V.DELIMITATION DU SUJET
La particularité des faits sociaux étant de se
donner à observer différemment selon que l'on se trouve à
un endroit déterminé, il convient par conséquent de fixer
les délimitations de la présente production scientifique.
1. Délimitation temporelle
Notre travail se situe dans la fourchette de temps allant de
1993 à 2013. En effet, le 15 janvier 1993 marque la tenue de la
conférence nationale souveraine au Tchad. Cette conférence marque
le point de départ d'une nouvelle constitution au Tchad. A la sortie de
la conférence, le caractère décentralisé et
laïc de l'Etat tchadien est réaffirmé et
proclamé7. En suite, 1993
7Constitution de la République du Tchad,
consultée le 26 octobre 2014 à 12h24mins. La
Conférence Nationale Souveraine, tenue à N'Djaména du 15
Janvier au 7 Avril 1993 et ayant réuni les partis politiques, les
associations de la société civile, les corps de l'État,
les autorités traditionnelles et religieuses, les représentants
du monde rural et les personnalités ressources, a proclamé
solennellement le caractère républicain et démocratique du
Tchad.
7
est l'année où il a été
crée l'AAMP à Moundou, chargée d'animer le jumelage
Moundou-Poitiers.
Par ailleurs, 2013 est le premier anniversaire du conseil
communal démocratiquement élu, car par le passé le maire
et le conseil communal sont nommés selon leur appartenance au parti au
pouvoir. Les élections communales se sont tenues pour la première
fois dans l'histoire du Tchad en 2012.
2. Délimitation spatiale
Notre espace d'étude est la ville de Moundou,
située au sud du Tchad, entre les latitudes, 8°30' et 8°40'
Nord et les longitudes, 16° et 16°10' Est. S'étendant sur plus
de 7 km2 du sud au nord, Moundou qui compte 24 quartiers
répartis en quatre arrondissements, est, en même temps, la ville
économique du Tchad et le chef-lieu du département de Lac Wey
ainsi que de la région du Logone occidental.
VI. REVUE DE LA LITTERATURE
Pour Olivier LAURENCE, Guy BEDARD, et Julie FERRON, la revue
de la littérature consiste à « identifier les acteurs,
les ouvrages et les articles scientifiques qui ont façonné la
connaissance dans la discipline donnée sur un sujet précis
»8 le but est de montrer en quoi, la littérature
sur un sujet soulève des questionnements.
L'élaboration d'une revue de la littérature
permet de faire l'état de la question traitée .Il s'agit d'un
tour d'horizon relatif au domaine de l'étude envisagée, de sorte
que l'on puisse situer celle -ci la question de coopération
décentralisée, compte tenu de son importance ne pouvait laisser
indifférent le monde de chercheurs. Certes, beaucoup ce sont
prononcés sur la question mais très peu ont donné des
mesures concrètes permettant une coopération
décentralisée profitable aux bénéficiaires
locaux.
Iris BOINVILLIERS voit en la coopération
décentralisée « la participation d'acteurs variés
des pouvoirs publics comme de la société civile à la
discussion des priorités et la mise en oeuvre d'actions de
développement, sur la base d'initiative émanant de ces
acteurs»9.
Dans la même logique, Mohammed ZAOUI souligne que «
le développement d'un espace déterminé ne peut se
faire d'une manière intégrée sans un environnement propice
et sans
8 Olivier LAURENCE, Guy BADARD, Julie FERRON,
l'élaboration d'une problématique de recherche, Paris,
l'Harmattan, 2005, p. 24.
9 Iris BOINVILLIERS, Coopération
décentralisée, Acteurs, Pratiques, Procédures, Paris,
GRET, 1996, p. 7.
8
9
l'effort de chacun »10. C'est dire
que certaines conditions doivent être nécessairement remplies et
la participation citoyenne doit être déterminante. L'implication
de la société civile peut aider à optimiser les
résultats ; car, quelle que soit la finesse des programmes menés
par les collectivités, ils ne peuvent accéder à toutes les
poches de la pauvreté, celles-ci ne pouvant être atteintes que par
la souplesse et par la proximité des associations.
