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Le sud-ouest français dans l'espace européen : vers une collaboration interrrégionale en matière de relations culturelles extérieures ?

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par Thomas Perrin
Université Paris III - Sorbonne Nouvelle - DESS de Relations interculturelles 2001
  

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    PERRIN Thomas

    DESS de Relations interculturelles

    Université Paris III - Sorbonne Nouvelle

    LE SUD-OUEST FRANÇAIS DANS L'ESPACE EUROPÉEN :

    VERS UNE COLLABORATION INTERRÉGIONALE

    EN MATIÈRE DE RELATIONS CULTURELLES EXTÉRIEURES ?

    Directeur de recherche : M. Moncef BENOTHMAN

    Tuteur de recherche : Mme Brigitte REMER

    Juin 2001

    REMERCIEMENTS

    Je remercie Mme Brigitte REMER et M. Moncef BENOTHMAN pour leur suivi et leur orientation tout au long de la réalisation de ce mémoire.

    Je remercie également M. Richard LAGRANGE, directeur des Affaires culturelles en Midi-Pyrénées, et M. Guy MANGIN, expert auprès de la délégation de la Commission européenne au Royaume du Maroc, pour leurs conseils quant à la conception et la finalisation de ce travail.

    Enfin, ce mémoire n'aurait pu être numérisé sans l'aide d'Arnaud TAFFIN DE TILQUES, à ce titre je le remercie chaleureusement.

    SOMMAIRE

    INTRODUCTION 1

    PARTIE A : LES ENJEUX PARTAGÉS ENTRE LES COLLECTIVITÉS PUBLIQUES 10

    I. La culture en région 11

    1. Décentralisation et partage des compétences 11

    2. Rôle de l'Etat en région 13

    3. Culture et aménagement du territoire 15

    II. L'interrégional : premiers éléments 17

    1. L'action de la DATAR : présentation et historique 17

    2. L'échelle interrégionale dans les contextes européen et international 19

    III. Articulation de la politique culturelle en région et

    des relations internationales 21

    1. La dialectique contemporaine entre cosmopolitisme et localisme 21

    2. Cadre des relations internationales des régions 22

    3. Enjeux des relations culturelles internationales pour les régions 24

    a. Enjeu "global" et symbolique 24

    b. Enjeu économique 25

    c. Enjeu politico-identitaire 26

    PARTIE B : L'EXEMPLE DES RÉGIONS FRANÇAISES EN EUROPE DU SUD-OUEST 28

    I. Présentation géographique 29

    1. Le "Grand Sud-Ouest", espace interrégional 29

    2. L'espace communautaire du "Sud-ouest européen" 30

    3. L'ouverture extra-européenne du sud-ouest européen :

    Maroc et espace euro-méditerranéen 31

    II. Acteurs des relations culturelles 32

    1. Partenaires institutionnels extérieurs 32

    a. Institutions espagnoles 32

    b. Institutions portugaises 34

    c. Institutions marocaines 35

    d. Institutions internationales 35

    2. Institutions françaises 37

    a. Le ministère de la Culture et de la Communication 37

    b. Le ministère des Affaires étrangères 38

    c. Les services culturels régionaux 40

    3. La coopération non-gouvernementale : société civile, associations et réseaux 41

    III. Rôle et importance du développement des relations culturelles

    au sud-ouest de l'Europe 45

    1. Les liens culturels historiques 45

    2. Echanges, dialogue et coopération 49

    a. La dimension communautaire 49

    b. La dimension extra-européenne et euro-méditerranéenne 55

    c. Le Maroc, pays francophone 60

    3. La recherche d'un certain équilibre 64

    a. Le rapprochement Espagne-Maroc 64

    b. Le sud-ouest européen et son ouverture méditerranéenne :

    une zone de contrepoids à la "banane bleue" ? 67

    4. Projet euro-méditerranéen, relations culturelles et co-développement 71

    PARTIE C : MISE EN oeUVRE DE PROJETS 80

    I. Pertinence de la collaboration interrégionale comme modalité de

    mise en oeuvre des relations culturelles extérieures :

    les régions du sud-ouest français 81

    1. L'idée de "bassin culturel" : légitimité et limites 81

    2. L'interrégional face au local(isme) 86

    3. La mise en commun des capitaux respectifs 88

    II. Exemples et perspectives de réalisation de projets 91

    1. Exemples de projets 91

    a. La coopération transfrontalière vue de la DRAC Midi-Pyrénées 91

    b. Action régionale et para-régionale 94

    c. AFAA et réseau culturel français à l'étranger 99

    d. Autres projets "régionaux" 104

    2. Perspectives de mise en oeuvre 105

    III. Nature et fondements des projets : aspects 114

    1. Buts 114

    2. Nature 116

    3. Thèmes 118

    CONCLUSION 121
    BIBLIOGRAPHIE 125
    ANNEXES1(*)

    1. Glossaire

    2. Cartographie

    2.1 Les Grands chantiers de la DATAR, 1990

    2.2 Le sud-ouest français : Aquitaine, Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon

    2.3 Le sud-ouest français : échanges internationaux de marchandises

    2.4 La Narbonnaise, province de l'Empire romain

    2.5 La région occitane : quelques cartes

    2.6 Le sud-ouest de l'Europe : sud-ouest français, péninsule ibérique et Maroc

    2.7 INTERREG III-B Sud-Ouest européen - Zones éligibles

    2.8 INTERREG III-B Sud-ouest européen -

    Recoupement avec d'autres espaces de coopération territoriale

    2.9 INTERREG III-B Méditerranée occidentale - Zones éligibles

    2.10 INTERREG III-B Façade atlantique - Zones éligibles

    3. Coopération culturelle transfrontalière à la DRAC Midi-Pyrénées

    3.1 Synthèse de l'étude réalisée en 1994

    3.2 Bilan des projets (juillet 2000)

    3.3 Présentation de deux projets phares, autres projets

    3.4 Proposition de budget pour le Réseau des musées pyrénéens

    3.5 Guide des musées pyrénéens : cahier des charges prévisionnel

    4. Affaires culturelles européennes et internationales en Midi-Pyrénées

    4.1 Fonds structurels et Culture en Midi-Pyrénées

    4.2 DRAC Midi-Pyrénées ; relations internationales :

    - bilan d'activité et budget 1999

    - budget 2000

    5. L'Itinéraire de l'Héritage al-Andalousi : présentation

    6. Contrat de Plan Etat-Région, DOCUP et INTERREG III-A

    6.1 Contrat de plan Etat-Région Midi-Pyrénées :

    - Axe 7 Culture - extraits

    - Convention interrégionale du Massif des Pyrénées - axe 4 :actions transfrontalières

    6.2 Correspondances INTERREG III-A - DOCUP - Contrat de Plan Etat-Région Midi-Pyrénées

    7. Tableaux des flux de biens et de personnes au sud-ouest de l'Europe

    Introduction

    "C'est Jean Monnet qui là nous ouvre le chemin : "Amener l'esprit des hommes vers le point où leurs intérêts convergent. Ce point existe toujours, il suffit de se fatiguer pour le trouver". Si l'approche géoculturelle a un sens, c'est bien dans la mesure où elle permet de discerner ce point d'horizon convergent." (Fabre, 1993, 153).

    L'étude des relations culturelles extérieures du sud-ouest français relève à la fois du champ des affaires culturelles- gestion, administration et politique culturelles, mise en oeuvre de projets - et de celui des relations internationales - notamment à travers la diplomatie culturelle -, et permet d'aborder, eu égard à la situation géopolitique du sud-ouest français en France et en Europe, plusieurs questions relatives à l'évolution contemporaine de ces champs.

    En effet, à ces deux champs d'étude répond une dialectique, inhérente au sujet de ce mémoire, entre le "régional" et "l'international", en partie illustrée par les interactions entre décentralisation et mondialisation.

    Un des effets marquants de la mondialisation est la construction de grandes régions multinationales et de grands pôles régionaux économiques et culturels - Union européenne, Accord de libre échange nord américain (ALENA), Association des nations de l'Asie du sud-est (ASEAN), Marché commun du cône sud (MERCOSUR), etc.

    En même temps que la formation de ces grands ensembles qui tendent, par le biais du libre échange, vers une homogénéisation des diverses cultures qui les composent, le développement des technologies de communication et d'information, notamment dans le domaine de l'audiovisuel satellitaire et dans celui des réseaux électroniques comme Internet, permet à la plupart des cultures d'acquérir rapidement une visibilité à l'échelle mondiale et se présente comme un moyen d'encourager les échanges et le dialogue interculturels.

    Mais cette démultiplication des possibilités de rencontres et de partage des cultures est limitée par les possibilités inégales d'accès et de contrôle des réseaux de communication et d'information mondiaux. C'est ainsi que l'exploitation à outrance de ces réseaux peut permettre à certaines cultures d'inonder le monde de

    "modèles de conceptions et d'actes qui ont une provenance, une langue, des techniques, et dont le rayonnement correspond à des intérêts qui ne sont pas toujours - loin s'en faut - ceux du continent européen. L'extension de l'uniformisation des attitudes et des références entraîne l'émergence d'une conception planétaire dont les conséquences sont directement sensibles dans les relations culturelles internationales contemporaines" (Raymond, 2000, 9).

    Ainsi certaines cultures, par manque de moyens économiques et technologiques, sont menacées de déculturation voire d'absorption - de "digestion", pour reprendre l'expression de Hanna Arendt - par les dérives de la mondialisation.

    Parallèlement à ce phénomène de "mise en réseau" globale, la décentralisation est à l'oeuvre dans de nombreux pays, par laquelle les Etats accordent de plus en plus de pouvoir aux gouvernements territoriaux, dans le but de favoriser une démocratie de proximité qui soit en phase avec les aspirations des sociétés civiles.

    De cette façon des Régions - au sens restrictif du terme, c'est-à-dire une entité territoriale infra-étatique - sont amenées à conduire une politique culturelle propre à leur territoire et à développer leurs relations internationales, notamment en conduisant des coopérations décentralisées avec leurs homologues à l'étranger, dans divers domaines d'activité, dont l'activité culturelle, en vue de développer des échanges, de promouvoir des savoir-faire et de manifester des solidarités.

    A l'opposé de la déculturation, les dérives que la régionalisation culturelle à outrance peut engendrer sont de l'ordre du communautarisme fragmentaire, du repli autarcique, de "l'aveugle exaltation de leur identité culturelle par des communautés et minorités repliées sur leur spécificités culturelles, le plus souvent linguistiques, religieuses ou ethniques" (id., 2000, 10).

    Il s'agit alors, pour préserver la richesse culturelle et l'équilibre mondiaux, de trouver un compromis entre la sauvegarde des expressions culturelles particulières, le rassemblement géoculturel lié à une destinée commune et à des échanges établis au cours de l'histoire, et l'accroissement des potentialités d'un dialogue culturel à l'échelle planétaire.

    Dans un tel contexte, alors que les Régions sont de plus en plus autonomes tout en étant impliquées dans le "dialogue global", comment, et dans quel but, peuvent-elles développer leurs relations culturelles extérieures ?

    Le sud-ouest français, appréhendé comme une entité géopolitique et culturelle rassemblant des régions d'une pays membre de l'Union européenne, se présente comme un terrain d'étude pertinent des questions évoquées ci-dessus, étude dont ce mémoire s'attache à rendre compte, sans prétendre à l'exhaustivité.

    La notion de "relations culturelles extérieures", entendue au sens des relations nouées par certains acteurs avec des partenaires étrangers à travers le monde, principalement sous forme d'échanges et de coopérations, renvoie en priorité dans ce mémoire aux domaines artistique et littéraire, aborde certains autres aspects relevant de l'action culturelle extérieure, tels que l'action éducative, linguistique et audiovisuelle, mais ne prend pas en compte les aspects scientifique et technique des relations culturelles internationales.

    Le choix du sujet de ce mémoire et les différents thèmes abordés sont directement liés à l'expérience pré-professionnelle que j'ai pu acquérir au cours de mon Diplôme d'études supérieures spécialisées de Relations interculturelles.

    Lors d'une période de vacation à la direction régionale des Affaires culturelles en Midi-Pyrénées de mai à juillet 2000, consacrée à la relance des projets de coopération culturelle entre les régions pyrénéennes françaises et la péninsule ibérique, j'ai pu constater l'importance de développer des relations culturelles entre pays voisins, dans la perspective d'une participation commune à l'Union européenne, relations favorisées par une proximité géographique et, dans une certaine mesure, culturelle. D'un point de vue pragmatique, les solidarités interrégionales à l'échelle du sud-ouest français sont apparues tout autant nécessaires à la bonne marche des projets que les solidarités internationales à l'échelle franco-hispano-portugaise. Cette mission m'a également permis de repérer les différents acteurs les plus susceptibles d'oeuvrer au développement des relations culturelles. J'ai pu ainsi me constituer une vue d'ensemble, du fond et de la forme, de l'actualité et du devenir, des relations culturelles extérieures du sud-ouest français en fonction de sa situation au sud-ouest de l'Europe.

    A la suite de cela, un stage au Service de la programmation de l'Institut français de Rabat au Maroc, de septembre 2000 à février 2001, s'est révélé être une expérience in situ de l'action culturelle extérieure de la France. En me permettant d'élargir l'optique des relations culturelles à un cadre extra-européen, ce stage a été l'occasion d'illustrer, de manière pratique, la notion de coopération culturelle Nord-Sud en lien avec des politiques de co-développement. Par sa situation géopolitique à la périphérie de l'Europe du sud-ouest, le Maroc est apparu comme le lieu de convergence et d'ouverture nécessaire aux relations culturelles entre le sud-ouest français et la péninsule ibérique, comme un partenaire donnant de la cohérence, par sa proximité, aux relations culturelles extérieures du sud-ouest français, et les enrichissant, par sa différence.

    Cette expérience pré-professionnelle, ainsi que l'élaboration de ce mémoire, ont donc été des exercices aux apports significatifs, qui m'ont permis de développer des compétences et d'approfondir des connaissances relatives à mon projet professionnel, et m'ont ainsi confirmé dans le souhait de me professionnaliser dans le secteurs des affaires culturelles internationales.

    Du "régional" à "l'international", les relations culturelles extérieures du sud-ouest français concernent trois niveaux, que l'on peut présenter comme suit :

    § Le niveau national

    Il renvoie aux compétences et au rôle des Etats. Ceux-ci voient aujourd'hui leur souveraineté remise en cause, concurrencée par les organisations multilatérales et intergouvernementales auxquelles ils prennent part - telles que l'Union européenne pour la France - , par des firmes multinationales - dans le domaine des industries culturelles par exemple - dont les décisions, favorisées par l'existence de réseaux planétaires, ignorent aisément les politiques nationales, enfin par la montée en puissance des pouvoirs régionaux, notamment en Europe.

    Malgré cela les relations internationales restent principalement du ressort du pouvoir central, et ceci est particulièrement vrai pour la France, pays de l'interventionnisme étatique par excellence, aussi bien d'ailleurs en matière d'Affaires étrangères, qu'en matière de politique et d'action culturelles, à l'intérieur et à l'extérieur du territoire national.

    "L'action culturelle extérieure [de la France] est une partie de la politique étrangère du pays dont la conduite relève des attributions régaliennes de l'Etat" (Raymond, 2000, 7).

    § Le niveau sub-national

    On peut considérer qu'il renvoie d'une part aux collectivités décentralisées, en l'occurrence les Régions, de plus en plus aptes et décidées à mener une action dans le domaine culturel et à développer des relations internationales, s'imposant chaque jour davantage comme les maîtres d'oeuvre de leurs relations culturelles extérieures. D'autre part on peut inclure à ce niveau les organisations non-gouvernementales, émanations et porte-parole de la société civile, dont la participation est indispensable au développement des projets culturels. C'est ainsi que le terme de "coopération décentralisée", pris au sens extensif, renvoie, outre la coopération entre collectivités, à la coopération entre "toutes les organisations et personnes morales qui ne relèvent pas directement du gouvernement, qu'elles soient publiques ou privées" (Bekkouche, 2000, 56).

    On retrouve donc au niveau sub-national les nouveaux acteurs et protagonistes du développement culturel, collectivités territoriales et société civile, dont l'émergence a été constaté par Maté Kovàcs dans son rapport Les politiques culturelles dans un monde en changement, réalisé dans le cadre de la décennie de la Commission mondiale de la Culture et du Développement organisée par l'UNESCO2(*).

    § Le niveau supra-national

    Il renvoie aux instances et politiques de l'Union européenne, qui, avec la prise en compte de la culture comme catégorie d'intervention communautaire, s'engage, par le biais de ses programmes, à encourager la coopération culturelle, et développe en son nom des réalisations culturelles et des cadres juridiques et techniques spécifiques.

    On trouve au niveau supra-national d'autres organisations internationales appelées à jouer un rôle important dans les affaires culturelles internationales, telles que l'UNESCO et le Conseil de l'Europe.

    Par extension "culturelle", le niveau supra-national renvoie au caractère multiculturel des sociétés contemporaines, en particulier les sociétés occidentales, et notamment la France. Ce visage multiculturel tire son origine d'immigrations de populations extérieures - d'où sa dimension supra-nationale -, le plus souvent des pays du Sud en direction des pays du Nord, et vient renforcer la dimension interculturelle des relations extérieures du sud-ouest français.

    L'articulation entre ces trois niveaux est une condition essentielle au développement des relations culturelles extérieures du sud-ouest français, tant sur le plan pratique que théorique.

    C'est donc en quelque sorte le "thème conducteur" qui sous-tend les différentes parties de ce mémoire et fédère les différents sous-thèmes qui y sont développés.

    Tout d'abord la présentation de la décentralisation et du partage des compétences culturelles en France donne une idée du rôle que, conjointement, l'Etat et la Région sont amenés à jouer. Il apparaît que, d'une part l'Etat conserve une importante marge de manoeuvre en matière de politique culturelle en région, notamment par le biais des directions régionales des Affaires culturelles (DRAC), et ce malgré le rôle croissant joué par les régions, d'autre part que l'exercice des affaires culturelles en région est fortement lié aux problématiques de l'aménagement du territoire.

    La notion de collaboration interrégionale, présentée à travers l'action de la délégation à l'Aménagement du territoire et à l'Action régionale (DATAR), amène à considérer la place des régions françaises en Europe et dans le monde ainsi que leurs relations internationales.

    Le domaine particulier des relations culturelles extérieures des Régions est présenté ensuite à travers son contexte actuel, d'une part son inscription dans la dialectique suscitée, d'autre part son cadre géopolitique - entre le régional-interrégional, la France, l'Union européenne ; entre le Nord et le Sud - et juridique - la coopération décentralisée. Ensuite sont abordés les principaux enjeux des relations culturelles extérieures pour les régions, d'un point de vue global et symbolique, économique, politique et identitaire.

    Compte-tenu de leur situation dans l'espace européen, les régions du sud-ouest français, comprises au sens des trois régions pyrénéennes, ont pour partenaires privilégiés potentiels de leurs relations extérieures la péninsule ibérique et le Maroc, formant ainsi un sous-ensemble régional cohérent au sud-ouest de l'Europe, ouvert sur l'intérieur - l'isthme sud-européen - comme sur l'extérieur - la zone euro-méditerranéenne - de l'Union européenne.

    Après avoir passé en revue les différents acteurs susceptibles de mettre en oeuvre et de structurer les relations culturelles au sud-ouest de l'Europe, une analyse de différents facteurs permet de souligner l'importance de développer ces relations et d'aborder plusieurs thèmes clés relatifs aux relations culturelles internationales. Tout d'abord, les liens historiques qui, depuis l'Antiquité jusqu'à l'époque contemporaine, ont mis en contact étroit les populations de cette zone. Ensuite l'importance des échanges est soulignée, depuis les opportunités offertes par la construction européenne et la francophonie, ainsi que leurs limites, jusqu'à la nécessité d'instaurer un dialogue interculturel et de privilégier la dimension sociale des relations culturelles, à l'extérieur comme à l'intérieur des sociétés concernées. A la suite de cela, une analyse géostratégique fait apparaître que le sud-ouest français a tout intérêt à se positionner dans la zone méditerranéenne, par le biais de ses relations culturelles, dans le but de participer activement au rapprochement entre l'Espagne et le Maroc. Dans le même ordre d'idée le renforcement de sa cohésion socio-culturelle peut permettre au sud-ouest de l'Europe de se démarquer par rapport au centre économique et financier de l'Europe - zone désignée sous le terme de "banane bleue" - par la mise en avant de sa richesse culturelle, source de créativité, et par là-même d'accroître sa compétitivité sur la scène européenne et par extension, mondiale. Cette conjecture suppose que le capital culturel soit considérée, au même titre que le capital économique, comme source de développement. A ce propos, la Déclaration de Barcelone, acte fondateur du partenariat euro-méditerranéen, fait de son volet culturel, social et humain, un des axes de développement du partenariat. Ainsi les relations culturelles avec le Maroc entrent dans le cadre de ce partenariat, et à ce titre amènent à considérer les interactions entre relations culturelles et co-développement, ainsi que les questions relevant des relations culturelles Nord-Sud, afin d'en définir la meilleure mise en oeuvre possible, malgré les critiques dont le projet euro-méditerranéen peut faire l'objet.

    Enfin, les relations culturelles au sud-ouest de l'Europe sont mises en perspective. Après une présentation des opportunités de mise en oeuvre offertes par la collaboration interrégionale, des exemples de projets en cours ou en dessein, selon les différents acteurs, sont passés en revue. Une évaluation partielle de ces projets souligne la nécessité de structurer le développement des relations culturelles par des partenariats à la fois inter-institutionnels et entre les institutions et la société civile, à l'échelle interrégionale et internationale. Malgré les obstacles à la constitution de ces partenariats, il est possible de réfléchir à certains types de projets à promouvoir afin d'axer le développement des relations culturelles sur des thèmes particuliers, qui en garantissent le bien-fondé et la pérennité.

    Ainsi, l'étude des relations culturelles extérieures du sud-ouest français permet de repenser d'une part la place du sud-ouest français dans l'espace européen, méditerranéen et par extension, mondial, selon les évolutions géostratégiques actuelles, d'autre part le rôle de la culture dans l'épanouissement des relations internationales et leur inscription dans le long terme.

    "Dorénavant, de nouvelles conditions précisent le champ d'exercice des relations culturelles internationales, en même temps qu'elles l'ouvrent à des modalités inédites : la réduction des prérogatives ou du monopole des décisions et des financements des Etats, l'ambition des collectivités locales de se doter d'une politique internationale, celle des "régions culturelles" dessinées par l'histoire de valoriser leur patrimoine commun[...]" (Raymond, 2000, 25).

    Qu'en est-il au sud-ouest de l'Europe ?

    PARTIE A

    LES ENJEUX PARTAGÉS

    ENTRE LES COLLECTIVITÉS PUBLIQUES

    I. La culture en région

    1. DÉCENTRALISATION ET PARTAGE DES COMPÉTENCES

    Les lois de décentralisation issues de la loi cadre du 2 mars 1982 définissant les compétences territoriales ont permis à la région de devenir une collectivité territoriale à part entière. Elle dispose d'une assemblée régionale élue au suffrage universel direct et d'une organisation administrative autonome, apte à disposer de ressources fiscales régionales et à réaliser des dépenses de fonctionnement et non plus seulement d'investissement. Ces lois ont également reconnu aux communes, aux départements et aux régions la compétence de concourir avec l'Etat au développement culturel local et régional.

    Dans le domaine culturel, la réalité des transferts de compétence reste cependant limitée par de nombreuses contraintes intervenant entre l'ensemble des collectivités publiques. Elle se manifeste par des mesures purement incitatives dans certains cas ou par des mesures limitées de gestion, telles que la responsabilité des collectivités locales pour leurs archives, leurs musées et leurs établissements d'enseignement artistique. Bien que les ressources des régions aient été déplafonnées et soient en forte hausse depuis 1987, les conseils régionaux ne consacrent à la culture, en moyenne, que 2,5% de leurs dépenses globales. Cette faiblesse des moyens conduit souvent à préférer une gestion déléguée des politiques culturelles régionales par l'intermédiaire d'associations généralistes et spécialisées. Néanmoins cette attitude moins interventionniste de gestion entre également dans le cadre d'une modernisation de l'action des collectivités publiques, que seule l'évolution du statut des administrations culturelles régionales confirmera.

    Bien que l'on ne dispose que d'un faible recul temporel pour l'analyse de l'action culturelle régionale depuis la première élection de l'assemblée régionale en 1986, de nombreuses études sur le sujet ont été menées ; elles tendent à un double constat :

    - Des limites d'action et d'efficience vite atteintes :

    La culture, tout en constituant un nouveau domaine d'intervention qui s'est développé et professionnalisé de façon importante, ne constitue pas pour les régions un secteur prioritaire d'action ; les intérêts de celles-ci pour l'action culturelle sont fortement contrastés. On a pu parler de "foisonnement reconnu désordonné et inégalitaire" (Thuriot, 1999, 33).

    - La contractualisation comme mode de coopération entre collectivités :

    L'action culturelle régionale a été menée principalement, depuis ses débuts, sous l'impulsion et la tutelle de l'Etat, aussi bien avec les Conventions de développement culturel des années 80, ayant pour objectif d'encadrer les premières pas vers la décentralisation culturelle, qu'avec le dernier Contrat de Plan Etat-Région 2000-2006 : d'une part l'absence d'une compétence d'attribution explicite - la culture a été définie pour les régions comme un champ d'intervention destiné à accompagner ses compétences clés de l'action économique et de l'aménagement du territoire - et l'absence de clarification des responsabilités entre les diverses collectivités publiques ont favorisé la pratique de la contractualisation et de la "co-production" Etat-Région ; d'autre part le ministère de la Culture et de la Communication s'est beaucoup appuyé sur ses échelons déconcentrés depuis 1977, les directions régionales des affaires culturelles (DRAC).

    2. RÔLE DE L'ETAT EN RÉGION

    En considérant les situations successives des vingt dernières années, brièvement résumées ci-dessus, force est d'observer que l'Etat garde un rôle prééminent dans le domaine culturel en France . On peut penser au discours de Robert Pesce à l'Assemblée nationale le 24 juin 1984 quand il dénonça, en cas de trop large transfert de compétences de l'Etat vers les collectivités, le risque "d'atomisation de la politique culturelle nationale, donc son effondrement" (Moulinier, 1995, 166). Ce qui l'amenait à conclure : "Il est indispensable d'avoir une politique nationale pour faire face à l'enjeu des multinationales" (id.), réflexion d'actualité à l'heure de la mondialisation.

    Dans la logique des compétences décentralisées, et d'un rapprochement de la décision entre les citoyens et les élus, l'Etat tente de ne pas exercer ses prérogatives de manière arbitraire - Guy Saez rappelle que "les artistes et les autres professionnels de la culture, tout comme les responsables locaux, ont manifesté leur accord pour que l'Etat continue de veiller à la qualité des activités culturelles en France" (Moulinier, 1995, Préface). De plus l'Etat s'applique à partager les missions comme les charges et préfère "développer les politiques contractuelles avec les élus, la déconcentration, la concertation avec les collectivités, plutôt que d'opérer des transferts massifs de compétences" (Moulinier, 1995, 164). La réalité persiste à démontrer que, soit de la part des régions elles-mêmes - quelquefois très peu motivées -, soit de la part de l'Etat et de ses services déconcentrés - peu enclins à négocier leur gestion dans un contexte de politique locale -, la décentralisation de l'action culturelle entraîne des applications modestes et rarement de longue haleine.

    De cette façon, même si le principe du "partage puis du transfert des services déconcentrés de l'Etat" (Delcamp, 1994, 161) est celui qui a été retenu pour la décentralisation française, ce principe est loin de s'appliquer au domaine culturel. On peut penser à l'article de Patrick Baleynaud en 1991, "La culture, l'oubliée de la décentralisation? " ; Pierre Moulinier va même jusqu'à demander "La décentralisation, une idée dépassée ? " (Moulinier, 1995, 226-231).

    Ainsi, le rapport sur la décentralisation culturelle commandé par Jack Lang à René Rizzardo a donné lieu à des propositions qui "ont fait jusqu'à présent long feu et n'ont guère suscité autre chose que des discussions sans lendemain" (id., 237). Des responsables du ministère de la Culture estiment que même si l'échelon régional "est sans doute le mieux à même d'exercer plus de fonctions culturelles, [...] sa vocation à la mission plutôt qu'à la gestion, la faiblesse de ses ressources financières autant que la difficulté qu'il a à se dessiner un profil culturel n'incitent pas à lui confier des responsabilités accrues" (id., 236). Quant au secrétariat d'Etat au Patrimoine et à la Décentralisation, créé en 2000, il semble avoir pour mission prioritaire de conforter la logique de la déconcentration - plus que celle de la décentralisation - renforcée depuis déjà plusieurs années - notamment, redéploiement des moyens financiers et humains de l'échelon central vers les DRAC.

