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Intégration des adolescents adoptés d'origine étrangère au Québec

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par Delphine MOYTIER
Université de Caen - Master IUP Management Social Santé 2006
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITÉ DE CAEN

Basse-Normandie

Juillet 2006

IUP Management du Social et de la Santé

Option Intervention Sociale et Développement

Mémoire de maîtrise

L'intégration des jeunes de l'adoption internationale au Québec

Dis-moi d'où tu viens, je te dirais qui tu es...

(Entretiens avec des adolescents adoptés

québécois de 14 à 21 ans)

Sous la direction de Dominique BEYNIER

Présenté par : Delphine MOYTIER

« Qu'elle éveille sympathie ou soupçons, l'adoption interpelle la conscience de chacun avec la force même d'un mythe »

Pierre Verdier

(Membre du Conseil supérieur de l'adoption en France)

Sommaire

? Avant-propos 7

? Introduction 10

PREMIERE PARTIE : CONTEXTE DE LA RECHERCHE 13

I. L'adoption depuis l'Antiquité 14

II. L'adoption au Québec 16

1. L'ADOPTION AU QUÉBEC, ÉTAT DES LIEUX AU NIVEAU STATISTIQUE ET JURIDIQUE 18

A. L'adoption québécoise en statistiques 18

B. L'adoption québécoise au niveau juridique 23

? Chronologie exhaustive des lois sur l'adoption au Québec 24

2. LE SYSTÈME D'ADOPTION AU QUÉBEC 25

A. Les démarches 25

B. Les différents types d'adoption 26

C. Typologie des parents québécois adoptants 27

3. L'ADOPTION, UN MODE DE FILIATION 28

A. Evolution de la famille 29

B. La famille contemporaine 32

E. L'adolescent et sa famille 34

? L'adolescence d'un point de vue sociologique 34

? L'adolescence, une passage entre enfance et âge adulte (vu par Françoise Dolto) 37

? Le lien entre abandon et adolescence 39

? L'adoption du point de vue de l'enfant adopté 40

? L'adolescence à risque 41

? Le suicide des jeunes aux Québec 42

? L'adoption, une longue histoire entre l'enfant et ses parents adoptifs 44

4. L'INTÉGRATION DE L'ENFANT ADOPTÉ 46

A. L'intégration, une notion sociologique 46

? L'intégration et l'identité, deux notions liées dans une adoption. 46

? Etre un adolescent d'origine étrangère, un handicap à l'intégration sociale ? 48

B. Emile Durkheim et l'intégration de l'individu en société 48

C. La notion d'identité 51

? L'identité, une notion importante pour l'adopté 51

? Qu'en est-il chez les ados adoptés ? 51

? L'identité physique 54

? Les questionnements de l'adolescent adopté 54

? Les inquiétudes biologiques 54

? Aspect psychosocial 55

? L'identité raciale 56

? L'identité raciale chez l'adolescent adopté 56

? L'abandon 57

? L'abandon 57

? Identité et interactionnisme 58

? Les adoptés ne sont pas des migrants ordinaires 60

DEUXIEME PARTIE : TERRAIN, ENQUETE ET RESULTATS 62

1. LES HYPOTHÈSES 63

? Explications 65

2. LA MÉTHODOLOGIE ET LE TERRAIN DU MÉMOIRE, VÉRIFICATION DES HYPOTHÈSES 66

? Choix de l'outil 66

? Terrain 67

? Typologie personnes interrogées 68

? Grille d'entretien 69

3. ANALYSE DES ENTRETIENS 71

I. L'adolescent et son environnement familial 72

A. La famille adoptive de l'adolescent 72

B. Le milieu social des adolescents 76

C. Les parents et l'adoption (sujet tabou ou sujet comme les autres ?) 78

? L'attachement 81

II. L'adolescent adopté, l'intégration et son environnement social 83

A. Les activités des adolescents 83

B. La participation aux services ou aux associations de post-adoption et milieux de l'adoption 85

III. L'identité de l'adolescent adopté 90

A. L'adolescence, une période de passage avec des questions en plus 90

B. Questionnements des adolescents 94

III. Quels sont les liens entre adoption, culture, identité et pays d'origine sur l'intégration de l'adolescent adopté ? 98

A. Vision de l'adoption par les adolescents 98

B. « Gérer » l'idée d'abandon 103

IV. Etre adolescent au Québec et venir d'ailleurs (rapport avec le pays d'origine) 105

A. Recherche des origines, envie de retrouvailles 108

B. Retrouver ses parents biologiques, une aventure pour l'adolescent adopté 112

C. La difficulté de la recherche d'antécédents en adoption internationale 117

V. Identité et culture, liées toute durant la vie de l'adolescent 121

A. Identité assimilatrice 123

B. L'identité biculturelle 124

C. L'identité internationale 126

VI. L'intégration des adolescents dans la société québécoise 129

VII. Vision de la vue future 134

? Bilans et projets futurs des adolescents 134

CONCLUSION GÉNÉRALE DU MÉMOIRE 138

TROISIÈME PARTIE : LES ANNEXES DU DOSSIER 144

A. Bibliographie 145

B. Guide des entretiens 147

? La recherche des origines 151

C. Organismes et associations contactés pour ce mémoire 153

? Organismes agréés et association d'adoptions au Québec (avec pays d'adoption principal) 153

D. Typologie des entretiens à Montréal 158

E. Entretien type 159

F. Liste des thèmes du mémoire 172

G. Thème spécifique classé 173

H. Poème d'Afrique Noire sur la tolérance (thème cher à l'adopté) 178

Remerciements

Mes remerciements vont tout d'abord aux familles, et plus particulièrement aux adolescents qui ont accepté de participer à ces entretiens avec moi. Sans eux, ce mémoire n'aurait pas vu le jour, je les remercie donc de leur collaboration et de leurs témoignages. L'adoption leur a donné cette large ouverture d'esprit qu'ils n'ont pas hésité à me faire partager leur vécu, afin de faire comprendre ce qu'est l'adoption à l'adolescence.

Je remercie mon directeur de mémoire, Monsieur BEYNIER, qui m'a soutenue durant cette année de recherche, et qui malgré la distance entre Caen et Montréal, a su me guider et me conseiller pour ce mémoire.

Je remercie les différents centres sociaux de Montréal qui ont pu m'aider à rencontrer des adolescents adoptés, et entrer en contact avec des associations d'adoptions, des organismes et groupes de discussion post-adoption sur Montréal.

Je remercie également Madame G. Professeure à l'Université du Québec à Montréal, qui m'a permis de suivre son cours sans y être inscrite, par pure gentillesse et passion pour l'adoption. J'ai pu, par ce cours, avoir des contacts de familles et d'adolescents adoptés et mener à bien ma recherche.

· Avant-propos

L'enfance et l'adolescence sont les premières étapes de la vie. Elles façonnent l'individu. En particulier, l'adolescence est une étape sociale importante, marquant le passage de l'enfance à l'âge adulte. En sociologie, l'âge est un critère d'identification sociale, donc capital pour l'intégration au sein même de la société. La notion d'adolescence est assez complexe finalement dans nos sociétés occidentales. L'adolescent entre dans une période où il va vouloir créer sa propre identité, avec ses valeurs personnelles, en accord ou non avec celles de ses parents. L'adolescence est bien souvent une période où l'on se cherche une identité, où l'on façonne son caractère.

Ce mémoire aura pour thème central l'adoption, plus particulièrement, nous allons nous intéresser au vécu des adolescents qui ont été adoptés. On peut aborder ce thème sous différents aspects, sociologiques, psychologiques, ou même juridiques. L'arrivée d'un enfant, quel qu'il soit, bouleverse la vie familiale. L'adoption en elle-même et la post-adoption sont des épreuves pour les parents, les enfants adoptés, et pour le noyau familial tout entier.

Plus particulièrement, nous allons donc nous intéresser à la façon dont les adolescents adoptés, d'origines étrangères, vivent leur adoption et leur intégration, cela au travers des notions d'identité, des processus d'intégration familiale et sociale.

L'adoption est un mode de constitution de famille, de filiation. Ce n'est pas le plus répandu mais, nous connaissons tous quelqu'un qui a été adopté ou bien qui a adopté. Cependant, ce n'est pas pour autant que nous comprenons comment cela est vécu, par les parents adoptifs, comme par les enfants adoptés.

De plus, derrière l'adoption, est sous-entendue la notion d'abandon, qui est un peut-être encore « tabou » dans la société aujourd'hui. Cela rend ce travail d'autant plus intéressant. Car la sociologie est une science de la société. Emile Durkheim définissait la sociologie comme « le système des sciences sociologiques ». C'est une matière utile pour la société, car elle sert à comprendre les mécanismes et les processus des phénomènes sociaux, à les expliquer. C'est ce que nous chercherons à faire pour ce thème de l'adoption, croisant les notions de famille, d'adolescence, d'intégration et d'identité.

Le thème de l'adoption peut être étudié à travers diverses disciplines, la sociologie, l'histoire, la psychologie, mais aussi la biologie. Pour ce mémoire, nous nous intéresserons plutôt aux disciplines sociologiques et psychologiques.

Nous aurons pour objectif d'observer comment ces adolescents parviennent à vivre cette étape importante de la vie, à travers différents facteurs comme l'intégration par le milieu familial, par la vie sociale. Par quels processus et de quelle(s) manière(s) l'adolescent vit-il son adoption ?

L'adoption est un sujet intéressant car il confronte beaucoup de notions sociologiques et humaines comme le désir d'enfant, la parentalité, l'amour, la filiation, l'intégration sociale, l'identité sociale et culturelle.

J'ai donc choisi de travailler sur l'adoption, et plus précisément sur l'intégration des adolescents adoptés pour des raisons familiales. Ayant moi-même un cousin et une cousine adoptés traversant la période de l'adolescence, je m'intéresse particulièrement à ce sujet. J'ai pu remarquer que l'adolescence, en particulier en tant qu'enfant adopté, peut poser quelques questions et difficultés. J'ai donc eu le désir d'approfondir le sujet sous les angles d'approches sociologiques et psychologiques. Cette envie de comprendre s'est transformé en un but qui est ici de comprendre les processus que ces adolescents mettent en place pour « faire face » et gérer leur situation d'adopté, afin de s'intégrer dans leur famille et dans leur milieu social.

Je suis partie une année scolaire étudier au Québec, à Montréal, à l'Université de Montréal, en Maîtrise de Travail Social. Cette année d'étude m'a permis de suivre un cours sur l'adoption internationale à l'Université du Québec à Montréal, donné par la Présidente de l'association FPAQ (Fédération des Parents Adoptifs du Québec), une association de parents adoptifs. Madame G. m'a ainsi mise en contact avec des adolescents d'origine étrangère ayant été adoptés et souhaitant témoigner.

J'ai donc effectué quatorze entretiens à Montréal avec des jeunes entre quatorze et vingt et un ans, de diverses origines, ayant été adoptés entre les âges de quatorze jours et cinq ans. J'ai pu parler avec ces jeunes venant de divers horizons comme le Guatemala, le Vietnam, la Corée du Sud, Polynésie, Haïti, le Bengladesh, la Russie, la Chine etc. Ces entretiens furent très instructifs et m'ont réellement appris ce qu'était l'adoption et plus particulièrement ce que l'on ressentait quand on était adopté. La partie analytique du mémoire va nous permettre de découvrir les sentiments vécus et les stratégies d'intégration de ces adolescents.

· Introduction

L'adoption, c'est l'arrivée dans une famille d'un enfant ou d'un adolescent sans lien de consanguinité avec ses parents adoptifs. Faire entrer un enfant dans une famille est, nous en conviendrons, une aventure humaine, mais c'est aussi un phénomène sociologique. L'adoption, c'est donner une famille à un enfant qui n'en a pas1(*), dans « le respect de cet enfant, de ses parents naturels et de ses parents adoptifs ». L'adopté prend sa place alors dans la société d'accueil et dans le milieu social dans lequel il est amené à vivre. L'adoption est un phénomène humain avec ses bons et moins bons moments, c'est tout un processus qui se met en place.

L'adoption c'est « transplanter » un enfant de son milieu originel où il sera différent de la majorité et coupé de ses racines culturelles. N'est-ce pas l'exposer plus tard à des problèmes d'identité que ne saurait compenser le bien-être matériel ainsi obtenu ? C'est à cet aspect du devenir des enfants de l'adoption internationale que nous nous intéressons.

L'objectif de ce travail est de comprendre les conséquences de l'adoption internationale sur les adolescents, sous l'angle de trois dimensions clés de l'identité adoptive : celle du développement de l'enfant; celle de ses liens de filiation et de son appartenance familiale; celle de son insertion sociale au sens large.

Nous sommes bien conscient qu'il existe aujourd'hui plusieurs types de famille (monoparentales, recomposées, homoparentales), et l'adoption est un de ce type de famille. Le but n'est pas de montrer ici qu'une famille adoptive a plus de difficultés qu'une autre, car chaque famille peut connaître des problèmes. Il s'agit juste de s'intéresser au facteur de l'adoption dans une famille, du point de vue de l'adolescence.

Afin de comprendre l'adaptation et l'intégration des jeunes de l'adoption internationale, nous allons, par les entretiens, explorer la variété des stratégies identitaires d'adolescents de l'adoption internationale

Nous nous intéresserons donc à l'adoption, au processus même de l'adoption, puis à la manière dont cela est vécu par des adolescents, et plus particulièrement les adolescents d'origines étrangères. Aujourd'hui, à travers l'évolution des différents modèles familiaux, et celle de notre société, comment l'adolescent vit-il son adoption ? Quels sont ses repères et comment les acquiert-il ?

La question « fil rouge » de notre projet de mémoire est la suivante : de quelle(s) manière(s) l'adolescent adopté d'origine étrangère s'intègre t-il dans son milieu familial et dans son milieu social en général ?

Quels sont les processus d'intégration, de création de l'identité, dans le cadre d'une adoption internationale au Québec ?

Pour répondre à cette problématique, nous allons aborder différentes notions économiques, sociales et psychologiques.

Avant tout, nous dresserons un état des lieux de l'adoption au Québec. Quels sont les différents types d'adoption ? Quelles lois la régissent ? Par quelles étapes les adoptants québécois doivent-ils passer ?

L'adoption est un mode de filiation, de création d'un lien familial entre des individus, nous verrons donc, à travers l'évolution de la famille, en quoi celle-ci a une influence sur l'enfant, sur son intégration à son milieu. Nous pourrons aussi nous demander s'il y a une culture familiale, et si celle-ci est importante pour l'adolescent, notamment grâce aux données sur les profils socio-économiques des adoptants québécois.

Le contexte politique et économique mondial a aussi une influence dans l'adoption internationale québécoise, quelle est la situation et quels sont les enjeux ?

L'adoption est comme nous l'avons dit un mode de filiation. Un couple (le plus souvent) devient la famille d'un enfant qui n'a pas de lien de sang avec les adoptants. C'est une procédure légale qui crée de la parenté, qui crée un lien familial. La notion de famille va donc être intéressante à étudier dans ce contexte. Une famille qui a adopté a-t-elle plus de problèmes qu'une famille « traditionnelle » ?

Nous allons donc parler de la famille contemporaine et de l'influence que cela peut avoir sur l'adoption, et en particulier sur les individus adoptés. Sachant que l'évolution de la famille au Québec a été la même en France (augmentation des divorces, des familles monoparentales, des familles homoparentales), nous ne serons pas déstabilisés pour interpréter et comprendre les résultats de l'enquête.

L'adolescence est aussi une des notions clés de ce mémoire, nous essaierons donc de définir l'adolescence d'un point de vue sociologique, son sens, et l'influence de cette étape dans une intégration sociale. Pour cela, nous pourrons nous appuyer sur les travaux de Françoise Dolto et de Patrick Delaroche. Comment se combinent les notions d'adoption et d'adolescence ?

L'identité et l'intégration sociale sont des processus qui démarrent dès l'enfance et prennent leur importance à l'adolescence, d'où l'intérêt d'étudier l'adoption à cette période de la vie de l'individu

L'objet de cette recherche est de découvrir quels sont les facteurs de l'intégration familiale et sociale d'un adolescent adopté, il va donc être utile de définir l'intégration d'un individu dans une société, ses étapes. Qu'est-ce que l'intégration en sociologie ? A propos de la notion de l'intégration et de l'identité, nous pourrons voir quel est le point de vue du sociologue Emile Durkheim ?

Aujourd'hui, le fait d'être une personne adoptée et d'origine étrangère, est-il un « handicap » à l'intégration ? C'est une question que nous nous poserons dans le cadre de ce mémoire. De plus nous pourrons nous demander ce que le gouvernement fait pour l'intégration des ces personnes, et si c'est une volonté de les intégrer à la société québécoise. Nous développerons la notion importante de l'intégration (familiale et sociale). Par quels processus l'individu adopté vit-il son intégration dans sa famille, puis dans sa société d'accueil ? Aussi, nous nous demanderons si le profil socio-économique a une influence sur cette intégration des jeunes. Mais nous développerons cela dans la partie hypothèses du mémoire.

L'adolescence peut être une étape sociale « difficile », que l'on ait des parents biologiques ou des parents adoptifs. On peut donc se demander si l'intégration et la création d'identité sont plus difficiles à l'adolescence lorsque l'on est adopté ? Françoise Dolto a travaillé sur l'adolescence, nous pourrons nous inspirer de son travail pour ce mémoire sur l'adoption.

Une autre partie consistera à récapituler les différentes hypothèses que nous émettrons dans ce mémoire, et à les expliquer. Enfin nous terminerons par la méthodologie du mémoire, l'application sur un terrain, la vérification des hypothèses par le biais des entretiens avec de jeunes adoptés québécois.

Première partie : Contexte de la recherche, l'adoption internationale au Québec, l'intégration des adolescents adoptés

I. L'adoption depuis l'Antiquité

Il peut être utile de rappeler le contexte historique de l'adoption pour bien comprendre ce phénomène.

Dès l'Antiquité, l'adoption est un phénomène courant. Mais même si les lois régissant l'adoption restent longtemps floues, une constante est présente durant cette période : la primauté de la puissance paternelle (pater familias romain). Les pères avaient une forte influence sur leur famille. De plus, à cette époque, ils étaient, à priori, supposés être dépourvus de sentiments pour leurs enfants. Cependant c'est quelque chose que nous pouvons remettre en cause.

L'adoption n'est donc pas un phénomène récent2(*). Elle existe depuis l'Antiquité gréco-romaine, et était un thème récurrent des récits mythologiques et historiques.

C'était une réponse à l'abandon des enfants, qui était une manière tout à fait légale de se « débarrasser » des enfants en trop.3(*) En effet, seuls ceux que les parents désiraient élever étaient pris à la naissance dans les bras du père de famille.

A la même époque, à Rome, deux conditions étaient nécessaires pour adopter. Il fallait être citoyen romain et avoir prouvé son aptitude à engendrer. Cependant, il n'était pas obligatoire d'être marié. L'adoption servait à maintenir un nom, une lignée qui risquait de s'éteindre.

L'adoption était surtout réservée à l'élite romaine, c'est-à-dire les citoyens. Jules César adopta un fils, Octave, qui devient plus tard le célèbre Auguste.

La Grèce antique adoptait aussi. Mais cela concernait surtout les enfants « garçons », pour pallier à l'absence d'un héritier dans une famille, et donc l'assurance de la descendance, de la continuité du nom, de la transmission du patrimoine. De plus, une moindre importance était accordée à la consanguinité dans la filiation par rapport à l'adoption. En effet, un père pouvait refuser son enfant biologique s'il ne le reconnaissait pas, et au contraire, reconnaître un enfant qui n'était pas de lui. Il n'était pas rare de voir un père de famille accueillir un cousin ou un autre enfant dans son foyer. En Grèce, l'adoption est surtout un moyen d'acquérir du pouvoir pour une famille, pour les garçons seulement. La notion d'affection n'est donc que rarement présente dans les adoptions antiques grecques.

La pratique de l'abandon a aussi perduré pendant toute la période du Moyen Age. Certains enfants étaient abandonnés dans des lieux publics (Eglise, écoles), où il leur était donné une chance d'être sauvé. Différentes institutions se mettent en place ici et là pour venir en aide à ces enfants. A Paris, à cette époque, il y a eu la construction de l'hôpital des Enfants trouvés par exemple.

Durant le haut Moyen Age, à peine un enfant abandonné sur trois survit. Ils étaient considérés comme inférieurs aux autres, qualifiés d'enfants « bâtards ». Il était extrêmement difficile pour un enfant adopté d'avoir une vie convenable et sans danger.

Ils étaient abandonnés pour différentes raisons. Ces enfants étaient souvent socialement « inacceptables ». En effet, une mère abandonnait son enfant lorsqu'elle sentait qu'elle avait engendré un enfant de « la honte ». Au Moyen Age existaient les adoptions d'honneur, qui étaient purement honorifiques et ne créaient pas de lien familial4(*).

Toujours à cette période, l'adoption sert à maintenir le nom de famille, une lignée prête à s'éteindre, en cas d'absence « d'héritier mâle ». Le droit qui s'appliquait était assez flou. Les adoptants se désignaient eux-mêmes, en fonction des occasions, des intérêts de chacun.

Cependant, à partir du XVIe siècle, un règlement est appliqué, notamment grâce à l'initiative des hôpitaux qui recueillent les orphelins et les enfants abandonnés.

Depuis 1923, l'adoption est autorisée en France. Cependant pour ce mémoire, nous étudierons le cas de l'adoption au Québec.

II. L'adoption au Québec

Avant d'entrer dans le vif du sujet, il est bon de faire un point sur l'adoption au Québec.

Nous nous intéresserons uniquement à l'adoption internationale, et non à l'adoption interne (au Québec). Combien d'enfants sont-ils adoptés par an au Québec ? Quand l'adoption a-t-elle été protégée par une loi ? Autant de questions qui vont nous permettrent d'implanter les bases de ce sujet, afin de chercher les processus qui font ou non l'intégration familiale et sociale d'une personne adoptée, à l'adolescence.

Certaines informations que je donne dans ce mémoire me sont venues du cours sur l'Adoption Internationale que j'ai suivi cette année à l'UQAM (Université du Québec à Montréal).

Les débuts de l'histoire de l'adoption au Canada ont les mêmes origines que celles de la France, puisque le Québec et le Canada, ou la « Nouvelle-France » ont été découverts en 1534 par l'explorateur Jacques Cartier. Cependant, nous nous intéresserons à l'adoption québécoise plus précisément. C'est à partir du XVIIe siècle que nous pourrons noter quelques différences entre la France et le Québec au niveau du traitement que l'on accordait aux enfants abandonnés et à l'adoption

Au XVIIe siècle, le taux de naissances illégitimes est alors faible. Il faut savoir que, comme en France à la même époque, les pressions sociales émanant de la famille, de l'Eglise étaient fortes. Par exemple, dans les campagnes, les enfants abandonnés grandissaient dans les familles dîtes élargies, comme les oncles et tantes, les cousins. C'était une société communautaire qui gardait et prenait soin des enfants abandonnés. Abandonner son enfant était vu comme un « pêché », une honte. Mais cela a-t-il vraiment disparu aujourd'hui ?

Entre 1850 et 1900, l'industrialisation continue, et s'accompagne d'un exode rural. Les populations des campagnes migrent vers les grandes villes, comme celle de Montréal. Ces villes deviennent vite surpeuplées et les gens vivent dans des conditions insalubres. Beaucoup d'enfants sont donc envoyés dans les campagnes, ou dans des orphelinats, où l'on pense qu'ils auront un meilleur cadre de vie. Certains enfants ont souvent été abandonnés dans ce contexte de pauvreté.

En 1860, il y avait alors douze orphelinats dans la seule ville de Montréal. Ce qui peut nous montrer à quel point il y avait un sérieux besoin pour les enfants abandonnés. Ces orphelinats ouvraient leurs portes à des enfants retirés de familles qualifiées « d'immorales » (problèmes d'alcool, de violence). Ces enfants étaient placés de manière temporaire, le temps que la famille, ou les parents règlent leur problèmes.5(*) C'était, si on peut dire, les anciennes familles d'accueil que nous avons actuellement en France.

Au XXe siècle, les abandons ont souvent pour cause la pauvreté criante des populations urbaines surtout. Entre 1930 et 1950, les organismes religieux s'occupent de ces enfants, et créent des orphelinats. Les « tours » (fenêtre située à l'entrée des Eglises, permettant d'y déposer un enfant) reviennent.

La société québécoise d'après-guerre est toujours plus ou moins patriarcale. L'influence catholique, même en ayant un peu moins d'influence qu'au XIXe siècle, est assez présente. Lorsqu'une femme seule a un enfant, elle est jugée socialement, on la traite de prostituée par exemple. L'acceptation sociale de la monoparentalité n'existait pas vraiment. Les femmes surtout étaient soumises aux préjugés et à l'intolérance de l'époque.

C'est en 1924 que la première loi sur l'adoption fait son apparition au Québec. L'adoption devient alors un mode de filiation reconnu, un autre moyen de constituer une famille. L'enfant prend alors le nom de ses parents adoptifs.

Dans les années 1940, les premiers travailleurs sociaux apparaissent, ainsi que les familles d'accueil. On se préoccupe du bien-être et du développement de l'enfant.

Les crèches sont des orphelinats pour les enfants entre zéro et six ans et les orphelinats pour les enfants entre sept et dix huit ans. En 1960, il y a alors seize crèches et cinquante trois orphelinats au Québec. Celles-ci sont débordées et ont beaucoup plus d'enfants que la capacité autorisée.

Les années 1970 voient l'apparition de la baisse de l'influence de l'Eglise, de l'augmentation de l'indépendance de la femme, de la création des plannings familiaux. Les moyens de contraception, le féminisme, la hausse du travail des femmes, de la monoparentalité favorisent une prise de conscience et donc une baisse du nombre d'abandons.

1. L'adoption au Québec, état des lieux au niveau statistique et juridique

A. L'adoption québécoise en statistiques

Au Québec, il y différents types d'adoption, tout comme en France. Il y a les adoptions internes et les adoptions internationales, c'est-à-dire hors Québec. Les adoptions internationales sont les plus nombreuses, en particulier avec la Chine. Il y a 75 000 adoptions dans le monde chaque année. Le Québec adopte lui environ 800 enfants par an, pour spet millions d'habitants. Pour comparaison, la France adopte 3000 enfants par an et les Etats-Unis 10 000.

