 1 ci-contre).

Le cadre temporel de notre travail s'étend sur les 50 ans de domination européenne sur la ville de Dschang qui vont de 1907 à 1957. L'année 19075 marque la création effective de la ville de Dschang et précisément l'inauguration du Bezirk de Dschang, une circonscription administrative et militaire allemande placée sous la haute autorité d'Emil Rausch.

Quant à l'année 1957, précisément le 28 novembre, elle marque
l'inauguration, par M. Ahmadou Ahidjo, alors vice Premier-ministre du Cameroun français, du bâtiment à étage situé derrière celui de l'accueil de l'hôpital de Dschang.

1 Entretien avec Jean Claude Tchouankap, le 14 mai 2014 à son domicile.

2 Pour approfondir les études sur la géographie de la ville de Dschang et des hautes terres de l'ouest en général, lire Michel Kamdem Simeu, « La ville de Dschang, Etude géographique », Mémoire de maitrise en Géographie, Université de Yaoundé, Mai 1981, 165p et Martin Kueté, « Le milieu physique des hautes de l'ouest-Cameroun », in Espace, pouvoir et conflits dans les hautes terres de l'ouest Cameroun, Yaoundé, PUY, Janvier 2000, pp.2-22.

3 Bernard Momo « Une politique des savoirs faire : exemple de Dschang (Ouest-Cameroun)», in Les villes africaines et leurs patrimoines, Paris, Riveneuve, octobre 2011, p.159.

4 Lemegne, « La Mission Catholique Sacré-Coeur de Dschang : 1910-1990 », Mémoire de DIPES II en Histoire, ENS Université de Yaoundé I, 2002-2003, p.23.

5 Zacharie Saha, « Le Bezirk de Dschang : relations... p 4.

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Carte 1: Localisation du cadre spatial d'étude

Source : Roméo Keumo, Laboratoire géomatique de l'Université de Dschang, Juin 2014

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Cette inauguration est la preuve du transfert de certaines compétences aux cadres africains par les autorités coloniales, signe d'une étape importante dans le processus de décolonisation du Cameroun. Cette date marque aussi la fin des dix ans de financement des projets par la France par le FIDES dans ses colonies. C'est pendant ces dix années que la France a effectivement et intensément impulsé le développement économique et social dans presque tous les secteurs d'activités.

V. REVUE DE LA LITTERATURE

Pour mieux comprendre notre thématique, nous avons lu un certain nombre d'ouvrages qui, du moins, l'ont abordée en partie sinon l'ont traité totalement mais dans un champ géographique différent. Ceci s'est fait dans les différents travaux scientifiques (ouvrages, articles, mémoires, thèse). Cette revue n'est pas la recension de l'ensemble de la production sur le sujet, mais elle se veut représentative de l'état de la question. Celle-ci va nous permettre de donner la particularité de chaque travail par rapport à notre sujet. Ainsi, nous avons :

Jean Claude Barbier1 dans un article intitulé « Peuplement de la partie méridionale du plateau bamiléké » démontre qu'il s'est fait tardivement et que le choix de cette zone était probablement dû à la saturation de l'espace. Cet article nous aide à comprendre le processus de fondation des Chefferies et surtout le rôle de la présence allemande dans le processus de stabilisation des Chefferies donc la conséquence immédiate a été l'installation du Bezirk allemand.

Philippe Lemarchand (éd), dans l'ouvrage intitulé l'Afrique et l'Europe, Atlas du XXe siècle2 retrace avec efficacité les relations difficiles entre l'Europe et l'Afrique depuis les origines jusqu'au XXe siècle. L'intérêt de cet ouvrage se trouve dans la façon dont les Européens sont entrés en contact avec l'Afrique.

Albert François Dikoume et Zacharie Saha dans un chapitre d'ouvrage intitulé « Les résistances des populations des hautes terres de l'Ouest à la pénétration

1 Jean Claude Barbier, « Le peuplement de la partie méridionale du plateau bamiléké », in Claude Tardits (éd), Contribution de la recherche ethnologique à l'histoire des civilisations du Cameroun, n° 551, Volume II, Paris, Septembre 1973, pp 24-28.

2 Philippe Lemarchand, 1994, (éds), L'Afrique et l'Europe, Atlas du XXe siècle, Bruxelles, Editions Complexes, 251p.

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allemande 1» analysent avec pertinence comment s'est fait le contact entre les peuples des hautes terres et les Allemands. Ils arrivent à la conclusion selon laquelle il y eu deux types de résistance à savoir pacifique et violente.

Dans le même ordre d'idées, Martin Kueté2 apporte assez d'éclairage sur la transformation de la perception de la terre avec l'arrivée des colons et son impact sur la contestation des frontières entre les Chefferies. Ces deux articles nous permettent de mieux percevoir les débuts de la colonisation européenne au Cameroun en général et dans les Chefferies des Grassfields en particulier, débuts qui n'ont pas été faciles pour les deux camps même si l'un a fini par prendre le dessus sur l'autre.

Albert-Pascal Temgoua dans son mémoire de Maitrise3 intitulé "Le pouvoir colonial français et la Chefferie traditionnelle de Foréké-Dschang (1920-1960)", analyse les relations qu'il y avait entre l'administration coloniale et l'administration traditionnelle de Foréké-Dschang. Dans le même sens, Monique Tsana Gougni4 examine cette même thématique mais plutôt dans la Chefferie Foto.

Zacharie Saha5 continue le raisonnement en insistant sur les relations entre le Bezirk de Dschang et les Chefs traditionnels de cette circonscription allemande.

Nous remarquons que le point commun de ces trois mémoires est la relation que le pouvoir colonial entretenait avec les Chefs traditionnels. Ces auteurs arrivent à la conclusion selon laquelle les autorités traditionnelles étaient devenues des

1 Albert François Dikoume et Zacharie Saha, « Les résistances des populations des hautes terres de l'Ouest à la pénétration allemande », in Albert-François Dikoume et Martin Kuete (éds), Espaces, Pouvoirs et conflits dans les hautes terres de l'Ouest, Yaoundé, Presses Universitaires de Yaoundé, Janvier 2000, PP 57-91.

2 Martin Kuete, « Espace, Pouvoirs et conflits dans les hautes terres de l'Ouest-Cameroun sous les différentes colonisations », in Albert-François Dikoume et Martin Kuete (éds), Espaces, Pouvoirs et conflits dans les hautes terres de l'Ouest, Yaoundé, Presses Universitaires de Yaoundé, Janvier 2000, PP 93-149.

3 Albert Pascal Temgoua, « Le pouvoir colonial français et la Chefferie traditionnelle de Foréké-Dschang (1920-1960) », Mémoire de Maitrise en Histoire, Université de Yaoundé, septembre 1984, 94p.

4 Monique Tsana Gougni, « Autorités traditionnelles et pouvoir colonial en pays bamiléké : l'exemple de Foto dans la Menoua (1903-1960) », Mémoire de Maitrise en Histoire, Université de Yaoundé, 1987-1988, 104 p.

5 Zacharie Saha, « Le Bezirk de Dschang : relations entre l'administration coloniale allemande et les autorités traditionnelles (1907-1914) », Mémoire de Maitrise en Histoire, Université de Yaoundé, avril 1993, 123p.

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subalternes, des auxiliaires de l'administration coloniale et permettaient donc à cette dernière de mieux asseoir son pouvoir en étouffant toute velléité de liberté.

« Grandeur, Décadence et Renaissance d'une ville camerounaise : Dschang 1903-2007 1» est le mémoire de Master de Tchinda Jean Marie. Celui-ci met l'accent sur les grands moments qui ont ponctué la vie politique et socioculturelle de Dschang depuis sa création par les Allemands en 1907 jusqu'en 2007. Les informations sur la période coloniale dans cette ville sont très intéressantes et nous ont d'ailleurs inspiré à approfondir les recherches dans ce sens.

Jean Baptiste Ketchateng2 fait une analyse profonde sur l'action qualifiée de génocidaire de la France à l'Ouest-Cameroun contre les nationalistes. Cet auteur revient sur la question de l'utilisation du napalm à l'Ouest et de la controverse autour du nombre de morts dans cette zone. A travers cet article, nous pouvons comprendre davantage le caractère inique de l'administration coloniale française au Cameroun en rapport avec les chantiers coloniaux.

Jean Claude Barbier3, dans son article publié à l'ORSTOM en 1976, démontre comment et pour quelles raisons s'est fait le processus d'émigration des bamiléké vers la partie méridionale. Cet article nous met dans la trajectoire des mobilités des populations sous la colonisation française en pays Bamiléké.

Jean-Emmanuel Pondi4 dans (Ré) découvrir Yaoundé utilise une approche permettant d'avoir pour une meilleure connaissance de la ville tant par les natifs que par les étrangers puisqu'il revient sur les lieux touristiques et historiques en expliquant par exemple l'origine de certains noms de quartier et en montrant l'actuel

1 Jean Marie Tchinda « Grandeur, Décadence et Renaissance d'une ville camerounaise : Dschang 1903-2007 », Mémoire de Master en Histoire, Université de Dschang, 2008/2009, 149p.

2Jean Baptiste Ketchateng, « Ouest, 1951-1958 : quand le sang coulait sur les collines », in les Cahiers de Mutations, Massacres non élucidés, Vol 054, Novembre 2008, p 6.

3Jean-Claude Barbier, « Les sociétés bamiléké de l'Ouest du Cameroun : étude régionale à partir d'un cas particulier », in Communes rurales et paysanneries tropicales, Paris, ORSTOM, 1976, pp 103-122.

4Jean-Emmanuel Pondi, (Ré) découvrir Yaoundé, une fresque historique et diplomatique de la capitale camerounaise, Yaoundé, Afric'Eveil, 2012, 160p.

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emplacement des lieux historiques comme l'Ecole primaire supérieure de Yaoundé. Cette démarche nous a inspiré au sujet des sites de la ville de Dschang.

Célestine Fouellefak Kana dans un article intitulé « sites patrimoniaux des peuples Foréké-Dschang et Foto : identification de quelques témoins matériels de l'histoire 1» démontre pertinemment l'importance des sites naturels et culturels comme Azuenla, Nzenmeh, ndem lêpêh, dans la reconstruction de l'histoire de ces deux Chefferies.

L'ouvrage collectif, Architecture allemande au Cameroun 1884-19142, fruit d'une recherche entre Allemands et Camerounais sur les édifices de l'époque allemande au Cameroun, présente avec les images à l'appui, les plus importants édifices de la période allemande tout en insistant sur la main d'oeuvre et les techniques utilisées pour ces constructions. Cet ouvrage nous a permis d'avoir une vue assez globale et technique sur les infrastructures allemandes au Cameroun.

Dietrich Köster3 retrace les faits majeurs des colonisations allemande, française et britannique tout en insistant sur le commerce, la religion et les langues. Cet article nous permet d'avoir une idée, bien que superficiellement, sur les différentes réalisations des colonisateurs au Cameroun.

Comme nous pouvons le constater, il existe une multitude de travaux portant sur la ville de Dschang et sur les Grassfields en général et plus encore sous les différentes colonisations, mais ces travaux n'ont pas insisté sur l'aspect des réalisations matérielles de la présence coloniale dans cette zone. Notre travail s'articulera donc autour des traces, de tout ce qui rappelle les présences coloniales allemande et française dans la ville de Dschang.

1 Célestine Fouellefack Kana, « Sites patrimoniaux des peuples Foréké-Dschang et Foto : identification de quelques témoins matériels de l'histoire», in Nkà, Revue

interdisciplinaire de la FISH, Université de Dschang, n°double 9/10, 2011, pp.155-173.

2 Wolfgang Lauber, Architecture allemande au Cameroun 1884-1914, Stuttgart, édition Karl Krämer, 1988, 154p.

3Dietrich Köster, « Le Cameroun pendant la colonisation allemande et les administrations de tutelle française et britannique (1884-1961), in www.colonialvoyage.com, consulté le 15 juillet 2013 à 16h

La plupart des vestiges coloniaux qui existent encore dans la ville de Dschang restent toujours fonctionnels.

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VI. PROBLEMATIQUE

Le thème de notre recherche: « Inventaire de quelques Vestiges coloniaux matériels dans la ville de Dschang (1907-1957) » suscite de toute évidence un certain nombre de questions. La problématique qu'il interpelle est un ensemble de questionnements que nous nous posons et qui vont guider ce travail.

Dès lors, la question centrale de ce sujet est celle de savoir quels sont les vestiges matériels de la colonisation allemande et française dans la ville de Dschang et à quel état ils se trouvent.

De cette question centrale découle plusieurs questions subsidiaires à savoir Dans quel contexte ou encore quelles sont les raisons qui ont poussé les administrateurs coloniaux ou les colons à procéder à l'édification de tous ces éléments marquant leur présence et qui, aujourd'hui, sont devenus des legs ? Quels sont les vestiges ou les traces des présences allemande et française dans la ville de Dschang ? Ces vestiges sont-ils encore fonctionnels ou en détérioration ? Quelles sont les raisons ayant provoquées leur détérioration?

VII. HYPOTHESES DE RECHERCHE

L'hypothèse générale qui se dégage de notre problématique est la suivante : les occidentaux ont laissé, pendant leur règne, de nombreuses traces dans la ville de Dschang qui sont constituées de la prison de Dschang, de l'usine de traitement du quinquina, du centre climatique etc.

De cette hypothèse centrale, nous avons plusieurs hypothèses secondaires à savoir :

Les indices de présence coloniale étaient construits par les colons pour besoin de sécurité, de domination, de divertissement et d'évangélisation.

Il est possible de trouver plusieurs traces de la présence coloniale allemande et française dans la ville de Dschang.

1Théodore Nicoué Gahibor, Sources orales et histoire africaine, Approches méthodologiques, Paris, L'Harmattan, 2011, P.28.

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Une partie des vestiges coloniaux est en détérioration à cause d'un manque d'entretien.

VIII. METHODOLOGI E

Dans l'ambition de mener à bien cette réflexion et rendre notre travail original. Nous avons exploité une multitude de sources. Ainsi, nous nous sommes inspiré des sources orales, iconographiques, écrites et d'internet.

Pour recueillir les sources orales, nous avons commencé par l'élaboration d'un guide d'entretien, comportant une quinzaine de questions, pour orienter notre collecte d'informations ; ensuite nous avons fait plusieurs descentes sur le terrain pour recueillir les informations. Le dictaphone a été impératif dans la mesure où nous ne nous sommes pas fié au premier venu; Plus d'importance a été accordée au témoignage oculaire car « il possède une grande valeur, parce qu'il s'agit d'une donnée primaire, "immédiate", vécue, non transmise. C'est une source pour laquelle les aléas de déformation du contenu sont minimes. 1». Nous avons utilisé la méthode d'échantillonnage par choix raisonné qui consiste à tenir compte des critères comme l'âge, la profession, le rang social, le sexe pour avoir l'information. Enfin nous avons procédé à la transcription de ces données du terrain en les mettant sous la forme utilisable lors de la rédaction de notre travail.

Pour compléter les données recueillies de ces entretiens, nous avons exploité les sources iconographiques et audiovisuelles. Puisque nous parlons des traces de la période coloniale dans la ville de Dschang, l'accès aux données iconographiques à l'aide d'un appareil photo numérique, a été d'une grande utilité lors de nos descentes sur le terrain. Cela nous a permis de restituer cette présence coloniale en l'appuyant d'exemples palpables. Aussi certains informateurs sont allés plus loin en nous fournissant les images prises pendant la période coloniale, ce qui nous a permis de faire des études comparatives entre les anciennes images et celles prises par nous-mêmes sur le terrain afin de mieux apprécier les ajouts ou restrictions faits au fil du

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temps. Comme le reconnait si bien Jacques Souliliou, dans la 4e de couverture de son ouvrage : « l'image, on ne le dira jamais assez, constitue aujourd'hui un enjeu considérable en Afrique subsaharienne où souvent les témoignages architecturaux concrets du passé ont été détruits ou sont voués à une disparition prochaine1

Pour ce qui est des sources écrites, nous avons été dans de nombreux Centres de Documentation parmi lesquels : les Bibliothèques Centrales des Universités de Dschang et de Yaoundé 1, les Bibliothèques de la Faculté des Arts, Lettres et Sciences Humaines de l'Université de Yaoundé 1 et de la Faculté de Lettres et Sciences Humaines de l'Université de Dschang, la Bibliothèque de l'Alliance Franco-Camerounaise de Dschang, sans oublier celles de l'Ecole Normale Supérieure de Yaoundé et du Département d'Histoire de l'Université de Dschang, les Archives de la Sous-préfecture, de la Préfecture de Dschang, de l'IRAD, les Archives Régionales de l'Ouest, les Archives Nationales de Yaoundé, sans oublier les Archives et les Bibliothèques des particuliers2. Dans ces centres de documentation, nous nous sommes intéressés aux mémoires, aux thèses, aux ouvrages, aux revues scientifiques, aux actes de colloques. Bref, à tout ce qui, écrit, pouvait nous renseigner sur les vestiges coloniaux au Cameroun en général et dans la ville de Dschang en particulier.

Pour l'analyse de ces données écrites, nous avons adopté une approche analytico-systémique, pluridisciplinaire, dialectique et d'observation.

La démarche systémique est un cadre méthodologique qui permet d'analyser les choses non pas isolément, mais globalement, en tant que partie intégrante d'un ensemble dont les différentes composantes sont dans une relation de dépendance et d'influence réciproque.

La pluridisciplinarité3 nous a conduit à impliquer dans notre démarche des concepts et des approches d'analyse venant des sciences connexes comme la

1 Jacques Souliliou, Douala, Un siècle en images, Paris, L'Harmattan, 1989.

2 Nous pensons ici à la riche bibliothèque du Pr. Albert-Pascal Temgoua, du Dr Célestine Fouellefak Kana et de Papa Réne Poundé.

3Lire à ce propos E. Morin, « L'interdisciplinarité », in http://perso.club-internet.fr/nicol/ciret/bulletin/b2c2.htm., consulté le 23 juin 2013 à 13h

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sociologie, la géographie, le droit et la science politique. Les travaux des Sociologues par exemple nous ont aidés dans le cadre de l'étude des comportements ou des habitudes des populations qui rappellent la période coloniale. La géographie liée à la science politique nous a aidés dans la compréhension des stratégies coloniales de domination de l'espace (concernant le lieu propice de construction des infrastructures) en vue d'une meilleure défense des intérêts de la métropole.

La critique, fondement même de la discipline historique, nous a permis de nous approcher le plus possible de la vérité historique comme le souligne Paul Harsin « une chose est considérée comme historiquement vraie lorsqu'elle a subi avec succès l'épreuve de la critique historique»1. Ainsi, le but visé par la critique historique est celui de la recherche de la vérité historique et, un fait, un témoignage, un texte n'est vrai qu'après un exercice de critique objective ; car c'est lui qui en mesure le degré d'objectivité.

Toutes ces différentes méthodes d'analyse nous ont permis d'être proche de la vérité. Il est arrivé des moments de confusion où deux témoins donnaient des informations convaincantes et contradictoires sur l'auteur d'un édifice colonial. L'un, se basant sur le matériau (terre cuite) et la solidité du bâtiment et l'autre sur la date inscrite sur celui-ci. C'est sur le terrain après observation attentive et analyse du bâtiment que nous avons pu détecter la tricherie française d'appropriation de l'héritage matériel allemand. En fait, les Français une fois à Dschang, voulaient détruire tout ce qui était allemand, mais se rendirent rapidement compte de la très grande importance des bâtiments allemands dans leur administration. Ils optèrent donc pour l'inscription sur ces édifices des dates correspondant à leur période de règne.

1 Paul Harsin, Comment on écrit l'histoire, Liège, Georges Thone, 1954, p3.

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Photo 1: Illustration d'une falsification de l'auteur d'un bâtiment colonial

Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014, Dschang

Photo 2 : Une date problématique

Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014, Dschang

Le bâtiment en haut (Photo 1), qui abrite les Archives Départementales, est fait en briques de terre cuite (matériau de construction allemande) et la date 1926 (présence française à Dschang) de la photo 2, prélevée sur le point noir en bas de la plaque sur le bâtiment, témoigne de l'action des Français contre la germanophilie.

Nous nous sommes également appropriés et adaptés à notre champs d'action un des outils utilisés par les Conservateurs, il s'agit de la fiche technique d'inventaire (voir Annexe n°2) que nous avons utilisé pour inventorier, décrire et faire l'état de chaque infrastructure.

Le meilleur traitement des données recueillies, à travers l'analyse et l'exploitation méthodiques, nous a permis de rédiger le présent travail en suivant la méthodologie de rédaction des thèses et mémoires enseignée au Département d'Histoire. Toutefois, ce travail n'a pas été fait sans difficultés.

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IX. LES DIFFICULTES RENCONTREES

Le premier obstacle à ce travail a été la réticence de certains de nos informateurs à nous fournir des données importantes pour la réalisation de ce travail.

Ensuite, lors des enquêtes de terrain, les conditions climatiques et le mauvais état des routes nous ont rendu la tâche difficile. Ils étaient la cause sinon de nos rendez-vous manqués, du moins des retards notoires avec nos informateurs.

Enfin, le mauvais état des archives (non classées) que nous avons consultées dans la ville de Dschang, nous a beaucoup retardé car les informations importantes se repéraient très péniblement. C'est en surmontant toutes ces difficultés, qui n'étaient pas de nature à mettre en péril notre travail, que nous avons pu le conduire à son terme et les résultats obtenus sont organisés en quatre chapitres.

X. PLAN DE L'ETUDE

Le premier chapitre traite de l'aperçu historique de la ville de Dschang et constructions des infrastructures coloniales.

Le deuxième chapitre porte sur l'inventaire de quelques vestiges coloniaux à usage politico-administratif et économique dans la ville de Dschang,

Le troisième chapitre quant à lui s'intéresse à l'inventaire de quelques vestiges coloniaux à usage religieux, social et culturel dans la ville de Dschang

Et l'ultime chapitre, pour finir, analyse l'état des vestiges coloniaux à Dschang et soutient l'urgence d'une valorisation de ceux-ci.

1Immanuel Wallerstein, L'universalisme européen, de la colonisation au droit d'ingérence, Paris, Demopolis, 2006, pp.9-10.

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PREMIER CHAPITRE:

APERCU HISTORIQUE DE LA VILLE DE DSCHANG ET CONSTRUCTION DES INFRASTRUCTURES COLONIALES

Introduction

La révolution industrielle en Europe au XIXe siècle est à l'origine de profondes mutations. Elle a entrainé la mobilité des personnes et des biens. C'est un tournant décisif de l'impérialisme européen dans le monde. En Afrique comme partout ailleurs, l'impérialisme a dévié la trajectoire prise par certains peuples et certaines régions. En d'autres termes, les Occidentaux ont imposé leur vision du monde au reste du monde en général et aux africains en particulier, sans tenir compte de celle de ces derniers. Force est de reconnaitre avec Immanuel Wallerstein que l'argument le plus fréquent est que cette expansion aurait été porteuse de quelque chose que l'on désigne, selon les cas, par les vocables de « civilisation », « croissance économique », « développement » et /ou « progrès ». Tous ces mots ont été érigés en valeurs universelles, interprétés comme étant enracinés dans ce que l'on appelle souvent le droit naturel. En conséquence de quoi, il a non seulement été décrété que cette expansion était bénéfique pour l'humanité dans son ensemble, mais historiquement inévitable [...] bien entendu, la réalité sociale des événements fut bien moins glorieuse que dans le portrait flatteur que dressent à notre usage ces justifications intellectuelles1.

Cette affirmation nous édifie clairement sur la théorisation de l'expansion européenne dans le monde et le caractère pratique de celle-ci. Il ressort qu'entre les deux faits, il y a un fossé assez profond. La ville de Dschang (ouest- Cameroun) n'a pas échappé à ce phénomène civilisationnel.

Dès lors, ce chapitre vise à répondre à la question suivante : quel est le contexte de la construction des infrastructures coloniales dans la ville de Dschang ?

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Pour y parvenir, nous allons d'abord présenter un aperçu historique de la ville de Dschang, ensuite nous analyserons les facteurs favorables à la construction des infrastructures coloniales et nous finirons par étudier les matériaux et les ressources humaines nécessaires à ces constructions.

I- APERÇU HISTORIQUE DE LA VILLE DE DSCHANG

L'objectif ici est de faire savoir comment la ville de Dschang est née et surtout montrer les différentes colonisations qu'elle a connues à savoir allemande, anglaise et française. La colonisation anglaise n'a été que de très courte durée.

1. Période allemande et la naissance du Bezirk de Dschang (1904- 06 novembre 1915)

Les Allemands sont juridiquement maîtres du Kamerun à la suite du traité germano-douala signé le 14 juillet 1884. Pour deux raisons, ils y mirent une vingtaine d'années pour pacifier le territoire. D'une part, la politique allemande au temps de Bismarck (1871-1890) était hostile à tout financement coûteux de la colonisation1. D'autre part, ces colons étaient obligés de vaincre de vives résistances africaines sur leur passage. Pendant cette campagne militaire de pacification, les postes militaires étaient implantés au fur et à mesure que les indigènes étaient vaincus. Selon Zacharie Saha, le premier contact entre les Allemands et les Chefferies Foto et Foréké-Dschang (la ville de Dschang nait territorialement à la frontière que partagent ces deux Chefferies) remonte à 1904-1905 avec les explorations militaires2. C'est à partir de 1907 qu'un ministère autonome des colonies est crée à Berlin et progressivement certaines stations militaires se métamorphosent en stations administratives et militaires. La station administrative de Dschang est créée en mars 19073, remplaçant ainsi celle de Fontemdorf qui était Chef lieu régional.

1 Zacharie Saha, « Le Bezirk de Dschang ... p. 23.

2 Ibid. p. 37

3 Certains auteurs pensent que le Bezirk de Dschang a été crée en 1903 à l'instar de Michel Simeu Kamdem. « La ville de Dschang, Etude géographique », Mémoire de maitrise en Géographie, Université de Yaoundé, Mai 1981, p.14. et Jean Marie Tchinda, « Grandeur, Décadence et Renaissance d'une ville camerounaise : Dschang (1903-2007) », Université de

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La délimitation géographique du Bezirk de Dschang n'était pas aisée. Zacharie Saha, tentant de le décrire, écrit ceci :

Il est difficile de localiser ou délimiter formellement le Bezirk de Dschang. Ses frontières étaient imprécises et instables que mêmes ses administrateurs allemands seraient bien incapables de le faire. Néanmoins, il était à peu près au Centre -Nord du Cameroun aux confins des actuelles provinces de l'Ouest, du sud-ouest et du Littoral. Les régions ci-après en ont fait partie, au moins momentanément1.

Cette description nous permet de comprendre cette difficile délimitation qui, à notre avis, pourrait se justifier par le fait que les Allemands n'ont pas eu assez de temps pour délimiter le territoire, peut être aussi à cause de faibles moyens technologiques de cette époque. Après cette présentation, ce qui nous intéresse est Dschang comme Chef lieu du Bezirk et siège des institutions de la circonscription. Il faut rappeler qu'à la tête de cette unité territoriale, il y avait le Chef du Bezirk, le lieutenant Emil Rausch, qui était la plus haute autorité civile, militaire, judiciaire et administrative2.

Le premier rôle du poste de Dschang était administratif, il le jouait aussi bien sur le plan local (Chef-lieu de la station) qu'à l'échelle régionale (Chef-lieu du Bezirk)3. Comme nous l'avons dit à l'introduction, le mot Dschang viendrait de l'appellation allemande du mot ATSANG qui, en langue yemba, signifie palabre (dispute). L'effectivité de l'offre du roi des Foréké-Dschang, Ndong-Mbou4 à son hôte allemand se matérialisa par un pacte de non agression réciproque signé en respect des traditions africaines à travers un rituel. C'est là le point de départ du périmètre urbain de la ville de Dschang qui va aller en s'agrandissant jusqu'à nos jours. L'aventure allemande à Dschang s'estompa brusquement pendant la première guerre mondiale (1914-1916) et ce fut le tour des Anglais.

Dschang, Mémoire de Master en Histoire, 2008/2009, p.20. A notre avis, le Bezirk de Dschang aurait été créé en 1906, il fallait prendre des dispositions pour son fonctionnement. La construction des infrastructures par exemple l'amena à être fonctionnel à partir de 1907.

1 Zacharie Saha « Le Bezirk de Dschang ... p.3.

2 Ibid. p.50.

3 Lemegne, « La Mission Catholique Sacré-Coeur de Dschang : 1910-1990 », Mémoire de DIPES II en Histoire, ENS Université de Yaoundé I, 2002-2003, p.12.

4 Le Chef Ndong-Mbou avait accueilli l'Allemand avec beaucoup de sympathie

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2. De la coalition franco-britannique à l'intermède anglais : une courte période sans grands changements (06 novembre 1915-1920)

Au cours de la Première Guerre Mondiale, une coalition franco-anglo-belge attaqua les Allemands au Cameroun. L'annexion allemande du Kamerun a été une pilule très difficile à avaler par cette coalition et elle a donc mis tout en jeu pour reprendre ce territoire qui aurait dû leur appartenir. La coalition franco-anglaise attaque les troupes allemandes dans la ville de Dschang en 1914 et les met en déroute. Repliés sur Foumban, les Allemands, formés d'environ 500 hommes1, reprirent le dessus sur la coalition par un assaut. Malheureusement cette situation sera de courte durée car le 12 octobre 1915, les troupes anglaises conduites par le lieutenant colonel Cotton refont surface et battent les Allemands. Dschang est conquis le 06 novembre 19152.

Pendant le condominium franco-britannique sur le Cameroun, situation qui ira de septembre 1915 au 04 mars 1916, ce sont les Anglais qui administrent la ville de Dschang pour avoir été les seuls à avoir vaincu l'ennemi3. Et même, après le partage du Cameroun, Dschang est incorporé, avec le Cameroun britannique, à la colonie du Nigeria jusqu'en 1920, c'est ce que Ngoh V. J. appelle "colonie dans la colonie4".

Comme le fait remarquer Nguedia Berlise, les Britanniques n'ont pas investi pendant leur règne à Dschang. A notre avis, ceci se justifie au moins par deux raisons : premièrement le matériel militaire servant à la guerre coûtant énormément cher, les avait tous ruinés. Deuxièmement, ils étaient dans une période de doute, ne sachant pas si lors de la conférence de Paris de novembre 1918 à juin 1919, leur entente avec les Français devait toujours prévaloir. Le temps leur a donné

1 Cletus Mbeseha Abofu, « The bangwa resistance against the germans 1900-1915 », Mémoire de Maitrise en Histoire, Université de Yaoundé, 1987, p.91.