    Les DRAC continuent donc de fonctionner comme les structures les plus appropriées à prendre en compte et à concilier les objectifs nationaux avec les contextes régionaux, à articuler les compétences verticales - de l'Etat...- et les approches territoriales -...vers les régions et les autres collectivités territoriales. Cette situation a amené à définir les DRAC comme les "ensembliers de la politique culturelle" (Saez, in Moulinier, 1995, Préface) capables d'organiser une "mise en cohérence" (Allier, Négrier et alii, 1994, 80-83) du partenariat Etat/Région qui puisse harmoniser les compétences respectives.

    Il est à noter que cette politique contractuelle est nécessaire aussi bien à l'Etat - dont les moyens financiers ne sont plus en expansion - qu'aux Régions - dont la jeunesse institutionnelle appelle un besoin de reconnaissance et de professionnalisation : "l'Etat ne peut guère se passer de l'appui des collectivités territoriales, tandis que ces dernières ne peuvent se passer de l'Etat qui valorise leur effort culturel" (Moulinier, 1995, 228).

    Par ailleurs, la coopération entre collectivités publiques renvoie à un enjeu de territorialisation des politiques culturelles et d'aménagement culturel du territoire, d'autant plus que le ministère de la Culture est présent à l'échelon régional, "niveau territorial de l'aménagement et de la planification" (Thuriot, 1999, 34; cf. article 59, alinéa 3, de la loi de décentralisation du 2 mars 1982).

    3. CULTURE ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

    "Déconcentration et décentralisation entraînent une territorialisation de l'action culturelle" (Perret & Saez, 1996, 41).

    Depuis la décentralisation artistique de l'après-guerre jusqu'à la récente implication des DRAC dans des projets territoriaux, en lien avec les "lois Voynet" sur l'aménagement et le développement durable du territoire et les "lois Chevènement" sur le renforcement et la simplification de la coopération intercommunale, l'aménagement du territoire a été intégré par l'Etat dans ses politiques culturelles successives.

    Plus qu'une simple action d'investissements structurels, les équipements culturels contribuent directement à l'aménagement du territoire par une irrigation locale de la culture sous toutes ses formes, soit pour répartir de manière équilibrée une culture reconnue à l'échelon national, soit pour mettre davantage en valeur les potentialités et les richesses inscrites sur un territoire donné. Cela renvoie aux diverses formes observables de démocratisation culturelle, celle-ci constituant un des deux axes principaux (et parfois contradictoires) de l'action du ministère de la Culture, l'autre axe étant la création et "l'excellence" artistiques : "La démocratisation et le soutien à la vie artistique sont deux missions différentes" (Urfalino in Actes du colloque [...], 1996, 92). Ainsi, le lien de cause à effet entre aménagement culturel du territoire et développement culturel de la nation sous-tend le rapport réalisé sur ce sujet par Bernard Latarjet en 1992, à la demande de M. Jack Lang et de M. Jacques Chérèque, occupant alors les fonctions de, respectivement, ministre de la Culture et ministre de l'Aménagement du territoire.

    Ce rapport rappelle à juste titre l'importance respective et l'interdépendance des services régionaux décentralisés et déconcentrés, dont les missions tendent aujourd'hui à être mieux identifiées et mieux coordonnées. Si la région est "l'échelon essentiel[...]de conception et de mise en oeuvre de [la politique d'aménagement culturel du territoire]", les DRAC s'imposent comme les "pivots" de cette politique, (Latarjet, 1992, 75).

    Alors que d'une part "il faut accroître l'effort de déconcentration " (id. 23), d'autre part la décentralisation n'est qu'à "envisager, après concertation", (id. 24). Conclusion paradoxale tirée de l'étude du terrain (du territorial) ou effet de la commande d'Etat?

    Quoiqu'il en soit l'Etat garde, en matière de politique culturelle, une présence déterminante dans les régions françaises, présence renforcée par le fait que "la politique d'aménagement du territoire est initiée par l'Etat, garant de l'unité du territoire" (Thuriot, 1999, 33).

    Le rôle et le poids de l'Etat sur la culture en face des collectivités territoriales, et ce malgré la reconnaissance du "rôle de chef de file de la région, compte tenu des ses compétences[...]en matière[...]d'aménagement du territoire" (id. 37), trouvent une légitimation supplémentaire dans les missions attribuées par l'Etat à la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR), notamment à travers la prospective interrégionale.

    II. L'interrégional : premiers éléments

    1. L'ACTION DE LA DATAR : PRÉSENTATION ET HISTORIQUE

    De tout temps la DATAR a travaillé sur de nombreux projets au niveau interrégional, en s'imposant de déterminer divers territoires significatifs : commissariats de massif (tels que le commissariat à l'aménagement des Pyrénées), politique du littoral, de l'environnement et de l'eau (avec la création des Agences interrégionales de bassins).

    En 1970 le rapport de la commission nationale d'aménagement du territoire préparatoire au VIème plan, retient huit grands ensembles régionaux, qui annoncent la création de huit zones d'équipement et d'aménagement du territoire (ZEAT) en 1975 et sur lesquels les actuels centres d'études techniques de l'environnement (CETE) sont calqués.

    "Si, dans les textes issus des [lois de décentralisation], des interventions conjointes des collectivités sont prévues, c'est que le besoin de regroupement territoriaux se faisait sentir" (Leclerc et alii, 1996, 19). Le 24 mars 1990, François Mitterrand déclare "ce qui peut ne pas sembler satisfaisant dans la décentralisation, c'est peut-être le nombre excessif et la spécificité peut-être insuffisante des régions françaises" et avance l'idée d'une "dizaine de grandes entités régionales, évitant toute concurrence entre la région et le département" (id., 45). A l'issue du Comité interministériel d'aménagement du territoire (CIAT) du 5 novembre 1990, sept "Grands Chantiers d'animation interrégionale de prospective" sont mis en oeuvre 3(*), qui "abordent une phase nouvelle de l'aménagement du territoire, plus horizontale".

    (id. 47, cf.Annexe 2.1).

    Cette campagne de quatre années a, entre autres choses, permis de "mettre en évidence le besoin au niveau des régions d'un lieu de réflexion stratégique, sans enjeu de pouvoir" (id., 51). Quelques actions, ponctuelles certes, ont été engagées, comme par exemple une mission culturelle menée par M. Jack Riou dans le "Grand Est"4(*).

    A la suite du recensement de 1999, la vision de six grands ensembles de peuplement s'impose à la DATAR : le Grand Delta, l'Ouest Atlantique, le Val de Garonne, le Grand Est, le Bassin Parisien, le Nord. Parallèlement trois Missions interministérielles et interrégionales d'aménagement du territoire (MIIAT) sont mises en place pour le Sud-Est, le Sud-Ouest et le Bassin Parisien, afin de "décloisonner les administrations déconcentrées et anticiper des évolutions et des projets de grande envergure" (Guigou, 1999, 4). Selon la commande qui lui a été faite par le gouvernement lors du CIADT du 15 décembre 1997, la DATAR continue sa mission d'anticipation à longue échéance des évolutions économiques et d'infrastructures par l'élaboration d'un document de prospective -Aménager le France de 2020 - et prépare, avec l'aide des MIIAT, un document de planification territoriale à long terme, synthèse des Schémas de services collectifs (dont les Schémas de services collectifs culturels), schémas définis comme "le point de rencontre entre une offre de services de l'Etat et une demande interrégionale" (DATAR, 1999).

    Comme on le voit par ces rappels, la dimension interrégionale de l'aménagement sous-tend fondamentalement les options de missions et d'études de la DATAR. La perspective ne concerne pas que le devenir du polygone national, Au-delà des enjeux nationaux nécessairement limités dans le cadre d'échanges plus larges, européens en particulier, c'est avant tout le contexte international qui légitime cette dynamique de recomposition territoriale :

    "Il conviendrait à la fois de revoir le nombre et les compétences même des régions, de les rendre plus compétitives dans l'Europe", (Lionel JOSPIN, assemblée nationale [...]) [...] l'émergence des fonctions européennes d'un certain nombre de métropoles françaises pousse à l'interrégionalité" (Leclerc et alii, 1996, 22-23, 26).

    2. L'ÉCHELLE INTERRÉGIONALE DANS LES CONTEXTES

    EUROPÉEN ET INTERNATIONAL

    "La région est bien le maillon faible de nos institutions territoriales et pourtant toutes les évolutions en cours, au niveau national comme européen, poussent non pas à sa disparition, mais bien au contraire à son dépassement. Aller au-delà des régions françaises actuelles, c'est non seulement et vraisemblablement grossir en taille, en superficie, mais c'est augmenter ses compétences et ses moyens à la hauteur des enjeux européens" (Leclerc et alii, 1996, 31).

    L'Europe joue donc un rôle prépondérant dans la montée de l'interrégionalité, d'une part en incitant les régions à regrouper leurs forces - création de lobbies institutionnels tels que l'Association des régions périphériques d'Europe, l'Association des villes et régions de la grande Europe pour la culture -, d'autre part en instaurant, à travers les mécanismes d'appels aux fonds structurels, un dialogue direct entre la Commission à Bruxelles et les régions - création du Comité des régions d'Europe - et en suscitant la création d'entités interrégionales - programme INTERREG.

    "Le schéma de développement de l'espace communautaire (SDEC) fait du polycentrisme un principe et un objectif. Ainsi sont encouragées des coopérations interrégionales transnationales qui renforcent des "plaques tectoniques" (Cl. Lacour) ou des petites Europe" (Guigou, 1999, 5). Et ce processus au niveau européen doit évidemment être accompagné par la "recomposition interrégionale de chaque nation" (id.).

    Au-delà du contexte européen cette évolution territoriale répond à la multiplication des échanges à l'échelle planétaire afin de garantir aux régions un développement durable en phase avec le contexte géopolitique mondial. L'aménagement culturel du territoire et la territorialisation des politiques culturelles sont liés à ces problématiques. "C'est de plus en plus à l'échelon des régions que doit se concevoir et s'organiser l'effort de compétitivité et de coopération [culturelle] internationale" (Latarjet, 1992, 21), et l'on retrouve les "projets de coopération culturelle avec d'autres régions d'Europe et de l'étranger" parmi les "stratégies culturelles régionales" (id., 59-60).

    Les relations culturelles extérieures des régions françaises apparaissent dans ces conditions comme le prolongement naturel d'un terrain d'étude privilégié de leur propre situation en Europe et dans le monde et peuvent susciter plusieurs questions relatives à leurs enjeux, leurs possibilités et modalités de développement.

    III. Articulation de la politique culturelle en région

    et des relations internationales

    1. LA DIALECTIQUE CONTEMPORAINE

    ENTRE COSMOPOLITISME ET LOCALISME

    Cette dialectique ne renvoie pas au débat limité entre jacobins et girondins, entre tenants du pouvoir central et défenseurs de la décentralisation ; elle intéresse l'évolution globale des sociétés contemporaines, particulièrement dans les domaines socio-politique, économique et technologique ; elle exprime "l'ambivalence de l'entre deux siècles [...,] dialectique du temps présent qui commute immédiatement des parties du monde ou de la société toujours plus interdépendantes mais tendant par ailleurs à s'éloigner les unes des autres, qui relie et oppose à une échelle inédite l'un et le multiple, l'homogène et le différent, l'uni et le séparé" (Saez, 1995, 16). Dans le même ordre d'idée on pourrait citer aussi Hanna Arendt, quand on se sent pris entre "attachement" et "arrachement" (Saez, 1995, 140).

    Parallèlement à la montée en puissance des régions en Europe, le développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) et l'avènement du libre-échange permettent de lier le local au global de plus en plus rapidement et facilement. Un peu comme les îles de la Méditerranée, les régions européennes sont soumises à cette "tension entre, d'un côté le circonscrit, le local et le petit et, de l'autre côté, le rayonnement à longue distance" (Chadziiossif, 1997, 62). C'est ainsi qu'on a pu constater de manière progressive, en France comme en Europe, un développement des échanges culturels internationaux fondé explicitement sur l'affirmation de politiques culturelles locales.

    2 CADRE DES RELATIONS INTERNATIONALES DES RÉGIONS

    Le développement des relations culturelles internationales des régions est dû en grande partie à la conjoncture de la décentralisation et de l'intégration européenne. Par exemple le cadre législatif - titre IV de la loi du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la république, titre consacré à la coopération décentralisée - offre la possibilité d'utiliser comme outils de la coopération décentralisée, outre les conventions et autres instruments contractuels, deux formules juridiques : la Société d'économie mixte locale (SEML) et le Groupement d'intérêt public (GIP). De plus une Commission nationale de la coopération décentralisée a pour mission de tenir à jour un état de ces actions et de formuler toute proposition tendant à les renforcer. Même si l'Etat garde un droit de regard important sur les relations extérieures des collectivités, lesquelles s'effectuent dans la limite de leurs compétences et sous réserve de transmission à la Préfecture qui vérifie qu'elles soient bien conformes aux engagements internationaux de la France, il doit pouvoir s'adapter à l'interaction entre son rôle traditionnel en matière d'affaires étrangères, l'émergence du niveau d'intervention communautaire et l'accroissement du poids des régions.

    "Les Etats [...], et d'abord la France, dont ce n'était pas, en matière de relations culturelles internationales, la tradition, doivent apprendre à trouver leur place dans ces réseaux complexes d'échanges où le local s'insère [...]. Les nouvelles logiques, multipolaires, décentrées, doivent pouvoir, et c'est l'enjeu, croiser les stratégies du service public."

    (Alliès, Négrier et alii, 1994, Conclusion)

    Les relations culturelles extérieures des régions françaises se développent selon deux directions :

    - la direction intra-communautaire, encouragée par le contexte de construction européenne et qui se traduit le plus clairement par les relations transfrontalières.

    - La direction extra-communautaire, qui relève à la fois de la "coopération décentralisée stricto sensu, c'est-à-dire avec des partenaires du Sud ou du tiers-monde" (Moulinier, 1995, 266), et des relations extérieures de l'Union européenne.

    On peut qualifier ces deux directions de "croisées" : les relations culturelles ne peuvent rentrer dans des cadres rigides, ce serait leur imposer des limites.

    Cette "double ouverture" fait apparaître :

    - Le principe d'union (sans jeu de mots) et de rassemblement qui sous-tend la construction européenne, qu'il s'agisse des relations entre les pays membres ou de leur solidarité sur la scène internationale - bien qu'on soit encore loin d'une diplomatie communautaire opérationnelle5(*). Peut-être le caractère assez informel des relations culturelles représente-t-il une chance de précéder des évolutions qui peinent à s'accomplir.

    - Le caractère complexe et multipolaire de ces relations comprises entre traditionnelles relations bilatérales et relations extérieures de l'Union européenne, situation qu'il faut pouvoir appréhender et maîtriser à l'échelle régionale et interrégionale. D'après un agent délégué par la Commission européenne au Maroc, il existe [encore] des obstacles, au sens propre, pour rapprocher les coopérations bilatérales et la coopération de l'Union européenne, malgré les déclarations de bonnes intentions qui ne sont pas forcément récentes : "L'Europe [....], loin de se substituer aux traditionnelles relations bilatérales de ses Etats membres, peut donner à celles-ci un élan sans précédent" (M. Juppé in Maroc-Europe, quel partenariat? Actes du colloque., 1996, 19), ou encore "les actions bilatérales et communautaires seront donc complémentaires" (M. Prat in Maroc-Europe[...], 1996, 104).

    Après une présentation du cadre général des relations culturelles extérieures des régions, il convient d'aborder les différents enjeux qui leur sont liés.

    3. ENJEUX DES RELATIONS CULTURELLES INTERNATIONALES POUR LES RÉGIONS

    a. Enjeu "global" et symbolique.

    Cet enjeu, inhérent aux relations culturelles internationales, est celui de l'enrichissement mutuel provoqué par la découverte et la compréhension de la culture de l'Autre, qui mène à la tolérance et, par extension, à la paix. "L'art et la culture sont un puissant moyen de rapprochement des peuples" (Kompaoré in Dialogue culturel Nord-Sud et collectivités territoriales. Actes., 1992, 49).

    Ces idéaux sont notamment défendus par les organisations intergouvernementales telles que l'UNESCO ou le Conseil de l'Europe. "L'interpénétration culturelle de nos sociétés est devenue une dimension fondamentale de la réalité internationale [...]. Les actions culturelles et éducatives peuvent constituer un "instrument" extraordinairement efficace au service d'une Europe [et d'un monde] plus démocratique[s] et plus [respectueux] des droits de l'homme" (Weber in Saez, 1995, 81).

    Au niveau "pragmatique" de ce mémoire cet enjeu concerne notamment la cohésion des sociétés, le lien social entre populations membres de l'Union européenne d'une part, entre populations européennes et communautés ethniques d'autre part, implique la fonction sociale des politiques culturelles (cf. par exemple Wieviorka, 1998) et relance le débat entre "tenants de l'excellence artistique et ceux de l'action populaire" (Latarjet, 1992, 17-20).

    Cet enjeu "socioculturel" se retrouve également, notamment dans le cadre des relations Nord/Sud, dans la dimension culturelle du développement qui soulève elle-même plusieurs questions6(*).

    "La culture semble être le seul terrain où un échange équilibré paraît possible (F. d'Almeida) [...] le dialogue culturel est le meilleur lieu pour un dialogue égalitaire : toutes les cultures se valent si toutes les économies ne se valent pas7(*).

    b. Enjeu économique

    Il se manifeste de deux façons :

    - Les retombées économiques de la culture, confirmées par diverses études et qui sont d'autant plus importantes que la politique culturelle a une envergure internationale. Cela va de l'organisation d'événements de portée internationale - "festivalisation de la culture", (Latarjet, 1992, 16) - aux bénéfices générés par le tourisme culturel - mise en valeur d'un patrimoine transfrontalier par exemple.

    - Il est admis que la culture est souvent instrumentalisée au profit d'une stratégie de développement économique, qu'il s'agisse de trouver des nouveaux clients à l'étranger ou d'attirer des investisseurs extérieurs - accompagnement des missions économiques par des artistes régionaux, volonté de faire de sa région un pôle culturel et intellectuel international, etc. - ; "stratégies aux frontières des relations économiques, qui sont celles des divers opérateurs culturels internationaux" (Négrier in Perret & Saez, 1996, 124).

    A ce propos, les Régions ne peuvent qu'encourager des relations économiques fructueuses en faisant du dialogue interculturel un axe privilégié de leurs relations extérieures - on peut penser à l'émergence du "management interculturel" dans l'entreprise, à la prise en compte croissante des questions interculturelles au sein des services des ressources humaines, etc. La connaissance et le respect mutuels ont toujours aidé à mieux travailler ensemble.

    Quoiqu'il en soit, dans le contexte économique la culture apparaît comme principalement liée à l'image que la région souhaite projeter vers l'extérieur.

    c. Enjeu politico-identitaire

    Les relations culturelles extérieures sont pour les régions un moyen efficace d'acquérir une visibilité politique face au pouvoir central comme au sein de l'Union européenne. Cette approche, essentiellement médiatique (cf. Moulinier, 1995, 265) et qui n'est pas l'apanage des régions8(*) peut mener à des dérives. La culture ne serait donc qu'un moyen de se faire voir - et valoir - sur la scène européenne et internationale pour des régions françaises en mal d'identité - en raison de recoupements territoriaux parfois culturellement illogiques et à des transferts de compétences relativement faibles.

    La construction d'une image/identité culturelle, oscillant entre régionalisme - "identité défensive" (Latarjet, 25) - et recherche effrénée de la "contemporanéité" - "identité offensive" (id.) - devient l'une des passions politiques territoriales tout en ne constituant que l'un des instruments de l'action internationale des régions.

    Par extension cet enjeu peut se mêler à la "crise du sens" dont sont victimes « nombre de nos contemporains [qui] se mettent ainsi à la recherche de racines, réflexe ou démarche qui aurait pour fonction de restabiliser leur rapport au monde en les inscrivant fortement dans une lignée historique ou spirituelle" (Saez, 1995, 19).

    Face aux conséquences néfastes que peuvent avoir les rapprochements entre identités et culture dans les relations internationales9(*), les "acteurs" de ces relations doivent garder à l'esprit que "l'action culturelle ne peut se penser comme un simple levier de l'action politique, elle est à la fois plus et autre chose que cela" (Saez, 1995, 31)10(*).

    Ces différents enjeux soulignent l'importance des relations culturelles internationales pour les régions et montrent bien qu'une approche spécifique doit présider au développement de ces relations, au sein de "l'écosystème culturel" actuel (Weber in Saez, 1995, 82).

    "Une place revient à la culture en tant que moyen d'éveil de la conscience, à la création artistique en tant qu'interrogation sur le monde, aux politiques culturelles dans la mesure où elles peuvent ouvrir des voies d'accès "citoyennes" à la mémoire collective, instaurer des relations apaisées entre les identités. La culture comme recherche de sens, prenant en considération Soi et l'Autre en même temps, peut contribuer à établir une distance salutaire avec Soi, aider au dépassement des obsessions identitaires, faciliter la reconnaissance de l'Autre" (Saez, 1995, 27).

    PARTIE B

    L'EXEMPLE DES RÉGIONS FRANÇAISES

    EN EUROPE DU SUD-OUEST

    I Présentation géographique

    Les régions du sud-ouest français, par leur situation dans l'espace européen, forment un bon terrain d'étude des problématiques évoquées en partie précédente, à savoir la collaboration interrégionale, les relations culturelles extérieures des régions dans deux directions croisées, soit entre pays membres de l'Union européenne, soit entre ces pays et des pays tiers.

    1. LE "GRAND SUD-OUEST", ESPACE INTERRÉGIONAL

    La MIIAT du Grand Sud-Ouest a pour périmètre d'étude les régions Aquitaine et Midi-Pyrénées, avec, complémentairement, des régions associées comme le Languedoc-Roussillon, le Limousin et par extension, Poitou-Charentes et l'Auvergne.

    En fonction des thèmes abordées, la formation des espaces interrégionaux peut cependant varier. Par exemple, dans les six grands ensembles interrégionaux de peuplement de la France présentés par la DATAR, les régions du Grand-Sud-Ouest sont répartis entre le Val de Garonne ("Aquitaine et Midi-Pyrénées entraînant le Limousin et le Roussillon"), le Grand Delta ("Rhône-Alpes, PACA et Languedoc-Roussillon entraînant l'Auvergne"), ou encore l'Ouest-Atlantique ("Pays de la Loire, Bretagne et Poitou-Charentes"), (Guigou, 1999b, 2).

    Il apparaît donc pertinent, concernant les relations culturelles extérieures du sud-ouest français, de s'intéresser à l'ensemble interrégional formé par les deux régions "de base" indissociables, Aquitaine et Midi-Pyrénées d'une part, le Languedoc-Roussillon d'autre part. Il est à noter que certaines études publiées sous l'égide de la DATAR et des Préfectures des trois régions suscitées travaillent sur le même espace et sous la même terminologie, comme par exemple Au pied des Pyrénées, trois régions attractives, Atlas des transports dans le Grand Sud-Ouest, (cf. cartes en Annexe 2).

    Ainsi le sud-ouest français - terme faisant référence dans ce mémoire aux trois régions suscitées - est envisagé, en terme de relations culturelles extérieures, sous l'angle de ses ouvertures pyrénéenne et méditerranéenne sur l'espace du "Sud-ouest européen" et par extension, sur l'espace euro-méditerranéen.

    2. L'ESPACE COMMUNAUTAIRE DU "SUD-OUEST EUROPÉEN"

    Le sud-ouest français tel qu'envisagé dans ce mémoire - mais aussi sous sa forme extensive telle que définie par la DATAR - est inclus dans l'espace de coopération territoriale et transnationale Sud-ouest européen, un des sous-ensembles régionaux définis par la Commission européenne, notamment dans le cadre du Schéma de développement de l'espace communautaire (SDEC), sous-ensemble dénommé "SUDOE" dans les documents de travail (cf. cartes en Annexe 2).

    Cette configuration géopolitique confirme l'ouverture intra-europénne du sud-ouest français sur la péninsule ibérique, Espagne et Portugal, d'autant plus qu'elle correspond aux analyses stratégiques développées par la DATAR et situant le sud-ouest français sur l'axe d'un "isthme sud-européen, [...] élément charnière de la solidarité du sud-ouest français avec la péninsule ibérique", (Leclerc et alii, 1996, 81-82).

    Ainsi le sud-ouest français a pour partenaires européens privilégiés de ses relations culturelles extérieures l'Espagne et le Portugal.

    3. L'OUVERTURE EXTRA-EUROPÉENNE DU SUD-OUEST EUROPÉEN :

    MAROC ET ESPACE EURO-MÉDITERRANÉEN

    Le sud-ouest européen a la particularité d'être une zone frontalière de l'Union européenne, notamment une "zone de contact entre les continents européen et africain" (Commission européenne, Programme opérationnel INTERREG III-B SUDOE, 2000, 11), le pays le plus proche étant le Maroc, dont l'extrême nord est situé à quelques dizaines de kilomètres seulement de l'extrême sud de l'Espagne.

    Le Maroc se présente ainsi comme un prolongement de "l'isthme sud-européen", lui-même axe majeur de la "diagonale intérieure allant de l'Europe du Nord à l'Andalousie et dont Toulouse se trouverait être l'un des principaux centres français" (Leclerc et alii, 1996, 81).

    "Le Maroc se développe comme un prolongement méridional de la péninsule ibérique, aux liens renforcés avec l'Europe", (Foucher, 1998, 10-11).

    Cette proximité géographique donne au sud-ouest européen la possibilité de développer des relations culturelles intenses avec le Maroc, partenaire du projet euro-méditerranéen et pays du Sud, de culture non-européenne à triple vocation, africaine, arabo-islamique et méditerranéenne.

    Ainsi le sud-ouest français, en privilégiant, dans un premier temps, ses ouvertures transpyrénéenne et méditerranéenne, peut participer au développement des relations culturelles dans l'espace comprenant le sud-ouest européen et le Maroc, espace que l'on peut désigner, par commodité, sous le terme "sud-ouest de l'Europe", pour ne pas dire "sud-ouest méditerranéen de l'Europe", (cf. carte en Annexe 2).

    Avant d'aborder l'importance et le rôle des relations culturelles au sud-ouest de l'Europe, une brève présentation des acteurs principaux de ces relations s'impose.

    II Acteurs des relations culturelles

    Ce chapitre ne prétend pas à l'exhaustivité mais a pour but de présenter les acteurs les plus susceptibles de structurer et de mettre en oeuvre les relations culturelles au sud-ouest de l'Europe.

    Les nombreuses structures liées directement ou indirectement aux institutions - musées, théâtres, centres d'art, instituts, etc. - sont considérées, à travers l'action de ces dernières, comme acteurs à part entière des relations culturelles.

    1. PARTENAIRES INSTITUTIONNELS EXTÉRIEURS

    a. Institutions espagnoles

    § La constitution espagnole de 1978, reconnaissant la configuration plurinationale de l'Etat, a établi 17 Communautés autonomes dont l'autonomie politique est proche de celle d'un Etat fédéral mais sans structure fédérale formelle. A l'inverse des régions françaises, les Communautés autonomes n'ont pas toutes le même statut d'autonomie : on distingue les Communautés de la « voie lente » vers le statut d'autonomie - vía lente - et les régions « historiques » - vía alta - qui ont obtenu le statut d'autonomie par la constitution espagnole de 1973 - Catalogne, Pays basque, Andalousie.

    Malgré cette situation hétérogène, tous les statuts d'autonomies des différentes Communautés autonomes revendiquent la culture comme compétence propre, ce qui les amène à mettre en oeuvre de véritables politiques culturelles régionales. Les Communautés autonomes ont chacune intégré à leur manière les responsabilités transférées en matière de culture : création d'un secrétariat spécifique - équivalent d'un ministère - en Catalogne, Pays basque, Andalousie, etc. ; ou intégration des compétences culturelles dans un secrétariat à l'éducation.

    Quoiqu'il en soit les Communautés autonomes apparaissent comme les interlocuteurs naturels des régions françaises pour les relations culturelles extérieures, d'autant plus que certaines d'entre elles sont très engagées dans ce domaine - promotion internationale de la culture catalane par exemple.