Beaucoup des adoptions internationales québécoises se font avec la Chine. Les petites filles chinoises en particulier sont adoptées en grand nombre, de part la politique de l'enfant unique en République Populaire de Chine.

Mais il faut savoir qu'en 1992, la Chine ferma temporairement son système d'adoption à l'étranger avec le Québec car les Chinois n'étaient pas reconnus canadiens aussi vite que les autres étrangers. Le contexte politique peut donc avoir une influence dans le domaine de l'adoption internationale.

Aussi, les pays du Nord sont ceux qui adoptent le plus, comme le Danemark, la Suède, le Québec.

Avant les années 1990, l'adoption au Québec se faisait par le biais des réseaux privés (les réseaux d'amitié, de travail, les avocats, etc.). Aujourd'hui 90% des adoptions se font par des organismes agréés.

Le Secrétariat à l'Adoption Internationale (SAI) du Québec a édité en 2000 un portrait statistique des adoptions internationales au Québec. Ce portrait concerne les adoptions par organismes agrées, les types de couples qui adoptent, les pays d'origine des enfants, etc. Le graphique ci-contre nous montre le nombre d'enfants adoptés par le biais d'organismes agrées au Québec en 2000. Les analyses statistiques ici sont basées sur les données recueillies par le SAI au moment où il émet la lettre de non-opposition à l'adoption d'un enfant. Cette lettre comprend des renseignements généraux sur les adoptants et les enfants adoptés. Le SAI est la source de donnée à la plus complète et la plus fiable actuellement au Québec pour la réalisation d'un portrait statistique. C'est pourquoi nous avons choisi de nous intéresser aux données fournies par le SAI.

Nous voyons bien ici que de nombreuses adoptions se font par organismes agrées. Sur 697 adoptions en 2000 au Québec, 600 on été effectuées par le biais d'un organisme agrée.

Les pays de provenance des enfants sont assez divers. Mais on constate que beaucoup viennent de la République Populaire de Chine, compte tenu du contexte actuel.

La majorité des enfants adoptés sont des filles, surtout dans le cas des adoptions en Chine. Par contre, pour les adoptions en Roumanie, Russie, Mexique, Thaïlande, et Philippines, ce sont plutôt des garçons qui sont adoptés. La moyenne d'âge de ces enfants adoptés est aux alentours de 23,5 mois.

Voyons à présent rapidement la typologie des parents adoptants au Québec.

L'âge moyen des parents qui adoptent est de 38,9 ans pour les hommes et de 37,5 ans pour les femmes. Il peut y avoir des adoptants célibataires, mais ce sont surtout des couples qui adoptent.

C'est dans la région du grand Montréal (Montréal centre, Montérégie, Laval) que l'on adopte le plus. Car cela regroupe 46,4% des adoptions québécoises. La région de la ville de Québec adopte aussi. En effet, 11% des adoptions québécoises internationales proviennent de cette région.

Le Secrétariat d'Adoption Internationale gère les acceptations des dossiers de parents demandant à adopter. Si le dossier est en accord avec une possible adoption, le SAI émet aux parents une « lettre de non-opposition » permettant de continuer le processus d'adoption avec les différents organismes. Les graphiques ci-dessous montrent le nombre de lettres de non-opposition selon les principaux pays d'origine des enfants adoptés au Québec, en 2001, 2002 et 2003.

Nombres de lettres de non-opposition émises par le SAI selon les cinq principaux pays d'origine en 2001

Total annuel d'adoptions internationales au Québec : 745

Nombres de lettres de non-opposition du SAI en 2002

Total annuel d'adoptions internationales au Québec : 817

Nombres de lettres de non-opposition des principaux pays d'origine des adoptions internationales du SAI en 2003

Total annuel d'adoptions internationales : 908

De part ces graphiques, on peut constater que les adoptions internationales québécoises s'effectuent majoritairement avec la République Populaire de Chine. Comme nous l'avons dit précédemment, la politique de l'enfant unique en Chine fait qu'il y a de nombreux abandons d'enfants, et en particulier, de petites filles.

Depuis son ouverture à l'adoption internationale, la Chine a beaucoup collaboré avec le Québec en adoption internationale, car les orphelinats sont bondés et ne peuvent subvenir aux besoins de tous ces enfants abandonnés.

B. L'adoption québécoise au niveau juridique

Comme pour la France, l'adoption internationale québécoise est régie par la Convention de la Haye.

Cette convention appuie la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale. Elle a été signée par 49 Etats, qui adaptent progressivement leur législation afin de pouvoir la ratifier. De plus, quinze nouveaux Etats y ont adhéré en 2004.

Le 29 mai 1993, le Canada ratifie donc la Convention internationale de La Haye, tout comme des pays d'accueil comme l'Allemagne, la Belgique, les Etats-Unis d'Amérique, la France, le Royaume-Uni, et des pays. Les pays d'origine des enfants comme le Brésil, la Bulgarie, le Chili, la Chine, Haïti, l'Inde, le Kenya, le Liban, Madagascar, le Pérou, la Roumanie, l'Uruguay, le Venezuela, etc.

Cette convention de la Haye prévoit d'instaurer une autorité centrale agréée, dans le pays d'origine de l'enfant et dans celui des parents adoptifs.

La convention donne droit à l'enfant à connaître ses origines. Elle concerne l'adoption des enfants mineurs dans un autre pays que celui dans lequel ils sont nés. Cette convention vise à réglementer l'adoption internationale pour garantir que les adoptions internationales ont lieu dans l'intérêt supérieur de l'enfant et le respect de ses droits fondamentaux, ainsi que pour prévenir l'enlèvement, la vente ou la traite d'enfants, ce qui donne lieu à un contrôle mais aussi à une harmonisation des procédures. La convention de La Haye ne fait pas référence à la nationalité des adoptants et des adoptés mais au pays dans lequel vit l'enfant, le pays d'origine, et au pays qui va l'accueillir, le pays d'accueil.

La Convention de la Haye est donc un système de coopération entre les Etats contractants. Elle établit des garanties dans l'intérêt de l'enfant, et obéit au principe de subsidiarité. C'est-à-dire que l'adoption internationale ne doit se faire qu'en dernier recours.

Les pays ce sont accordés pour que tout soit mis en oeuvre pour qu'un enfant reste dans son pays d'origine, pour son développement. Aussi, en cas de guerre ou de catastrophe naturelle (comme le tsunami) dans un pays, il y a un délai de deux ans, durant lequel aucune adoption n'est faite. Cela permet aux enfants, aux parents sinistrés d'avoir le temps de retrouver des membres de leur famille. L'adoption n'est pas toujours la solution pour un enfant. S'il a perdu ses parents lors d'une catastrophe, il peut être confié à des membres de sa famille, comme des oncles, des grands-parents.

La convention de la Haye a aussi établit des interdictions contre le trafic d'enfant, et les abus de toutes sortes.

· Chronologie exhaustive des lois sur l'adoption au Québec

- 1969 : vote de la première loi sur l'adoption internationale (apparition de l'évaluation psychosociale du ou des parent(s) voulant adopter.

- 1974 : loi de l'immigration pour faire entrer des enfants étrangers au Québec

- Années 1980 : les organismes d'adoption et les associations de parents commencent à se créer (comme la FPAQ)

- 1982 : créations du Secrétariat à l'Adoption Internationale, le SAI et des Départements Protection Jeunesse, les DPJ (notre DDASS française).

- 1987 : la loi 21 oblige les parents à une évaluation psychosociale et au suivi d'un « cours de sensibilisation » avant et après l'adoption (à cette époque, beaucoup de manifestations de parents adoptifs mécontents ont eu lieu, en effet, ces cours de sont pas dispensés aux parents dits « naturels »

- 1990 : la République Populaire de Chine ouvre ses portes à l'adoption internationale. C'est aujourd'hui le premier pays d'origine des enfants québécois adoptés.

- 1993 : la Conférence de la Haye est ratifiée par plus de trente pays du monde entier.

2. Le système d'adoption au Québec

A. Les démarches

Tout d'abord, lorsque un ou des parent(s) veulent adopter, ils doivent le plus souvent choisir un organisme québécois agrée en adoption internationale. Cet organisme prend alors le dossier en charge et aide les parents dans leurs démarches d'adoption. Les tarifs pour une adoption au Québec sont assez élevés, ils peuvent varier entre 9 000 et 30 000 dollars (soit entre 6 400 et 21 400 euros), selon le pays d'origine de l'enfant. Entre la prise de décision d'adopter un enfant et la naturalisation canadienne de l'enfant, il peut s'écouler entre trois mois à six ans. Les processus peuvent être très longs, comme en France. Cela dépend du contexte international, de la rapidité de l'orphelinat local à faire le passeport de l'enfant, etc. Il y beaucoup d'abandons de parents en cours de démarches d'adoption, car c'est un parcours assez long et difficile.

Après cette évaluation, les résultats (positifs) vont au SAI, puis à l'organisme qui étudie le dossier.

Le SAI (Secrétariat à l'Adoption Internationale) gère toutes les adoptions québécoises. Il donne aux parents la permission ou non pour adopter. Si le dossier est accepté, le SAI délivre alors une lettre de non-opposition. Les parents peuvent alors continuer les démarches pour adopter.

Le SAI a différentes missions qui sont les suivantes :

- coordonner les activités en matière d'adoption internationale au Québec dans l'intérêt supérieur des enfants et le respect des droits fondamentaux.

- aider et conseiller les personnes et les familles qui ont le projet d'adopter un enfant domicilié hors du Québec et s'assurer de la conformité de leur projet d'adoption (c'est pour cela que différentes lettres de motivation, d'appui d'amis, de proches, de notaires sont demandées, ainsi qu'une évaluation psychosociale).

- recommander au Ministre de la Santé et des Services Sociaux l'agrément d'organismes s'occupant d'adoption internationale.

- conseiller et soutenir les organismes agréés et assure une surveillance de leurs activités dans le cadre prescrit par la loi. Cela est important en vue d'éviter certains abus, de veiller à ce que l'organisme ne soit pas motivé par le seul et unique profit.

- veiller à l'application de la législation et au respect des orientations du Québec et des règles d'éthique

- élaborer avec les autorités compétentes des pays étrangers des relations de travail et des accords en matière d'adoption internationale dans le respect de leur législation et de leur culture

L'évaluation psychosociale est une autre étape obligatoire dans une adoption. C'est une évaluation sociale, psychologique, culturelle et économique de la situation de la personne ou du couple voulant adopter. Elle peut se faire soit de manière privée (par un membre de l'Ordre des Travailleurs Sociaux ou l'Ordre des Psychologues), soit de manière publique par la DPJ.

Cette évaluation a un coût non négligeable et ne peut être refaite en cas de refus. Le gouvernement québécois met réellement l'accent sur le bien-être de l'enfant sur le futur milieu familial dans lequel il va vivre.

B. Les différents types d'adoption

Comme en France, il y a au Québec l'adoption simple et l'adoption plénière.

L'adoption plénière6(*) donne à l'adopté et à ses descendants les mêmes droits et obligations que s'il était un enfant biologique. Cette filiation se substitue à la filiation d'origine. Pour ce type d'adoption, les parents adoptants doivent avoir trente ans ou plus et l'enfant doit être âgé de moins de quinze ans.

L'adoption plénière est irrévocable. C'est-à-dire que l'enfant adopté est en rupture complète avec ses parents biologiques. Il devient un enfant entièrement légitime du ou des parent(s) adoptant. Si l'enfant est adopté par deux parents, l'autorité parentale est exercée par les deux parents. Le jugement d'adoption fait alors figure de « nouvel acte de naissance ».

Dans l'adoption simple7(*), l'adopté garde des liens avec sa famille d'origine, et ses droits et obligations, notamment ses droits héréditaires. Il garde de plus les mêmes droits successoraux qu'un enfant légitime, dans sa famille adoptive. L'adoption simple peut être révocable quand l'intérêt de l'enfant l'exige et quand celui-ci le demande. L'adoption simple peut se réaliser à n'importe quel âge de l'enfant ou adolescent, néanmoins, celui-ci doit exprimer son accord lorsqu'il atteint ou dépasse l'âge de quinze ans, et l'accord de ses parents biologiques s'il est mineur.

Ce type d'adoption est plus rare que l'adoption plénière et peut entraîner une certaine « méfiance » du fait de garder des liens avec la famille biologique. En effet, adopter un enfant par le biais de l'adoption simple peut parfois créer des problèmes.

C. Typologie des parents québécois adoptants

Il semble important de dresser une typologie de parents qui adoptent au Québec. Car cela peut expliquer certains phénomènes au niveau des jeunes et adolescents adoptés. Nous allons voir que les couples ou les célibataires qui adoptent appartiennent en majorité à une certaine classe sociale. Qui sont-ils ? A quelles classe sociale appartiennent-ils ? Nous tirons ces chiffres du Secrétariat à l'Adoption Internationale.

Tout d'abord, les personnes qui désirent adopter sont des personnes qui désirent avoir un enfant, qui désirent donc fonder une famille, pour se prolonger. Faire un enfant est un acte culturel, cela diffère selon le pays où l'on se trouve. L'individu perpétue le modèle familial qu'il a reçu.

La première cause d'adoption est l'infertilité du couple, soit venant de la femme à 50%, de l'homme à 40%, ou bien de cause inconnue.

L'infertilité augmente à cause de différents facteurs, le stress, l'obésité, le tabac, les modes de vie sédentaires, la pollution, les maladies sexuellement transmissibles.

Les couples stériles peuvent vivre un sentiment de honte face à cela, ils se sentent incapable de faire ce que tout le monde peut faire, un enfant. C'est pourquoi certains couples (ou célibataires) se dirigent vers l'adoption, ou bien vers la solution des traitements médicaux, des essais en clinique pour des fécondations in vitro.

Dans le cas du choix de l'adoption, le couple fait alors le deuil de l'enfant biologique qu'il n'aura jamais. Ce deuil est indispensable pour pouvoir évoluer et passer à autre chose.

Les adoptants à l'internationale sont pour 80% d'entre eux entre 30 et 44 ans. Les femmes ont-elles entre 30 et 39 ans, et les hommes entre 35 et 44 ans. Cela tient du fait que les couples désirent des enfants de plus en plus tard, et aussi que les organismes tiennent à ce que les personnes qui adoptent ne soient pas trop jeunes.

Il y a donc différentes causes pour avoir recours à l'adoption. Les personnes qui adoptent sont souvent des couples stériles, des couples homosexuels, des célibataires, des couples plus âgés (42 ans et plus), des couples d'un deuxième mariage, des couples avec enfants biologiques. Il a été constaté que les couples avec enfants biologiques adoptaient plus facilement des enfants plus vieux (3 ans et plus) ou bien des enfants handicapés.

Profil socio-économique des adoptants

43% des adoptants sont des administrateurs, ou des professeurs. Ils appartiennent à une population relativement instruite (16 ans de scolarité et plus), ils sont plus au courant des façons de procéder pour constituer leur dossier, les démarches à faire, les personnes à contacter. Les services sociaux leur accordent aussi plus facilement l'autorisation pour adopter.

3. L'adoption, un mode de filiation

L'adoption est un phénomène qui remet en cause la filiation de l'enfant adopté. La famille d'adoption devient la famille légitime de cet enfant. On attend alors de lui qu'il assimile, comme un autre enfant, la culture, les moeurs de son nouveau milieu. Nous nous intéresserons aux processus qui se mettent en place pour cela. Mais avant tout, il convient d'étudier la famille au sens sociologique du terme. Qu'est-ce qu'une famille aujourd'hui ? Un seul modèle existe-t-il ? Comment la famille a-t-elle évolué au cours des siècles, en mouvance avec la société ?

A. Evolution de la famille

On ne peut aborder le thème de l'adoption, sans traiter de la sociologie de la famille. Cette partie va nous permettre de situer un peu la famille dans son contexte historique si on peut dire.

Ce travail est nécessaire car l'adolescent adopté évolue dans un milieu familial, dans un nouveau milieu d'accueil. Les modèles familiaux ont évolué ces dernières années. Nous allons donc devoir étudier la famille au sens sociologique du terme afin de comprendre l'influence de celle-ci sur les adolescents adoptés. Cet adolescent qui doit faire face à ses deux cultures, sa culture d'origine, qu'il ne connaît pas forcément, mais que peut être il aimerai connaître ; et sa culture d'adoption, la culture de ses parents adoptifs, de son nouveau milieu familial.

Aussi, la « culture familiale » a-t-elle une importance sur l'adolescent ? La profession des parents est-elle importante pour l'intégration de celui-ci dans son milieu social ?

Nous pourrons utiliser les travaux de Louis Roussel, démographe spécialiste des évolutions familiales et ceux de François de Singly, sociologue qui travaille sur la famille contemporaine. François de Singly nous permet de mieux comprendre les changements actuels au sein de la famille moderne. Ces études sur la sociologie de la famille vont nous être utile pour appréhender le milieu dans lequel vit l'adolescent adopté, la façon dont il peut évoluer, la façon dont il peut avoir sa place dans le milieu familial, donc son intégration.

La famille est une institution présente dans toutes les sociétés humaines8(*). Mais les formes qu'elle revêt, les fonctions qu'elle remplit et les significations dont elle est porteuse sont variables dans le temps, et d'une société à l'autre. La famille est un phénomène essentiellement culturel, et a évolué au cours des années. Connaître ses évolutions est donc important si l'on veut étudier l'adoption, à travers l'adolescence, et donc à travers la famille, de façon plus générale.

Plusieurs facteurs ont fait que la famille a connu de nombreuses évolutions tout au long des siècles, pour arriver aux différentes formes qu'elle revêt aujourd'hui. La famille 9(*), c'est le groupe parent(s)-enfant(s) unis par des liens multiples et variés pour se soutenir moralement, matériellement et réciproquement au cours d'une vie à travers les générations, favorisant ainsi leur développement social, physique et affectif.

Depuis les années 1960, le modèle familial a considérablement évolué, et cela au Québec comme en France. Louis Roussel aborde cette évolution du modèle de la famille, qui est passée par plusieurs étapes, et a recouvert différentes formes et fonctions. La famille traditionnelle, jusqu'au XIXe siècle, était orientée (en France comme au Québec, assez semblables) vers la reproduction et la transmission d'un patrimoine biologique, symbolique, et matériel. La famille est une institution, tout comme, l'école, ou l'Etat par exemple aujourd'hui.

La démographie est aussi une discipline importante à prendre en compte pour classer, répertorier, les modèles familiaux. En effet, la famille traditionnelle, au XIXe siècle par exemple, connaît une forte mortalité infantile, ainsi que de nombreuses épidémies, famines. Le taux de fécondité est fort, pour faire face à cette mortalité infantile.

Au XVIIe siècle, ce taux est environ de six ou sept enfants par femme. La longévité, le contexte politique, les guerres sont aussi des éléments à prendre en compte pour analyser la famille. Beaucoup de femmes étaient en effet seules à la maison, le mari étant décédé en tant que soldat, ou alors par la maladie.

La famille monoparentale n'est pas un phénomène récent. Avec les causes que nous avons cité plus haut, il était fréquent qu'un des deux parents se retrouve seul avec ses enfants.

Toujours au XIXe siècle, dans les classes sociales favorisées, comme les classes plus modestes, les familles se devaient d'avoir des enfants. La parentalité était un moyen de passer de la jeunesse à l'âge adulte, pour la femme comme pour l'homme, en ayant un fils de préférence. Avoir des enfants était aussi un moyen de faire perdurer le nom familial, le patrimoine, l'identité familiale en quelque sorte.

La notion de transmission, du nom de famille, du patrimoine, de la culture familiale était très présente. Dans les sociétés chrétiennes, la foi permettait aussi de faire perdurer ce lien familial, terme que nous approfondirons plus tard dans ce dossier.

Durant le siècle dernier, l'enfant acquit une plus grande place dans la famille, au fur et à mesure que le risque de mortalité reculait. En effet, la mortalité infantile était très forte et il était fréquent qu'une femme perde un ou plusieurs enfants durant sa vie. Donc, plus l'enfant s'éloignait de la petite enfance, plus on lui accordait de valeur, car le risque de mortalité se réduisait.

De même, le statut de l'enfant dans la famille différait selon la classe sociale. Chez les artisans et commerçants par exemple, la mise en nourrice était courante. La femme travaillait et aidait son époux dans son entreprise, elle n'endossait pas en même temps de rôle d'éducatrice. Ainsi beaucoup d'enfants commencèrent les premières années de leur vie dans une famille autre, élevés par une nourrice. Les modèles familiaux différaient donc selon le milieu, la classe sociale.

La famille fonctionne comme une institution, avec des droits et devoirs, des rôles respectifs à jouer.

Au fil du temps, la famille s'est modernisé. La question désormais ne sera plus de "survivre ensemble, mais d'être heureux ensemble"10(*). Majoritairement aujourd'hui dans notre société, l'enfant n'est plus "qu'une bouche à nourrir, ni un petit salarié", il devient un acteur à part entière dans la famille.

François de Singly a également travaillé sur la famille, la famille d'aujourd'hui, nous pourrions même dire les familles d'aujourd'hui, car nous allons voir qu'il existe plusieurs modèles (en admettant que l'on peut « classer » une famille dans un modèle).

B. La famille contemporaine

L'objectif de cette seconde partie est de prendre conscience des changements de la famille d'aujourd'hui et de voir quelles sont les conséquences de ces évolutions sur l'adolescent adopté, qui vit dans la famille contemporaine.

Pour cette partie, nous nous demanderons donc quelle peut être l'influence de la famille sur un adolescent adopté et d'origine étrangère ?

Grâce aux études de l'INED et de l'INSEE, nous connaissons aujourd'hui les transformations de la famille depuis les années 196011(*). Il y a une véritable « fracture » du modèle familial unique aujourd'hui, avec l'existence de différents modèles familiaux. Le nombre de mariages et de remariages a diminué, et les unions libres (ou cohabitations) augmentent.

Les divorces et séparations sont aussi en augmentation. Dans les grandes villes par exemples, 2/3 des couples divorcent et 1/3 en province. Aussi, les familles monoparentales (un ménage composé d'un parent et d'un ou plusieurs enfants) et les familles recomposées sont des modèles familiaux de plus en plus courants. Il faut aussi savoir que le nombre de naissances diminue. Un autre facteur important est l'entrée des femmes sur le marché du travail dans les années 1960. Ces mères qui s'intègrent dans le monde du travail reconnu (car les femmes ont toujours travaillé), et donc des couples dans lesquels les deux conjoints ont une activité professionnelle.

Le mariage n'est donc plus l'institution aussi puissante qu'elle était avant, quand elle marquait le début de la vie commune et la protégeait. On peut dire que la famille est devenue fragile, qu'elle est même en crise. Aujourd'hui ce sont les acteurs sociaux, les conjoints qui décident de se séparer, et non plus aussi souvent la maladie, la guerre ou la mort. De Singly dit que chaque individu est de plus en plus en quête de la maîtrise de son destin individuel. L'individu contemporain est en quête d'autonomie, de gestion de son destin et l'héritage matériel et symbolique sont des notions qui n'ont plus l'importance qu'elles avaient.

On peut aussi se demander pourquoi une majorité des individus se trouvent être en quête d'autonomie individuelle ?

On a constaté que les individus d'aujourd'hui sont en quête constante d'individualité, d'autonomie, ce qu'ils pensent être une liberté de plus. Les acteurs sociaux ont de moins en moins envie d'endosser des rôles sociaux déjà établis12(*), comme par exemple, les rôles des mères, de pères, et de parents classiques. Ils sont envie de créer de nouveaux rôles sociaux. Il y a actuellement une dévalorisation des liens de dépendance vis-à-vis des institutions et des personnes. Le mariage a perdu de sa valeur dans le sens où il est « perçu comme un moyen d'enferment dans des rôles déterminés à l'avance13(*) ». Le concubinage est donc une solution adoptée par de nombreux individus afin de pallier à ce besoin d'individualité, à ce besoin de liberté. C'est une forme d'union plus souple, moins institutionnalisée que le mariage. C'est donc dans ces nouvelles formes familiales possibles, entre autres, qu'évoluent certains adolescents adoptés.

Nous pouvons nous demander dans quelle typologie familiale grandissent en général les adolescents adoptés ? Est-ce des couples mariés, des couples en concubinage, des personnes célibataires ou des familles monoparentales ? La partie analytique pourra répondre à ces questions, par le biais des entretiens effectués auprès des jeunes.

Le milieu social peut être un facteur d'intégration pour l'adolescent adopté. De quels milieux sociaux proviennent alors les parents adoptants ?

Il a été montré que les couples ou personnes qui adoptent proviennent souvent de milieux favorisés. Car l'évaluation psychosociale juge ces couples ou ces personnes sur leur catégorie sociale. De plus, et cela est regrettable, mais une adoption a un coût et tout le monde n'a pas « les moyens » d'adopter (surtout au Canada où une adoption coûte en moyenne entre 6 000 et 21 000 euros).

On peut émettre l'hypothèse que les adolescents adoptés provenant des milieux favorisés s'intègrent mieux et plus rapidement que les catégories professionnelles « défavorisées ». Nous pourrons vérifier cela lors dans notre partie analytique.

D. L'adolescent et sa famille

· L'adolescence d'un point de vue sociologique

Avant d'être adolescent, l'individu est enfant. Il est donc utile de s'intéresser quelque peu à la sociologie de l'enfance.

Comme nous l'avons vu, l'enfant n'a pas toujours été considéré comme il l'est aujourd'hui, comme un individu à part entière. Au fil des siècles, l'idée de l'enfance (et sa reconnaissance) a évolué.

Le regard que l'on porte sur un enfant varie selon la société dans laquelle on se trouve. Un enfant n'est pas considéré de la même façon, au Québec, en Russie ou au Mali par exemple. Il n'aura en effet pas le même rôle. Cependant, il est difficile de généraliser, de classer le comportement d'une société envers ses enfants. Le rôle social d'un enfant peut aussi varier selon le milieu social dans lequel on se trouve.