2J.A. Guimzang, « Foréké-Dschang (Impact des interventions allemandes et britanniques sur les institutions traditionnelles 1900-1920 », Mémoire de DES en Histoire, 1978, p.55

3 Entretien avec René Poundé le 12 février 2014 à son domicile

4 Victor Julius Ngoh, History of Cameroon since 1800, Limbe, Presbook Limbe, 1996, p.170.

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effectivement raison, parce qu'au terme du traité de Versailles qui mit officiellement fin à la guerre, la ville de Dschang bascula dans le giron français. Ceci se confirma le 10 juillet 1919 avec les accords Milner-Simon1 qui cédèrent les territoires de Dschang et de Kumba à la France. Les Anglais durent donc quitter définitivement Dschang en 1920 pour céder place à l'administration française.

3. Dschang : Chef-lieu de la Circonscription de Dschang sous l'administration française (1920-1960)

Le statut du Cameroun changea lors du Traité de Versailles ; il passa de protectorat allemand à territoire sous-mandat de la SDN et confié aux puissances mandataires qu'étaient la France et la Grande Bretagne. L'importance de ce nouveau statut juridique pour la ville de Dschang, sur le plan administratif, était très visible aux yeux des Français, car ces derniers ne tardèrent pas à lui donner la place qu'elle occupait pendant la période allemande. Ainsi, le Chef lieu de la circonscription fut transféré de Bana à Baré en juin 1920, puis à Dschang en septembre 1920, avec pour Chef lieu Dschang. Cette circonscription fut organisée à partir de Baré en subdivisions, de Dschang, Foumban, Bana et Baré2.

Comme nous pouvons le constater, les Français ont changé à deux reprises le Chef-lieu de la circonscription pour enfin se mettre toujours sur le chemin tracé par les Allemands. La ville de Dschang restera Chef-lieu de la circonscription de Dschang jusqu'en 19343, date à laquelle les circonscriptions sont remplacées par les régions4. C'est aussi à ce moment que la circonscription de

1 Berlise Nguedia Dongmo, « Les investissements agricoles dans la subdivision de Dschang 1909-1957 », Mémoire de Master en Histoire, Université de Dschang, 2012-13, p.43.

2 Jean Marie Tchinda, « Grandeur, Décadence et Renaissance d'une ville camerounaise : Dschang (1903-2007) », Université de Dschang, Mémoire de Master en Histoire, 2008/2009, p. 37.

3 1935 pour Pauline Tchipezi, « Le fait colonial et l'économie dans la société Bamboutos (ouest-Cameroun) : changements et permanences de 1916 à 1970 "cas du village Babadjou" », Mémoire de Maîtrise en Histoire, Université de Yaoundé, septembre 1990, p.48.

4 Jean Marie Tchinda, « Grandeur, Décadence ... p.38.

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Dschang est restructurée pour donner deux régions à savoir la région bamiléké avec Dschang comme capitale et la région du Noun avec pour capitale Foumban.

Les Français ne vont pas beaucoup investir sur le plan infrastructurel pour deux raisons principales. D'une part, l'équipement militaire de la Première Guerre Mondiale, coûtant cher, les a complètement ruinés et ils ne comptaient plus que sur le pillage des ressources dans les colonies pour se relever et reprendre leur place sur la scène internationale. René Tourte l'exprime en ces termes :

de l'épouvantable boucherie qui ensanglante l'Europe de 1914 à 1918, la France sort profondément meurtrie dans sa chair, ses biens et son aura. Consolider son empire [colonial], assurer la mise en valeur de ses possessions d'outre mer, favoriser l'épanouissement de ses populations lui semble être des voies privilégiées pour le maintien de sa place sur la scène internationale1.

D'autre part, ils se sont engagés dans une lutte contre les indigènes germanophiles, surtout en sabotant l'oeuvre allemande dans la région (voir annexe n°5). Il faudra attendre la fin de la Deuxième Guerre Mondiale particulièrement en 1947 pour voir la France investir dans les infrastructures étant presque sûr qu'un probable retour des Allemands au Cameroun était impossible. Ceci se vérifie d'ailleurs par les infrastructures construites avant 1939 qui étaient surtout d'ordre administratif. Le social s'est intensifié avec le soutien du FIDES à partir de 1947.

Les infrastructures françaises sont plus nombreuses dans la ville de Dschang pour la simple raison qu'ils ont mis plus de temps que les colons allemands. En outre, l'oeuvre allemande qui avait échappé à la jalousie des Français avait tout simplement été réhabilitée par ceux-ci.

En somme, la ville de Dschang est une création allemande. Au cours de son histoire ; elle a connu plusieurs modifications infrastructurelles, modifications qui constituent une réalité même dans le cadre de l'élargissement de son espace urbain. Elle aura joué un rôle indéniable dans l'histoire de l'actuelle Région de l'Ouest. La construction des infrastructures coloniales dans cette cité n'aura donc pas été un fait du hasard. Ces constructions étaient édifiées pour jouer d'importants rôles.

1 René Tourte, Histoire de la recherche agricole en Afrique tropicale francophone, volume 6, De l'empire colonial à l'Afrique indépendante 1945 - 1960, Montpellier, Décembre 2011, p.987.

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II. ROLES DES INFRASTRUCTURES COLONIALES

Les infrastructures coloniales dans la ville de Dschang jouaient probablement quatre principaux rôles. Nous pouvons citer : le souci de pacification et de sécurisation, le souci de création d'un cadre favorable dans la ville, d'organisation du pillage des ressources et la matérialisation de la prétendue « mission civilisatrice » de l'Europe dans cette ville.

1. Le souci de "pacification" et de "sécurisation"

Quand les Allemands arrivèrent à la Chefferie Foréké, ils demandèrent un site pour leur implantation et déclinèrent rapidement les propositions de « Meneh » et de Bafou parce que ces sites souffraient d'un manque de cours d'eau devant alimenter la construction de leurs structures d'habitation. C'est par la suite que le choix fut porté sur l'emplacement actuel de la ville de Dschang ; surtout parce qu'elle est traversée par deux cours d'eau à savoir Aseetsa et Lifock1.

Un autre élément qui aurait poussé les Allemands à accepter ce site est sans nul doute sa position stratégique au faîte de la colline. Il était hors de question que le site soit en bas de la colline parce que, ceux-ci étaient conscients qu'après la pacification, les poches de résistance qui avaient survécu, pouvaient attaquer d'un moment à l'autre et il ne fallait surtout pas commettre l'erreur de ne pas voir l'ennemi arriver. A cet effet, Gouné Etienne pense que le souci d'une haute sécurité a fortement déterminé le type de construction des infrastructures allemandes notamment l'épaisseur des murs qui est d'environ 50 cm. Cette épaisseur ne pouvait pas laisser pénétrer les balles d'un fusil, aussi puissantes fussent-elles2.

La dernière raison, liée à la sécurité des colons, était la concentration des infrastructures sur le même espace à l'exemple du fort allemand ou du quartier administratif. Ceci témoigne d'une certaine solidarité que les colons avaient entre eux. C'est pour cette raison que les fonctionnaires allemands habitaient presque tous

1 Jean Marie Tchinda, « Grandeur, Décadence ... p 19.

2 Entretien avec Etienne Gouné, le 02 Juin 2014 à son domicile à Foto

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dans les forts et les Français plus tard étaient presque tous concentrés au centre administratif, pour qu'en cas d'attaque, que les militaires puissent aider les civils européens1. Les camps militaires, quant à eux, étaient installés dans les environs de ce noyau, non seulement pour le protéger mais aussi et surtout pour continuer la conquête des espaces non encore soumis et maintenir les indigènes soumis.

Sur le plan religieux, les colons ou missionnaires étaient obligés de créer les hôpitaux parce que leurs propres conditions de vie sous ce climat n'étaient pas faciles. Comme l'affirme clairement Jean Paul Messina, « Les missionnaires sont eux-mêmes confrontés à toute sorte de menaces susceptibles de mettre à mal leur état physique et moral. Bien plus, comment rester indifférent devant tous les fléaux qui perturbent la vie des populations auxquelles s'adresse la Parole de Dieu ? 2»

2. Le souci de création d'un cadre physique favorable

Selon Michel Simeu kamdem, « Dschang bénéficie d'une situation naturelle privilégiée dans l'envoûtant paysage des hauts plateaux bamiléké. En effet, à 1400 m d'altitude environ, la ville possède un climat idéal particulièrement propice aux activités du tourisme 3». Il ressort de cette remarque que le facteur climatique a été très déterminant dans le processus d'implantation des Européens et d'édification des infrastructures dans la ville de Dschang. Progressivement, avec ce climat semblable au climat tempéré d'Europe, les colons se sentaient chez eux et dans l'optique de le sentir davantage, ils importaient certaines activités pour ne plus avoir besoin d'avoir de congés et de rentrer en Métropole pour pouvoir jouir de celles-ci en une durée relativement courte. A titre d'illustration, nous avons le foyer culturel créé en 1932 qui est l'actuel Alliance Franco-camerounaise de Dschang. Les jeudi et samedi soir, les Européens s'y rendaient pour le cinéma, les jeux, le théâtre, bref tout ce qui se faisait en métropole. L'autre exemple est le Centre Climatique de Dschang qui, après sa construction dans les années 1940, devait permettre aux militaires blancs de ne pas

1 Entretien avec Etienne Gouné, le 02 Juin 2014 à son domicile à Foto

2 Jean Paul Messina, Les prêtres du Sacré-Coeur de jésus dans le champ d'évangélisation du Cameroun 1912-2012, Yaoundé, Presses de l'UCAC, 2012, p.81.

3 Michel Simeu Kamdem, « La ville de Dschang, Etude géographique », Mémoire de Maitrise en Géographie, Université de Yaoundé, Mai 1981, p.14.

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rentrer en Europe en pleine guerre et, à tout européen soucieux de bien s'amuser pendant ses congés, sans toutefois rentrer en Europe, d'y trouver un cadre idéal. Les conifères par exemple, autour des pavillons confortables de cette structure, rappellent la montagne européenne et l'air vivifiant qui y règne, contribue largement à provoquer cette association d'idées1.

3. Le souci d'exploitation des ressources

Il est reconnu aujourd'hui que le principal facteur de l'impérialisme européen dans le monde était économique. Les Européens arrivent dans un espace différent du milieu où ils viennent. Ils sont confrontés à plusieurs difficultés et sont obligés de faire un certain nombre de sacrifices pour tirer les bénéfices du milieu naturel. A. Dongmo Djoukang le reconnaît quand il affirme que :

la colonisation européenne au Cameroun fut confrontée à de nombreuses difficultés telles que les obstacles liés à l'hostilité du milieu naturel. L'originalité du milieu naturel du Cameroun suscita la recherche scientifique. Des botanistes créèrent des centres de recherche pour une meilleure exploitation du pays dans tous les domaines susceptibles de procurer d'énormes bénéfices aux Européens 2

Notons que ces recherches étaient faites pour déterminer la rentabilité des produits de rente afin de pouvoir en tirer de gros bénéfices. Au terme de ces études, les autorités coloniales distribuent à dessein des terres à leurs compatriotes3. Les terres de nos ancêtres que les Européens ont systématiquement volées à travers les décrets. C'est ainsi que les décrets du 11 avril et du 05 juillet 1921 et les ordonnances des 02 et 21 juillet 1932 et du 26 novembre 1944 donnent ipso facto le droit à la France de confisquer les terres et de s'approprier de celles dites vacantes et sans maitres.4

1 Anne Debel et Renaud Van der Meeren, Le Cameroun, Paris, éditions Jaguar, 2007, p.134.

2 E. Aubin Dongmo Djoukang, « L'influence du milieu naturel sur la colonisation européenne au Cameroun de 1884 à 1960 », Mémoire de Maîtrise en Histoire, Université de Yaoundé 1, septembre 2005, p 120.

3Ibid, p.61.

4 Berlise Guedia Dongmo, « Les investissements agricoles ... p 45.

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Les voies de communication (routes, ponts) sont à cet effet incontournables pour l'exploitation de ces terres. Ainsi ces voies, comme l'écrit clairement E. Ghomsi « devaient servir aux Allemands à drainer vers la côte les produits de cette région (bamiléké) et de maintenir la liaison constante entre cette région riche et peuplée et les maisons commerciales allemandes installées sur la côte. 1».

La position centrale de Dschang par rapport aux infrastructures de communication se comprend aussi, parce qu'en tant que Chef-lieu du Bezirk allemand et plus tard, de la circonscription pendant la période française, elle assurait une certaine facilité pour les administrateurs coloniaux dans leurs déplacements.

Les Allemands ont donc fait de Dschang une ville carrefour vers où convergent toutes les routes et pistes départementales, c'est également le point d'aboutissement des principaux axes routiers qui desservent la région2.

4. La matérialisation de la prétendue "mission civilisatrice" de l'Europe en Afrique

Pendant longtemps, les européocentristes à l'instar de Hegel, J. Arthur de Gobineau et bien d'autres, ont taxé l'Afrique d'un continent sans histoire et donc, sans civilisation. A partir du XIXe siècle en Europe où les camps s'étaient formés pour débattre au sujet de la nécessité ou non de faire le colonialisme dans le reste du monde, certains religieux, eux-aussi, prirent position en faveur de ce terrible phénomène en pensant que l'église est la seule source de la "vraie" civilisation, du bonheur des hommes et de la paix des peuples. Le Cardinal d'Alger, son éminence Lavigerie, était par exemple convaincu, comme beaucoup de ses contemporains, que l'Afrique où se déclarent les ambitions européennes, a besoin de cette civilisation qui apporte à l'évolution de l'humanité un supplément d'âme3.

1 Emmanuel Ghomsi, « Les bamiléké du Cameroun : Essai d'étude historique des origines à 1920 », Thèse de Doctorat d'état 3e cycle, Université de Paris panthéon Sorbonne, 1972, p 40.

2 Michel Simeu Kamdem, « La ville de Dschang, Etude... p.23.

3 Célestine Fouellefak Kana, « Le christianisme occidental à l'épreuve des valeurs religieuses africaines : le cas du catholicisme en pays Bamiléké au Cameroun 1906-1995 », Thèse de doctorat en Histoire, Université Lumière Lyon 2, 2004-2005, p.10.

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Dans le même ordre d'idées, F. de Vitoria estimait que le but ultime de la colonisation est d'amener progressivement les peuples de la culture inférieure à abdiquer à leur droit à une culture propre, pour communier à l'unique culture des "nations civilisées"1. En d'autres termes, s'agissait-il d'apporter la civilisation aux peuples considérés comme sauvages et barbares. Au 19e siècle, cette formule devient idéologique et justifie la colonisation. Dans ses poèmes choisis, Ruyard Kipling évoque la responsabilité qui incombe à l'homme blanc de civiliser les peuples de couleur à travers sa célèbre doctrine du «fardeau de l'homme blanc 2». Il devient ainsi impossible pour les missionnaires se rendant en Afrique de séparer la foi de la civilisation, car guidés par la pensée de ces théoriciens de l'impérialisme européen.

La "mission civilisatrice" consistait donc à déposséder l'Africain de sa culture et à lui imposer une autre. Ceci devait être possible à travers l'évangélisation et la scolarisation. Les infrastructures allaient forcément accompagner ces actions en faveur de la civilisation occidentale et au détriment de l'africaine.

En somme, nous pouvons remarquer que plusieurs raisons ont influencé la construction des infrastructures coloniales à Dschang. Les premières constructions étaient réalisées pour imposer la domination, matérialiser la supériorité de la race blanche sur la race noire et aussi pour organiser et contrôler le pillage des ressources du sol et du sous-sol. Les raisons étaient claires, mais après la décision de vouloir construire, l'équation du matériau et de la ressource humaine se posa avec acuité.

III. MATERIAUX ET RESSOURCES HUMAINES NECESSAIRES A LA CONSTRUCTI ON ARCHITECTURALE

Il est question dans cette partie de s'intéresser à trois éléments importants à savoir, la technique et le matériau utilisés pour la construction notamment la transition de la technique et du matériau locaux vers ceux importés, le financement des infrastructures accordé par la métropole et enfin les conditions de recrutement et de travail de la main d'oeuvre.

1 Célestine Fouellefak Kana, « Le christianisme occidental... p.11.

2 Ruyard Kipling, Poèmes choisis, Paris, 1949, p.340.

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1. Un mélange de technique et de matériaux allogène et autochtone

Une civilisation est le fruit du contact de l'homme avec la nature. Avant l`arrivée des Européens, les Africains avaient une façon de construire en fonction des instruments que la nature mettait à leur disposition. Jacques Maquet en caractérisant les civilisations en Afrique, constate que « plus rudimentaires sont les techniques [de production matérielle], plus grande est l'importance du milieu naturel. Ce qui explique que les limites spatiales de certaines civilisations coïncident avec des régions naturelles où domine telle végétation ou tel climat 1». Les populations des grassfields n'échappent pas à cette catégorisation de Maquet. A partir des éléments puisés dans leur milieu naturel constitué par exemple des raphiales dans les vallons, des arbres de la forêt, ils produisent des objets nécessaires à leur vie. J.P. Warnier et P. Nkwi le réconnaissent en ces termes : «Nowadays, the grassfields, as the name indicates, belong to the grass savanna area of West and Central Africa...Rituals always incorporate elements of the environment, and they tend to be conservative...in many rituals performed by grassfields peoples, the basic ingredients are taken from forest crops and plants2». Ce rattachement de l'Africain à son milieu naturel et à sa culture a amené les Européens à dire que le continent africain n'était constitué que des « barbares » et des « sauvages ».

Cependant, les premiers africanistes, en parlant d'une multiplicité de « religions » en Afrique noire, avouaient par là leur ignorance de la spiritualité africaine. Dominique Zahan fait partie de ceux qui sont entrés en profondeur pour davantage cerner cette relation entre l'Africain et l'univers. Ainsi, il reconnaît que « l'homme est la clé de voûte de l'édifice religieux africain...La religion est donc essentiellement fonction de l'élément humain et de son univers, la terre3 ». Ce qui nous intéresse dans cette affirmation est le duo homme-Univers (terre). C'est la terre, l'espace, le milieu naturel qui donnent un sens à la vie de l'homme. Les productions

1 Jacques Maquet, Les civilisations noires, Paris, Marabout Université, p18.

2 Paul Nkwi et jean Pierre Warnier, Elements for a history of the western grassfields, Yaoundé, Department of Sociology, 1982, p.23.

3 Dominique Zahan, Religion, Spiritualité et pensée africaines, Paris, Payot, 1970, pp13-16.

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matérielles, étant l'un des éléments fondamentaux faisant partie du concept de civilisation, témoigne de l'activité du génie créateur de l'homme en relation avec le milieu naturel.

C'est d'ailleurs pour cette raison que certaines civilisations en Afrique ont inspiré les colons dans l`architecture parce qu'elles maitrisaient mieux leur environnement que ces étrangers. Ces derniers furent obligés de commencer à construire avec les matériaux et les techniques locaux avant de les changer progressivement. Cet exemple de Thierry Joffroy et Fane Yamoussa concernant les maçons de Djenné est évocateur :

les constructions architecturales de Djenné ont inspiré pendant longtemps les architectes chargés de la réalisation des bâtiments de l`administration coloniale dans toute l`Afrique de l'ouest. Ses bâtisseurs sont encore des véritables virtuoses, capable de réaliser de grands chantiers de construction avec pour toute matières premières ce qu'ils trouvent dans l`environnement proche de la ville. Principalement la terre déposée par le fleuve et le bois de rônier (palmier dont les branches sont en forme d'éventail)1.

De façon générale, Manfred Von Mende, distingue trois grandes phases dans l`évolution des techniques de constructions coloniales allemandes. Tout d` abord, les Allemands ont commencé à faire leurs édifices avec des matériaux et des méthodes de constructions locales particulièrement avec un soubassement en terre, des rondins en bois, des nattes, des toits à double pente, généralement ayant une durée de vie moins longues2. Dans le même ordre d`idée Edith Ngomedje remarque que « les Allemands perpétuèrent l'utilisation des matériaux locaux, ils décidèrent d`enrayer les insuffisances de ceux-ci dans les constructions de type traditionnel. Ils allièrent dès lors aux techniques trouvées sur place leur expérience propre 3».

1 Thierry Joffroy et Fane Yamoussa, « Les maçons de Djenné, virtuoses de l'art de bâtir en terre », in Les villes africaines et leurs patrimoines, Paris, Riveneuve éditions, 2012, PP.171-172.

2 Manfred Von Mende, « Techniques de construction des édifices allemands au Cameroun de 1884 à 1916 », in Wolfgang Lauber (ed), L'architecture allemande au Cameroun, Stuttgart, édition Karl Krämer, 1988, p 42.

3 Edith Njokou Ngomedje, « L'histoire à travers les monuments cachés de Yaoundé 1887-1963 », Mémoire de Maîtrise en Histoire, Université de Yaoundé 1, septembre 2002, p 13.

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Photo 3: Mission centrale de Dschang construite par les Pères Pallotins en 1906

Source : Archives privées R. Poundé, Dschang

Construite par les Pères Pallotins, elle est l'illustration parfaite de la construction faite à base du matériau trouvé dans la nature. On voit le toit en chaume soutenu par des poteaux en bois et à côté une représentation de la forêt dans laquelle est sorti le bois utilisé.

La photo ci-dessus est l'illustration parfaite de l'utilisation des matériaux locaux par les Allemands dans les colonies notamment à Dschang. Le toit est en nattes, les poteaux de la devanture en bois.

La seconde phase est la méthode de construction par assemblage. Ici on commence par un soubassement massif réalisé en béton qui protège les murs des eaux de ruissèlement et permet d`éviter la pente, ensuite les murs, plafonds et toitures sont construits sur un ou deux étages et pourvus d`un revêtement de matériaux divers. Pour l`ossature, on utilisait soit de l`acier, soit des bois conifères venant d`Allemagne. C`est à partir de 1888 que les briques cuites sont fabriquées dans les moules en métal. La toiture était constituée, soit de plusieurs couches de carton bitume posées sur une couverture en bois, soit de tôles ondulées avec aménagement d`un système de ventilation pour aérer et oxygéner l`intérieur. Le nom du quartier Briqueterie à Yaoundé vient du fait que cet espace a abrité les machines allemandes servant à la fabrication des briques cuites. C'est grâce aux briques fabriquées par ces machines que l'ancien palais présidentiel et beaucoup d'autres bâtiments se trouvant à côté ont été bâtis1.

1 Entretien avec Jean Claude Tchouankap, le 14 mai 2014 à son domicile.

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La dernière phase est la méthode de construction en dur. Dans le but de démontrer les progrès technologiques, on commence très tôt à construire les mûrs et les plafonds en matériaux durs (briques de terre, bétons et béton armé). Ces constructions étaient plus onéreuses car elles nécessitaient plus de temps et il fallait importer tous les liants (chaux, ciment, plâtre).

Il devient donc aisé de reconnaitre que, les constructions coloniales sont constituées d`un matériel local, facile à trouver, d'un autre importé, préfabriqué et démontable. Cet agencement témoigne de l`évolution même de la technique de construction des infrastructures coloniales dans le temps. Malheureusement, la dépendance de l`Afrique vis-à-vis de l`Europe concernant ce matériel s`amplifie comme le confirme Edith Ngomedje : « avec les Français, les bâtiments en brique prirent [...] du recul pour céder la place aux constructions en parpaings ce qui rendit plus dépendants de l`Europe en matière de batissement de maisons et des bureaux administratifs ou privés1 ».

En ce qui concerne la conception des plans de ces édifices, Fritz Wilhelm2 parlant de la période allemande, nous fait savoir qu'il est à remarquer que, tout au moins, les plans de ce que l'on appelle les édifices à caractère officiel, tels que les bâtiments administratifs, écoles, hôpitaux et habitations de fonctionnaires, furent réalisés par la "Berliner Bauant3", tout d`abord selon le modèle prussien...reprenant à des fins décoratives tous les ornements puisés dans le sac à malices du passé.

A partir de cette affirmation, nous comprenons que presque tous les bâtiments datant de la période coloniale peuvent être détectés à partir des analyses faites sur un bâtiment colonial puisqu'ils étaient conçus par un même service technique. En outre,

1 Edith Njokou Ngomedje, « L'histoire à travers ...p 16.

2 Fritz Wilhelm, « L'architecture coloniale allemande dans le cadre du développement de l'architecture à la fin du XIXe siècle jusqu'au début du néolibéralisme », in Wolfgang Lauber (ed), L'architecture allemande au Cameroun, Stuttgart, édition Karl Krämer, 1988, pp37-38.

3 Mot de la langue allemande qui signifie la direction de la construction à Berlin

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l'architecture coloniale a même influencé les constructions en métropole comme les pavillons coloniaux du jardin d'agronomie tropicale de Nogent-sur-marneen France1.

Pendant la période française, les constructions se faisaient par ceux qu'on appelait les conducteurs de travaux. C'est bien plus tard qu'apparut un ordre des architectes au Cameroun (voir annexe n°4) chargé de la conception des édifices publics et la construction des habitations des fonctionnaires était confiée à la S.A.P (Société Africaine de Prévoyance) .

Pour ce qui est des infrastructures religieuses, notons qu'elles étaient construites au début, surtout sur des plans faits par des missionnaires eux-mêmes. Mais au fur et à mesure que les constructions devenaient plus importantes, il a fallut faire appel aux architectes2.

2. Un accord de financement métropolitain

Le financement de ces infrastructures venait directement de la métropole. Zacharie Saha le confirme quand il écrit, parlant de l`administration du Kamerun par les Allemands : "Le gouverneur est en effet la plus haute autorité de la police, de l`armée et de la justice dans une certaine mesure. Les questions budgétaires par exemple se traitaient en réalité à Berlin3 ». Et au sujet de l`administration du Bezirk, il affirme que les questions budgétaires et militaires exigeaient particulièrement l`approbation du gouverneur qui agit par circulaire le plus souvent4.

Pour le cas de la France, les gouverneurs généraux de la fédération utilisaient les ressources des redevances et négociaient avec le ministère des colonies les emprunts indispensables à toute réalisation d`envergure5

1 Institut National du Patrimoine, Architecture coloniale et patrimoine, l'expérience française, Paris, Somogy edition d'art, 2005, p11.

2 Père Goustan le Bayon, Les prêtres du Sacré-Coeur et la naissance de l'église au Cameroun, Paris, Procure des missions SCJ, 1986, p.129.

3 Zacharie Saha, « Le Bezirk de Dschang ...p.49.

4 Ibid. p.50.

5 Institut National du Patrimoine, Architecture coloniale et...p 20.

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Au sujet du financement des oeuvres religieuses, le père Goustan affirme que « Toutes les constructions nécessitaient de l'argent. Certes, les bienfaiteurs donnaient généreusement ; mais il fallait faire appel aussi aux chrétiens du pays. Même pauvres, ils devaient apprendre à ne pas être toujours des assistés 1». Mais les missionnaires ne sont pas délaissés par l'administration, ils reçoivent de temps en temps les subventions étatiques. Ainsi, les écoles missionnaires de la période coloniale allemande sont financièrement soutenues par le fonds public, l'objectif est que les élèves apprécient la grandeur civilisationnelle du Reich.2 Jean Paul Messina allant dans le même sens, explique les raisons de ce soutien de l'administration, en ces termes :

Bismarck n'admet les missions chrétiennes au Cameroun que dans la mesure où elles contribuent à soutenir l'action coloniale dans le pays, c'est-à-dire révéler aux colonisés la grandeur de la civilisation du Reich et à les éduquer à la soumission aux lois et règlements

de l'administration coloniale3.

Notons enfin qu'à regarder de très près, le financement des travaux infrastructurels, à travers le FIDES4, par la France à partir de la fin de la Deuxième

Guerre Mondiale, ne la prédisposait pas à songer un jour à son départ du Cameroun particulièrement et des colonies en général. Nous pouvons nous-mêmes nous rendre compte à travers cet extrait de l'ouvrage Kamerun ! Une guerre cachée aux origines

de la françafrique qui dit :

la loi du 30 avril 1946 institue le FIDES...alors même que le Cameroun n'a plus de statut véritable à cette date...le territoire est curieusement le mieux loti, et de loin, de toutes les possessions françaises d'Afrique dans la répartition des fonds FIDES. Curieusement également, est la façon dont, dans ce territoire privilégié, ces fonds sont affectés : sur 36.5 millions de francs débloqués entre 1947 et 1953, 85% vont aux infrastructures et 10% seulement aux « équipements sociaux » (alors qu'en AOF les fonds destinés aux infrastructures ne dépassent pas 50%). Ce qui témoigne assez clairement que l'ordre des

1 Père Goustan le Bayon, Les prêtres du Sacré-Coeur ...p.129.

2 Ibid. p78.

3 Cité par Junior Binyam, « Les pères à la remorque des colons », in les cahiers de

Mutations, le vrai visage de l'église catholique au Cameroun, Vol 056, Mars 2009, p.3.

4 Pour plus d'informations sur le FIDES au Cameroun, lire Norbert A. Melingui Ayissi, « Les fondamentaux d'une diplomatie harmonieuse et dynamique ; le cas de la coopération économique et sociale de la France au Cameroun 1916-1960 », in Analele universitatii "dunaréa de jos", Galatti, seria 19, Istoria, Tom VIII, 2009, pp193-212.

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« priorités » n'est pas tout à fait celui qu'affiche le gouvernement et que la France est bien décidée à rester au Cameroun.1

Dans le même ordre d'idées Marc Michel analysant la politique coloniale française en Afrique noire conclut qu' en réalité, le discours officiel français à l'égard de l'Afrique noire fut une variation continuelle sur les thèmes de l'assimilation et de l'association qui masqua jusqu'au bout un esprit d'intégration que René Pleven reconnaissait à Brazzaville en soulignant que la préoccupation constante de cette conférence était "l'incorporation des masses indigènes dans le monde français"2.

Donc, la France n'a jamais souhaité l'émancipation des colonies ou leur accession à la souveraineté internationale sur le plan socio-économique et politique. D'ailleurs Marc Michel jugeant les réalisations sociales en Afrique dira : « Que de bonnes intentions ! Et que de lenteurs dans les réalisations si l'on en juge par l'état de l'enseignement en 1919 ou de la santé en 19393 ».

En définitive, l`architecture coloniale est essentiellement urbaine. A une première vague de constructions édifiées avec les matériaux locaux (bois, terre, paille...) succède une vague de constructions en matériaux importés, préfabriqués et démontables, en bois puis rapidement un métal avant l`emploi du béton armé4. Dès lors, la question qui taraude notre esprit est celle de savoir la façon avec laquelle les colons ont intégré les indigènes à tous ces « projets coloniaux ».

3. Une main d`oeuvre abondante et malléable

D`entrée de jeu, notons que les Allemands furent les premiers à se confronter à l'épineux problème de la main d'oeuvre. Il est inadmissible de penser que les édifices coloniaux étaient l'oeuvre des colons uniquement. Ceci se justifie par le nombre

1 Thomas Deltombe, Manuel Domergue et Jacob Tatsitsa, Kamerun ! Une guerre cachée aux origines de la françafrique 1948-1971, Yaoundé, éditions Ifrikiya, juin 2012, p

57.