    § Du fait du transfert de responsabilités aux Communautés autonomes, l'administration culturelle centrale de l'Etat espagnol - secrétariat d'Etat à la Culture depuis 1996 - a une action beaucoup moins importante que son homologue français, action « centrée avec excès sur la dotation de ressources et d'éclat aux grands équipements culturels situés à Madrid. » (in Pôle Sud, n°10, 1999, 71). Mais le secrétariat a néanmoins un rôle important à jouer dans la coopération internationale et reste donc un acteur non négligeable des relations culturelles internationales. De plus, il est à noter qu'une des fonctions que la Constitution attribue à l'Etat est de faciliter, en accord avec les collectivités, la communication entre les différentes politiques culturelles territoriales. Cet élément peut se révéler important dans le cadre de relations culturelles à l'échelle du sud-ouest de l'Europe, impliquant donc les collectivités et l'Etat espagnols.

    § La présence culturelle extérieure espagnole se fait à travers le ministère des Affaires extérieures et notamment le travail de diffusion culturelle assuré par les Instituts Cervantès, établissements publics dotés de l'autonomie financière créés en 1991 et étroitement associés à l'instrument diplomatique - Consejerías de Cultura y Cooperación de las Embajadas. Le réseau culturel espagnol est présent au Maroc, au Portugal et au sud-ouest français - notamment l'Institut Cervantès de Toulouse. Depuis l'année 2000 le programme d'activités culturelles organisé par le réseau au Maroc, un des plus importants en dehors des pays européens, bénéficie du soutien du Secrétariat d'Etat espagnol à la culture, ce qui a permis de développer le programme "en quantité et en qualité" (cf. Instituto Cervantes de Rabat, notes internes, 1999-2000).

    b. Institutions portugaises

    § La période salazariste fut partagée entre d'un côté l'autoritarisme politique et le minimalisme culturel du secrétariat national à l'Information et à la Culture populaire, de l'autre la contribution remarquable de la Fondation Gulbenkian à la diffusion, la modernisation et l'internationalisation de la culture au Portugal - notamment par l'ouverture du premier Centre culturel portugais à Paris, qui demeure un instrument très utile dans les relations culturelles franco-portugaises.

    § Aujourd'hui, il existe au Portugal un secrétariat d'Etat à la Culture et son cabinet des Relations internationales, chargé surtout de préparer les déplacements et interventions du Ministre dans les organismes internationaux. Quatre délégations régionales ont également été créées - au Nord, Centre, en Algarve et en Alentejo - et sont pour l'instant parmi les seuls interlocuteurs régionaux envisageables alors que le vote très explicitement négatif des Portugais a rejeté le projet de création des huit régions administratives et retardé du même coup la décentralisation, institutionnelle et politique, des affaires culturelles.

    § Bien que "les rapports tendus avec le ministère des Affaires étrangères n'aident pas à la formulation d'un vraie politique culturelle internationale" et que "l'internationalisation de la politique culturelle souffre d'un investissement irrégulier et d'une structuration aléatoire" (in Pôle Sud n°10, 1999, 55), le réseau des Instituts Camões est bien présent au Maroc, en France et en Espagne et reste un acteur à part entière malgré ses faibles moyens financiers.

    § Etant donné que "l'accélération des échanges internationaux [améliorerait] l'efficacité et les compétences au sein des institutions publiques culturelles" (id. 56), les partenaires portugais sont susceptibles de présenter un intérêt particulier pour le développement des relations culturelles au sud-ouest de l'Europe.

    c. Institutions marocaines

    § Le ministère marocain de la Culture et de la Communication, ainsi que celui des Affaires étrangères et de la Coopération, ont un rôle important à jouer notamment en collaborant avec les réseaux culturels français, espagnol et portugais au Maroc. Par exemple ces deux institutions sont chargées de coordonner l'organisation prochaine d'une saison culturelle marocaine en Espagne. D'après M. Khachani, membre du comité Averroès11(*), la création de Centres culturels marocains à l'étranger - France, Espagne, etc. -, présentant la création artistique et culturelle marocaine et proposant des collaborations, serait nécessaire au bon développement des relations culturelles extérieures marocaines.

    § Par ailleurs, les collectivités décentralisées marocaines sont également des acteurs institutionnels potentiels, alors que le Maroc s'engage sur la voie de la décentralisation et réfléchit par exemple à l'autonomisation du Sahara.

    "La coopération décentralisée est tributaire de l'autonomie des collectivités et autorités territoriales. Elle dépend également de la possibilité juridique de constituer des associations ou des regroupements de collectivités territoriales des pays du sud et de l'est de la Méditerranée. L'exemple de l'Europe occidentale montre bien que le jumelage et, par la suite, la coopération décentralisée, se sont développés grâce aux associations de collectivités territoriales, notamment celles qui ont pour objet la coopération internationale" (Bekkouche, 2000, 47).

    d. Institutions internationales

    § La Commission européenne peut, au travers des financements et des programmes - Culture 2000, INTERREG, etc. - soutenir le développement des relations culturelles au sud-ouest de l'Europe. Ainsi certaines Directions générales - notamment celles chargées des Relations extérieures et de la Culture - se présentent comme acteurs "indirects" mais néanmoins importants - pour information et orientation - qu'il est possible de contacter directement ou à travers d'une part les représentations nationales auprès de l'Union européenne, d'autre part les représentations et délégations de la Commission européenne dans les pays membres et à l'étranger. De plus, des "points de contacts culture" sont présents dans les pays de l'Union et agissent comme des relais en matière d'affaires culturelles européennes, notamment pour aider les porteurs de projets à effectuer des demandes de subventions dans le cadre des programmes communautaires, informer sur les possibilités de coopération à l'échelle européenne et avec les régions périphériques, dont la région méditerranéenne.

    A noter également que des points de contact culture "décentralisés" sont présent dans chaque Communauté autonome espagnole, et que le Relais-Culture-Europe, point de contact culture français, réfléchit actuellement avec la DATAR à la création de structures d'appui culturel en région (SACER), le projet pilote concernant pour l'instant sept Régions, dont Aquitaine, Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées.

    § Le Conseil de l'Europe, par son action dans le domaine de la culture et celui de la coopération régionale, ainsi que la Fondation européenne de la culture, par son implication dans les projets euro-méditerranéens, peuvent apporter également un soutien aux relations culturelles au sud-ouest de l'Europe.

    § Enfin l'UNESCO peut être sollicitée pour un "patronage" de certains projets, la plupart du temps se limitant à un cautionnement moral bien que la perspective d'un soutien financier ne doive pas être occultée. Il ne faut pas oublier que l'UNESCO a joué un rôle décisif dans la prise en compte de la dimension culturelle du dialogue Nord-Sud (cf. Jouve, 1997, 106-112), et qu'un Programme Méditerranée est coordonné par la section des Projets interculturels et des Aires géo-culturelles de l'UNESCO.

    2. INSTITUTIONS FRANÇAISES

    a. Le ministère de la Culture et de la Communication:

    § Le département des Affaires internationales (DAI), rattaché au cabinet du Ministre, joue un rôle général de préparation, de coordination et de mise en oeuvre de la politique internationale du ministère, qui concerne toutes les directions. Le DAI se compose de différents services selon un découpage à la fois géographique et thématique, dont les services "Europe méridionale", "Afrique du Nord/Moyen-Orient", ou encore "Action régionale". Sur les 47 millions de francs de budget dont il dispose le DAI déconcentre 8 millions afin de renforcer la capacité des DRAC en matière internationale12(*). Parmi les principaux partenaires du DAI on trouve l'Office national de diffusion artistique (ONDA), le Relais-Culture-Europe, la Maison des cultures du monde (MCM), l'Association Ecrans Nord Sud, l'Association française d'action artistique (AFAA).

    Ainsi le DAI se présente comme un acteur potentiel du développement des relations internationales au sud-ouest de l'Europe, même si son action concerne pour l'essentiel le financement de relations inter-étatiques ou globales.

    Quoiqu'il en soit le DAI reste le relais principal des DRAC en matière d'affaires internationales.

    § Le ministère de la Culture est présent dans le sud-ouest français au travers des DRAC des régions Aquitaine, Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon. Comme on l'a vu précédemment13(*), les DRAC apparaissent comme les structures privilégiées du compromis entre le besoin de superviser les affaires culturelles - qui plus est les affaires internationales - à un niveau national et le besoin de prendre en compte les diversités culturelles régionales. Elles se présentent comme les lieux du "croisement" Etat-Collectivités-International, pour organiser, coordonner et soutenir les échanges culturels et interculturels de manière efficace, pertinente et concertée. D'où leur importance en tant qu'acteurs des relations culturelles au sud-ouest de l'Europe.

    § Il existe au sein de la délégation au Développement et à l'Action territoriale (DDAT) un département de l'Action territoriale, qui se présente comme une interface entre les DRAC, les collectivités et le ministère. Ce département a pour missions principales de coordonner les politiques d'aménagement et de développement des territoires - politique contractuelle avec les collectivités territoriales, Contrats de plan Etat-Région, Schémas des services collectifs culturels, fonds structurels européens - et de veiller à l'harmonisation des politiques culturelles de l'Etat dans les régions, en proposant notamment les priorités d'action des DRAC et, en liaison avec la direction de l'Administration générale, en développant la déconcentration administrative.

    b. Le ministère des Affaires étrangères

    § La direction générale de la Coopération internationale et du Développement (DGCID), précédemment direction générale des Relations culturelles, scientifiques et techniques, coiffe l'ensemble du réseau des établissements culturels français, qui est l'un des plus développés au monde - regroupant environ 130 établissements - et mêle les dimensions culturelles, éducatives et linguistiques des échanges internationaux. "La politique culturelle extérieure est [...] une expression directe de l'identité et du messianisme français" (Raymond, 2000, 12).

    Même si le volet culturel stricto sensu de l'action des établissements du réseau est minoritaire en terme financier - 80% de leur activité concerne l'enseignement et c'est sur ce point qu'ils sont évalués - et que la nouvelle donne internationale appelle des adaptations du réseau en terme de gestion, de mission et de restructuration14(*), les établissements culturels français à l'étranger représentent néanmoins de réels intermédiaires de choix dans les partenariats, ne-serait ce que par leur implantation dans la vie culturelle locale. Pour le sud-ouest européen il s'agit du réseau des établissements français en Espagne, au Portugal et au Maroc, ce dernier pays étant un des postes les plus importants du réseau. Cela suppose d'une part que diplomatie culturelle nationale et action culturelle décentralisée collaborent, d'autre part qu'un partenariat interministériel Culture - Affaires étrangères soit effectivement mis en oeuvre, ce qui est en théorie le cas au travers de structures para-publiques telles que l'Association française d'action artistique (AFAA), bien que, contrairement à la proposition du rapporteur M. Jacques Chaumont, aucune charte d'objectifs n'ait encore été conclue entre l'AFAA et les départements du ministère de la Culture (id., 53). D'après Mme Marie-Christine Lorang, chargée de mission au DAI, l'heure est au réajustement des compétences entre l'AFAA et le DAI.

    § L'AFAA, à la fois opérateur délégué de la DGCID et partenaire du DAI, a d'abord fourni au réseau culturel français les productions et artistes chargés de véhiculer la culture française.

    "N'étant plus seulement la structure d'accompagnement des artistes français à l'étranger ou un entrepreneur de spectacles, l'AFAA est devenue une véritable agence internationale d'ingénierie culturelle qui intervient désormais dans des domaines nouveaux où la France est présente : les arts appliqués, l'architecture et le design, la réhabilitation du patrimoine, la mode, les arts de vivre, le tourisme culturel, etc." (id., 52).

    C'est ainsi que l'AFAA s'est depuis dix ans transformée en pôle d'échanges culturels professionnalisés et a, par ce biais, été la première à comprendre les nouveaux rôles et compétences des collectivités. Un Pôle "Collectivités territoriales" a été créé au sein de l'AFAA afin de développer avec les collectivités françaises un partenariat croisant les réseaux diplomatiques, culturels et territoriaux. Sous forme de conventions, ce type d'accord se traduit notamment par la création d'un budget d'action supplémentaire à l'international, financé à parité par les deux partenaires. A noter que les villes de Toulouse, Montpellier, Bordeaux et Biarritz ont passé de tels accords pour un montant total de 7 millions de francs15(*).

    La récente réforme de l'AFAA a permis de la redéfinir comme "un opérateur culturel renforcé au triple service de la coopération artistique, du conseil et de la formation, du développement de l'ingénierie culturelle à l'échelle européenne autant qu'internationale" avec pour objectif de "dynamiser la créativité et [...]d'opérer un recentrage européen"(id., 48).

    L'AFAA, par son statut d'intermédiaire entre artistes et professionnels de la culture, cadres des collectivités et réseau culturel français à l'étranger, peut être considérée comme un "acteur-relais" important pour le développement des relations culturelles au sud-ouest de l'Europe, et ce malgré les reproches qui lui ont été fait en terme d'hégémonie - l'AFAA n'a-t-elle pas "absorbé" l'association Afrique en créations ? - et de clientélisme.

    c. Les services culturels régionaux.

    Les services culturels décentralisés placés sous la tutelle des Conseils régionaux du sud-ouest français ont également vocation à être des acteurs phares des relations culturelles au sud-ouest de l'Europe. Même si la décentralisation française n'est pas aussi poussée qu'en Espagne, les régions du sud-ouest français ont un rôle évident à jouer dans des relations qui concernent leur territoire et impliquent leur(s) culture(s), dans un contexte "d'Europe des régions" qui leur est généralement favorable16(*).

    On retrouve au niveau régional la même configuration qu'au niveau national en terme de partage et d'organisation des compétences entre différents services. Les acteurs régionaux des relations culturelles au sud-ouest de l'Europe peuvent être d'une part les services proprement culturels, d'autre part les services chargés des affaires internationales et européennes.

    3. LA COOPÉRATION NON-GOUVERNEMENTALE :

    SOCIÉTÉ CIVILE, ASSOCIATIONS ET RÉSEAUX

    La coopération non-gouvernementale est capitale car elle implique des acteurs de la société civile, dont la participation aux affaires culturelles est une évidence sinon une nécessité.

    En France, d'une part la liberté d'association a été qualifiée de principe à valeur constitutionnelle (Thuriot, 1999, 280), d'autre part les associations constituées par des étrangers sont reconnues comme "pourvoyeuses d'une insertion sociale complétant ou favorisant l'intégration" (id. 280-281). Les associations sont donc amenées à jouer un rôle-clé dans les relations et projets à caractère interculturel (id. 267).

    De plus, l'enracinement des projets culturels et artistiques au coeur de la société civile et de la vie locale constitue une défense face aux dérives d'instrumentalisation. Les multiples associations, fondations et autres ONG à caractère culturel qui existent en Europe et au Maroc ont aujourd'hui, notamment grâce aux progrès des NTIC, la possibilité de se fédérer et de travailler "en réseau". "Le phénomène de la gestion de la vie associative en "mode réseau" est un phénomène culturel en lui-même" (Institutions territoriales et réseaux culturels européens. Actes du colloque, 1996, 125). Comme pour les régions, le contexte européen a favorisé l'émergence des réseaux culturels : "Le Conseil de l'Europe comme l'Union européenne soutiennent l'action des réseaux européens tels que l'Union des théâtres de l'Europe, la Ligue européenne des écoles d'art, les Pépinières pour jeunes artistes, Banlieues d'Europe, etc." (Lombard in Courants, n°4-avril 1997, Editorial).

    La coopération non-gouvernementale, organisée en réseaux, contrebalance et dépasse les rigidités institutionnelles : "Un réseau n'est un réseau que s'il affirme réellement dans ses échanges, sa communication ou ses éventuels projets, un fonctionnement fondamentalement anti-vertical" (Institutions territoriales et réseaux culturels européens. Actes du colloque., 1996, 47).

    De ce point de vue le développement des réseaux serait "le constat d'un besoin d'échange et de communication directe face à l'extraordinaire institutionnalisation de la société" (id., 40). Il est vrai que le travail en réseau est synonyme de souplesse - "le réseau est caractérisé par des relations empreintes de souplesses et non dénuées d'efficacité" (Bekkouche, 2000, 46) - de rencontres et d'ouvertures. De cette façon les réseaux se présentent comme des acteurs-clés des relations culturelles internationales. De plus, on estime que les dépenses des associations et ONG européennes "correspondent, pour leur action internationale, à un total dépassant sans doute les 10 milliards de francs, soit de un à cinq fois les charges publiques. Si l'on inclut les questions liées à l'éducation dans la coopération culturelle, on peut estimer au tiers environ de ce total les aides dans le secteur qui nous occupe" (Roche, 1998, 79).

    Les réseaux dépassent les frontières, "les concepts d'identité et d'ouverture se combinent et se confrontent dans ces expériences supraterritoriales" (Institutions territoriales et réseaux culturels européens. Actes du colloque., 1996, 13). On retrouve ici les enjeux évoqués en partie A : le réseau, à la fois local et transnational, s'inscrit dans la dialectique entre cosmopolitisme et localisme : "la dimension transnationale de ces réseaux suppose du recul dans la réflexion dégagée des contraintes locales mais pourtant reposant sur des actions concrètes, enracinées et tributaires des mêmes éléments" (id., 23). Ainsi, le réseau favorise le désenclavement des idées, le décloisonnement des disciplines et des points de vue. "Le réseau est donc une culture de la diversité, c'est la pratique de l'enrichissement par l'autre" (Alègre, 1993, 102).

    Malgré leur image de contre-exemples des institutions, les réseaux leur restent liés de façon parfois équivoque : il existe un risque d'institutionnalisation des réseaux, mais cette institutionnalisation n'est-elle pas "rendue nécessaire par l'évolution des contraintes et notamment celles du dialogue avec ces institutions mêmes ? " (Institutions territoriales et réseaux culturels européens. Actes du colloque, 1996, 24).

    En effet on peut considérer que l'institutionnalisation reste pour les réseaux le meilleur moyen de "se donner une forme. Certains réseaux, comme l'IETM17(*) par exemple, ont fait le choix d'une formalisation de leur structure qui facilite leur visibilité, le cas échéant leur financement et leur consultation de la part des institutions" (id., 52).

    De plus les institutions peuvent trouver un intérêt à se rapprocher des réseaux afin de "mieux faire connaître leur point de vue et corriger une image peu flatteuse de leurs actions qui flotte encore vaguement dans les milieux artistiques ou éducatifs européens" (Roche, 1998, 93).

    A contrario le fait pour les réseaux de "s'organiser [...] de manière relativement formelle et même pyramidale" peut constituer un "danger" si l'on considère qu' "un réseau garde sa vie et sa richesse en restant relativement informel[...]La structuration forte[...]induit des effets, même s'ils n'ont pas été voulus, de recherche de pouvoir et parfois des tendances de holding" (Institutions territoriales et réseaux culturels européens. Actes du colloque., 1996, 118).

    Par ailleurs une confusion peut être introduite par les différentes acceptions du terme qui font que l'on nomme "réseaux" des institutions telles que les réseaux culturels à l'étranger, le réseau des Scènes nationales, bien qu'il s'agisse certes de réseaux mais qui n'entrent pas dans le champ de la coopération non-gouvernementale.

    Malgré leur tendance à la bipolarité les réseaux doivent rester fidèle à leur nature transversale et décentralisée - au sens large du terme. C'est d'ailleurs à travers cette acception extensive que l'on peut rapprocher les réseaux, outils de coopération de la société civile, des Régions, institutions de proximité. Le rapprochement de ces deux acteurs infra-étatiques se confirme à travers leur développement presque parallèle : "Il y a donc bien sûr une image institutionnelle des régions, et pourtant elles-mêmes n'ont pas attendu que leurs structures soient institutionnalisées pour fonctionner de manière officieuse et notamment en réseaux" (id., 66).

    "On ne fera pas la politique culturelle sans la population. On ne pourra pas toucher la population sans des relais, et les associations, avec tous leurs défauts, sont aujourd'hui le seul relais capable de faire entrer dans les faits la décentralisation" (La politique culturelle des régions, Actes, 1996, 27).

    Quoiqu'il en soit les réseaux et autres structures non-gouvernementales se présentent comme des acteurs majeurs des relations culturelles au sud-ouest de l'Europe, qu'il s'agisse d'un "réseau de terrain" franco-espagnol dont parle ce directeur d'une compagnie basée en Aquitaine (Institutions territoriales et réseaux culturels européens. Actes du colloque., 1996, 30) ou, de façon plus générale - et lyrique - d'un "lieu de diversité active et contagieuse" qui doit contribuer à "fabriquer un grand ensemble politique, économique et social basé sur sa diversité interne et la cultivant", faisant de l'Europe un "projet utile au monde entier" (id., 124)18(*).

    IV Rôle et importance des relations culturelles

    au sud-ouest de l'Europe.

    1. Les liens culturels historiques.

    Les liens culturels et humains entre les deux rives de la Méditerranée, accompagnement des relations commerciales, étaient déjà importants dans l'Antiquité.

    La colonisation romaine de la province de la Narbonnaise19(*) représente une première unification culturelle, certes quelque peu forcée, entre le sud-ouest français et le monde méditerranéen, ce dont attestent de nombreux sites archéologiques - la Graufesenque à Millau (Aveyron, Midi-Pyrénées) dont les poteries étaient exportées dans l'ensemble de l'Empire romain, l'oppidum d'Ensérune (Hérault, Languedoc-Roussillon), la villa de Montmaurin (Haute-Garonne, Midi-Pyrénées), etc.

    Suite à cela, les relations culturelles entre les civilisations du sud-ouest de l'Europe se sont développées à l'époque médiévale. Durant le haut Moyen-Age une grande partie de l'Europe méridionale était unie par des langues cousines, les "langues d'oc", et par une culture savante commune exprimée dans une langue commune - "haut langage ancien roulant de l'Italie à l'Espagne, du pays Maure au Poitou" (Aragon in Lafont, 1962, Préface) - que l'on peut nommer "occitan", sorte d'équivalent à l'Arabe classique véhiculé notamment par la poésie des troubadours d'un bout à l'autre de la région20(*). Cette culture occitane communiquée par l'itinérance des troubadours rayonnait, selon le chargé des langue et culture régionales en Midi-Pyrénées, "de Limoges à Alicante, de Bordeaux à Turin" et comprenait différentes aires dialectales sous le contrôle de cinq maisons médiévales : la maison anglo-gasconne d'Aquitaine, la maison des comtes de Toulouse - de la vallée de la Garonne aux Baux de Provence -, la maison d'Aragon - de Saragosse à Barcelone -, le Saint Empire romain germanique en Provence et dans les vallées du piémont italien. Les relations culturelles entre les populations de cette zone - incluant le sud-ouest français et les régions espagnoles pyrénéennes et méditerranéennes en partie - relevaient donc d'une influence occitane commune.

    De plus, l'Europe occitane était en contact étroit avec la civilisation arabo-andalouse, une des plus avancées du Moyen-Age, et entretenait des relations culturelles intenses avec les populations ibériques, arabes et berbères, faisant de la région occitane un "pays charnière entre l'Europe du nord et le Maghreb", pour reprendre les mots du chargé des langue et culture régionales en Midi-Pyrénées. Plusieurs exemples illustrent ces relations :

    - Les Berbères, arrêtés dans leur expansion en 721 à Toulouse par le duc d'Aquitaine, s'installèrent dans la région de Narbonne. Puis, menacés au nord par les Francs et au sud par les Arabes, le duc d'Aquitaine et l'émir de Narbonne décidèrent de s'unir par le mariage de leurs enfants, ce qui n'empêcha pas les Arabes de renverser l'émirat de Narbonne. Il ne s'agit là que d'un épisode parmi d'autres.

    - Au niveau architectural et décoratif on trouve de nombreux exemples de l'influence arabo-andalouse au sud-ouest de la France : le concept de la cathédrale de Puy-en-Velay (Auvergne) est un "reflet cordouan" (id.) tandis que sur le portail de l'abbaye de Conques (Aveyron, Midi-Pyrénées) et sur le linteau de l'église de Lamalou-les-Bains (Hérault, Languedoc-Roussillon) on trouve des louanges à Allah calligraphiées en écriture coufique (écriture arabe ancienne). On peut aussi trouver d'autres exemples architecturaux ne serait-ce que dans la ville de Toulouse.

    - Il y a aussi de nombreuses influences poétiques et musicales communes aux cultures arabo-andalouse et occitanes.

    - Concernant les relations culturelles on peut également penser à l'exemple du philosophe arabo-andalou Averroès qui a initié l'Europe latine à l'exercice de la rationalité religieuse. C'est à travers la traduction d'oeuvres arabo-musulmanes en Latin que l'Occident chrétien découvre Aristote. En effet les traductions en Arabe de grands classiques grecs étaient beaucoup plus abordables que les originaux souvent disparus - comme par exemple lors de l'incendie de la bibliothèque d'Alexandrie - ou inaccessibles. Il est à noter que les premières scènes du film Le Destin de Youssef Chahine, consacré à Averroès et Grand Prix du Cinquantième anniversaire du Festival de Cannes (1997), se passent dans la région du Languedoc.

    - Par ailleurs la toponymie rend compte des liens culturels développés entre les civilisations occitanes et arabo-andalouse : on trouve au sud-ouest français des noms tels que Castel-Sarrazin, Cordes, Grenade-sur-Garonne, etc.

    On voit bien qu'il existe donc des liens culturels historiques forts entre les régions du sud-ouest de l'Europe, qu'il s'agisse des relations entre les pays de l'Occitanie ou des relations entre ces pays et les territoires arabo-andalous de la péninsule ibérique, liens qui se sont surtout développés du VIIIème au XIIIème siècle pendant "cinq siècles de confrontations et d'échanges" (id.).

    Ainsi il existait alors de véritables "entités culturelles transpyrénéennes" (id.) dont témoigne aujourd'hui l'épanouissement de part et d'autre des Pyrénées des cultures basques et catalanes - on retrouve le même cas de figure dans les vallées du Piémont alpin.

    Au début du XIIIème siècle la croisade des Albigeois, menée par les forces royales françaises soutenues par Rome, arrête toute possibilité d'articulation pyrénéenne lors de la bataille de Muret en 1213. Ainsi "s'abîme l'espoir de réunir dans une confédération en gestation les terres culturellement jumelles d'Aquitaine, d'Auvergne, de Toulouse et Provence et d'au-delà des Alpes avec celles de la Catalogne" (in Eurocongrès occitan-catalan, brochure promotionnelle, 2000). Parallèlement s'opère à la même époque une "bifurcation entre savoir rationnel au nord et savoir scolastique au sud", amenant la création de "cloisons imaginaires entre l'Europe chrétienne et le Maghreb musulman" (entretien M. Fouad Ammor). De plus, les Pyrénées sont progressivement devenues une "frontière étanche" à cause de la fuite des populations et de l'exode rural provoqués en grande partie par le Franquisme, ce qui fait qu'aujourd'hui la plupart des vallées pyrénéennes sont très peu habitées et par des populations vieillies.

    La période de la colonisation du Maroc par la France et l'Espagne a, d'une certaine manière, développé des liens culturels malgré les tensions et blocages dus au rapport colonisateur/colonisé. "La jeune poésie arabe, par exemple, qui est l'une, aujourd'hui, des plus significatives qui soient, ne naîtra pas d'un refus opposé aux concepts et aux modèles imposés par l'occupant mais bien plutôt d'une volonté de destruction du modèle archaïque interne qui fut, pourtant, sous l'occupation étrangère, le lieu de conservation et de préservation des identités" (Stétié, 1997, 30). Il s'agit ici d'une illustration intéressante des différentes problématiques relatives à la notion de relations interculturelles.

    L'immigration est le facteur historique le plus récent de développement des liens culturels - et interculturels - entre les populations du sud-ouest de l'Europe.

    D'une part l'immigration espagnole vers la France, notamment dans le contexte de la guerre civile, qui s'est dirigée en grande partie vers le sud-ouest français et la ville de Toulouse. D'autre part les immigrations portugaise - vers la France - et maghrébine - vers la France et la péninsule ibérique - ont intensifié les contacts culturels entre ces populations.

    Les relations culturelles au sud-ouest de l'Europe peuvent donc dans une certaine mesure s'appuyer sur une dimension historique non négligeable et qui peut soutenir leur développement. Par exemple, "[Les populations du Maghreb] se sentent plus interpellées par le projet [euro-] méditerranéen pour des raisons précisément "culturelles" dues à l'héritage historique des rapports euro-maghrébins " (Hadhri, 1997, 98).

    Cependant il ne faut pas oublier que l'histoire, même si elle laisse des traces, est en constante évolution et que le développement des relations culturelles au sud-ouest de l'Europe aujourd'hui se fait dans un contexte bien particulier, notamment celui de la construction européenne et, par extension, celui de "la mondialisation".