Durant l'Antiquité14(*), l'enfant a une place centrale dans sa famille, surtout s'il est un garçon. Un enfant y était souhaité et aimé, car le contrôle des naissances existait déjà à cette époque. On y fêtait même les anniversaires des enfants. L'enfant est perçu comme un « brouillon » de l'homme, qu'il faudra façonner, éduquer, intégrer au fur et à mesure dans sa cité. Mais ce n'est pas pour autant que l'enfant avait des droits, et s'il en avait, ils n'étaient pas toujours respectés. Car comme nous l'avons vu précédemment, beaucoup d'enfants étaient abandonnées et les personnes qui les recueillaient pouvaient être dépourvues de bonnes intentions. L'esclavage des enfants était répandu.

L'enfant pouvait donc être très bien considéré, tout comme il pouvait être traité comme un sous-homme, et être réduit à l'esclavage. En fait, tout dépendait du milieu social dans lequel se trouvait l'enfant.

La période du Moyen-âge15(*) n'améliorera pas tellement la situation des enfants. L'enfant est perçu comme « un passage obligé avant l'âge adulte », et il n'était pas certain qu'il parvienne à cet âge. La mortalité infantile étant très élevée (à cause des maladies, des famines, des guerres), la perte d'un enfant était répandue. Aussi donc, si on peut dire, la famille « s'attachait moins » à un nouveau-né, à un enfant qui pouvait mourir rapidement ; et la naissance d'un autre le remplaçait aussitôt. L'enfant obtenait un rôle dans la société médiévale seulement lorsqu'il arrivait à un certain âge qui le protégeait relativement du risque de mourir, l'adolescence. Les abandons d'enfants étaient de plus assez répandus. Les enfants recueillis ne sont souvent pas bien traités, et beaucoup meurent lors des transports par exemple, car l'on ne tenait pas forcément compte de leur confort.

C'est au XVe siècle, avec la scolarisation, que l'on prend conscience de l'enfant en tant qu'individu, mais cela sera progressif.

Durant le période de la Renaissance, on se préoccupe de l'éducation, de la santé physique et mentale de l'enfant, on l'habille. Cela prend tout d'abord essence dans les familles aisées. Mais, d'un autre côté, les châtiments corporels sont autorisés à l'école, les faveurs sont plus souvent faites aux garçons.

Aujourd'hui, au XXIe siècle, le statut de l'enfant a changé. Une des raisons principale est que le taux de natalité est en constante baisse, « les enfants se font rares ». Même l'Etat a pris un rôle dans ses politiques sociales menées pour l'enfant, par exemple avec les allocations familiales, les aides sociales. L'enfant a un rôle central aujourd'hui dans la famille, et même les médias en font une cible de choix.

Attardons nous maintenant à la sociologie de l'adolescence, afin de comprendre quels sont les processus qui permettent à l'adolescent adopté de se faire une place dans la société et de s'intégrer socialement.

Le concept de l'adolescence est né avec la Révolution, mais émerge véritablement au XIXe siècle, où il acquiert d'abord ses fondements médicaux16(*) et psychologiques. Durant l'Antiquité, les rîtes de passage se faisaient par l'embrigadement militaire pour les garçons, et par le mariage pour les filles.

De même que dans les sociétés primitives, il y avait des processus d'initiation à l'âge adulte. Par exemple, chez les populations Manus, dans l'archipel de l'Amirauté, le percement des oreilles était pratiqué.

Dans les sociétés médiévales, les bachelleries se développent, ce sont des regroupements de jeunes adolescents étudiants. En 1775, les moins de vingt ans forment 42% de la population (alors que les plus de 70 ans forment 7% de la population). En 1789, la Révolution Française est une révolution de la jeunesse, qui va devenir une menace pour le pouvoir politique au 19e siècle. Il est donc urgent de retarder le moment où les jeunes seront indépendants et pourront assumer des responsabilités politiques et sociales17(*). A la même époque, le développement des villes voit apparaître le phénomène des bandes, c'est le début des gangs. Aussi, les jeunes ouvriers sont les premiers à manifester. Moins biens payés, formés sur le tas, ils crient à l'injustice.

Alors, l'adolescence, vu comme dangereuse, devient un objet d'étude pour la médecine, les pédagogues et même les criminologues se penchent sur ce sujet. Ainsi, en 1900, le quotidien Le Matin, crée une rubrique où sont relatés tous les méfaits des jeunes de l'époque. « Le mythe d'une recrudescence de la délinquance juvénile apparaît18(*) ».

Patrick Delaroche donne une définition précise de l'adolescence. Pour lui, c'est « une prise de conscience collective d'un crise psychique déclenchée par l'apparition du pouvoir sexuel chez l'enfant et la recherche d'une issue hors du cadre familial ». L'adolescence est un phénomène sociologique révélant une crise psychologique et accompagnée d'un manifestation physiologique, la puberté. L'adolescence c'est un passage du statut d'enfant à celui de jeune adulte. Le jeune fait en quelque sorte « le deuil » de son enfance.

Si on essaie de théoriser le phénomène, on peut dire alors que l'adolescence, « c'est une prise de conscience collective récente de l'existence d'une crise psychique déclenchée par l'apparition du pouvoir sexuel chez l'enfant et cherchant une issue hors du cadre familial »19(*). L'adolescence serai donc la manifestation sociologique d'un phénomène sociologique.

Cette manifestation sociologique se fait-elle de la même manière pour tous ? L'auteur parle de recherche d'une issue « hors du cadre familial ». Cette recherche est-elle la même pour tous, adolescent adopté ou non ? L'adolescent peut en effet avoir besoin de vérifier sa nouvelle « indépendance », de mettre à l'épreuve ce passage de l'état d'enfant à l'état de jeune adulte.

Nous pouvons ainsi nous demander par quels moyens l'adolescent adopté commence-t-il à vivre ses expériences hors de sa famille ?

Aujourd'hui les jeunes sont de plus en plus dépendants de leurs parents et de plus en plus longtemps, avec notamment l'allongement de la durée des études ajouté au célibat (le phénomène « Tanguy »), la difficulté de trouver un emploi. Ce phénomène peut exacerber les conflits entre parents et adolescents.

Pour le cas des personnes adoptées, on peut se demander si elles restent plus longtemps chez leurs parents ou si au contraire elles aspirent plus vite à faire leur propre vie, indépendamment et sans leurs parents. En d'autres termes, les adolescents adoptés ont-ils un plus grand et un plus pressant besoin d'indépendance que les autres adolescents ?

On parle aussi beaucoup de la « crise d'adolescence ». Mais sachant qu'elle ne se produit souvent que dans les sociétés « modernes », quels sont les facteurs qui créent cette crise de passage ?

Est-ce les sociétés qui sont trop individualistes, qui accordent trop d'importance à l'enfant, au jeune qui autrefois était considéré comme « un brouillon de l'homme » durant l'Antiquité ?

· L'adolescence, une passage entre enfance et âge adulte (vu par Françoise Dolto)

Le phénomène de l'adoption peut être compliqué à vivre durant la période de l'adolescence, tant pour la personne adoptée que pour les parents adoptifs. Le fait de vivre dans une famille qui n'est pas de « sang » peut être difficile à vivre socialement, psychologiquement. Même si heureusement, la plupart des enfants adoptés vivent heureux ; certains peuvent vivre cela comme un traumatisme. Savoir qui l'on est, savoir d'où l'on vient, sont des questions récurrentes chez l'enfant adopté.

La psychanalyste Françoise Dolto a beaucoup travaillé sur les questions de l'enfance et de l'adolescence. Elle a d'ailleurs fait sa thèse de médecine sur le thème « Psychanalyse et pédiatrie ».

Françoise Dolto situe l'adolescence entre treize et dix-sept ans, même si les limites sont assez floues20(*). C'est un âge intermédiaire, où tout change. On peut appeler cela une mutation, un moment de fragilité. Elle compare l'adolescent à un homard pendant sa mue, sans carapace, devant s'en fabriquer une autre, et en attendant, confronté à différents phénomènes. L'adolescence est une période de passage qui sépare l'enfance à l'âge adulte, elle a pour centre la puberté. C'est l'époque des changements, d'une part dans la relation que l'adolescent entretient avec son propre corps qu'il découvre. A cette période, on fait le deuil son enfance, du passé.

L'adolescent, de plus quand il est adopté, entre dans un moment de sa vie nouveau et insécurisé. Toutes sortes de questions apparaissent. C'est aussi la période de la découverte de son corps et du corps de l'autre, de l'apprentissage de la sexualité.

L'adolescence, nous dit Dolto, est aussi un âge fragile, où certains jeunes peuvent exprimer des difficultés. En effet, l'adolescent ressent le besoin d'avoir un rôle dans la société, d'être valorisé, écouté. Mais ce besoin est-il satisfait chez tous les adolescents ?

Un adolescent adopté peut subir une forme de stigmatisation, d'étiquetage sur sa situation. Le stigmate est une marque qui laisse une trace, qui n'est donc pas sans conséquences.

La société a-t-elle un rôle à jouer dans les politiques sociales envers la jeunesse, en particulier envers les jeunes adolescents adoptés, pour satisfaire ce besoin de détenir un rôle dans la vie sociale de son groupe, de son milieu d'adoption ?

Le lien social peut permettre de redonner confiance, d'être valorisé, c'est peut-être cela qui permet l'intégration sociale de l'adolescent adopté.

Y a-t-il des politiques mises en oeuvre dans cet objectif d'intégration sociale ?

La valorisation et l'accompagnement de ses jeunes à situation plutôt « sensible » sont importants.

· Le lien entre abandon et adolescence

Le travail de Françoise Dolto a bouleversé toutes les idées reçues. Elle a démontré qu'il fallait savoir à quoi on renonçait pour pouvoir changer de filiation. C'est pourquoi lorsqu'un enfant reçoit un prénom, il est préférable de bien réfléchir avant de le lui changer. Il est important de changer en douceur en laissant le premier prénom figurer sur les papiers. Le premier prénom est à la place du nom de famille dans la structuration du psychisme de l'enfant.

L'exploitation de l'amnésie infantile (oubli de tout ce qui se passe avant 5 ans) consiste à nier l'existence de ces souvenirs. Or, l'inconscient viendra les lui rappeler. Pour aider un orphelin à vivre sa destinée au mieux, il faut comprendre qu'il doit supporter une blessure difficile à cicatriser.

La mère conçoit l'enfant et accouche, mais le père déclare l'enfant, lui donnant une existence sociale. Or souvent, dans les cas d'abandon, du père, on ne sait rien ou très peu. Il est alors important de dire à l'enfant qu'on ne sait rien. Il ne faut pas confondre secret de famille et secret d'état. Lorsque les conseils de familles font du secret d'état sous couvert de morale, ils sont destructeurs. Lorsque la mère fait du secret de famille en cachant certaines choses, elle crée de la névrose, et c'est moins dramatique. Comme la place du père est souvent vacante, le rôle du père adoptif est parfois plus facile. L'adoption est l'une des rares, grandes et magnifiques aventures encore possible dans notre société. 

Dolto pense qu'il est indispensable de dire à un nouveau-né d'où il vient. A l'enfant de décider s'il souhaite encore avoir accès à ses origines ou non. Car en effet, si le secret sur la naissance est gardé, comment l'adolescent, une fois devenu adulte, perçoit-il les notions de vérité et de mensonge ?

Les raisons d'un secret sur une naissance peuvent être perturbantes pour un adolescent. Dans la plupart des pays, la naissance établit un lien de filiation entre une mère qui accouche et l'enfant qu'elle met au monde. Ne pas connaître le déroulement de sa venue au monde peut-être un handicap tant social que psychologique, pour l'intégration de l'adolescent. La connaissance ou non de ses origines est un point que j'ai pu développer lors de mes entretiens avec les jeunes adoptés. Nous développerons cet aspect plus loin.

· L'adoption du point de vue de l'enfant adopté

Avec la question de l'adoption, survient aussi inévitablement celle de l'abandon, qui est sous-entendue. En effet, une adoption n'est permise que si l'enfant a été abandonné par sa mère ou bien par les deux parents biologiques. Le secret, l'anonymat sur l'histoire de l'enfant 21(*), de l'adolescent adopté peut être très perturbante, lors de son développement.

Comme nous l'avons déjà dis, le secret peut être lourd à porter, pour les parents et pour l'enfant. De même, il existe toujours des réticences aujourd'hui dans le système pour révéler aux enfants le contenu de leur dossier.

La raison du secret peut être perturbantes pour un adolescent. Après à son tour, comment voit-il la notion du mensonge et de la vérité si on lui a toujours caché son adoption ?

Les adoptions nationales et internationales sont de plus en plus nombreuses depuis une trentaine d'années au Québec, tout comme en France. Il est donc légitime de prendre en compte le point de vue de l'enfant adopté. Auparavant, il était conseillé aux parents adoptifs de ne pas parler de du passé de l'enfant, pour ne pas les perturber. Cependant, ces conseils ont montré leurs limites dEmmant les difficultés éprouvées par les enfants, adolescents et jeunes adultes à vivre leur adoption sereinement. L'adoption est un autre mode de parenté et de filiation, qui peut engendrer des questionnements de la part des enfants adoptés, et de plus, si ils sont d'origine étrangère.

Dans l'ouvrage, L'enfant adopté, comprendre la blessure primitive, Nancy Newton Verrier fait part de son expérience de mère adoptive, et de la souffrance qu'a pu ressentir sa fille. L'auteur a pu comprendre cela grâce à la relation forte qu'elle avait avec elle. Elle dit avoir dû affronter le fait qu'elle ne pourra jamais prendre la place de sa mère de naissance, alors qu'elle et son époux ont adopté leur fille à l'âge de trois jours seulement. C'est par le dialogue qu'elle a pu déceler puis comprendre la souffrance de sa fille.

Le lien entre la mère et son enfant ne commence pas à la naissance mais pendant toute la période post-natale. Durant la grossesse, une série d'événements physiologiques, psychologiques et spirituels ont lieu. Si ce lien est interrompu par une séparation de la mère de naissance, l'enfant garde inconsciemment une expérience d'abandon et de perte, qui reste toujours. Cet ouvrage est intéressant car il montre une face souvent « taboue » de l'adoption, la souffrance de l'enfant adopté. En plus du rôle éducatif, les parents adoptifs ont un rôle « psychologique » vis-à-vis de leur enfant. C'est-à-dire que leur comportement par rapport à l'adoption, le fait de dévoiler ou non l'histoire de l'enfant, va être capital pour son développement et ensuite son intégration sociale.

· L'adolescence à risque

Un trop forte crise d'adolescence peut entraîner un passage à l'acte. L'adolescent prouve par des actes qu'il peut franchir les limites, les règles que lui impose la société. Il convient alors de parler du thème de la prise de risque à l'adolescence. Est-ce un passage obligé lors de cette transition de l'enfance à l'âge adulte ? Une trop grande prise de risque à cette période peut-elle engendrer un problème d'intégration ?

On peut alors s'interroger : pourquoi l'adolescent peut-il avoir besoin de cette prise de risque ?

L'adolescence, c'est un moment où se brouillent les repères du jeune devenant adulte. Notre société aujourd'hui est de plus une société de consommation. Les adolescents sont autant consommateurs que la catégorie des 25/60 ans par exemple22(*). Une puissante culture adolescente règne, dans tous les domaines. Ce phénomène peut être un tourbillon pour les jeunes, et leur intégration.

Ces prises de risques ont pris une grande ampleur ces dernières années. Voyons à présent quelles peuvent être les différentes formes de prise de risques pour un adolescent.

Le taux de suicide chez les adolescents est assez inquiétant. Par an, il y a environ 50 000 tentatives de suicide en France, 8 000 adolescents en meurent chaque année. Au Québec, le taux de suicides des adolescents est de 7,6 à 14,8 par 100 000.

Dans son étude sur le suicide, Emile Durkheim analyse les différents types de suicides. Pour le sociologue, le taux de suicide varie selon le degré d'intégration des groupes sociaux dont fait partie l'individu. L'intégration sociale à l'adolescence est donc extrêmement important, et est facteur d'identité sociale. L'intégration au moment de l'adolescence permet de se sentir semblable aux autres. L'intégration et l'identification sont des facteurs importants quand on est adopté et que l'on ne ressemble à aucun membre de sa famille comme tout le monde. L'adolescent adopté a bien souvent un réel besoin de s'identifier à un groupe de jeunes de son âge, ou à un groupe de la même ethnie d'origine que lui.

· Le suicide des jeunes aux Québec

L'adolescence est parfois une période à risques. Attardons nous un peu sur le problème du suicide des jeunes au Québec. Il y a eu une hausse marquée du taux de suicide au Canada dans les années 1960 et 1970; bien que ce taux se soit stabilisé pendant les années 1980, il se situe toujours à un niveau jamais atteint précédemment. Entre 1960 et 1978, le taux de suicide est en effet passé de 7,6 à 14,8 pour 100 000 adolescents. Bien que relativement stable au cours de la dernière décennie, il a tout de même été environ deux fois plus élevé que le taux affiché pendant presque toute la période comprise entre 1921 et 1961 et il est demeuré nettement supérieur aux sommets précédents observés pendant la Crise des années 1930. De plus, il est important de noter que le nombre réel de suicides au Canada est peut-être sous-estimé. En effet, un décès n'est qualifié de suicide par les autorités médicales et judiciaires que lorsque l'intention de la victime est clairement démontrée.

Le gouvernement fédéral s'est penché sur le problème du suicide en 1980 lorsqu'il a mis sur pied un groupe d'étude national sur le suicide au Canada, qui a publié son rapport en 1987. Bien que les statistiques remontent à 1985 et souvent à des années antérieures, l'étude constitue l'examen le plus exhaustif du phénomène réalisé à ce jour au Canada. Le Groupe d'étude a dégagé sept groupes démographiques à risque élevé. Même si les hommes âgés de 20 à 24 ans font partie du groupe dont la hausse du taux de suicide a été la plus prononcée depuis vingt ans, de nettes augmentations ont été constatées chez les jeunes de 15 à 19 ans, là encore surtout chez les garçons. Le Groupe d'étude a décrit et évalué une gamme de programmes de prévention, d'intervention et de suivi et formulé quelques recommandations au sujet non seulement des facteurs suicidogènes mais aussi des moyens de prévenir les suicides. Le gouvernement fédéral n'a pas pris de mesures importantes à la suite de la publication du rapport.

Les autres risques actuels à l'adolescence en général sont aussi les accidents de la route, qui tue chaque année une majorité de la catégorie des 15/25 ans23(*). On peut se demander alors pourquoi les jeunes sont-ils plus touchés par ce problème ? Il y a à cela différentes raisons, la vitesse, l'alcool, la drogue.

Les fugues, la violence, l'échec scolaire, la toxicomanie, l'alcool, les troubles alimentaires sont autant de risques qui se développent particulièrement chez les jeunes. On peut se demander si les adolescents adoptés sont plus exposés à ces risques ou pas.

L'adolescence connaît donc parfois des moments de crises et cela peut se manifester par ces prises de risques à degrés divers mais qui peuvent être à terme très dangereuses. La prise de risque est à l'adolescence un « système d'alarme » pour le jeune. C'est une façon de dire qu'il ne va pas bien, qu'il ne se sent pas pleinement intégré, en accord avec les règles, normes et valeurs que l'on lui propose.

· L'adoption, une longue histoire entre l'enfant et ses parents adoptifs24(*)

L'auteur Myriam Szejer a dirigé la publication d'un ouvrage collectif : Le bébé face à l'abandon, le bébé face à l'adoption. Elle est attachée à l'hôpital de Clamart auprès des nourrissons et de leurs parents. Elle est présidente de l'association « La cause des bébés ». Son travail va nous permettre de voir les difficultés qu'il peut y avoir entre parents et enfants adoptés, et les conséquences que cela peut avoir, à terme.

Myriam Szejer travaille en maternité depuis 1990 et s'est très vite occupée des accouchements dits « sous X ». Elle a assisté aux consultations de Françoise Dolto. Ce qui l'a passionné, c'est la réaction des bébés nés sous X à qui on racontait leur histoire pour qu'ils « aillent mieux ». Sa réflexion personnelle l'a ensuite conduite à tenter de leur parler plus tôt, dès la naissance. Car il est souvent constaté que les enfants adoptés à qui l'on parle de leur histoire, de leur adoption, ont moins de problèmes que les autres, à qui l'on ne dit rien.

C'est là que ses idées sur l'abandon naissent. En effet, avant l'adoption, il y a un abandon25(*). Aujourd'hui, l'abandon perdure encore plus ou moins comme un tabou à cacher au maximum. Pourtant, on sait aujourd'hui que les secrets peuvent créer des problèmes psychologiques et compromettre l'équilibre d'une personne. Mais même les adoptions les plus réussies ne parviennent pas à effacer la trace de l'abandon. Préserver le lien entre la vie prénatale et la vie postnatale semble donc primordial, selon l'auteur, car la naissance est une séparation. Des études indiquent aujourd'hui que les facultés d'apprentissage à l'adolescence seraient en relation avec l'âge de l'abandon, celui de l'adoption et avec ce que l'enfant a eu à vivre entre ces deux moments.

C'est dans ce cadre que Myriam Szejer intervient et accompagne les mères pendant leur grossesse et après. Elle les assiste pour parler aux enfants. Les assistantes sociales informent les femmes susceptibles d'abandonner leur enfant de leurs droits. Myriam Szejer a travaillé sur la question de la transmission de l'histoire et de l'identité ; pour « qu'accoucher dans le secret, ne soit pas forcément priver l'enfant de son origine ». Les enfants « emmagasinent » des choses pendant la grossesse, c'est une mémoire inconsciente25(*). Une femme qui accouche garde dans son sang des cellules de l'enfant qu'elle a mis au monde. La séparation n'est donc jamais complète.  

Dans les cas d'abandon, les perceptions postnatales ne sont pas en accord avec les perceptions prénatales. L'ambiance familiale, tous les repères disparaissent définitivement. La seule chose faisant le lien, ce sont les paroles qui peuvent lui être dites. Tous les individus abandonnés se posent en effet la même question : pourquoi m'ont-ils abandonnés ? Dès la petite enfance, les adoptés sont en quête de réponse à cette question, et elle s'amplifie souvent à l'adolescence. Cette question est même souvent plus importante que : « qui m'a abandonné ? ». En fait, tout dépend de ce qui leur a été dit ou non à l'enfant, à propose de ses origines.

L'idéal, nous dit M. Szejer, « est de parler le plus tôt possible avec l'enfant ». Ce qu'il fera après de cette histoire lui appartient. Certains symptômes d'enfants malades sont parfois une demande de sens inconsciente de la part de l'enfant. Alors le seul fait de parler à l'enfant peut déclancher un soulagement. Mais, il est rare que tous les éléments le concernant soient dits à l'enfant. On demande parfois inconsciemment aux adoptés de penser qu'ils sont l'enfant biologique de leur famille adoptive. Jusqu'à récemment, il était courant de penser que l'on ne souffrait pas de ce que l'on ne connaissait pas. 

4. L'intégration de l'enfant adopté

A. L'intégration, une notion sociologique 26(*)

· L'intégration et l'identité, deux notions liées dans une adoption.

On peut se demander alors, pourquoi s'intéresser à la notion d'identité dans le domaine de l'adoption ? Quel rôle a l'identité dans l'intégration d'un individu adopté ? Dans cette partie nous allons voir combien cette notion d'identité est fondamentale dans l'adoption.

L'intégration est « le fait de faire partie de ». C'est un sentiment d'appartenance dans une société donnée. L'intégration sociale est une valeur, voire une norme. Mais quand on emploie le terme intégration, on dit intégration à quoi ?

L'intégration est un terme au sens large qu'il nous faut repréciser. Tous d'abord, il peut y avoir différentes sortes d'intégration, sociale, familiale, financière, politique. Pour cette recherche, nous nous intéresserons à l'intégration familiale et sociale de l'adolescent.

L'intégration, est comme nous l'avons dit, un sentiment d'appartenance à un groupe donné. C'est aussi le degré de participation à la vie d'un groupe, à la façon dont les autres membres du groupe vous perçoive, au rôle que vous avez.

L'intégration est une notion intimement liée à l'adoption. En effet, lorsqu'une adoption se passe mal, car il peut y avoir des adoptions en échec, qu'est-ce que cela veut dire ?

Inconsciemment, cela signifie que l'enfant ou l'adolescent adopté n'a pas réussi « le travail » d'intégration à son milieu, qu `il est resté en dehors et n'est pas parvenu à s'y faire une place. Comme les adolescents de parents naturels, les adolescents adoptés peuvent avoir envie de goûter aux risques, aux interdits délimités par la société ? Dans ce cas, est-ce que l'intégration a échoué ? Est- pour autant que l'adolescent ne pourra pas revenir à un comportement dit « normal », après avoir tenté de tester ses limites ?

La question de l'intégration de l'adolescent adopté dans la société permet de découvrir les rôles de la famille, la société, l'école, et aussi le milieu associatif, sous toutes ses formes. L'adolescence est un « rite »27(*) à vivre, mêlé d'un mélange de contrôle et de liberté. On voudrait montrer que l'on est capable de se risquer dans la société. L'entourage familial peut permettre cette intégration.

Le mot intégration s'oppose à celui de ségrégation, qui est la séparation de droit ou de fait de personne en raison de leur race, de leur condition sociale ou de leur niveau d'instruction. La reconnaissance sociale et l'estime de soi sont des éléments fondamentaux d'une intégration. La société a certainement un rôle à jouer dans l'intégration d'un individu.

L'intégration d'un enfant adopté d'origine étrangère est-elle plus difficile au niveau de l'intégration que celle d'un enfant adopté d'origine française ?

L'enfant adopté peut éprouver un sentiment d'exclusion, de part sa couleur, son prénom à consonance étrangère par exemple. Nous pouvons nous interroger sur les facteurs sociaux qui expliquent ce phénomène. L'intégration est l'opération par laquelle un individu s'incorpore à un groupe, à un milieu.

La notion d'assimilation est proche et complète celle d'intégration. Il y a assimilation d'une culture par un individu en sociologie quand il y a suppression quasi complète de la culture d'origine et adoption de la culture d'accueil. Le pays d'accueil a alors un rôle à jouer dans cette intégration, par son comportement social envers les étrangers.

En fait, nous supposons que l'adolescence est une période importante pour l'intégration d'un individu. C'est à ce moment qu'il commence à prendre ses décisions, à décider en quelles valeurs il croit.