2 Marc Michel, « La colonisation française en Afrique noire : aspects économiques et sociaux », in http// :www.études-coloniales.com, posté le 1er juin 2007 et consulté le 12 février 2014 à 16h

3 Ibid.

4 Institut National du Patrimoine, Architecture coloniale et ...p 15

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d'Européens et d'indigènes présent à Dschang pendant la colonisation. Les tableaux suivants nous donnent quelques indices.

Tableau 1: Evolution de la population européenne et indigène dans les
différents territoires dont Dschang était le Chef-lieu

 

Bezirk de
Dschang

Circonscription
de Dschang en

Subdivision de Dschang en 1926

Région bamiléké
en 1950

 
 

1921

 
 

Indigènes

/

82 467

75 613

/

Européens

Environ 10

9

15

259

Source : Statistiques compilées par nous sur la base des documents suivants : Zacharie Saha, « Le Bezirk de Dschang : relations entre l'administration coloniale allemande et les autorités traditionnelles (1907-1914) », Mémoire de Maîtrise en Histoire, Université de Yaoundé, avril 1993, p75; Marie Chieufack, « L'administration coloniale française et les mutations sociales et économiques dans la région Bamiléké entre 1919 et 1959 », Mémoire de DIPES II en Histoire, ENS Yaoundé, 2010-2011, p 33-34. ; ARO Rapport annuel de la subdivision de Dschang, 1926 et ARO Rapport mensuel, 2e trimestre, circonscription de Dschang, recensement de Juillet 1921.

Il ressort de ce premier tableau que l'effectif des populations européennes se trouvant à Dschang a évolué très lentement et que logiquement, celles-ci ne pouvaient pas constituer une main d'oeuvre suffisante. De plus, si on se réfère à la prétendue « mission civilisatrice » de l'Occident envers le continent africain, les Européens ne pouvaient qu'être des Chefs de chantiers et leur nombre réduit répondait sans difficultés aux tâches qui leur étaient réservées.

Tableau 2: Comparaison de la population de Dschang avec les autres localités
de la circonscription en 1927.

 

Dschang

Nkongsamba

Foumban

Indigènes

76 205

23 140

38 040

Européens

18

97

12

Source : Berlise Guedia Dongmo, « Les investissements agricoles dans la subdivision de Dschang 1909-1957 », Mémoire de Master en Histoire, Université de Dschang, 2012-13, p.29. ;

Il ressort de ce deuxième tableau que les Européens étaient plus présents en un lieu ou en un autre en fonction de l'intérêt qu'ils y avaient. On peut comprendre qu'ils soient plus nombreux à Nkongsamba qu'à Dschang à cause des vastes plantations qui s'y trouvent et plus à Dschang qu'à Foumban parce que le premier était le Chef-lieu de la circonscription administrative et en tant que tel, concentrait

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l'essentiel des services administratifs et politiques, lesdits services ne pouvaient être pilotés que par un blanc. Enfin le nombre très élevé des populations locales les prédisposait et les obligeait même à jouer le rôle qui leur revenait, c'est-à-dire être une source de main-d'oeuvre. Une main-d'oeuvre malléable gérée par les dirigeants qui sont en nombre réduit. Donc Lovett Z. Elango a tout a fait raison quand il écrit :

Lorsque l'on considère l'ensemble de l'héritage allemand au Cameroun ou seulement certains de ses aspects, on se voit confronté finalement à l'énorme mobilisation de main d'oeuvre indigène qui seule a rendu possible ces réalisations...c'est dans cette perspective qu'il faut considérer et apprécier les différents vestiges de la domination coloniale allemande au Cameroun1

Puisqu'il faut d'office mettre de côté les engins sophistiqués pour le transport des matériaux parce qu'ils n'existaient pas, le seul moyen possible de transport des personnes et des biens était le portage fait par les indigènes2. Les briquettes ou briques cuites ayant permis aux Allemands d'élever les maisons, étaient par exemple pétries, ensuite cuites derrière la Chefferie Foto et transportées sur la tête par les populations indigènes vers les lieux de construction3. Aussi, les planches destinées aux constructions étaient transportées par nos parents sur leur tête de Nkongsamba pour Dschang pendant une durée d'un mois4.

En fonction de l'autorité responsable de l'infrastructure, le recrutement de la main d'oeuvre pouvait être libre ou forcé. Il pouvait être libre lorsque ce sont les fidèles d'une congrégation religieuse qui voulaient aider à la construction de leur chapelle. Ainsi Ebanda Menduga nous fait savoir que « ce sont surtout les femmes du "sixa", leurs fiancés, les catéchumènes, les chrétiens qui désiraient aller à la confesse,

1 Lovett Z. Elango, « Reprise d'une oeuvre commune », in Wolfgang Lauber (ed), Architecture allemande au Cameroun 1884-1914, Stuttgart, Edition Karl Krämer, 1988, pp 28-29.

2 Pour plus d'informations, lire Zacharie Saha, « Le Bezirk de Dschang : relations entre l'administration coloniale allemande et les autorités traditionnelles (1907-1914) », Mémoire de Maîtrise en Histoire, Université de Yaoundé, avril 1993, 123p.

3 Entretien avec Etienne Gouné, le 02 Juin 2014 à son domicile à Foto

4 Entretien avec Kemkeleng, le 05 juin 2014 à la Chefferie keleng

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et les écoliers qui étaient utilisés à la fabrication et au transport des briques. Ils formaient une main d'oeuvre gratuite1».

Pendant les constructions, les membres du clergé qui avaient des notions en constructions architecturales n'ont pas hésité à former les techniciens locaux comme le confirme le père Goustan le Bayon : « En construisant, pères et frères ont formé les ouvriers qualifiés, maçons, charpentiers, ferrailleurs, plombiers 2»

En revanche, ce recrutement était forcé quand il s'agissait surtout des travaux de construction des routes, des ponts, ou les travaux dans les plantations. Comme l'affirme Léon Kaptué, « les Allemands crurent résoudre le problème en utilisant la force. Qui ne se souvient de ces théories de porteurs enchainés, faméliques, lourdement chargés et parcourant en tous sens les pistes et les sentiers du territoire3 ». Monique Guimfacq nous raconte ici comment les populations de Dschang ont vécu ces moments difficiles :

Les populations de la circonscription de Dschang doivent en effet garder un effroyable souvenir des travaux de constructions de la ligne du nord par les Allemands et surtout des travaux qui leur avaient été imposés dans les plantations de Victoria. Dès leur arrivée à Dschang, les Français avaient promis apporter plus d'humanité que les Allemands dans l'utilisation des travailleurs. Ainsi, le premier recrutement en 1922 fut extrêmement facile. Contrairement aux promesses faites, les résultats furent effroyables, sur 1 000 individus recrutés, 200 à peine revinrent chez eux et le plus souvent pour y mourir.4

En plus, les administrateurs coloniaux avaient développé un certain nombre d'astuces pour avoir la mainmise sur la main d'oeuvre. Par exemple, avec l'introduction de la culture du café dès 1926 à Dschang, les arrêtés du 4 juillet 1933 et du 10 mai 1937 apportèrent des restrictions dans cette culture. Seuls les Chefs traditionnels avec quelques notables pouvaient créer des plantations de café. Ceci permettait à l'administration d'avoir en permanence la main d'oeuvre. En 1944,

1 Titus Ebanda Menduga « Construction en terre de l'époque allemande à nos jours, survol des expériences camerounaises depuis le 19é siècle », in Wolfgang Lauber (ed), Architecture allemande au Cameroun 1884-1914, Stuttgart, Edition Karl Krämer, 1988, p. 146.

2 Père Goustan le Bayon, Les prêtres du Sacré-Coeur et la... p.129.

3 Léon Kaptué, Travail et main d'oeuvre au Cameroun sous régime français 1916-1952, Paris, L'Harmattan, 1986, p.12.

4 Monique Guimfacq, Foto, un grand royaume au coeur de la Menoua : Des origines à 2010, Yaoundé, AEFCA, 2010, p.84.

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Marcel Lagarde employait pour la seule station de quinquina de Dschang 818 ouvriers.1

On peut constater avec Léon Kaptué que les colons en général avaient les mêmes préoccupations « on retrouvait chez les nouveaux maîtres (Français), les mêmes préoccupations capitalistes, la même âpreté du gain, le même souci d'exploiter le territoire à moindre coût 2»

En fin de compte, on peut constater qu'il y avait un lien très étroit entre les administrateurs coloniaux et les missionnaires comme le souligne si bien Onomo Etaba et que l'un ne pouvait pas laisser l'autre tomber :

Le politique et le religieux ont cheminé pendant l'époque coloniale. En effet, le religieux avait besoin de l'administration pour des questions foncières, de main d'oeuvre et de sécurité. A partir de 1884-85, l'administration se devait d'accorder aux missionnaires une protection spéciale et en contre partie, ceux-ci devaient faire preuve de loyauté et de soumission au pouvoir temporel3

En outre, dans les années 1950, l'entretien des bureaux administratifs se faisait par les prisonniers comme le confirme cette note de service datant du 25 septembre 1956 adressée au Régisseur de la prison de Dschang par le Chef de région et dont voici le contenu : « A compter du 26 septembre 1956, une corvée de cinq prisonniers sera en permanence affectée à l'entretien des abords des bureaux de la région et de la subdivision.4 »

En définitive, Dschang est une création allemande, l'esprit qui guida les réalisations allemandes dans cette ville est celui de toute une tradition basée sur la longévité, l'idéal et surtout des choses bien faites comme le déclare ce grand architecte allemand Daniel Durnham

Ne fais pas de projets mineurs, ils ne sauraient susciter l'enthousiasme et il y a de grandes chances pour qu'ils ne soient jamais réalisés. Place très haut l'objet de tes espoirs et le but de ton travail. Saches forger de grands projets et n'oublies pas qu'il soit de conception noble et

1 Monique Guimfacq, Foto, un grand royaume... p.91.

2 Léon Kaptué, Travail et main d'oeuvre...p.31.

3Roger Onomo Etaba, « Systèmes politiques et politiques missionnaires au Cameroun du milieu du XIXe siècle à la première moitié du XXe siècle, in NKA, Revue interdisciplinaire de la Faculté de lettres et de sciences humaines, n°4, 2005, p.204.

4 Archives Départementales de Dschang

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logique. Acquiert une fois tracée, valeur d'éternité et que longtemps après que nous aurons

disparu, il demeurera un élément vivant et s'imposera avec une force toujours accrue1.

Par contre, les Français construisaient ce qu'on appelle les infrastructures formalistes, c'est-à-dire qui vont directement servir à l'administration et à la mise en valeur du territoire, l'aspect esthétique étant négligé. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'à Dschang particulièrement et au Cameroun en général, ils «accueillirent les réalisations allemandes avec satisfaction, avec une admiration secrète et choisirent le Cameroun comme centre de la politique de mise en valeur de leur empire colonial africain2 ». Comme l'affirme Edith Ngomedje parlant de la ville de Yaoundé : « le général Aymerich ne cacha pas son émerveillement devant les infrastructures de ses prédécesseurs allemands3» Tout ceci fut possible grâce à la disponibilité d'une abondante main d'oeuvre. Au sujet de l'usage des infrastructures coloniales, il y avait une barrière infranchissable entre les européens et les indigènes. En d'autres termes, les Africains et les Européens ne pouvaient vivre ensemble dans la même demeure quand bien même, ils avaient les mêmes fonctions. A titre illustratif, Enoh Meyomesse affirme ceci :

Les Camerounais peuvent encore, jusqu'à ce jour, visiter, à Mvolyé à Yaoundé, la résidence des prêtres à étages et en planches, qui se trouve en haut du sanctuaire marial. Les prêtres blancs logeaient à l'étage, tandis que leurs collègues noirs, non seulement vivaient au rez-de-chaussée, mais en plus étaient interdits de monter à l'étage. Quiconque osait le faire était purement et simplement défenestré4.

Ce n'est que pendant la Première Guerre Mondiale par exemple que les catéchistes noirs ont habité la résidence des pères à Dschang, bien évidemment parce que les pères pallotins allemands étaient pourchassés par les militaires de la coalition franco-britannique. A ce moment, ils sont là pour tout simplement prendre soin de la mission en l'absence de véritables responsables. Il faudra attendre jusque dans les années 1950, à la veille des indépendances dans les pays africains, pour voir

1 Lovett Z. Elango, « Reprise d'une oeuvre...p.28.

2 Ibid. P.36.

3 Edith Njokou Ngomedje, « L'histoire à travers les ...p.15.

4 Enoh Meyomesse, « La servitude religieusement consentie », in Les cahiers de

Mutations, le vrai visage de l'église catholique au Cameroun, Vol 056, Mars 2009, p.4.

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apparaitre les premiers prêtres africains logeant dans les habitats construits par les Européens. De même pour les infrastructures des administrateurs coloniaux.

Conclusion

En somme, il était question dans ce chapitre de revenir sur l'historique de la ville de Dschang en rapport avec la construction des infrastructures coloniales. Pour y arriver nous avons procédé par un plan en trois parties donc la première traitait de l'aperçu historique sur la ville où nous sommes arrivés à la conclusion selon laquelle la ville de Dschang est une création coloniale. Elle a été victime d'une triple domination à savoir allemande, anglaise et française. Ensuite, il était question dans la deuxième partie des facteurs favorables à la construction des infrastructures coloniales, nous avons démontré que ces facteurs étaient de plusieurs ordres dont on peut citer, le souci de pacification, l'environnement favorable etc. Enfin la troisième partie a été consacrée aux matériaux et ressources humaines nécessaires pour ces constructions. Nous avons montré que les européens ont utilisé un mélange de techniques et de matériaux locaux et importés ainsi qu'une main d'oeuvre locale malléable. Des lors, nous pouvons conclure avec Kana Donfack Aurélien que le Cameroun1 a connu une longue histoire et des civilisations anciennes qui lui ont légué un patrimoine culturel immobilier riche et varié. Cette richesse patrimoniale fait la fierté de ce pays2. Certaines de ces constructions coloniales ont défié le temps et sont encore visibles de nos jours. L'inventaire de celles-ci va faire l'objet du prochain chapitre.

2 Yves Aurélien Kana Donfack, "Evolution de l'habitat traditionnel en Afrique Exemple de la province de l'Ouest au Cameroun", Dipl.-Ing.,Stadt- und Regionalplaner, Berlin 2011, 15 September 2009, p.168.

1 Dschang étant une ville camerounaise

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DEUXIEME CHAPITRE:

INVENTAIRE DE QUELQUES VESTIGES COLONIAUX A USAGE POLITICO -ADMINISTRATIF ET ECONOMIQUE DANS LA VILLE DE DSCHANG

Introduction

Les infrastructures coloniales ont été l'oeuvre commune des administrateurs coloniaux et des populations locales, chaque partie ayant joué un rôle particulier dans leur réalisation. L'utilisation de ces constructions était pourtant prioritairement réservée aux Européens. Surtout quand on les regarde sous l'angle des services que devaient offrir celles-ci. C'est progressivement que les indigènes (surtout au lendemain des années 1960) vont aussi bénéficier des bienfaits de ces constructions qui sont aussi nombreuses que diverses. Les vestiges coloniaux à caractère économique et politico-administratif pourraient être les plus importants si l'on se réfère aux motivations même qui soutendaient l'entreprise coloniale.

La question à laquelle nous allons répondre dans ce chapitre est la suivante : Quels sont les vestiges coloniaux à usage politique, administratif et économique encore visibles de nos jours dans la ville de Dschang ?

Pour y parvenir, nous allons les regrouper en deux rubriques à savoir les vestiges coloniaux à usage politico-administratif et les vestiges coloniaux à caractère économique. L'objectif ici étant de faire une description et un aperçu historique de chaque infrastructure.

2 ARO 1A83/0 Dschang (préfecture), plan de construction de la préfecture de Dschang

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I. LES VESTIGES COLONIAUX A USAGE POLITICO-ADMINISTRATIF

Nous entendons par vestiges coloniaux à usage politico-administratif, l'ensemble des constructions faites sous l'instigation des administrateurs coloniaux et qui devaient permettre à ceux-ci de mieux gouverner et de maintenir la paix dans leur territoire de commandement. Les africains étant doublement des victimes1 parce que constituant un réservoir important de main d'oeuvre et étant les seuls responsables en ce qui concerne l'entretien et le suivi. Il s'agit des résidences, des bureaux des services publics, de la prison, de l'Aviation, de la station météo etc.

1. La résidence et le lieu de service du Chef de région

Propriétaire : Etat du Cameroun (MINUIT)

Type de bâtiment : Administration et Commandement Année d'exécution : 1907 et réaménagé à partir de 1927 Matériaux : Bois, ciment, briquettes, tôles, fer, vitres Nombre de niveaux : Rez-de-chaussée

Nombre de bâtiments : 02

Le lieu de service du Chef de région (l'actuelle sous-préfecture) est un corps de bâtiment rectangulaire comportant en son centre une véranda dont l'auvent est soutenu par des pylônes en béton. Les deux extrémités du bâtiment sont en demi-cercle. Le projet d'aménagement d'après indépendance (voir annexe n°5) qui augmentait la superficie du joyau à 80.60m2, était conçu le 17 février 1966 pour être réalisé à la valeur approximative de 1 600 000 francs2. une allée ouverte longe le bâtiment, elle est ouverte comme une galerie ou bien comme un passage piétonnier. La véranda est circulaire et comporte de larges et hautes ouvertures verticales. Les bureaux sont grands (Signe de confort et de désir de ventilation). Les murs sont hauts.

1 Entretien avec Jacques Tiofack le 24 mars 2014 à Dschang

Quant à la résidence du Chef de région, aujourd'hui résidence du préfet de la Menoua, elle aussi est de forme rectangulaire, sans pylônes en béton, les fenêtres sont

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Photo 4: Fort allemand de Dschang construit en 1907 (a g.) et la résidence du
Chef de région (à d.)

Source : Archives privées R. Poundé, Dschang

La 1ere photo est Le fort allemand, cette construction est solide, vu le matériau utilisé (briquettes). La seconde photo a été progressivement le lieu de service du Chef de district allemand, ensuite du Chef de la circonscription, puis du Chef de région et enfin du préfet.

Photo 5: La sous-préfecture actuelle (a g.), et la résidence du préfet (à d.)

Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014, Dschang

On remarque qu'il y a un ajout bien visible sur la photo n° 1, celui de l'auvent désormais aligné sur le 1er auvent fait en arc de cercle à l'origine. La dernière photo est la résidence de ceux qui, à chaque fois, occupaient le bâtiment représenté sur la photo n°1. Ces trois bâtiments sont

l'oeuvre des Allemands et ont été remis en forme par les Français et l'administration postcoloniale.

Les tôles en aluminium ont une couverture en formes complexes (arrondies à plusieurs pentes et à deux pentes rectangulaires).

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assez larges pour une bonne ventilation, les tôles en aluminium forment une toiture assez brute.

Le bâtiment comme la dépendance principale est de forme rectangulaire. Les deux sont liés par une muraille bétonnée. Le bâtiment principal est une construction allemande et les matériaux de construction utilisés sont des briques de terre cuite. Une profonde véranda, couverte par les tôles en aluminium, longe le long de la façade principale. La toiture se présente en plusieurs formes géométriques sur trois flancs donc à l'avant, une excroissance de forme conique (souci d'allier à l'architecture européenne l'architecture traditionnelle). Une fenêtre qui semble aérer le plafond, une excroissance à quatre faces. L'ensemble des toitures a été exécuté en quatre faces raides. Les portes sont hautes et larges, les fenêtres à l'horizontale grandes avec un battant en bois et un double battant vitré. De toute évidence, les tôles datent de l'époque coloniale à l'exception de celles qui recouvrent la véranda. Celle-ci est protégée par un demi-mur surmonté de barres de fer. Elle est accessible par un large escalier de plusieurs marches. L'ensemble de l'immeuble repose sur une fondation en pierre surélevée de prés de 30 à 50 cm du sol ferme.

Lieu de commandement depuis la première conquête allemande. L'actuel lieu de service du Sous-préfet a été tour à tour, lieu de service du Chef du Bezirk (19071914), du Chef de la circonscription, du Chef de région et du préfet du département. La véranda servait de tribune officielle lors des cérémonies et manifestations publiques marquant les fêtes de la métropole qui se célébraient aussi dans les colonies (fête du 14 juillet par exemple). Aussi, cette infrastructure aura fortement marquée les esprits pour avoir abriter les réunions ayant eu des conséquences sur le plan international. A titre illustratif, c'est dans ce lieu1 que le 23 aout 1920, les Délégués de la France, M. Fournier, et de la Grande Bretagne, M. Dondass se rencontrent pour déterminer la nouvelle frontière entre le Cameroun français et le Cameroun britannique.

1 Entretien avec René Poundé le 12 février 2014 à son domicile

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De sources concordantes, Ce bâtiment fait partie du fort construit par les Allemands lors de leur installation à Dschang en 19121. Il a été épargné de la destruction par les forces alliées française et britannique et a subi visiblement des ajouts successifs, comme la véranda en 1963 (voir le projet d'aménagement de ce bâtiment en annexe n°6). Maurice Delauney, le plus redoutable des Chefs de région Bamiléké, a occupé ces locaux de juin 1956 à décembre 1958 dans le but de casser la rébellion en région Bamiléké2.

La résidence actuelle du préfet a de tout temps été le lieu d'habitation de la plus haute autorité vivant dans la ville. Elle appartenait au Chef de district (Bezirk) allemand de 1907 à 1914, au "District Officer" anglais3 de 1915 à 1921. Sous administration française, elle était réservée au Chef de Circonscription de Dschang de 1921 à 1934 et au Chef de la région bamiléké de 1934 à 1960. Enfin au Préfet depuis les indépendances.

Rappelons que la majorité des bâtiments allemands se trouvait dans le fort. Comme le souligne avec justesse Lemegne : « on y remarque un ensemble de cases aux toits couverts de nattes, le tout logé dans une barrière en béton. Ce qui marque un souci de sécurité dans cette période où les populations manifestent de temps en temps leur hostilité à l'égard des hommes qu'ils considèrent comme des assaillants.4».

Ces bâtiments sont régulièrement entretenus parce qu'ils continuent à faire office d'édifice publics fonctionnels. Les tôles sont visiblement attaquées par la rouillle.

1 Entretien avec Jeannette Manelie le 04 avril 2014 à son domicile à Keleng.

2 Thomas Deltombe et al. Kamerun ! Une guerre cachée aux origines...p234.

3 Jean Marie Tchinda, « Grandeur, décadence et renaissance...p.34

4 Lemegne, « La Mission Catholique Sacré-Coeur de Dschang : 1910-1990 », Mémoire de DIPES II en Histoire, ENS Université de Yaoundé I, 2002-2003, p.10.

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2. Le Palais de justice

Propriétaire : Etat du Cameroun (MINUIT)

Type de bâtiment : Administratif

Exécutant : non connu

Année d'exécution : vers 1953-1955

Matériaux : Tuiles en argile ; bois ; béton ; ciment ; vitres ; pierres.

Nombre de niveaux : rez-de-chaussée

Nombre de bâtiment : 01 en forme de T

Photo 6: Le palais de justice construit vers 1955

Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014, Dschang

Ce bâtiment, en forme d'un (T) avec des portes et fenêtres en bois, vitrées et larges, le toit en tuile : caractéristiques de l'architecture française, a été construit dans les années 50 et a d'abord servi comme le Tribunal de Grande Instance.

La fondation a été faite en pierre. Ce palais a servi successivement de cour d'appel et de tribune coutumière. Il est construit en forme de (T) ou croix aux toitures en tuiles. Chaque aile a une toiture en trois pentes qui se rejoignent pour former l'unicité à la base de chaque charpente de toiture. A l'endroit de la partie comportant la salle d'audiences, il y a une forme arrondie; les grilles de fer aux fenêtres en bois sont certainement un ajout.

La partie verticale du bâtiment qui abrite les bureaux a, en son milieu, une esplanade-véranda ouverte au public. La salle des audiences jouxte à équidistance les deux ailes du bâtiment pour former un bloc compact. Il comporte à son alentour une

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véranda donc la soupente est soutenue par des colonnades en béton. Les portes en bois sont larges et s'ouvrent sur des escaliers elles-aussi larges de forme semi-circulaire. L'entrée principale (il y a environ 4 entrées) de la salle d'audiences est ornée de part et d'autre de deux piliers de bois sculptés d'une hauteur d'environ 2m.

Ce bâtiment construit dans les années 1953-1955 répond à la nécessité de doter la ville de Dschang et la région Bamiléké d'un lieu de travail servant aussi de Tribunal de Première Instance (après transformation de la justice de paix en tribunal), de Grande Instance, de Tribunal Coutumier et de cour d'appel. Il a même servit de cour criminelle. Le dernier magistrat de haut grade de l'époque coloniale officiant en ce lieu juste avant les indépendances, était antillais1. La cour d'appel a été transférée dans les années 1961 à Bafoussam. Cette infrastructure a accueilli un nombre important d'homme de justice à l'instar de François Mitterrand qui deviendra plus tard Président de la République française2.

3. Gendarmerie nationale

Propriétaire : Etat du Cameroun (MINUIT)

Type de bâtiment : Administratif

Exécutant : non connu

Année d'exécution : vers 1949

Matériaux : aluminium ; bois ; agglos en béton ; ciment ; vitres ; pierres.

Nombre de niveaux : rez-de-chaussée

Nombre de bâtiment : 01

1 Entretien avec René Poundé le 12 février 2014 à son domicile

2 Entretien avec Jean Claude Tchouankap, le 14 mai 2014 à son domicile.

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Photo 7: Façade avant du Bâtiment principal de la gendarmerie

Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014, Dschang

On peut voir sur cette photo l'imposant bâtiment de la Gendarmerie, signe de son importance pour le maintien de la paix pendant la colonisation et surtout pendant les moments troubles de la revendication d'indépendance.

Photo 8 : Façade arrière Bâtiment principal de la gendarmerie

Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014, Dschang

Sur cette photo, on peut observer, au milieu, le clocher qui permettait de regrouper les commandos à partir d'un signal.

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Photo 9 : Le quartier des fonctionnaires gendarmes

Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014, Dschang

le quartier des fonctionnaires gendarmes, construit au voisinage de leur lieu de service, les permet d'être disponible permanemment.

Dans son Mémoire de Maîtrise, Michel Simeu Kamdem remarque que le siège de la Gendarmerie a été créé à Dschang à partir de 19491. Cette correspondance du 04 juin 1949 du Capitaine Bocchino, qui était à l'époque Commandant du détachement de la Gendarmerie du Cameroun, de la police et la garde camerounaises à Monsieur le Chef de la région bamiléké à Dschang, le confirme :

..j'ai l'honneur de vous demander l'attribution au détachement de gendarmerie et la garde camerounaise des locaux et terrains suivants :

1. Local de la subdivision actuelle qui sera destiné au bureau de la brigade

2. Le terrain situé entre la subdivision actuelle et la route de la mission et sur une longueur de 200 m.

Ce terrain serait destiné à recevoir les deux logements des gendarmes, le tout (bureau de brigade et logement) formeraient ainsi avec à proximité le camp des gardes, le centre des forces de maintien de l'ordre2.

C'est donc certainement à partir des années 1950 que l'escadron blindé appelé Gendarmerie de nos jours est construite à Dschang, car elle devait être financée par les fonds FIDES, votés par la France à partir de 1947 pour la mise en valeur des colonies (voir en annexe n°3 la carte du terrain attribué à la gendarmerie nationale par arrêté n°4014 du 7 aout 1953). Cette structure était le lieu à partir duquel l'ordre partait en direction des commandos. Le clocher est ce qui permettait à Kenzel, un des

1 Michel Simeu Kamdem, « La ville de Dschang, Etude..p.25.

2 ARO 1AC 172/0 PV Gendarmerie, Accidents et altercation, juin 1949

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Chefs de la subdivision de Dschang, de regrouper l'armée à partir d'un signal1. Cet escadron blindé a joué un rôle très déterminant dans la cassure du mouvement nationaliste camerounais dans la région Bamiléké à la fin des années 1950 et pendant les années 60, années dites de maquis2. D'ailleurs, le 12 novembre 1957, face à la multitude des attaques, P. Messmer réquisitionne deux compagnies d'un bataillon d'infanterie de marine pour le pays Bamiléké et renforce l'escadron de gendarmerie de Dschang dirigé par Georges Maîtrier jusqu'en 1958 suivi de Gabriel ITaulin.3

Titus Ebanda Menduga nous fait remarquer que : « La mobilité des agents de l'Etat étant une règle fondamentale, la décision fut prise, pendant la tutelle française, de créer des camps de fonctionnaires de manière à offrir à tout agent affecté sur le territoire national une habitation pour lui et sa famille4»

Tel que vu sur les photos ci-dessus, ces logements concentrés permettaient de loger les fonctionnaires pour que ceux-ci soient plus proches de leur lieu de service. Cette manière de faire témoigne de la volonté de l'administration coloniale de mettre à la disposition du fonctionnaire tout ce dont il a besoin pour s'épanouir afin de produire de bons rendements. Cette information est justifiable à l'hôpital de Dschang, à la Station de Quinquina, à l'Aviation, au centre administratif...

4. Le Commissariat central

Propriétaire : Etat du Cameroun (MINUIT)

Type de bâtiment : Administratif

Exécutant : non connu

Année d'exécution : vers 1947

Matériaux : aluminium ; bois ; agglos en béton ; ciment ; vitres ; pierres.

Nombre de niveaux : rez-de-chaussée

1 Entretien avec Norbert Yefoue le 17 juin 2014 à son domicile.

2 Entretien avec René Poundé le 12 février 2014 à son domicile.

3 Thomas Deltombe et al, Kamerun ! Une guerre cachée aux...p236.

4 Titus Ebanda Menduga « Construction en terre de l'époque allemande à nos jours, survol des expériences camerounaises depuis le 19e siècle », in Wolfgang Lauber (ed), Architecture allemande au Cameroun 1884-1914, Stuttgart, Edition Karl Krämer, 1988, p148.

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Nombre de bâtiment : 01

Photo 10: Le Commissariat central de Dschang

Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014, Dschang

Cet imposant bâtiment abritant le Commissariat central de Dschang joue un rôle considérable dans le maintien de la paix et la sécurité dans la ville. On peut observer sur cette photo, un nombre important d'engins leur permettant d'assurer ce rôle.

La fondation rectangulaire et en pierre est assez élevée. L'entrée principale est constituée par un long couloir fait en béton armé. Les fenêtres en bois ne sont pas très larges. La toiture en aluminium est à quatre pentes.

Photo 11: Une séance de jugement dans l'ancien palais de justice
aujourd'hui Commissariat central

Source : Archives privées R. Poundé, Dschang

On peut remarquer sur la photo une séance de jugement à l'intérieur de l'actuel commissariat qui fut d'abord le palais de justice. On se rend compte que c'est un indigène qui est interrogé. Le fond de cette salle a été fragmenté en différents bureaux du commissariat.

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Ce bâtiment, dès sa construction, a d'abord servi comme palais de justice avant de devenir commissariat. Il était désigné à cette époque Tribunal de paix. « Etant le palais de justice, il n'y avait pas de chambre à l'intérieur, c'est plus tard qu'on l'a fractionné en faisant ressortir les bureaux, le transformant ainsi en commissariat central1 » déclare Fodje Luc.