    2. Echanges, dialogue et coopération

    Le développement des relations culturelles implique un processus d'échanges soutenus entre les différents partenaires et interlocuteurs : échanges de personnes - artistes, publics, professionnels -, d'idées, d'oeuvres, de savoir-faire, etc. Les échanges permettent de créer le dialogue afin de déboucher ensuite sur une coopération culturelle au sens propre du terme.

    a. La dimension communautaire

    L'Union européenne affirme déjà depuis un certain temps sa dimension culturelle.

    Si "de 1974 à 1992, la Commission a fait, comme Monsieur Jourdain, de la culture sans le savoir" (Autissier, 1999, 16), le principe de la compétence culturelle de l'Union européenne a été effectivement introduit en 1992 dans le Traité de Maastricht (titre IX, article 128) puis dans le Traité d'Amsterdam (article 151). Outre la création de programmes culturels - actuellement Culture 2000 - la Communauté s'est efforcée de prendre en compte la dimension et les objectifs culturels dans la formation du droit communautaire (id., 17-18). On assiste ainsi à la reconnaissance par les institutions communautaires d'une dimension fondamentale de la construction européenne, et ce à plusieurs titres correspondant en grande partie aux enjeux cités en partie A. chapitre III.

    Dans le cadre de leur appartenance commune à l'Union européenne, la France, l'Espagne et le Portugal ont donc tout intérêt à développer des relations sur le plan culturel en intensifiant leurs échanges. On constate qu'il existe au sud-ouest de l'Europe de nombreuses possibilités pour cela et que des actions ont déjà été menées dans ce sens.

    § Le niveau transfrontalier

    La coopération transfrontalière revêt une importance stratégique pour la construction européenne, afin que "les frontières nationales ne soient pas un obstacle au développement équilibré et à l'intégration du territoire européen" (Commission européenne, Communication aux Etats membres, 28 avril 2000), ou encore "la coopération transfrontalière entre collectivités territoriales contiguës vise à développer des pôles économiques et sociaux transfrontaliers à partir de stratégies communes de développement territorial durable" (id.). Comme on le voit la frontière est de moins en moins une ligne de démarcation et devient progressivement un lieu sur lequel se développent échanges et coopérations.

    Les régions du sud-ouest français partagent avec l'Espagne une frontière particulière : la frontière naturelle formée par le massif des Pyrénées. Malgré la difficulté orographique qu'implique la chaîne des Pyrénées, la coopération transpyrénéenne, qui existe depuis toujours (cf. sous-chapitre précédent), peut être considérée comme d'actualité à l'heure européenne et de nombreuses initiatives témoignent de ce (re)dynamisme. Au niveau intergouvernemental il existe depuis le XIXème siècle la Commission internationale des Pyrénées. Au niveau régional on trouve :

    - des organismes de coopération multilatérale:

    - la Communauté de travail des Pyrénées (CTP), exemple de coopération à l'échelle pyrénéenne, constituée en 1983 et considérée comme la "structure d'avenir" de la coopération transpyrénéenne.

    - l'Eurorégion Catalogne-Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon, formée en 1991 mais malheureusement "en sommeil" aujourd'hui pour raisons principalement politiques.

    - le Protocole tripartite Aquitaine-Euskadi (Pays basque)-Navarre.

    - des organismes de coopération bilatérales : Protocole Aragon-Midi-Pyrénées, Protocole Aragon-Aquitaine.

    Chacun de ces organismes ou accords inclut la culture dans ses domaines d'activité au travers de groupes de travail, commissions, etc.

    Le cadre juridique de la coopération transpyrénéenne est le Traité de Bayonne entre le Royaume d'Espagne et la République française relatif à la coopération transfrontalière entre collectivités territoriales. Signé le 10 mars 1995, en vigueur depuis avril 1997, ce traité se présente comme une mise en oeuvre de la Convention internationale de Madrid relative à la coopération transfrontalière européenne, adoptée le 21 mars 1980 par de nombreux pays - dont la France et l'Espagne - à l'initiative du Conseil de l'Europe21(*).

    Il faut enfin signaler l'impulsion financière majeure donnée par l'Union européenne à la coopération transfrontalière à travers le Programme d'Initiative Communautaire (PIC) INTERREG. Le programme INTERREG qui couvrait la période 1993-1999 "a permis le financement de plusieurs expositions, de recherches sur l'identité des territoires, mais aussi d'autres activités artistiques considérées comme animations sur la région concernée.[...]Les financements peuvent être élevés, de l'ordre de 300 000 à 500 000 FF" (in la Lettre de l'OCIM n°63, 1999, 16-17). INTERREG - pour la période 2000-2006 il s'agit d'INTERREG III - est un programme financé par les fonds structurels européens qui représentent plus de 80 % du budget communautaire. Ces fonds, qui visent à rééquilibrer les différentes régions de l'Europe par une politique de cohésion économique et sociale, représentent la première source de financement communautaire - plus de 40% - pour la culture22(*). Afin de définir quelle sera sa politique communautaire chaque région établit un Document unique de programmation (DOCUP), placé en France sous la responsabilité du Préfet de région. Dans le DOCUP de Midi-Pyrénées pour INTERREG III, on remarque une sous-mesure consacrée à l'appui de la coopération interrégionale (2.5) ainsi que l'axe IV : Politique interrégionale des Massifs23(*).

    Par ailleurs, et dans un souci de cohérence et d'efficacité, on retrouve les mêmes thèmes dans le Contrat de plan Etat-Région 2000-2006, avec la Convention interrégionale des Massifs24(*).

    Ainsi les échanges culturels pyrénéens peuvent en principe bénéficier d'une volonté politique de coopération qui se traduit par une dynamique déjà engagée et dotée de moyens financiers certains. Selon la chargée des affaires européennes en Midi-Pyrénées, les projets culturels ont été parmi ceux qui "ont le mieux marché" pour le programme INTERREG II.

    De cette façon les régions du sud-ouest français sont à même de s'ouvrir à la péninsule ibérique, ouverture dont le premier passage serait la "sous-région pyrénéenne".

    § Le niveau transnational

    Au-delà de l'aspect transfrontalier, l'émergence de zones privilégiées de communication culturelle aux frontières du sud-ouest européen - à savoir la frontière pyrénéenne mais aussi la frontière hispano-portugaise, cadre d'une coopération active, doit favoriser les relations culturelles à un niveau plus large, entre le sud-ouest français et l'ensemble de la péninsule ibérique. A cet effet le programme INTERREG comporte un volet consacré à la coopération transnationale - le volet B, le volet A étant consacré à la coopération transfrontalière - qui "vise à promouvoir un plus haut degré d'intégration territoriale au sein de vastes groupements de régions européennes" (Commission européenne, Communication aux Etats membres du 28 avril 2000).

    Les échanges et projets culturels entre le sud-ouest français, l'Espagne et le Portugal représentent probablement un des meilleurs moyens de donner une cohérence et une homogénéité, de façon à la fois concrète et symbolique, à "l'entité cartographique" constituée actuellement par le sud-ouest européen.

    Parmi les éléments communs qui font du sud-ouest européen (SUDOE) un "espace doté d'une identité propre au sein de l'Union européenne", on trouve "l'existence d'une richesse patrimoniale élevée, qui constitue un potentiel important pour le développement [...]. Par ailleurs, s'il est difficile en raison de la taille de l'espace du SUDOE de parler de culture commune, il existe des thématiques partagées. Il convient pour resserrer les liens entre ces espaces de promouvoir, sur cette base, l'image culturelle du SUDOE, y compris la culture contemporaine" (Commission européenne, Programme opérationnel INTERREG III-B SUDOE, 2000, 11, 48).

    Il apparaît primordial pour le devenir de la construction européenne que les grandes régions transnationales passent d'un état théorique et virtuel à un état "vivant" et réel. Le développement des relations culturelles entre les espaces composant ces régions - et dans un deuxième temps entre ces régions - se présente comme un des moyens les plus fructueux de réaliser cette union européenne "à visage humain".

    Un autre appui de l'Union européenne aux échanges culturels se réalise à travers le programme Culture 2000, instrument unique de financement exclusivement consacré à la coopération culturelle et artistique ayant pour vocation de soutenir trois types d'actions : actions spécifiques, novatrices et/ou expérimentales; actions intégrées au sein d'accords de coopération culturelle, structurés et pluriannuels ; événements culturels spéciaux ayant une dimension européenne ou internationale. On peut imaginer que des projets concernant le sud-ouest européen pourraient bénéficier de financements dans le cadre de ce programme.

    Le cadre communautaire apporte donc une impulsion aux relations culturelles entre le sud-ouest français et la péninsule ibérique, dans une perspective à la fois plus large et décentralisée que celle des traditionnelles relations bilatérales entre les institutions nationales d'échanges culturels. Selon François Roche, "la véritable révolution est européenne [...]. Les collectivités, les organisations internationales, les programmes de l'Union européenne, les réseaux professionnels sont définitivement entrés dans le champ des échanges culturels internationaux et l'occupent beaucoup plus largement que les organismes nationaux traditionnellement chargés de la promotion et de la coopération culturelles" (Roche, 1998, 88).

    Néanmoins les institutions nationales ont encore un rôle à jouer dans la construction de "l'Europe de la culture", et leur participation a "des chances de donner un second souffle aux échanges culturels. L'Union européenne ne doit plus ignorer ces réseaux qui peuvent lui apporter une aide véritable à l'extérieur comme à l'intérieur de la Communauté" (id., 90).

    Bien évidemment, malgré les actions entreprises depuis de nombreuses années la réalité des relations culturelles correspond rarement aux "objectifs" visés par les politiques et programmes culturels.

    Ainsi, on constate un décalage évident entre "les figures imposées de la rhétorique administrative tant au niveau national que dans les instances communautaires" et "un manque de sens, d'élan, de rêve [...] qui caractérisent l'Europe pragmatique des "petits pas"[...]La rhétorique de l'euroculture a pour principale fonction, écrit Yves Hersant[...]de fabriquer du consensus : "Plus âpres sont les débats sur le prix du beurre ou la chasse à la palombe, plus il est réconfortant de s'accorder sur de grandes notions creuses" (Padis in Esprit, 2000, 88).

    A tel point que Jean Molino interroge :

    "En face de la longue marche vers l'unification économique et politique, quel est le bilan de l'action dans le champ de la culture[...] ? Les idées sont-elles condamnées à "clopiner" derrière le réel et la culture à traîner les pieds derrière l'économie ? L'existence de l'Europe économique et politique s'inscrit en faux contre cette interprétation, puisqu'elle est le résultat d'une idée et d'une volonté[...]. Croit-on vraiment qu'il puisse exister une entité économique et politique sans mémoire, sans héritage, sans culture, sans littérature ? Les intellectuels, trop souvent effrayés et contempteurs de "l'horreur économique", préfèrent laisser travailleurs et technocrates se salir les mains, en se réservant le rôle de Grandes Pleureuses de la Modernité, de ceux que Lautréamont appelait "les Grandes-Têtes-Molles de notre époque", qui déplorent la fin de la culture et l'oubli des traditions" (Molino in Esprit, 2000, 94,95).

    Cet état de fait est aggravé par la peur de voir, dans un contexte de mondialisation, les cultures nationales remplacées par une world culture imposée de l'extérieur. "Contre la tentation du repli, la tentation de constituer, au nom du besoin de sens de l'Europe communautaire, un musée européen qui ne serait qu'un ghetto peureux, Jean Molino propose un éloge de la diversité culturelle de l'Europe et invite à rompre avec la peur d'une uniformisation de nos contrées en proie à la technique" (Padis in Esprit, 2000, 90). L'Europe se doit de rester "fidèle à l'une des traditions de son héritage culturel et littéraire, l'ouverture au monde." (Molino in Esprit, 2000, 110).

    L'ouverture au monde et la diversité culturelle de l'Europe signifient, entre autres, de prendre en compte et de considérer l'aspect multiculturel des sociétés européennes, ce qui nous ramène à la dialectique "entre les risques opposés de l'enfermement des minorités dans des ghettos, et de leur dissolution par assimilation" (Wieviorka, 1998, 246).

    b. La dimension extra-européenne et euro-méditerranéenne

    Depuis près d'un siècle la France est un pays d'immigration. "Sans cette immigration, la révolution industrielle, la croissance économique, la progression du niveau de vie, la mobilité sociale n'auraient pas été possibles. L'augmentation de la population non plus. Un Français sur quatre a un ascendant étranger si l'on remonte à trois générations" (Liauzu, 2000, 184). De plus, les trois quarts des personnes immigrées en Europe occidentale sont d'origine méditerranéenne (id., 189). La France a d'abord accueilli des populations espagnoles et portugaises. Ces populations sont en général mieux "intégrées" que les populations d'origine maghrébine. On peut penser qu'il s'agit d'une immigration plus ancienne effectuée dans un contexte différent, qu'Espagnols et Portugais participent de la même base culturelle judéo-chrétienne que les Français - à la différence des Maghrébins musulmans - d'autant plus que le contexte européen a modifié les relations avec ces populations qui font aujourd'hui partie de la même Communauté que les Français.

    "Jusqu'à ces dernières années la majorité des immigrés en France était d'origine européenne : Italiens, Portugais, Espagnols, Polonais... Cette prépondérance européenne des populations immigrées est allée en s'atténuant ; en 1982, sur 4 200 000 immigrés, 2 000 000 environ étaient d'origine africaine, essentiellement maghrébine. De cette augmentation des populations d'Afrique sur le sol national découlent plusieurs conséquences : d'abord une "visibilité sociale" plus forte[...], ensuite une "distance culturelle" plus grande, par rapport à la culture française, que celle des populations européennes." (Clanet, 1990, Introduction, 28-29).

    Ceci étant, Michel Wieviorka remarque, à propos de la "version française du débat sur la différence" que la "hantise du communautarisme ne s'exprime guère au sujet des Portugais[...], qui vivent de façon bien plus communautaire que bien d'autres immigrations" (Wieviorka, 1998, 251-252). A ce propos le film Ganhar a vida de João Canijo, présenté à Cannes-Un certain regard 2001, offre une vision sociologique pertinente de la communauté portugaise en France, vision qui amène à une certaine remise en question, ce qui souligne une fois de plus le rôle primordial de la culture et des arts dans la société et son évolution. Les propos du réalisateur sur la communauté portugaise en France rejoignent ceux de Michel Wieviorka : "Plutôt discrète et refermée sur elle-même, elle est souvent établie en banlieue éloignée, dans des cités ou des zones pavillonnaires. C'est un monde essentiellement ouvrier, qui a essayé de recréer en France et "en petit", le Portugal quitté souvent depuis trente ans et qui accorde une grande importance à la religion et aux traditions."25(*)

    Quoiqu'il en soit la situation des communautés marocaines en France, en Espagne et, dans une moindre mesure, au Portugal, est différente car les relations culturelles entre ces populations et celles du pays d'accueil mettent en contact cultures européennes et cultures non-européennes. Et là est tout l'intérêt. Selon le ministère marocain des Affaires étrangères, 860 000 Marocains vivent en France et représentent 16% de l'ensemble des étrangers vivant dans ce pays. Les rapatriements de fonds effectués par les ressortissants marocains établis en France représentent le premier apport de devises au Maroc, loin devant le tourisme. La communauté marocaine est également importante en Espagne. Si l'on se réfère aux flux d'étudiants, on constate que la France, l'Espagne et le Portugal sont des destinations privilégiées pour les étudiants marocains26(*).

    Sans tomber dans les excès du "communautarisme fragmentaire", il apparaît tout à fait légitime que les populations immigrées revendiquent une appartenance culturelle propre, lien les unissant à leur pays d'origine. On peut penser à la commémoration de l'anniversaire de la disparition du souverain marocain Mohamed V par la communauté marocaine en Espagne27(*). Mais le multiculturalisme se pose souvent en tant que problème, générateur de tensions et de conflits sociaux attisés par une méfiance et une incompréhension mutuelles28(*). On peut prendre pour exemple des tensions engendrées en Europe par le multiculturalisme les émeutes racistes de février 2000 contre les immigrés marocains à El Ejido en Espagne, ou encore la montée des partis populistes de l'extrême droite française, partis ayant pour slogan-type "tout pour les Français d'abord" ce qui, la médiatisation aidant, ne peut que contribuer à déchaîner les passions d'un côté comme de l'autre.

    Concernant l'Espagne et le Maroc, "le différentiel sur le plan démocratique, économique, soutenu par l'adhésion [de l'Espagne] à l'Union européenne en 1986 ont fortifié la "moro-fobia" espagnole, en témoigne, notamment, une enquête du Centre de recherches sociologiques (CIS), datée de janvier 1996, qui indique que près des deux tiers des Espagnols (62%) considèrent que le Maroc constitue pour l'Espagne le pays qui représente le plus grand risque de confrontation militaire" (Khachani, 1999, 291).

    Pourtant, "aujourd'hui comme naguère il est faux de voir dans l'installation en France de personnes porteuses de cultures parfois fort différentes de la nôtre, une menace pour l'identité de la France" (Benothman, 1997, 6). Au contraire la sauvegarde et l'épanouissement de la culture européenne ne peut se faire que par le "désenclavement" (Molino in Esprit, 2000, 100), l'ouverture à la diversité et aux cultures non-européennes. Cette idée est d'ailleurs partagée par les initiateurs des politiques culturelles - hors partis ouvertement xénophobes et racistes bien sûr - et on peut en prendre pour exemple le programme Culture 2000 - promouvant "un dialogue interculturel et un échange mutuel entre les culturels européennes et non européennes"- ou les idéaux défendus par l'UNESCO - notamment dans le rapport au titre évocateur Notre diversité créatrice - et par le Conseil de l'Europe - au travers par exemple du Plaidoyer pour l'interculturel.

    Or la culture se présente comme un vecteur privilégié de la reconnaissance par les sociétés de leur caractère "multiple".

    Cependant une politique de la reconnaissance culturelle doit nécessairement se préoccuper de la lutte contre la discrimination raciale et sociale29(*).

    "En fait le multiculturalisme, limité à la seule culture, menace constamment d'apparaître ou bien comme une politique au service de groupes déjà socialement bien placés, ou bien comme une politique inadaptée aux difficultés proprement économiques et sociales de groupes pour qui la reconnaissance culturelle n'est pas nécessairement une priorité, en tous cas pas la seule priorité" (Wieviorka, 1998, 257).

    C'est peut-être à l'échelon des collectivités que de telles politiques socioculturelles sont le plus efficaces et pertinentes, sachant que "c'est principalement au niveau local que l'intégration des immigrés s'effectue" (Rex, 1998, 269). Dans le même ordre d'idée :

    "Il est révélateur que les élus locaux, confrontés aux difficultés du quotidien, sachent mieux que, des plus modestes actions au service des quartiers ou catégories sociales en difficulté jusqu'aux formes les plus hautes et les plus exigeantes de l'activité culturelle, il y a une continuité qu'il faut à tout prix reconnaître et préserver si l'on veut éviter l'immense malentendu, que dénonçait Hannah Arendt, d'une consommation de masse qui détruit la culture en ayant l'apparence de la répandre" (Rigaud, 1995, 234).

    Pour Cecilia Fernández Suzor - département de la Culture de l'Institut Cervantès - la coopération culturelle est un franchissement des barrières migratoires. Elle fait allusion aux Accords de Schengen et au durcissement de la fermeture des frontières de l'Union européenne ainsi qu'à la situation de l'Espagne, frontière méditerranéenne du sud-ouest de l'Europe. Par analogie entre la situation frontalière et la situation culturelle elle avance le concept de "porosité" (porosidad) d'une culture par rapport à l'autre. Un point important de son analyse concerne l'intégration de la communauté marocaine immigrée en Espagne, qui d'après elle constitue un champ d'action culturelle privilégié pour atteindre cette porosité (inter)culturelle (Fernández Suzor, 1992).

    Ainsi, une "connaissance mutuelle et une intensification des contacts culturels directs" sont un moyen "d'éliminer des craintes qui ne sont pas l'apanage de la rive nord" (Larramendi, 1992, 169).

    Le sud-ouest européen et le Maroc ont donc tout intérêt à encourager la mobilité des organisateurs, acteurs et publics de manifestations et projets visant à, par l'entremise des arts et des oeuvres de l'esprit, faire se rencontrer et dialoguer les populations de cette zone. Ces flux de biens et de personnes sont facilités par la proximité géographique, d'où les flux de populations déjà constatés - ce type de "mise en relation culturelle directe" serait par exemple moins évident à réaliser entre la population des Etats-Unis, les populations afro-américaines et les populations africaines dont ces dernières sont originairement issues30(*).

    Par ailleurs l'échange, encore une fois facilité par les distances géographiques, est constitutif du contexte méditerranéen31(*). Les migrations ne sont-elles pas "inhérentes à la Méditerranée, espace d'échanges intensifs des idées et des hommes" (id.), et ce d'autant plus que "les relations au pays d'origine n'empêchent pas les migrants de procéder à des échanges avec la société d'accueil" (Rex, 1998, 270) ? A ce propos il ne faut pas oublier que les migrations méditerranéennes ne sont pas à sens unique et vont aussi du Nord vers le Sud (Rieutord, 1997, 37), ce qui peut d'une part être un important facteur de développement des relations culturelles, notamment par le "tourisme culturel", d'autre part favoriser le dialogue interculturel à long terme.

    Ce dialogue et ces échanges, en tant que "mouvement dynamique, [...]échanges concrets que développent des sociétés "ouvertes" mais culturellement spécifiques" (Perret & Saez, 1996, 119), permettraient de "dépasser une tendance "hégémoniste" à l'intégration et, in fine, à la domination (multi)culturelle" (id.).

    De la même façon Michel Wieviorka appelle à dépasser le multiculturalisme, qui tend à scléroser les identités, en laissant ses chances à "l'invention culturelle et à la charge de subjectivité qu'elle véhicule" (Wieviorka, 1998, 260). "La reconnaissance des différences culturelles dans leur renouvellement permanent, et le refus de les figer, associés à la prise en charge des inégalités et de l'exclusion sociales appellent des politiques valorisant l'échange, la communication" (id.).

    Le rôle central de la communication, facteur commun aux notions d'interculturalisme et de multiculturalisme (Perret & Saez, 1996, 119), se retrouve au "niveau de base" des relations culturelles, à savoir le niveau linguistique.

    c. Le Maroc, pays francophone.

    Un autre facteur important de développement de la coopération et du dialogue culturels au sud-ouest de l'Europe est la possibilité de communiquer dans la même langue d'un bout à l'autre de la région.

    "La langue reste le plus sûr chemin pour rencontrer l'autre, l'accepter et le respecter."32(*)

    La France a la chance de compter le Maroc parmi les pays francophones. La plupart des documents officiels et administratifs marocains sont en édition bilingue et l'éducation supérieure marocaine est dispensée en Français. Autant dire que le Maroc fait partie des pays phares de la Francophonie, accueillant un des postes français les plus importants à l'étranger dans le domaine de la coopération culturelle, dont la coopération éducative et linguistique : le réseau très dense des établissements français d'enseignement - environ trente - reçoit près de 18 000 élèves, aux deux tiers marocains. Sans parler du réseau des Instituts français dont il a été question en partie précédente. Une convention de coopération culturelle franco-marocaine a été signée en 1984 et reconduite tacitement depuis. L'intense coopération culturelle franco-marocaine a été en quelque sorte cristallisée lors des manifestations du Temps du Maroc en France en 1999.

    "La Francophonie a, avec le monde arabe, plus particulièrement, des affinités électives[...]Elles s'expriment, surtout, à travers un engagement chaque jour plus affirmé du monde arabe dans la Francophonie vers le monde arabe. Le Maroc est, à cet égard, présent sur tous les fronts. J'en veux pour preuve[...]les deux millions de foyers marocains qui reçoivent TV5, TV5 qui avait inauguré son émission "24h" en consacrant la journée du 24 avril 1999 à la ville de Marrakech" (Boutros Boutros-Ghali in Le Matin du Sahara et du Maghreb, 25 novembre 2000).

    Ainsi les conditions d'échanges, de dialogue et de réalisation de projets communs entre le Maroc et le sud-ouest de la France se trouvent facilitées.

    Pourtant l'avantage que peut représenter la francophonie a ses limites. En effet, de plus en plus la politique linguistique extérieure de la France est remise en question car elle ne semble pas porter ses fruits. Par exemple M. Alexis Tadié, ancien attaché culturel, appelle à repenser le but de la francophonie et la façon dont elle est promue :

    "On n'apprend pas une langue parce qu'elle va "servir", mais à cause de la promesse de dialogue, d'imaginaire et de découverte qu'elle contient[...]Si le but d'une action culturelle extérieure est de promouvoir les échanges et la sacro-sainte coopération, alors le dialogue qui peut s'instaurer entre les cultures doit passer par la traduction[...]Pour s'adresser aux autres, pour établir cette essentielle discussion, il faut aussi parler leur langue, et non pas attendre simplement qu'ils écoutent ou parlent la nôtre"

    (Tadié in Esprit, 2000, 117, 118).

    Il préconise donc une attitude proprement interculturelle fondée sur une ouverture réciproque, à l'opposé d'une diffusion unilatérale de la langue et de la culture françaises. Les enjeux en sont importants pour la culture et la pensée françaises autant en terme de diffusion qu'en terme d'enrichissement par l'Autre.

    De la même façon M. Boutros Boutros-Ghali parle d'un "principe de réciprocité[...]Car la francophonie veut transcender la promotion de la seule langue française. Elle est, plus largement, dans un monde guetté par l'uniformisation, un combat pour la sauvegarde des langues et des cultures, gage, tout à la fois, de diversité, de démocratie et de paix" (in Le Matin du Sahara et du Maghreb, 25 novembre 2000).

    De plus le bilinguisme francophone au Maroc a permis, l'immigration aidant, l'émergence d'une double-culture franco-marocaine riche, entre autres, de littérature et de poésie. On peut penser par exemple au cycle hebdomadaire de lectures poétiques bilingues, inauguré en 2000 à l'Institut français de Rabat, en partenariat avec l'Union des écrivains du Maroc, cycle auquel de nombreux poètes d'origine marocaine et d'expression française participent.

    Mis à part les faiblesses de la francophonie, qui ne peuvent que l'amener à se renouveler, il ne faut pas oublier que l'Espagnol est, après le Français, la deuxième langue étrangère la plus parlée au Maroc. Le réseau d'enseignement coordonné par le Conseil de coopération de l'Ambassade d'Espagne au Maroc et par l'Institut Cervantès est très important, notamment dans la région nord du Maroc. De plus, plusieurs manifestations culturelles hispanophones sont organisées, telles que la journée de la poésie Maroc-Amérique latine. Loin d'être un obstacle à la francophonie, cette pratique de l'Espagnol est un avantage supplémentaire facilitant la communication entre partenaires du sud-ouest de l'Europe, l'Anglais étant également une langue de travail potentielle mais aux retombées cependant limitées en terme de communication externe vers les publics.

    On le voit, deux langues suffisamment parlées pour instaurer le dialogue, à condition de pratiquer systématiquement la traduction, étape indispensable de l'échange interculturel. A ce propos, concernant l'action du réseau culturel espagnol au Maroc, Mme Fernández Suzor, ancienne directrice de l'Institut Cervantès de Rabat, semble rejoindre la position de M. Alexis Tadié :

    "La diffusion de la culture d'un pays à l'autre ne peut se faire qu'à travers la connaissance de la culture à laquelle on souhaite se présenter. L'action culturelle extérieure est plus efficace lorsque existe une meilleure connaissance des cultures locales, et quand on fait l'effort de les mettre en relation avec sa propre culture" (Fernández Suzor, 1992, 334).

    3. LA RECHERCHE D'UN CERTAIN ÉQUILIBRE

    a. Le rapprochement Espagne-Maroc.

    Le 4 juillet 1991 l'Espagne et le Maroc signent un Traité d'amitié, de bon voisinage et de coopération. Cet accord concrétise une tendance au rapprochement entre les deux pays développée depuis déjà plusieurs années - "La signature de ce traité entre le Royaume du Maroc et le Royaume d'Espagne est révélatrice d'une prise de conscience de la nécessité de rapprochement entre les deux peuples marocain et espagnol" (Khachani, 1999, 288) - ; depuis que Hassan II, en 1987, avait fait la proposition de créer une cellule de réflexion commune pour étudier l'avenir des deux villes de Ceuta et Melilla, situées à l'extrême nord du Maroc et encore sous administration espagnole.

    Par ailleurs la signature de ce traité est une initiative qui s'inscrit dans un contexte marqué par le "retour de l'Espagne à la Méditerranée".