Les entretiens nous permettrons de voir comment ces adolescents se sentent intégrés ou non dans leur famille et dans leur société, dans leur pays d'accueil, malgré leur adoption et ses questionnements, et les origines étrangères.

· Etre un adolescent d'origine étrangère, un handicap à l'intégration sociale ?

En tant qu'adolescent adopté, on peut ce demander si celui-ci connaît des difficultés s'incérer dans le milieu où il se trouve, ou bien s'il y a un décalage avec ses pairs. De plus, le fait d'être adopté à un très jeune âge influence-t-il l'intégration de l'adolescent ? Il est nécessaire d'envisager toutes ces questions pour traiter ce thème. C'est une hypothèse que nous pourrons essayer de vérifier ou non, lors des entretiens avec des adolescents.

Certains discours renferment parfois les individus dans des catégories, dans des classes ou « sous-classes », avec des critères d'origine culturelle, sociales ou mêmes raciales. Certaines personnes peuvent être désignées en fonction de leur origine, de leur apparence, de leur mode de vie, de leur religion, de leur nom ou prénom, et cela est souvent fondé sur l'apparence physique. La question est de savoir si le fait d'être d'origine étrangère pose des « difficultés » à l'adolescent adopté ? Car les discriminations existent et cela dans tous les domaines et milieux, le logement, le milieu scolaire, le milieu sportif ou autre.

Les entretiens vont nous permettre de voir si oui on non les adolescents québécois ont des difficultés à s'intégrer avec le fait d'avoir des origines étrangères.

B. Emile Durkheim et l'intégration de l'individu en société

A travers son ouvrage bien connu Le suicide28(*), Emile Durkheim a étudié le principe d'intégration des individus en société.

L'intégration désigne un état du système social. Les individus d'une société donnée sont intégrés quand il y a un degré élevé de cohésion sociale. Tout comme la citoyenneté qui est un sentiment d'appartenance à une collectivité politique, l'intégration est un sentiment d'appartenance à une collectivité sociale. Pour illustrer cela, nous allons pouvoir nous servir des enseignements qu'a tiré Durkheim de son travail sur le suicide.

Pour le sociologue, le taux de suicide varie plus ou moins selon le degré d'intégration de l'individu dans le groupe social dont il fait partie. L'individu peut être relié à différents groupes sociaux, familiaux, ethniques, religieux, professionnels...

On distingue souvent deux types d'intégration : l'intégration culturelle et l'intégration économique. L'intégration culturelle, c'est lorsque les individus participent à la vie commune, parlent la langue nationale aussi. Cette intégration se rapproche de la notion d'assimilation. L'intégration économique, c'est lorsque l'individu occupe un travail stable qui lui procure un revenu permettant de bonnes conditions de vie. Une société peut être repliée sur elle-même culturellement mais réussir son intégration économique.

Dans le cas de cette étude sur l'intégration des adolescents adoptés, on peut ce demander si le fait de connaître ou d'appartenir à un groupe de personnes ayant la même culture d'origine que celui-ci l'aide à s'intégrer ? Si cela l'aide à créer son identité sociale ? A la notion d'intégration, on oppose celle d'exclusion sociale.

De quelles façons un adolescent « exclu », non intégré en est-il arrivé à cette situation ? Quelles sont les étapes de l'exclusion d'un individu ?

Il y a intégration d'un individu dans un groupe donné si celui-ci partage les mêmes normes, les mêmes valeurs et principes, les mêmes comportements. La notion de norme sociale peut être utile dans le cadre de ce mémoire sur l'intégration.

Durkheim a travaillé sur la théorie du lien social. Selon lui, le lien social n'est ni politique (résultat d'un contrat entre les hommes), ni économique (résultat d'une nécessité de l'échange), mais moral.

Il est moral dans le sens où ce lien est fondé sur les règles qui permettent la vie en société. Le lien social est lié à la norme sociale.

La norme est généralement définie comme une règle de conduite sanctionnée, une règle qui est de façon implicite acceptée par tous. L'adolescent adopté doit-il répondre à la norme sociale de la même façon que les autres adolescents ? A l'adolescence, comment envisage-t-on et tient-on compte de cette norme ? Les adolescents adoptés ont-ils envie de correspondre à cela ?

Si l'on suit le raisonnement et la méthode sociologique de Durkheim, il faut étudier les faits sociaux comme des choses sans s'attacher aux motivations individuelles.

Notre objet d'étude sera donc l'adolescent adopté d'origine étrangère et la recherche « scientifique » sera quels sont les facteurs de l'intégration sociale de l'adolescent adopté d'origine étrangère ?

Un fait social « est une manière d'agir, de penser et de sentir, extérieurs à l'individu, et qui sont doués d'un pouvoir de coercition en vertu duquel ils s'imposent à lui »29(*). Le fait social présent deux caractéristiques principales, l'extériorité et la contrainte.

Un fait social est extérieur à l'homme parce qu'il préexiste à l'individu lorsqu'il naît et perdure lorsqu'il meurt. Cela s'applique aussi à l'adoption, un enfant adopté aura ce statut toute sa vie. Aussi, le fait social s'impose à l'individu comme une contrainte, car le non-respect des règles de la vie sociale peut entraîner des sanctions de la part de la société, et qu'au contraire, le respect de ces règles permet souvent la réussite des actions que l'on entreprend. Mais, souligne Durkheim, le caractère contraignant du fait social reste souvent inaperçu car les règles de la vie sociale sont intériorisées par les individus au cours du processus de socialisation. Par rapport à l'adoption, on peut se demander si ce processus de socialisation est le même pour un adolescent adopté que pour un autre ?

Avec la notion de lien social s'accorde celle de solidarité. Le lien social étant par nature invisible, son analyse ne peut passer que par l'étude d'un de ses effets qui lui, serai visible30(*). Voyons les deux types de solidarité que Durkheim propose. Chacune d'elle correspond à deux types de société.

Tout d'abord, la solidarité mécanique est celle qui caractérise les sociétés traditionnelles. Elle est le résultat de la similitude des consciences, et se manifeste par un droit répressif.

La solidarité organique est celle qui représente les sociétés modernes (ou organisées). Elle est le résultat de la différenciation des fonctions sociales qui rend nécessaire la division du travail ; les individus, autonomes, sont liés les uns aux autres du fait de la complémentarité des fonctions qu'ils occupent. La solidarité organique se manifeste par un droit restitutif.

Aujourd'hui, nous serions donc dans un système de solidarité organique. Est-ce que cette solidarité influe sur l'intégration des adolescents adoptés ? Y a t il un système mis en place pour les aider à cette intégration ?

C. La notion d'identité

· L'identité, une notion importante pour l'adopté

À l'adolescence, le défi se situe au niveau de l'identité. L'adolescent doit répondre à la question "qui suis-je ?". À cette période, il doit se « distancier » de ses parents et découvrir sa propre identité. Il cherche ses valeurs, son autonomie physique, intellectuelle et affective. Durant l'adolescence, le jeune développe l'aspect cognitif (la pensée abstraite, la réflexion). Certains adolescents peuvent vivre des difficultés. Il peut s'agir souvent d'un enchaînement de problèmes. Par exemple, le jeune qui vit des problèmes d'estime de soi et de difficultés scolaires, peut se lier d'amitié avec des groupes peu recommandables. Son groupe peut l'amener à commettre des délits et l'amener à fuir ses problèmes dans les drogues. Ils vivent ainsi plusieurs problèmes qui peuvent s'aggraver.

· Qu'en est-il chez les ados adoptés ?

Les différentes recherches sont partagées, à savoir si la crise est plus intense ou semblable chez les adoptés par rapport aux non adoptés. On s'entend tous pour dire qu'il y a plus d'enjeux à régler. En raison de cette surcharge, certains disent que l'adolescence est vécue comme un amplificateur des conflits vécus durant cette période. Elle est plus longue et plus difficile.

La tâche identitaire, est en effet plus complexe chez les ados adoptés. En plus des problèmes courants de l'adolescence, ils doivent gérer les questions identitaires liées à l'adoption. Tout ceci augmente donc le travail identitaire de l'adolescent. Erikson, un psychanalyste américain (La psychologie du Moi), a pu identifier certaines tâches identitaires propres aux adolescents adoptés :

La compréhension de ce que l'adoption signifie

Se forger une identité propre (proche ou non de celles des parents adoptifs)

Se forger une identité raciale et culturelle

L'acceptation des différences physiques avec les membres de sa famille

Vivre et accepter le phénomène d'abandon

Envisager (si besoin) la possibilité de retrouvailles ou de voyage dans le pays d'origine

Le jeune doit arriver à mieux comprendre ses origines et la signification de l'adoption dans sa vie. Il doit accepter ses différences et apprendre à bien vivre avec elles. Le phénomène d'abandon et la double identité doivent être reconnus.

Le terme d'identité est souvent utilisé en sociologie. Un courant de sociologie contemporaine31(*) met en avant le thème de l'identité personnelle pour signifier une nouvelle étape du processus d'individualisation. L'identité est une notion importante pour un adolescent adopté. Le fait d'arriver dans une famille non biologique peut peut-être avoir des effets sur le sentiment d'appartenance à un groupe, par le biais d'une identité propre. L'identité différencie les individus entre eux. C'est aussi avant tout est un processus complexe qui combine plusieurs éléments. Elle se modifie en fonction des différentes expériences socialisantes.

Le sociologue Claude Dubar distingue deux dimensions dans l'identité :

- une identité « pour soi », qui est l'identité héritée, et aussi celle visée par l'individu

- une identité « pour autrui », qui est celle qu les autres valident ou non

C'est donc à travers ces notions peu évidentes que l'adolescent vit ce moment de sa vie, et sa situation d'enfant adopté. Avec l'identité, on aborde aussi d'autres notions, comme le « soi », la « culture », les « rôles sociaux », « l'individualisation », « le sentiment d'appartenance ».

La notion de « soi » reste un des premiers composant de l'identité personnelle, qui naît des situations et interactions sociales, ainsi que les rituels sociaux.

L'adolescence est un des rituels sociaux de notre époque. Est-ce donc par ce passage de l'enfance à l'âge adulte que se mettrait en place une identité propre chez l'adolescent adopté ? L'analyse des entretiens nous permettra de répondre à cette question.

En plus des questions identitaires, (qui suis-je ?) propres à l'ensemble des adolescents, viennent s'ajouter les questions identificatoires32(*). D'où est ce que je viens ? Quelles sont mes origines ? Dois-je en être fier ? À qui est-ce que je ressemble ? D'où viennent mes talents, mes habiletés ? Comment la société me perçoit-elle ? Comment est-ce que je me perçois ?

L'adolescent doit également arriver à vivre avec sa double identité. L'adopté a deux « paires » de parents, les parents actuels et d'origine. Il cherche à intégrer ses deux composantes dans sa vie. Comment réussir à se façonner son identité en sachant que l'on vient de parents inconnus ? Il est également difficile de se sentir appartenir à une lignée familiale avec laquelle nous n'avons pas de liens de sang. L'adolescent peut se sentir tiraillé entre ses origines et sa vie actuelle. Il doit se forger une identité à travers tout cela ; et doit également reconnaître son passé. Pendant son enfance, l'individu adopté ce se pose pas autant de questions sur sa filiation. Cependant, à l'adolescence, avec sa quête identitaire, il doit faire face à son passé pour bien comprendre qui il est33(*). Son passé fait parti de lui, il doit l'intégrer dans son identité. Tout ce que l'adolescent a pu vivre durant sa petite enfance, est réactivé à l'adolescence. Si l'adolescent a une enfance difficile, il y a de fortes chances que la période d'adolescence soit complexe34(*).

Le regard que les autres posent sur nous est aussi important que la façon dont nous percevons les situations et notre façon d'y répondre. Tous les facteurs entourant l'individu ainsi que ses caractéristiques psychosociales, viennent influencer son identité.

L'identité physique

Les adolescents développent leur identité en voyant ce qui les rapproche et les différencie des autres, de la société et de leur famille. Une grande part de leur identité provient de leur apparence extérieure qui, durant l'adolescence, prend beaucoup d'importance. Durant cette période, le corps vit de grandes transformations. On ne peut qu'être concerné par son apparence quand celle-ci se modifie. Avec cette transformation vient également une redéfinition de la personne (caractère, sexualité). Cette transformation les amène à se questionner davantage sur leur origine biologique. C'est pourquoi certains adolescents adoptés expriment à l'adolescence le désir de chercher et de rencontrer la mère biologique ou les parents biologiques35(*).

Les questionnements de l'adolescent adopté

Un des souhaits les plus importants des adolescents adoptés est d'avoir des renseignements sur l'apparence physique de leurs parents d'origine. Par la suite, ce sont les traits de caractères qui les intéressent. Ce besoin viendrait du désir d'appartenir, de se retrouver en quelqu'un. Il est difficile pour eux de se faire une idée de leur physique, alors qu'ils ne ressemblent à personne. C'est un étranger qui se retrouve dans leur miroir. Ils n'ont pas d'autres modèles capables de leur montrer à quoi ils ressembleront une fois la croissance terminée.

Suis-je beau ? Suis-je laid ? Leur impression aura de l'impact sur leur estime de soi. Les adolescents adoptés se questionnent beaucoup sur leur apparence physique. Ils en viennent à se demander comment ce corps se transformera. Toutes ces questions sont particulièrement troublantes pour les jeunes ne partageant pas la même ethnie ou couleur de peau que celle de leurs parents.

Les inquiétudes biologiques

L'aspect biologique les amène également à se questionner sur leurs antécédents médicaux. Y a-t-il des cas de cancer dans ma famille biologique ? Viennent-ils d'une famille avec des troubles cardiaques ? Vivent-ils vieux ? Y a-t-il une histoire de maladie mentale ? Toutes ces questions, qui peuvent sembler anodines, pour une personne qui n'a pas été adoptée, deviennent importantes pour l'adopté. L'identification familiale tient aussi des antécédents médicaux et de l'état de santé de la famille. Venir d'ailleurs peut être en ce sens inquiétant lorsque que le dossier de l'enfant n'indique rien à ce sujet (la plupart des cas).

Aussi, certains adolescents peuvent peut-être être plus à l'écoute de leurs symptômes, croyant qu'ils peuvent potentiellement être fragiles face à une maladie. Ils se disent que tout est envisageable, puisqu'ils ne connaissent rien de leurs antécédents médicaux. Un certain mystère peut donc entourer l'adoption lorsque le dossier ne contient aucune information sur le passé et les antécédents de l'enfant adopté. 36(*)

Aspect psychosocial

C'est à l'adolescence que la recherche de visages semblables prend de l'importance. L'adolescent cherche des personnes, des modèles pouvant lui ressembler. Il se questionne devant une personne avec qui il partage des traits physionomiques ou caractériels. Il cherche à s'identifier à d'autres, aux personnes rencontrées dans la rue par exemple.

La différence physique peut amener l'adolescent à se sentir mal à l'aise avec sa famille adoptive. Il peut être « gênant » de se promener avec des parents blancs. C'est un rappel constant à la différence. L'adolescent peut le vivre comme une exclusion au clan familial ou comme un grand malaise.

Un autre facteur embarrassant durant la puberté est la précocité de la maturation sexuelle chez plusieurs ethnies par rapport à l'ethnie occidentale37(*). Ce phénomène cause plusieurs malaises chez l'adolescent qui se sent décalé par rapport à ses pairs. Il est perçu plus vieux que ses copains alors que sa maturation émotive est souvent plus lente en raison des difficultés reliées à l'abandon.

L'identité raciale

«L'identité raciale se réfère aux valeurs que l'individu attache à son apparence physique et à sa race en général ainsi qu'à la perception et les attitudes reliées à l'expérience sociale d'appartenir à cette race.38(*)»

«L'identité liée aux origines d'une personne appartenant à un groupe minoritaire est fondée sur l'appréciation qu'il se fait de sa différence par rapport au groupe majoritaire, et sur sa façon dont il négocie cette différence dans ses rapports sociaux»39(*).

Une personne intègre ce qu'elle juge important pour se définir. Son appartenance à un groupe, à une ethnicité est un facteur important. Elle se pose des questions supplémentaires. Comment est-elle perçue de la majorité ? Comment se perçoit-elle ? Comment perçoit-elle le groupe majoritaire ? À quel groupe appartient-elle ? L'acceptation de la différence physique est très importante pour que l'individu ait son identité complète.

L'identité raciale chez l'adolescent adopté

L'adolescent adopté a un problème plus complexe à surmonter pour définir son identité. Il n'a pas de parents qui lui ressemblent et la société ne lui offre pas de point de repère. De plus, il vit avec le dilemme d'être perçu comme québécois (dans le cas de cette étude sur le Québec) dans sa famille et comme un étranger dans la société.

Avec le développement cognitif de sa pensée, l'adolescent est en mesure de comprendre ce que signifie être noir ou chinois. Il réalise que sa couleur de peau est associée à une culture. Il comprend ce que représente être perçu haïtien ou chinois dans une société à majorité blanche.

Les communautés d'origine ne sont pas perçues de la même façon par le groupe majoritaire. Certaines sont beaucoup mieux acceptées que d'autres (c'est ce que nous allons découvrir avec l'analyse des entretiens). Chez certains individus adoptés on peut aussi voir l'existence d'un manque de confiance en soi, et d'une mauvaise estime de soi. L'abandon peut en être parfois la raison. Savoir qu'un autre individu nous a abandonné est une chose difficile à vivre.

L'abandon

Les problèmes liés aux adolescents adoptés peuvent être liés à la perte de l'attachement avec la mère biologique. La douleur de cette séparation serait inscrite dans l'inconscient40(*). C'est ce qui les affecterait le plus. Cette perte est difficilement exprimable. Elle est moins reconnue de la société que la perte d'un être cher lors d'un deuil ou divorce. Pourtant, cette perte est une dimension très importante de la vie intérieure de l'adopté. L'enfant doit vivre le deuil de sa mère biologique, de ce que sa vie aurait pu être. Cet abandon est vécu avec plus de douleur en raison du manque d'explications concernant les origines et les causes de cette séparation. Il est souvent moins douloureux de savoir que de vivre dans l'ignorance.

Pour devenir un adulte complet, il devra se réconcilier avec son passé, avec soi-même et être capable de poser un regard positif sur sa vie. Il devra également pardonner. Il devra travailler le rejet primal pour en arriver à pardonner et ne pas blâmer ses parents (biologiques et adoptifs). L'adolescent doit quitter le rêve et les fantasmes du roman familial pour accepter sa vie comme elle est.41(*)

L'abandon

À l'adolescence, le phénomène d'abandon est réactivé pour que le jeune puisse travailler sur cette situation. Il lui amène à nouveau la crainte d'être rejeté. Chez certains, tout ce passe dans le calme. Chez d'autres, on assiste à des situations particulières. Certains adolescents ont tellement peur du rejet, qu'ils nous donneront l'impression de tout faire pour être rejetés. Ils tentent de savoir s'ils peuvent s'éloigner sans que le lien ne se brise. Ils se servent de cette attitude pour tester leurs parents, tester les liens qui les rattachent ensemble. Des phrases comme "Tu n'es pas ma vraie mère !" seront parfois entendues.

D'autres ont peur de s'affirmer, de crainte de ne plus être aimé de leurs parents. Ils ont peur d'être rejetés s'ils ne pensent pas comme eux. Ils ont peur de blesser leurs parents s'ils viennent qu'à se révolter où démontrer qu'ils sont différents d'eux. C'est ce qu'on appelle le conflit de loyauté42(*). Ils seront totalement loyaux même si en dedans ça brasse.

Il n'est pas rare de voir des adolescents inquiets à l'idée de quitter le nid familial. Ils ont peur de revivre une perte en s'éloignant de leurs parents. Ceux qui souhaitent quitter la région pour étudier, seront très nerveux à cette idée. Au contraire, chez les adoptés ayant eu des « problèmes d'attachement », l'idée de quitter le nid familial plus tôt est, pour eux, une solution qui leur procure un grand soulagement. Ils ne vivent plus la tension des attentes familiales pour lesquelles ils ne se sentent pas capables de répondre.

Certains adolescents adoptés vivent un retard affectif dû aux blessures et perturbations de leur situation. Ils « mûrissent » plus tardivement et atteignent l'autonomie affective plus tard.

· Identité et interactionnisme

La sociologie interactionniste 43(*) étudie les situations d'interaction sociales pour mettre en valeur l'importance de la relation avec autrui. Ces relations peuvent avoir divers objectifs, se différencier ou au contraire se conformer ; se présenter aux autres ou se protéger. Le regard des autres pèse de plus en plus sur les identités individuelles. Si l'on rapporte cela à l'adoption, la société a peut être un certain regard sur les personnes adoptés en général. « Elle a été abandonnée », « Mais d'où vient-il ? » peuvent être des réflexions qu'entendent les adolescents adoptés. Le poids du jugement social peut être assez fort. De plus aujourd'hui sont multipliées les situations de « face à face », par le biais par exemple du système scolaire, de l'urbanisation, etc.

Les individus sont donc confrontés à des scènes sociales où la « typification réciproque 44(*)» conduit à un certain comportement social. Mais ces interactions s'inscrivent dans des contextes sociaux généraux. Il existe aussi des identités collectives. On peut donc se demander de quelle manière l'adolescent adopté se reconnaît dans ces identités, qui se créent et se recréent sans cesse, par le biais par exemple des réseaux de sociabilité.

Ces réseaux peuvent être la famille, les pairs, le réseau des activités extrascolaires, ou bien le milieu associatif. La sociologie montre l'importance des processus de socialisation pour désigner le long apprentissage des valeurs, des normes et règles sociales. Car les individus qui partagent les mêmes habitus (cf. la sociologie de Pierre Bourdieu), les mêmes valeurs se reconnaissent entre eux et « s'identifient ».

Un autre sociologue, Max Weber exprimait lui des oppositions à la pertinence du terme d'identité, à propos de laquelle il disait : « L'identité n'est jamais du point de vue sociologique qu'un état des choses simplement relatif et flottant45(*) ». Mais c'est peut être ce caractère instable et subjectif qui fait la richesse du terme d'identité.

Cependant, il faut être prudent avec la notion d'identité, lorsqu'elle est exclusive, cela peut déboucher sur la violence et le rejet de l'autre.

Notamment par rapport à l'adoption, un adolescent ne peut résumer son identité uniquement par son statut d'adopté, il lui faut trouver d'autres éléments intégrateurs et identificateurs (comme une passion, un loisir, des aptitudes); nous verrons avec les différentes hypothèses quels peuvent être ces éléments.

Pour résumer ce que nous avons exposé, nous pouvons dire que l'identité est en fait une articulation entre plusieurs facteurs sociaux, individuels et collectifs. L'identité permet le processus d'identification et de différenciation sociale. L'identité donne un sens aux actes, aux comportements sociaux. Grâce à cela on peut interpréter l'évolution des cadres, des milieux de socialisation que sont la famille, les pairs ou les milieux d'activités extrascolaires et associatives.

· Les adoptés ne sont pas des migrants ordinaires46(*)

Les individus adoptés sont en effet des « migrants », des personnes venues d'ailleurs. Si l'on devait définir ce qu'est un « migrant ordinaire », on pourrait par exemple parler des réfugiés politiques, des réfugiés économiques, des travailleurs installés dans un autre pays, à cause de leur profession, etc. Ce qui est important de dire, c'est qu'un migrant ordinaire ne remet pas en cause se filiation, ni les relations qu'il a avec sa famille, ou ses amis. Pour lui, il n'y a pas de rupture du sentiment d'appartenance avec son pays d'origine. Le migrant ordinaire vit sa culture d'origine dans le pays d'accueil, il n'y a pas de rupture, il y a conciliation des deux cultures. Il faut souvent au moins trois générations avant qu'un descendant de migrants soit totalement assimilé à la culture du pays d'accueil.

L'enfant adopté lui est très différent du migrant ordinaire. Car bien souvent, il y a une rupture assez vive avec sa famille biologique, avec sa culture d'origine. Une personne adoptée ne reconnaît plus sa famille biologique comme sa famille proprement dite. On peut dire qu'un enfant adopté ressent l'abandon, même de façon imperceptible. Une adolescente que j'ai rencontré lors de mes entretiens m'avait confié avoir été adoptée à quatorze jours, et l'a ressenti. Car elle a des difficultés à aimer, à se laisser aller dans une relation, amicale ou même amoureuse...La cassure créée par l'abandon de la mère peut engendrer un sentiment perpétuel d'insécurité affective quand l'enfant adopté grandit ; ainsi qu'un sentiment de culpabilité. Car dans son inconscient, l'enfant abandonné pense qu'il a été abandonné parce qu'il a fait une bêtise.

Mais revenons à la notion de migrant qu'est l'adopté. Comme nous l'avons dit, la rupture de l'adopté avec le pays d'origine est souvent totale, surtout dans une adoption plénière (les plus rependues). Cette rupture peut être voulue par le pays d'origine lui-même. L'enfant adopté peut donc ressentir deux types d'abandon, de sa mère biologique d'abord, puis de son pays d'origine ensuite.

L'enfant adopté n'a, bien souvent, jamais parlé sa langue d'origine. Sauf dans les cas d'adoptions tardives, mais il se produit un phénomène d'oubli de la langue souvent. L'enfant adopté n'a pas été immergé dans sa culture d'origine. Même si il fait des recherches à l'adolescence sur son pays, il manque cette immersion culturelle que l'enfant adopté n'a pas eue dans son pays. La plupart du temps, l'enfant n'a pas de personnes dans son entourage lui permettant de lui faire connaître sa culture d'origine.47(*)

Deuxième partie : L'enquête, le terrain, les résultats, le vécu des adolescents

1. Les hypothèses

Afin de répondre à la problématique, quels sont les facteurs d'intégration de l'adolescent d'origine étrangère adopté, nous pouvons émettre différentes hypothèses classées ici par catégories.

1. Les rôles des parents adoptifs, du milieu familial et des proches peuvent influer sur l'adolescent adopté et son intégration.

· Le dialogue entre les parents et l'adolescent sur son adoption favorise son acceptation de l'adoption, son intégration et sa création d'identité.

· Le rôle des parents adoptifs est important dans une adoption. Le fait d'avoir toujours dit à leur enfant qu'il avait été adopté est bénéfique pour l'adolescent.