Selon Alain LE SAUX, « La coopération
décentralisée est une aventure politique [...], car elle
procède de décisions prises par des élus de deux
collectivités désireux de travailler ensemble, de partager des
projets et des ambitions, d'oeuvrer conjointement à
l'amélioration de la vie quotidienne des
populations»11. De cette façon, le choix d'un
partenaire se fait sur la base d'un diagnostic croisé des deux
partenaires et d'un accord entre les deux collectivités, de principes
fondamentaux (valeurs partagées, même vision de la
coopération décentralisée, etc.) La coopération
décentralisée est basée sur une démarche
participative. Cette conception est partagée par Jean Cassius Sossou
BIADJA, Pour lui, « la coopération décentralisée
consiste à la menée conjointe d'actions entre une ou plusieurs
autorités locales de deux États dans un intérêt
commun. Elle vise comme objectifs, la consolidation de ces collectivités
locales, et le renforcement de ces capacités à répondre
aux aspirations de leurs populations, dans le respect des traditions et
spécificités de la société
bénéficiaire de l'appui. »12.
JAGLIN Sylvy soutient quant à elle que: «dans
les expertises internationales, la gestion urbaine n'est encore souvent qu'un
"prêt-à-penser" et une bannière idéologique de
politiques opérationnelles en quête de réconciliation avec
les réalités sociales urbaines des pays en développement.
Elle ne parvient ni à un modèle crédible d'administration
des cités, à la fois légitime et efficace, ni à une
prise en compte pertinente de la vitalité des sociétés
africaines, rebelles aux carcans normatifs à l'intégration
urbaine standardisée, à la promotion de citadins contribuables,
répertoriés et fiscalisés.»13
L'intérêt qu'elle donne à son étude sur la gestion
urbaine à Ouagadougou porte moins sur l'analyse des échecs
répétés de projets, que sur celles des dispositions qui
assurent, en dépit des carences de l'encadrement officiel, comme la
crise aiguë des finances publiques, le fonctionnement des cités.
Elle reconnait avec
10Mohammed ZAOUI, Orientation et fondation pour
optimiser la coopération décentralisée, Oujda 24,
no 98, mars 2014, p. 8.
11Alain LE SAUX, coopération
décentralisée et professionnels du développement
urbain, http//:www.cités-unies-france.org, consulté le
23/11/2014
12 Jean Cassius Sossou BIADJA, « la
législation coopérative au Benin: Etat des lieux et propositions
de reforme », mémoire de Maitrise, université nationale du
Benin, 1998.
13Sylvy JAGLIN, Gestion partagée à
Ouagadougou, pouvoirs et périphéries, Paris, Karthala, 1995,
p. 57.
nombre d'auteurs qu'à travers la
décentralisation, les collectivités locales sont partiellement
investies d'une nouvelle responsabilité car étant animatrices du
développement, elles sont en effet supposées orchestrer des
dynamismes catalyseurs jusqu'alors occultés par des bureaucraties
technocratiques et centralisées.
Pour Jean Pierre ELONG14 souligne, que les villes
et la manière dont elles croissent en dehors de tout contrôle,
sont un aveu d'échec des politiques de développement et
d'aménagement du territoire énoncées. Dans cette logique,
l'auteur soutient que la communauté internationale n'est plus en mesure
de proposer des solutions globales comme cela se faisait dans les années
1970 pour canaliser la maîtrise de l'urbanisation. Laisser les villes
africaines évoluer en pilotage automatique comme c'est globalement le
cas actuellement dans la plupart des pays serait selon lui, courir le risque
d'avoir une Afrique ingouvernable à terme. Les politiques de
décentralisation se présentent dès lors comme le pilote
dans cet avion. Leur nécessité est encore plus évidente
quand on sait que la population urbaine se double chaque 18 an et qu'en 2020,
les villes africaines devraient accueillir une population semblable à
celle qui s'est installée en ville depuis les 50 dernières
années. Or, près de 60% des citadins vit dans des quartiers
urbains peu aménagés et sous équipés. Jean Michel
SEVERINO15 affirme que d'ici 2030, le monde comptera cinq milliards
d'urbains, soit 60% de la population totale. La majeure partie de cette
croissance urbaine se manifestera dans les pays en développement
à cause de la « désertification du milieu rural». En
l'espace d'une génération, le nombre d'habitants des villes
augmentera de plus d'un milliard en Asie et de 400 millions en Afrique. Son
inquiétude porte particulièrement sur les cités urbaines
débordées par l'exode rural où, selon lui, « les
gourbis l'emportent de plus en plus ; véritables bidonvilles voire
"bidon villages" sans voirie existante ou possible, celles-ci demeurent
ingérables sinon dans la dépendance étroite de
"l'ingérence humanitaire" selon le modèle de nos Etats eux
mêmes adonnés au sérum conditionnel des bailleurs
extérieurs. » L'auteur dénonce ici la fuite de
responsabilité de l'Etat qui semble jeter en pâture les communes
nouvellement créées en proie à une démographie
galopante, à une technologie exponentielle et à un monde
globalisant et en perpétuelle mutation vers des cités
démiurgiques.