    "En effet, l'adhésion à la CEE en 1986 a été perçue en Espagne comme une manière de "se dépériphériser", tournant le dos à sa frontière sud pour s'intégrer profondément dans l'espace européen. Cependant, à la faveur de l'évolution socio-politique dans la région et après, certes, une phase de flottement, les autorités espagnoles ont pris conscience de l'intérêt géostratégique que représente le Maghreb dans le pourtour méditerranéen" (id., 289).

    A la suite de cela le Comité Averroès est créé en 1996. Ce comité, composé, sur une base paritaire, de huit membres représentant la société civile et opérant dans différentes sphères, a pour tâches principales "la réflexion, l'élaboration et le suivi d'actions visant à promouvoir la connaissance, la compréhension et l'entente entre les deux peuples marocain et espagnol" (id., 288). Par exemple le Comité a organisé, du 28 au 30 novembre 2000 à Séville, un séminaire sur le thème "Maroc-Espagne : un défi pour un avenir commun". Trois groupes de travail ont été constitués au sein du Comité, dont un groupe "Communication et culture", la dimension culturelle constituant un "paramètre fondamental de la mission dévolue au comité" (id., 299).

    On retrouve cette idée de développer des liens culturels privilégiés dans l'intervention de M. Mohamed Achaâri, ministre marocain de la Culture et de la Communication, lors de la double exposition collective des artistes de l'Ecole des Beaux-Arts de Tétouan et des mosaïques du site de Volubilis, organisée à Almunecar - province de Grenade - par le département marocain de la Culture en marge de la 11ème Rencontre euro-arabe (25-28 octobre 2000). Dans son discours M. Achaâri inclut les relations culturelles dans un processus de rapprochement global hispano-marocain : "La visite d'Etat qu'a effectuée S.M. le Roi Mohamed VI en Espagne, du 18 au 20 septembre [2000], a permis aux opinions publiques des deux rives du Détroit de Gibraltar de se familiariser avec l'esprit nouveau et très prometteur qui préside au renouveau et à l'approfondissement des relations entre les deux pays", ce nouvel esprit impliquant "un nouveau traitement des relations culturelles maroco-espagnoles" (in Le Matin du Sahara et du Maghreb, 26 octobre 2000).

    Les titres de presse parus à l'occasion de la visite d'Etat rejoignent eux aussi cet optimisme partagé - "optimisme béat", Jean Molino dirait-il ? - : "Un nouvelle dynamique à des relations bilatérales au beau fixe" (in L'Opinion du 19 septembre 2000), "Une visite fructueuse traduisant le nouvel élan de la coopération bilatérale" (in L'Opinion du 21 septembre 2000), "La coopération avec le Maroc est un objectif prioritaire pour l'Espagne. Entretien avec Jorge Dezcayar, ambassadeur de Madrid à Rabat" (in Libération du 15 septembre 2000). Et cela ne concerne pas que la sphère politique et/ou diplomatique. On trouve dans le Libération du 19 septembre un article intitulé "Pour les éditorialistes espagnols le Maroc s'est engagé dans un processus d'ouverture". On pourrait croire que cet article va traiter de la liberté d'expression de la presse, mais après quelques citations rapportées le sujet dévie vers les "résultats immédiats" de la visite du souverain marocain, "notamment en ce qui concerne le dossier de la pêche[...]Madrid souhaiterait voir se réaliser des avancées dans les négociations entre le Maroc et l'Union européenne sur l'Accord de pêche". Cela pour nous rappeler la très forte dimension économique du rapprochement Espagne-Maroc - et on a vu que la culture est un accompagnement nécessaire des relations économiques extérieures.

    Quand on sait que l'économie espagnole tend vers un dynamisme accru33(*), il apparaît que le sud-ouest français, en développant ses relations extérieures, peut tirer parti d'une telle conjoncture en y participant, d'autant plus que ces relations partent de bases solides.

    Si l'on prend l'exemple de la région Midi-Pyrénées on retrouve effectivement parmi ses principaux partenaires économiques l'Espagne, le Maroc et le Portugal, qu'il s'agisse d'importations, d'exportations ou de délocalisation de la production (Dupuy & Gilly, 1997). "Les échanges avec l'Espagne se sont accrus régulièrement, de manière favorable à la région" (id., 135). De plus ces relations et échanges concernent les trois régions frontalières : "si les entreprises espagnoles sont faiblement présentes en Midi-Pyrénées, [...] elles investissent beaucoup plus en Aquitaine et Languedoc-Roussillon" (id., 139)34(*).

    Par ailleurs, parallèlement à la coopération hispano-marocaine au niveau gouvernemental se développe une coopération à l'initiative des Communautés autonomes, ce qui représente un autre avantage pour le sud-ouest français qui peut participer à cette coopération au titre de la coopération décentralisée35(*). C'est par exemple la Communauté de Valence qui "a d'ambitieuses visées sur le Maroc" (in Le Journal, 22-28 juillet 2000), ou le gouvernement andalou qui va consacrer 1,5 milliard de pesetas à des projets de développement dans les provinces du Nord du Maroc, dans un contexte général de renforcement de l'autonomie régionale au Maroc.

    Enfin, il est à noter que le programme bilatéral de coopération entre l'Espagne et le Maroc est pris en compte dans les recoupements du sud-ouest européen avec d'autres espaces de coopération territoriales, dans le cadre de la mise en oeuvre du PIC INTERREG III -B SUDOE36(*).

    Il y a donc un enjeu pour le sud-ouest français de développer ses relations culturelles avec la péninsule ibérique et le Maroc, qui font eux-mêmes preuve de solidarités accrues : ne pas rester en marge de ces mouvements et de leurs retombées économiques et sociales. Cela correspond bien d'ailleurs à la problématique de "désenclavement" de Midi-Pyrénées : "C'est davantage en terme d'opportunités à saisir et de positionnement à préciser collectivement que se posent aujourd'hui les enjeux pour la région plutôt qu'en termes d'équipement" (Dupuy & Gilly, 1997, 125).

    A l'échelle du territoire - et de l'économie - européens, le risque de "mise à l'écart" que peut redouter le sud-ouest français menace par extension le sud-ouest de l'Europe. C'est pourquoi les pays de cette région ont un intérêt commun à intensifier leurs relations et à coopérer, à commencer par la culture.

    b. Le sud-ouest européen et son ouverture méditerranéenne :

    une zone de contrepoids à la "banane bleue" ?

    La principale zone de marché dans l'Union européenne - "zone transfrontalière dans une Europe intégrée" ( Dupuy & Gilly, 1997, 144) - s'étend du sud de l'Angleterre à la Lombardie, en passant par le nord et l'est de la France et par l'Allemagne occidentale. Cette situation est défavorable aux régions du sud de l'Europe, qui plus est les régions du sud-ouest, car certaines régions du sud-est français par exemple jouissent d'un rapport de proximité avec la partie méridionale de la "dorsale européenne" - aussi appelée "banane bleue" - , partie constituée par l'axe Lyon-Turin-Milan37(*). De plus le sud-ouest de l'Europe comporte une importante façade atlantique d'Aquitaine jusqu'à Gibraltar et les côtes marocaines, en passant par le nord de l'Espagne et le Portugal, zone qui doit faire face au déplacement vers l'est du centre de gravité de l'Europe économique et s'en trouve "marquée par la crise et les restructurations et où n'émerge aucune polarisation réellement significative" (id., 125).

    Malgré leur position intermédiaire et excentrée par rapport au " barycentre du marché européen" (id., 145), les régions du sud-ouest de l'Europe connaissent un fort développement, à commencer par la zone pyrénéenne : "les métropoles qui intègrent et encadrent la chaîne pyrénéenne, avec dix-sept millions d'habitants, représentent ensemble une puissance économique dotée d'un potentiel industriel comparable par exemple à celui de la Suisse, de la Belgique, voire de l'Allemagne du sud" (id., 126). On retrouve le même potentiel d'activité et de développement autour de métropoles telles que Barcelone, Madrid, Lisbonne, Casablanca, etc.

    Par ailleurs le sud-ouest de l'Europe est intégré en majeure partie à "l'arc latin" ou "arc méditerranéen" de l'Europe. Cette notion rejoint le concept de "plaque sud" développé par M. Lacour dans le cadre d'une "tectonique des territoires" (cf. Leclerc et alii, 1996, 127-130) et prend en compte "l'émergence au sud de l'Europe, avec la péninsule ibérique, la France méridionale et l'Italie, d'un espace économique dont la puissance est loin d'atteindre celle de la "banane bleue" mais qui se fortifie petit à petit" (id. 129). D'après un spécialiste, "[Le sud-ouest français] participe pleinement d'un marché de près de 200 millions d'habitants : péninsule ibérique, Italie, Grèce, Maghreb" (id.130).

    "La Méditerranée réapparaît de nouveau, dans cette phase de mondialisation des relations internationales, marquée par l'émergence de grands ensembles économiques, comme un nouveau pôle de développement en pleine gestation" (Hadhri, 1997, 95).

    Le sud-ouest français doit donc se positionner dans l'arc méditerranéen, ce qui pourrait lui conférer un rôle majeur d'interface entre le nord et le sud de l'Europe ; entre l'Europe du nord et l'Andalousie via Toulouse, entre Valence et Milan via Montpellier, entre Casablanca, Lisbonne et Paris via Bordeaux.

    "L'appartenance à de grands ensembles culturels comme le bassin méditerranéen ainsi que la construction européenne sont une motivation puissante pour les relations culturelles internationales entre les collectivités territoriales" (Rizzardo in Perret & Saez, 1996, 48).

    Pourtant la région Midi-Pyrénées, contrairement à Languedoc-Roussillon, ne participe pas au programme INTERREG III-B Méditerranée occidentale (MEDOC), mais au programme INTERREG III-B Atlantique, dans lequel elle est réunie à l'Aquitaine38(*). D'après la chargée des affaires européennes en Midi-Pyrénées, les raisons de ce manque de vision stratégique sont surtout politiques, alors qu'elle-même défend depuis plusieurs années l'inscription de Midi-Pyrénées - et pourquoi pas d'Aquitaine ? - dans l'arc méditerranéen et que la région entretient des contacts permanents avec la région PACA, ainsi qu'une coopération bilatérale avec la Catalogne.

    De plus l'intérêt et la réalité de l'orientation méditerranéenne du sud-ouest français sont confirmés par les études de la DATAR : "Toulouse tend à se développer plutôt vers la Méditerranée [...] Par ailleurs, Bordeaux, qui a réussi par le passé son intégration sur la façade atlantique a plus que jamais besoin de Toulouse dont la "percée" en direction de la Méditerranée est désormais effective" (Guigou, 1999b, 5; 1999, 8). Enfin, le programme opérationnel INTERREG III-B SUDOE préconise "d'établir le SUDOE comme acteur du système international par le renforcement de ses liens de proximité avec le Bassin méditerranéen" (Commission européenne, Programme opérationnel [...], 2000, 32).

    De la même façon le chargé des langues et cultures régionales en Midi-Pyrénées confirme la cohérence en terme culturel de s'ouvrir au monde méditerranéen et regrette une "indécision politique qui vient de la méconnaissance voire de l'ignorance de l'histoire culturelle" ainsi qu'une "culture politique du sud franco-parisienne qui considère la méridionalité de façon superficielle, en tant que simple rapport au monde. Mais s'il n'y a pas approfondissement de cette méridionalité par la culture elle deviendra un simple exotisme".

    Cette idée de l'inscription active du sud-ouest français - et par extension du sud-ouest de l'Europe - dans l'arc latin, et ce afin de rééquilibrer l'espace européen en faisant contrepoids à la banane bleue, rejoint les propos de M. Gouze, chercheur au LEREP de Toulouse (Laboratoire d'études et de recherche en économie de la production):

    "D'une part, aucun des pays ou régions du sud n'a intérêt à voir se développer une Europe trop nordique et, d'autre part, si l'Europe s'ouvre davantage à l'est, ces régions n'en seront que plus éloignées tant géographiquement que culturellement. Il s'agit donc bien d'ouvrir et d'organiser des espaces de solidarité entre les régions de l'Europe du sud, et, plus largement du bassin méditerranéen, espaces qui construiront leur prospérité grâce à des coopérations multiformes" (Dupuy & Gilly, 1997, 126).

    A commencer par la coopération culturelle, qui ferait du développement des relations culturelles un des moteurs du développement général du sud-ouest de l'Europe.

    Il s'agirait dans un premier temps de provoquer les rencontres et contacts entre des populations appelées à être partenaires privilégiés, dans un deuxième temps d'approfondir le dialogue en privilégiant la dimension interculturelle des projets.

    Le sud-ouest de l'Europe est une zone de croisement culturel riche nourrie d'influences diverses et qui peut, en s'associant à l'ensemble de l'Europe méridionale, constituer un axe de développement majeur de l'Union européenne - la DATAR n'évoque t-elle pas l'idée de "l'isthme sud-européen" ?

    De plus le contact privilégié avec le Maroc, qui appelle des relations culturelles intenses, constitue une ouverture majeure pour le sud-ouest de l'Europe, d'autant plus que le Maroc participe au projet euro-méditerranéen, projet qui revêt une importance stratégique pour le développement de l'Europe méridionale, pour ne pas dire de l'ensemble de l'Union européenne.

    "Si l'Allemagne ne veut pas risquer une crise de la construction européenne, il lui faut soutenir la construction d'un contrepoids à l'extension orientale de la zone d'influence de l'Union européenne qui ne pourra être autre que la région euro-méditerranéenne" (Elsenhaus in Bistolfi, 1995, 85).

    2. Projet euro-méditerranéen, relations culturelles

    et co-développement

    La Conférence de Barcelone, en novembre 1995, a vu l'Union européenne et ses douze partenaires du sud et de l'est de la Méditerranée donner une impulsion sensible à la mutation de leurs relations, par l'instauration du partenariat euro-méditerranéen. Ce projet fournit un cadre de référence durable aux relations de l'Union européenne avec ses partenaires, le cadre multilatéral - projets régionaux entre plusieurs pays - étant complémentaire des relations bilatérales spécifiques entre l'Union et chacun des pays tiers - négociations d'Accords d'association. C'est un projet ambitieux qui fait écho à d'autres projets de regroupements régionaux prenant forme ailleurs dans le monde, dans les Amériques comme en Asie. Mais à la différence de ces accords, un des principaux apports de la Déclaration de Barcelone est d'avoir pleinement intégré dans sa philosophie, outre les préoccupations politiques et sécuritaires, économiques et financières, la dimension culturelle, sociale et humaine.

    "Les 27 ont affirmé que la rénovation du dialogue culturel est aussi indispensable que la coopération politique et économique pour combler le fossé méditerranéen.[...]L'inclusion de la culture dans le champ du dialogue et de la coopération lui donne toute sa portée. Il s'agit en effet de lutter contre un nouveau pessimisme historique qui affirme le caractère inconciliable des différences culturelles. Face à ce pessimisme, qu'un Samuel Huntington et d'autres ont récemment théorisé en pronostiquant que les conflits de demain seront d'abord des conflits de civilisation, le "contrat" de Barcelone s'est inscrit en faux  (Bistolfi, 1997, 124).

    La Déclaration de Barcelone est ainsi présentée comme l'acte fondateur de la Méditerranée du XXIème siècle. Pour la première fois, un texte engageant ces Etats a mis l'accent sur la société civile et souligné "la contribution essentielle qu'elle peut apporter dans le processus du partenariat euro-méditerranéen" (Balta, 2000, 70). Ainsi, chaque conférence des 27 ministres des affaires étrangères a été précédée, accompagnée et suivie par une série de rencontres de la société civile : les Forums civils Euromed - à Barcelone en 1995, Malte en 1997, Stuttgart en 1997 et Marseille en 2000.

    Ces forums civils sont un premier pas dans la nécessaire mise en oeuvre d'un "travail d'échange interculturel d'envergure au niveau des sociétés civiles [qui] s'avère incontournable pour relever les véritables défis[...], non seulement économiques et géostratégiques mais aussi et surtout axiologiques et culturels" (Ammor, 2000, 37). C'est que le besoin de développement commun auquel doit répondre le processus de Barcelone39(*) comporte une indissociable dimension culturelle, "ciment de tout véritable rapprochement entre les peuples de la région, seul garant de réussite de toute initiative économique voulant s'inscrire dans la durée" (Ammor, 2000, 40) ; "le ciment, c'est l'instauration de relations de confiance" (Fabre in Culture Europe, n°19, 6). On peut aussi parler de "rôle de levain qui doit être celui de la culture" (Roussel in Culture Europe, n°19, 8), d'autant plus que "les retombées économiques [de la coopération culturelle] (promotion des métiers d'art, développement d'un tourisme de qualité, etc.) peuvent être - qualitativement et quantitativement - plus que significatives" (Bistolfi, 1997, 125)40(*).

    Les pays du sud-ouest de l'Europe sont des partenaires euro-méditerranéens et les relations culturelles entre le sud-ouest français, la péninsule ibérique et le Maroc peuvent s'inscrire dans le cadre de ce partenariat. A ce propos il est intéressant de remarquer que "la dimension culturelle de la Déclaration de Barcelone [...]a été - sauf en Espagne et au Portugal au moment de la rencontre - généralement ignorée par les médias" (Balta, 1997c, 27). Et, de fait, même si tous les membres de l'Union européenne sont concernés par le partenariat euro-méditerranéen, "la partie de la Méditerranée appartenant à l'Union européenne, dépositaire d'une double culture - méditerranéenne et européenne - doit jouer un rôle de passeur, permettant une meilleure pédagogie de l'échange entre les deux dimensions" (Roussel in Culture Europe, n°19, 8), ou encore "Les pays du sud de l'Europe ont su nouer, au cours des siècles, des liens et former un tissu interculturel et d'amitiés dont la potentialité reste en deçà de ce qu'elle pourrait apporter pour la compréhension des peuples de la Méditerranée" (Rieutord, 1997, 36).

    Le sud-ouest européen a donc un rôle actif à jouer dans le développement culturel euro-méditerranéen qui doit contribuer à atteindre, de manière équilibrée, l'objectif de co-développement général qui sous-tend le processus de Barcelone. "La politique culturelle euro-méditerranéenne dépasse les enjeux spécifiques à son domaine" (Roussel in Culture Europe, n°19, 11). Comme on l'a vu les conditions de ce développement au sud-ouest de l'Europe apparaissent favorables, qu'il s'agisse des relations entre le sud-ouest français et la péninsule ibérique ou des relations entre le sud-ouest européen et son partenaire méditerranéen direct, le Maroc.

    "Les différentes combinaisons des relations internationales marocaines peuvent [...] s'inscrire dans un carré, coopératif par nature, incluant le Maroc, la France, l'Espagne et l'Union européenne" (Berramdane, 1992, 45). Ainsi le Maroc figure en quelque sorte à "l'avant-garde" du partenariat euro-méditerranéen - on parle même d'intégration européenne en 201041(*) - ce qui se traduit concrètement par l'entrée en vigueur, le 1er mars 2000, de l'Accord d'association signé avec l'Union européenne le 26 février 1996, surtout lorsque l'on sait que sur les dix pays méditerranéens supposés conclure de tels accords seulement quatre d'entre eux, Maroc inclus, l'on fait42(*). Ainsi, des volontés de rapprochement émanent d'un côté comme de l'autre.

    Les propos exprimés lors de la première réunion du Comité d'association Maroc-Union européenne tenue à Rabat le 6 février 2001 vont dans ce sens. D'une part "Le Maroc entend mettre à profit cette réunion en vue d'amener la partie européenne à inscrire son partenariat à un niveau supérieur", d'autre part le Secrétaire général du ministère marocain des Affaires étrangères et de la Coopération "a réitéré la volonté de Rabat[...]de faire de la consolidation des relations Maroc-Union européenne une réelle force motrice pour l'ensemble de la région euro-méditerranéenne"43(*).

    Cela rejoint les idées déjà exprimées lors d'un colloque tenu à Paris en 1996 : "Le partenariat euro-marocain doit être un moteur à l'intérieur du plus vaste projet euro-méditerranéen" (M. Vento in Maroc-Europe, quel partenariat? Actes du colloque., 1996, 114).

    Il est à noter que cette implication du Maroc se traduit également au niveau des collectivités. En effet M. Omar Bahraoui, président de la Communauté urbaine de Rabat, a été élu vice-président du Comité permanent pour le partenariat euro-méditerranéen, créé récemment à Palerme par les élus locaux des pays méditerranéens afin d'encourager "la coopération régionale, promouvoir les échanges et développer les relations économiques, culturelles et touristiques entre les collectivités des deux rives de la Méditerranée" selon les orientations de la Déclaration de Barcelone44(*).

    D'autres exemples viennent confirmer la volonté, politique pour la plus grande part, de faire du Maroc un acteur-clé du co-développement culturel en Méditerranée : organisation à Rabat, en octobre 2000, par le ministère des Droits de l'homme et le Centre Nord-Sud du Conseil de l'Europe, d'une conférence sur le thème "Droits de l'homme, identités culturelles et cohésion sociale dans la région méditerranéenne" ; création de chaires universitaires d'études méditerranéennes dans l'intention de marquer "le lancement d'un réseau de chaires à travers les pays de la Méditerranée"(in Al Maghrib du 30 janvier 2001) ; déclaration dans la presse de M. Zerouli, ministre de l'Enseignement supérieur, "En modèle d'ouverture parmi les pays de la rive sud, le Maroc est en mesure de faire du pourtour méditerranéen un espace de paix et de prospérité commun à tous les pays de la région" (in Al Maghrib, 28 novembre 2000) ; rencontre internationale de traduction des cultures à Marrakech, "visant à rapprocher les cultures des peuples du bassin méditerranéen" (in Le Matin du Sahara et du Maghreb, 4 novembre 2000) ; culture présentée comme "dynamique essentielle à tout projet de développement" ("Maroc : quel projet de société ?", M.Sbihhi in Al Bayane, 12 décembre 2000).

    Par ailleurs, dans une étude de la dimension culturelle du développement, plus particulièrement concernant les plans de développement marocains, M. Gouita émet des propositions pour l'amélioration des mécanismes d'intégration de la culture dans le développement au Maroc, parmi lesquelles on retiendra : "Il est impératif de diversifier, tout en les rationalisant, les sources de financement de l'action culturelle au Maroc, en y intéressant divers acteurs (privés, collectivités locales, organismes spécialisés nationaux, étrangers et internationaux, etc.)" (Gouita, 1988, 186). L'intérêt pour le Maroc de développer des relations culturelles avec des partenaires extérieurs, dans une perspective de co-développement, apparaît clairement.

    En plus de soutenir un développement économique et social il s'agit aussi, par de telles relations, de faire face à un enjeu fondamental à l'heure de la (fameuse) mondialisation : "se voir soi-même comme un autre" (Molino in Esprit, 2000, 100). Comme on l'a vu il y va du désenclavement des cultures (et donc des mentalités), et ce d'autant plus que la culture marocaine est riche d'influences méditerranéenne, arabo-islamique et africaine : "ne serait-il pas nécessaire, pour avoir une vision moins limitée de [sa propre culture], de faire appel au regard d'autrui, d'hommes et de femmes qui la voient de l'extérieur ?" (id.). Ce désenclavement des cultures obéit à un principe de réciprocité, en dépit de contextes différents, et ne concerne pas uniquement la (les) culture(s) "nordiste(s)" européenne(s), celle(s) dont traite Jean Molino dans son article. "Le désenclavement des cultures du Sud correspond bien à un besoin vital" ( Ader in Dialogue culturel Nord-Sud [...], 1992, Postface, 61) et constitue un véritable enjeu pour le co-développement culturel, enjeu qui rejoint celui du partenariat euro-méditerranéen dans son volet social, culturel et humain.

    Pourtant, malgré les intentions réelles et motivées, les volontés politiques affichées, les déclarations et autres accords, le partenariat euro-méditerranéen est loin de tenir ses promesses. "On est loin d'un véritable co-développement qui, pour l'heure, n'a eu que des effets d'annonce modestes" (INJEP, 2000, 186).

    La Conférence Barcelone IV, tenue à Marseille en novembre 2000, a été l'occasion de faire un bilan critique et de se rendre compte du décalage entre les ambitions euro-méditerranéennes et leur réalité.

    D'après les compte-rendus officiels, "Les ministres [...] ont regretté que toutes les potentialités de ce volet [social, culturel et humain] n'aient pas été complètement exploitées [...]S'agissant de la culture au sens large, les ministres ont plaidé en faveur d'une montée en puissance des programmes existants, à travers la mise en place de la deuxième phase d'Euromed Heritage, le démarrage, le plus tôt possible en 2001, de la préparation d'Euromed Audiovisuel II[...], ainsi que le lancement d'Euromed-Sciences Humaines"45(*).

    La presse s'est fait l'écho des dysfonctionnements du partenariat euro-méditerranéens.

    Sur le plan politique, Arabes et Israéliens reprochent à l'Union européenne sa neutralité ambiguë et passive à l'égard de l'hégémonie nord-américaine46(*), sur le plan économique on semble remettre en cause le principe même du libre-échange en Méditerranée.

    Déjà, en 1997, l'Accord d'association avec l'Union européenne était présenté comme un "pari à hauts risques" pour le Maroc (cf. Zaïm & Jaïdi, 1997, 65-78). Aujourd'hui, Mme Belarbi, Ambassadeur du Maroc auprès l'Union européenne, se demande si "la démarche d'accompagnement par centration sur le libre-échange est capable de produire les résultats économiques et sociaux à la hauteur des proximités économiques et humaines qui lient les pays du sud et du nord de la Méditerranée" (in Al Bayane, 5 novembre 2000) ; pour A.Saaf "le libre-échange pratiqué par l'Europe réduirait la frontière économique à son seuil minimal. L'Europe semble ainsi engagée dans une action constante de dissolution des zones de regroupement autour d'elle" (Saaf in Roussillon, 1999, 242) ; Habib El Malki, dans son ouvrage La Méditerranée face à la mondialisation. Les constances de l'identité, remarque que cette région est "restée en dehors de la dynamique de regroupements que la mondialisation impose", sans compter que "le phénomène de la mondialisation est une notion encore creuse et aurait une perspective incertaine surtout dans le cadre maghrébin" (in Libération, 4 novembre 2000).

    Quant au volet social, culturel et humain, il risque d'être réduit à la prévention de l'immigration alors que, même s'il remet fortement en question la façon dont le processus de Barcelone a été mené ainsi que son devenir, M. Bistolfi affirme que "L'importance d'une action résolue dans le domaine de la culture s'impose d'autant plus que les volets politique et économique du projet euro-méditerranéen connaissent les faiblesses que l'on sait" (Bistolfi, 2000, 151). Ce qui nous renvoie à un article du même numéro de Confluences Méditerranée au titre évocateur, "La culture : le parent pauvre ?", dans lequel sont relatées les initiatives de la société civile au travers des Forums civils Euromed et ses réactions face à l'évolution du processus de Barcelone : "Désillusions ! Inquiétudes ! Danger ! " (Balta, 2000, 69). De telles réactions ne peuvent rester inconsidérées si l'on veut rester fidèle à la philosophie de départ du projet euro-méditerranéen car - est-il besoin de le rappeler? - "en l'absence de dialogue entre les sociétés civiles des deux rives, le partenariat restera entre les mains des technocrates, des financiers et des marchands"47(*).

    Cependant, le fait de mettre en exergue la dimension culturelle du partenariat ainsi que le rôle assigné à la société civile peut constituer à son tour une menace, par "la dérive identitaire à laquelle "l'option culturelle" ouvre nolens volens la voie" (Roussillon, 1999, 228).

    "Il ne fait pas de doute que, dans l'esprit de la plupart des "eurocrates" de Bruxelles ou de Strasbourg, le co-développement méditerranéen doive être un développement séparé. De ce point de vue, la prise en considération de la dimension culturelle risque bien de se limiter à l'identification des registres dans lesquels des interactions sont possibles ou souhaitables entre les deux rives - et de ceux dans lesquels elles ne le sont pas -, en même temps que des précautions à prendre pour ne pas heurter les sensibilités "spécifiques" des Méditerranéens du sud - en caricaturant : éviter de faire plastronner Claudia Schiffer dans une robe de soirée rehaussée de versets coraniques, garantir l'abattage rituel des bovins fous exportés vers ces rivages sous forme de corned beef, mettre en place, dans les banques européennes, des dispositifs financiers permettant de tourner l'interdit islamique du prêt à intérêt..." (id.,232-233).