· Les parents adoptifs ont un rôle à jouer pour construire le lien d'attachement avec leur enfant adopté.

· L'acceptation de l'adoption dans la famille en général (oncles, tantes, cousins, grands-parents) favorise le sentiment d'appartenance et d'intégration familiale de l'adolescent

· L'intégration de ces adolescents est plus facile lorsqu'ils viennent d'un milieu social favorisé.

· La perception des adolescents sur eux-mêmes dépend de celles des parents adoptifs sur leurs enfants.

2. L'intégration de l'adolescent se fait par sa vie sociale, par des activités sportives, culturelles.

· Si l'adolescent adopté a un réseau d'amis, cela va favoriser son intégration, plus encore si certains sont d'origine étrangère comme lui.

· Faire parti d'un mouvement sportif, culturel ou scolaire est un facteur d'intégration et de création d'identité pour l'adolescent.

· Participer à un groupe de discussion de post-adoption, ou à un mouvement de retrouvailles aide l'adolescent adopté à être mieux dans sa peau, et à s'intégrer. Car il se sent acteur et à un rôle à jouer dans son adoption.

3. Hypothèses des liens entre adolescence et recherche des origines.

· L'adolescence, une étape importante aujourd'hui dans notre société fait que l'adoption est une difficulté de plus pour la construction identitaire.

· La notion d'abandon est une difficulté en plus à l'adolescence.

· Le comportement des parents vis-à-vis des origines de leur enfant est important pour le développement de l'adolescent

· Si l'adolescent connaît sa culture d'origine, il aura plus de facilités à accepter son adoption.

· Les adolescents de l'adoption internationale développent une double identité, selon l'attirance ou non qu'ils ont de leur pays d'origine.

· Les adolescents de l'adoption internationale connaissent le racisme au Québec, ce qui peut les affecter dans leur développement et leur intégration.

· Retrouver sa mère ou sa famille biologique est un élément déterminant pour savoir qui l'on est dans le cas d'une adoption.

· Explications

Nous avons abordé nombres de ces hypothèses au cours de ce dossier. Mais n'avons pas réellement expliqué pourquoi la recherche des origines serait un facteur d'intégration à l'adolescence de l'individu adopté. Ce qui n'est peut-être pas une idée vraie, mais sera à vérifier.

De plus en plus nombreux sont ceux qui cherchent à connaître leurs origines, leur véritable histoire, et même à rencontrer leurs parents ou mère biologique(s).

Les organismes d'adoption reçoivent de nombreuses lettres de personnes adoptées demandant des renseignements sur leurs origines. Ces lettres commencent souvent par : « J'aimerais savoir qui je suis », « C'est injuste », « Je suis une enfant adoptée et depuis longtemps je souffre intérieurement », « Je me suis toujours sentie aimée sincèrement par ma famille adoptive, mais quelque part je me sens différente », « Un jour j'ai eu un avertissement à l'école pour un devoir non rendu sur la généalogie », « C'est mon histoire », ...

Tout ceci montre la souffrance que peuvent éprouver les individus adoptés. Pour beaucoup, la recherche des origines et son aboutissement sont des étapes indispensables à la construction identitaire.

Le sentiment « d'être différent » est souvent présent dans l'esprit d'un individu adopté. Son intégration sociale nécessite de connaître sa « véritable histoire », son arrivée dans la société, connaître ses premiers pas dans le monde.

Aussi les enfants adoptés désirent connaître ce bout de leur vie qui leur est inconnu. Tout dépend de l'âge auquel ils ont été adoptés mais beaucoup n'ont pas les mêmes souvenirs d'enfance que les enfants dits « biologiques ». Les premiers mots, la première dent, tous ces petits souvenirs qui semblent normaux sont inconnus pour certains enfants adoptés.

Cette recherche des origines est souvent entreprise pour combler ce manque de souvenirs, ces insupportables interrogations sur soi, sa possible ressemblance physique avec un parent inconnu.

L'association peut-être un moyen pour l'adolescent de s'intégrer socialement dans la société, de se façonner une identité propre, au-delà d'être un adolescent adopté.

Nous pouvons mettre cette hypothèse en avant, car le terrain de l'association EFA 50 va nous permettre d'analyser cela. Le premier entretien exploratoire va permettre de faire ressortir différents facteurs.

2. La méthodologie et le terrain du mémoire, vérification des hypothèses

· Choix de l'outil

J'ai effectué mon enquête par le biais d'entretiens semi-directifs d'une durée d'au moins une heure et demie avec des adolescents adoptés. Je me suis entretenue avec des jeunes québécois âgés entre quatorze et vingt et un ans. Ces personnes, hommes ou femmes, seront aussi d'origine étrangère, afin de traiter de la question de l'intégration, avec des facteurs tel que la couleur de peau, la culture, le prénom à consonance étrangère. La méthode qualitative me parait la plus appropriée pour ce travail. L'entretien permet d'apprécier le caractère qualitatif de cette recherche sur l'intégration des adolescents adoptés au Québec. Le questionnaire offre moins de possibilités.

Par un entretien, nous pouvons comprendre en profondeur le parcours de l'adolescent dans son adoption, les sentiments, les situations qu'il a connu. L'étude qualitative a ce caractère d'approfondissement du sujet qui convenait pour ce mémoire.

L'entretien est un bon moyen pour faire parler les adolescents adoptés, les laisser raconter leur histoire, leur vécu, expliquer leurs sentiments. L'adoption est un sujet assez complexe et intime, car il aborde des sujets comme la famille, les origines, le secret, l'intégration, qui peuvent être des sujets difficiles pour certains adolescents. L'entretien permet de rentrer « petit à petit » dans le sujet, quand le climat de confiance est instauré entre l'adolescent et l'étudiant.

Cette enquête comporte un volet concertant les représentations des adolescents sur leur adoption, sur leur intégration, sur la société québécoise. C'est pourquoi le choix de la méthode qualitative, grâce à des entretiens semi-directifs fut retenue. Cela permet de tenir compte des expressions, des émotions, des opinions des adolescents adoptés. Dans l'ouvrage de Gotman et Blanchet, il est dit que « l'entretien fait construire un discours (...), il impose à chaque fois que l'on ignore le monde de référence, ou que l'on ne veut pas décider a priori du système de cohérence interne des informations recherchées. ».48(*)

L'entretien permet de plus d'instaurer un certain climat de confiance, afin de créer un dialogue intéressant pour ce travail. Les questionnaires me semblaient trop « froids » pour parler d'un sujet comme l'adoption. Il me semble aussi que par des questionnaires, je n'aurais pas eu toutes les réponses aux questions que je me posais sur l'intégration des adolescents adoptés au Québec.

· Terrain

Avant de partir étudier à l'Université de Montréal, j'ai tenté de contacter les différentes associations et organismes d'adoptions et de post-adoption à Montréal et ses environs ; en expliquant le but de ma recherche et de mon enquête auprès des jeunes. Madame Gagnon, Présidente de la FPAQ, la Fédération des Parents Adoptants du Québec, a répondu à ma requête. J'ai suivi son cours d'Adoption internationale, et j'ai ainsi pu être en contact avec des jeunes (entre 14 et 21 ans), d'origine étrangère et ayant été adoptés entre l'âge de 14 jours et 5 ans.

La FPAQ est une association de parents, qui se réunissent régulièrement, éditent un journal, conseillent les futurs parents.

Cette fédération a différents objectifs :

- regrouper les parents désirant adopter ou ayant déjà adopté un ou des enfants d'un pays étranger

- promouvoir des interventions ayant comme objectif premier le meilleur intérêt de l'enfant

- transmettre de l'information et soutenir les parents avant, pendant et après l'adoption

- favoriser les échanges et un travail de concertation avec les autres associations de parents

- favoriser des échanges d'idées avec les intervenants en adoption (travailleurs sociaux, psychologues, médecins) en vue d'une meilleure compréhension de la réalité des familles adoptives

- participer à des projets humanitaires qui visent à améliorer les conditions de vie d'enfants dans d'autres pays

J'ai donc fait pour ce mémoire quatorze entretiens d'une heure et demie à deux heures chacun, selon chaque adolescent que j'ai pu rencontrer. Ces jeunes habitaient soit sur Montréal, ou soit sur Québec, villes importantes au Québec. Les entretiens se sont déroulés entre les périodes d'octobre 2005 et décembre 2005, soit chez moi, soit chez l'adolescent, et selon les possibilités. J'ai pu rencontrer ces adolescents soit par le biais de parents adoptifs ayant été contactés par Madame Gagnon, soit par le biais de relations de la FPAQ qui a communiqué aux adolescents mon enquête sur l'adoption.

· Typologie personnes interrogées

Voici à présent la typologie des adolescents adoptés ayant participés aux entretiens. Ils ont été quatorze à participer à cette étude, dans la ville de Montréal, au Québéc.

 

Age

Sexe

Adopté à :

Pays d'origine

Rachelle

21

F

2 ans

Bangladesh

Gabriel

14

M

3 ans

Viêt-Nam et Belgique

Laurence

18

F

5 mois

Corée du Sud

Samuel

18

M

2 ans

Jamaïque

Mickæl

17

M

5 ans

Russie

Marie

15

F

3 mois

Guatemala

Carolina

13

F

5 ans

Chine

Stéphane

18

M

5 ans

Québec

Elodie

16

F

4 mois

Corée du Sud

Emma

15

F

5 ans

Polynésie

Marie-Pierre

21

F

14 jours

Liban

Ariane

21

F

5 mois

Haïti

Christine

21

F

2 ans et demi

Philippines

Karine

14

F

5 mois

Guatemala

· Grille d'entretien

Après avoir élaboré, puis décomposé les hypothèses par thème, nous avons pu créer la grille d'entretien. La grille d'entretien est la base de l'enquête qualitative. Elle permet, durant l'entretien, d'avoir une base de thèmes, de questions à traiter avec la personne. La grille d'entretien de ce mémoire est composée de différents thèmes qui sous-tendent celui de l'intégration, puis de questions plus précises, si l'adolescent adopté n'abordait pas de lui-même ces points-là. La grille d'entretien est constituée de thème permettant après l'analyse de répondre aux différentes questions posées dans cette recherche.

Un premier entretien exploratoire a été réalisé en France durant l'année de Maîtrise à Caen, afin de tester la fiabilité de la grille et son efficacité dans cette recherche. Ce premier entretien a été réalisé à Cherbourg, avec une adolescente de dix huit ans, adopté à l'âge de trois moi, d'origine algérienne et antillaise. Ce premier travail avait ainsi permis de tester la grille et d'en voir les points forts et les défauts. Cet entretien n'a pas été traité dans ce mémoire car il a été réalisé avec une personne française, et le mémoire traite des adolescents adoptés québécois.

Voyons à présent les différents thèmes de cette grille d'entretien :

Thème 1 : Informations sur la personne adoptée (âge, situation familiale, profession des parents, niveau d'étude ou situation actuelle, lieu d'habitat, loisirs)

Thème 2 : Informations sur l'adoption en elle-même (type d'adoption, âge de l'adolescent à l'adoption, longueur de la procédure, cause de l'adoption, rapports familiaux, vision de l'adoption par l'adolescent)

Thème 3 : L'adoption et l'adolescence (définition de l'adolescence pour l'adolescent, questions posées à cette période, vécu, relations avec les parents, avec la famille en général, avec les amis, besoin ou non d'aide spécifique, bilan de cette période)

Thème 4 : L'adoption et les origines (sentiments par rapport aux origines, vécu, expériences, anecdotes par rapport à cela, intérêt pour les origines, conciliation entre les deux origines, besoin de recherche des origines ou non, quelles démarches, parents biologiques, l'abandon)

Thème 5 : L'adoption et la société québécoise (le regard de la société québécoise sur l'adoption, facteurs et possibilité d'intégration, anecdotes)

Thème 6 : L'adoption et l'identité (quelle identité se construit l'adolescent, stratégies identitaires, besoin d'identification à d'autres groupes, estime de soi)

Thème 7 : L'adoption et l'intégration (sentiment d'intégration familiale, d'intégration sociale ; vison de l'intégration au Québec, possibilité d'intégration pour les personnes « étrangères », facteurs d'intégration, regard des autres)

Thème 9 : Association d'adoption et de post-adoption (besoin de faire partie de ces mouvements, besoin d'identification et d'aide, opinions sur ces groupes, envie de témoigner)

Thème 10 : Adoption et avenir (quelle vision de l'avenir a l'adolescent, quelle famille souhaite-t-il, adoption pour lui-même ou pas, projets, doutes, envies, bilan personne de l'adoption)

3. Analyse des entretiens

Les entretiens effectués à Montréal vont nous permettre de vérifier ou non les hypothèses émises dans ce travail de recherche. Nous pourrons analyser ces entretiens selon différents thèmes, érigés par les hypothèses.

Comme il a été dit précédemment, nous avons effectué quatorze entretiens, sur la ville de Montréal, auprès de jeunes âgés entre quatorze et vingt et un ans. Ces entretiens ont pu se faire avec l'aide de la Fédération des Parents Adoptants du Québec, l'association d'adoption Emmanuel, le service de post- adoption de Saint-Louis du Parc à Montréal et l'association Formons une famille.

Ces entretiens se sont fais soit chez moi, soit chez la personnes interrogée, selon les disponibilités de chacun et les emplois du temps. La durée d'un entretien était de une heure trente à deux heures trente environ, selon le vécu, l'expérience et l'envie de se dévoiler de l'adolescent. Afin de préserver l'anonymat des adolescents, j'ai modifié les prénoms des références des extraits des entretiens.

Nous allons étudier des extraits d'entretiens49(*) selon différents angles d'approches, afin de vérifier ou non les hypothèses posées dans ce mémoire. Cette partie a l'objectif de « donner la parole » aux adolescents adoptés, afin de mieux les comprendre. Les références aux entretiens seront faites de la manière suivante : le nom fictif de l'adolescent sera cité au début ou en fin de citation, ainsi que le numéro de page de l'entretien concerné.

Cette partie analytique contient volontairement de nombreuses citations des adolescents. Il nous a paru normal de les citer le plus souvent possible, à bon escient, afin de montrer réellement le vécu, les émotions ressenties par les adolescents. Ils sont les plus à même de parler de l'adoption et de leur intégration. Ils sont les spécialistes en la matière de part leurs expériences.

I. L'adolescent et son environnement familial

A. La famille adoptive de l'adolescent

L'adolescent adopté évolue dans une famille qui l'a désiré et adopté. C'est le lieu où il apprend sa culture d'accueil, sa langue qui va devenir sa langue maternelle. Il va se sociabiliser dans ce noyau familial. La famille est une institution présente dans toutes les sociétés humaines50(*). Mais les formes qu'elle revêt, les fonctions qu'elle remplit et les significations dont elle est porteuse sont variables dans le temps, et d'une société à l'autre. La famille est un facteur affectif, socialisateur pour l'enfant et l'adolescent. Le fait d'être adopté peut changer quelque peu les caractéristiques habituelles que l'on connait sur la famille (le sentiment de faire groupe, les ressemblances). L'adoption est en quelque sorte un défi pour la famille et pour l'enfant adopté, qui doivent réussir à créer une unité familiale, par l'intégration de l'adolescent au sein de sa famille.

· L'adolescent et le contexte familial

Ariane, fille de parents divorcés, est la seule fille adoptive de la famille. Elle m'a confié « J'ai été adoptée parce que mes parents ne pouvaient pas avoir d'enfants » (page 3). La cause la plus courante d'une adoption internationale est bien souvent l'infertilité des parents (dans 90% des adoptions internationales ; un des deux parents ou les deux sont stériles51(*)). Le tiers des adolescents adoptés interviewés pour cette recherche ont des parents stériles qui ont alors eu recours à l'adoption. Il y a bien évidemment d'autres solutions pour être parent, comme la fécondation in vitro, l'insémination artificielle. Mais l'adoption est une façon de devenir parent assez appréciée car elle a de plus parfois un aspect humanitaire qui motive les parents à suivre ce long processus. Mais nous devons aussi signaler que lorsque la seule motivation d'adopter est l'aspect humanitaire, il peut y avoir un délaissement des parents envers l'enfant ; ou bien un sentiment d'être redevable pour l'enfant, qui peut s'avérer néfaste pour l'estime de lui-même et son développement.

Tout le contexte familial est donc très important pour le développement des adolescents adoptés, afin de favoriser leur intégration au sein de la société québécoise.

Lors de ces entretiens, j'ai pu remarquer que ces adolescents provenaient de familles différentes (familles nombreuses, famille avec enfant unique, famille très impliquée dans le milieu de l'adoption, etc). Voyons donc ces différentes typologies familiales.

Il y a tout d'abord les familles nombreuses, où tous les enfants ont été adoptés. C'est un facteur favorisant l'intégration familiale et l'attachement car tous les enfants sont mis au même « niveau ». Il n'y a pas de différence entre les enfants qui ont tous la même histoire, une histoire d'adoption. Car, comme me le disait Emma, «Et puis c'est sûr que ce n'est pas facile pour mes frères et soeurs de me comprendre, comme je suis la seule adoptée de la famille, ça n'est pas forcément facile à vivre. » (Page 3). Nous voyons bien ici qu'être la seule adoptée dans la famille crée un sentiment de différence chez l'adolescent, qui est le seul à se poser des questions sur son identité, sur ses origines, sur sa mère biologique. Emma avait de plus été adoptée à l'âge de cinq ans, ce qui ne facilite pas les choses pour l'intégration, l'apprentissage de la langue, l'attachement à la famille. Emma avait ainsi fait le choix il y a un an de retourner dans son pays d'origine, afin d'avoir les réponses aux questions qu'elle se posait sans cesse.

Appartenir à une famille nombreuse peut donc être positif pour l'adopté quand les autres enfants ont aussi été adoptés. Cependant, avoir une grande famille, peut créer un sentiment de différence, comme le disait Laurence lors de son entretien : « Puis là, tu dis que tu as une grosse famille dans une société où la famille dépasse pas plus de quatre ou cinq enfants maximum là. Ma mère ça ne l'a dérange pas d'en parler, elle peut en parler cinquante fois de suite sans problèmes » (Page 5). Nous voyons bien ici que la famille nombreuse n'est plus une majorité dans les sociétés occidentales ; que ce soit au Québec comme en France. Appartenir à une famille nombreuse est parfois objet de curiosité pour les autres individus. Quand les enfants ont de plus été adoptés, c'est un véritable phénomène dans l'entourage de la famille.

Il ressort de ces entretiens que l'adoption, et le fait d'avoir une culture d'origine (même inconnue) sont des phénomènes qui amènent les personnes concernées à une certaine ouverture d'esprit. Tout d'abord, la facilité avec laquelle j'ai pu trouver des adolescents intéressés à parler de leur vie sans me connaître m'a surprise. Cette recherche s'est fait avec un certain naturel, une facilité à entrer en contact avec des adolescents adoptés. Les personnes qui sont de près ou de loin en contact avec le domaine de l'adoption ont une nette facilité à parler de leurs expériences, à partager leurs opinions. L'adoption, comme nous le disions tout à l'heure, à une certaine dimension « publique » qui semble naturelle. Ces adolescents m'ont ainsi fait confiance pour me confier leur vie et leurs expériences. Cela est peut-être dû au fait que je sois moi-même jeune, ce qui effraie moins lors d'un entretien.

L'adolescent adopté a donc en général un évident sentiment d'ouverture, comme par exemple, Michael, dix huit ans: « Dans ma famille, on est vraiment ouvert là, on aime beaucoup les enfants. On est deux enfants à venir de l'extérieur et ça fait du bien, ça fait chaud au coeur, ça ouvre sur le monde quoi. » (Page 5). L'adoption, la culture d'origine apportent en effet une certaine vision de la vie dans la famille, et l'adolescent grandit et évolue dans ce contexte là. J'ai souvent remarqué que les adolescents adoptés sont très tolérants envers les différences, car quelque part, ils ont goûté à cette différence. Dans les entretiens, ils m'ont souvent manifesté leur dégoût et leur incompréhension face au racisme. L'adoption est un facteur de tolérance car le vécu des adolescents leur a fait comprendre qu'il faut accepter les différences de chacun pour que tout le monde soit bien.

Ces adolescents ont bien souvent une bonne perception d'eux-mêmes et de leur adoption, ce qui fait qu'ils ont une bonne confiance en eux, car leurs parents ont eu beaucoup de dialogues avec eux.

Ensuite, viennent les familles où adopter est une philosophie de vie, avec enfants biologiques ou non. C'est le cas de la famille de Laurence. « Dans ma famille, on est huit enfants adoptés, tous de différentes origines. (Page 3). « On habite dans une maison, c'est quand même assez simple... Ma mère reste à la maison pour élever les enfants mais elle travaille beaucoup avec les associations d'adoption ici au Québec, c'est vraiment son truc l'adoption ». (Page 4). Ces familles sont souvent assez impliquées dans le système de l'adoption, et continuent à être actives dans ce milieu, même sans nouvelle adoption prévue. Nous verrons alors que l'implication des parents dans le milieu de l'adoption peut donner envie à certains adolescents de s'impliquer eux-mêmes dans ces organismes.

Nous nous sommes aussi intéressés à la proximité géographique de la famille élargie des familles de l'adolescent. Laurence me témoignait ainsi « On n'a pas trop de famille ici à Montréal. Mais on a la soeur de ma mère qui habite près de chez nous, on a une relation vraiment intéressante avec elle. Mais ce n'est pas le cas avec tout le monde » (page 3). Parfois, certains membres de la famille de l'adolescent sont contre l'adoption et ne comprennent pas les parents adoptifs. Cela peut avoir comme conséquence le rejet de l'adolescent adopté, ce qui peut engendrer des fâcheries, voir des conflits familiaux assez conséquents. « Avec mon oncle, ça va plutôt moins bien, disons que ce n'est pas toujours facile d'accepter le fait que l'on soient adoptés. C'est trop différent pour lui, il a du mal à s'ouvrir à notre famille recomposée » (page 3, Laurence). « Du côté de mon père, ça doit faire 5 ans qu'on ne leur parle plus. Ils ont du mal à accepter les adoptions et tout ça. Donc ce qui fait qu'on est fâchés ». (Page 3, Marie-Pierre). Ce témoignage nous montre bien que l'adoption peut créer des tensions familiales, au niveau de la famille élargie surtout. Ces tensions peuvent même aller jusqu'à créer un éclatement familial. Cela peut sembler paradoxal car l'adoption est en soi un « agrandissement » de la famille, avec l'arrivée d'un ou de plusieurs enfants. Mais il peut y avoir un « rétrécissement » familial lorsque certains membres de la famille n'acceptent pas l'adoption de la part du couple. Il est de plus étonnant de constater que l'adoption, qui est un projet de couple, donc privé, prend une dimension « publique » aux yeux de la famille.

Cela se ressent beaucoup moins lors de l'arrivée d'un enfant dit biologique. Cette intrusion de la famille élargie (grands-parents, oncles, tantes, cousins) au sein du projet du couple peut parfois créer des tensions familiales que ressent fortement l'adolescent. Certains m'ont confié être déçus de ne pas former une famille comme les autres, unie à cause de ces tensions familiales. Cependant, nous serons d'accord pour dire que l'adoption n'est pas le seul facteur d'éclatement familial. Les conflits, secrets de familles existent partout. Mais il semblerait que l'adoption, le fait d'accueillir un enfant venu d'ailleurs puisse créer un certain malaise chez certaines personnes. Dans ce cas précis de conflit, nous pouvons dire que l'adolescent connaît une intégration familiale au sens large assez difficile. Le noyau familial (parents/enfants) doit donc être solide pour palier ce manque.

B. Le milieu social des adolescents

L'adolescent évolue donc dans un contexte familial précis, il fréquente un établissement scolaire, a des activités et des loisirs spécifiques, ses parents occupent ou non des emplois. Nous nous sommes donc aussi intéressés au milieu social de l'adolescent afin de mieux comprendre son parcours, à travers son adoption.

« Mes parents sont divorcés, ma mère travaille au gouvernement, elle est fonctionnaire, et mon père travaille hors de Montréal, dans la construction. » (Ariane, page 1). Les parents d'Ariane ont relativement un bon niveau social. Cependant, l'enfance et l'adolescence d'Ariane n'ont pas forcément été très gaies à cause du manque de communication ou d'une mauvaise communication entre ses parents et elle. « Ils n'étaient pas trop ouvert à ma culture d'origine...Tout ce qu'on me disait sur Haïti, c'était oh oui c'est pauvre et tout...des choses négatives, je n'avais pas d'informations sur tout ça ». (Page 8).

Le danger pour les parents adoptifs est d'avoir le sentiment d'avoir « sauvé » leur enfant de la misère de son pays en l'adoptant. Il ne faut pas que l'adoption soit faite comme un geste humanitaire car cela provoque bien souvent des problèmes entre les parents et l'enfant adopté. Le non-intéressement des parents pour la culture d'origine de l'adolescent est perçu comme une négation d'eux-mêmes. L'intérêt porté à la culture d'origine et sur l'adolescent est très important pour son développement et son estime personnelle. Les relations qu'entretient l'adolescent avec ses parents peuvent se refléter dans les relations qu'il aura avec la société en général.

Une des grandes originalités de l'adoption est que l'adopté se retrouve avec quatre parents, dont deux qu'il connaît, qui l'ont aimé et élevé. Cela peut être vécu assez difficilement à l'adolescence ; où l'on a précisément besoin de repères précis et où la situation peut parfois paraître floue.

Afin de mieux connaître les adolescents avec qui nous avons fait les entretiens, nous avons élaborés une typologie des adolescents interviewés à Montréal (les prénoms attribués ont été changés). Le tableau qui suit permet de se rendre compte des situations des jeunes qui ont volontairement répondu aux différentes questions dans le but de cette recherche de Maîtrise.