5. L'Aviation de Dschang

Propriétaire : Etat du Cameroun (MINUIT)

Type de bâtiment : Administratif

Exécutant : non connu

Année d'exécution : vers 1950

Matériaux : aluminium ; bois ; agglos en béton ; ciment ; vitres ; pierres.

Nombre de niveaux : rez-de-chaussée

Nombre de bâtiment : 01 et une tour

Etat : non fonctionnel

Les infrastructures de l'Aviation de Dschang peuvent être regroupées en trois catégories. La première est la tour de contrôle qui, construite sur environ deux mètres carrés, avait au dessus d'elle une girouette qui indiquait la direction du vent et une étoffe flottante à couleur vive, visible par le pilote en plein vol. Celle-ci permettait aux responsables de guider les avions qui décollaient ou qui atterrissaient2. Elle a été faite en béton avec de longs escaliers qui contournent deux côtés du bâtiment et permettent d'arriver au-dessus, car celui-ci est en étage. Cette tour comporte deux portes et trois fenêtres toutes faites en bois. Elle est placée à côté de la piste d'atterrissage, laquelle piste, assez large, s'allonge vers le quartier Keleng. Elle est juste à quelques mètres du Campus A de l'Université de Dschang. Cette piste sert actuellement d'espace de formation pratique pour les établissements de conduite automobile dans la ville.

1 Entretien avec Luc Fodje le 18 mars 2014 à son domicile.

2 Entretien avec Etienne Gouné, le 02 Juin 2014 à son domicile à Foto

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Photo 12: La piste d'atterrissage de l'Aviation de Dschang

Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014, Dschang

Sur cette photo, la tour se trouve à l'extrême droite et le reste est la piste d'atterrissage des avions qui s'allonge vers le quartier Keleng. Cette piste sert actuellement d'entrainement pour les établissements de conduite automobile.

Photo 13: La tour de contrôle

Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014, Dschang

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Photo 14: La résidence du Chef de l'Aviation

Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014, Dschang

Depuis l'arrêt du fonctionnement de cette infrastructure de transport, on peut constater sur ces photos que les bâtiments sont en détérioration avancée surtout la résidence du Chef de l'Aviation

Photo 15: Le quartier des fonctionnaires de l'Aviation de Dschang

Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014, Dschang

Dans ce quartier des fonctionnaires vivent les particuliers à l'intérieur. ce sont les qui

La seconde est la résidence du Chef de l'Aviation placée à environ huit mètres de la tour. Elle est modeste et a été certainement fait en briques de terre avant d'être crépie. Elle a quatre chambres et un salon assez spacieux. La toiture a deux pentes. Il y a une chambre dehors collée sur le batiment principal. Les portes et les fenêtres ont des cadres en bois et en vitres.Enfin, nous avons le quartier des fonctionnaires travaillant à l'Aviation, situé en bas de la tour.

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Il est apparu dès 1950 que l'équipement d'un certain nombre d'aérodromes du Cameroun permettrait de remédier provisoirement à l'insuffisance du réseau routier, d'exécution plus longue et plus onéreuse. Le document de la direction des travaux publics et des transports1 fait un classement des aérodromes en trois catégories. D'abord, la première catégorie est appelée "aérodrome principal" ou "primaire" qui est destiné à recevoir en toute saison des aéronefs. Les exemples sont Yaoundé, Garoua, Kribi etc. Ensuite, la seconde catégorie se nomme "aérodrome secondaire" dont les caractéristiques permettent l'accès d'appareils de la première catégorie à certains moments de l'année avec quelques restrictions (portance du sol, protection radio). Kaelé, Yagoua et Bertoua en sont quelques exemples. Et les "aérodromes tertiaires" constituent la dernière catégorie et sont utilisables comme terrain de secours en cas de panne ou d'accident, permettant ainsi la récupération des appareils.

D'après cette classification, l'Aviation de Dschang n'est mentionnée nulle part. Cependant, Ombotte Arlette affirme que Dschang fait partie des 13 aéroports nationaux que compte le Cameroun pouvant accueillir des HS 7482.

Utilisée au départ par les Européens, l'Aviation de Dschang était un moyen très important pour les touristes blancs qui venaient pour séjourner au Centre Climatique chaque semaine3.

6. La prison de Dschang

Propriétaire : Etat du Cameroun (MINUH) Type de bâtiment : Administratif Exécutant : non connu

1 Direction des travaux publics et des transports, Tour d'horizon travaux publics, septembre 1955, p.115-116.

2 Arlette véronique Ombotte « Tourisme et sauvegarde de l'environnement socioculturel camerounais », Diplôme supérieur en Tourisme, Institut supérieur international du tourisme de Tanger, 1999-2001, p.58.

3 Entretien avec Louis Ngadjeu le 15 mars 2014 au Marché "A" de Dschang.

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Année d'exécution : vers 1947

Matériaux : aluminium ; bois ; agglos en béton ; ciment ; pierres. Nombre de niveaux : rez-de-chaussée

Nombre de bâtiment : 01

Photo 16: La prison de Dschang vue de face a g. et vue de dessus a d. Vue de face

Vue de dessus

Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014, Dschang

La face principale est faite en briques cuites, preuve que c'est une construction allemande et l'autre photo montre plutôt des briques de terre, signe que le bâtiment a connu plusieurs réaménagements depuis sa création jusqu'à présent pour essayer de contenir les prisonniers.

Construite par les Allemands, la prison de Dschang a connu des modifications en vue de l'augmentation des cellules pendant la période française. Le rapport du 4e trimestre de 1926 sur les bâtiments nous fait savoir que « la maçonnerie et la couverture de la prison sont achevées, mais il y a manque de tôles faîtières (100

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unités) et de ciment (20 barils) pour achever le bâtiment1 ». Ces travaux se sont achevés en 1927 et actuellement cette prison est étouffante pour les prisonniers ; car à l'origine, elle était conçue pour le petit nombre de prisonniers de cette époque. Le nombre a doublé, voire triplé maintenant2. Cette situation se confirme d'ailleurs par Edmond Rostand Nsheuko qui écrit dans son mémoire de Maîtrise que :

la prison principale de Dschang a un aspect caractéristique des maisons héritées de la colonisation. Elle présente un état de délabrement avancé. La population carcérale assez élevée de cette prison pose un problème assez sérieux face à la vétusté et à l'insuffisance des bâtiments et des équipements. C'est ainsi que les détenus entassés par dizaines dans les cellules, sont parfois obligés de se serrer dans des lits de qualité déplorable ou de dormir à même le sol... La prison principale de Dschang compte environ 300 détenus pour près d'une quinzaine de gardiens... le bâtiment d'extension de la prison, construit il y a une quinzaine d'années, sert actuellement de quartier pour les mineurs. Mais ces derniers dont le nombre dépasse difficilement une dizaine passent, la plus grande partie de leurs journées avec les adultes.3

Cette citation fait aussi ressortir qu'il y a eu l'extension de la prison il y a une quinzaine d'années. Ceci témoigne de la volonté de l'administration actuelle de mettre les prisonniers dans de bonnes conditions, mais nous pouvons dire que, jusqu'à présent, ces efforts sont insuffisants.

Sous l'occupation allemande, les prisonniers, à leur libération, devaient rembourser les frais consentis par l'Etat pour leur entretien. Celui qui ne pouvait pas payer en espèces avait la possibilité, soit de s'engager dans les plantations européennes pour payer, soit d'apporter des vivres d'une valeur équivalente à la somme due4.

Les photos de la prison vues plus haut montrent qu'effectivement il y a eu beaucoup d'aménagements de celle-ci à travers les différences au niveau des murs, tantôt en briques cuites, tantôt crépis, tantôt en briques de terre. A titre illustratif, voici le contenu d'une correspondance datant du 20 juillet 1956 du Chef de la

1 ARO 1AC 74/0 Rapport Trimestriel, 4e trimestre, Tableau 7, 1926.

2 Entretien avec Louis Ngadjeu le 15 mars 2014 au marché "A" de Dschang

3 Edmond Rostand Nsheuko, « L'influence du milieu criminogène sur la personnalité du délinquant: L'exemple de la ville de Dschang », Maitrise en droit et carrières judiciaires, Université de Dschang, 1998, in www.Memoireonline.com, consulté le 12 Mars 2014 à 15h

4 Monique Guimfacq, Foto, Un grand royaume...p.76.

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Subdivision de Dschang au Chef de la Région Bamiléké au sujet de l'allocation de crédits pour l'emménagement de la prison de Dschang :

Les incidents qui ont eu lieu le mois dernier à la prison de Dschang ont mis en évidence l'insuffisance des aménagements de cette prison au cours de ces incidents. Les prisonniers, profitant de ce que la cuisine se trouve à l'intérieur de la prison . . .ont pu s'emparant des instruments de cuisine et du bois de chauffage, se rendre maîtres de la prison. . .et sortir librement. . .la sécurité de la prison ne sera assurée que lorsqu'on aura transféré à l'extérieur la cuisine et le parloir, électrifié les locaux et clos la prison. Ces aménagements augmenteraient du même coup la capacité de la prison qui, conçue pour loger 100

prisonniers, en abrite en permanence de 150 à 180. Les crédits nécessaires seraient de 500 000 Francs1.

Donc, ancienne maison d'arrêt construite par les Allemands, la prison de Dschang prend le nom de prison civile de Dschang en 1927, année officielle de sa transformation par l'administration française2. Cette prison n'arrivait plus à contenir tous les prisonniers à cause de la situation politique délétère. En effet, en juin 1958, elle comptait trois cents « terroristes » qui attendaient encore leur jugement3.

7. La station météo

Propriétaire : Etat du Cameroun (MINUH)

Type de bâtiment : Administratif

Exécutant : non connu

Année d'exécution : vers 1950

Matériaux : aluminium ; bois ; béton ; ciment ; pierres.

Nombre de niveaux : rez-de-chaussée

Nombre de bâtiment : 02

1 Archives de la Préfecture de la Menoua

2 Guy Roger Voufo, « Les pouvoirs publics camerounais et la santé des détenus ; le cas des prisons de Dschang et de Mantoum 1960-1992 », Mémoire de Master en Histoire, Université de Dschang, 2009-2010, p.25.

3 Thomas Deltombe et al, Kamerun ! Une guerre cachée aux...p238.

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Photo 17: La résidence du Chef de la station météo La résidence du Chef de la station météo

Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014, Dschang

Photo 18 : Un des éléments qui se trouve dans la station météo

Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014, Dschang

On peut observer ici, les différentes installations sur le toit du bâtiment (photo à gauche) et sur la photo à droite qui permettaient de connaitre la météorologie qui règne dans la ville de Dschang.

La station météo est située en face du stade du CENAJES. Sur le site se trouvent, deux maisons. La première, plus grande, est certainement le logement et la plus petite le magasin. Dans la cour de ces deux maisons se trouve l'atelier à partir duquel les observations sont faites1. C'est certainement à partir de cette station

1 Entretien avec Etienne Gouné, le 02 Juin 2014 à son domicile à Foto

1 Direction des travaux publics et des transports, Tour d'horizon travaux publics, Septembre 1955, p.182.

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qu'on a donné le nom de l'hôtel place de la Météo qui se trouve juste en bas de cette station.

La station météo a été construite dans les années 1950. Elle permettait à l'administration d'étudier la pluviométrie et les conditions thermiques. Afin de pouvoir maîtriser les saisons et au delà réussir la mise en valeur des terres de la circonscription administrative de Dschang. D'autre part, elle permettait de réussir l'utilisation de l'espace atmosphérique ou aérien de Dschang. D'après le document de la direction des travaux publics et des transports, « C'est un type de station d'observation au sol, comprenant logements, dépendances, magasin, a été réceptionnée le 25 janvier 1956, exécuté par l'entreprise Jalabert aux coûts de deux millions de francs1».

Elle est actuellement entretenue, du moins les maisons d'habitation du responsable de cette structure. Seulement, l'atelier de travail depuis les indépendances n'a pas, apparemment jusqu'à présent, été rénové. On a presque toujours les mêmes appareils.

Force est de constater que les vestiges coloniaux à usage politico-administratif sont assez nombreux dans la ville de Dschang. La plupart est dans un état de détérioration avancé. A côté de ces vestiges à usage politico-administratif, il existe une autre catégorie de vestiges que nous nommons vestiges coloniaux à usage économique.

II. LES VESTIGES COLONIAUX A USAGE ECONOMIQUE

Les vestiges coloniaux à usage économique sont ceux qui ont joué un rôle on ne peut plus important dans la vie économique de la ville de Dschang pendant la colonisation et même après les indépendances. L'objectif étant d'assurer l'exploitation des populations indigènes à travers le pillage de leurs ressources. Nous allons traiter ici tour à tour de la régie de production d'électricité, de la station quinquina, de l'Usine de café, etc.

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1. La régie de production d'électricité

Selon le Grand Usuel Larousse, la régie est un mode de gestion d'un service public, on en distingue deux types à savoir la régie directe (assurée exclusivement par des agents nommés par l'autorité) et la régie intéressée (assurée par une personne physique ou morale n'en supportant pas les risques mais intéressée au résultat de l'exploitation)1. Traiter de la régie de production d'électricité de Dschang revient à décrire une chaine composée de trois éléments essentiels à savoir le lac municipal donc le Musée des civilisations du Cameroun a été construit sur ses berges, le barrage de retenue d'eau situé derrière la prison de Dschang et alimenté par le lac municipal et enfin la régie elle-même située en contrebas en allant vers le marché "tsengfem". Cette régie est l'installation à partir d'où l'énergie électrique est distribuée dans la ville.

Photo 19: Barrage de retenue d'eau situé derrière la prison de Dschang

Source : Archives privées R. Poundé, Dschang Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014, Dschang

Ce barrage, tel que vu sur la photo n°2 ne sert plus à rien et a donc été envahie par les herbes. Certainement parce que les objets solides ont bouché les tuyaux qui faisaient passer de l'eau sous le barrage et aussi parce que la turbine a été enlevée.

Le lac municipal de Dschang est encadré par deux axes routiers : la route principale Dschang-Bafoussam entièrement bitumée et celle reliant Dschang à Fokoué encore en terre. Il s'agit d'un lac artificiel dont l'utilisation et la gestion sont

1 Grand Usuel Larousse, Dictionnaire encyclopédique, Paris, Larousse, Vol 5, p.6240.

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passées par plusieurs étapes1. Ce lac se caractérise ainsi qu'il suit : Sa superficie est estimée à 13.5 hectares, sa profondeur d'environ 5 m et son débit est évalué à environ 154 litres par seconde2.

Il existait à Dschang un petit barrage remis en état en 1940 et alimentant une turbine de 35 kW. Selon le rapport de présentation (voir ce rapport en annexe n°8) relatif au marché avec la société Meunier et Cie pour l'exécution des travaux d'électrification de la ville de Dschang signé par le Directeur des travaux publics et des transports le 14 décembre 1949, le projet d'électrification (construction d'une centrale électrique et d'un réseau de distribution publique d'électricité à Dschang) devait couter 33 322 974 franc CFA imputable au budget spécial du plan3. Le barrage a connu effectivement des aménagements en 1950 comme l'atteste cette correspondance du Directeur des travaux publics datant du 19 juillet 1950 au Préfet :

je vous remercie d'être intervenu près de l'entreprise chargée de l'installation du réseau de distribution électrique de Dschang. Les différents réseaux du territoire étant du 110-220 v permettraient aux usagers de conserver leurs installations ménagères...le plan général du réseau date de deux ans. Il est nécessaire d'y ajouter le circuit de basse tension qui desservira les nouveaux logements et le centre d'éducation physique en construction4

Par arrêté n°124 du 28 janvier 1954, l'exploitation de l'électricité de Dschang a été confiée en régie directe au service des travaux publics ; alors que le prix de revient du kilowatt se situait entre 9 et 10 francs5.

Selon le document de direction des travaux publics et des transports6 de septembre 1955, les installations réalisées cette année comprenaient une centrale hydroélectrique sous 68 m de chute, équipée de deux turbines de 165 KVA chacune, dont 260 kw de puissance totale installée et un réseau de distribution constitué par :

1 Julien Etoundi Elomo, « le bassin-versant du lac municipal de Dschang : atouts et contraintes d'aménagement touristique », Mémoire DIPES II en Géographie, ENS Yaoundé, 2001, p 56.

2 Ibid. p.56.

3Archives de la préfecture de Dschang

4 AC 266/0, préfecture de Dschang, correspondance du 19 juillet 1950

5 Direction des travaux publics et des transports, tour d'horizon travaux publics, septembre 1955, p.102.

6 Ibid. p.102.

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- Réseau haute tension....3.5 km - Réseau basse tension....8.5 km - Trois postes de transformation

p

Photo 20: Régie de production d'électricité

Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014, Dschang

Les installations et des poteaux électriques qui sont tout autour de ce bâtiment témoignent de son rôle actuel dans la distribution de l'énergie électrique à Dschang.

Cette centrale ne fonctionnait pas sans difficultés, un certain nombre de problèmes techniques se posaient notamment au niveau de la distribution et à celui de la production.

Au niveau de la distribution, la puissance de distribution avait atteint 100 kw et risquait de croître rapidement avec l'extension du réseau, d'une part sur la route de N'kongsamba ; et d'autre part vers la mission catholique.

Quant à la production, le même document1 affirme que par suite d'une sécheresse prolongée en février-mars dernier, la "Dschang water" alimentant la centrale, en a fait un débit d'étiage (110 litres par seconde) inférieur à celui ayant servi de base aux études (120 litres par seconde).

Le lac municipal de Dschang aurait été crée en 1953 par la "compagnie française d'électricité" pour pallier à ce problème. Il était alors destiné à la production de l'énergie hydroélectrique pouvant alimenter la ville. Au départ, seul un petit

1 Direction des travaux publics et des transports... p.102.

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barrage situé plus en bas faisait tourner deux turbines produisant ainsi l'énergie électrique pour la mini centrale de Dschang.

L'exercice 1954 qui ne portait que sur les onze derniers mois avait permis d'enregistrer les résultats suivants :

Energie produite : 139 941 kwh

Energie vendue : 103 102 kwh

Rendement du réseau : 73.5%

Puissance maximale de pointe : 82 kwh

Le compte d'exploitation était arrêté à 4 853 452 francs en recettes et 4 921924

francs en dépenses1 ; soit un déficit de 68 472 francs.

On constate que la quantité d'énergie vendue est inférieure à celle produite parce que certaines structures publiques ne payaient pas ou payaient moins cher leur consommation à l'instar du Centre Climatique, du Centre d'Education Physique...2

2. L'entrée du marché "A"

Propriétaire : Commune de Dschang

Usage : administratif/commercial / touristique

Site : Centre urbain de la ville

Exécutant : non connu

Année d'exécution : entre 1940 et 1950, mais a connu une importante

innovation et transformation entre 1950 et 1958

Matériaux utilisés : briquettes de terre cuite, béton, pierre, bois, tôles en

aluminium, bambou de raphia, chaume, chaux colorée, peinture à eau, vitre

Niveau : rez-de-chaussée

Nombre de bâtiments : c'est un corps de bâtiment en longueur comportant à l'origine deux espaces fermés et des stands d'exposition ouvertes face rue principale

1 Ibid. p.104.

2 Entretien avec René Poundé le 12 février 2014 à son domicile

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en forme de galerie et à son arrière, à l'origine, il y avait une esplanade qui aujourd'hui a été détruite et reconstruite en une multitude de boutiques.

Photo 21: L'entrée du marché "A" de Dschang

Source : Archives privées R. Poundé, Dschang

Des poteaux en bétons soutiennent les toits coniques faits en paille déposés sur un enchainement de Bambou attaché, très visible lors de la réfection (photo n°2). L'affluence des populations en ce lieu signifie que c'est un jour de marché (Photo n°1)

Le bâtiment est constitué en son centre de trois cases dont celle du milieu, circulaire est ouverte et tient lieu de porche d'entrée à l'image des porches d'entrée des Chefferies traditionnelles. Elle est construite sur des poteaux en béton sur lesquels repose un toit conique. Grâce à sa hauteur, elle domine les deux cases carrées fermées situées de part et d'autre d'elle. Ces dernières cases supportent aussi des toits coniques avec une toiture en chaume posée (pour, semble-t-il, des raisons de sécurité et de durabilité) sur de la toile en aluminium tressée de tiges de bambous-raphia. Ces trois cases dominent par la hauteur de leurs toits coniques, le reste de la structure. De part et d'autres de ces trois entrées s'allongent deux galeries fermées par un mur à leur arrière, aujourd'hui uniquement ouvertes à l'avant1 avec un toit en tôle ondulée soutenue à équidistance par des poteaux. Le toit vraisemblablement devait être à l'origine recouvert de chaume entrelacé dans un treble de bambous

1 La fermeture par un mur date de la période post-indépendante

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raphia posés sur la tôle1. Cette technique traditionnelle qui consiste à couvrir le toit par le chaume soigneusement tissée entre elle et les bambous était dans les années 50 l'oeuvre d'un certain Sonhafouo originaire de Bangang venu à Dschang spécialement pour ce travail.2 Les escaliers qui permettent de passer sous les trois toits coniques afin d'entrer dans le marché sont l'oeuvre de l'européen Marineau3.

La galerie est ouverte sur la rue et devaient servir de lieu d'exposition par les artistes et artisans d'art. Elle est prolongée aux deux extrémités par deux cases. L'une qui abrite les bureaux de l'office de tourisme de Dschang devait servir de bureaux au responsable le plus important du marché. En effet, non seulement elle contient un bureau que jouxte à l'intérieur une toilette mais, en plus, sa porte d'entrée monumentale, en bois dur était finement sculptée et il y avait une salle devant servir, soit de secrétariat, soit de hall d'attente. Hélas, lors de l'aménagement de ce bureau aux fins de servir d'office du tourisme4, comme par hérésie ou par ignorance, ce joyau, qui en lui-même était témoin chargé de l'histoire de l'artisanat et d'art d'au moins les cinquante dernières années à Dschang, a été enlevé et remplacé par une double porte en fer et la seconde vitrée. La seconde case, située à l'autre bout a longtemps servi d'atelier de création au défunt artiste plasticien Pop Namara5. Enfin, des artistes peintres ont transformé le mur arrière en espace où ils ont peints (ou écrits leur nom) en grandeur nature les personnages les plus en vue de la scène publique de Dschang à l'instar de M. Panka Paul.

Ce bâtiment probablement construit dans les années 1950 est symbolique en ce sens que son architecture même est calquée sur celle des porches des Chefferies traditionnelles bamiléké. Cette architecture qui symbolise la force, la puissance, la pérennité, l'union d'un peuple, est en même temps symbole de prestige, de richesse, mais aussi de sécurité et de justice6. L'administration coloniale ne s'y est pas trompée

1 Entretien avec Louis Ngadjeu le 15 mars 2014 au Marché « A » de Dschang

2 Entretien avec Mathias Koutio le 17 Juin 2014 à son domicile

3 Entretien avec Norbert Yefoue le 17 Juin 2014 à son domicile

4 Entretien avec René Poundé le 12 février 2014 à son domicile

5 Idem

6 Idem

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dans son désir de frapper l'imaginaire populaire, même si la visée de développement touristique n'était pas loin. De même, il s'est agit d'imposer ce lieu comme le véritable centre d'une cité urbaine en plein essor. Au plan stratégique, il ne faut pas oublier que ce fameux marché "A" était occupé par des maisons commerciales ou la succursale des maisons européennes qui avaient le monopole de la vente des produits manufacturés1. Face à cette entrée, autour de la place s'alignaient, les maisons commerciales, les banques, l'unique pharmacie de la cité, etc... Les commerçants locaux étaient au versant du marché "B" qui est la suite du marché indigène.

En choisissant ce symbole de la Chefferie comme entrée du marché, l'administration coloniale avait réussi à utiliser allègrement les représentations symboliques du pouvoir indigène pour marquer sa propre domination. La preuve se trouve dans le regard jeté sur la liste des produits vendus à cet endroit pendant la colonisation à savoir : produits manufacturés, charcuterie, lait, épicerie fine, produits maraîchers non consommés par les locaux, vins, etc2.

En observant ce bâtiment, on se rend compte qu'il a subi au fil des temps quelques transformations qui n'ont pas modifié profondément sa structure. Nous pensons ici au mur qui a été élevé à l'intérieur même de celui-ci. C'est aussi un exemple typique de mélange des architectures occidentale (française précisément) et traditionnelle Bamiléké.

3. Le Secteur de Modernisation des Cultures d'Altitude (SEMCA)

Ancien Jardin d'essais créé en 1908 par l'administration allemande, la Station expérimentale de Dschang s'était, après la Première Guerre Mondiale, orientée vers la caféiculture. Les nouveaux responsables avaient, en particulier, procédé à l'introduction de diverses espèces de Coffea : C. robusta, C. exselsa, C. dewevrei, C. liberica, etc., avec toutefois, une primauté accordée au Coffea arabica. Puis en 1928, avec les premières plantations, la station avait délibérément opté pour les arbres à

1 Entretien avec Joseph Lecoq Fouellefack le 15 mars 2014 dans son bureau

2 Entretien avec René Poundé le 12 février 2014 à son domicile

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quinquina et commencé leur sélection à grande échelle en 19341. L'arrêté du 21 mai 1942 en avait fait la Station expérimentale du quinquina, la production de la quinine antipaludéenne étant alors de première importance.

Après la Seconde Guerre Mondiale, l'ancien Jardin d'essais de Dschang2 s'agrandit encore, jusqu'à opérer en cinq pôles d'activités. Parmi ces derniers, ceux de Dschang et de Bansoa furent les plus importants. La Station de Dschang, stricto sensu, regroupant la direction-administration, le laboratoire, l'usine artisanale (qui s'arrête en 1953), des parcelles d'études, des plantations industrielles3. Les arbres à quinquina y couvrent environ 35 hectares en 1953.

La Station de Dschang reste dirigée après 1945 par Marcel Lagarde, son fondateur des années 1930. Secondé à partir de 1948 par Paul Biard, il anime une équipe de recherche constituée notamment par les ingénieurs Brunot et Pierre Thelu et les conducteurs Rolland et Lassalle. En 1953, par un arrêté n°6440 du 29 décembre, la Station du quinquina de Dschang (dont l'intérêt faiblit face à la montée des anti paludéens de synthèse) devient Station expérimentale de l'Ouest chargée des cultures d'altitude. Cette conversion s'accompagne d'une diversification des cultures étudiées : arbres à quinquina, théier, caféier d'Arabie, aleurites, pomme de terre, etc.

Le décret n°58-167 du 24 novembre 1958 (voir l'intégralité du décret en annexe n°10) portant réorganisation du SEMCA a procédé à l'africanisation de cette institution.

Après l'indépendance du Cameroun la gestion de la station sera confiée à l'IRAT en 1964, jusqu'à sa prise en charge par l'ONAREST, en 1974. Nous allons nous intéresser ici à deux principales constructions qui sont l'usine de la station de traitement de Quinquina et l'Usine à café.

1 René Tourte, Histoire de la recherche agricole en Afrique tropicale francophone, volume 6, De l'empire colonial à l'Afrique indépendante 1945 - 1960, Montpellier, Décembre 2011, p.237.

2 ANY 1AC 17624 Distribution quinine aux enfants européens 1955

3 René Tourte, Histoire de la recherche agricole... p.237.

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a. L'usine de la station de traitement du Quinquina

Ville : Dschang

Propriétaire : Etat du Cameroun (MINUIT)

Type de bâtiment : usine

Matériaux : béton, agglos en ciment, vitre, bois, tôles.

Nombre de niveaux : rez + 2 et une cave

Nombre de bâtiments compris : 01

Dimension : non connue

Photo 22: l'Usine de traitement du quinquina

Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014, Dschang

L'usine de traitement de Quinquina qui reste un peu en forme, malgré le fait qu'elle soit abandonnée, demeure l'unique preuve irréfutable de la production de quinquina en Région Bamiléké il y a une cinquantaine d'année.

L'usine du quinquina est composée d'une cave, d'un rez de chaussée, d'un premier étage de même longueur. Le deuxième étage occupe en longueur la moitié du bâtiment au sol. Deux toitures à deux pentes couvrent l'ensemble du bâtiment en forme d'escalier. Le matériau utilisé pour la couverture est la tôle. Au dernier étage, une porte surmontée d'une ouverture d'aération en frise de béton, deux fenêtres vitrées, quatre ouvertures frisées d'aération du premier étage accompagnent trois fenêtres vitrées et une espèce de porte fenêtre frisée. Au rez, quatre portes dont trois étaient certainement utilisées pour les besoins de livraison de matières premières et de sortie de produits finis et une à l'usage du personnel. Une rangée de fenêtres vitrées embellit le bâtiment. La partie de cet immeuble qui prolonge le rez et qui

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comporte un étage semble avoir été ajouté, certainement pour augmenter la capacité de production de l'usine par rapport à celle de 1953.

L'usine avait pour mission de faire des recherches scientifiques sur la culture du quinquina. Les travaux d'expérimentation et de vulgarisation devaient se faire sur une surface de quatre vingt hectares1.

Ce bâtiment a été construit en deux temps2. D'abord en 1945 pour la première partie, celle qui comporte un rez + 2 pour servir comme une usine artisanale de fabrication de sulfate de quinine avec une capacité de 400 kg de sels de quinquina. Cette usine fonctionnera jusqu'en 1955. La culture du quinquina étant entrée dans la phase industrielle proprement dite, l'extension du bâtiment de l'usine fut réalisée en 1955. Et en 1956, l'ensemble de l'unité ouvrit ses portes avec une capacité annuelle de production de 13,5 tonnes de sulfate de quinine. Ce joyau de l'époque ne fonctionnera que de 1956 à 1957 avec le rendement de 1500 kg de sulfate de quinine entièrement consommé au Cameroun. Il semble que la cause principale de la fermeture de l'usine est soit liée à l'apparition des produits synthétiques importés moins chers sur le marché.

La station d'essai de Dschang qui prend le nom de « station expérimentale de quinquina » est créée par arrêté N° 623 du 24 mai 1942 à Douala (en pleine guerre mondiale) par le Gouverneur du Cameroun français, M. Cournarie, qui abroge l'arrêté du 22 mars 1937 portant station agricole. Marcel Lagarde, ingénieur de première classe des travaux agricoles arrive à Dschang vers 1935. Et selon les termes de l'arrêté du 02 novembre 1939, il est nommé Chef de la région du Noun3.

Au total, un effectif de 20 à 35 personnels logés dans environ 23 cases. Lagarde part de Dschang en 1963. La structure est désormais divisée en trois stations : la SEMCA avec pour Chef M. Moukouri, la station quinquina avec pour Chef M. Ngounou Saddrack. La station de l'Institut de Recherche Agricole

1 Archives Départementales de la préfecture.

2 Ibid.

3 Entretien avec René Poundé le 12 février 2014 à son domicile

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Tropicale (IRAT). Des noms de Chefs tels MM. Picco, Dupez, Coste, Regnault, Rippere marqueront de manière indélébile la recherche, la vulgarisation et la production du quinquina et de la sulfate de quinquina à Dschang1.