    De cette façon M. Roussillon, directeur du Centre de recherche Jacques Berque de Rabat, souhaite clarifier "les ambiguïtés fondamentales et les possibles dérives de la gestion culturelle identitaire du sens qui paraissent en passe de s'imposer aux gestionnaires autorisés ou auto-proclamés du destin de l'ensemble méditerranéen" (id., 235). Les initiateurs et acteurs des relations culturelles euro-méditerranéennes doivent être conscients de la nécessité d'un dépassement des "démons identitaires" (id., 242), qui renvoie au dépassement du multiculturalisme prôné par M.Wieviorka48(*).

    Le but du processus de Barcelone ne doit pas être, pour l'Europe, de "prévaloir en tant que pôle planétaire face aux pôles nord-américain et est-asiatique, [ce qui se traduirait] quasi mécaniquement par l'affaiblissement des ses "marches" sud-méditerranéennes, condition sine qua non de l'affirmation de son leadership régional" (Roussillon, 2000, 242), mais bien de mener une coopération et un co-développement régionaux, dont les relations culturelles font partie intégrante afin d'"ouvrir les sociétés arabes à la modernité dans un dialogue culturel équilibré" (id., 2000, 241). Pour M. Fouad Ammor, "le culturel ne peut jouer à plein que si les problèmes fondamentaux, de dimension super-structurelle, sont résolus" (entretien). De cette façon la notion de co-développement retrouve tout son sens et c'est ainsi qu'elle doit être comprise et appliquée par les acteurs des relations culturelles en Méditerranée.

    Ainsi, différents facteurs interdépendants mettent en évidence l'importance de développer les relations culturelles au sud-ouest de l'Europe.

    Une fois cette analyse faite, il s'agit d'accéder au domaine du pratique et du réalisable en abordant la mise en oeuvre de ces relations.

    PARTIE C

    Mise en oeuvre de projets

    I. Pertinence de la collaboration interrégionale comme modalité de mise en oeuvre des relations culturelles extérieures : les régions du sud-ouest français.

    "Je pense qu'une Région [...]ne se définit pas par ses frontières. Où est la frontière entre Midi-Pyrénées et l'Auvergne? Où est le Rouergue? Peut-on le dire? Je crois qu'une Région se définit par sa manière de vivre [...] et en même temps par ses projets communs ou ses formes de créativité contemporaine. Au fond une Région se définit par sa culture "globale"(M. Giscard d'Estaing in La politique culturelle des régions, Actes, 1996, 78).

    1. L'idée de "bassin culturel" : légitimité et limites

    La notion de bassin culturel part du constat que les trois régions du sud-ouest français, au-delà des frontières administratives, ont en commun des traits culturels, ceux-là mêmes qui encouragent le développement des relations culturelles avec la péninsule ibérique et le Maroc.

    Ces influences culturelles communes, pour ne pas dire cette "culture commune", donnent de la cohérence à un travail tissé entre ces trois régions concernant les relations culturelles extérieures et trouve une partie de son fondement dans l'Histoire49(*) et dans le fait que le découpage des régions françaises, "concocté à la fin des années 50 dans des bureaux parisiens[...]par des technocrates en mal d'imagination" (Dupuy & Gilly, 1997, 41), n'a pas toujours tenu compte des liens et traditions culturels. Le sud-ouest français est un exemple de ce dépassement nécessaire - et spontané - de l'échelon régional, surtout concernant les affaires culturelles. "C'est le cas du Millavois attiré vers Montpellier, mais aussi de certaines zones du Gers ou du Tarn-et-Garonne qui regardent vers l'Aquitaine. Inversement, la région de Castelnaudary ne doit son rattachement à la région Languedoc-Roussillon qu'à de subtiles tractations administratives" (id., 7).

    De plus, il est généralement admis que les régions françaises, compte tenu de l'histoire politique de la France, ont une certaine difficulté à se constituer une identité qui, de fait, apparaît comme une identité "de circonstance"50(*).

    Concernant le sud-ouest français, deux idées force dans cette notion de bassin culturel pourraient sous-tendre des collaborations interrégionales :

    § Le bassin culturel méditerranéen

    Cette idée a connu un regain d'intérêt depuis la Conférence de Barcelone. On a pu parler de "Méditerranée créatrice[...], mouvement culturel profond[...], un des rares lieux de résistance possible à ce formidable mouvement d'homogénéisation culturelle qu'est l'occidentalisme" (Fabre, 1993, 147-149). Pourtant cette affirmation de l'existence d'une culture méditerranéenne relève en grande partie d'un imaginaire des pays nord-méditerranéens, pour ne pas dire occidentaux. Depuis l'image de l'Antiquité méditerranéenne reconstruite par les humanistes des Lumières et leurs successeurs du XIXème siècle, jusqu'aux tauromachies de Picasso, en passant par la grande synthèse historiographique de Fernand Braudel, "la Méditerranée demeure, pour la plupart des pays du Sud de la Méditerranée, une projection politico-économique et culturelle du Nord" (Hadhri, 1997, 96) ; une "Méditerranée imaginaire[..,]antipode de la modernité" (Chadziiossif, 1997, 58).

    Si les Sciences sociales reconnaissent une certaine unité civilisationnelle méditerranéenne, celle-ci se manifeste surtout au travers des échanges commerciaux et des formes représentatives d'organisation politique (id., 60-63). Quant au bassin culturel méditerranéen, c'est avant tout un "lieu de dialogue entre les cultures européennes et islamiques" (Jouve, 1997, 107), entre le Nord et le Sud.

    Les relation culturelles méditerranéennes peuvent en premier lieu s'articuler autour du patrimoine, "susceptible d'être exploité à bon escient pour revigorer et renforcer les sentiments d'appartenance commune des peuples de la Méditerranée" (Hadhri, 1997, 100). On peut penser au programme communautaire Euromed Heritage ou encore au rôle que peut jouer le musée dans le dialogue culturel méditerranéen51(*), démarche dans laquelle s'inscrit le projet de création prochaine à Marseille d'un musée des Civilisations européennes et de la Méditerranée.

    Par ailleurs, garder à l'esprit que la Méditerranée est avant tout "un trait d'union[...]entre des hommes[...]dont les cultures s'adossent les unes aux autres" (Rieutord, 1997, 37) permet de développer des relations culturelles loin des ambiguïtés du discours culturel méditerranéen qui peuvent mener à des dérives identitaires eu égard au contexte historique et géopolitique méditerranéen52(*).

    "Il n'y a pas de Méditerranée pure[...]. Le Portugal, bien que manifestement non européen par sa géographie, participe à la Méditerranéité" (Edgar Morin in Roussillon, 1999, 240).

    § Le bassin culturel occitano-catalan

    Aujourd'hui la langue et la culture catalanes ont acquis une visibilité très forte, notamment grâce à l'impulsion politique de la Généralité de Catalogne, mais les cultures occitane et catalane ont une origine et un développement liés.

    "[L'évocation de ces cultures] nous renvoie à une très ancienne et illustre unité historique, linguistique et culturelle, les pays catalans et occitans ayant tissé des liens socio-politiques entre le IXème et le XIIIème siècles, élaboré ensemble à cette époque une littérature et une création artistique de très haut niveau qui est aux sources de la culture européenne et a donné naissance à deux langues romanes jumelles dans leurs variétés respectives, le Catalan et l'Occitan" (in Eurocongrès des espaces occitans et catalans, brochure promotionnelle, 2000).

    Géographiquement cette "culture globale" concerne "une zone charnière de l'Europe méridionale où elle s'articule avec l'ensemble atlantique et l'Europe septentrionale et comprend 14 régions d'Europe" (id.). Les régions Aquitaine, Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon sont parmi les régions incluses dans cette zone53(*). Bien qu'elle ait surtout connu son heure de plein développement à l'époque médiévale, la culture occitano-catalane est encore vivante aujourd'hui.

    Le Catalan est langue officielle de la Généralité de Catalogne, une des Communautés qui comptent le plus sur l'échiquier politique espagnol, voire communautaire, et des variantes de l'Occitan ont été récemment reconnues langues officielles dans le Val d'Aran - haute vallée de la Garonne - ainsi que dans les vallées du piémont italien. Par ailleurs les langues occitanes font l'objet d'études et de recherches universitaires à travers le monde : Japon, Etats-Unis, Allemagne, Brésil, etc.

    Un Eurocongrès des espaces occitans et catalans, qui a lieu depuis fin 2000 jusqu'à fin 2001, ouvert à Marseille, pré-clôturé à Toulouse et clôturé à Barcelone, témoigne de la vitalité du monde associatif et du soutien institutionnel - pouvoirs régionaux surtout - dont bénéficie la culture occitano-catalane que l'on souhaite associer à des problématiques de fond et d'actualité - organisation de l'espace communautaire, démocratie linguistico-culturelle, mondialisation, etc. Récemment, lors des élections municipales de Toulouse, "tous les partis ont été travaillés au corps par la culture occitane, sauf l'extrême droite, et l'idée de création d'une Maison de l'Occitanie a été plusieurs fois avancée" (entretien avec le chargé de la langue et de la culture régionales en Midi-Pyrénées).

    L'idée de bassin culturel est d'autant plus pertinente qu'il n'y a jamais eu d'Etat occitan à proprement parler. L'Occitanie est un ensemble culturel et non politique, représentatif d'une culture sud-européenne, "une culture parfois plus européenne de sens que la culture officielle" (id.). Cette culture est à la fois fédératrice et tournée vers l'extérieur, regroupant de nombreux dialectes et patois, un peu à la manière de l'Arabe classique par rapport aux Arabes dialectaux. Elle doit être appréhendée aux niveaux régional, interrégional, transfrontalier et méditerranéen, car "on ne peut comprendre cette langue et cette culture sans faire référence aux cultures ibériques, italiennes et arabo-andalouses" (id.).

    On le voit, l'idée de bassin culturel ne s'applique au sud-ouest français que dans la perspective de son ouverture et notamment ses ouvertures transpyrénéenne et méditerranéenne.

    Bien entendu cette notion comporte des limites évidentes et part souvent de constructions dans lesquelles l'imaginaire joue une grande part. Même si l'unité culturelle de certaines communautés est indubitable - Pays basque, Catalogne, Pyrénées, communautés immigrées, etc. - l'action culturelle du gouvernement catalan de Jordi Pujol, au pouvoir depuis 1980, par exemple, a été présentée comme "centrée sur la normalisation linguistique et la création d'un imaginaire collectif" (in Pôle sud n°10, 1999, 66). On voit les dérives que peut amener, en Méditerranée par exemple, la création d'un imaginaire collectif culturel (cf. Roussillon, 2000).

    Certaines personnes présentent même la culture occitane, en dépit de sa dimension fédératrice, comme une "construction politique réactionnaire d'opposition, différente d'un mouvement naturel réel", tout en reconnaissant, d'une part une "parenté culturelle, un espace de romanité", d'autre part la présence de "connexions naturelles en brièveté de déplacement, entre Tarbes [Midi-Pyrénées] et Pau [Aquitaine], Millau [Midi-Pyrénées] et le Languedoc"54(*) discours dans lequel on retrouve le lien entre culture et aménagement du territoire.

    Néanmoins l'idée d'une culture commune, à partager, peut donner de l'impulsion à des collaborations interrégionales tournées vers l'extérieur, sur certains thèmes et projets spécifiques et peut créer une "dynamique sud-européenne de carrefour, de passage, pour capter des influences et faire des synthèses créatrices"55(*).

    2. L'interrégional face au local(isme)

    "La réponse localiste confine à l'autarcie inavouée"56(*).

    En ce qui concerne les facteurs identitaires, point essentiel à prendre en compte lorsque l'on travaille dans l'espace régional, l'échelle interrégionale peut tempérer une approche localiste, trop restreinte face au contexte de l'international, sachant que les Affaires étrangères et extérieures relèvent en général de compétences étatiques et que les régions françaises sont de taille assez modeste et disposent de "masses critiques" réduites face à nombre de leurs homologues européens. On peut prendre l'exemple du Land de Bavière jumelé à la fois avec Midi-Pyrénées, PACA et Languedoc-Roussillon, un Land pour trois Régions.

    L'échelle interrégionale va ainsi à l'encontre de tout provincialisme dont, d'après un chargé de mission en Midi-Pyrénées, de nombreux élus font encore preuve et qui les empêche de voir plus loin que "Paris et le désert français". Cela rejoint l'avis du peintre Henri Cueco qui, lors des discussions sur les transferts de compétences, a évoqué dans les FRAC "deux maux complémentaires : le parisianisme et le régionalisme" (Moulinier, 1995, 164).

    En extrapolant quelque peu on pourrait dire qu'au niveau culturel-identitaire, l'approche interrégionale est plus structurante et permet d'éviter toutes sortes de dérives - dont les conflits de l'ex-Yougoslavie sont un exemple, extrême certes, mais dont pourrait se rapprocher l'exemple du mouvement séparatiste basque.

    De plus le cadre interrégional apparaît également plus structurant pour les relation interculturelles envers les minorités ethniques car l'on peut se poser la question, comme cela a été le cas lors du colloque Les stéréotypes nationaux et la construction européenne, tenu à l'UNESCO en 2000, de savoir si les minorités ethniques ne s'identifient pas plus facilement à une nation plutôt qu'à une région.

    Ainsi l'échelle interrégionale apparaît comme un compromis pertinent entre les avantages d'instaurer des relations à un niveau local (cf. partie B., chapitre III.1.) et la "largeur de vue" nécessaire au développement des relations culturelles internationales.

    Enfin c'est aussi en terme de visibilité internationale des projets que la collaboration interrégionale paraît pertinente. Concernant le sud-ouest français, il est plus cohérent pour les trois régions pyrénéennes de développer ensemble leurs relations culturelles extérieures dans des contextes "globalisant" tels que "l'isthme sud-européen", "l'arc méditerranéen occidental", participant de "l'articulation nord-sud à travers l'espace européen". Ainsi, les "systèmes complexes interrégionaux de développement durable comportent le plus souvent[...]une identité culturelle et patrimoniale qui renforce la lisibilité à l'échelle mondiale" (Guigou, 1999, 8).

    Par ailleurs, la cohérence de regroupement interrégional se retrouve, au-delà des intérêts géostratégiques et médiatiques, à un niveau plus concret.

    3. La mise en commun des capitaux respectifs

    La pertinence de la collaboration interrégionale répond également à des considérations plus matérielles, ou tout au moins pragmatiques. Les budgets culturels des Conseils régionaux sont limités par d'autres priorités. On peut de là imaginer la part des dépenses consacrées aux affaires culturelles internationales qui ne bénéficient pas de ligne budgétaire assez clairement définie.

    "Sauf au niveau des communes d'une certaine importance, les budgets culturels sont faibles et donc la part que l'on peut consacrer aux activités extérieures reste limitée.[...]Par ailleurs, force est de reconnaître que ce type d'actions a du mal à s'insérer dans l'agenda des services culturels territoriaux : souvent, ce n'est pas le service chargé de la culture qui gère les activités culturelles internationales"

    (Moulinier, 1995, 265)

    Ainsi on constate que "entreprendre une opération de détournement des flux artistiques [et notamment les flux internationaux], qui se dirigent tous vers Paris, lieu de la reconnaissance, est particulièrement difficile pour une autorité régionale ne disposant que de faibles moyens" (Pongy & Saez, 1994, 310).

    Quant aux DRAC, autres acteurs financiers principaux, elles ne disposent que de faibles crédits déconcentrés du DAI et "le soutien à des échanges (le plus souvent transfrontaliers) n'est pas sans soulever d'épineuses questions de compétences et de préséances, tant avec les autorités préfectorales qu'à l'intérieur de l'administration culturelle" (Négrier in Perret & Saez, 1996, 120) ; ou encore, "Les DRAC, quoique peu dotées de crédits déconcentrés pour 'l'international", sont souvent dans une position favorable bien que n'ayant pas de droit à l'action internationale. Mais ce n'est une priorité pour aucune DRAC" (Moulinier, 1995, 265). Par exemple la DRAC Midi-Pyrénées a disposé de 250 000 francs de crédits déconcentrés du DAI en 1999, et de 240 000 francs en 200057(*).

    Dans un tel contexte, les collaborations interrégionales apparaissent comme synonymes de mise en commun des moyens financiers, mais aussi humains, techniques, etc., ouvrent sur la possibilité de lancer des projets ayant une réelle envergure et des retombées internationales.

    A ce propos il est à noter que même si, dans ce mémoire, on s'attache à considérer en priorité la collaboration interrégionale entre DRAC et Conseils régionaux, celle-ci concerne aussi, par extension, les associations et réseaux - les réseaux ne sont-ils pas interrégionaux par leur nature transversale ? -, établissements culturels et artistiques, etc. Il est désormais reconnu que de nombreux établissements culturels régionaux "rayonnent" sur une échelle interrégionale, voire transfrontalière et internationale58(*).

    Par ailleurs, les recherches prospectives dont la collaboration interrégionale fait l'objet font apparaître ses avantages : "Des pôles interrégionaux apparaissent ainsi comme une solution organisationnelle qui se prête à une adaptation et à une modernisation des terminaux déconcentrés de l'Etat" (Leclerc et alii, 1996, 119). Concernant plus particulièrement les DRAC, il est à noter que la loi du 06 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République incite dans son titre III à la coopération interrégionale (Chapitre Ier). Ainsi, "le chapitre III [du décret du 1er juillet 1992 portant charte de la déconcentration et qui accompagne la loi du 6 février 1992] précise que les services déconcentrés peuvent réunir certaines de leurs fonctions en constituant un "pôle de compétences pour l'exercice d'actions communes selon les modalités qu'ils déterminent conjointement et sous l'autorité du préfet" (Moulinier, 1995, 137).

    Parallèlement, l'intégration européenne accélère le mouvement de recomposition régionale, notamment le "regroupement fonctionnel des régions : l'Allemagne, tout en préservant ses seize Länder, a défini six grandes régions fonctionnelles et six hubs intercontinentaux, l'Italie où Romano Prodi, alors Président du conseil avait le projet de passer de vingt-deux régions politiques à douze régions techniques et opérationnelles" (Guigou, 1999, 5); mouvement amorcé en 1991 par la Commission de la politique régionale de l'aménagement du territoire du Parlement européen (Leclerc et alii, 1996, 46). Toujours dans le contexte européen, la collaboration interrégionale au niveau français se présente comme une solution dans la recherche d'un certain équilibre de compétences et de moyens quand on constate que "la région est l'acteur institutionnel le plus faible du système culturel français[...]. Les Communautés autonomes espagnoles s'imposent chaque jour davantage comme des acteurs majeurs en Espagne" (Pongy & Saez, 1994, 293).

    La collaboration interrégionale se présente donc comme une modalité de mise en oeuvre bien adaptée aux affaires culturelles extérieures de régions proches et permettrait au sud-ouest français de faire "frontière commune" avec la péninsule ibérique et de s'inscrire dans l'arc méditerranéen.

    Elle ne peut être qu'encouragée par des déclarations telles que ; "c'est dans le domaine économique et culturel que le mouvement de recomposition des régions est, de loin, le plus avancé et le plus rapide" (Guigou, 1999, 4). Cependant le développement du "culturel" reste dépendant d'autres domaines, ce que les conditions de réalisation des projets, abordées au chapitre suivant, illustrent parfaitement.

    II. Exemples et perspective de réalisation de projets.

    1. Exemples

    a. La coopération culturelle transfrontalière

    vue de la DRAC Midi-Pyrénées

    La coopération culturelle transfrontalière et interrégionale franco-espagnole figure au cahier des charges de la DRAC depuis plusieurs années et concerne de nombreux projets59(*) :

    - Une étude sur le sujet, La coopération culturelle transfrontalière entre la région Midi-Pyrénées, l'Espagne et l'Andorre, a été réalisée en 1994 à la demande conjointe du Conseil régional et de la DRAC60(*).

    - Deux projets "moteurs" ont été soutenus par le DAI de 1996 à 1998 et effectivement mis en oeuvre : Les Itinéraires transpyrénéens du patrimoine et le Réseau des musées pyrénéens61(*).

    Parallèlement, la DRAC a collaboré à l'élaboration d'un Schéma des services collectifs culturels, à l'échelle interrégionale, en partenariat avec Aquitaine et sous le contrôle de la MIIAT Grand Sud Ouest.

    Ces projets s'inscrivaient dans la dynamique générale de coopération transfrontalière développée alors à la DRAC62(*).

    - Le bilan des différents projets, réalisé en juillet 2000 dans le but de relancer la coopération transfrontalière et interrégionale, fait ressortir l'aspect transversal et multilatéral de la coopération, ainsi que le nombre et la diversité des initiatives et des potentialités63(*).

    Actuellement, d'après des entretiens récents auprès des responsables de la DRAC, la coopération culturelle franco-espagnole64(*) semble être dans une phase de "ralentissement":

    - Certains projets continuent d'être réalisés mais sans réelle évolution en terme d'envergure et de développement (festival Cinespaña, festival Résistances, association Avant Mardi, projets autour des arts de la rue, etc.).

    - D'autres projets sont pour l'instant suspendus, en attente de décisions notamment concernant la procédure de mise en oeuvre et le financement : le Réseau des musées pyrénéens - départ de M. Collin de son poste de chargé de la culture en Languedoc-Roussillon, et coordinateur de la réalisation du Guide des musées pyrénéens65(*) -, les Itinéraires transpyrénéens du patrimoine, le Guide transfrontalier des sources d'archives, etc.

    - Quelques nouveaux projets seulement semblent en passe d'aboutir, notamment dans le secteur de l'archéologie (valorisation du patrimoine culturel et naturel des vallées de Luchon-Bénasque, exposition itinérante sur les sites de production de céramiques sigillées).

    De cette façon on est encore loin de relations culturelles pérennes et structurantes, malgré les volontés - et la nécessité - de les développer.

    Cet état de fait met en évidence plusieurs points relatifs à la mise en oeuvre des projets :

    - Les financements communautaires représentent un soutien potentiel important des relations culturelles66(*), notamment au travers du programme INTERREG A et B.

    - La contribution des DRAC ne peut être efficace sans une implication conjointe des collectivités, en particulier les Régions et leurs services concernés.

    - Ainsi, l'aboutissement des projets en région dépend en grande partie de décisions et d'orientations politiques de la part des élus.

    Enfin, il apparaît que l'établissement des relations culturelles souffre d'un manque d'articulation et de structuration à plusieurs niveaux :

    - Collaboration inter-institutionnelles DRAC-Régions.

    - Collaboration interrégionale, soit entre les DRAC, plus encore entre les Régions.

    - Collaboration transfrontalière et transnationale, particulièrement d'un point de vue juridico-logistique, qu'il s'agisse des relations entre les différents interlocuteurs selon leurs compétences propres, ou du choix d'une (de) structure(s) porteuse(s) de projets apte(s) à recevoir des financements multilatéraux.

    b. Action régionale et para-régionale

    § L'Association de coopération interrégionale - Les Chemins de Compostelle

    Cette association a été fondée en 1990 par les Régions Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon et Aquitaine, suivant une "volonté de mise en oeuvre d'actions communes et concertées entre les Régions du Grand Sud" (entretien Mme A. Mayol). Les missions de l'association se déclinent selon trois axes : mise en valeur touristique dans une optique de tourisme culturel, action culturelle et pédagogique, coordination et relais des institutions locales.

    D'après Antoinette Mayol, directeur de l'association, celle-ci est considérée par le Conseil de l'Europe - qui fait figurer les chemins de Compostelle parmi les Itinéraires culturels européens - comme tête de réseau française des "associations jacquaires"67(*) qui sont extrêmement nombreuses en France comme à l'étranger. L'association se positionne comme un centre de ressources - pour la formation et l'information -, comme un "laboratoire pour l'innovation et la réflexion" et comme relais européen.

    L'association développe son action autour du thème de "l'itinérance au long cours", considérée comme "une soupape de sécurité face à "l'enclosure" urbaine". En effet, selon une étude menée par la Fédération espagnole des pèlerins à pied, sur 166 239 cheminants en 1999, 80,5% proviennent du milieu urbain. Ainsi les chemins de Compostelle apparaissent comme un "non-lieu", espace de liberté, "chemins du contre-pouvoir nécessaire à toute démocratie" (entretien Mme. A. Mayol).

    La thématique des chemins de Compostelle est appréhendée à l'échelle interrégionale, transnationale et interculturelle, comme on peut le voir à travers les travaux réalisés ou en projets :

    - Mise en valeur - balisage, aménagement de l'hébergement, etc. - des Voies du Sud par le chemin d'Arles-Saint Gilles en collaboration avec PACA, et par les chemins transpyrénéens du Camino francés en collaboration avec des partenaires des autonomies espagnoles - Navarre et Aragon notamment.

    - Dans la continuation, projet de mise en valeur des chemins du piémont italien - Via francigena - en collaboration avec des partenaires italiens. Pour cela l'association va organiser un séminaire des Présidents des Régions françaises et italiennes concernées.

    - Mise en place d'une formation de prestataires de l'accueil - offices de tourisme, syndicats d'initiatives, établissements d'hébergement, guides, etc. - sur les Voies du Sud. Cette formation a été organisée par les trois Régions pyrénéennes via l'association et en partenariat avec le Commissariat à l'aménagement des Pyrénées de la DATAR et le GRETA du Cominges-Luchonais. Un des points-clés de cette formation a été une présentation historique et culturelle des chemins, afin de "donner une véritable dimension culturelle au tourisme" (A.Mayol). En présentant d'une part les Voies du Sud comme voies de relation entre la civilisation arabo-andalouse et la civilisation de l'Europe méridionale, d'autre part les apports réciproques entre ces cultures, Mme. A. Mayol souhaite "dépasser les idées reçues contemporaines" liées à l'immigration et à la "culture des quartiers".

    - Cette intention de donner une dimension interculturelle au travail de l'association se traduit par exemple par le projet de développer des liens avec l'Itinéraire de l'Héritage al-Andalus, autre itinéraire culturel européen "parrainé" par le Conseil de l'Europe. Ainsi cela confirmerait la place et le rôle du sud-ouest français dans un axe de développement des relations culturelles entre sud-ouest européen et Maghreb, notamment avec le Maroc. Il est à noter que le projet d'Itinéraire de l'Héritage al-Andalus a reçu l'appui du Roi d'Espagne, du gouvernement autonome andalou et du ministère marocain de la Culture et de la Communication68(*).

    - L'association va participer au montage d'un projet dans le cadre du programme communautaire Culture 2000, action 3-1 b : "promouvoir et approfondir le thème des lieux de mémoire et des moments culturels et historiques partagés par les Européens". Ce projet, impliquant divers partenaires européens des milieux éducatif - enseignement général et spécialisé - et culturel - associations - vise à "établir des passerelles entre les échanges européens opérés à l'époque médiévale par la fréquentation des itinéraires des chemins de Saint Jacques de Compostelle et la construction européenne contemporaine dans le domaine de la création artistique, du patrimoine culturel et des sciences. Favoriser les échanges concrets et virtuels sur cette thématique par la création d'un site Internet".

    Ainsi, l'expérience de l'association permet de mettre en exergue certains points relatifs à la mise en oeuvre de projets :

    - L'organisation de la collaboration interrégionale française - voire internationale, est toujours très compliquée à cause du morcellement territorial qui engendre un morcellement des compétences très difficile à coordonner. De plus ce phénomène, d'après Mme. Mayol, éloigne les populations du pouvoir et renforce le décalage entre "ceux qui vivent et ceux qui font le pouvoir" - à ce sujet on peut penser au projet actuel de créer des mairies d'arrondissement à Toulouse, échelons supplémentaires de l'administration municipale. Pourtant la collaboration interrégionale a de l'avenir, surtout concernant les projets à dimension européenne et internationale : "les élus savent que c'est nécessaire et que "l'union fait la force", mais en même temps ils tiennent à conserver l'autonomie sur leur territoire".

    - Dans ces conditions le rôle de l'association est d'impulser une méthodologie commune, une sorte de "livre blanc de la collaboration interrégionale".

    Par ailleurs, l'association a été un moment pressentie pour être la structure porteuse du secrétariat permanent du Réseau des musées pyrénéens et des Itinéraires transpyrénéens du patrimoine, ce qui aurait été une première étape dans la collaboration DRAC-Régions.

    Pour raisons politiques cette idée n'a pas abouti, ce qui illustre la difficulté de la coopération entre DRAC et Régions, malgré le cadre formel du Contrat de plan Etat-Région, notamment la Convention interrégionale des Massifs69(*). Il est à noter que lors de récentes réunions entre le Commissariat à l'aménagement des Pyrénées de la DATAR et la Région Midi-Pyrénées des Commissions ont été mises en place pour l'élaboration de projets dans le cadre de cette Convention, dont une Commission chargée entre autres des affaires culturelles. Ce processus dénote tout de même une certaine lenteur administrative et une priorité donnée à la coopération culturelle toute relative.