 

Age

Sexe

Adopté à :

Pays d'origine

Profession des parents

Intégré

Rachelle

21

F

2 ans

Bangladesh

Ingénieur,

Infirmière

Oui

Gabriel

14

M

3 ans

Viêt-Nam, Belgique

Travailleur social, mère au foyer

Non

Laurence

18

F

5 mois

Corée du Sud

Milieu adoption, ouvrier

Oui

Samuel

18

M

2 ans

Jamaïque

Ingénieur, infirmière

Oui

Mickæl

17

M

5 ans

Russie

Fonctionnaires

Oui

Marie

15

F

3 mois

Guatemala

Chef de chantier,

Professeur d'université

Oui

Carolina

13

F

5 ans

Chine

Professeurs

Oui

Stéphane

18

M

5 ans

Québec

Fonctionnaires

Non

Elodie

16

F

4 mois

Corée du Sud

Ouvrier,

Mère au foyer

Oui

Emma

15

F

5 ans

Polynésie

Fonctionnaires

Non

Marie-Pierre

21

F

14 jours

Liban

Psycho

Thérapeute,

Mécanicien

Non

Ariane

21

F

5 mois

Haïti

Fonctionnaire, ouvrier

Oui

Christine

21

F

2 ans et demi

Philippines

Mère psycho

thérapeute

Oui

Karine

14

F

5 mois

Guatemala

Parents au foyer

Oui

Nous avons donc ici les catégories socioprofessionnelles des parents des adolescents adoptés. Il semblerait que le lien entre le métier, le milieu social des parents et le niveau d'intégration des adolescents ne soit pas si évident que cela. L'intégration familiale dépend beaucoup du contexte dans lequel l'adolescent a été élevé, et non pas le niveau financier des parents. L'amour et le dialogue sont essentiellement des facteurs d'intégration familial pour l'adolescent. Il y a de plus le caractère de l'adolescent qui est assez important dans une adoption. Chacun ne réagit pas de la même manière face à une adoption et les questions qu'elle soulève. La réaction de l'adolescent par rapport à son adoption dépend de son aptitude à réagir face à tous ses questionnements.

Le milieu familial est important pour l'intégration sociale et familiale des adolescents. Par exemple, le fait d'appartenir à une famille nombreuse où tous les enfants ont été adoptés aide à l'intégration et au sentiment d'être bien. Les relations familiales élargies sont elles aussi importantes. En particulier lorsqu'un conflit éclate dans la famille à cause de l'adoption de l'adolescent. Celui-ci peut ressentir une forte culpabilité, et une honte par rapport à son adoption.

C. Les parents et l'adoption (sujet tabou ou sujet comme les autres ?)

L'adolescent peut mettre en place un processus identitaire selon le contexte familial où il évolue, et plus précisément selon la façon dont les parents adoptifs abordent le thème de l'adoption et des origines de l'adopté. Comme le témoigne Ariane « Ce n'est pas un sujet dont on parle souvent en famille (page 3), mes parents ne m'ont jamais donné d'information, c'est moi qui ai dû aller chercher ça toute seule » (page 8). « Ils n'étaient pas trop ouverts à ma culture d'origine (...) quand tu es jeune, on te donne les informations qu'on veut bien te donner. » (Page 8). On sent bien ici l'amertume, et le regret face aux manques d'intérêt qu'ont porté les parents envers cette adoption. Le regard des parents sur leurs enfants adoptifs est extrêmement important pour l'estime qu'il aura de soi-même, ainsi que pour son comportement en société.

« Les parents, ils ont un rôle à jouer dans une adoption, surtout internationale, parce que leur regard va influencer la façon dont le jeune se verra plus tard. C'est très important ça, tu dois le mettre dans ton mémoire ! » (Christine, page 4). Cette jeune femme conseillait donc de mettre cette citation dans ce mémoire, c'est chose faite. Le but était ici d'insister sur l'importance du rôle des parents adoptifs envers leur enfant. L'intégration de leur enfant se fait aussi par eux.

La plupart des adolescents m'ont confié avoir été mis au courant de leur adoption dès qu'ils ont été en âge de comprendre. C'est la situation la plus courante. De plus, comme me l'ont signalé certains, il est difficile de garder une adoption secrète lorsque l'on n'est pas de la même couleur de peau que ses parents. Christine me disait ainsi « J'ai toujours su que j'étais adoptée, de toute façon ça parait là (rires), on n'est pas de la même couleur. Ca n'a jamais été caché dans notre famille. Mes parents fêtaient même chaque année notre arrivée, un anniversaire d'adoption en quelque sorte. » (Page 2)

Le fait de savoir que l'on a été adopté semble être primordial pour la création d'identité et le bien-être des adolescents. L'abandon étant déjà présent dans les esprits, un second secret pourrait avoir de lourdes conséquences pour l'attachement des adolescents envers leurs parents, ainsi que pour leur bon développement.

Aucun des adolescents interrogés n'a découvert son adoption par hasard. Tous l'ont su par leurs parents quand ils ont été en âge de comprendre ce qu'était l'adoption, souvent vers trois ou quatre ans. C'est un facteur très important dans une adoption. Le dialogue est bien souvent le moyen utilisé pour faire face aux différentes questions, aux différents doutes des adolescents adoptés. « Puis on parle bien oui, ça se passe bien, il y a beaucoup de dialogue chez nous en fait » (Stéphane, page 4). Le dialogue, est comme dans toute famille, très important pour l'homogénéité de la famille. Les adolescents adoptés ressentent encore plus ce besoin de communiquer, même si ils ne l'expriment pas directement. Les questionnements sur les origines, sur leur couleur de peau, sur les remarques des autres jeunes sont tant de soucis pour l'adolescent qu'il a besoin de faire part de tout cela. Les adolescents adoptés apprécient le fait que les parents aient toujours parlé de leur adoption avec eux. « Ma mère nous a tout raconté en détails, comment ça s'est passé, elle m'a même montré les papiers pour les démarches d'adoption. Avec elle ça ne me gêne pas (page 5) Mais j'apprécie de pouvoir en parler avec elle, car c'est vrai que ça aurait pu être un sujet tabou (page 5). Il est vrai que le fait d'avoir un tabou dans la famille concernant l'adoption de l'adolescent émet une sorte de gêne familiale qui peut engendrer différents problèmes si ce tabou n'est pas abordé.

Ce tabou n'a souvent pas lieu dans les familles adoptives de part les différences (de couleur en particulier) obligent en quelque sort les parents à parler de l'adoption à leur enfant. « Mais je me dis aussi que là je ne ressemble pas trop à ma mère dû au fait que je sois asiatique, sinon je me serais posée des questions ». (Mijanou-Laurence, page 5)

La plupart des parents abordent assez tôt la question de l'adoption avec leur enfant, ce qui facilite la compréhension de la situation. « Mes parents m'ont parlé tôt de mon adoption, ça n'a jamais été un secret, de toute façon ma couleur... (Page 3) Ils nous ont dit, tu es née dans le ventre d'une autre femme, et peut-être pas dans le bon ventre, l'avion t'a amené chez nous et voilà (rires) » (Rachelle, page 3)

Une des hypothèses du mémoire était de vérifier si le comportement des adolescents vis-à-vis de l'adoption avait un impact sur l'adolescent et son intégration. D'après ces entretiens, nous pouvons dire que les adolescents perçoivent de façon positive d'avoir été mis tôt au courant de leur adoption. Le dialogue parent enfant est extrêmement important dans les relations familiales. Il l'est encore plus dans le cas d'une adoption internationale de surcroît.

L'intégration familiale de l'adolescent sera largement favorisée si les parents adoptifs ont toujours abordé la question de l'adoption, et su répondre aux différents questionnements de l'adolescent. Plus de la moitié des adolescents ayant fait l'entretien ont confié que le fait de savoir qu'ils avaient été adoptés les a aidé à se développer et s'intégrer. L'adoption dans le secret n'en aurait été que plus lourde à porter. L'abandon étant déjà en soi un secret (quand on ne connaît pas toutes les circonstance de l'abandon), un secret supplémentaire venant des parents adoptifs est très dur à gérer pour les adolescents. La loi du secret est vraiment la pire des choses dans une adoption (interne ou internationale). Lorsque l'adolescent apprend à un âge tardif (par ses parents ou par autrui), son adoption, il a le sentiment d'avoir été trompé, bafoué dans son intimité. Tout ce qui faisait ses repères (ses parents, sa famille, ses amis) se trouve remis en cause.

C'est pourquoi les adolescents adoptés reconnaissent majoritairement que le fait d'avoir toujours su qu'ils avaient été adoptés les a aidé à se construire et à s'intégrer dans la société ; car ils savaient qui ils étaient.

La perception des adolescents adoptés sur eux-mêmes dépend aussi de la perception que les parents adoptifs ont sur leurs adolescents, de la façon dont on leur a parlé de leur adoption et de leur histoire.

· L'attachement

Au cours de mon année d'études à Montréal, j'ai pu suivre un cours sur l'adoption internationale au Québec, donnée par la Présidente de la Fédération des Parents Adoptants du Québec. Ce cours expliquait notamment ce qu'étaient les possibles problèmes d'attachement des enfants et adolescents adoptés.

L'attachement se fait généralement entre les âges de neuf à dix huit mois, avec les personnes référents qui s'occupent de lui le plus souvent (mères, pères, personnels hospitaliers, personnels d'orphelinats). Si par exemple, un enfant pleure sans arrêt, et que personne ne vient à lui, l'enfant va petit à petit se renfermer. Dans ce cas, il y aura possibilités de troubles de l'attachement, car il devient méfiant et sa confiance diminue. Tous les enfants abandonnés ont un « défi d'attachement » face à leurs parents adoptifs. Ce sont en effet « les survivants » de ce qu'ils ressentent comme un « rejet » de leur mère.

Cette notion de rejet est présente consciemment ou inconsciemment dans presque tous les entretiens effectués. C'est pourquoi l'enfant adopté a besoin de sécurité, de rîtes (alimentation, bains, coucher). La routine et l'habitude sont sécurisantes pour lui. Ces repères sont tout aussi importants à l'adolescence, lors de la quête de l'identité propre à tout adolescent.

Même si les adolescents ont dans la majorité des cas compris pourquoi ils avaient été confiés à l'adoption, ils ont éternellement cette question en eux : pourquoi moi ? Pourquoi m'avoir abandonné moi alors qu'elle a gardé mes autres frères et soeurs ? Le sentiment de culpabilité peut aussi se manifester.

A six ou sept mois, un enfant sait ce qui est important pour lui. L'attachement dépend aussi de la relation entre l'enfant adopté et ses parents adoptifs. Parfois, au début, l'enfant ne s'attache qu'à un parent. Cela peut par exemple être avec la mère si l'enfant adopté n'a connu que des femmes à l'orphelinat et ne connaît pas d'hommes. L'enfant peut de plus arriver avec des carences affectives importantes. Il peut être bon de s'impliquer dans la future adoption des enfants, leur faire écouter des sons nouveaux, leur montrer des personnes de peau blanches, pour préparer à la transition.

Dans cette enquête, le témoignage le plus révélateur du problème d'attachement est celui de Marie-Pierre (voir dans les annexes du mémoire). Marie-Pierre a des problèmes d'attachement avec ses parents, mais aussi avec ses amis (hommes ou garçons). La difficulté majeure pour elle est d'accepter sa situation d'adoptée ainsi que ses parents. « Mon frère et ma soeur, on s'aime parce que c'est nous ! Mais mes parents, ils nous aiment parce qu'ils voulaient des enfants, mais pas parce que c'est nous... Et puis c'est tombé sur nous cette adoption » (page 5). « On est plus comme des colocataires qu'une vraie famille quoi. Je n'ai pas de lien assez fort avec ma mère. Enfin c'est ce que je pense mais pas elle ». (Page 7). Le problème d'attachement ici est connu par Marie-Pierre elle-même ; elle est en consciente et en souffre. Mais il est très difficile de régler un problème d'attachement, engendré par une blessure psychologique profonde : l'abandon de la mère biologique. Cet abandon, même lorsqu'il est perçu comme un geste de courage et d'amour par la mère, est difficile à accepter pour l'adolescent.

L'attachement se fait aussi bien sûr par le comportement des parents adoptifs, l'attitude qu'ils ont envers leur enfant. « Mes parents, ils ont toujours été ensemble, ils font petit couple heureux ensemble, et du coup, mes frères et soeurs et moi, on s'est senti comme un peu exclus. C'est rare qu'on ait eu le sentiment de former une famille » (Marie-Pierre, page 5)

On voit bien ici qu'il y a un véritable trouble d'attachement, tant pour l'adopté que pour ses frères et soeurs adoptés eux aussi. C'est pourquoi le contexte de l'adoption, le climat familial, les motivations des parents adoptifs sont des éléments extrêmement importants pour les adolescents adoptés. Il semble primordial pour les enfants et les adolescents de sentir qu'ils font partie de la famille à part entière, qu'ils ne sont pas là au hasard, mais parce qu'on les a désirés.

Dans ces problèmes précis d'attachement, on reconnaît bien sur que l'intégration familiale n'est pas réussie. Cela engendre bien sûr beaucoup de conflits au sein de la famille, tant au niveau des adolescents que des parents adoptifs. Les parents se sentent dépourvus face à cette situation, et culpabilisent bien souvent. Mais il faut savoir qu'un problème d'attachement n'est pas toujours la faute d'une personne uniquement. L'adolescent peut avoir des difficultés à s'attacher à sa famille, malgré la meilleure volonté des parents. L'adoption est toujours un pari qu'il faut gagner. « Moi j'ai un trouble de l'attachement, malgré ce que dit ma mère. Mais elle a du mal à accepter ça je pense aussi. Ce n'est pas facile pour elle. (Page 13) Même si j'ai un grand respect pour mes parents (...), je le sens en moi que ce n'est pas mes parents là, ce n'est pas de ma faute mais je le sens. (Page 13)». (Marie-Pierre, page 14) L'adoption a ici créé des problèmes chez Marie-Pierre. Son intégration familiale n'est pas complétée. Elle ne se sent pas complètement faisant partie de la famille. « Je sais que mon adoption m'a apporté des problèmes que j'essaie de régler, et puis ce n'est pas un problème facile à régler car, ce sont des problèmes psychologiques (page 14). Je vais m'éloigner pour ne pas souffrir d'aimer en fait, pour ne jamais être déçue. Je suis toujours sur la défensive, tout le temps. » L'adoption a donc produit un sentiment d'autodéfense perpétuel chez Marie-Pierre. Ayant vécu son adoption comme un abandon de sa mère biologique, elle s'est créé un mode de relations sociales limitées. Elle a peur d'aimer et d'être rejetée par la suite.

Cependant, un problème d'attachement n'empêche pas l'intégration sociale de l'adolescent adopté. L'exemple de Marie-Pierre est le plus parlant. Elle a un véritable souci d'attachement dans sa famille adoptive mais est très bien intégrée socialement. Elle s'occupe notamment d'une petite fille de sept ans ayant été maltraité par son père, et prévoit de devenir sa tutrice. Il semblerait que l'adoption ait provoqué chez Marie-Pierre un sentiment de responsabilité envers cette enfant, qui a été abandonnée affectivement par son père. Peut-être est-ce une façon de répondre à l'abandon qu'elle a elle-même connu.

II. L'adolescent adopté, l'intégration et son environnement social

A. Les activités des adolescents

Nous nous sommes intéressés au fait de participer à des activités, d'avoir une vie sociale autre que l'école ou le système scolaire, dans le cas d'une adoption internationale.

On a pu constater que les adolescents adoptés avaient une certaine ouverture d'esprit et envie de découvrir d'autres cultures, des sports, d'être avec les autres. Beaucoup de ces adolescents, comme tout adolescent, participent ou ont participé à des activités sportives ou culturelles. « Au secondaire, je faisais partie du club interculturel, on organisait des soirées à thèmes, j'aimais bien participer à ça, c'était sympa. La plupart venaient aussi d'autres cultures ». (Christine, page 6). Tous m'ont témoigné leur envie de faire quelque chose avec les autres, de s'ouvrir à d'autres activités. « Je joue au soccer, c'est important pour moi, j'aime ça faire partie d'une équipe c'est le fun je trouve » (Karine, page 6).

Une activité culturelle peut aussi être le moyen de découvrir ou de mieux connaître sa culture d'origine, comme pour Marie-Pierre par exemple « Pour me rapprocher de ma culture, j'ai pris des cours de Baladi, c'est une danse arabe » (Page 12). Pratiquer cette danse orientale lui permet de se rapprocher de sa culture dite de sang, en l'occurrence ici, la culture libanaise.

D'autres adolescents, comme Gabriel, quatorze ans, ont développé une forte amitié avec d'autres jeunes du quartier. « J'ai aussi plein d'amis dans le quartier, on fait pleins de choses ensemble. On est un bon groupe de gars là, des noirs, des arabes. On joue beaucoup au basket, au hockey, dans le quartier, on fait pas mal de sport... Aussi on a un studio pour faire du rap ensemble, à quatre, et on devrait enregistrer un titre bientôt ». (Page 8). L'adolescence est bien souvent le moment où l'on a besoin de faire partie, de s'identifier à un groupe, pour développer une identité. C'est donc le cas de Gabriel, comme tous les autres adolescents de son âge, qu'ils soient adoptés ou non. La cohésion d'un groupe permet de faire des projets, comme ici d'enregistrer un titre de musique rap à Montréal.

Il y a aussi les relations soudées grâce à l'adoption, comme ce fut le cas pour Marie, quinze ans : « Je suis arrivée avec d'autres filles du Guatemala aussi, on est comme des soeurs en fait. On se voit chaque année, on mange ensemble. C'est important de nous revoir comme ça tous les ans, on est très proches » (Page 7). L'adoption de Marie s'est faire en même temps que d'autres enfants du Guatemala. Les parents ont gardé contacts, et leurs filles aussi. Ce qui fait que ces jeunes sont désormais très soudés par leur histoire commune, et se fréquentent ainsi une fois par an. Ces rencontres sont importantes pour un jeune, car cela fait partie de son histoire, de son passé. Ces moments peuvent ainsi servir à se remémorer les moments de l'arrivée, que ce soit avec des photos, des vidéos qu'ont conservés les parents. Ce sont des moments de ressources pour l'adolescent, qui rappellent qu'il n'est pas le seul à vivre cette histoire-là.

Nous pouvons dire que ces activités permettent l'intégration sociale des adolescents, qui appartiennent ainsi à un groupe. Ils ne sont plus différents mais compléments d'un groupe qui a besoin d'eux pendant les matchs de soccer par exemple, ou pendant une réunion avec d'autres adoptés.

L'activité sportive ou culturelle peut aussi être le moyen de découvrir de façon ludique sa culture d'origine, comme c'est le cas pour Marie-Pierre. La danse lui a permis de rencontrer d'autres personnes de la même origine qu'elle. Cela lui a permis de discuter avec des libanais, tunisiens, marocains de la culture arabe qu'elle ne connaissait pas. En ce sens, pratiquer une activité en lien avec sa culture d'origine peut être facteur de création d'identité et d'intégration au sein d'un groupe ethnique.

B. La participation aux services ou aux associations de post-adoption et milieux de l'adoption

L'objectif de cette partie est de voir si les adolescents adoptés participent à des activités dans le domaine de l'adoption ou de la post-adoption. L'hypothèse sur le rôle des associations ou des activités dans l'adoption était de savoir si la participation à ces activités engendrait une meilleure acceptation de l'adoption, et une meilleure intégration chez l'adolescent.

Les jeunes ne sont pas tous égaux devant l'information dans le milieu de l'adoption. C'est ce qu'on a pu constater grâce à la recherche pour ce mémoire. Certains connaissent l'existence de groupes de post-adoption sur Montréal, voir y participent. Tandis que d'autres ignoraient totalement qu'ils pouvaient participer à des groupes de discussion et rencontrer d'autres adolescents adoptés comme eux. L'entretien a dans ce sens était bénéfique pour certains à qui j'ai appris l'existence de ces services de post-adoption au Québec.

Les adolescents qui connaissent ou participent à ces activités

Certains adolescents sont poussés par leurs parents pour aller à ces rencontres de post-adoption, mais cela ne marche pas à chaque fois. « Ma mère m'a proposé de faire partie d'un groupe de post-adoption avec d'autres jeunes, mais ça ne m'avait pas intéressé. Mais je trouve ça bien pour ceux qui en ont besoin, au contraire ! » (Laurence, page 10). Le fait est que chaque personne est différente, et ne réagit pas de la même façon face aux aides apportées. Les adolescents n'ont pas tous besoin, ou disent ne pas avoir besoin, de faire partie de ces groupes. Cela dépend en effet de différents facteurs : la maturité à parler de son adoption, le regard que l'on y porte, les besoins, la relation avec les parents adoptifs.

De plus, comme le témoignait à juste titre Gabriel : « Je veux dire aussi que quand on est adopté, on est quelqu'un de normal. Je ne suis pas obligé de rencontrer sans arrêt des adoptés comme moi. C'est pas une maladie d'être adopté quoi !... Dans une autre famille j'aurais peut-être pu avoir des problèmes, mais ici, ils me font sentir comme si je n'étais pas adopté ». (Page 9).

C'est une chose très importante à signaler. Tous les adolescents n'ont pas envie d'être observées comme « des bêtes curieuses ». L'adoption est un fait, un phénomène familial. Mais il faut en effet avoir conscience que ce n'est qu'une étape de la vie, et la vie suit son cours ensuite pour la majorité des adolescents.

Comme le disait aussi Stéphane, dix huit ans, « J'ai remarqué que c'était le traumatisme des enfants qui n'étaient pas adoptés d'être adopté (...), c'est plutôt les autres qui pensent que l'adoption crée des problèmes, mais pas moi (page 7) J'ai un truc à dire aux gens, arrêtez de vous inquiéter pour les adoptés, même si tu connais pas ta mère là, ça changera pas ta vie (page 8). Stéphane, dix huit ans, conçoit ici son adoption comme quelque chose de banal. Il veut effacer cette image que l'on a sur l'adoption, le côté tragique.

Chez certains adolescents, l'adoption n'est pas le phénomène le plus important dans leur vie. Ils ont accepté ce fait, et vivent avec, tout à fait naturellement. Ce qui explique donc que tous n'ont pas envie d'aller exposer leurs histoires d'adoptions et leurs expériences. Ils ne s'attardent pas là-dessus. Cependant, on peut aussi penser que l'adolescence étant une période où il est difficile de se confier, certains adolescents n'ont peut-être pas tout dévoilé durant l'entretien. Mais comme le prescrit la recherche en sociologie, il sera accordé toute la confiance nécessaire à la véracité des entretiens obtenus.

Christine est originaire des Philippines et a vingt et un ans. Elle fait partie d'un groupe de retrouvailles sur Montréal en tant que bénévole, avec sa mère. « On aide les personnes adoptées qui veulent retrouver leurs parents biologiques, ou les parents qui veulent retrouver des enfants qu'ils ont mis en adoption. On les prépare aux retrouvailles (...) c'est difficile, moi aussi je suis passée par là. » (Page 7)

Concernant l'existence des groupes de post-adoption « Moi je n'ai pas eu besoin de faire partie d'un groupe ou quoi. Mais pour les jeunes qui en ont besoin, je pense qu'il y a pas mal de centres communautaires qui sont là pour les adoptés (page 7) J'ai fait un stage pour aider les immigrés à apprendre le français, tous les samedis, j'allais avec ces gens pour les aider à lire, à écrire. (Page 7). On voit ici la détermination de Christine à aider les autres, qui comme elle, viennent d'ailleurs. Cela correspond bien à la notion d'ouverture d'esprit des adoptés dont nous parlions précédemment.

Il y a aussi le cas des adolescents dont les parents sont impliqués dans le milieu de l'adoption au Québec. « Ma mère est la présidente de l'association, elle écrit le journal de l'association, c'est vraiment elle qui s'occupe de tout, et mon père il est le trésorier. Je trouve ça bien qu'ils fassent ça, ça m'intéresse beaucoup, d'ailleurs je vais à toutes les réunions, je m'occupe des enfants quand leurs parents sont en réunions » (Marie, page 6). On voit ici l'implication de Marie dans ces mouvements, par le biais de l'activité des ses parents. Le fait que les parents participent à ces activités montre à l'adolescent qu'ils s'intéressent à l'adoption, qu'ils aiment ce milieu, ce qui est valorisant pour les adolescents. Ce facteur favorise de plus l'intégration familiale de l'adolescent, ayant le sentiment qu'on s'intéresse à lui et à son adoption. « C'est vrai que je suis fière que mes parents s'intéressent à cette culture, parce que ça montre qu'ils s'intéressent à moi aussi. Si ils ne s'intéressaient pas à ma culture, je ne serais pas intéressante pour eux. C'est une partie de moi, donc ça me fait plaisir qu'ils s'y intéressent autant. » (Marie, page 4)

Karine, quatorze ans, originaire du Guatemala fait aussi beaucoup dans le domaine de l'adoption. Elle a déjà participé à un interview du magazine féminin Elle québécois. « Ma mère est dans l'adoption, elle fait du bénévolat (...) ce qui fait qu'on parle beaucoup, donc elle sait ce que je ressens en fait... Elle fait partie du Conseil d'Adoption du Canada (page 3) Des fois, je participe aux conférences de son organisme, je témoigne (...), je participe pas mal sur Internet, il y a des forums par exemple. (Page 3) Je partage ce que je ressens. Ca fait du bien parce que je sais que j'aide d'autres parents adoptifs qui se demandent comment ça sera après avec leur enfant. (Page 3).

La participation aux réunions permet de témoigner ce que l'on ressent, aux futurs parents adoptifs, aux adolescents aussi. On peut dire que cette mission de « témoignage » qu'a Karine va lui permettre de se sentir mieux dans sa peau, voir de se sentir mieux intégrée dans la société québécoise puisqu'elle y a un rôle important.

Karine ajoute de plus, « Aussi, j'allais aux réunions de la Fédération des Parents Adoptants du Québec, comme ça je rencontrais d'autres personnes du Guatemala, et d'autres pays, donc j'aimais bien ça. C'était le fun de voir que je n'étais pas toute seule. (Page 6). La participation à ces réunions permet donc à Karine de voir qu'elle n'est pas la seule dans sa situation d'adoptée. Cela apporte un réconfort et atténue le sentiment d'être différent qui peut parfois être ressenti. Ses témoignages sont d'une grande utilité dans l'association. « J'ai expliqué ce que ce voyage m'avait apporté. Je suis contente de pouvoir aider les gens. Après mon témoignage, un couple de parents est venu me voir. Ils ont décidé de faire une adoption ouverte. Donc en fait, à cause de moi, l'enfant va sûrement connaître sa famille biologique. Je suis vraiment contente. » (Karine, page 7). Témoigner sur son adoption a ici des effets très positifs puisque Karine a réussi à démontrer à un couple d'une adoption ouverte pouvait être intéressante aussi pour l'enfant. 52(*)

Sur trois personnes participantes à ces activités de post-adoption et de conseil à l'adoption ou aux retrouvailles ; tous sont enchantés d'y participer. Cela développe leur connaissance du milieu de l'adoption, leur permet de rencontrer des parents adoptants, des enfants, des adolescents adoptés. Ils peuvent ainsi partager leurs expériences. La participation à ces activités a donc un effet très positif sur les adolescents et un rôle intégrateur dans le milieu de l'adoption.