14 Quelle gouvernance pour les villes d'Afrique
? in Bulletin Ville en développement, N° 67-68, Juin-Juillet,
2005, p 6-7
15 Décentralisation et développement
urbain, in Ville et développement, n°77, 2007
VII.
10
LA PROBLEMATIQUE
La problématique est la recherche ou l'identification
de ce qui pose problème .En d'autres termes, c'est la recherche d'une
difficulté théorique ou pratique dont la solution n'est pas
encore trouvée. Selon BEAUD. M, elle est « l'ensemble construit
autour d'une question principale, des hypothèses de recherche et des
lignes d'analyse qui permettent de traiter le sujet »16 De
fait, la problématique de développement cause un énorme
souci, la coopération décentralisée semble être un
instrument supplémentaire pour apporter un début
d'amélioration des conditions de vie des populations de certaines zones
oubliées de la ville de Moundou. Moundou étant la deuxième
ville du Tchad après N'djamena, en termes de démographie, demande
plus d'effort dans le sens d'amélioration des besoins de base. Cela
étant :
Quel est l'apport réel du jumelage Moundou-Poitiers au
processus de développement de la ville de Moundou ?
Pour répondre à cette préoccupation, il
est indispensable d'étudier en profondeur les actions du jumelage
Moundou-Poitiers dans l'accompagnement du processus de développement de
la ville de Moundou. De cette question principale se greffent trois (03)
questions secondaires:
? Quel est le cadre institutionnel et réglementaire de
la coopération décentralisée entre les villes de Moundou
et Poitiers ?
? Quelle est l'incidence de ce jumelage dans les conditions
de vie de la population de Moundou ?
? Quelles sont les limites de cette coopération
décentralisée ?
VIII. LES HYPOTHESES
Selon GRAWITZ Madeleine, une hypothèse est «
une proposition de réponse à la question posée qui tend
à formuler une relation entre les faits significatifs
»17 Il s'agit en fait d'une réponse provisoire
à l'interrogation soulevée par la problématique et que
l'on doit soit confirmer, soit infirmer. De la sorte, l'hypothèse
constitue à la fois un potentiel résultat, et le point de
départ de toute vérification. Ainsi dans
l'hypothèse principale : nous pouvons affirmer que la
contribution du jumelage au processus de développement de la commune de
Moundou serait marquée par la mise en place d'instrument, de
stratégies et mécanismes
16 Michel BEAUD, L'Art de la thèse,
Paris, La Découverte, 1985, p. 31.
17 Madeleine GRAWITZ, op .cit, p. 382.
11
susceptibles de rendre plus efficace les actions entreprise
dans le cadre du jumelage. Cette contribution se matérialiserait par
l'appui au projet d'adduction potable, à la formation du personnel
soignant de centres hospitalier et centres de santé, aux
activités culturelles. De cette hypothèse principale
découle trois hypothèses secondaires :
? Hypothèse 1 : Plusieurs textes
nationaux et internationaux légitiment le jumelage entre les villes de
Moundou et Poitiers.
? Hypothèse 2 : Par une approche
participative d'échange et de renforcement de capacités, le
jumelage contribue significativement à l'amélioration des
conditions de vie de la population.
? Hypothese 3 : l'incohérence des
approches mises en oeuvre par les intervenants (communes de Moundou, Poitiers,
l'Etat tchadien et ONG internationales et nationales) explique le faible
rendement des actions de développement dans la commune de Moundou.
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