Les cases des cadres indigènes au nombre de 23 ont été construites en 1926, puis réaménagées et restaurées en 1965, de même que la case n° 2 de M. Lagarde.

En 1944 seront construites 15 cases, entre 1947 et 1949, 03 cases en 1951, 01 case et le reste des 03 autres cases à l'époque contemporaine. A l'origine, la région agricole cède à la station expérimentale du quinquina un terrain d'environ 83 hectares dans lequel sont installés les immeubles suivants : habitations du directeur (1927) ; magasin hangar de la station (1927), plate forme à fumier (1931) ; ombrière à toit mobile (1934) ; bouverie (1927) ; bouverie couverte en nattes (1939) ; magasin hangar du jardin d'essai (1939) ; bureau laboratoire (1939).2

Pour permettre à la nouvelle station de fonctionner, la France allouera un crédit de 8 413 700 FCFA (pour achat du matériel mobilier et immobilier). Pour les matériaux, produits et fournitures consommables, une somme de 6 659 343 FCFA. Ces crédits ont été consommés en 1942 lors de la mise sur pied effective de la station quinquina.3

L'ex-région agricole cède à la station expérimentale un cheptel comprenant 42 bovidés qui seront augmentés de 12 veaux nés après cession, et de19 boeufs dressés servant aux attelages. Ce troupeau fournissait le fumier nécessaire aux plants de la station. Il sera crée en 1943 la station de Dschang avec une superficie de 30 hectares, et l'annexe de Bansoa d'une superficie de 126 hectares. Les plantations villageoises représentaient 216 hectares. La reprise de la culture du quinquina fut inscrite au deuxième plan quinquennal du Cameroun comme objectif prioritaire en 1965. Sous l'appellation « relance de la culture du quinquina », cette tentative de relance se fera grâce au financement octroyé par la France à la République du

1 Archives de l'IRAD de Dschang

2 Ibid.

3 Ibid.

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Cameroun à travers le protocole de financement N° 98004800 entre le Fonds d'aide de la coopération représenté par l'ambassadeur de la France au Cameroun et le gouvernement de la république du Cameroun. Au courant de la même année fut signée entre le Cameroun et un groupe financier européen, une convention portant création de la société quinquina du Cameroun « QUINICAM ». Le promoteur représentant le groupe financier n'honorera pas ses engagements et l'usine restera fermée.

L'usine de transformation de la quinine et des produits dérivés de l'écorce du quinquina local produit le sulfate de quinine qui entre dans la fabrication de produits de consommation courante comme le rhum, le martini, les Schweppes.

Un rapport de 1949 explique que l'extension des plantations de la station nécessite une usine de traitement de plus grande puissance que celle prévue à l'origine. Les crédits d'engagements actuellement de l'ordre de 19.5 millions et 5.6 millions sont consommés pour les bâtiments de la station (ateliers, bureaux, logements) et le matériel de réparation de l'atelier. Au sujet des 11 millions engagés pour les hangars et les bâtiments de l'usine, les dépenses déjà effectuées sont de l'ordre de 6.5 millions pour la construction d'un logement et d'un hangar1.

Sur 548 hectares cédés à Lagarde à Dschang en 1955, les bâtiments réservés à la garde des machines, le laboratoire, la chaudière, l'étable occupèrent quatre hectares sans omettre les étangs. Ces bâtiments sont aujourd'hui abandonnés à la merci des vandales de la ville2.

1 ANY 1AC 507/3 Production agricole,

2 Marie Chieufack, « L'administration coloniale française et les mutations sociales et économiques dans la région Bamileké entre 1919 et 1959 », Mémoire de DIPES 2 en Histoire, ENS Yaoundé, 2010-2011, pp.55-56.

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Photo 23: L'intérieur de l'usine de quinquina victime du vandalisme

Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014, Dschang

Les machines qui permettaient à l'usine de faire la transformation des écorces du quinquina en quinine, ont été victimes des actes de vandalisme de la part des populations.

Un groupe d'experts des géants pharmaceutiques Pechiney-Ugine Kuman a, en 1977-1978, réalisé une étude de faisabilité du projet de réouverture de l'usine1. Mais, l'usine est restée fermée et par la suite vandalisée, Faute de preneurs pour les écorces de leurs arbres, les paysans ont transformé la plante précieuse en bois de chauffage. Mêmes les autorités préfectorales n'ont pas été en reste dans le découragement du projet puisqu'on constate que les plantations d'expérimentation du centre urbain de Dschang ont été détruites et leurs terres distribuées ou vendues en lots à ceux qui voulaient construire des maisons d'habitation2. On constate qu'à la place des plantations de quinquina, poussent aujourd'hui comme des champignons, des constructions immobilières.

Les travaux, menés sous l'autorité de l'ingénieur des Services de l'agriculture Marcel Lagarde, avaient été complétés en 1938, à Dschang même, par des plantations de Cinchona Ledgeriana (quinquina jaune) aux écorces très riches en quinine mais de culture délicate, et de Cinchona succirubra (quinquina rouge) aux écorces peu pauvres en quinine, mais plus rustiques.

1 Entretien avec René Poundé le 12 février 2014 à son domicile

2 Idem

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Un laboratoire spécialement conçu et équipé pour les analyses, en appui aux travaux de sélection, avait fonctionné à Dschang dès 1940. Et le 21 mai 1942 avait été officiellement créé, par arrêté du gouverneur Pierre Cournarie, la Station expérimentale du Quinquina, dont la direction fut naturellement confiée à l'agronome Lagarde1.

Le parc motorisé avec tracteurs à chenilles et à roues intervient dans cette région, principalement dans l'importante Station du quinquina de Dschang et annexes de plus en plus en actions directes par unités de culture et en milieu paysan, dans le cadre du Secteur Expérimental de Modernisation des Cultures d'Altitude, SEM-CA. « Dschang possède ainsi la deuxième collection mondiale de variétés de quinquinas connus, rejoignant le niveau de l'Indonésie 2».

b. L'usine de café

La production camerounaise de café, qui n'était que de quelques tonnes commercialisées en 1930, avait atteint 6.000 tonnes exportées en 1939 grâce aux efforts du Service de l'agriculture, notamment de René Coste, infatigable promoteur du café d'Arabie dans les régions Bamoum et Bamiléké3.

Après la Seconde Guerre Mondiale, cette production repart assez rapidement dans les quatre principales régions productrices : l'ouest, dans le Mungo avec le Robusta ; en pays Bamoun et Bamiléké avec l'Arabica ; au sud et à l'est avec le Robusta (et l'Excelsa). Dès 1945 les exportations de café camerounais dépassent, avec 7.000 tonnes, le niveau d'avant-guerre. Priorité accordée au caféier d'Arabie4.

Avec son climat frais et sa végétation étagée, Dschang a été le premier foyer de la culture du café. L'histoire de cette culture à Dschang remonte aux années 1920. En effet il faut remarquer que, les Allemands avaient déjà expérimenté sans succès le café pendant leur règne. Les Français, à leur tour, expérimentent le café arabica à

1 Archives Départementales de la Menoua

2 René Tourte, Histoire de la recherche agricole en Afrique tropicale francophone, volume 6, De l'empire colonial à l'Afrique indépendante 1945 - 1960, Montpellier, Décembre 2011, p.834.

3 René Tourte, Histoire de la recherche agricole en Afrique..., P.855.

4 ANY 1AC 507/3 Production agricole,

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Dschang (Dschang coffee) et robusta dans le Noun et eurent des résultats concluants1. Pendant le partage du Cameroun entre Français et Britanniques après le départ des Allemands, les Britanniques ont cédé la ville de Dschang à la France à cause de l'infertilité de son sol. Cette raison est confirmée par le résident anglais à Dschang en 1920 quand il dit : « il [résident anglais] abandonnait le grassfields aux Français parce que rien ne pouvait y pousser en dehors des cultures indigènes, et que les Anglais prenaient le territoire des Bangwa parce qu'il y avait des palmiers à huile2». La suite des événements tourne à l'avantage des Français car, au lieu de continuer à expérimenter le café robusta, ils se sont tournés vers l'arabica. Celui-ci rend la Région bamiléké plus importante économiquement. Marcel Lagarde est celui qui a beaucoup influencé la vulgarisation de la caféiculture dans les hautes de l'ouest car il était responsable3 du SEMCA. Plusieurs mouvements coopératifs à vocation agricole virent le jour, à l'instar de la Coopérative Indigène des Planteurs Bamiléké de Café Arabica (CIPBCA) créé en 1932. La Coopérative Agricole des Planteurs Bamiléké de Café Arabica est créée en 1933, la première ayant été dissoute parce qu'elle était une émanation des colons4.

Le tout premier planteur de café dans la Menoua est Ndah Sabir, un Haoussa qui avait été employé par Lagarde Marcel pour s'occuper de la première pépinière de Café. Ayant vu comment on prend soin de cette plante. Il décida de soustraire un plant et de la planter chez lui. Il sera emprisonné et, dès sa sortie deux semaines après, il eut de l'administration, l'autorisation de cultiver cette plante5. C'est bien après que l'usine du café sera mise en place.

1 Berlise Guedia Dongmo, « Les investissements agricoles ...p.73.

2 Martin Kueté, « Café, caféiculteurs et vie politique dans les hautes terres de l'ouest-Cameroun », les cahiers d'outre-mer [En ligne], 243/2008, mis en ligne le 01 juillet 2011, consulté le 12 février 2014. URL : http://com.revues.org/5310 ; DOI : 10.4000/com.5310

3 Journal des débats de l'ATCAM, session ordinaire de Mai 1955, séance plénière du 13 mai 1955.

4 Lucie S. Guekam Tiokou, « Le mouvement coopératif dans la région de Dschang

1932-1994 », Mémoire de Maîtrise en Histoire, Université de Yaoundé 1, 2003-04, p.4.

5 Entretien avec Etienne Gouné, le 02 Juin 2014 à son domicile à Foto.

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Photo 24: Usine à café de la SEMCA

Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014, Dschang

Cette usine avait pour rôle de décortiquer, et de conditionner les cerises de café, les mettre dans les sacs en vue de leur exportation, la transformation se faisant en Europe. Les machines sont toujours à l'intérieur de l'usine.

L'usine de café (voir la disposition schématique de l'usine en annexe n°9) était la seule industrie dans la ville de Dschang jusque dans les années 19401. Elle avait pour rôle de décortiquer, et de conditionner les cerises de café, les mettre dans les sacs en vue de leur exportation. Puisqu'elle était une émanation des colons, les indigènes y étaient traités avec mépris. Ce qui les amena à créer la COOPCOLV (coopérative de collecte et de vente du café).

L'Ouest-Cameroun en général et les pays Bamiléké et Bamoun en particulier sont le terroir du caféier et des cultures vivrières, « On y trouve une grande quantité d'appareils de traitement en sec du café, particulièrement des décortiqueuses, de nombreux dépulpeurs » et un « grand nombre de moulins à maïs chez les Bamilékés ». En pays Bamoun, « se trouvent des concessions européennes où est cultivé le café Arabica. C'est là que se placent d'importantes installations de traitement du café par voie humide 2».

1 Martin Kueté, « Café, caféiculteurs et vie politique...paragraphe 20

2 René Tourte, Histoire de la recherche agricole en Afrique ...p.845.

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De façon générale, l'introduction des cultures d'exportation dans les colonies a contribué à extravertir leur économie. Cette extraversion ne pouvait que favoriser l'appauvrissement des colonies. C'est pour cela que la production du Quinquina s'est arrêtée avant l'indépendance avec comme conséquence la virulence du paludisme.

En ce qui concerne le café, la baisse drastique des prix dans les années 198090 a presque complètement changé le mode de vie des Africains. Achille Carlos Zango, dans sa nouvelle intitulée Tu diras ces douleurs, résume le mécanisme d'introduction et de production du café à travers la voix du vieux Koum en ces termes :

Le gouvernement est venu introduire dans nos champs une plante maudite qu'il avait baptisée le café. Nos parents ont été contraints de détruire tout ce qu'ils cultivaient bien auparavant pour se consacrer uniquement à cette nouvelle culture prometteuse...néanmoins, cette culture-là avait un énorme défaut...c'est vrai qu'elle nous rapportait assez bien, peut être même trop bien, une jolie petite fortune. Mais nous ne pouvions pas la consommer personnellement, ni transformer, rien de tout cela sauf la vendre et c'est peut être ce qui sonna le glas de notre malheur plus tard.1

Conclusion

En somme, il était question dans ce chapitre de recenser les infrastructures coloniales à usage politico-administratif et économique. La conclusion à laquelle nous sommes parvenus est celle d'une exploitation des africains lors des constructions et d'une propriété foncièrement européenne après construction. Les vestiges coloniaux à usage politico-administratif avaient été construits pendant la période coloniale pour permettre aux administrateurs coloniaux et aux colons de s'imposer dans l'esprit du colonisé fût-il par la force. Quant aux vestiges coloniaux à usage économique, leur objectif était de procéder à l'expérimentation des produits et à leur canalisation vers la métropole. C'est après les indépendances qu'on a assisté à une africanisation de ces infrastructures. Dès lors, les vestiges coloniaux à caractère culturel et socio-religieux vont retenir notre attention au prochain chapitre.

1 Achille Carlos Zango, Tu diras ces douleurs, Paris, L'harmattan, 2012, pp.14-15.

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TROISIEME CHAPITRE:

INVENTAIRE DE QUELQUES VESTIGES COLONIAUX A CARACTERE CULTUREL, SOCIAL ET RELIGIEUX DANS LA VILLE DE DSCHANG

Introduction

Parmi les multiples motivations de la colonisation européenne du XIXe siècle en Afrique, celles économiques ont été prépondérantes parce que permettant de combler un déficit de matières premières dont les usines, nées de la révolution industrielle, avaient fortement besoin. Les autres motivations (sociale, religieuse) venaient justement se greffer à la première pour constituer un système coriace dont le rôle majeur aura été le pillage et le drainage des ressources du sol et du sous-sol africain vers l'Europe. La matérialisation de la présence coloniale sur divers plans1 devait donc être inévitable sur ce continent.

En effet, la question à laquelle nous allons répondre dans ce chapitre est la suivante : Quels sont les vestiges coloniaux à caractère culturel et socio-religieux encore visibles de nos jours dans la ville de Dschang ?

Pour y arriver, nous allons procéder par un plan en deux parties dont la première traitera des vestiges coloniaux à caractère culturel et la seconde, des vestiges coloniaux à usage socio-religieux.

1 En dehors des plans administratif, politique et économique qui ont été traité dans le chapitre précédent.

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I. LES VESTIGES COLONIAUX A CARACTERE CULTUREL

Les vestiges coloniaux à caractère culturel sont ceux qui s'occupaient comme nous l'avons déjà dit de la matérialisation de la « mission civilisatrice » occidentale dans les colonies. Cette matérialisation se déclinait en deux points à savoir montrer la domination de la civilisation occidentale sur celle des dominés d'une part et procéder à l'épanouissement des colons dans les colonies d'autre part. Nous allons traiter ici du Foyer Culturel Français, du Centre Climatique de Dschang, le stade Municipal etc.

1. Le foyer culturel français

Année d'exécution : - première période : 1927-1936

-Deuxième période : 1956

Exécutant : - première période : non connue

-Deuxième période : entreprise « monvoisin »

Nombre de bâtiments : 03

Photo 25: Une vue actuelle de l'Alliance franco-camerounaise

Source: http://solongmaryann.blogspot.com/2009/03/dschang-warning-its-long-artricle-but.html

Cette photo présente comment était la médiathèque de l'Alliance il y a environ deux ans, avec le toit couvert de tôle sur laquelle est posée la chaume.

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Photo 26 : Une vue de la Médiathèque et de la salle Manu Dibango

Source: Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014

Comme on peut voir sur cette image la médiathèque a actuellement perdu le chaume et le reste est sans changement. La salle Manu Dibango n'a pas connu de changements.

Le site à son origine est constitué de trois bâtiments dont le premier à l'accueil est un cafeteria qui est en totale transformation aujourd'hui. Le second est l'actuelle bibliothèque appartenant à l'Alliance Franco-camerounaise de Dschang et le dernier bâtiment appartenant au Ministère des arts et de la culture abrite le Musée public de Dschang.

Le bâtiment principal de l'Alliance Franco-camerounaise de Dschang se présente comme un corps rectangulaire. L'entrée principale avec véranda est faite en arc de cercle. La toiture est à son avant soutenue par quatre poteaux circulaires qui jadis étaient décorés par une sculpture très stylisée. On peut aujourd'hui regretter que quelques années après sa rénovation, ces poteaux qui avaient été précieusement gardés, se soient vus liquidés et exposés au soleil et non sur leur emplacement originel1. L'arrière du bâtiment se terminait aussi en demi-cercle. La véranda donnait accès aux vestiaires qui eux-mêmes aboutissaient sur une scène. En effet, cette salle était conçue dès le départ comme salle de spectacles, de conférences et a tenu ce rôle

1 Entretien avec René Poundé le 12 février 2014 à son domicile

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jusqu'à sa rénovation, rénovation consécutive à sa prise en main par l'Alliance Franco-camerounaise de Dschang1.

Pour des nécessités d'occupation et d'utilisation contemporaines, l'Alliance Franco-camerounaise de Dschang a, en accord avec les services du Ministère de l'Urbanisme et de l'Habitat, fermé la porte arrière et transformé la véranda et les vestiaires en bureaux. Une porte a été ouverte latéralement et deux excroissances ont été ajoutées de part et d'autre permettant d'une part un secrétariat et un bloc technique et de d'autre part, un bloc de toilettes modernes2.

Le toit en quatre pentes inspiré de l'architecture traditionnelle est recouvert de tôles en aluminium sur lequel était posé un treillis de bambou raphia qui eux-mêmes sont recouverts de paille (chaume).

Les ouvertures (fenêtres et portes) sont verticales et hautes (architecture coloniale) ce qui assure une ventilation et une luminosité maximum. La rénovation les à respectés sauf qu'elle les a vitrés.

A l'entrée principale, le poteau sculpté, merveille de la tradition sculpturale bamiléké, qui aurait été offert par le roi des Babadjou dans les Bamboutos a disparu depuis la deuxième décade post-indépendante et remplacé aujourd'hui par des mats de drapeau en acier. Le demi-cercle qui jouxte l'entrée principale est en réalité le premier écran de cinéma de la région3. Cette rénovation du bâtiment au plan extérieur a respectée les formes de la première architecture et son harmonie avec son environnement.

A l'intérieur, la scène a disparu et plus récemment pour des nécessités d'espace, le plafond de l'espace bibliothèque a été perforé pour des besoins de luminosité et de ventilation à l'intérieur, ce qui a eu un impact sur la vue extérieure.

1 Entretien avec René Poundé le 12 février 2014 à son domicile

2 Idem

3 Idem

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On peut conclure avec Poundé que ces innovations, parce qu'elles n'ont pas dénaturé les formes et l'harmonie globale du bâtiment, l'ont fait entrer dans la contemporanéité sans dénaturer la création coloniale1.

Pensé dans les années 1934-35 par les administrateurs coloniaux français qui avaient besoin, aux côtés du stade de football, d'un lieu de culture et de loisirs pour eux-mêmes, leurs familles et leurs visiteurs, ce bâtiment et l'emménagement de ses abords, ont été définitivement réalisés dans les années 1946-47, c'est-à-dire à la fin de la Seconde Guerre Mondiale.

A ses débuts, ce lieu était réservé uniquement aux colons qui venaient pour se divertir les jeudis et samedis après-midi. Il cessera progressivement d'être un lieu exclusif face à la montée des multiples revendications de l'après-guerre. C'est ainsi que, dès l'aube de 1955, sous l'impulsion du couple Roy qui en avait la charge et qui avait perçu avec acuité le sens historique de ces revendications, tout au moins dans leur dimension culturelle, ce centre culturel commença à s'ouvrir aux autres. Au moment précis ou apparaissent les animateurs camerounais sur la scène de cette structure, elle changea de dénomination et devint Foyer culturel.

Cette structure accueille en son sein entre 1953 et 1956 un colloque international sur la communication et désormais, tous les après-midi du 14 juillet, fête nationale française, les festivités liées à cette commémoration s'y déroulent entre d'une part, les colons et leurs familles et d'autre part, entre les indigènes "évolués".

A l'aube des indépendances, il servira entre autres, de cadre aux vacances scolaires, de site d'accueil du fameux congrès de l'association des élèves, collégiens et étudiants bamiléké, vivier de l'actuelle intelligentsia de cette région.

De foyer culturel, il deviendra le centre de jeunesse puis celui de l'Alliance Franco-camerounaise de Dschang. Entre temps, il a connu de nombreuses vissicitudes : colonialisme, lutte pour l'indépendance, indépendance, réconciliation, apprentissage des pratiques démocratiques. L'espace abritant la salle Manu Dibango

1 Entretien avec René Poundé le 12 février 2014 à son domicile

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a pendant la période coloniale servi de lieu où les Allemands et plus tard les Français ont fusillé et jeté les cadavres les récalcitrants de leur administration1.

2. Le Centre Climatique de Dschang

Propriétaire : Etat du Cameroun (MINTOUR) en gestion libre à l'heure actuelle

Type de bâtiment : ensemble de bâtiments composant un village de vacances Année d'exécution : il y a deux hypothèses à savoir celle de 1935 à 1944 et l'autre de 1940 à 1944.

Photo 27: Une vue partielle (à g.) et aérienne (à d.) du Centre Climatique de

Dschang

Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014, Dschang Source : Archives privées R. Poundé, Dschang

La vue partielle du Centre Climatique permet de mieux percevoir son état actuel et celle aérienne permet de mieux appréhender ses formes extérieures notamment la piscine, la disposition et même l'architecture du bâtiment.

Le lieu dit "Centre Climatique", en réalité aujourd'hui résidence hôtelière, est à l'origine une caserne et un centre de repos des officiers supérieurs de l'armée française2. Il est construit au départ sur une superficie de 24 hectares. Il compte 24 pavillons disséminés sur l'ensemble de la superficie pour environ 54 chambres. Les pavillons, sont en fonction de leurs catégories, dotés soit de 4 chambres , donc 2 internes avec un salon, une toilette-salle de bain et deux chambres externes avec une toilette-salle de bain ; soit d'une chambre avec salon , salle de bain ou encore de

1 Entretien avec Jean Claude Tchouankap, le 14 mai 2014 à son domicile.

2 Entretien avec Etienne Gouné, le 02 Juin 2014 à son domicile à Foto

p.135.

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deux chambres avec salon, salle de bain-toilette. Chaque chambre, en effet, est équipée d'une cheminée, pas uniquement pour la décoration mais parce qu'il fait frais1.

Au sommet sur la place centrale, nous avons le restaurant-bar avec à son arrière droite le garage qui abrite en même temps le groupe électrogène de forte puissance. A gauche du restaurant-bar, le bâtiment abrite le service de réception, le logement du responsable. Un corps de bâtiments comprenant aujourd'hui la buanderie, la salle de conférence et plus loin, une lapinière et une écurie.

Sur le bas côté, on a un court de tennis et plus loin, un bâtiment anciennement destiné à l'élevage de la volaille. En face à l'entrée du bar-restaurant, une piscine.

A l'origine, les bâtiments sont couverts de tuile et faits en briquettes de terres cuites. Rectangulaires, ces bâtiments ont un auvent supporté par des piliers en bois vernis tout comme les plafonds. L'actuel restaurant-bar nous rappelle la Chefferie traditionnelle bamiléké. Sa forme extérieure est en arc-de-cercle avec un auvent qui s'ouvre aux clients par de longs escaliers. A l'intérieur, face à l'entrée, une importante cheminée, contenant en son centre la Croix de Lorraine, signe vivant du passage effectif d'officiers français libres à ce lieu. Les fenêtres et les portes sont hautes.

Par décision du 19 août 1944, le surveillant principal de classe exceptionnelle Bovi Pierre recevait un témoignage officiel de satisfaction pour avoir conduit l'entreprise de construction du centre climatique malgré les difficultés de la guerre.

Le Centre Climatique de Dschang est un grand hôtel qui avait été construit pour les militaires. En effet, De 1940 à 1960, la capacité hôtelière camerounaise passe de 4 à 37 pour répondre aux besoins de repos et de vacances des militaires et de leurs familles et d'autres personnalités en poste au Cameroun. Car il était devenu impossible aux Européens qui le désiraient, de rentrer chez eux à cause de la

1 Anne Debel, et Renaud Van der Meeren, Le Cameroun, Paris, éditions Jaguar, 2007,

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Deuxième Guerre Mondiale. L'administration coloniale fit ériger plusieurs sites touristiques. C'est ainsi que le centre climatique de Dschang vit le jour en 19421.

Vers les années 1950, il avait été confié à la compagnie des chargeurs à Douala2 qui est d'ailleurs son maître d'oeuvre3.

Jusqu'à l'indépendance, l'accès à ce centre était réservé exclusivement aux Européens. Michel Njiné à l'ATCAM en 1955 s'insurgeait contre cette pratique en ces termes :

...même à Dschang il n'ya pas très longtemps, des Chefs traditionnels, des Chefs honorables, des Chefs corrects se sont vus refuser un repas dans ce fameux restaurant, dans ce fameux centre climatique de Dschang. Le gouvernement n'est pas étranger à ce fait encore moins l'autorité régionale. Il n'y a pas longtemps également, dans ce même centre climatique, un camerounais a été déçu parce que lui aussi a voulu s'amuser avec les autres clients. Il était accompagné d'une dame blanche. Je ne parlerais pas de mon cas personnel. Moi-même, je me suis présenté il y a trois mois à ce centre, on m'a demandé qui j'étais. Un compatriote a voulu donner mon identité, je m'y suis opposé. S'il faut que tous les camerounais soient conseillers à l'Assemblée territoriale pour pouvoir prétendre à la nourriture là où l'on achète ou la paye avec son argent, c'est irritant4.

La piscine est post indépendante, elle a été inaugurée en 1965 en présence de Kwayeb Enoch, premier inspecteur régional de l'Ouest.

3. Le stade Municipal de Dschang

Type de bâtiment : Complexe multisport

Exécutant : créateur probable M. Soulier, Chef de subdivision de Dschang et

fondateur en 1932 de l'Aigle Royal de Dschang

Propriétaire : Commune urbaine de Dschang

Année d'exécution : 1930-1932

Matériaux : -Tribune : ciment, fer, tôle

-Aire de jeu : poteaux en fer

-Aire de musculation : fer, bois, sable

Nombre de niveaux : espace gratiné en cirque

Nombre de bâtiments : 1 (tribune)

1 Arlette véronique Ombotte « Tourisme et sauvegarde ...p.70

2 Archives Départementales de la préfecture

3 Michel Marjolet, « partenariat Nantes-Dschang », in Jeune Afrique Economie, n°352, Décembre 2003-Janvier 2004, P.189.

4 Michel Njiné, « Le centre climatique de Dschang », in Journal des débats de l'ATCAM de 1955, P.53

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Dimension : non connue

Photo 28: Une vue de la tribune du stade municipal

Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014, Dschang

Construit dans les années 1930 pour permettre à l'Aigle Royal de Dschang, club nouvellement créé, de faire des entraînements, le stade municipal de Dschang est actuellement mis en valeur par la Commune de Dschang et la DDSEP de la Menoua. Mais sa tribune mérite d'être restaurée vu son état actuel qui a d'ailleurs été raccommodé lors du Salon International de l'Agriculture en 2013.

L'aire de jeu proprement dite à l'époque, était une surface gazonnée avec à chaque extrémité des cages de gardiens en fer. A la bordure côté tribune, il y a une piste d'athlétisme. Le côté de la route allant à Bafoussam sert dans son ensemble de tribune pour les spectateurs parce que la tribune fait avec les gradins et couverte par un toit est très étroite. Au fond du stade, en allant vers le centre ville derrière les buts, il y a des appareils de musculation. En outre, sur le versant contraire à l'actuelle route, en dessous des installations actuelles d'un établissement scolaire, séparé de ces installations par la rivière « Dschang water » (Menuet), longeait un espace réservé aux spectateurs débout1.

Le stade municipal de Dschang aurait été créé par l'administrateur-Chef de subdivision de Dschang, M. Soulier, qui voulait doter l'équipe de football indigène, l'Aigle de Dschang qu'il venait de créer, d'une infrastructure. Ce stade suivra l'évolution de ce club et sera considéré avant les indépendances comme étant le troisième stade de football au Cameroun. Il a vu défiler toute l'élite footballistique post-indépendante du Cameroun et d'ailleurs. Il est assurément l'un des hauts lieux

1 Entretien avec René Poundé le 12 février 2014 à son domicile

2Akpe Amatala, G. Brigitte. « Les loisirs au Cameroun sous administration française 1916-1959 : Essai d'analyse historique », Mémoire de DIPES II en Histoire, ENS Université de Yaoundé I, 2010-2011, p.100.

3 Ibid.

1 Entretien avec Jean Claude Tchouankap, le 14 mai 2014 à son domicile.

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de la mémoire collective de Dschang notamment en ce qui concerne le football. Cette infrastructure était un centre d'entrainement et de compétition. La tribune mérite d'être restaurée vu son état actuel qui a d'ailleurs été raccommodé lors du Salon International de l'Agriculture en 20131.

4. Le Centre d'Education Physique et Sportive (CEPS) et l'Ecole Normale d'Instituteurs Adjoints (ENIA)

Le CEPS fut crée par arrêté n°1008 du 16 Mars 1950 (Voir l'intégralité de l'arrêté en annexe n°11) à Dschang sur arrêté du Haut Commissaire du Cameroun. Sa localisation à Dschang aurait des motivations climatiques car, l'air très frais des montagnes, y était propice à la fortification des athlètes2. D'après Akpe Amatala Brigitte, le CEPS avait plusieurs objectifs parmi lesquels :

Former professionnellement et théoriquement des moniteurs d'EPS afin d'insérer cette discipline dans les établissements scolaires;

Organiser des stages de formation de courtes durées d'athlètes et des moniteurs. D'ailleurs, le rapport annuel de 1953 atteste de l'organisation cette année là, de stages de trois semaines, ayant permis la formation de 150 instituteurs adjoints de l'enseignement du premier degré3.

Photo 29: L'entrée du CEPS aujourd'hui CENAJES

Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014, Dschang

Structure sportive créée dans les années 1950 et nommée Centre d'éducation physique et sportive, aujourd'hui CENAJES. Elle accueille du 03 au 7 avril 1958 les jeux scolaires d'Afrique noire.

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En Novembre 1950, un concours d'entrée au CEPS, le premier du genre, fut ouvert avec pour président de jury Veyreton, désigné par le Chef de région. Deux ans plus tard, la première promotion de cette école reçut des parchemins, les autorisant à vulgariser l'EPS dans les établissements secondaires. Ce qui ne tarda pas à arriver car aussitôt, l'EPS fut insérée comme discipline à part entière dans ce processus qui commença dans les établissements confessionnels parce que semblerait-il, ceux-ci possédaient les infrastructures sportives appropriées. Mais progressivement, l'EPS arriva dans les établissements laïcs1. Elle initia les élèves aux principes des sports individuels (gymnastique et l'athlétisme) et des sports collectifs (handball et volleyball).