Le danger cependant est que l'adolescent ne fréquente que des personnes adoptées et n'ait pas de contacts avec d'autre adolescents. Toutefois, ce n'était le cas d'aucun des adolescents interviewés à Montréal.

Les adolescents qui ignorent l'existence de ces activités

Certains adolescents au Québec (mais cela peut sûrement se vérifier en France) ignorent l'existence de groupes de post-adoption au Québec, et à Montréal. Les entretiens ont mis le doigt sur une défaillance des services sociaux de Montréal en matière d'adoption. Au terme de l'entretien, nous avions donc bien souvent une conversation à propos de ces groupes de discussion sur l'adoption, sur les retrouvailles. J'ai ainsi pu orienter les jeunes vers des centres sociaux, des organismes montréalais offrant des services dans le domaine de l'adoption. Pour certains, les entretiens ont donc été instructifs.

La plus révoltée en apprenant l'existence des groupes de discussion sur l'adoption a été Ariane. « Je n'ai jamais été au courant de ça ! Il faut aller où pour avoir ses informations-là ? Je trouve dommage que tout le processus de l'adoption soit centré sur les parents et non pas sur les enfants. (Page 10). Cela n'est pas tout à fait faux. Il y a plus d'organismes s'occupant des parents que des enfants et adolescents. « Quand tu vois les reportages, tout est recentré sur les parents, sur leurs problèmes, et moi je trouve qu'il n'y a pas assez de choses faites au Québec pour les ados et les enfants » (Ariane, page 10). Ce témoignage montre bien l'ignorance de certaines jeunes envers l'existence de services d'aide post-adoption. C'est assez dommage que des jeunes adoptés ne puissent pas en profiter. Car cela pourrait régler quelques uns des problèmes et questions qu'ils se posent.

De ce constat, j'ai donc pris quelques initiatives, en contactant les services de post-adoption de Montréal. J'ai fait circuler l'information du fait que certains adolescents n'avaient jamais entendu parler de ces services à Montréal ; et qu'il serait bon de s'associer avec les organismes d'adoption pour qu'ils informent parents et enfants lors de l'adoption.

Parfois, le jeune adopté ressent comme un « délaissement » concernant les adoptés. « C'est bien de se pencher là-dessus parce que quelque part c'est une problématique. L'adoption ce n'est pas rien, c'est un abandon, c'est comme si on centre juste sur le fait que le parent est content, il a eu son enfant ! » ...« L'enfant il est quoi là-dedans, c'est comme un traumatisme dont il faudrait s'occuper, parce que après cela peut avoir des conséquences quoi. » (Ariane, pages 10 et 11). De la part de certains jeunes, on constate que l'adoption a parfois été source de difficultés et que participer à un groupe de discussion les aurait nettement aidés. « Si on m'avait proposé, j'aurais sûrement été voir, vers treize ans, ça m'aurait intéressé (page 5) Si il y avait un groupe sur la Corée du Sud, j'irais voir oui, par curiosité ». (Elodie, page 5). Là encore, cette adolescente de dix huit ans a été mal conseillée concernant un groupe de discussion. « Je ne savais même pas que ça existait. Je n'ai jamais entendu parler de ça. C'est vrai que si j'avais pu, j'aurais été. Dire mon vécu, raconter mon adoption. Ca m'aurait dit dans ma tête que je ne suis pas tout seul (page 8) Mais c'est vrai que ça manque un peu les groupes de discussion sur l'adoption, sur les pays d'origine, ça pourrait aider des enfants ou des adolescents qui ont des difficultés avec ça ». (Michael, Page 11)

Même si les parents dialoguent avec leur adolescent adopté, un groupe de discussion peut être un complément. Car l'adolescent ne dirait pas obligatoirement tout ce qu'il a sur le coeur à ses parents. « Faut pas que le parent croie qu'il est un super héros et qu'il va dealer tout seul, il y a des services et il faut voir ça avec eux pour se faire aider » (Rachelle, page 7)

Le constat de cette partie est assez frappant. Des services de post-adoption existent, mais tous les adolescents ne sont malheureusement pas au courant. La faute à qui ? Aux parents non-informés ? Aux services sociaux et associations qui ne font pas assez de publicité pour leurs services ? Aux organismes d'adoption qui pourraient informer les parents lors de l'adoption de l'enfant ?

Ce qui est dommage, c'est que si les adolescents avaient eu l'information, certains y auraient participé. Le Québec a donc encore du travail à faire dans son information de services, notamment dans le domaine de l'adoption, afin que toutes les personnes intéressées puissent bénéficier de l'aide proposée.

III. L'identité de l'adolescent adopté

A. L'adolescence, une période de passage avec des questions en plus

L'adolescence est une période de crise nous en conviendrons. Elle se manifeste différemment selon les adolescents, adoptés ou non. Car comme on l'appelle, « la crise de l'adolescence » n'est pas l'apanage uniquement des personnes adoptées. D'ailleurs, pour la plupart, l'adolescence des adoptés ressemble à celle des autres jeunes. Pour chacun d'eux, ce moment de la vie est une période de changements physiques, de questionnements sur le sens de la vie, de la remise en cause des parents et la recherche de l'identité personnelle.

Dans le cas d'une adoption, il y a ce qu'on appelle une « phase de réaménagement », un passage fréquent à l'adolescence. L'adolescent adopté construit alors son « roman familial ». Il idéalise ses parents biologiques, sa famille, c'est une histoire familiale imaginaire et romancée. C'est un besoin pour l'équilibre. Il faut aussi accepter le fait que l'on a été abandonné, afin d'être épanoui dans sa relation avec ses parents adoptifs. Le roman familial (selon Freud) consiste, pour un enfant, à inventer et à amplifier la situation familiale, au point de se réinventer des parents d'un niveau supérieur que ce qu'ils sont en réalité. Ce même fantasme détermine ses actes plus tard à l'âge adulte.

Qu'est ce que le roman familial ?

Attardons nous quelque peu sur la notion de roman familial. Tout enfant biologique ou adopté, utilise à un moment ou un autre, le roman familial. C'est un moyen d'apaiser des tensions intérieures. L'enfant idéalise ses parents. Il les souhaite parfaits et il les voit ainsi. Vient un moment où il réalise que, malheureusement, ils ne sont pas parfaits. Pour remédier à cette situation, qui lui cause des problèmes, l'enfant met en action son imaginaire et se met à fantasmer à des parents idéaux. Certains en viennent à penser qu'ils ne viennent pas de la famille, qu'ils ont été kidnappés et que, quelque part au loin, existe une famille aimante et compréhensive qui les aimerait tendrement. L'enfant biologique peut penser avoir été adopté, même s'il a toutes les preuves contraires. Le roman familial atteint son apogée à l'adolescence.

Chez les adolescents adoptés...

Pour les enfants adoptés, la situation est différente. Il existe bel et bien quelqu'un, au loin, qui pourrait bien s'inquiéter de lui, qui pourrait bien l'aimer comme il le souhaite. De plus, cette personne pourrait bien lui ressembler. Pour cette raison, le roman familial demeure vivant plus longtemps dans l'esprit des jeunes adoptés. Il est présent chez plusieurs durant l'adolescence et parfois même jusqu'à l'âge adulte. L'enfant adopté se sert du roman familial pour apaiser son mal d'abandon. Pour mieux vivre cette situation, il garde espoir d'avoir été voulu par ses parents de naissance. Ils les idéalisent. C'est à cette image de parents d'origine parfaits que le jeune compare ses parents adoptifs.

Il ne faut pas oublier que le roman familial sert d'outil pour réduire le mal ressenti par rapport à « l'imperfection » de ses parents. « C'est sûr que des fois, pour blesser ma mère, je lui dit, oh t'es pas ma mère de toute façon. Mais c'est sûr que c'est injuste parce qu'elle est super, mais bon, je dis ça quand je suis très énervé. » (Gabriel, page 5). Ce mal est encore plus intense chez l'adopté qui doit vivre avec le deuil de ses origines. Tant que le travail de réconciliation avec son passé n'est pas fait, le jeune voudra se protéger en entretenant le plus possible le roman familial.

L'adolescence est une période de confrontation de valeurs avec les parents. Comme tous adolescents, l'ado adopté se cherche, cherche ses valeurs. Cela ne se fait pas sans remise en question, sans argumentation. Ce processus normal de conflits de valeurs avec les parents, est souvent mis sur le dos de l'adoption. Plusieurs ados en viennent à penser que les parents de naissance, les comprendraient beaucoup mieux que les parents actuels. « Si j'étais avec mes parents de naissance, eux ils me comprendraient ! » (Gabriel, page 5). Le roman familial est toujours en fonction chez l'adolescent adopté.

Il y a des limites au roman familial chez l'adopté. L'adolescent qui développe ses capacités cognitives vient à réaliser toute l'ampleur de l'abandon et arrive difficilement à se protéger de cette réalité par le roman familial. La fuite vers l'imaginaire n'est plus possible. Il acquiert un esprit plus logique, l'adolescent peut réfléchir sur les possibilités perdues. Il est en position de se demander comment sa vie aurait pu être s'il n'avait pas été adopté. Ces questions plus terre à terre viennent réduire l'importance du roman familial.

L'adolescence est un passage où les questions d'identité arrivent, si elles ne sont pas arrivées avant à l'enfance. L'adolescent adopté peut se poser les questions « qui suis-je ? L'adolescent adopté appartient génétiquement à un groupe, et culturellement à un autre, ce qui peut être assez difficile à vivre. Il appartient aux deux groupes, ils font partie de lui. « Je pense que la famille qui va adopter, c'est important que au début au moins, elle s'adapte au jeune et non que nous on s'adapte à eux (...), il faut laisser ce jeune-là s'introduire lui-même dans sa nouvelle culture, il faut le laisser faire la transition » (Rachelle, page 7)

C'est pourquoi la relation que l'adolescent a avec ses parents est primordiale pour son développement et sa création d'identité. « Des fois, pour blesser ma mère, je lui dit, oh t'es pas ma mère de toute façon. Mais c'est sûr que c'est injuste parce qu'elle est super, mais bon je dis ça quand je suis très énervé ». (Gabriel, Page 5). « Ma mère adoptive a toujours été très ouverte à ça, on se parlait, c'est pour ça que je pense que mon adolescence s'est passée normalement. » (Page 3). La dialogue est ici démontré comme très important à l'adolescence. Le fait qu'il n'y ait aucun tabou (surtout pas sur l'adoption) favorise le bien-être puis l'intégration sociale de l'adolescent. Les parents qui montrent une certaine fierté envers leur adolescent permettent à se dernier son épanouissement maximal. L'harmonie de l'adolescent dépend de la façon dont les parents auront parlé de l'adoption à l'adolescent et des outils qu'ils lui auront donné pour répondre aux autres. « Nos parents nous ont toujours donné les outils pour nous défendre, pour répondre aux attaques » (Rachelle, page 5). Le rôle des parents dans une adoption permet ou non l'intégration de l'adolescent. Si ces derniers « équipent » l'adolescent pour répondre aux attaques, il sera plus sûr de lui.

« L'adolescence, ça a été un peu tendu, c'est sûr (...) Au final il y a des moments positifs et des moments négatifs (...) La sortie de l'adolescence a été une période plus heureuse (...) Quand tu es chez tes parents, c'est eux qui te façonnent, et quand tu sors de ça, c'est comme si tu commençais à t'affirmer » (Ariane, page 4). L'adolescence des adolescents adoptés peut être semblable à certains niveaux à celle des non-adoptés (tensions avec les parents, demande d'indépendance). Mais c'est un fait que les adoptés doivent créer leur identité plus intensément que les autres. Le fait d'avoir des origines étrangères n'est pas neutre. Le regard d'autrui, les questionnements identitaires ajoutent une difficulté en plus à l'adolescence des adoptés.

Cependant, certains adolescents perçoivent leur adolescence comme semblable aux autres. Pour eux, l'adoption ne change rien à la difficulté de l'adolescence. « C'est vrai qu'il y a eu plus de tensions à cette période, mais ça n'avait aucun lien avec le fait que j'étais adoptée, je vois pas. C'était vraiment parce que c'était l'adolescence, on s'engueulait, mais ce n'était pas sur ce sujet-là quoi. (...) Pour moi, cela n'a jamais été comme une barrière à porter mon adoption. Les disputes et tensions familiales à l'adolescence ne sont donc pas toujours obligatoirement liées à l'adoption. « Que je m'engueule avec ma soeur qui vient de Chine ou ma soeur qui vient du Vietnam, il n'y a pas de relations avec l'adoption. (Laurence, page 9)

Un des facteurs expliquant cela est l'acceptation de l'adoption par l'adolescent. La façon dont il voit son adoption sera primordiale dans la manière dont son adolescence va se passer. « Moi je pense que ça c'est bien passé, comme les autres quoi, c'est juste que tout dépend du fait de ton acceptation que tu soies adopté. (...) Si tu ne l'a pas accepté depuis l'âge de cinq ans, l'adolescence sera encore pire, parce que là tu vas encore chercher ton identité sexuelle, culturelle, tu as plein d'identité à trouver. Avec l'adoption, tu as une identité de plus à trouver, donc parfois ça peut être difficile ». (Laurence, page 9). Cette adolescente de dix-huit nous montre bien quel parcours peut être l'adolescence, et en même temps, que l'adoption peut créer des difficultés supplémentaires pour l'adolescent, notamment au niveau de l'identité qui va alors être plus complexe à trouver. L'important dans une adoption, c'est la manière dont cela est perçu par l'enfant, et aussi à l'origine, par les parents adoptifs.

B. Questionnements des adolescents

L'adoption augmente la difficulté de l'adolescence sur la création de l'identité, la peur du rejet ou de l'abandon, l'équilibre entre des besoins d'encadrement et d'autonomie, le sentiment d'appartenance à la famille et au milieu de vie et la curiosité au sujet de ses origines. La création de l'identité des adolescents adoptés peut être plus complexe parce qu'ils ont en quelque sorte « deux familles », comme le dit Stéphane, dix sept ans « Genre là j'ai deux mères, c'est ben mieux encore...Puis ils s'entendent bien ensemble, et puis c'est parfait, genre ça ne me dérange pas du tout là. » (Page 4)

 Cependant, pour certains, il leur apparaît difficile de départager jusqu'à quel point ils sont semblables ou différents de leurs « deux paires de parents », surtout que le plus souvent ils ne savent rien de leurs parents de naissance. Les adolescents adoptés se posent différentes sortes de questions comme « d'où me vient tel ou tel trait de caractère », « talent ou intérêt » ? « Est-ce que j'ai des frères et soeurs » ? « Est-ce que tous les membres de ma famille d'origine sont petits ou grands » ? Ces questions sans réponses sont autant d'interrogations qui peuvent perturber l'adolescent dans son développement, si les questions prennent trop de place dans sa vie.

Souvent, les parents adoptifs n'ont pas de réponses à ces questions bien légitimes. Les adolescents adoptés peuvent se replier sur eux-mêmes ou chercher à fuir loin de la maison pour trouver leur véritable identité. Ils peuvent être très critiques de la façon dont leurs parents adoptifs les ont préparé à leur statut d'enfant adopté. Par ailleurs, il est bien possible que certains adolescents craignent de quitter la maison parce qu'ils ont déjà souffert de la perte de leurs parents de naissance. Par exemple, s'ils doivent aller poursuivre des études loin de leur foyer, certains adolescents adoptés peuvent craindre que leurs parents adoptifs vont les oublier, qu'il n'y aura plus de «maison» où retourner. Ils auront peur d'être abandonnés.

La tension entre les parents qui ne veulent pas perdre le contrôle et les adolescents qui exigent plus d'autonomie est une notion essentielle de l'adolescence. Les enfants adoptés peuvent la ressentir plus profondément parce qu'ils ont le sentiment que quelqu'un d'autre a toujours décidé à leur place. Leur mère de naissance a décidé de les confier en adoption; leurs parents adoptifs ont décidé de les accepter. Ces derniers peuvent craindre, à tord ou à raison, que leur enfant est prédisposé à avoir des problèmes de comportements parce qu'il a eu un départ plus difficile dans la vie (surtout pour un enfant adopté alors qu'il n'était plus bébé).

En raison de ces craintes, les parents adoptifs peuvent resserrer leur contrôle au moment même où l'adolescent veut plus de liberté. L'enfant peut en déduire que ses parents manquent de confiance en lui. Il faut alors que les parents et les adolescents arrivent à conclure une entente sur ce qui constitue un comportement digne de confiance, dans tous les domaines (école, choix des amis, choix d'activités). Ils peuvent convenir des privilèges et des conséquences associés au fait de démontrer ou de ne pas démontrer tel ou tel comportement. Si les deux parties ont leur mot à dire, il y aura moins de luttes de pouvoir.

Les adolescents adoptés ont moins de points de repères pour comprendre qui ils sont, d'où ils tiennent leur identité. En fait, on leur fait souvent remarquer qu'ils sont différents : ils ne ressemblent pas à leurs parents, ni à leur frères et soeurs. Pas surprenant alors que l'adolescent puisse ressentir un sentiment de non appartenance. Les enfants de familles transraciales peuvent ressentir encore davantage ce sentiment d'aliénation. Ils deviennent très conscients de leurs différences physiques et ils luttent pour concilier leur origine culturelle à leur perception d'eux-mêmes. Les parents adoptifs peuvent augmenter le sentiment d'appartenance à la famille en fréquentant des adultes et des enfants de la même origine culturelle que leur adolescent.

Dans la partie problématique de ce mémoire, nous avons parlé des travaux de Françoise Dolto. Elle situe l'adolescence entre treize et dix-sept ans, même si les limites sont assez floues53(*). C'est un âge intermédiaire, où tout évolue. On peut appeler cela une période de « mutation », un moment de fragilité. Elle compare en effet l'adolescent à un homard pendant sa mue, sans carapace, devant s'en fabriquer une autre. L'adolescence est une période de passage qui sépare l'enfance à l'âge adulte, elle a pour centre la puberté. C'est l'époque des changements, d'une part dans la relation que l'adolescent entretient avec son propre corps qu'il découvre. A cette période, on fait le deuil son enfance, du passé.

L'adolescent, de plus quand il est adopté, entre dans un moment de sa vie nouveau et insécurisé. Toutes sortes de questions apparaissent. C'est aussi la période de la découverte de son corps et du corps de l'autre, de l'apprentissage de la sexualité. Il doit créer sa propre identité, partagée entre l'identité et la culture québécoise, et sa culture d'origine, qui parfois peut lui poser des questions. « C'est sûr qu'il y a plus de questions que quand j'étais petite en fait. Il y a des choses que je comprends mieux aussi. Les questions que je me pose le plus, c'est à qui je ressemble moi ? (...) Parce que mes amies ont les yeux de leur mère par exemple, ou les cheveux de leur père. Moi je ne sais pas à qui je ressemble (...).

Les questions de la ressemblance physique avec les parents sont de véritables problèmes chez les adolescents. Ne pas avoir de référents en matière de physique peut être assez déstabilisant finalement. De plus, dans toutes les familles dîtes « traditionnelles », on compare souvent les enfants à leurs parents ; celui-ci ressemble à son père, etc. Cela peut créer et accentuer le sentiment de différence de la part des adolescents. « Mais j'aimerais juste pouvoir faire le lien entre moi et mes parents en fait. C'est le côté biologique, à qui je ressemble le plus et puis tout ça qui me questionne ». (Karine, page 3). Savoir à qui on ressemble fait dont partie des questions les plus récurrentes chez les adolescents adoptés.

Les origines peuvent être sujette à interrogations, voire à angoisse, pour certains jeunes qui n'ont pas vraiment d'informations sur leurs parents biologiques, sur leur pays d'origine. Chez certains, les origines peuvent même être motif de gêne dans la mesure où elle indique une autre appartenance que la culture québécoise.

L'adoption établi un lien de filiation entre les parents et l'enfant adopté, mais cela n'efface pas les interrogations et les difficultés pouvant se poser.

Elodie nous a ainsi livré son témoignage concernant son adolescence. « C'est sûr qu'il y a plus de questions qui se posent en fait. Parce qu'on est plus grand, qu'on s'intéresse plus quoi (...) C'est plutôt les autres qui s'intéressent plus à ton histoire. On a plus de liens, on a grandi, on est plus amis. Donc ils osent plus nous poser des questions par rapport à l'enfance. (...). L'adolescence est aussi un période où l'on a plus de fréquentations, plus d'amis, ce qui favorise les discussions sur l'adoption, et incite l'adolescent à en parler.

« Ma crise d'adolescence si on peut dire, ça s'est passé vers l'âge de 14 ans. Mais bon ce n'était pas une crise plus importante parce que j'étais adoptée. (...)

Mais vraiment j'avais les mêmes conflits que les autres ados, par exemple pour les sorties etc. (...) Mais je ne regrette pas cette période, car ça fait mûrir quand même. Pour moi c'est une période positive qui m'a permis de passer à autre chose. C'est une sorte de transition entre l'enfance et l'âge adulte. « (Elodie, page 2). La plupart des adolescents sont d'accord pour dire que l'adolescence est une période qui les fait grandir et mûrir. Certains profitent des questionnements de l'adolescence pour faire des recherches sur leurs origines, pour poser plus de questions à leurs parents.

L'adolescence est souvent synonyme d'instabilité et de tensions. « J'ai remarqué que j'ai changé quand même, par rapport à quand j'étais petit. Des fois avec ma mère on s'engueule. Avant j'étais gentil et calme. Mais maintenant, je suis baveux, j'aime ça me chicaner. Aussi je déteste qu'on me donne des ordres ». (Gabriel, page 4) ; il y a différentes façon de vivre son adolescence lorsque l'on est adopté. Certains, comme chez Gabriel, peuvent développer une agressivité. Ils ont une adolescence assez orageuse, avec des possibles passages à l'acte, fugues, colères, reproches violents, rejet du scolaire. Cela peut être des moments pénibles à supporter pour les parents et la famille en général. « Je n'étais pas du tout stable, je restais, je repartais de chez moi, je ne me sentais pas à ma place dans cette maison là. Peut-être si on avait formé une vraie famille comme tout le monde, je ne serais pas partie comme ça. » (Marie-Pierre, Page 7). Ces adolescents ont besoin d'exprimer la haine et la révolte qui les habite du fait de leur abandon. « Je pense souvent à mon abandon. Mais je me dis, ben si ils m'ont abandonné, c'est qu'ils avaient de bonnes raisons. Je ne veux pas trop chercher non plus. » (Samuel, page 2)

L'adolescence, qui débute vers douze/treize ans, est une période de questions, de remise en questions. « Vers l'âge de 15 ans, j'ai commencé à poser des questions sur mon adoption (...) j'ai eu l'information sur mes origines. Je me posais aussi des questions sur la sexualité, qui je suis, d'où je viens. Donc à cette période, j'ai découvert mes réponses. (Page 6). « Avoir ses réponses », une expression commune à de nombreux adolescents. L'adolescent a envie de savoir, de connaître, de comprendre son histoire personnelle ; ce qui l'a amené à être abandonné, puis adopté au Québec. Il est important de savoir d'où l'on vient pour savoir où on va. « J'ai eu une belle adolescence, assez difficile, mais pleine d'émotions. Mais j'ai survécu on peut dire. (Michael, page 7)

Sur les quatorze entretiens effectués, il semblerait que la moitié des adolescents adoptés aient plus de difficultés que les autres adolescents non-adoptés. Surtout en matière de questionnements identitaires, d'interrogations sur la famille biologique ; l'adolescent a plus de travail à faire pour sa création d'identité. L'adoption peut donc être une difficulté supplémentaire à l'adolescence, avec, comme nous l'avons dit, une identité en plus à trouver par rapport aux autres adolescents.

III. Quels sont les liens entre adoption, culture, identité et pays d'origine sur l'intégration de l'adolescent adopté ?

A. Vision de l'adoption par les adolescents

Nous nous sommes intéressés à la vision qu'ont les adolescents de leur adoption. Est-ce cela leur a apporté des choses en plus ? Est-ce qu'ils regrettent ?

L'adoption peut tout d'abord être vu et vécu comme une richesse et une chance. « C'est une bonne chose (...) ça m'a donné des opportunités que j'ai su saisir. » (Ariane, page 3). Les enfants adoptés sont en effet généralement informés du fait qu'ils viennent d'un pays où les conditions de vie son difficiles, et que leur adoption a été une chance pour eux. Christine dit avoir eu une belle vie grâce à son adoption, « J'ai eu une belle adoption, une belle vie, mes parents m'ont bien élevées, je n'ai jamais rien manqué, je m'estime vraiment chanceuse d'avoir été adoptée (page 3) Parce que bon les Philippines ben j'aurais pu mal finir, enfin avec la prostitution et tout, ma vie n'aurait pas été la même je pense. (Christine, page 3).

L'adoption ici est perçue par Christine comme un facteur de « chance », compte tenu du contexte de certains pays pauvres d'om viennent les enfants adoptés. Cependant, comment être sûr que l'enfant n'aurait pas eu une vie meilleure s'il était resté dans son pays. Le fait de s'estimer chanceux peut parfois créer un sentiment de rejet par rapport au pays d'origine à cause de sa pauvreté.