    § Le service chargé des langue et culture régionales en Midi-Pyrénées

    La proximité interculturelle des cultures occitanes et maghrébines et la nécessité de la collaboration interrégionale70(*) ont suscité plusieurs projets de la part de ce service :

    - Un groupe de musique régionale occitane travaille avec un chanteur marocain sur un oratorio de poèmes en occitan et en arabe et prépare une tournée pour 2002, qui ira de Grenade sur Garonne à Grenade en Andalousie.

    - Des parcours architecturaux sur le thème de "L'influence d'al-Andalus dans l'architecture locale" sont organisés, notamment en faveur des jeunes des quartiers.

    - Parallèlement des conférences sont données sur le thème de l'influence arabo-andalouse sur la culture occitane.

    - La signature récente d'une convention entre Midi-Pyrénées et la Région de Marrakech laisse entrevoir des possibilités de développer un axe culturel pertinent autour des cultures régionales respectives occitane et berbère.

    - Les Régions PACA, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées et l'Autonomie de Catalogne réfléchissent à un projet commun de développement d'un Chemin de l'Art roman et de création d'une agence de voyage virtuelle. On retrouve là les préoccupations propres aux Régions en matière de relations culturelles internationales par rapport au patrimoine et au tourisme culturel.

    M. Surre-Garcia, chargé des langue et culture régionales en Midi-Pyrénées, regrette lui aussi les blocages de la collaboration interrégionale, et reconnaît que "c'est l'avenir. La formalisation est difficile. On a tous les éléments mais on tarde. Même si on retarde l'avenir en France il est incontournable".

    Concernant plus particulièrement la culture occitane il préconise une "interrégionalité active", par le repérage des structures porteuses de projets les plus efficaces dans chaque région : l'Institut occitan de Pau en Aquitaine, le Centre interrégional de développement de l'Occitan (CIRDOC) - "mémoire de l'Occitanie" - en Languedoc-Roussillon, le Centre de ressources occitan et méridional en Midi-Pyrénées, résultat d'une convention entre l'Université de Toulouse-Le Mirail, Midi-Pyrénées et le rectorat de Toulouse. Ensuite il s'agit d'associer à ce "réseau moteur" des structures relais pertinentes, telles que le Conservatoire occitan, la Maison des cultures du monde à Toulouse, les lieux d'enseignement spécialisés, etc. Ainsi peut prendre forme un réseau d'enseignement et d'action culturelle, instrument adapté à la réalisation de projets interrégionaux et internationaux "dans un esprit sud-européen".

    c. AFAA et réseau culturel français à l'étranger

    § AFAA - Pôle collectivités territoriales

    Le pôle AFAA-collectivités soutient les projets de coopération culturelle internationale des collectivités, projets auxquels des établissements du réseau culturel français à l'étranger peuvent s'associer, comme par exemple lors de la tournée de la compagnie de cirque Les Acrostiches au Maroc du 1er octobre au 31 décembre 2000, qui a donné lieu à un partenariat avec l'Ecole du cirque de Rabat, sous forme de stages. Ce projet a été soutenu par la ville de Toulouse et l'AFAA, et piloté par l'Institut français de Casablanca.

    On peut donc imaginer le développement d'un partenariat entre l'AFAA, les régions du sud-ouest français et les réseaux en Espagne, au Portugal et au Maroc.

    A l'heure actuelle seules des villes du sud-ouest ont une convention avec l'AFAA, axée sur des points précis et limités : Montpellier pour le festival Montpellier Danse, Bordeaux dans le cadre de son jumelage avec Bilbao, Biarritz concernant le Centre chorégraphique national qui inscrit dans son cahier des charges un travail interrégional sur l'arc pyrénéen. Quant à la ville de Toulouse, son partenariat avec l'AFAA n'est actuellement "pas très dynamique" selon M. Ovtchinnikoff, responsable du pôle collectivités à l'AFAA. Il souhaite à présent nouer des liens avec les Régions plutôt que les villes, car un travail à l'échelle régionale permet de prendre en compte l'ensemble des artistes travaillant sur ce territoire, ce qui offre plus de possibilités que sur un territoire municipal. Actuellement l'AFAA négocie la signature d'une convention avec la région Aquitaine. Par ailleurs, le Service culturel de l'Ambassade de France en Espagne semble vouloir développer des liens privilégiés avec le sud-ouest français, en travaillant par exemple avec le Centre dramatique national de Toulouse (TNT).

    De plus, les objectifs actuels du pôle AFAA-collectivités peuvent favoriser le développement des relations culturelles au sud-ouest de l'Europe : il s'agit d'une part de signer des conventions avec des collectivités étrangères, en concertation avec le réseau culturel concerné, d'autre part de multiplier les financements multiples entre DRAC, AFAA et collectivités, comme cela est par exemple le cas entre la région PACA, la DRAC PACA et l'AFAA, pour une diffusion théâtrale à Lisbonne.

    Même si on ne peut pas parler de relations très structurées entre l'AFAA, les collectivités du sud-ouest français et le réseau culturel français au sud-ouest de l'Europe, toutes les possibilités existent pour développer de telles relations.

    § Le réseau culturel au Maroc71(*)

    Comme on l'a vu, le poste de coopération et d'action culturelle français au Maroc est un des plus importants du réseau diplomatique.

    D'après M. Deschamps, conseiller de Coopération et d'Action culturelle adjoint chargé de la Coopération culturelle et artistique, ancien DRAC Midi-Pyrénées, il y a au Maroc une très forte demande en ingénierie culturelle, gestion d'établissements, montage de projets, etc. Le savoir-faire français en la matière est fort de près de quarante années d'expérience.

    Lors de séances de formation des fonctionnaires marocains de l'Institut supérieur d'art dramatique, M. Deschamps a fait intervenir des professionnels du sud-ouest français - Théâtre Garonne de Toulouse, Le Parvis de Tarbes. Il reconnaît qu'en étant originaires de cette région "on les imagine plus proches des problématiques du Sud. Ils sont du Sud du Nord, ici c'est le Nord du Sud, c'est là où les écarts sont les moins importants". Il réaffirme ainsi les affinités culturelles qui, doublées d'une proximité géographique, peuvent favoriser le développement des relations internationales au sud-ouest de l'Europe.

    Concernant les collaborations multilatérales, il ne semble pas y avoir au Maroc actuellement de véritable dynamique franco-hispano-portugaise. D'une part la culture ne semble pas être une priorité pour l'Ambassade du Portugal, d'autre part il y a peu de rencontres informelles entre responsables des réseaux culturels, ce qui pourtant favoriserait la mise en oeuvre de projets communs. A ce propos M. Deschamps évoque l'habitude qu'il avait prise, lorsqu'il travaillait pour le réseau culturel en Allemagne, de retrouver ses homologues européens pour des déjeuners hebdomadaires.

    Actuellement il a l'intention d'organiser, avec ses collègues italiens, espagnols et portugais, une "journée-exposition porte ouverte" commune. C'est-à-dire que chacun d'eux invite un artiste marocain à exposer chez lui et ouvre sa maison aux visiteurs pendant une journée, afin que ces derniers puissent, le long de ce circuit, découvrir les oeuvres et rencontrer les artistes. Cela permet de poser un regard sur la culture d'accueil et permet de dépasser les strictes actions de diffusion, ouverture nécessaire à un développement équilibré des relations culturelles. Cette initiative montre que la mise en oeuvre de projets peut se faire de manière relativement informelle, ce qui représente "la force et la faiblesse du système culturel". On peut penser que de telles initiatives devraient sortir du cadre quasi-privé pour avoir lieu dans les Instituts ou autres lieux d'exposition ouverts au grand public.

    Par ailleurs ce type de projet confirme le poids croissant que la société civile est amenée à jouer dans le développement des relations culturelles. Néanmoins, et alors que le réseau culturel français travaille beaucoup avec des associations - comme par exemple l'Association échanges interculturels pour l'organisation d'un colloque international sur le thème "Patrimoine et échanges" (Le Matin du Sahara et du Maghreb, 27 octobre 2000)- cette émergence de la société civile au Maroc est "encore en devenir et il convient de rester vigilant quant aux raisons sociales des ONG et associations".

    Concernant la coopération multilatérale il faut aussi signaler l'action de la Délégation de la Commission européenne au Maroc au titre des activités culturelles locales du programme communautaire MEDA. La Délégation organise chaque année, en coopération avec les réseaux culturels européens locaux, le festival Jazz aux Oudayas, dont l'Institut français de Rabat assure le suivi logistique en tant que prestataire de services, ainsi que la Semaine du film européen. Par ailleurs la Délégation va soutenir la construction au Maroc d'un réseau de vingt cinq "Maisons de la Culture". Sur ce projet le Service de coopération et d'action culturelle de l'Ambassade de France au Maroc a déjà organisé, en partenariat avec ses homologues belge et allemand, des séminaires de présentation par des professionnels de leur expérience nationale respective de Maisons de la culture, à l'attention des responsables marocains chargés de ce projet, afin qu'ils puissent juger les différentes formules, éviter les erreurs commises et "trouver leur équation".

    Ce projet est d'autant plus intéressant qu'il s'inscrit dans une tendance à la décentralisation culturelle au Maroc. Selon M. Achaâri, ministre marocain de la Culture et de la Communication, l'Espagne est "un exemple réussi d'intégration régionale", ce qui permet "la diffusion du patrimoine et de la culture dans la vie des régions". Il souhaite lui-même procéder au renforcement de la régionalisation culturelle , en terme de déconcentration - mise en place de Directions régionales de la Culture -, de décentralisation - création de Conseils régionaux de la Culture - et d'aménagement culturel du territoire - construction du réseau des Maisons de la Culture72(*). Ce processus de régionalisation culturelle renvoie au développement, de part et d'autre de la Méditerranée, de la coopération décentralisée, amenant les régions à devenir des acteurs de moins en moins négligeables des relations culturelles. C'est par exemple la région Nord du Maroc et PACA, Midi-Pyrénées et la région de Marrakech, qui nouent des liens et entrevoient des solidarités accrues. Même si la dimension culturelle de ces projets de coopération est encore mineure - il est prévu de jouer aux quilles lors de la visite de la délégation régionale Midi-Pyrénées dans la région de Marrakech cet été...- et semble rester un produit d'accompagnement d'une démarche économique - voire politique -, elle est inévitable, et ce d'autant plus que les services culturels décentralisés et déconcentrés sont en passe de trouver des homologues marocains, pour une harmonisation des relations.

    Néanmoins, pour reprendre l'exemple français, la coopération décentralisée semble à l'heure actuelle, malgré ses bonnes intentions, mal s'articuler avec la politique gouvernementale et "les gens sont envoyés avant qu'il y ait un vrai projet" (entretien M. Deschamps). "Les contradictions réelles entre coopération décentralisée et diplomatie culturelle sont un autre aspect des ajustements rendus nécessaires par l'essor des réseaux de villes et de régions" (Perret & Saez, 1996, 124). On en revient à la difficulté d'organiser un partenariat entre Etat et collectivités, entre services déconcentrés et services décentralisés. "L'entrée des collectivités territoriales sur la scène des échanges culturels internationaux pose de manière nouvelle le problème du partenariat" (id.).

    A ce propos la signature récente d'un accord de coopération entre la Région Midi-Pyrénées et la Région de Marrakech, déjà évoquée, peut permettre d'illustrer les possibilités "d'ajustement" entre coopération décentralisée et diplomatie culturelle. M. Vincent Mellili, directeur de l'Institut français de Marrakech, tient à souligner le rôle actif que l'Institut est prêt jouer dans cette coopération décentralisée au niveau culturel. Par son expertise du "terrain" local, l'Institut est à même de dresser un état des besoins en terme de développement culturel, de promouvoir des projets auprès du milieu culturel et artistique, d'aider et d'orienter dans la formation de partenariats, etc.

    Ainsi le développement de l'axe Midi-Pyrénées-Région de Marrakech peut permettre d'expérimenter et de mettre en oeuvre de nouvelles formes de partenariat entre Etat et collectivités dans un contexte international, même si le volet culturel de ce partenariat n'est à l'heure actuelle qu'en phase de (pré)conception, la coopération concernant en premier lieu des aspects industriels et commerciaux - agroalimentaire, etc.

    d. Autres projets "régionaux"

    Il convient également de prendre en compte "la grande ruée intellectuelle et artistique vers la coopération culturelle méditerranéenne" (Tlili, 1997, 136) qui s'est accrue depuis à peu près vingt ans73(*).

    On peut citer pour exemple de projets : le Festival du Film méditerranéen de Montpellier, le programme communautaire MEDA, la Mostra du cinéma méditerranéen de Valence, l'action de l'Institut catalan de la Méditerranée et du Centre Nord-Sud du Conseil de l'Europe à Lisbonne, d'Interarts (Barcelone), de la Fondation René Seydoux et de la Fondation européenne de la Culture- avec par exemple le fonds de mobilité Roberto Cimetta -, etc.

    Considérant que le processus de Barcelone est un soutien supplémentaire à cette coopération et que "le mot "partenariat" est devenu incontournable" (Tlili, 1997, 137), il est possible de trouver parmi ces multiples projets et initiatives des structures charnières ou des relais sur lesquels le développement des relations culturelles au sud-ouest de l'Europe peut s'appuyer.

    2. Perspectives de mise en oeuvre

    Les projets présentés en partie précédente montrent que, en dépit des différentes et nombreuses initiatives en cours et en dessein, les relations culturelles au sud-ouest de l'Europe ne sont pas aussi intenses et structurées que dans d'autres zones transfrontalières comme au Nord et à l'Est de la France par exemple, où l'on constate respectivement "le développement en réseau d'une eurorégion anglo-franco-belge" (Leclerc et alii, 1996, 69) et "la vitalité des coopérations avec les entités étrangères voisines : Saar-Lor Lux, Rhin supérieur, Communauté de travail du Jura "(id., 71).

    Pourtant, comme on a pu le voir précédemment, le développement des relations culturelles au sud-ouest de l'Europe présente un réel intérêt par rapport à des problématiques contemporaines de fond - régionalisation, construction européenne, projet euro-méditerranéen, relations Nord-Sud -, à condition que ces relations soient structurées afin de durer.

    La mise en oeuvre de projets concrets, structuration de base des relations, renvoie à une notion-clé, le partenariat, considéré comme bilatéral et multilatéral à la fois.

    "Le partenariat est devenu la règle en matière culturelle" (Thuriot, 1999, 258).

    § Le partenariat bilatéral est à prendre au sens "générique", c'est-à-dire qu'il ne renvoie pas à des relations spécifiques entre deux pays, mais qu'il s'agit plutôt du partenariat entre institutions et société civile qui doit sous-tendre les relations culturelles dans leur ensemble, chacun des deux partenaires étant un acteur indispensable de ces relations. D'une part les institutions sont indispensables en terme d'encadrement et de financement, d'autre part la voix de la société civile garantit des projets créatifs, pertinents par rapport à un "terrain" culturel donné, adaptés aux évolutions sociales et démocratiques. Aujourd'hui les acteurs de la coopération non-gouvernementale "ne sont plus ressentis comme mendiants ou quémandeurs face aux institutions, mais comme des partenaires" (Institutions territoriales et réseaux culturels européens. Actes du colloque., 1998, 52). Les ONG peuvent non seulement agir en maître d'ouvrage des projets conçus ou initiés par des institutions, en y apportant une "interprétation originale, signe de leur autonomie" (Dialogue culturel Nord-Sud et collectivités territoriales. Actes du colloque., 1992, Postface, 65), mais encore proposer elles-mêmes des projets à réaliser en collaboration avec les institutions.

    Ceci peut paraître une évidence maintes fois répétées, mais le développement des relations culturelles au sud-ouest de l'Europe ne peut se faire que dans le cadre d'un partenariat bilatéral "global" institutions-société civile.

    § Le partenariat multilatéral renvoie au contexte géopolitique et institutionnel du sud-ouest de l'Europe, où l'on trouve plusieurs types de structures ayant chacune son rôle et ses compétences propres, différents d'un pays à l'autre, parfois d'une région à l'autre dans le cas des autonomies espagnoles. D'après M. Vincent Melili, directeur de l'Institut français de Marrakech, la coopération décentralisée donne lieu à "une multitude de possibilités et de partenariats".

    Dans ce contexte que l'on peut qualifier de "post-structuraliste", par analogie avec le texte "étoilé" en "lexies" se répondant les unes aux autres, le partenariat multilatéral peut permettre de coordonner les actions tout en gardant une envergure et une visibilité sur l'ensemble de la région sud-ouest de l'Europe. Le partenariat multilatéral peut prendre différentes formes selon les différents acteurs culturels impliqués :

    - Au niveau du sud-ouest français un partenariat à l'échelle interrégionale permettrait de franchir un grand pas, en impliquant DRAC et Régions voisines dans un (des) projet(s) commun(s) à l'international. Il est aussi envisageable d'associer d'autres structures aux relations culturelles, comme par exemple les délégations académiques aux Relations internationales et à la Coopération des Rectorats (D.A.R.I.C.) ou les services chargés des relations internationales des universités, notamment au travers de conventions de partenariat pour le renforcement de l'action culturelle éducative européenne et internationale.

    - Dans un deuxième temps il est possible pour les DRAC du sud-ouest de s'associer au réseau culturel français à l'étranger - en l'occurrence Espagne, Portugal et Maroc - par la signature de protocoles d'accord, comme cela a été le cas entre la DRAC Midi-Pyrénées et l'Institut français de Valence en 199574(*), pour la mise en commun des logistiques, l'échange d'information sur la scène artistique, etc. Cela apporte aux DRAC une ouverture internationale de premier plan à travers des "lieux de convergence" (Dialogue culturel Nord-Sud[...], 1992, Postface, 62) et peut permettre au réseau culturel de "trouver les conditions d'une nouvelle légitimité [par] sa capacité à devenir partenaire" (Roche, 1998, 88). Dans le même ordre d'idée on peut penser à l'établissement de conventions entre l'AFAA-Pôle Collectivités territoriales, et des collectivités espagnoles, portugaises et marocaines, sachant que l'AFAA souhaite développer des partenariats dans ce sens et compte signer d'ici peu une convention avec la ville de Genève75(*).

    - Un autre partenariat structurant et "légitimant" est celui qui peut s'établir entre les réseaux culturels français, espagnol et portugais au sud-ouest de l'Europe et ainsi créer une véritable synergie au niveau des relations culturelles entre ces pays, en sachant que chaque réseau est un partenaire potentiel des structures culturelles locales - institutions et ONG -, comme par exemple l'Institut français de Rabat avec le ministère marocain de la Culture et de la Communication, l'Institut Cervantès de Toulouse avec la DRAC et la Région Midi-Pyrénées - à noter que L'Institut Cervantès de Toulouse est membre de l'Association de coopération interrégionale-Les Chemins de Compostelle - , ou encore l'Institut français de Séville avec le service culturel de l'autonomie d'Andalousie, etc76(*).

    - Le partenariat décentralisé - au sens restrictif - entre collectivités peut également contribuer au développement des relations culturelles, comme par exemple l'Eurorégion Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon, Catalogne - qu'il faudrait "réactiver" -, les conventions de coopération entre régions espagnoles - Valence, Andalousie - ou française - PACA - et la région Nord du Maroc, ou encore entre Midi-Pyrénées et la région de Marrakech.

    - Enfin, les institutions communautaires, notamment la délégation de la Commission européenne au Maroc, et internationales - UNESCO, Conseil de l'Europe - peuvent apporter leur soutien - surtout moral - et être des appuis nécessaires au développement des relations culturelles. On peut penser par exemple à l'action de l'Association de coopération interrégionale-Les Chemins de Compostelle auprès de l'UNESCO pour l'inscription des Chemins de Compostelle au Patrimoine Mondial en 1998.

    D'après R. Weber du Conseil de l'Europe "les structures du Conseil de l'Europe permettent une coopération efficace entre décideurs politiques, experts gouvernementaux, parlementaires, élus locaux et régionaux, organisations et associations non-gouvernementales, universitaires, enseignants, artistes et chercheurs" (Weber in Saez, 1995, 88).

    "L'Union européenne, le Conseil de l'Europe et l'UNESCO sont des partenaires pour les Etats, pour les grandes institutions mais aussi pour les acteurs de terrain dans la définition de valeurs et de grands principes qui sous-tendent la culture européenne conçue comme un cadre respectueux des diversités culturelles et des identités nationales[...], [cependant] ces organisations internationales sont relativement impuissantes face à la concurrence culturelle des systèmes internationaux de communication de masse qui fonctionnent sur d'autres finalités (économiques surtout), d'autres règles du jeu (la concurrence, d'autres cibles (l'individu d'abord), d'autres logiques de transmission privilégiant des messages simples" (id., 122, 123).

    De cette façon on voit que, même s'ils peuvent compter sur l'appui des institutions intergouvernementales, les acteurs "régionaux" - collectivités et services déconcentrés, réseaux culturels à l'étranger - restent les mieux à même, étant des acteurs du "terrain", d'instaurer des relations culturelles fructueuses et viables au sud-ouest de l'Europe.

    Les différents partenariats envisagés montrent que le développement des relations culturelles peut bénéficier d'un "effet d'enchaînement" amenant à un partenariat multilatéral d'ensemble à l'échelle du sud-ouest de l'Europe.

    Par exemple une DRAC peut, en s'associant avec une Région, s'inscrire dans le partenariat qu'a engagé celle-ci avec une Région marocaine. Inversement la Région pourra participer, via la DRAC, au partenariat entre cette dernière et un établissement du réseau culturel français au Portugal. Par ailleurs, l'Institut Cervantès à Rabat pourrait, via ses homologues à Lisbonne et Toulouse, s'inscrire à son tour dans ce partenariat.

    On pourrait multiplier les conjectures et exemples de ce type, dont la crédibilité est renforcée par les facilités de communication induites par les NTIC et le développement du travail "en réseau".

    Cet "effet d'enchaînement" renvoie à la notion "d'interdépendance généralisée" entre acteurs institutionnels (Pongy & Saez, 1994, 292) et amène à constater que le partenariat multilatéral est loin d'être effectivement réalisé. En effet si l'interdépendance généralisée amène des modes de coopération divers - contractualisation, développement des lieux de concertation et des instances d'harmonisation des politiques - elle se manifeste aussi par "le développement des compétences concurrentes et "met en évidence l'équilibre instable sur lequel reposent les relations entre acteurs institutionnels de niveau différent" (id.).

    D'après les exemples de projets et d'initiatives présentés en partie précédente il apparaît que "l'équilibre instable" évoqué ci-dessus est dû en grande partie à des relations interpersonnelles plutôt qu'à des contraintes juridiques qu'il est de plus en plus possible de surpasser - le principal problème étant généralement de trouver une structure porteuse de projets, fiable et apte à recevoir des financements multilatéraux et internationaux.

    Ainsi l'émergence de partenariats pour la mise en oeuvre de projets dépend surtout des volontés politiques - comme pour l'Eurorégion dont il a été question plus haut - et personnelles - comme par exemple la volonté de directeurs d'Instituts culturels de travailler ensemble -, d'autant plus que le partenariat multilatéral, tel qu'envisagé dans ce mémoire, suppose un certain changement des habitudes de travail. Au désenclavement des cultures induit par les relations internationales correspond le décloisonnement des modes de mise en oeuvre des projets - ne pourrait-on pas parler de désenclavement des cultures de travail ?

    Concernant ne serait-ce que le partenariat Etat-collectivités, n'est-il pas toujours d'actualité de le considérer comme "un partenariat à inventer" (Dialogue culturel Nord-Sud[...], 1992, Postface, 92), alors même que "la coopération culturelle décentralisée trouvera ses meilleures chances dans un partenariat entre Etat et collectivités territoriales" (id.) ? Plus récemment, un professionnel de la culture interrogé sur le sujet a estimé, d'après son expérience en DRAC, que l'Etat et les collectivités sont "presque toujours en positions de rivalité, voire d'hostilité". Malgré le rapprochement Etats-Régions à travers les contrats de Plan, l'élaboration de Schémas interrégionaux des services collectifs77(*), cette configuration est loin d'être effective. D'une part des tensions subsistent entre services centraux et décentralisés - "si l'état nation a déjà du mal à assumer la décentralisation à l'intérieur de son territoire, il a encore plus de mal à concevoir l'interrégionalité et a fortiori quand elle s'exprime de manière transfrontalière" (id.) -, d'autre part la collaboration entre structures homologues et voisines ne va sa toujours de soi, chacun travaillant sur son territoire et dans son intérêt propre. On parle alors de "politiques individualistes et compétitives[...]. Les relations Etats-collectivités peuvent parfois poser des problèmes politiques aigus. Deux cas se présentent : la position autonome et l'antagonisme politique" (Roche, 1998, 75).

    La collaboration interrégionale française semble donc difficile à mettre en place malgré tout l'intérêt que chaque partenaire pourrait en tirer, surtout au travers des relations culturelles internationales. Ainsi M. Guigou constate en 1999 :

    "Le chemin est long entre la théorie et la pratique. Alors que [...]la coopération transnationale au sein de l'Union européenne ne cesse de s'enrichir, l'interrégionalité en France n'a pas débordé le cénacle des initiés[...]. Réticences des uns [les élus], prudence des autres[l'Etat][...]. Du côté des exécutifs régionaux, la mobilisation interrégionale est faible" (Guigou, 1999, 10).

    Pourtant la collaboration interrégionale n'est que le premier pas vers un véritable "espace unique d'intégration interrégionale" (Leclerc et alii, 1996, 20), qu'il serait temps de franchir.

    "Pourquoi les régions - dépassant le stade primaire de la coopération interrégionale à géométrie variable - ne coopéreraient-elles pas entre elles d'une façon pérenne pour concevoir et mettre en oeuvre des projets de grande ampleur ? " (Guigou, 1999, 4).

    Plus qu'une impulsion centrale, peut-être une décentralisation administrative plus poussée est nécessaire pour cela : "Les collectivités devraient pouvoir s'associer et créer les outils juridiques qui leur sont nécessaires sous contrôle a priori et autorisation de l'Etat, sauf si celui-ci est également partie prenante, par simples délibérations concordantes dans leurs assemblées respectives" (Thuriot, 1999,240).

    Naturellement de tels obstacles se retouvent en dehors du cadre français, lorsque par exemple des responsables culturels d'une autonomie espagnole rechignent à traiter avec des agents d'une DRAC sous prétexte que ceux-ci sont des représentants d'un pouvoir central. Dans ce cas-là si les DRAC ne s'associant pas avec les services culturels de la région, comment effectuer la médiation ? On rencontre les mêmes obstacles dans les difficultés à rapprocher et coordonner les coopérations bilatérales et la coopération extérieure menée par l'Union européenne (cf. partie A. chapitre III), ou encore dans la quasi-absence de coordination des politiques culturelles régionales en Espagne (in Pôle Sud n°10, 1999, 71).

    Il y a bien lieu ici de parler de limites dues à des rigidités mentales et administratives.

    Ce constat met en évidence le rôle essentiel que la société civile est appelée à tenir.

    M. Moulinier estime qu'il convient de "donner toute se force [à] la décentralisation civique [pour] approfondir la démocratisation culturelle" (Moulinier, 1995, 277). Quant à Guy Raffi il constate que "dans la plupart des domaines[...]l'activité associative précède l'action publique qui vient plus tard prendre le relais et donner aux associations les moyens de leur développement" (Thuriot, 1999, 282). On peut également penser qu'un "recentrage" des affaires culturelles au coeur de la société civile permettrait de tempérer les excès de la "technocratisation" à outrance du culturel, phénomène grandement critiqué et déploré, comme le font par exemple M. Marc Fumaroli dans L'Etat culturel, ou encore MM. Jean Molino et Alexis Tadié dans Esprit (cf. Bibliographie).

    Les associations et autres ONG à caractère culturel, lieux de recherche, de réflexion et d'innovation, peuvent trouver les moyens, notamment en s'associant en réseaux et en proposant des projets, de donner aux institutions l'impulsion nécessaire au développement des relations culturelles de manière adaptée au contexte international et européen. Mais encore faut-il que ces ONG soient suffisamment autonomes par rapport au soutien institutionnel, dont elles ont néanmoins un besoin évident, afin de ne pas dépendre des blocages politiques et autres.

    Bien entendu les relations interpersonnelles sont également un facteur-clé de l'activité des ONG, dont on peut se rendre compte lorsque des associations travaillant sur le même thème - par exemple des "associations jacquaires" - refusent de collaborer ou de s'associer en réseau.