Le CEPS fut aussi une structure de loisirs car on y trouvait des équipements propices à la pratique du sport notamment des mousses, des tenues, des sifflets, des balles etc. Par ailleurs, des stages d'EPS y furent souvent organisés. On y organisait aussi des colonies de vacances au cours desquelles, les participants étaient initiés aux techniques et aux règles des sports collectifs et individuels. C'est à juste titre que Betnga a pu relever que « l'ouverture du CEPS était ainsi le début d'un long processus au sein du mouvement sportif camerounais2 ». Ceci pour une raison simple : c'est à partir de sa création que la plupart des sports purent se faire de la place dans l'ombre du football. En effet, le football, premier sport introduit au Cameroun français eu tellement d'adeptes que, les autres tels que le volley-ball, le hand-ball et le basket-ball connurent beaucoup de difficultés à s'implanter dans le territoire. C'est après la création du CEPS que des moniteurs furent familiarisés aux règles de ces différentes disciplines. Ceux-ci prirent alors le rôle de vecteurs de ces sports d'abord dans les établissements secondaires, puis dans les entreprises. C'est de cette façon que la création du CEPS permit en quelque sorte un décollage et une structuration du

1 Brigitte G. Akpe Amatala, « Les loisirs au Cameroun... p.100.

2 Betnga Nzouatcha B.H., "Le mouvement sportif camerounais de 1937 à 1960", Mémoire de Maîtrise en Histoire, Université de Yaoundé I, 2004, p.24. Cité par Brigitte G. Akpe Amatala, « Les loisirs au Cameroun ...p.101.

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domaine sportif au Cameroun. Le CEPS deviendra le CREPS et enfin le CENAJES à partir de 19941.

L'Ecole Normale d'Instituteurs adjoint (ENIA) fait partie des réalisations françaises faites à Dschang dans les années 19502. Elle avait pour mission de former les enseignants. La fin de la formation était sanctionnée par le Diplôme de Maître d'enseignement général (DMG). Son tout premier directeur s'appelait Nolet (Français d'origine)3. Le journal des débats à l'ATCAM en Juin 1955 met les projecteurs sur cet établissement à cette période et surtout sur les projets d'emménagements en ces termes :

Une partie de cet établissement fonctionne dans des locaux prêtés par le CEPS et l'école primaire de Dschang. La construction de quatre classes permettra de dégager l'école primaire qui deviendra l'école annexe d'application de l'ENIA. La construction d'un dortoir sur la tranche 1955/56 permettra de libérer le bâtiment actuellement aménagé à cet usage et de le transformer pour y installer des cuisines... le devis de l'opération remonte à 8 500 0004.

L'ENIA est devenue Collège d'Enseignement Général (CEG) en 1960 avant de devenir Lycée puis Lycée Classique de Dschang de nos jours5.

II. LES VESTIGES COLONIAUX A USAGE SOCIO-RELIGIEUX

Nous entendons par vestiges coloniaux à usage socioreligieux, l'ensemble des infrastructures témoignant de la matérialisation de la prétendue "mission civilisatrice" européenne en Afrique. Cette matérialisation sociale et religieuse allait surtout dans le cadre de la colonisation psychologique. Nous traiterons ici des structures comme l'hôpital de Dschang, des écoles des filles, des garçons et des fils du Chef etc.

1. L'hôpital de Dschang

Propriétaire : Etat du Cameroun

Exécutant : - première période : non connue

-Deuxième période : entreprise « Mon voisin »

1 Jean MarieTchinda, « Grandeur, Décadence et renaissance d'une...p.48

2 Michel Simeu Kamdem, « La ville de Dschang, Etude. P.25

3 Entretien avec Etienne Gouné, le 02 Juin 2014 à son domicile à Foto.

4 Journal des débats à l'ATCAM, séance du 1er Juin 1955, p.28.

5 Michel Simeu Kamdem, « La ville de Dschang... p.28.

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Année d'exécution : - première période : 1927-1936

-Deuxième période : 1956

Deux bâtiments sur l'ensemble nous intéressent principalement ici :

a) L'actuel "Accueil" qui représente la première période (rez-de-chaussée)

b) L'actuel complexe à étage qui représente la deuxième période Matériaux : période : pierre, angles en béton, ciment, bois, tôle, fer, vitre, carrelage.

1ere période : L'accueil actuel

Ce bâtiment de facture architecturale essentiellement coloniale se caractérise par sa véranda et ses arcades couvertes. Un imposant escalier d'entrée, la hauteur de la fondation qui supporte le bâtiment proprement dit, les ouvertures larges et hautes permettent une ventilation naturelle maximum, des plafonds hauts. Les murs sont épais, les fenêtres vitrées. Tout ceci assure une température interne, une luminosité naturelle maximum qui tempère la profonde véranda couverte d'énormes poteaux reliés entre eux par une balustrade en béton, soutenant à équidistance une charpente en bois. Le toit en tôle est réalisé en quatre pentes (style propre de l'époque coloniale). L'intérieur des salles est spacieux. Ce bâtiment, à l'observation, a connu de très infimes réaménagements qui ne peuvent altérer son authenticité.

Photo 30: Accueil de l'hôpital de Dschang : la structure a été réhabilitée vers
les années 1930 (a g.) et maintenant (a d.)

Source:Archives privées R. Poundé, Dschang Source:Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014, Dschang

Cet accueil est d'une construction architecturale imposante. Il présente les caractéristiques des types de construction allemande avec des briques, des pentes de toit bruts, de portes et fenêtres larges pour permettre une bonne ventilation, d'imposants escaliers et des murs une grande épaisseur. Ce bâtiment est beau parce qu'entretenu régulièrement.

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2e période : corps du bâtiment : rez +1

Le bâtiment tout en longueur, de forme rectangulaire est, au niveau du rez-de-chaussée, divisé par une avancée d'environ 10 m de longueur. Ceci fait qu'au niveau du rez de chaussé, la face principale se présente sous la forme d'un (T). Cette avancée servait de hall d'entrée, du côté du secrétariat, du Cabinet de consultation du médecin-Chef et de l'autre côté, le cabinet dentaire et autres services administratifs1.

A l'étage comme au rez-de-chaussée, une large véranda couverte entoure le bâtiment. Cette véranda est protégée par une balustrade en béton qui relie les poteaux cubiques qui partent du sol, soutiennent la dalle puis la charpente.

Photo 31: Bâtiment de l'hôpital de Dschang inauguré par Ahmadou Ahidjo en

1957

Source : Archives privées R. Poundé, Dschang Source :Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014, Dschang

Ce bâtiment, situé derrière l'accueil de l'hôpital a été inauguré par le Vice-Premier ministre Ahmadou Ahidjo en 1957. Une des toutes premières infrastructures inaugurée par le nouveau gouvernement camerounais.

1 Entretien avec René Poundé, le 12 février 2014 à son domicile (Dschang)

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Photo 32: Physionomie actuelle du bâtiment inauguré par Ahmadou

Ahidjo

Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014, Dschang

Il est aujourd'hui bien entretenu et abrite le secrétariat de l'hôpital, le service chirurgie et le pavillon malade femme

Un large escalier relie le rez-de-chaussée à l'étage. Cet étage est lui-même à son arrière relié en terre au reste de l'hôpital par un ponceau. Les plafonds sont hauts et les chambres et salles de consultation ou de soins assez spacieuses. Les fenêtres sont hautes et larges, assurant ainsi une excellente ventilation, une température quasi constante quelque soit la saison et une excellente luminosité. La toiture est à deux pentes, ce qui marque une nette évolution par rapport au bâtiment d'accueil plus ancien.

Ici on constate que l'architecte et l'entreprise "Mon voisin" n'ont pas, pour des raisons de rationalité et de formalisme, négligé le rapport de l'oeuvre à son environnement socioculturel. Faut-il voir en cela les répercussions des débats qui secouèrent dès 1920 les milieux architecturaux en France et qui vont s'accentuer, s'amplifier même pendant la période des "30 glorieuses" après la Deuxième Guerre Mondiale1 ou l'expression des motifs d'urgente nécessité de logements, d'équipements sociaux (sanitaire et éducatif) ? Le fonctionnalisme triompha sur le formalisme.

1 Notons que pendant l'entre-deux guerres, les problèmes de logements commençaient à se poser et s'accentuèrent après la seconde guerre mondiale parce qu'il y eut beaucoup de destructions liées à cette guerre. Les services publics français ont opté pour des bâtiments qui n'ont qu'un caractère fonctionnel et donc le côté esthétique n'est pas mis en exergue.

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En plus du bâtiment d'accueil, il y a d'autres bâtiments allemands à l'intérieur de l'hôpital à l'instar du pavillon hommes, du laboratoire et du sanatorium ou la salle d'isolement et la morgue1.

Poste médical installé par les Allemands, rasé par les forces coalisées anglo-françaises lors de la conquête de Dschang à l'exception de son soubassement2, il sera reconstruit par les Français entre 1921 et 1936.

Ces dates (entre 1921 et 1936) coïncident avec la période des grandes reconstructions de toutes les infrastructures qui devaient être utiles à l'administration française. Deux rapports datant de 1926 décrivent l'état d'avancement des travaux du dispensaire de Dschang. Le premier, datant du premier trimestre 1926, fait le constat suivant : « ont été achevés la maçonnerie du dispensaire, du bâtiment des accouchés et du pavillon indigène, ayant exigé la mise en oeuvre de 120m3 de maçonnerie de moellens et de 400000 briques 3». D' après le second rapport du 4e trimestre de 1926, le dispensaire de l'hôpital de Dschang est complètement achevé et sera mis en service dès le début de l'année 19274.

La mission d'inspection du 17 janvier 1951 fait remarquer que l'hôpital de Dschang est « une formation appelée à devenir l'hôpital régional composée de bâtiments très anciens et inaméliorables à l'exception de deux petits pavillons formant le logement et du pavillon Jamot (hospitalisés européens)5 »

En 1952, ce groupe de bâtiments sera complété par un bloc sanitaire, un bloc cuisine-réfectoire. C'est déjà un hôpital avec des logements pour les principaux cadres (médecin, comptable matières...). Il dispose alors d'une capacité de 135 lits et compte 35 membres du personnel. Koutio Mathias se souvient encore avoir vu en

1 Entretien avec Etienne Gouné, le 02 Juin 2014 à son domicile à Foto

2 Idem

3 ARO Rapport à la circonscription de Dschang, tableau n°7, voie de communication et bâtiment, 1er trimestre 1926

4 ARO 1AC 74/0 rapport trimestriel, 4e trimestre, tableau 7, 1926.

5 ARO Rapport de la mission d'inspection du 17 janvier 1951

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1953 le bâtiment à étage de l'hôpital de Dschang en chantier en particulier la toiture qui était en train d'être posée1.

En septembre 1955, le bâtiment de l'hôpital est un ensemble qui comprend :

c. Au rez de chaussé, les services centraux, le service médecine femmes et enfants et le service médecine hommes.

d. A l'étage, le bloc chirurgie-gynécologie

Les installations sanitaires, les peintures et la vitrerie sont montés à 37 millions de francs par l'entreprise Monod-Maroc à livrer en janvier 19562.

En 1956, le Fonds (français) d'Investissement pour le Développement Economique et Social (FIDES) dote cet hôpital d'un crédit de 52 millions de FCFA. L'entreprise française "Monvoisin" sera chargée de réaliser le bâtiment de rez+1 marquant la deuxième période. Sa capacité est de 116 lits3. En 1957, l'on procède à une restructuration et au réaménagement des anciens bâtiments. La capacité totale de ce désormais hôpital moderne est portée à 310 lits. Le Chef-lieu de la Région est désormais doté d'un hôpital digne de ce nom qui, avant d'être inauguré solennellement par Ahmadou Ahidjo, sera placé sous l'autorité du Commandant militaire Rouergue. Il rayonne sur la région bamiléké et même au-delà. En effet, il était doté d'un bloc opératoire, d'une maternité, d'un cabinet dentaire et d'une équipe médicale de haut niveau.

Ce groupe de bâtiments, après quelques 10 à 15 ans d'abandon, a connu il y a quelques années, un véritable regain de splendeur après son entretien, son embellissement et celui de son environnement par les dirigeants de cette infrastructure.

1 Entretien avec Mathias Koutio le 17 Juin 2014 à son domicile à Paind ground

2 Direction des travaux publics et des transports... p.182.

3 Document de la Délégation Départementale du Ministère de l'Urbanisme et de l'Habitat (MINUH) de la Menoua, Dschang, p.56

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2. Camp des fonctionnaires new town

Propriétaire : Etat du Cameroun (MINUIT)

Type de bâtiment : logements sociaux à l'usage des fonctionnaires indigènes

Exécutant : main d'oeuvre locale

Année d'exécution : 1952-1956

Matériaux : briques de terre, bois, pierres, tôles, ciment pour revêtement des murs

Nombre de bâtiment : 17

Dimension : non connue

Photo 33: Camp des fonctionnaires New Town dès sa construction (a g.) et son
état actuel (a d.)

Source: Archives privées R. Poundé, Dschang Source: Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014, Dschang

Sur la première photo, on peut voir un fonctionnaire avec un casque colonial et une tenue kaki, devant sa maison nouvellement construite par l'administration coloniale. La seconde image nous montre l'état actuel de cette structure qui demande une urgente restauration.

Situé en face de la rue nationale Dschang-Bafoussam, le camp des fonctionnaires débute directement après l'axe venant du Rectorat de l'Université de Dschang lorsque l'on va vers la capitale de la région. Ce sont des bâtiments rectangulaires érigés en briques de terre compressées par piétinement et force manuelle soutenu par une fondation en pierre. Recouverts de revêtement en mortier de ciment, Chacun de ces bâtiments, éloigné d'environ 1,50 à 2m mérite d'urgentes restaurations. Et de l'autre côté, un bâtiment principal comprenant une salle de séjour

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et deux ou trois grandes chambres. Ce bâtiment principal fait face à un autre petit bâtiment qui abrite la cuisine, un magasin et des toilettes (fosses sceptiques d'ailées en béton).

La seconde lignée de bâtiment, placée plus haut après l'espace dit communautaire comporte des bâtiments plus spacieux avec véranda, suffisamment distants les uns des autres. C'est là d'ailleurs que se trouvait le point d'approvisionnement en eau potable appelé autrefois la pompe, gracieusement mis à la disposition des habitants par l'Etat. Ici les toitures des bâtiments ont quatre côtés, alors que sur la ligne précédente, elles n'ont que deux. Ce sont donc des logements destinés aux auxiliaires supérieurs de l'administration coloniale1.

3. Les différents types d'écoles coloniales

Pendant la période coloniale, il existait une multitude d'écoles dans la ville de Dschang. On avait par exemple l'école principale des filles qui était située à l'actuelle Ecole Primaire du Centre, juste à côté de la poste allemande aujourd'hui détruite2. Quant à l'Ecole Principale des Garçons, elle était située en face de la permanence du parti RDPC actuelle. Elle est appelée aujourd'hui l'Ecole publique d'application Groupes 4, 5 et 6. Dès les débuts, il y avait une véritable chasse aux enfants qui devaient fréquenter ces écoles. Les parents voulant l'aide des enfants dans les travaux champêtres ne voulaient pas que ceux-ci aillent à l'école. Pour marquer leur refus, ils cachèrent leur progéniture dans les greniers3. Les enfants qui arrivaient pour la première fois à l'école, recevaient un complet blanc, une plume, un porte plume, un cahier et un buvard (feuille épaisse qui absorbe l'encre), un crayon ordinaire et une gomme4.

Il était rare de rencontrer les fils de Chefs à l'école régionale de Dschang qui a ouvert ses portes des 1920. Le 27 décembre 1933, un arrêté du commissaire de la

1 Entretien avec Joseph Lecoq Fouellefack le 15 mars 2014 dans son bureau

2 Entretien avec Norbert Yefoue le 17 Juin 2014 à son domicile

3 Entretien avec Etienne Gouné, le 02 Juin 2014 à son domicile à Foto

4 Idem

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République française au Cameroun, Bonnecarrère, organise des écoles de préparation des futurs Chefs. Afin de conserver un caractère particulier, ces élèves constituaient dans les écoles de village et les écoles régionales, une section spéciale dite « section des fils de Chefs »1. En 1933, plus de deux cent (200) fils de Chefs suivent les cours officiels à la circonscription de Dschang. L'école régionale était située où se trouve l'actuel hôtel de finance et la direction en face d'elle2. Cette école est le produit des emménagements de l'école française sur recommandation de la SDN. La France avait pour tâche d'élaborer un système éducatif au delà du « compter, lire et écrire des Allemands3. C'est dans cette école régionale que le futur Président de l'UPC de 1952 à novembre 1960, le Docteur Félix Roland Moumié, a obtenu facilement son certificat d'études primaires4 sous le haut parrainage de l'instituteur français Antoine Galeazzi5.

Le rapport politique et économique de 1957 annonce la finalisation d'un bâtiment à deux classes à l'école principale des garçons en ces termes : « charpente et toitures terminées, huisseries posées, le badigeonnage de bâtiment sera effectué les premiers jours d'octobre6 ».

1 Monique Guimfacq, Foto, un grand... p.86.

2 Entretien avec Fodje Luc le 18 mars 2014 à Madagascar- Dschang.

3 Noumbissie Tchouaké, Maginot. « Pierre Poundé et l'Union Bamiléké. Accommodation et appropriation de l'espace politique en situation coloniale » in Noumbissie M. Tchouaké et Jules Kouosseu (éds), Figures de l'Histoire du Cameroun, Paris, L'Harmattan, 2012, p.195.

4 Jean Koufan Menkene, « Felix Moumié : Un martyr de la révolution et du nationalisme camerounais », in Mutations des 27 et 28 Novembre 2007 en ligne

5 Mesmin Kanguelieu Tchouake, La rébellion armée à l'ouest...p.83.

6 ANY 1AC 262 Rapport politique et économique du mois de septembre 1957 dans la subdivision de Dschang.

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Photo 34: Un des bâtiments du Centre de pré-apprentissage (CPA)

Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014, Dschang

L'épaisseur des murs, les briquettes utilisées pour monter le mur et les fenêtres larges de ce bâtiment sont les caractéristiques des bâtiments allemands. C'est l'un des bâtiments de la section artisanale et rurale/section ménagère (SAR/SM) de Dschang actuelle.

L'idée qui se dégage de ces vestiges coloniaux à usage socioéconomique est celle de la création par et (d'abord) pour les Européens d'un cadre favorable au maintien du système colonial qui faisait drainer les richesses africaines vers l'Europe. L'hôpital de Dschang, l'usine de Quinquina, les écoles et le camp des fonctionnaires etc étaient mis en place pour que l'indigène ait quand même un minimum en termes de cadre de vie de peur d'avoir davantage un manque de main d'oeuvre. La vision qui se cachait derrière les vestiges à caractère culturel et religieux était peut être différente de celle précédente.

4. La Mission Catholique Sacré-Coeur de Dschang

Nous avons choisi délibérément dans la pléthore des bâtiments que recèle la ville de Dschang, de nous intéresser aux bâtiments de la mission catholique qui nous ont paru les plus significatifs et les plus représentatifs de l'ensemble architectural à caractère religieux de l'époque coloniale. Il s'agit précisément de la chapelle Sacré-Coeur, des résidences du curé et des soeurs, de l'école Saint Michel et du Cimetière.

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Pour ce qui est de la chapelle, c'est un bâtiment rectangulaire aux formes géométriques rectilignes typique de l'architecture gothique allemande1. Les deux cloches qui surmontent de part et d'autre la façade principale sont hautes et rectangulaires et en leurs sommets, carrés et surmontés d'un balcon. Au centre des façades deux cônes au sommet triangulaire servant probablement à l'aération. Les lignes verticales et horizontales agencent l'ensemble. La toiture de la mansarde est à deux pentes surmontées en son sommet d'une croix. Au mur, deux ouvertures tout en hauteur, une large véranda profonde et recouverte par une dalle de ciment. Située au milieu du mur, la porte principale est en bois frisé. Les vitraux ciselés couvrent toutes les grandes et hautes fenêtres le long du bâtiment, elles sont de couleurs différentes. Les couleurs des murs sont constituées du blanc cassé au gris en passant par le jaune et l'orange qui cerclent les ouvertures. Un imposant escalier permet l'accès des fidèles dans la maison.

Photo 35: La paroisse Sacré-Coeur de Dschang

Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014, Dschang

Construite par les Pères Pallotins allemands avec l'architecture gothique en 1913, réaménagée par le Père Roblot de nationalité française en 1931, cette paroisse a régulièrement été entretenue et reste donc intacte depuis au moins 101 ans.

1 Entretien avec Jean Claude Tchouankap, le 14 mai 2014 à son domicile.

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A l'exception probable du presbytère et de la maison des soeurs qui seraient des constructions allemandes datant de 1912, les autres bâtiments sont des constructions ou des reconstructions, des réhabilitations faites par la France des structures allemandes.

Les Pères Pallotins s'installent en 1906 à Dschang1. En effet, Le père Wienold et Mgr Vieter quittent Douala le 10 octobre 1910 pour se rendre à Dschang. Très tôt, ils rencontrent le Chef Foto, Nelo, qui met à leur disposition un terrain de 59 hectares 55 ares 1 centiare2 situé au quartier Sinteu, au Nord-est de Dschang. La fondation de la mission centrale de Dschang sur les hauts plateaux de l'ouest-Cameroun, à partir de cette période, constitue le point culminant de l'oeuvre missionnaire des pères pallotins au Cameroun3. La construction de cet immense édifice ne fut pas facile pour les Pères pallotins, comme le reconnaît avec justesse Lemegne :

Les débuts de la fondation de la mission de Dschang sont très difficiles. L'argile et la terre glaise ne manquent pas. On les a non loin de la construction. En juillet 1912, plus de 210 000 briquettes sont stockées sur la place de la construction, un sommet de colline aplani par le frère Jakob Meurer. Mais le bois de chauffage pour cuire les briquettes et les tuiles est rare. Quant au bois de charpente et de menuiserie, il faut parcourir de longues distances pour les trouver. Le transport de ces bois lourds (venant de Fondonera et de Fossong-Wencheng à plus de 20 km de la station, soit un à deux jours de marche) est un gros problème. Pour porter une planche de la foret au site de la station, il faut deux hommes, et pour un madrier, il en faut quatre4.

Elle a été construite par plusieurs techniciens allemands. D'après le livre écrit par le père allemand von Herman Skolaster en 1924 intitulé die pallotiner in Kamerun, 25 ans de travail missionnaire5, Le père wienold quitte Douala le 10 octobre 1910 pour aller fonder la mission de Dschang. Il est rejoint le 02 novembre par le frère Jean Hefeler, maître menuisier-charpentier et le père Ernst Ruf, mais tous

1 Celestine Fouellefak Kana, « Les croyances religieuses bamiléké face à l'assaut du catholicisme », in le pluralisme religieux en Afrique, Acte du Colloque International de Yaoundé du 16 au 18 février 2012, Presses de l'UCAC, 2013, p.333.

2 Celestine Fouellefack Kana, « Le christianisme occidental à... p.126.

3 Bouguem, « Les prêtres du Sacré-Coeur et l'évangélisation de "l'ouest-Cameroun" de

1920 à 1964 », Mémoire de Maitrise en Histoire, Université de Yaoundé, 1986-87, p.38.

4 Lemegne, « La Mission Catholique Sacré-Coeur de Dschang : 1910-1990 », Mémoire de DIPES II en Histoire, ENS Université de Yaoundé I, 2002-2003, p.28.

5 Cité par père Goustan le Bayon, Les prêtres du Sacré-Coeur et... p.39.

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deux sont atteints de dysenterie et doivent rentrer en Allemagne en 1912. Ils sont remplacés par le père Verter, recteur et constructeur et le frère Florian Thum, maçon et Chef de chantier. Un autre frère, Meurer, est spécialiste de la fabrication des briques cuites. Il amoncelle les matériaux et l'on commence les constructions en solide.

Le 29 décembre 1913, le frère Thum tombe malade et est immédiatement remplacé par le frère Edouard Kindermann qui, avec le frère Wehrke, terminent la construction des bâtiments de la mission en 1914.

Après la Première Guerre Mondiale, les nouveaux responsables de la mission Sacré-Coeur de Dschang étaient aussi très actifs et dévoués comme les premiers. Père le Bayon montre ce dévouement au travail en ces termes :

Le frère Casimir, seul frère jusqu'en 1927, fit des prodiges. Il se déplaçait d'un poste à l'autre avec des outils et certains de ses ouvriers. De 1923 à 1938, date de sa mort, on le verra un peu partout actif, formant sur le tas des maçons, des charpentiers. Le frère Bernardo Albizzati, arrivé au Cameroun en 1927, fit son apprentissage sous la direction du père Roblot en construisant un pont pour relier la mission de Dschang à la Chefferie de Foréké-Dschang. Il construisit l'école saint-michel de Dschang après 1927. Le frère Moroni, arrivé au Cameroun en 1949, a construit la pouponnière de Dschang pour les enfants abandonnés et les orphelins.1

Il est facile de reconnaitre ici que les bâtiments de la mission Sacré-Coeur de Jésus de Dschang se sont construits très progressivement de 1906 à 1914, deux ans seulement avant le départ des Allemands du Cameroun. Très bien édifiés, ces bâtiments seront tout simplement réhabilités par les pères français du Sacré-Coeur comme le remarque Le père Le Bayon:

Dès l'arrivée de Plissonneau en 1923 à Dschang, la mission possède déjà deux maisons à étage, en briques cuites. Une pour les pères et une pour les soeurs, une école et des magasins également en briques cuites et le tout est couvert de tôles. Les pères pallotins avaient en effet commencé cette mission en 1910 sur une colline2.

1 Père Goustan le Bayon, Les prêtres du Sacré-Coeur et... pp127-129

2 Ibid. pp.37-38

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Photo 36: Résidence des pères de la paroisse Sacré-Coeur de Dschang

Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014, Dschang

Tout comme la paroisse Sacré-Coeur, cette résidence est une oeuvre allemande, montée avec les briques en terre cuite, les fenêtres larges et vitrées, c'est une oeuvre architecturale de haute facture.

Bouguem va dans le même sens en affirmant à propos de la résidence des religieuses que :

le 27 février 1931, l'année où s'ouvrit le petit séminaire de Nkongsamba arrivèrent à Dschang les premières religieuses. Leurs maisons avaient déjà été construites par les pères pallotins puis remise en état par le père Roblot en 1930. Elles étaient de la congrégation de la Sainte Union (une province française)1.

Cette mission centrale de Dschang qui est aujourd'hui la paroisse du Sacré-Coeur est considérée à juste titre comme la paroisse-mère de toutes les missions catholiques dans la région.

1 Bouguem, « Les prêtres du Sacré-Coeur et l'évangélisation ... p.60.

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Photo 37: Résidence des Soeurs en terre cuite

Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014, Dschang

Tout comme la paroisse Sacré-Coeur, cette résidence est une oeuvre allemande, montée avec les briques en terre cuite, les fenêtres larges et vitrées, c'est une oeuvre architecturale de haute facture.

Dans n'importe quel lieu où les soeurs de la Sainte Union se sont installées, il y a toujours eu un dispensaire, une école des filles, l'éducation des fiancées. Seule la pouponnière sera une spécificité de la Communauté de Dschang1. Les Soeurs de la Sainte Union ouvrent une pouponnière qui accueille les enfants abandonnés et les orphelins. Elle reçoit en principe des bébés dont les mamans meurent des suites d'accouchement où quelques jours après l'accouchement. Les soeurs qui gèrent sont : Soeur Octavie Marie, Soeur Juliette, puis Soeur Antoinette et Soeur Helene2. En 1956, la pouponnière comptait 32 enfants de 0 à 1 ans, 21 de 1 à 2 ans et 103 de 2 à 15 ans. Cette pouponnière constituera aussi un terrain privilégié pour l'éducation des fiancées du Sixa qui feront des exercices pratiques de puériculture3.

La Sixa ou « maisons des fiancées » est une transformation par les indigènes du mot anglais « sister », mot qui signifie « soeur » en français. Les filles de la Sixa

1 Père Goustan le Bayon, Les prêtres du Sacré-Coeur et... p.85.

2 Jean Paul Messina, Les prêtres du Sacré-Coeur de jésus dans ...p.73.

3 Père Goustan le Bayon, Les prêtres du Sacré-Coeur et... p85.

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apprenaient à faire la cuisine, à cultiver et à élever les enfants. Le stage durait entre six mois et deux ans, elle pouvait aller plus loin pour plusieurs obstacles dont la dot non payée, l'indiscipline et l'opposition du catéchiste.1 Soeur Marie Octavie est responsable du Sixa. Selon Jean Paul Messina, « Le Sixa est une invention missionnaire pallotine au Cameroun [...] c'est surtout à Dschang que cette expérience connaît un développement prodigieux, elle compte près de 80 pensionnaires entre 1936 et 1950 2»

La Sixa n'a pas fonctionné sans difficultés. Enoh Meyomesse voit en cette structure, un milieu très approprié pour la barbarie blanche. Ainsi, il la présente comme un lieu où

les prêtres blancs s'en servaient copieusement [des jeunes filles] pour leurs plaisirs sexuels. Ils disposaient ainsi, gratuitement, de petites négresses toutes fraîches qu'ils dépucelaient sans vergogne, et avec qui ils couchaient pendant une année entière. Ils étaient officiellement célibataires, mais en réalité multi-polygames. Bien plus grave, la condition pour célébrer un mariage religieux était que la jeune mariée ait d'abord séjourné dans le « Sixa ». Bref, qu'ils s'en soient d'abord « occupé3 ».

Père le Bayon le reconnait aussi quand il affirme : « On dit beaucoup de mal des Sixa. Et pourtant, essentiellement le Sixa fut introduit pour que les jeunes filles païennes fiancées à un chrétien puissent recevoir une formation religieuse accélérée afin de pouvoir se marier sans trop tarder 4». Elle est finalement supprimée en1956 dans le diocèse de Nkongsamba5.

En 1950, on avait 8 000 catéchumènes dans cette mission, pratiquement près du quart de la population de la subdivision de Dschang6.

Les religieuses ouvrent aussi un dispensaire où sont donnés les soins aux malades atteints du paludisme ou d'autres pathologies tropicales ne nécessitant pas de

1 Bouguem, « les prêtres du Sacré-Coeur... p.73

2 Jean Paul Messina, les Prêtres du Sacré-Coeur de. . p.77.

3 Enoh Meyomesse, « La servitude religieusement consentie », in les cahiers de

Mutations, le vrai visage de l'église catholique au Cameroun, Vol 056, Mars 2009, p.4.

4 Père Goustan le Bayon, Les prêtres du Sacré-Coeur et. . p.74.

5 Jean Paul Messina, Les prêtres du Sacré-Coeur de jésus dans . .p.77.

6 Monique guimfacq, Foto, un grand royaume... p.89.

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lourds traitements ou de longs séjours d'hospitalisation. Soeur Jeanne Rachel et Soeur Marie Lutgarde s'occupent de l'école des jeunes filles1 .

En ce qui concerne l'école des jeunes filles, C'est en février 19112 que les Soeurs pallotines arrivèrent à Dschang et commencent une école où elles comptent jusqu'à 400 filles. Depuis 1906, les rudiments d'instruction étaient donnés dans le cadre de la formation religieuse. Bouguem fait un commentaire sur les cours qui étaient dispensés dans cette école :

les cours qui étaient dispensés dans ces écoles visaient à initier l'élève à la lecture, au calcul rapide, à l'hygiène et surtout à la religion chrétienne. Pour les matières comme la géographie ou l'histoire, l'écolier connaissait beaucoup sur la France, mais rien sur le Cameroun, son pays3.

En 1913-1914, cette école comptait 1 109 garçons et 174 filles inscrits dans trois écoles implantées dans le district4.

Photo 38: L'école primaire st Michel de la Paroisse Sacré-Coeur

Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014, Dschang

OEuvre française construite en 1927 par le frère Bernardo Albizzati sous la direction du Père Roblot, elle est restée intacte et a formé plusieurs générations de Camerounais.

1 Jean Paul Messina, Les prêtres du Sacré-Coeur de jésus dans ...p.76.

2 J.A. Guimzang, « Foréké-Dschang (Impact des interventions allemandes et britanniques sur les institutions traditionnelles 1900-1920 », Mémoire de DES en Histoire, Université de Yaoundé, 1978, p.50.

3 Bouguem, « Les prêtres du Sacré-Coeur...p.69.

4 J.A Guimzang,. « Foréké-Dschang (Impact des interventions ... p.50.

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De façon générale, la conversion des Africains à la nouvelle religion leur conférait un certain nombre d'avantages. Dans son mémoire de Maitrise, Albert-Pascal Temgoua présente ces avantages en ces termes :

Savoir lire et écrire, se faire soigner dans quelque dispensaire de bonne soeur, s'habiller un peu à l'Européenne avec des habits plus ou moins usés collectés auprès des bienfaiteurs européens, se mettre à l'abri des tracasseries administratives, profiter de temps en temps des restes de pains ou d'autres mets laissés sur la table du blanc, servir enfin d'intermédiaire entre celui-ci et les frères nègres croupissant encore dans les ténèbres de l'ignorance et de la sauvagerie. La conversion...correspondait donc, en définitive, à une réelle promotion sociale1.

La promotion sociale des indigènes, c'était aussi le fait de prétendre avoir une place dans un cimetière une fois mort. Les cimetières font donc eux-aussi partie de l'ensemble des infrastructures coloniales à Dschang. Celui dont nous traitons se trouve dans ce qui s'appelle aujourd'hui la grande mission. Il date certainement de la période allemande. L'idée de création de ces cimetières vient du fait que les Européens se trouvant en Afrique pendant la période coloniale devaient résoudre, parfois de façon urgente, les difficultés auxquelles ils étaient confrontés. Mendana Ndzengue en recense quelques uns de ces difficultés :

Outre la distance d'avec la côte qui causait de sérieux problèmes de ravitaillement dans tous les secteurs d'activités, d'autres problèmes, liés à la fois au manque d'hygiène et aux aléas climatiques, n'étaient pas de nature à rendre facile la vie des colons et des missionnaires...en dehors des problèmes essentiellement liés à l'environnement naturel parasitose de toutes sortes, des maladies endémiques, de l'insécurité avec les velléités entretenues par quelques Chefs rebelles, il y avait aussi le sort réservé aux dépouilles des membres de la milice coloniale et autres ressortissants européens décédés en terre camerounaise2.

Le cimetière est le lieu ou les européens enteraient les morts qui ne pouvaient pas être rapatriés en métropole. Ces cimetières, au départ étaient réservés aux dépouilles européennes et c'est progressivement que les indigènes qui s'intéressaient aux activités missionnaires3 pouvaient aussi y être enterré une fois mort.

1 Albert-Pascal Temgoua, « Le pouvoir colonial français et la Chefferie traditionnelle de Foréké-Dschang (1920-1960), Mémoire de Maîtrise en Histoire, Université de Yaoundé, septembre 1984, p.50.

2 Mendana Ndzengue, « L'évolution des pratiques funéraires et la naissance des cimetières dans la région de Yaoundé (1885-1974) », Mémoire de DIPES II en Histoire, ENS de Yaoundé, 2002-2003, p.52.

3 C'est généralement dans les territoires réservés aux missionnaires qu'on trouve les cimetières coloniaux.

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Photo 39: Cimetière allemand de la mission Sacré-Coeur de Dschang

Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014, Dschang

Cette photo est l'espace ayant accueilli les dépouilles des Allemands, des Français et aussi des indigènes à côté du Collège st Paul.

La question à laquelle les Africains doivent répondre maintenant est celle de savoir s'il faut continuer à percevoir la mission dans toutes ses composantes (écoles, catéchèse, séminaire) avec le même regard que nos parents avaient pendant la période coloniale. Parce qu'ils étaient, d'une manière ou d'une, contraints de le faire. Les vestiges culturels et religieux servaient à l'endoctrinement des jeunes camerounais au sujet de l'intérêt de la colonisation.

Les vestiges coloniaux étant assez nombreux, nous avons tenté de cartographier les plus importants en attribuant à chaque vestige ou un groupe de vestiges un numéro sur la liste suivante, question de pouvoir les repérer facilement sur la carte de la ville.

1. l'ancien fort allemand ou le quartier administratif actuel, constitué de la sous-préfecture, la gendarmerie, le commissariat central, le palais de justice, les archives départementales, la résidence du préfet, la prison centrale de Dschang et le barrage hydroélectrique qui se trouve derrière la prison...

2. La régie de production d'électricité.

3. Les infrastructures de la mission Sacré-Coeur de Dschang dont la paroisse, la résidence des soeurs, le cimetière...

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4. L'entrée du marché "A" de Dschang

5. L'Usine de traitement du quinquina, l'usine de café, les bâtiments de L'IRAD.

6. L'Hôpital de Dschang.

7. L'Alliance franco-camerounaise de Dschang, le musée public de Dschang, le stade municipal et le camp des fonctionnaires de new town Foto

Ces numéros, représentant les différents arrêts, constituent un circuit touristique clair sur la carte suivante.

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Carte 2: Cartographie de quelques vestiges coloniaux dans la ville de Dschang

Source : fond de carte du Laboratoire de Géomatique de l'Université de Dschang réalisé et complété par Keumo Roméo

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Conclusion

En guise de conclusion, il était question pour nous de faire l'inventaire des vestiges coloniaux à caractère culturel et socio-religieux de la ville de Dschang. Nous pouvons retenir que ces vestiges sont multiples. Il faut aussi remarquer que l'on se rend bien compte que, sinon toutes les infrastructures coloniales, du moins la majorité, aurait été initiée par les Allemands qui n'ont fait que sept ans d'occupation effective à Dschang. Ces infrastructures ont tout simplement été rénovées ou reconstruites (pour celles qui étaient détruites pendant la guerre) par les Français pendant les années 1920-30 d'une part et dans les années 1950 d'autres part. Numériquement, les vestiges coloniaux à caractère culturel sont moins nombreux à comparer aux vestiges coloniaux à usage politico-administratif, justement parce que les premiers ne viennent qu'en complément aux seconds et ne s'intéressaient qu'à l'aspect divertissement des colons dans les colonies. Le prochain chapitre s'intéressera à l'état actuel de ces vestiges et à une possible valorisation.

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QUATRIEME CHAPITRE:

ETAT DES VESTIGES COLONIAUX A DSCHANG ET URGENCE D'UNE

VALORISATION

Introduction

Après avoir montré l'extrême richesse du patrimoine colonial dans la ville de Dschang, richesse due à la succession de plusieurs puissances coloniales dans cette localité. Il devient important de se demander si ce patrimoine est encore visible dans son entièreté.

La question centrale à laquelle nous allons répondre dans ce chapitre est la suivante : Dans quel état se trouvent les vestiges coloniaux dans la ville de Dschang ?

Pour y parvenir, nous allons commencer par montrer l'état actuel des vestiges coloniaux dans la ville de Dschang, ensuite nous étudierons les facteurs liés à la destruction de ces vestiges, puis leur importance et nous finirons par l'urgence de la restauration.

I. L'ETAT DES VESTIGES COLONIAUX A DSCHANG

Il est question ici de faire un état, c'est-à-dire de dire comment ces édifices se présentent actuellement sur le terrain. Nous allons d'une part compter les vestiges coloniaux transformés, ensuite ceux qui s'assombrissent ou qui se détériorent et d'autre part ceux réhabilités.

1. Les vestiges coloniaux transformés

Nous entendons par vestiges coloniaux transformés, ceux qui ne sont plus repérables sur la carte de la ville de Dschang. Ceux dont les sites ont accueilli de nouvelles infrastructures ayant des objectifs parfois différents de ceux de la première structure. Il y en a plusieurs exemples. Le fort allemand était cette superstructure militaire et administrative, siège des institutions du Bezirk de Dschang de 1907 à 1914. Il fut presque complètement rasé par les forces franco-britanniques pendant la Première Guerre Mondiale. Le Camp rouge qui contenait les militaires, les tirailleurs

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très déterminés balancés de l'Indochine vers le Cameroun dans les années 1950 par l'administration française, a lui aussi disparu laissant la place au Rectorat de l'Université de Dschang1.

Photo 40: L'actuel Rectorat de l'Université de Dschang construit sur le site de
l'ancien Camp Rouge

Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014, Dschang

Ce lieu abritant le rectorat, s'appelait dans les années 1950, le Camp rouge (camp des tirailleurs exceptionnels ayant fait la guerre d'Indochine et affectés au Cameroun pour briser la rébellion upeciste). Il n'existe presque plus de traces rappelant ce camp.

Sur le plan éducatif, le contexte colonial, qui voulait que les différentes écoles forment les auxiliaires de l'administration, ayant changé, les écoles de fils de Chef, des garçons et des filles ont muté pour devenir aujourd'hui école groupe 2, école annexe, lycée classique de Dschang. La formation dans ces écoles est désormais accessible pour tout le monde. Des lors, que dire des vestiges coloniaux en détérioration.

2. Les vestiges coloniaux assombris ou en état de détérioration

Les vestiges coloniaux assombris sont ceux dont le site n'a pas changé, les bâtiments toujours existants mais dans un état de délabrement avancé. Il y a certains bâtiments ayant à l'intérieur des machines qui sont intactes et dont on dirait qu'en les

1 Entretien avec René Poundé le 12 février 2014 à son domicile

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restaurant, elles pourront encore fonctionner1. A titre illustratif, nous pouvons citer, les bâtiments de la station de traitement de quinquina, l'usine du café etc.

Photo 41: Cette résidence du Chef de l'Aviation mérite d'être réhabilité

Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014, Dschang

Cette ancienne résidence du Chef de l'Aviation est dans un état de délabrement avancé et on peut constater qu'il y a eu des raccommodages sur le mur vu de gauche. Elle mérite une restauration des spécialistes.

A côté de ces bâtiments existent d'autres qui sont toujours utilisés par l'administration et même par des particuliers et qui méritent d'être réhabilités, mis en forme pour une utilisation moderne. Nous pensons au camp des fonctionnaires, à la prison, à la régie de production d'électricité et au centre climatique...

Le Centre Climatique par exemple devrait être un hôtel colonial de référence. Malheureusement ce joyau va bientôt mourir. Laissons le soin à Aldo Koko de décrire sa situation:

Qui est donc ce gouvernement qui ferme les yeux face à la décrépitude avancée du patrimoine immobilier de l'Etat ? Le Centre Climatique de Dschang, véritable vestige de la colonisation est en ruine. Son apparence désormais rustique est trompeuse. C'est une vieille dame, aux murs lézardés et aux toits intenables sous l'averse, qui reçoit le Gouverneur de l'Ouest et le gratin régional de l'administration publique (Justice, Forces de Défense, Police, Renseignements) ce 19 juin [2013], dans le cadre du Comité de coordination de la sécurité. Chacun est quand même là, prêt à accepter la pluie qui menace de faire fortune ici. Personne ne peut ne pas piaffer, face à l'état de délabrement dans lequel se retrouve le Centre Climatique de Dschang. Ce village touristique construit et inauguré en 1946 est agonissant, sans que cela émeuves les ministères du tourisme et des loisirs qui en assure la tutelle, celui des Arts et de la culture qui se glorifie d'assurer l'inventaire du patrimoine, et le ministère des Domaines, du cadastre et des Affaires

1 Entretien avec Donfack Elie le 13 fevrier 2014 à son domicile

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foncières à qui incombe la conservation, la préservation du patrimoine architectural et immobilier de l'Etat. « Depuis que le gouvernement a décidé de privatiser le Centre Climatique, aucun budget n'a plus été dégagé pour son entretien », a rapporté un fonctionnaire du Mintour à notre reporter. « Dès que vous posez le problème, on vous répond qu'on attend la commission qui doit examiner les dossiers de soumissionnaires » Mais le drame c'est que ça dure, et parfois vous avez l'impression que l'on a oublié le dossier1.

Allant dans le même sens, J.B. Ketchateng nous fait savoir qu'

Hier..., les toits coniques de la grande case-abri du restaurant aux belles boiseries patinées figuraient fièrement dans les manuels de géographie économique et les cartes touristiques du Cameroun. La mousse qui a envahi les marches, les fougères dans les gouttières n'ont pas complètement défiguré un établissement où les travailleurs n'attendent que l' « argent qu'on a annoncé » pour la relance.2

Qu'en est-il alors des vestiges coloniaux réhabilités.

3. Les vestiges coloniaux réhabilités ou en forme

Les vestiges coloniaux réhabilités sont ceux qui ont régulièrement été entretenus et qui ne souffrent d'aucune anomalie liée à leur âge. Ils ont, depuis la période coloniale jusqu'à présent, gardé leurs objectifs principaux. Nous pensons ainsi à la résidence et au lieu de service du Chef de région, à l'hôpital de Dschang, à la paroisse sacré coeur, à l'Alliance franco-camerounaise de Dschang...

En définitive, nous retenons qu'il existe trois principales catégories de vestiges coloniaux à savoir les vestiges transformés, les vestiges assombris et les vestiges coloniaux réhabilités. Apres cette présentation, on est en droit de se demander, pour les vestiges se trouvant dans un état de détérioration avancé, l'origine de ce problème.

II. FACTEURS FAVORABLES A LA DESTRUCTION DES VESTIGES COLONIAUX

Plusieurs facteurs sont à l'origine de la ruine du patrimoine colonial à Dschang. Nous avons par exemple les conditions climatiques, l'inaction de l'homme et l'inexistence ou l'inapplicabilité d'une politique culturelle. D'entrée de jeu,

1 Aldo Koko « Cameroun-Dschang : le centre climatique de Dschang, bientôt la fin ? », in http://www.sinotables.com, consulté le 12 février 2014 à 13h.

2 Ketchateng, Jean Baptiste. « Dschang, Le Centre Climatique prend froid », in Cameroun tribune, n°10709/6908 du Mardi 04 novembre 2014, p.9.

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commençons par mentionner le fait que la ville de Dschang, depuis sa création a toujours été au centre de la politique dans la région. Elle le restera jusqu'au lendemain de l'indépendance du Cameroun le 1er janvier 1960, où elle perdra cette fonction administrative régionale pour devenir simple Chef lieu de Département, celui de la Menoua. La perte de son statut de capitale provinciale, va entraîner l'abandon de la ville. Tous les centres d'intérêts sont désormais tournés vers Bafoussam. A petit feu la ville va tomber dans la léthargie et son patrimoine va se dégrader1. Dans la même lancée, J. Champaud dira que « Bafoussam connut une croissance plus rapide encore avec sa promotion au rang de Chef lieu de la région (inspection fédérale), qui devint effective en 1964, au détriment de Dschang 2».

1. Les conditions climatiques

Le pays bamiléké est soumis à deux saisons à savoir la saison de pluie (la plus longue qui va de mars à novembre) et la saison sèche (qui va de Novembre à début Mars). En liant à ces deux saisons, le temps cosmique, c'est-à-dire depuis au moins 1960 il pleut abondamment sur un édifice, et les récents changements climatiques, les infrastructures coloniales ne peuvent que se détériorer et se détruire. Selon Michel Simeu Kamdem,

la ville de Dschang occupe une position excentrée, à l'ouest du pays bamiléké, l'agglomération est localisée sur cinq collines ; celle du centre national d'éducation physique et sportive (CNEPS) au Nord, celle du centre commercial au sud, celles du centre climatique à l'est et du quartier administratif au centre ; puis au nord-ouest celle de la mission catholique3.

Nous nous rendons compte que cet auteur désigne les collines de la ville par les noms des vestiges coloniaux, ce qui signifie que ces derniers sont très ouverts à la nature et par conséquent exposés au vent et même aux tornades.

1 Anonyme, « Histoire de Dschang », in www.planèteafrique.com posté le 11 janvier 2005, consulté le 12 février 2014 à 16h.

2 Jacques Champaud, « Genèse et typologie des villes du Cameroun de l'Ouest », in Cahiers de l'ORSTOM, série sciences humaines, Vol IX, n°3, 1972, p.331.

3 Michel Simeu Kamdem, « La ville de Dschang, Etude géographique », Mémoire de maitrise en Géographie, Université de Yaoundé, Mai 1981, p.23.

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2. L'inaction de l'homme

Elle est surtout liée à la méconnaissance de l'histoire de la région à la fois par les autorités ou l'élite et par la population. Cette inaction se manifeste par la négligence, elle-même due à l'ignorance de l'importance des vestiges coloniaux qui font désormais partie du patrimoine culturel du Cameroun. Parlant de la ville de Yaoundé, Esther Ngomedje affirme que « la négligence des monuments est liée au manque de culture historique de la majorité de la population ... on s'interroge sur la gestion de l'acquis colonial et le management de ceux que les Camerounais eux-mêmes produisent. Cela entraîne la perte d'une indicative et informative de l'histoire.1 ». Les citoyens originaires ou résidant dans la ville de Dschang ne se rendent pas compte qu'en détruisant ou en laissant se détruire les traces de la présence coloniale, ils participent eux-mêmes à la destruction ou à l'effacement de l'histoire.

3. La non application de la politique culturelle

« Seule une politique culturelle innovatrice et ambitieuse peut permettre au Cameroun de jouer un rôle dans l'histoire, de graver ses empreintes indélébiles sur les murs du temps2 », cette réflexion d'Augustin Kontchou Kouomegni, préfacier des états généraux de la culture, nous impose à reconnaitre que c'est la planification permanente et dynamique qui donne de la valeur à la politique culturelle d'un pays. Cette dernière se planifie à court, à moyen et à long terme. Mouasso Ruth définit la planification comme un processus qui permet d'identifier les objectifs à atteindre et les moyens les plus avantageux pour les réaliser3. C'est de cette politique qu'est généralement issu le plan de développement de la culture d'un pays. Ledit plan est ce

1 Edith Njokou Ngomedje, « L'histoire à travers les monuments cachés de Yaoundé 1887-1963 », Mémoire de Maîtrise en Histoire, Université de Yaoundé, septembre 2002, p.154.

2 Ministère de l'Information et de la Culture du Cameroun, Actes des Etats Généraux de

la Culture du 23 au 26 Août 1991 à Yaoundé, Yaounde, Imprimerie nationale, 1992, p.5.

3 Ruth Mouasso, « Elaboration du processus de plan de développement touristique du littoral touristique du Cameroun », Mémoire de Maitrise en Loisir, Culture et tourisme, Université de Quebec, Février 1999, p.14

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document de référence qui, en indiquant les orientations du développement de la culture nationale débouche sur un programme d'action. Dans notre pays, il n'existe pas une politique culturelle réelle qui nous permet de nous projeter dans le futur. Le problème, à notre avis, se trouve dans l'application ou l'exécution des projets culturels élaborés par la nation camerounaise. A regarder de près, on se rend compte qu'une politique culturelle existait bien du temps de la République Unie du Cameroun1. En plus, en République du Cameroun, il y a eu du 23 au 26 Août 1991 au Palais des Congrès à Yaoundé les Etats Généraux de la Culture camerounaise2 dont l'objectif était de donner un nouveau dessein culturel au Cameroun. Hélas, Nous n'avons pas aujourd'hui les objectifs à atteindre dans deux, cinq ou dix ans. Tout au plus, il y a quelques lois promulguées par le Président de la République du Cameroun comme celle n°2013/003 du 18 avril 2013 régissant le patrimoine culturel au Cameroun, mais la non application de celles-ci rend la protection stagnante.

Ainsi, le Ministère des Arts et de la Culture dans son fonctionnement, ne soufre d'aucun problème juridique. Tout le problème se pose au niveau de l'application des lois. L'Organisation du Ministère des Arts et de la Culture, principalement au niveau de la gestion du patrimoine culturel immobilier, montre à suffisance que les lois ne brillent pas par leur absence au Cameroun. (Voir annexe n°7)

Il ressort clairement de ce constat que l'absence d'une politique culturelle réelle et ambitieuse constitue la cause directe des autres problèmes à l'instar des problèmes financiers et de la corruption. Puisqu'il n'y a pas d'objectif précis, certaines autorités peuvent détourner les fonds consacrés à la réhabilitation du patrimoine culturel vers d'autres secteurs qu'ils estiment prioritaires. Il n'y a donc pas de volonté politique véritablement portée vers la protection de ce patrimoine.

Au regard de ce qui précède, on s'accorde à reconnaitre que les facteurs favorables à la détérioration des vestiges coloniaux sus-cités, que sont les aléas

1 Lire J.C Bahoken et Engelbert Atangana, La politique culturelle en République Unie du Cameroun, Paris, UNESCO, 1975, 93p.

2 Ministère de l'Information et de la Culture du Cameroun, Actes des Etats Généraux ...207p.

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climatiques, l'inaction de l'homme et la non application de la politique culturelle peuvent se résumer en deux points essentiels, l'un entrainant l'autre. Il s'agit du manque de culture historique chez les dirigeants qui occasionne le manque de volonté politique. Bruno Favel, quant à lui, résume ces facteurs en disant que « le patrimoine moderne est aujourd'hui mis en danger par l'érosion urbaine, des lois de protections inadéquates et une reconnaissance publique limitée1 ». Aussi, la diversité culturelle du Cameroun est mal connue en dépit des progrès et des réalisations en préparation, l'inventaire du patrimoine est sommaire et la législation visant à le protéger est insuffisante2. A ce niveau, plusieurs questions taraudent notre esprit. On se demande par exemple à quoi devraient servir tous ces vestiges coloniaux ? Qu'adviendrait-il donc si on décide de tout détruire et de construire d'autres bâtiments sur ces sites ? Nous rétorquons que l'historien s'oppose radicalement à toute destruction des objets du passé qui signifie l'effacement des pages de l'histoire de ce peuple.

III. L'IMPORTANCE DES VESTIGES COLONIAUX POUR UN PEUPLE

Les vestiges du passé sont indispensables pour un peuple à deux niveaux, d'abord, ils sont une source indéniable de perpétuation de la mémoire collective ; ensuite ils sont un vecteur de développement économique. Les vestiges coloniaux n'échappent pas à cette logique.

1. Les vestiges coloniaux : Support matériel de mémoire collective

Les vestiges ou monuments historiques sont une cicatrice, une preuve palpable d'un fait historique. Ce sont les artefacts qui stimulent la mémoire3. Ceux-ci permettent aux personnes ayant vécu un certain nombre de faits liés à eux de s'en rappeler. C'est pour cela que Nkengmo Esther B. affirme que « les monuments sont des constructions destinées à perpétuer le souvenir des hommes et des événements

1 Casciato De Maristella, et Emilie D'orgeix, Architecture modernes, l'émergence d'un patrimoine, Wavre, édition Mardaga, 2012, p.7.

2 Yves Aurélien Kana Donfack, "Evolution de l'habitat ...p.169.

3 Alain Sinou, « le patrimoine architectural et urbain en Afrique : un état des lieux à l'échelle continentale », in Les villes africaines et leurs patrimoines, Paris, Riveneuve, octobre 2011, p.167.

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qui ont marqué l'histoire d'un pays, ou même des oeuvres modestes qui ont acquis avec le temps la valeur d'un témoignage historique1 ».

Pris dans ce sens, les vestiges permettent donc d'éviter par exemple les conflits intergénérationnels sur le plan historique parce que, chaque fois que les parents parlent ou expliquent un fait lié à la colonisation, ils prennent à témoins ces éléments palpables qui sont des preuves irréfutables. L'histoire du café arabica à Dschang est palpable, aux yeux des jeunes, non pas à travers les caféiers qui malheureusement n'existent presque plus, mais plutôt à travers l'usine de café encore en place malgré son état de décrépitude. La rigueur et l'exactitude allemandes dans le travail ne se raconteront plus comme des mythes et légendes après un siècle, mais plutôt avec des constructions allemandes au Kamerun2 en général et à Dschang en particulier. L'importance et l'ancienneté de la ville de Dschang ne se raconteront pas seulement dans les documents écrits mais s'expliqueront aussi et surtout avec les constructions monumentales existantes à Dschang qu'on ne retrouve par exemple pas à Bafoussam3, l'actuelle Chef-lieu de la région de l'ouest. Ainsi, Njokou Ngomedje a totalement raison quand elle affirme : « autant que des documents oraux et écrits, ces édifices sont des socles permettant de conserver et de raconter le passé des peuples, ce sont des supports de communications historiques4 ».

La mission Sacré-Coeur de Dschang par exemple, en tant que première mission catholique à l'ouest, a amené Dschang à être une région de vieille chrétienté5 et comme le dirait le père Goustan le Bayon « Dschang deviendra la mère, la grand-

1 Esther Bernadette S. Nkengmo, « Musées et Monuments historiques de la ville de Yaoundé : Etude comparative et problèmes de conservation », Mémoire de maîtrise en Histoire, Université de Yaoundé, septembre 1986, p56.

2 Appellation allemande de Cameroun

3Lire à ce propos Jean Marie Tchinda, « Grandeur, Décadence et Renaissance d'une ville camerounaise : Dschang (1903-2007) », Université de Dschang, Mémoire de Master en Histoire, 2008/2009,

4 Edith Njokou Ngomedje, « L'histoire à travers les monuments... p.1

5 M. Tegomo-Nguetsé, Le diocèse de Bafoussam, contribution à l'histoire du centenaire de l'Eglise Catholique au Cameroun, Bafoussam, 1984, (Inedit), cité par Lemegne, « La Mission Catholique Sacré-Coeur de Dschang : 1910-1990 », Mémoire de DIPES II en Histoire, ENS Université de Yaoundé I, 2002-2003, p.26.

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mère et l'arrière grand-mère de toutes les paroisses des diocèses de Nkongsamba et de Bafoussam1 ». L'importance de cette mission doit donc être sue non seulement par les populations de la ville de Dschang en particulier, mais surtout par les chrétiens catholiques en général.

En plus, ces témoins du passé sont des portes ouvertes pour de nouvelles recherches ou pour l'avancement de la recherche. Autrement dit, les différentes infrastructures coloniales peuvent permettre aux différentes disciplines de cerner davantage la vie politique, économique et sociale de la zone ou du pays pendant la colonisation. La régie d'électricité de Dschang fera par exemple l'objet, pour les ingénieurs, de l'étude de la capacité technique et technologique de cette époque et donc, de la capacité d'extension ou de couverture énergétique dont bénéficiait la ville de Dschang. Les géographes et les hydrologues en particulier vont étudier le débit d'eau du lac municipal qui alimentait cette régie de production d'électricité et par conséquent, vont connaitre les variations climatiques pendant la période étudiée. Nous pouvons donc conclure avec Jacques Souliliou en approuvant que la perte de ce patrimoine [colonial] constituerait un dommage irréparable pour la mémoire collective des jeunes générations de l'Afrique contemporaine2. En outre, Ces vestiges coloniaux peuvent même contribuer au développement économique de la ville de Dschang.

2. Les vestiges coloniaux : Vecteur de développement économique

Nous n'avons pas la prétention d'affirmer ici que le patrimoine colonial à lui seul peut grandement influencer le développement économique, mais nous disons que c'est le développement de toutes les potentialités touristiques (y compris les potentialités historiques donc colonial) de la localité qui peuvent booster le développement socio-économique. Il faudrait rappeler qu'un site touristique est un ensemble de paysage naturel ou artificiel du patrimoine national qui présente une valeur exceptionnelle du point de vue culturel, esthétique, historique, statistique et

1 Père Goustan le Bayon, Les prêtres du Sacré-Coeur et ...40.

2 Jacques Souliliou, Douala, Un siècle en images, Paris, L'Harmattan, 1989, p.7.

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qui mérite d'être exploité, conservé pour l'intérêt touristique1. De plus en plus, on parle du tourisme culturel qui, d'après Wisconsin Heritage Tourism Program, peut être défini comme «the practice of travelling in order to experience historic and cultural attractions and at the same time learn about the community heritage in an enjoyable and educational way2».

Il est vrai que le développement touristique ne peut pas tout d'un coup, comme une baguette magique, être palpable. Mais le chômage étant l'un des problèmes cruciaux du monde contemporain, la prise en compte du tourisme culturel peut être un début de solution à la lutte contre ce mal social. L'influence du tourisme culturel sur le développement économique peut dont être utile à deux niveaux, à savoir, au niveau de la lutte contre le chômage et à travers l'entrée des devises.

Pour la lutte contre le chômage, elle se situe à deux niveaux : la réhabilitation et l'entretien.

Pendant la réhabilitation, on a besoin de tout un corps formé d'architectes, d'historiens, d'historiens spécialisés en architecture, des ingénieurs, d'urbanistes sans oublier une main d'oeuvre qualifiée ou non, pour pouvoir ordonner et embellir les édifices à réhabiliter.

L'entretien quant à lui se fait très régulièrement et le besoin en main d'oeuvre se fait toujours ressentir car il ne s'agit pas d'un seul bâtiment, mais d'un ensemble de bâtiment d'une valeur importante. En plus, il faut aussi une direction chargée de coordonner toutes ces activités, des gardiens (environ deux ou trois par bâtiment) chargés de la surveillance des édifices et de guides touristiques ayant pour rôle d'accompagner les touristes. Tous ces travailleurs doivent avoir une rémunération mensuelle.