    Dans le même ordre d'idée, M. Emmanuel Négrier (chercheur au CNRS, CEPEL de Montpellier I) constate à propos des échanges culturels internationaux au niveau territorial :

    "Nous retiendrons le caractère sélectif de ces pratiques d'échanges : elles fonctionnent toutes à la marge, au gré des relations personnelles et meurent le plus souvent avec elles. Elles sont peu connues, peu ou pas codifiées et apparaissent le plus souvent réservées aux acteurs dotés d'une connaissance préalable et fine des instances existantes et des opportunités disponibles. On retrouve cette caractéristique dans le domaine des politiques européennes" (Négrier in Perret & Saez , 1996, 121).

    Ainsi le milieu culturel et artistique apparaît profondément humain, ce qui lui confère un caractère fécond et indispensable mais peut contribuer à l'amoindrir et le minimiser.

    III. Nature et fondements des projets : aspects

    Les relations culturelles peuvent exercer, on l'a vu, une influence positive sur le développement général du sud-ouest de l'Europe. Pour cela on peut penser que la mise en oeuvre de projets doit obéir à une certaine éthique, à un certain "cahier des charges".

    1. Buts

    § Tout d'abord il s'agit d'éviter toute récupération excessive des projets par les sphères politiques et médiatiques. Bien entendu l'appui politique est indispensable au même titre que la médiatisation des projets, mais la finalité des relations culturelles n'est pas une action "de surface".

    L'instrumentalisation et la "technocratisation" de la culture sont des risques assez connus et décriés - "Qu'advient-il de l'art quand il se dissout dans la culture, sous ses deux visages de la marchandisation et de l'intervention publique ?"78(*) - pour faire en sorte d'essayer de trouver, autant que possible, un compromis entre le projet, la dimension politique et la communication.

    § Le bien-fondé du développement des relations culturelles au sud-ouest de l'Europe implique des relations pérennes, inscrites dans la durée, ce qui est potentiellement réalisable compte-tenu des implications et des intérêts respectifs que l'on rencontre dans la région. Ainsi les projets mis en oeuvre doivent contribuer à instaurer des relations durables et profondes, ce qui peut-être considéré comme une garantie de sérieux et d'engagement et peut du même coup valoriser ces projets - aux yeux des financeurs, publics, médias, etc.

    § L'aspect "décentralisé" des relations culturelles dans une telle région ne fait aucun doute, et les projets doivent correspondre à ce critère de réalisation, qui concerne deux points:

    - D'une part l'implication active des collectivités territoriales, notamment du côté français - seulement une partie du territoire national est plus directement concernée par ces relations -, sans oublier que l'Espagne est le pays des autonomies et que le Maroc aspire à une régionalisation de l'administration culturelle.

    - D'autre part l'implication de la société civile à travers la coopération non-gouvernementale apparaît comme une clé du développement durable et efficace des relations culturelles.

    § La dimension interculturelle et tout ce qu'elle implique - en terme d'action socioculturelle, de politiques de traduction, etc. - est indispensable, car elle donne tout leur sens aux relations. La constance de la dimension interculturelle dans les relations peut permettre d'éviter un "interculturalisme à géométrie variable" (Négrier in Perret & Saez, 1996, 124) et participe de la pérennité de ces relations.

    2. Nature

    § Il serait intéressant de trouver un équilibre entre des projets événementiels et des projets "de fond".

    - Les projets événementiels, "de grande envergure", comme présentés par le DAI ou le programme communautaire Culture 2000, permettent d'acquérir rapidement une large visibilité et satisfont aux exigences médiatiques de la sphère politique et institutionnelle. Il peut s'agir par exemple d'une participation active et conjointe à une manifestation telle que les capitales européennes de la culture, notamment lorsqu'il s'agit d'une ville du sud-ouest de l'Europe, comme c'est la cas avec Porto en 2001. Ces projets dynamisent en quelque sorte les relations en même temps qu'ils peuvent sensibiliser et rassembler un large public pour un premier contact.

    - Les projets "de fond" impliquent un travail de proximité, une inscription dans la durée, donnent du corps aux relations dont ils constituent une base solide. Ces projets permettent de ne pas se limiter à l'éphémère et au superficiel.

    § Des projets mobilisateurs-fédérateurs permettent d'impliquer un large public, sans toutefois pallier à l'exigence de qualité. Ils permettent également de susciter les échanges et la mobilité, qu'il s'agisse de personnes, d'oeuvres, d'idées, etc. De plus, soutenir et développer des "projets communs et mobilisateurs" est également "un moyen d'encourager la coopération interrégionale" (Leclerc et alii, 1996, 46).

    § L'aspect transversal des projets ne peut qu'être un avantage pour le développement des relations et correspond à une tendance actuelle. Si l'approche transversale fait défaut, "il en résulte que le spécialiste l'emporte sur le généraliste, le corporatisme sur le localisme, le contenu sur la démarche, les acteurs sur les publics, etc." (Moulinier, 1995, 245). On peut penser par exemple à des projets s'inscrivant dans des programmes éducatifs ou de formation (cf. Latarjet, 1992, 27), dans des politiques de co-développement économique et social, dans des politiques touristiques - en évitant bien sûr les dérives et excès du "tourisme culturel" -, dans des programmes de recherche, etc. Le partenariat entre éducation et culture apparaît primordial aujourd'hui que, "l'école a compris que la culture est un très bon média pédagogique", pour reprendre les mots de M. Vincent Melili. Par ailleurs, l'éducation ne doit-elle pas aujourd'hui être considérée comme une exception culturelle, alors qu'elle est de plus en plus soumise à une logique de marché, notamment l'enseignement supérieur ?79(*)

    L'aspect transversal peut aussi se traduire par le fait que des services publics organisent et/ou encadrent des projets concernant des cultures ethniques, communautaires, ce qui apparaît comme un compromis pertinent entre particularisme et universalisme80(*).

    3. Thèmes

    Enfin on peut penser, sans aucune exhaustivité, à quelques thèmes généraux autour desquels pourraient se développer les relations culturelles au sud-ouest de l'Europe :

    § La (les) culture(s) méditerranéenne(s) comme contre exemple(s) de la culture "mondialisante" nord-atlantique,

    "Culturellement, la communauté euratlantique signifie la suprématie de l'occidentalisme, [lequel] s'affirme comme l'Utopie achevée de l'homme de la consommation[...]Images sans traces qui renforcent leur emprise sur les esprits et qui, grâce au jeu du libre échange, sont d'ores et déjà devenues le quasi monopole des sociétés de production américaines" (Balta, 1993, 146).

    Crédibilité, enjeux et perspectives.

    § L'ouverture atlantique "alternative" du sud-ouest de l'Europe : vers les cultures sub-sahariennes via le sud marocain et latino américaines via la façade atlantique ibérique, développement de liens culturels concrets et privilégiés.

    § Le pluralisme culturel comme caractéristique des cultures méditerranéennes et européennes : exemples historiques et contemporains au sud-ouest de l'Europe.

    De tels projets pourraient être montés en partenariat avec des classes d'Histoire, des associations de quartiers, des sites patrimoniaux et musées, etc.

    "La Méditerranée[...]demeure un ensemble à la diversité culturelle problématique. C'est dire que, pour fondées qu'elles soient, les actions mises sur les rails seraient insuffisantes si elles ne s'accompagnaient pas d'une réflexion et d'une action touchant au coeur des relations interculturelles" (Bistolfi, 1997, 125).

    Le pluralisme culturel n'est-il pas également un "facteur de rapprochement et de dialogue en Méditerranée" (Hadhri, 1997, 99-100) ?

    § Culture, sciences humaines, humanités et culture scientifique et technique : correspondances et interactions.

    On peut penser aux idées développées à ce sujet par Marc Fumaroli dans ses écrits et reprises lors d'une conférence sur le thème "Les humanités ou la critique de la spécialisation", donnée le 15 novembre 2000 au Collège de France dans le cadre de l'Université de tous les savoirs, organisée par la Mission 2000 en France. Marc Fumaroli constate le discrédit jeté sur les sciences humaines, par leur trop forte prétention à être une science exacte, alors même qu'elles se posaient en "guides crédibles et sûrs de ce qui convient à l'homme concret" ("Les humanités sont la mémoire vivante du passé" in Le Monde, 21 novembre 2000). L'avenir pour les sciences humaines ne serait-il pas d'échapper à "une envahissante technosphère" (id.) afin de revenir à leurs sources proprement humaines, par "un programme d'éducation qui achemine à l'humanité par l'étude des langues et des textes classiques, et une culture générale qui aiguise et favorise le discernement de l'humain tout au long de la vie" (id.) ? "Si les sciences peuvent nous aider à réparer avec prudence ce que l'imprudence a ruiné, elles sont incapables de nous dire où passe la frontière du licite et de l'illicite, du meilleur et du pire, de l'humain et de l'inhumain" (id.). Par ailleurs, l'approche humaniste n'est-elle pas indispensable à toute approche scientifique, et vice versa ? La réalisation des projets autour de ce thème est d'autant plus pertinente que le "patrimoine" intellectuel et artistique méditerranéen est une contribution essentielle à la fois aux sciences et aux humanités.

    § Médias, réseaux audiovisuels et Nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC), représentation et réception de l'image et politique éducative.

    Cette "éducation à l'image" apparaît primordiale eu égard aux défis culturels posés par les technologies de communication moderne, afin de savoir prendre du recul par rapport aux images véhiculées par les médias de masse et apprendre à utiliser ces médias au service d'une communication interculturelle. Ceci est particulièrement vrai pour la région méditerranéenne, à laquelle le sud-ouest de l'Europe est pleinement intégré.

    "L'un des objectifs à atteindre serait précisément de parvenir à une meilleure perception de l'autre, à un dialogue plus sincère et plus franc, afin de dissiper les malentendus, apaiser les passions[...]L'évolution de la technologie de télécommunications spatiales vers les réseaux de diffusion directe représente une donnée fondamentale, capable de rendre des services importants à l'ensemble des pays méditerranéens, tout autant qu'elle peut engendrer des situations dangereuses pour les pays en voie de développement dont les valeurs culturelles et les identités nationales peuvent être sérieusement menacées par les images et les messages venus du Nord via les satellites de diffusion directe" (Hadhri, 1997, 101-102).

    D'après M. Khachani, membre du comité Averroès81(*), "l'audiovisuel peut jouer un grand rôle dans le rapprochement entre les peuples" (entretien).

    "Les images sont omniprésentes, et, parce que la majorité ne sait pas les lire, elles sont devenues un énorme enjeu de pouvoir pour ceux qui sauront en contrôler la production et la distribution. L'apparition du virtuel décuple les possibilités de manipulation. Comment savoir s'il s'agit "juste d'une image" et non d'une "image juste" ? " (Caujolle in Manière de voir, Le Monde diplomatique, mai-juin 2001).

    Les projets développés autour de ce thème pourraient par exemple impliquer des artistes utilisant ces nouveaux médias, qui livreraient, en collaboration avec des chercheurs spécialisées, leur vision de cette révolution technologique et les moyens de l'appréhender.

    Conclusion

    Du sud-ouest de l'Europe aux cultures du monde

    "A l'heure où les relations internationales sont soumises à de nouvelles contraintes mais bénéficient de moyens inédits, les relations culturelles extérieures constituent plus que jamais un mode d'expression et un moyen d'influence internationale essentiels" (Raymond, 2000, 126).

    La proximité géographique entre plusieurs pays, leur ayant permis de développer des liens au cours de l'histoire, les appellent aujourd'hui à s'unir afin de participer à un projet économique et politique commun, tels que l'Union européenne ou le partenariat euro-méditerranéen. Ces projets, qui prennent corps au travers des relations internationales entre ces pays, ne peuvent aboutir sans la prise en compte de la dimension (géo)culturelle qui leur est liée. Cette dimension apparaît, par le respect des expressions culturelles dans leur diversité, l'encouragement à la création littéraire et artistique, la parole donnée à la société civile, comme la valeur ajoutée indispensable à la bonne marche générale des projets.

    La situation géopolitique du sud-ouest de l'Europe en fait une zone de croisement et d'ouverture qui ne peut que se prévaloir de son "visage" culturel vis-à-vis de l'Europe et du monde, et ce en dépit de son éloignement par rapport aux centres économiques et financiers européens les plus dynamiques, éloignement qui reste relatif eu égard aux potentialités de développement économique de la Méditerranée, en partie amorcé du côté des pays européens tels que l'Espagne et le Portugal.

    Ainsi, on peut se demander si les régions telles que le sud-ouest de l'Europe n'ont pas plus intérêt à valoriser leur richesse culturelle et artistique, en tant que voie vers la stabilité et l'épanouissement socio-économiques, plutôt que d'essayer de reproduire un modèle de développement uniformisé et loin d'être parfait.

    De cette façon il apparaît que les différents partenaires du sud-ouest de l'Europe ont à la fois toutes les raisons et toutes les possibilités de trouver le "point d'horizon convergent", pour reprendre l'expression de Jean Monnet, qui leur permette de se (co-)développer en phase avec à la fois le contexte "international" et leur contexte "régional".

    Ainsi, comme cette étude a tenté de le démontrer, le développement des relations culturelles au sud-ouest de l'Europe présente, à double titre, un intérêt certain.

    Tout d'abord il peut permettre à cette région de se positionner en tant que sous-ensemble dynamique et doté d'une personnalité riche de la rencontre entre plusieurs cultures, au croisement de l'Europe et de l'Afrique. Cette visibilité politique peut accompagner des stratégies de développement général, les relations culturelles permettant alors de consolider et d'accroître les liens économiques, la cohésion sociale et par conséquent la compétitivité sur la scène européenne et internationale, tout en anticipant les évolutions géostratégiques mondiales.

    Par ailleurs les relations culturelles, par leur nature, présentent un intérêt profondément humain à être développées. Bien comprises et bien appliquées elles supposent une communication et une découverte mutuelle permanentes entre les populations, depuis les artistes et organisateurs de projets jusqu'aux publics ; elles appellent l'esprit et les sens à s'éveiller et à se former à la perception et la compréhension de l'Autre. Plutôt que de promouvoir une culture commune standardisée, les relations culturelles doivent servir à approfondir la reconnaissance des spécificités de chaque culture et favoriser les synthèses créatrices.

    Pour cela les relations culturelles au sud-ouest de l'Europe nécessitent une forte structuration, notamment de la part des pouvoirs publics, afin de véritablement s'inscrire dans le long terme. Cette structuration doit s'accompagner d'une communication importante, soit de manière "verticale" et informative vers les porteurs et organisateurs de projets ainsi que les publics, soit de manière "horizontale" et fédératrice, afin de rapprocher les artistes, les professionnels de la culture et les publics.

    Etant donné la multiplicité des acteurs et des possibilités il serait pertinent que quelques relais, créés directement ou, dans un premier temps, intégrés à des structures existantes, soient spécialement chargés de coordonner et de développer ces relations sous l'égides des principales institutions et en concertation avec les acteurs de la société civile. Etant donné la configuration géopolitique du sud-ouest de l'Europe on peut penser que l'échelle interrégionale, impliquant un partenariat entre l'Etat et les collectivités, serait la plus efficace en terme de rayon d'action et de mise en oeuvre, à commencer par le sud-ouest français - on peut penser à une Maison européenne de l'Occitanie et de la Méditerranée - qui constituerait ainsi un premier exemple, à suivre.

    Par ailleurs, il est important de garder à l'esprit que le développement des relations culturelles au sud-ouest de l'Europe ne se conçoit pas de manière "ethno-centrée". Tout comme l'ouverture pyrénéenne du sud-ouest français appelle le développement des relations avec le Maroc, l'ouverture méditerranéenne du sud-ouest de l'Europe signifie d'engager des relations avec des partenaires tels que la Région PACA, l'Italie, la Grèce, etc. Ainsi le sud-ouest de l'Europe a vocation à s'inscrire activement dans la zone euro-méditerranéenne et dans l'Union européenne, en trouvant là encore un compromis entre l'échelle "sub-nationale" et l'échelle "supra-nationale", pour reprendre les termes utilisés en Introduction.

    De plus, le sud-ouest de l'Europe reste une région charnière, ouverte sur les cultures du monde : le Maroc est une voie vers les cultures africaines, expressions d'un continent clé pour la francophonie et la lusophonie, la péninsule ibérique présente des liens culturels privilégiés avec l'Amérique latine. L'orientation du sud-ouest de l'Europe vers ces cultures du Sud ne peut que représenter un avantage pour les autres pays d'Europe, tout comme il est impossible à l'Amérique du nord d'ignorer le Mexique et l'aire caraïbe.

    Ainsi, l'étude des relations culturelles extérieures du sud-ouest français en fonction de sa situation dans l'espace européen met en exergue le rôle de la culture en tant qu'accompagnement nécessaire des rapprochements politiques et/ou économiques contemporains, à condition de préserver un certain équilibre, ce qui, dans l'idéal, amène à une mondialisation "contrôlée", féconde et proprement humaine, telle que décrite par Edgar Morin :

    "La mondialisation culturelle n'est pas homogénéisante. Elle se constitue de grandes vagues transnationales qui favorisent en même temps l'expression des originalités nationales en leur sein tout en nourrissant un bouillon de culture planétaire"

    (Edgar Morin in Libération, 2 janvier 2001).

    A l'heure de l'accroissement constant des techniques et des moyens de communication et de la quasi-maîtrise de l'ubiquité, avec des conséquences indéniables sur les relations internationales, le libre échange équitable des oeuvres de l'esprit, le respect de l'exception culturelle et du temps nécessaire à toute réflexion et à toute création, apparaissent comme une condition sine qua non du bien-fondé de la transformation de l'espace mondial en grands pôles multinationaux.

    Bibliographie

    LISTE ALPHABÉTIQUE PAR AUTEUR (OUVRAGES ET ARTICLES)

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    REVUES ET PRESSE

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    Courants, lettre d'information du département des Affaires internationales du ministère de la Culture, supplément du Carnet de bord de l'AFAA, (notamment n°2-octobre 1996, n°4-avril 1997).

    Culture Europe, n°19 "Dossier : dialogue culturel euroméditerranéen" pp 1-11, septembre-octobre 1997.

    Revue de presse des principaux quotidiens et hebdomadaires marocains francophones, de septembre 2000 à mars 2001 (stage à l'Institut français de Rabat) : Al Bayane, Al Maghrib, Le Journal, Libération, Le Matin du Sahara et du Maghreb, L'Opinion.

    Presse française : Le Monde, Le Monde diplomatique, Le Nouvel Observateur.

    DIVERS

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    Fédération occitano-catalane, Eurocongrès 2000 des espaces occitans et catalans, brochure promotionnelle.

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    Instituto Cervantes de Rabat, Informe cultural, note interne, janvier 2001.

    SITES INTERNET PRINCIPAUX

    http://www.mcm.asso.fr http://www.diplomatie.gouv.fr

    http://www.europa.org http://www.culture.gouv.fr

    http://www.lacetap-pirineos.org http://www.afaa.asso.fr

    http://www.unesco.org http://www.google.fr

    ENTRETIENS

    M. Ammor (Fouad), professeur à la faculté de droit de Fès.

    Mme Bennabès (Sylvie), chargée de la Communication, Délégation de la Commission européenne au Royaume du Maroc.

    M. Deschamps (Didier), conseiller de Coopération et d'Action culturelle adjoint chargé de la Coopération culturelle et artistique, Ambassade de France au Royaume du Maroc.

    M. Khachani (Mohamed), membre du Comité Averroès Espagne-Maroc, professeur à la faculté de droit de Rabat.

    Mme Lorang (Marie-Christine), chargée de mission, département des Affaires internationales du ministère de la Culture et de la Communication, Paris.

    M. Mangin (Guy), expert auprès de la Délégation de la Commission européenne au Royaume du Maroc.

    M. Manhart (Christian), chef adjoint à la Division du patrimoine culturel, UNESCO, Paris.

    Mme Mayol (Antoinette), directrice de l'Association de coopération interrégionale. Les Chemins de Compostelle., Toulouse.

    M. Melili (Vincent), directeur de l'Institut français de Marrakech, Maroc.

    M. Ovtchinnikoff (Dimitri), responsable du Pôle AFAA-Collectivités, Paris.

    M. Reismann (Jean-Pierre), chef du département de l'Action territoriale du ministère de la Culture et de la Communication, Paris.

    M. Surre-Garcia (Alem), chargé de la Langue et de la Culture occitanes, Conseil régional Midi-Pyrénées, Toulouse.

    Mme Terrazzoni (Elena), chargée des Affaires européennes, Conseil régional Midi-Pyrénées, Toulouse.

    * 1 Pour raisons techniques les annexes ne peuvent pas figurer dans le présent document. Pour les consulter : thomas-perrin@club-internet.fr

    * 2 Cf. pp.6-8 du rapport de Maté Kovàcs Les politiques culturelles dans un monde en changement, troisième réunion (San José, Cost Rica, 22-26 février 1994) de la Commission mondiale de la Culture et du développement, Paris, UNESCO.

    * 3" La prospective est une démarche plus ou moins scientifique, mais nécessairement rigoureuse, aidant à préparer l'avenir d'une entreprise, d'un groupe, d'un pays, d'une nation." (Leclerc et alii, 1996, 47).

    * 4 Cf. Thuriot, 1999, 221.

    * 5 Cf. "L'Union, Goliath diplomatique ? ", L. Zecchini in Le Monde du 12 septembre 2000.

    * 6 Cf. Dialogue culturel Nord-Sud et collectivités territoriales. Actes., 1992, Postface, 53-57.

    * 7 J.C. Faure in Dialogue culturel Nord-Sud et collectivités territoriales. Actes., 1992, Postface, 55.

    * 8 Cf. Serge Graziani, La Communication culturelle de l'Etat, PUF, Paris, 2000.

    * 9 Cf. notamment Roussillon, 1999.

    * 10 Sur les effets positifs de la culture sur l'image d'un territoire et comme réponse à des aspirations identitaires cf. Latarjet, 1992, 24-25.

    * 11 Cf. chapitre III.3.

    * 12 Cf.www.culture.gouv.fr/culture/dai.htm

    * 13 Cf. partie A. chapitre I.

    * 14 Cf. Raymond, 2000, 97-100.

    * 15 Cf. www.afaa.asso.fr

    * 16 Cf. partie A.

    * 17 Informal European Theatre Meeting, Bruxelles.

    * 18 Pour plus d'information sur les réseaux culturels européens cf., entre autres, Autissier, 1999, 101-116,.

    * 19 Cf. carte Annexe 2.4.

    * 20 Cf. cartes Annexe 2.5.

    * 21 Pour plus de renseignements sur le cadre et l'actualité de la coopération transpyrénéenne cf. www.lacetap-pirineos.org.

    * 22 Cf. Annexe 4.1.

    * 23 Cf. Annexe 6.2.

    * 24 Cf. Annexe 6.2.

    * 25 http://www.festival-cannes.org

    * 26 Cf. tableaux en Annexe 7.

    * 27 "Riche activité culturelle. Rappeler les liens qui unissent la communauté marocaine à l'étranger à la mère-patrie" in Le Matin du Sahara et du Maghreb, septembre 2000.

    * 28 Sur les différents modes de multiculturalisme cf. Wieviorka, 1998.

    * 29 Cf. partie A. chapitre III. 3. a.

    * 30 Cf. à ce propos le film Little Sénégal, réalisé en 2000 par Rachid Bouchareb.

    * 31 Cf. Aulas, 2000, 188-190; notamment sur l'action de l'Agence pour la Promotion des Echanges Méditerranéens (APEM), module sur les cultures méditerranéenne.

    * 32 "Arabophonie-Francophonie : un dialogue des cultures", Boutros Boutros-Ghali, secrétaire général de l'Organisation internationale de la francophonie, in Le Matin du Sahara et du Maghreb, 25 novembre 2000.

    * 33 Cf. par exemple "Espagne, une embellie attendue" in INJEP, 2000, 28-32.

    * 34 Cf. cartes des échanges commerciaux en Annexe 2.3.

    * 35 Cf. cadre juridique en partie A. chapitre III.

    * 36 Cf. Annexe 2.8.

    * 37 Cf. Annexe 2.1.

    * 38 Cf. cartes Annexe 2.

    * 39 Cf. INFJEP, 2000, Introduction.

    * 40 On retrouve ici les enjeux évoqués en partie A., chapitre III.

    * 41 Cf. par exemple Le Nouvel observateur, n°222, "Spécial Maroc".

    * 42 Entretien avec S.E. H. Aboyoud, Ambassadeur du Maroc en France, in Le Matin du Sahara et du Maghreb, 15 novembre 2000.

    * 43 "Le Maroc et l'Union européenne entre association et adhésion" in Le Matin du Sahara et du Maghreb, 7 février 2001.

    * 44 "Le Maroc élu premier vice-président" in Le Matin du Sahara et du Maghreb du 2 janvier 2001.

    * 45 http://www.diplomatie.fr

    * 46 "L'UE critiquée par les Arabes et les Israéliens à Marseille", L. Zecchini in Le Monde, 18 novembre 2000.

    * 47 "Actualités du dialogue euroméditerranéen", F. Ghilès in Le Monde diplomatique, novembre 2000.

    * 48 Cf. sous-chapitre précédent et Wieviorka, 1998.

    * 49 Cf. partie B., chapitre III. 1.

    * 50 Cf. partie A., chapitre III.

    * 51 Cf. Marchal, 1997, 141-146.

    * 52 Cf. Roussillon, 1999 et partie B. chapitre III.4.

    * 53 Cf. cartes Annexe 2.5.

    * 54 Entretien avec le conseiller de Coopération et d'Action culturelle adjoint de l'Ambassade de France au Maroc.

    * 55 Entretien avec le chargé de la langue et de la culture régionales en Midi-Pyrénées.

    * 56 "Le prix de la solidarité", A. Reverchon in Le Monde, 12 septembre 2000.

    * 57 Cf. Annexe 4.2.

    * 58 Cf. l'exemple du Manège à Maubeuge, Latarjet, 1992, Annexes ; ou encore Thuriot, 1999, 198-231.

    * 59 Ce dont j'ai pu me rendre compte lors de mon stage à la DRAC Midi-Pyrénées (mai-juillet 2000), consacré, entre autres, à la relance des projets transfrontaliers et interrégionaux franco-espagnols.

    * 60 Cf. synthèse de cette étude en Annexe 3.1.

    * 61 Cf. présentation en Annexe 3.3.

    * 62 Cf. "DRAC Midi-Pyrénées : établir des liens structurels avec l'Espagne, entretien avec M. Abraham Bengio in Courants, n°2, octobre 1995.

    * 63 Cf. tableaux récapitulatifs en Annexe 3.2.

    * 64 Cf. liste des projets, Annexe 3.2.

    * 65 Cf. Annexe 3.5.

    * 66 Cf. Annexe 4.1.

    * 67 Association travaillant sur la thématique de chemins de Saint Jacques de Compostelle.

    * 68 Cf.Annexe 5.

    * 69 Cf. Annexe 6.1.

    * 70 Déjà évoquées en partie B. chapitre III, partie C. chapitre I.

    * 71 L'étude de terrain sur l'activité et les potentialités du réseau culturel au Maroc est issue de mon expérience lors d'un stage à l'Institut français de Rabat, septembre 2000-février 2001.

    * 72 Cf. "Relations maroco-espagnoles : nécessité de considérer l'intégration du patrimoine culturel dans nos habitudes" in Le Matin du Sahara et du Maghreb, 27 octobre 2000.

    * 73 Pour une synthèse des diverses initiatives et des nombreux projets cf. Tlili, 1997.

    Pour un recensement des lieux d'accueil et manifestations des cultures méditerranéennes en France cf. Culture du Monde en France, le Guide, réalisé par la Maison des Cultures du Monde avec le soutien du DAI du ministère de la Culture et de la Communication (cf. partie B. chapitre II.), guide consultable sur Internet, http://www.mcm.asso.fr.

    * 74 Cf. Courants n°2, octobre 1996, 6.

    * 75 Entretien M. Ovtchinnikoff, pôle AFAA-Collectivités.

    * 76 Cf. à ce sujet le projet création d'un Institut culturel européen à Palerme par la mie en réseau des établissements culturels des pays membres de l'Union européenne.

    * 77 Cf. partie A. chapitre II.

    * 78 Michel Schneider, La Comédie de la culture, Seuil, Paris, 1993.

    * 79 Cf. "L'université américaine vampirisée par les marchands" et "En France, la douce trahison des clercs", in Le Monde diplomatique, mars 2001.

    * 80 Cf. Wieviorka et Rex, 1998.

    * 81 Cf. partie B. chapitre III.3.






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