1 Arlette Véronique Ombotte, « Tourisme et sauvegarde de l'environnement socioculturel camerounais », diplôme supérieur en Tourisme, Institut supérieur international du tourisme de Tanger, 1999-2001, p.33

2 Nadine Noudou Mbiakop, «Cultural divertification of tourism and their importance, case study: Cameroon», Thesis Degree Programmme in Tourism, Centria University of Applied Sciences, October 2012, p.20

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Une fois restaurées, ces infrastructures feront l'objet des visites des touristes locaux, nationaux et surtout internationaux1 et feront des rentrées en devises. Si une bonne communication est faite à cet effet. A ce sujet, Cazes G. donne le rôle indispensable que doit jouer le touriste auprès des autres touristes, il affirme que :

les touristes ne sont pas l'émetteur mais seulement le canal ou le medium pour la transmission d'idées nouvelles. L'émetteur réel et la source d'information, c'est la société industrielle et urbanisée dont les touristes ne sont que des canaux d'information à côté de la publicité, des mass-médias et des films2.

Ainsi, conclut Clovis Foutsop, le tourisme est important non seulement comme source de devises, mais aussi comme facteur d'implantation des industries3. Dominique David est du même avis quand il dit que

le tourisme dispose de nombreux atouts par rapport à d'autres branches d'activité. Etant hétérogène, il est perçu comme la source de multiples avantages directs et indirects pour l'ensemble de l'économie : il crée non seulement des emplois dans le large éventail des secteurs de services directement liés à son activité mais également dans le commerce de détail, la construction, la fabrication manufacturière et les télécommunications, qui sont autant de secteurs d'avenir4.

Il n'est donc plus à démontrer que le tourisme international joue un rôle notable dans l'apport des devises dans les pays en voie de développement en particulier et dans le monde entier en général. Celui-ci est sinon, le principal, du moins l'un des principaux pourvoyeurs de devises en Afrique5. L'OMT estime que les arrivées de touristes internationaux en Afrique sont passées de 27 à 50 millions entre 2000 et

1 Ces infrastructures étant le résultat de deux civilisations (africaine et occidentale), les Occidentaux ne manqueront pas de venir visiter les réalisations de leurs ascendants en Afrique.

2 Cazes G., Tourisme et Tiers monde. Un bilan controversé, les nouvelles colonies de vacances, Paris, L'Harmattan, 1992, pp20-21, cité par Ruth Mouasso, « Elaboration du processus de plan de développement touristique du littoral touristique du Cameroun », Mémoire de Maitrise en Loisir, culture et tourisme, Université de Quebec, Février 1999, pp 28-29

3 Clovis Rodrigue Foutsop, « L'activité touristique dans le Département de la Menoua (Ouest-Cameroun) de 1943 à 2007 », Université de Dschang, Mémoire de Master en Histoire, 2008/2009, p.104.

4 Dominique David, « Le développement durable du tourisme », in Le courrier, n°175, Mai-juin 1999, p.41.

5 Ruth Mouasso, « Elaboration du processus de plan de développement touristique du littoral touristique du Cameroun », Mémoire de Maitrise en Loisir, culture et tourisme, Université de Quebec, Février 1999, p.19.

1 Maélan Le Goff, « Crise de la zone euro : quelles conséquences pour les économies africaines ? », in La lettre du CEPII, n°322 du 26 juin 2012, p.3.

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2010 et que les recettes provenant de ce tourisme auraient triplé en l'espace de dix ans, passant de 10 à 30 milliards en 20101. Ces devises venant de l'activité touristique permettront au moins de rémunérer les employés. Ainsi, le patrimoine colonial pourra apporter sa contribution au développement du tourisme et par ricochet à celui de l'économie dans la ville de Dschang. Mais le constat est pourtant clair que ce patrimoine est en train de se détériorer progressivement. La réflexion actuelle au sujet des vestiges coloniaux devrait dont être tournée vers la mise en valeur de ce patrimoine dont certains éléments sont en voie de disparition.

IV. DES INITIATIVES A ENCOURAGER

Nous ne devons pas nier que quelque chose a déjà été faite, même si c'est insuffisant dans le sens de la mise en valeur du patrimoine colonial dans la ville de Dschang. Par exemple, le nom sur cette plaque située sur l'axe de l'IRAD peut déjà attirer l'attention de celui qui la regarde sur le rôle que cette personnalité a joué dans la ville.

Photo 42: Panneau signalant l'avenue Marcel Lagarde

Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014, Dschang

Ce panneau est comme un début de solution au problème de la conscientisation de la population de Dschang par rapport à son histoire.

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En plus, des initiatives privées ont aussi été prises afin de protéger et de rendre utiles les vestiges coloniaux dans la ville de Dschang. A titre illustratif, nous avons cette initiative de la réhabilitation de l'ancien garage de la Ferme Quinquina de Dschang à travers l'Initiative Sogea Satom pour l'Afrique (ISSA), au profit des malvoyants du Centre de Rééducation, de Formation et d'Insertion Sociale des Aveugles au Cameroun (Crefisac) qui a été inauguré le samedi 18 mai 20131.

Ce grand immeuble colonial occupé par les aveugles du Crefisac a été ainsi entièrement rénové et doté d'une salle d'informatique et des toilettes modernes2. Le savoir-faire des pensionnaires de cette structure en vannerie, cannage, élevage de porc, aviculture, cuniculture, fabrication du compost pour l'agriculture biologique, animation culturelle et sportive, mobilité et techniques du braie est exceptionnel au niveau du territoire national3.

Le Crefisac est une initiative de Franky Vincent Nanfack, un fervent et éternel protecteur des aveugles. Pour la réalisation de ce projet, le responsable du Crefisac est allé voir le Préfet de la Menoua d'alors (Awana Ateba) et a sollicité de lui la concession d'un immeuble colonial abandonné. Le bâtiment avait servi tour à tour comme Garage de la Ferme Quinquina sous la colonisation française, et Base phytosanitaire de Dschang après l'indépendance. Le projet accroche donc l'administrateur civil qui, en plus de ce bâtiment viendra de temps à autre en aide à la jeune association, par des dons en denrées alimentaires et des conseils4.

1 Anonyme, « Dschang : l'ancien garage de la Ferme Quinquina réhabilité au profit des malvoyants du Crefisac », in www.sinotables.com, posté le 22 Mai 2013 à 09:31

2 Ibid.

3 Ibid.

4 Anonyme, « Dschang : l'ancien garage de ...

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Conclusion

En définitive, il était question dans ce chapitre, de faire l'état des vestiges et de montrer l'urgence de leur valorisation. Pour y parvenir, nous avons commencé par étudier l'état actuel de ces vestiges coloniaux, nous avons pu montrer qu'il existe trois types à savoir, les vestiges coloniaux disparus, les vestiges en ruine et les vestiges fonctionnels, ensuite, au sujet des facteurs liés à la destruction des vestiges coloniaux nous nous sommes rendu compte qu'ils se résument en un seul facteur à savoir le manque de volonté politique qui entraine l'inexistence d'une bonne politique culturelle. L'importance de ces vestiges n'est pas à négliger car ils constituent l'identité culturelle et peuvent, ne serait-ce qu'en partie aider à surmonter les conflits intergénérationnels. Enfin, vu l'état actuel des vestiges, nous avons fait une proposition de solution à travers la sensibilisation et la conservation en vue de leur valorisation, le tout débouchant sur un circuit touristique.

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CONCLUSION GENERALE

Après la prise de possession du Kamerunstadt (l'actuelle ville de Douala) à la faveur du traité germano-douala du 12 juillet 1884 et l'appropriation par la force de l'arrière pays quelques années plus tard, les allemands s'installent à Dschang vers 1903, date probable de naissance de cette ville aujourd'hui universitaire au passé colonial riche.

Pour matérialiser leur présence dans cette ville, pour des besoins de sécurité, d'administration et d'exploitation des richesses, Allemands d'abord et Français vont y édifier à l'aide d'une main d'oeuvre locale, forcée et gratuite, de nombreuses infrastructures.

La mise en valeur ou le pillage des ressources du sol et du sous sol avait fortement besoin des grandes constructions comme les infrastructures administratives, routières et ferroviaires.

Quant au financement, il venait directement de la métropole et était géré par les représentants de la mère patrie à des échelons divers. Pour le cas allemand par exemple, c'est le gouverneur du territoire qui tranchait les questions budgétaires après avoir consulté la métropole et ordonnait aux Chefs de circonscription la répartition. Entre les deux guerres mondiales, les Français n'ont presque pas investi à cause des idées pro-allemandes qu'ils combattaient chez les Camerounais. C'est à partir de la fin de la Deuxième Guerre Mondiale qu'ils commencent à investir véritablement dans les colonies en espérant avoir de bons rendements. Ce financement s'est fait à travers le FIDES pendant une période de dix ans (19471957).

L'Allemagne étant la première puissance européenne à s'installer au Cameroun, ses citoyens ont construit leurs premiers bâtiments en s'inspirant des techniques autochtones et en utilisant le matériau trouvé sur place. Le tout premier bâtiment de la mission centrale de Dschang, construit par les pères pallotins, en est une illustration parfaite car il a été construit en bois et en paille. Jusqu' à l'arrivée des

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Français à Dschang en 1920, la technique avait beaucoup évolué et a d'ailleurs continué jusqu'au béton armé (ce que l'on utilise aujourd'hui).

La majorité des infrastructures coloniales est encore visible dans la ville de Dschang. On peut les recenser dans plusieurs domaines à savoir le domaine politico-administratif, le domaine socio-économique et le domaine culturel et religieux. Néanmoins, une partie connait de sérieux problèmes de conservation.

Plusieurs facteurs influencent la destruction des vestiges coloniaux dans la ville de Dschang. Nous en avons retenu trois, le premier est lié aux facteurs climatiques qui à travers les différents éléments météorologiques (pluie, humidité, vent et alternance chaleur/humidité...), frappent ces vestiges depuis au moins soixante cinq ans. Ensuite nous avons l'inaction de l'homme qui se manifeste par la négligence et l'abandon des vestiges en question. Cette action négligente de l'homme participe à la destruction des vestiges et donc au risque d'effacement de l'histoire de toute la région parce que Dschang, depuis sa création a toujours été au centre de l'administration coloniale. Enfin le dernier facteur est l'inexistence d'une politique culturelle et l'inapplicabilité des lois existantes sur le patrimoine culturel national. Il est clair que le Cameroun en matière de politique culturelle ne sait pas où il va et c'est pour cette raison que plusieurs lois ont déjà été adoptées par l'Assemblée Nationale et promulguées par le Président de la République du Cameroun, mais n'ont jamais été appliquées. La conséquence directe de tous ces facteurs est la négligence1 voire l'abandon des vestiges coloniaux qui pourtant font aussi partie du patrimoine culturel du Cameroun.

Cette situation entraine ipso facto la destruction progressive des vestiges coloniaux au Cameroun en général et à Dschang en particulier. Nous avons recensé en ce qui concerne l'état de ces vestiges trois types, à savoir ; les vestiges coloniaux transformés, les vestiges coloniaux assombris et les vestiges coloniaux réhabilités. Pour les premiers, ce sont ceux qui ne sont plus repérables sur la carte de la ville de Dschang parce qu'ils ont été détruits et dont les sites abritent actuellement de

1 Entretien avec Etienne Sonkin le 17 mars 2014 à son bureau

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nouveaux bâtiments.. Les seconds sont ceux dont les sites n'ont pas changé, fonctionnels ou pas, mais qui sont dans un état de délabrement très avancé. Et enfin ceux qui ont régulièrement été réhabilités et entretenus. Ils ont gardé leurs objectifs de départ.

Il devient aisé de percevoir que c'est peut être la mauvaise récupération de ces "projets coloniaux" par les dirigeants de la nation après les indépendances qui justifierait ne serait-ce qu'en partie le retard de développement1 de ce pays. Car, comment comprendre que le paludisme, pour ne prendre que cet exemple, fait encore aujourd'hui des ravages dans notre pays alors qu'il existait pendant la colonisation toute une entreprise faisant dans la production du quinquina et de sa transformation en quinine, remède efficace contre cette maladie.

Ces vestiges coloniaux sont en train de disparaitre, pourtant ils constituent une source indéniable de la mémoire collective. Ce sont des monuments historiques, des constructions destinées à perpétuer le souvenir des hommes et des événements qui ont marqué l'histoire d'un pays, ou même des oeuvres modestes qui ont acquis avec le temps, la valeur d'un témoignage historique.2 Ces vestiges, s'ils étaient conservés, pouvaient par exemple jouer un rôle très important dans la résolution des conflits de génération parce que ce sont des preuves réelles, donc palpables des faits historiques réel et qui peuvent être datés dans le temps. En plus, s'ils étaient entretenus, ils participeraient à la lutte contre l'un des plus grands fléaux qui sévit dans les pays du tiers monde à savoir le chômage. Des emplois peuvent en effet être créés à la faveur d'une politique institutionnelle de réhabilitation et d'entretien des vestiges coloniaux, aussi minimes soient ils.

En terme de perspective, notons que le travail de mise en valeur des vestiges coloniaux dans la ville de Dschang doit être fait avec beaucoup de minutie et ce n'est pas l'affaire d'une seule personne, ou de la Mairie tout simplement, ou encore des dirigeants de l'Etat ou enfin, de la communauté internationale à travers L'UNESCO.

1 Entretien avec Jean Claude Tchouankap, le 14 mai 2014 à son domicile.

2 Esther Bernadette S. Nkengmo, « Musées et Monuments historiques... p56.

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C'est une affaire de tous, et en tant que telle une mobilisation générale soutenue par une bonne politique culturelle en République du Cameroun est impérative1. Car, c'est chaque Etat qui définit sa politique culturelle en fonction de ses besoins et de ses objectifs présents et futurs comme l'affirme si bien Bahoken J.C. et Engelbert Atangana :

les politiques culturelles sont aussi diverses que les cultures elles-mêmes, il appartient à chaque état membre [de l'UNESCO] de déterminer et d'appliquer la sienne, compte tenu de sa conception de la culture, de son système socio-économique, de son idéologie politique et de son développement technologique2.

Puisque les contacts entretenus de gré ou de force avec les populations européennes installées au Cameroun depuis le XVIIIe siècle ont emmené les peuples camerounais à introduire de nouvelles normes dans leur univers social, politique et psychique, il devient normal qu'il y ait une sorte de symbiose culturelle3 dans les pays ou la volonté de retrouver une certaine authenticité culturelle amène les individus et les groupes à remodeler les éléments culturels étrangers pour construire des modèles originaux.

En outre, il faudrait que l'Etat du Cameroun crée un bureau autonome ou une direction autonome du patrimoine qui « ne soufre pas en permanence de l'absence de concepts appropriés, d'équipements techniques et de moyens financiers, toutes conditions d'un fonctionnement efficace4 » qui sera chargée de la conservation du patrimoine et qui ne dépendra pas matériellement du Ministère des arts et de la culture. Car en dehors du centre fédéral linguistique et culturel crée par décret n° 62/DF/108 du 31 mars 1962 jusqu'à la direction du patrimoine culturel actuelle, qui fait partie de l'administration centrale du Ministère des Arts et de la Culture, en passant par la Direction des Affaires culturelles du Ministère de l'éducation, de la jeunesse et de la culture crée par décret n°68/DF/268 du 12 juillet 1968 et du

1 Entretien avec Feromeo Nguimebou Keumbou, le 05 juin 2014 dans son atelier à la Chefferie Foreké-Dschang

2 J.C. Bahoken et Engelbert Atangana, La politique culturelle en République Unie du Cameroun, Paris, UNESCO, 1975, p.5.

3 Ibid. p.17.

4 Kevin Mbayu, « La conservation de l'héritage historique...p.135

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Ministère de l'Information et de la Culture, il n'y a pas de structures publiques autonomes chargées de la gestion du patrimoine culturel. Cette structure qui doit être le lieu de rencontre des chercheurs venant de disciplines différentes comme le démontre Kevin Mbayu :

il faudrait que tous les organismes et les personnes qui participent à la recherche concernant la conservation du patrimoine pratiquent au maximum une approche interdisciplinaire systématique . . .qui assure l'intégration des informations fournies par les différentes sciences de la nature, la sociologie et l'architecture des paysages1.

Le rôle de cette structure consistera à sensibiliser, conserver et protéger, restaurer ou réhabiliter et enfin entretenir le patrimoine culturel.

Il est question ici de sensibiliser tous les citoyens du Cameroun et même les étrangers sur la nécessité de protéger cette fortune que sont tous ces vestiges. Cette action peut se faire à travers plusieurs moyens à l'instar des affiches, des tracts, les informations de bouche à oreille, des panneaux signalétiques et surtout à travers les réseaux sociaux et les sites appropriés des technologies de l'information et de la communication2 où se connectent un grand nombre de personnes.

Cette tâche revient en principe aux spécialistes qui sont les Restaurateurs, les Muséologues, les Historiens, les urbanistes etc. La réhabilitation des usines à café et du quinquina par exemple fera d'elles des musées respectivement du café et du quinquina dans la ville de Dschang avec, à l'entrée de chaque site, une plaque signalant l'entrée du musée avec un aperçu sur l'historique de chaque plante.

Pour ce qui est des lois, Il est vrai que depuis les indépendances certaines ont déjà été adoptées en faveur de la protection du patrimoine à l'instar de la loi n°63/22 du 19 juin 1963 portant sur la protection des monuments, des objets et des sites à caractère historique ou artistique ou encore la plus récente, la loi n°2013/003 du 18 avril 2013 régissant le Patrimoine Culturel au Cameroun, mais ces lois restent encore sécrètes3 car elles ne sont jamais sorties des tiroirs, il y a très peu de Camerounais qui

1 Kevin Mbayu, « La conservation de l'héritage historique. . .p136.

2 Pierre de Maret, « Patrimoines africains : plaidoyer ...p.24

3 Esther Bernadette S. Nkengmo, « Musées et Monuments ... p56.

136

sont au courant même de leur existence. Il est question donc ici de la vulgarisation et de la véritable mise en application de celles-ci.

Il est certain que cela exigera beaucoup de moyens financiers et matériels ; mais c'est le prix à payer pour pouvoir sauver notre histoire. Nous ne voulons pas une conservation désordonnée du patrimoine, mais celle qui va dans le sens proposé par Bruno Favel dans la préface de l'ouvrage intitulé Architectures modernes, l'émergence d'un patrimoine, quand il dit :

Conserver l'architecture du XXe siècle constitue un défi important tant pour les institutions publiques que pour les architectes chargés de projets de restauration et de réhabilitation. C'est une pratique exigeante qui implique de travailler avec des édifices qui ont atteint un statut de mémoire collective et dont l'héritage est précieux1.

Si la sensibilisation et la restauration sont bien faites, il ne reste plus que l'entretien régulier de ces vestiges coloniaux pour qu'ils soient en forme tout le temps. Les touristes nationaux et internationaux pourront enfin passer apprécier les constructions coloniales dans la ville de Dschang après un demi-siècle d'indépendance. Il faut surtout éviter comme l'affirme Pierre de Maret de « prétendre valoriser le patrimoine d'une population sans tenir compte d'elle, c'est un non-sens, c'est un danger dans la mesure où l'on risque de créer un rejet vis-à-vis de ce patrimoine2 ». Il faut que les gens se reconnaissent dans ce qu'on présente comme leur patrimoine. Celui-ci en tant que possession collective d'un groupe, transmis depuis un passé proche ou lointain, est une base de la construction identitaire.

Avant ou après la restauration des vestiges coloniaux et sur la base de la carte que nous avons élaborée au Chapitre 3, il est possible que les touristes puissent les visiter à condition qu'un certain nombre de problèmes soient résolus. Nous pouvons citer, entre autres, le problème d'intimité des citoyens camerounais vivant dans ces bâtiments, le caractère fonctionnel de certaines infrastructures et l'appartenance divergente de ces constructions aux différents ministères de la République du Cameroun.

1 Casciato De Maristella, et Emilie D'orgeix, Architecture moderne... p.7.

2 Pierre de Maret, « Patrimoines africains : plaidoyer pour...p.25

137

Les citoyens camerounais vivant au camp des fonctionnaires new town de Foto n'accepteraient pas qu'à chaque fois, les touristes viennent leur poser des questions sur leurs bâtiments ou viennent faire des études en entrant à l'intérieur de leurs maisons. Ils sentiraient leur intimité violée. En plus l'actuelle sous-préfecture de Dschang, étant un lieu de service public, ne saurait faire partie des lieux touristiques. Les bâtiments relevant de la haute sécurité de l'Etat du Cameroun et qui font partie des vestiges coloniaux ne sauraient faire partie d'une partie de plaisir, nous pouvons citer ici, la gendarmerie nationale, les commissariats central et spécial...

En outre, le caractère fonctionnel de certaines infrastructures comme la régie de production d'électricité à Dschang ne sauraient permettre qu'elles deviennent des lieux touristiques parce qu'elle joue encore un rôle assez important dans la distribution de l'énergie électrique à Dschang1. En effet, avec le système turboalternateur, la régie sert de base de transformation pour l'énergie électrique venant de Mbouda. Et pour la sécurité même des touristes, on ne peut accepter qu'ils se promènent aux environs de ce lieu où le risque d'être électrocuté ou d'être foudroyé par des rayons émis par ce système est trop grand. Au sujet de la réhabilitation de la régie, Etienne Sonkin nous fait savoir qu'elle ne peut pas bien fonctionner, car la turbine qui transformait l'énergie cinétique en énergie électrique avait été enlevée. En plus, le débit d'eau venant du lac Municipal de Dschang est extrêmement faible et ne peut donc pas produire l'énergie permettant d'alimenter le seul quartier dans lequel l'installation se trouve2.

Enfin, le fait que les vestiges relèvent, en termes de fonctionnalité, de la compétence des différents Ministères pose un problème d'harmonisation et surtout du processus de réhabilitation de ces vestiges3. A titre illustratif, le camp des fonctionnaires, la sous-préfecture, bref, tous les bâtiments publics dépendent du Ministère de l'Urbanisme et de l'Habitat, la régie de production d'électricité dépend

1 Entretien avec Etienne Sonkin le 17 mars 2014 à son bureau

2 Idem

3 Idem

138

du Ministère de l'énergie et de l'eau, le Centre Climatique dépend du Ministère du tourisme. Il faut que chaque Ministère donne le quitus pour que la procédure de restauration soit engagée et ceci ne peut être possible que s'il y a véritablement une volonté politique, une véritable politique de gouvernance en matière de promotion du tourisme.

Comme nous pouvons le constater, ces problèmes dépendent de la plus haute autorité politique du pays et nous proposons, après l'inventaire des vestiges coloniaux que nous venons de faire, qu'une certaine distance soit observée entre les touristes et les objets touristiques. On peut se contenter pour un début,1 de faire des analyses, à partir de l'extérieur, sur les formes de ces bâtiments encore fonctionnels de nos jours. Pour les autres bâtiments non fonctionnels, les études vont être plus approfondies puisqu'on peut avoir la possibilité d'y entrer, comme l'usine de traitement du quinquina par exemple. Enfin, le Cameroun a intérêt à copier l'exemple des pays européens où le culturel et la protection du patrimoine sont très développés et contrôlés comme en Allemagne où il existe plusieurs services spécialisés et la protection du patrimoine constitue même une discipline étudiée dans les universités2. Ceci dans le but de constituer une conscience collective efficace en faveur de la conservation et la valorisation de ce patrimoine.

1 L'administration camerounaise semble ne pas être prête pour le moment vu les coûts matériels et humains énormes que demande la réhabilitation de ces vestiges

2 Yves Aurélien Kana Donfack, "Evolution de l'habitat traditionnel... p.170.

139

ANNEXES

140

SOURCES ET REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

I. SOURCES ORALES

Noms et

prénoms

Sexe

Profession/ statut

Age

Lieu

Date de

l'interview

1

Donfack Elie

M

Occupant de

l'ancien espace de

culture de quinquina

70 ans

A son domicile à Ngui- Dschang

13 fevrier

2014 à 17h

2

Djiomene Jean

M

Enseignant retraité

73 ans

Foréké Dschang

19 mars

2014

3

Djouda Rebecca

F

Pensionnaire de

l'école principale

des filles

60 ans

A son domicile à Ngui- Dschang

12 mai 2014

4

Fodje Luc

M

Ancien élève de

l'école régionale de Dschang

85 ans

A Madagascar-

Dschang

18 mars

2014

5

Gouné Etienne

M

Secrétaire

particulier du Chef

Foto et Instituteur
adjoint retraité

78 ans

A son domicile à Foto

02 Juin

2014

6

Kemkeleng

M

Chef de quartier

Keleng

59 ans

A la Chefferie

Keleng- Dschang

05 juin 2014

7

Kembou Marie

F

Ménagère

74 ans

A son domicile à Keleng

04 avril

2014

8

Koutio Mathias

M

Planteur de Café

85 ans

A son domicile à Paind ground

17 juin 2014

9

Fouellefack Joseph Lecoq

M

Archiviste et

conservateur de

Musée

65 ans

A son bureau à la préfecture

3 Mars 2014

10

Madje

Emmanuel

M

Agent d'accueil et guide

accompagnateur à
l'office du tourisme

Environ 45 ans

A l'office du

tourisme de
Dschang

25 mars

2014

11

Manelie Jeanette

F

Fille de planteur

de café et l'une des

Environ 65 ans

A son domicile à Keleng

04 avril

2014

141

 
 
 

femmes de l'actuel Chef Keleng

 
 
 

12

Manfo Maurice

M

Commando pendant le Maquis

74 ans

A côté de la

Régie de Dschang

17 mars

2014

13

Ngadjeu Louis

M

Tailleur derrière

l'Entrée du Marché "A"

60 ans

Marché « A » de Dschang

15 mars

2014

14

Nguimebou Keumbo Feromeo

M

Architecte et

peintre

37 ans

Chefferie Foréké- Dschang

05 Juin

2014

15

Poundé René

M

Ancien élève de

l'école principale

des garçons et

chercheur en
Histoire

Environ

75 ans

Foto

12 février

2014

16

Sonkin Etienne

M

Ancien maire de la

commune de
Dschang

63 ans

A son bureau à Dschang

17 mars

2014

17

Tchouankap Jean Claude

M

Chercheur en

Histoire

55 ans

environ

Dschang (Foto)

14 mai 2014

18

Tiofack Jacques

M

Ancien boy du

Chef de region

74 ans

Dschang

24 mars

2014

19

Yefoue Norbert

M

Ancien jardinier

du Chef de

subdivision de
Dschang

80 ans

Dschang (Paind

ground)

17 Juin

2014

20

Zemfack Jeanne

F

Ancienne eleve de l'école des filles

62 ans

Dschang

12 mai 2014

142

II. LES SOURCES ECRITES

A. LES SOURCES ARCHIVISTIQUES

1. Archives Nationales de Yaoundé (ANY) ANY 1AC 3292 Extension du centre urbain de Dschang, 1954

ANY 1AC 528 Electrification de Dschang 1950 (2)

ANY 1AC 507 Urbanisme et habitat 1951

(17)

ANY 3AC 693Habitat africain. Amélioration 1952

ANY APA 11824/D Circonscription de Dschang, 1935

ANY 2AC 3380 L'oeuvre de la France au Cameroun

ANY 2AC 9658 Ordre des architectes 1950-1954

ANY 2AC 4158 Entretien des bâtiments de santé publique 1951

ANY 2AC 1010 Suppression gratuité quinine au militaire 1956

ANY 1AC 17624 Distribution quinine aux enfants européens 1955

ANY 1AC 9193 Tourisme

ANY 1AC 6310 Dschang, école régionale, 1932

ANY 1AC 507/3 Production agricole,

2. Archives Régionales de l'ouest (ARO)

ARO 1AC/0 245 Propagande antifrançaise au Cameroun 1930

ARO 1AC 74/0 Rapport trimestriel, 4e trimestre de 1926, Tableau N°7

ARO 1AC 262 Rapport politique et économique de septembre 1957 dans la subdivision de Dschang

ARO Rapport, circonscription de Dschang, Tableau N°7 (Voie de communication et Bâtiments) 1er trimestre 1926

ARO 1AC 172/0 PV Gendarmerie, Accidents et altercation, juin 1949 ARO Rapport annuel, Subdivision de Dschang, 1926

143

ARO 1AC 266/0 Préfecture de Dschang, correspondance 19 juillet 1950 ARO Rapport mensuel circonscription de Dschang, 2e trimestre, 1921 ARO Rapport à la mission d'inspection du 17 janvier 1951

ARO Direction des travaux publics et des transports, tour d'horizon travaux publics, sept 1955, 189p.

ARO 1A83/0 Dschang (préfecture), plan de construction de la préfecture de Dschang

ARO 1AC 128/0 Habitat rural, Amélioration

ARO Rapport économique mensuel de la subdivision de Dschang, juillet 1927

ARO Direction des affaires économiques et du plan, FIDES, Situation au 30 juin 1951 3. Archives de Dschang

Archives départementales de Dschang (non classées) Archives de la préfecture (non classées)

Archives de L'IRAD

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148

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F. LES JOURNAUX

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Journal des débats de l'ATCAM, Session Ordinaire Mai 1955, séance plénière du 13 mai 1955,

2. Autres journaux

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Binyam, Junior. « Les pères à la remorque des colons », in les cahiers de Mutations, le vrai visage de l'église catholique au Cameroun, Vol 056, Mars 2009, p.3.

Djarmaila, Gregoire. « Tourisme : pourquoi le nord se vend mal », in Cameroun tribune, n°9020 du Mardi 22 janvier 2008, pp.9-11.

Dominique, David. « Le développement durable du tourisme », in Le Courrier, n°175, Mai-juin 1999, pp.41-71.

Ketchateng, Jean Baptiste. « Dschang, Le Centre Climatique prend froid », in Cameroun tribune, n°10709/6908 du Mardi 04 novembre 2014, p.9.

Ketchateng, Jean Baptiste. « Ouest, 1951-1958 : quand le sang coulait sur les collines », in Les cahiers de Mutations, Massacres non élucidés, Vol 054, Novembre 2008, p.6.

Marjolet, Michel. « Partenariat Nantes-Dschang », in Jeune Afrique Economie, n°352, Décembre 2003-Janvier 2004, 35P.

Meyomesse, Enoh. « La servitude religieusement consentie », in Les cahiers de Mutations, le vrai visage de l'église catholique au Cameroun, Vol 056, Mars 2009, p.4.

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G. SOURCES D'INTERNET

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Anonyme, « Dschang : l'ancien garage de la Ferme Quinquina réhabilité au profit des malvoyants du Crefisac », in www.sinotables.com, posté le 22 Mai 2013 à 09:31, consulté le 12 fevrier 2014 à 16h05

Coquery-Vidrovitch, Catherine. « De la ville en Afrique Noire », in Annales histoire, sciences sociales, 2006/5, 61e année, pp.1088-1089. In http://www.cairn.info/revue-annales-2006-5-pages-1087.htm.

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Köster, Dietrich. « Le Cameroun pendant la colonisation allemande et les administrations de tutelle française et britannique (1884-1961), in www.colonialvoyage.com, consulté le 15 juillet 2013 à 16h

Kueté, Martin. « Café, caféiculteurs et vie politique dans les hautes terres de l'ouest-

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Taboue Nouaye, F. Ambroise. et al, « La sauvegarde et la valorisation du patrimoine culturel au Cameroun », in la lettre de l'OCIM, 139/2012, en ligne.






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