Certains adolescents adoptés ont un regard assez dur, mais réaliste, sur l'adoption. Malgré le fait que cela aide certains couples stériles, l'adoption « enlève » en effet des enfants à un pays. La jeunesse étant bien souvent l'avenir d'un pays, de quel côté peut-on juger l'adoption ? Du côté des parents stériles en occident ? Du côté du pays qui met certains enfants en adoption ? « Tu sais, ça coûte 15 00054(*) dollars pour adopter un enfant, est-ce qu'on donne l'argent à la famille qui donne son enfant ? Est-ce que le pays est mieux après ça ? C'est comme une grosse machine faite pour le parent adoptif, on s'en fout de l'enfant, des parents bio. (...) Je ne trouve pas correct de voir l'être humain en terme d'argent, je trouve que les frais d'adoption n'ont pas d'allure quoi je me questionne sur la légitimité de tout ça. (Page 11). Ariane exprime ici son indignation par rapport à la « légitimité » de l'adoption. « J'aimerais qu'une partie soit investie dans le pays, dans les orphelinats, ça doit créer des emplois. » (Ariane, Page 11). Le côté « financier » des adoptions internationales est en effet discutable, quand on voit les frais d'adoption à l'étranger. Cela sélectionne aussi les parents qui veulent adopter. Car tout le monde ne peut pas se le permettre.

Certains adolescents sont réellement sensibilisés au côté financier de l'adoption internationale en général au Québec. Comme Ariane, certains aimeraient que l'argent reçu par les orphelinats, les organismes, soit réinvesti dans le pays, afin d'éviter un trop grand nombre d'abandon à l'avenir. Il est intéressant de constater que les adolescents ont a coeur l'avenir des futurs enfants, qui comme eux pourraient être abandonnés. On comprend bien sûr la motivation de ces principes. Ils se sentent concernés par ce qu'il ont vécu, et ne veulent pas que ça se reproduise.

L'adoption peut aussi être perçue donc comme une richesse du fait d'avoir des origines étrangères. « C'est une richesse c'est sûr, parce que tout le monde peut pas aller chercher au niveau de ses origines, c'est un plus par rapport aux autres » (Ariane, Page 7). « Moi je sais que j'aime ça être comme ça, différente, c'est une certaine richesse, on a un truc à raconter. Ca ne me dérange pas en fait ». (Karine, page 5). L'adoption est une façon de se démarquer d'une certaine façon. Certains adolescents adoptés développent une sorte de fierté à avoir été adopté, car ils ont une histoire à raconter. Quand on sait qu'à l'adolescence, les jeunes recherchent souvent à se démarquer des autres, en ayant un signe distinctif, l'adoption est pour certains ce moyen de se démarquer. « Quand je racontais ça, les gens avaient les larmes aux yeux, les filles surtout » (Rires) (Gabriel, page 7). Gabriel racontait en effet pouvoir « frimer » avec son adoption, qui attire toujours l'attention. D'une nature assez sociable, Gabriel n'a pas de difficulté de raconter son histoire à ses camarades, il en a même fait un atout, voir parfois malheureusement, une arme contre sa mère, pour justifier une erreur de comportement.

« J'ai vraiment l'impression que c'est une richesse d'avoir été adoptée, car je sais qu'au Québec, il n'y a pas beaucoup de natalité, et le pays vieillit, on n'a pas assez de bébés (page 10). Le Québec est en effet un pays, où comme les autres pays occidentaux, le taux de natalité est faible. Certains adolescents perçoivent donc l'adoption comme un moyen de « peupler » le Québec en quelque sorte. Par contre, ils sont conscients que l'adoption doit être faite dans un vrai but de désir et d'amour de la part des parents. Il est surprenant de voir que certains adolescents ont conscience de ce fait de dénatalité au Québec.

« Il faudrait vraiment que ce soit pour l'amour d'un enfant là, pas juste dire ok j'ai adopté un enfant, pour qu'on paraisse bien là. Il faut vraiment que ça soit fait dans l'objectif du bien-être de l'enfant. » (Christine, page 10). Ce témoignage est très important car cela démontre que les adolescents ont réellement compris l'enjeu de l'adoption. Comme nous le disions précédemment, le rôle des parents adoptifs est important pour les adoptés. Ils doivent avoir conscience d'avoir été adopté dans un réel geste d'amour, et non pas par choix « humanitaire ».

Cette notion d'amour est véritablement importante pour l'adolescent. Il doit ressentir le fait d'avoir été désiré par ses parents adoptifs, sans avoir le sentiment d'être redevable envers eux.

Face à leur adoption, il peut parfois y avoir un sentiment de toujours devoir se justifier, parler de son adoption, expliquer pourquoi. « J'ai développé une espèce de...Je suis comme tannée d'en parler avec les gens, j'ai l'impression d'être comme un extra-terrestre à chaque fois que j'en parle. J'en ai un peu marre de devoir tout expliquer (page 5) Je ne m'attarde pas trop sur le sujet avec mes amis, je veux dire, je leur explique si on me questionne et tout, sauf que c'est pas plus que ça tu vois (Laurence, page 6).

L'adoption entraîne en effet une sorte d'effet « loupe » sur la vie privée de l'adolescent et sa famille en général. L'infertilité des parents, l'intimité de la famille, tout est en quelque sorte mis à nu avec l'adoption. Les individus pensent devoir savoir la vérité sur la famille concernée sur l'adoption. Alors que dans les cas d'arrivée d'enfant par « voie normale », il n'y pas tant d'intrusions. Emma nous confie ainsi : « À certaines copines je parle de mon adoption oui. Elles me posent des questions parce que je suis plus mate que mes frères et soeurs. (Page 1) Des fois ça me gêne pas d'en parler et des fois un peu plus. Parce que des fois, elles vont chercher loin quoi, c'est un peu indiscret donc là ça m'énerve ». (Emma, page 1). Les autres individus non-adoptés n'ont peut être pas conscience d'être indiscrets parfois avec les questions que la vie de l'adolescent. Il convient d'avoir un certain recul par rapport à ça, et de ne pas constamment harceler l'adolescent de questions qui pourraient le gêner.

Comme nous l'avons dit précédemment, les adolescents adoptés ont constatés que les parents sont plus pris en charge que les adoptés eux-mêmes. « Souvent on s'occupe plus du bien-être des adultes, des parents. Il faut aussi aider les enfants adoptés qui veulent faire des retrouvailles. Pour les adoptions internationales, c'est beaucoup avec les prêtres puis les religieuses qu'il faut faire ça, ils sont plus ouverts d'esprit que les autres » (Christine, page 10). Pour Christine, qui est bénévole dans un groupe de retrouvailles, en ayant faites elle-même, la recherche des antécédents peut être bénéfique pour l'adopté.

« Mais c'est vrai que dans les médias, c'est toujours caché, dans les films, c'est toujours assez tragique une adoption. Et après les gens, ils croient qu'une adoption c'est forcément dur. (Page 2) Je pense que c'est quelque chose de bien pour les enfants oui. Après, tout dépend des circonstances de l'adoption quoi. Quand il y a des petits adoptés à 7 ans, bon. (Page 2). Les médias font en effet souvent l'amalgame entre drame familial et adoption. Les adoptions sont en effet des histoires d'amour, et il convient de ne pas faire tourner cela au tragique. Comme nous le dit Elodie, « Il y a les parents qui ne peuvent pas s'occuper de leurs enfants et qui les mettent en orphelinat ou autres. Et de l'autre côté, il y a les gens qui sont stériles, qui peuvent s'en occuper. Ca évite d'avoir trop d'orphelins dans le monde ». (Page 5).

Cependant, l'adoption, acceptée la plupart du temps par la plupart des adolescents, peut entraîner quelques« Mon adoption a je pense, modifié ma vie. Parce que j'ai de la misère à faire confiance aux personnes, je ne peux pas avoir un chum (copain) stable. Moi j'ai l'impression que c'est à cause de mon adoption que je suis comme ça. » (Marie-Pierre, page 5).

L'attachement est un défi pour tous les enfants et adolescents adoptés. La notion d'abandon est présente à l'esprit des adoptés. Certains peuvent avoir du mal à aimer de nouveau, à s'attacher à leurs parents adoptifs, et à leur entourage en général. Quand l'enfant ne parvient pas à établir ce lien sélectif d'attache avec ses parents ; cela peut entraîner toute une série de comportements sociaux inadéquats (comme c'est le cas de Marie-Pierre). Dans ce cas précis, l'adolescence sent qu'elle ne parvient pas à aimer, à faire confiance aux gens (amis, copains). Son abandon, puis son adoption (pourtant à l'âge de quatorze jours55(*)) ont ouvert une blessure dure à refermer. L'adolescent ou l'enfant victime de problème d'attachement a un souci avec l'amour, avec la confiance. Au lieu de former de nouveaux liens d'attachement, l'enfant se détourne de la relation avec autrui. C'est comme si il avait abandonné l'idée qu'on ne pouvait pas répondre à ses besoins affectifs. Les troubles de l'attachement entraînent que l'on se montre peut disposé à aimer et à se laisser aimer, en se liant de façon superficielle aux adultes.

L'absence de lien d'attachement peut entraîner de plus une mauvaise intégration sociale à l'âge adulte.

L'adoption peut donc créer de grandes blessures comme l'absence de liens d'attachements avec les parents adoptifs. Dans ces cas-là, l'intégration familiale de l'adolescent est assez difficile, ainsi que son intégration sociale puisqu'il a du mal à faire confiance aux autres adultes.

D'autres adolescents sont en contacts avec leur mère biologique et le vivent bien. « Tu sais, c'est comme si c'était ma vraie famille, genre là j'ai deux mères, c'est ben mieux encore. Puis ils s'entendent bien ensemble, et puis c'est parfait, genre ça ne me dérange pas du tout là. (Stéphane, page 4). Il faut en effet savoir gérer le fait d'avoir plusieurs parents (biologiques, adoptifs). Même si les vrais parents sont ceux qui ont élevé et aimé leur enfant.

Michael a été adopté à l'âge de cinq ans, ce qui est assez tard pour une adoption. Il se souvient très bien de son adoption, du jour où il est sorti de l'orphelinat (ce qui était très rare), et des émotions qu'il a eu, en voyant sa mère adoptive qui ressemblait à sa mère biologique. On retrouve encore ici cet éternel sentiment de « chance » part rapport à l'adoption du fait des situations de certains pays. « Quand j'ai vu ma mère adoptive, j'ai tout de suite senti que j'allais l'aimer parce qu'elle ressemblait à ma mère. (Page 4) Ca me fait pleurer des fois, parce que ça me dit dans ma tête, ils se sont déplacés pour le voir, ça a pris du temps dans leur tête pour dire « c'est ce garçon là qu'on veut, pas un autre », il y a beaucoup d'émotions (page 5). D'un sens il ont bien fait de m'adopter là, parce qu'en orphelinat, on n'est pas heureux. Je serai peut-être parti à la guerre. » (Michael, page 5). Ce jeune de dix huit ans s'estime donc « heureux » d'avoir été adopté, estimant qu'il aurait sans doute été

B. « Gérer » l'idée d'abandon

L'effet de l'abandon sur l'enfant et l'adolescent dépend de nombreux facteurs, comme l'âge à l'adoption, le vécu avant l'adoption, les parents adoptifs, le caractère et l'acceptation de l'adolescent adopté. Certains problèmes liés aux adolescents adoptés peuvent parfois être liés à la perte de l'attachement avec la mère biologique. La douleur de cette séparation serait inscrite dans l'inconscient. C'est ce qui les affecterait le plus. Cette perte est difficilement exprimable. « Il y a trop de choses qui se passent dans la vie d'un coup, et c'est difficile d'accepter un abandon et de comprendre pourquoi. C'est beaucoup de travail sur soi » (Rachelle, page 7)

Elle est moins reconnue de la société que la perte d'un être cher lors d'un deuil ou divorce. Pourtant, cette perte est une dimension très importante de la vie intérieure de l'adopté. L'enfant doit vivre le deuil de sa mère de naissance, de ce que sa vie aurait pu être. « Par rapport à mon abandon (...) en fait, elle n'avait pas trop le choix. Elle savait que si je restais avec elle, je n'avais pas une bonne vie, tandis que si elle me mettait dans un orphelinat, j'allais avoir une vie plus merveilleuse qu'au Guatemala. Dans le fond je suis contente qu'elle ait fait ça, je suis vraiment contente ». (Marie, page 4)

Cet abandon est vécu avec plus de douleur en raison du manque d'explication concernant les origines et les causes de cette séparation. Il est souvent moins douloureux de savoir que de vivre dans l'ignorance, même si la vérité est difficile. Par exemple, Emma, quinze ans, a fait les démarches de retrouvailles de ses parents biologiques à Polynésie. « J'ai parlé avec ma mère (biologique) de mon abandon, de tout ça. Elle m'a éclairci un peu la situation. Ca m'a fait du bien en fait, je me sentais mieux après. Mais elle ne regrette pas tout ça, elle pense que c'était aussi me donner une chance d'avoir une vie meilleure ici ». (Page 3).

Pour devenir adulte, l'adolescent doit se réconcilier avec son passé, avec soi-même et être capable de poser un regard positif sur sa vie. Il devra également pardonner. « Si un jour je les ai en face de moi, je pense que la question première qui me viendrait c'est d'abord le pourquoi ? Puis ce que je leur dirai, c'est merci, dans le fond je vois ça comme un acte d'amour là ». (Rachelle, page 6). L'adolescent doit « travailler » sur ce qu'il ressent comme un « rejet » pour en arriver à pardonner et ne pas blâmer ses parents biologiques, et ses parents adoptifs. L'adolescent doit quitter le rêve et les fantasmes du roman familial pour accepter sa vie comme elle est. « J'ai pas eu plus de problèmes que les autres à cause de mon adoption tu vois. Les seules questions qu'on peut se poser, c'est notre identité, pourquoi nos parents biologiques nous ont mis en adoption, abandonnés. » (Christine, page 3).

Cependant, l'abandon, puis l'adoption a parfois des impacts négatifs au niveau des relations avec les autres, comme Marie-Pierre. « Avec mon adoption, je sens que j'ai du mal à m'attacher à quelqu'un en fait. L'abandon a vraiment eu des impacts sur moi. J'ai été abandonné deux fois, une fois par ma mère, et une autre fois par l'hôpital où j'étais. (Page 11) J'ai toujours peut inconsciemment d'être abandonnée encore une fois (page 11). Il est vrai que ce qui est perçu comme un abandon (de la mère et du service hospitalier) est ressenti inconsciemment par l'enfant, même à moins d'un mois. « Quand je sens que j'ai un peu trop d'amour pour cette personne là, et bien je fais tout pour qu'on se quitte (page 11). C'est juste pour être sûre de ne pas l'aimer là, et puis de ne pas souffrir non plus je pense ». (Page 11) La peur d'être « à nouveau rejeté » est perpétuellement dans l'esprit de certains adolescents adoptés. Ce qui est perçu comme un abandon par l'enfant et l'adolescent peut donc entraîner des séquelles psychologiques gênantes pour l'adopté. Il peut même jusqu'à ressentir de la difficulté à aimer les autres, de peur d'être à nouveau rejeté.

IV. Etre adolescent au Québec et venir d'ailleurs (rapport avec le pays d'origine)

L'absence de ressemblances physiques avec ses parents est bien souvent le lot de nombreux adoptés. Lorsque l'on est noir et que ses parents sont blancs, difficiles de s'identifier à ses parents, surtout à l'adolescence où l'on a besoin de repères. C'est alors plutôt au niveau des caractères que des ressemblances vont apparaîtrent. « Tu sais les gens disent, oh moi je ressemble à ma mère tout ça...C'est ça qui est le plus embêtant si on peut dire... C'est plutôt côté caractère où on va se trouver des points communs en fait. » (Laurence, page 10). L'enfant naît dans une famille biologique, mais grandit dans une autre famille, une famille dite de « coeur ». C'est donc un défi pour les parents et l'adolescent que de passer outre les remarques gênantes des autres individus concernant les ressemblances physiques.

L'adolescent n'a pas toujours les informations concernant ses origines et ses parents biologiques. « J'ai été voir un physionomiste. Eux ils peuvent te dire, en regardant les traits du visage, tes cheveux, tes sourcils, te dire d'où tu viens vraiment. Donc il a dit que c'était pratiquement sûr que j'étais libanaise en fait. » (Marie-Pierre, Page 8)

L'adolescent adopté a un problème plus complexe à surmonter pour définir son identité. Il n'a pas de parents qui lui ressemblent et la société ne lui offre pas de point de repère. De plus, il vit avec le dilemme d'être perçu comme québécois dans sa famille et comme un étranger dans la société. Avec le développement cognitif et de sa pensée, l'adolescent est en mesure de comprendre ce que signifie être noir ou chinois. Il réalise que sa couleur de peau est associée à une culture. Il comprend ce que représente être perçu haïtien ou chinois dans une société à majorité blanche.

Les communautés d'origine ne sont pas perçues de la même façon par le groupe dit « majoritaire ». Certaines sont beaucoup mieux acceptées que d'autres. Ce sont les adolescents à peau noire qui vivent le plus de difficultés. Ils doivent vivre avec le fait d'être adoptés et de provenir d'une minorité stéréotypée négativement par la majorité. « C'est un rejet un peu car tu ne connais pas tes origines (page 3). C'est sûr que j'aurais aimé connaître mes vrais parents, mais justement, faut se dire qu'il faut regarder droit devant et que ça donne rien d'y penser » (Ariane, page 4)

Parfois, l'adolescence est le moment où l'on commence à se poser des questions sur ses origines, comme ce fut le cas pour Laurence à treize ans. « Vers treize ans je me suis mise à accepter le fait que bon...Mes parents me disaient, tu en as quand même une petite partie, quand tu te regardes dans le miroir. Maintenant j'accepte plus le fait que je viens de Corée, que j'ai été adoptée. (page 6). Avec la maturité, l'adolescence permet bien souvent de franchir une étape au niveau de son acceptation de son adoption, et donc de ses origines étrangères. L'adolescence est pour cette raison une étape primordiale pour le développement de l'individu adopté. L'acceptation ou non qu'il va développer sur son adoption déterminera en partie

Certains adolescents ont un intéressement pour leur pays d'origine, essaie de se renseigner sur l'actualité, sur la vie quotidienne. « Parfois on écoute les informations du pays, des fois on essaie des recettes des Philippines, je m'informe sur ce qu'il se passe là-bas. (Page 4). J'aimerais bien apprendre la langue des Philippines, rencontrer des Philippins, mais bon tu sais ici au Québec, il n'y en a pas beaucoup. (Page 4). Comme pour les groupes de discussion post-adoption, on peut constater qu'il y a un besoin de rencontrer d'autres jeunes de la même origine, pour apprendre sur le pays. « J'ai pu m'y intéresser aussi car mes parents n'ont jamais été fermés vis-à-vis de cette culture, ils ne m'ont jamais dit, ces gens sont pauvres, ils vivent mal » (Christine, page 4). Le regard des parents sur la culture d'origine de l'adolescent est très important pour le regard qu'il va lui-même porter sur sa culture d'origine, ainsi que sur lui-même.

De plus, les réseaux de sociabilité que développent certains adoptés témoignent de la volonté prioritaire à s'identifier d'abord au pays d'accueil. En 1992, Terre des hommes, un organisme d'adoption international québécois, a fait une enquête sur ce thème. Elle a été réalisée sur 450 foyers adoptifs. Les résultats montrent que 80% des enfants adoptés à l'internationale on des amis, et que 14% recherchent des contacts avec des personnes de leur pays d'origine.

Le développement de l'identité ethnique sera influencé par l'importance de la diversité ethnique dans le milieu d'accueil, et part la tolérance du pays d'accueil envers ces ethnies.

Certains adolescents connaissent une certaine reconnaissance de la part d'individus de la même ethnie qu'eux au Québec. « Souvent, dans la rue, les gens m'abordent et me parlent en arabe, car ils pensent que je suis comme eux. Donc parfois c'est marrant. » (Page 9)

Les contacts avec des gens de la même origine que soi permettent à l'adolescent de lui donner une idée plus précise de ce qu'est sa culture d'origine, comme ce fut le cas pour Marie-Pierre. « J'ai eu un copain musulman. J'ai vraiment vécu dans cette culture-là pendant un bon moment. J'ai fait le ramadan avec eux, j'ai mangé comme eux, j'étais vraiment immergée. (Page 9) Il est intéressant de voir que Marie-Pierre s'est immergée dans la culture de son copain musulman. Etant libanaise, elle a du être attirée consciemment ou non par cette culture qui est en lien indirectement avec elle. Cependant, être en contact avec sa culture d'origine ne signifie pas pour autant être en accord avec, comme ce fut le cas ici. « Il y a des choses dans lesquelles j'approuve et puis d'autres choses un peu moins là. » (Marie-Pierre, page 9). Marie-Pierre confiait ne pas trop être en accord avec l'Islam, durant la période où elle a pratiqué cette religion. Cela montre bien qu'elle a suffisamment été « imprégnée » de la culture québécoise (plutôt catholique), et qu'elle n'a pas eu le besoin de s'identifier à l'Islam pour compléter son identité.

A. Recherche des origines, envie de retrouvailles

La recherche des origines est un sujet assez délicat à traiter, tant il aborde des thèmes sensibles, comme l'abandon, le rejet, la filiation, les ressemblances. Certains adolescents ont besoin de faire des recherches pour retrouver leur famille biologique ; tandis que d'autres n'ont absolument rien envie de savoir sur ce sujet. Les retrouvailles est un phénomène assez important au Québec, il existe même des sites Internet où l'on peut s'inscrire et lancer une recherche, notamment par le biais du site québécois : www.mouvement-retrouvailles.qc.ca. Des adolescents adoptés, des mères ayant confié leur enfant peuvent ainsi débuter une recherche à travers le Québec pour retrouver leurs antécédents.

Cette partie de l'entretien est celle qui a suscité le plus de discussion de la part des adolescents. Les retrouvailles, la mère biologique sont des sujets qui intéressent beaucoup les adolescents. C'est pourquoi les questions de origines et des retrouvailles les ont beaucoup stimulé.

Les recherches d'antécédents et les retrouvailles sont deux choses bien distinctes. La recherche d'antécédents concerne les informations sur les parents, le nom d'origine, le dossier médical. Les retrouvailles concernent justement le fait d'entrer en contact avec ses parents, de chercher à les rencontrer.

Tout d'abord, il convient de dire que retrouver ses origines et sa famille ou sa mère biologique, c'est prouver qu'on ne vient pas du néant, de nulle part. Les personnes qui veulent faire des retrouvailles ont parfois vécu des problèmes dans leur adoption. Ils se sentent incomplets, sentent comme un vide, un manque à combler, à expliquer. A l'âge de quatorze ans, l'enfant adopté a droit à connaître son dossier au Québec. C'est donc parfois à cet âge là que des questions peuvent subvenir sur les origines et la famille biologique. « Quand je vais être là-bas, je vais regarder autour, les femmes qui seront dans la rue. Je me demanderais si ce n'est pas ma mère. (Page 5) Marie va en effet partie en voyage bientôt avec ses parents, au Guatemala, son pays d'origine. Elle va donc pouvoir découvrir son pays, rencontrer des gens qui lui ressemblent mais qu'elle n'a jamais vues. De plus, Marie va observer les femmes du pays pour voir si il n'y en aurait pas une qui pourrait être sa mère. Avant une rencontre avec sa mère biologique, on « fantasme », on imagine comment cela pourrait se passer, ce qu'on pourrait dire. « Si je l'avais en face de moi, je lui dirais merci je crois. Et puis je crois qu'elle serait contente de ce que je suis devenue. Elle serait rassurée que tout aille bien pour moi, que je fais des études (page 5). Marie va partie au Guatemala bientôt avec ses parents adoptifs et son frère lui aussi adopté. « Quand je vais aller là-bas, je vais peut-être essayer de la retrouver parce que j'aimerais ça la rencontrer. Mais d'un autre côté j'ai aussi peur qu'elle veuille que je reste avec elle. Parce qu'il faudrait que je lui explique que ma vie est ici. Mais si je la rencontre, je pense que je ne resterais pas en contact avec elle » (page 5). L'adolescent a bien souvent conscience des conséquences que peuvent avoir des retrouvailles avec la mère biologique. Il est en effet possible que la mère demande à l'adolescent de rester avec elle. Car une mère qui abandonne choisit ce qui lui semble être le meilleur avenir pour son enfant. C'est pourquoi retrouver un enfant que l'on a mis en adoption peut être un véritable choc pour la mère, qui désire que son enfant reste avec elle.

Souvent, les adolescents « excusent » leur mère biologique par différentes raisons, « elle était trop jeune », « elle n'avait pas d'argent, pas de famille qui la soutenait ». Le père biologique lui bénéficie de moins de compréhension de la part de l'adolescent adopté, comme le témoigne Marie : « Mon père biologique lui c'est différent, parce qu'il a abandonné ma mère biologique, puis moi aussi. Donc si je le voyais, je serai un peu fâchée» (Page 5)

Certains adolescents font les recherches par eux-mêmes, sur leur culture d'origine et leurs racines. « J'ai lu beaucoup sur Haïti, j'ai fais des recherches, puis je suis allée deux fois à Haïti (page 5) J'ai fait ça par moi-même, on ne m'a jamais mise en contact avec la culture haïtienne... J'ai appris à parler créole, j'ai beaucoup écouté la radio. (page 5) Ca a été un choc culturel vraiment (...), tu vois les gens, c'est comme si tu ne pouvais pas être objectif par rapport à ce que tu vois (page 6). Ici, Ariane e eu un choc culturel et personnel en allant à Haïti, son pays d'origine, car ce pays est en ce moment en crise économique. Visiter son pays d'origine peut créer un véritable choc sur l'adolescent, et sur son adoption. « Tu te dis, pourquoi moi, j'aurais pu être dans leur situation aussi (page 6) Aussi, de voir des gens qui te ressemblent, c'est pas habituel. Tu te rends compte que les gens sont comme toi au niveau de la couleur de peau, mais tu es tellement différent d'eux (page 6). Les adolescents adoptés ont en effet un physique différent, mais ont pour la plupart intégré la culture d'accueil, celle du Québec.

C'est pourquoi visiter son pays natal peut être déstabilisant voir dérangeant. Cela peut donner lieu à une remise en cause sur soi de la part de l'adolescence. Il peut en effet se sentir différent au Québec à cause de ses origines et de sa couleur de peau ; et se sentir différent dans son pays d'origine en raison de sa culture. C'est pourquoi il faut être vigilant avec les retrouvailles, surtout à l'adolescence. C'est pourquoi les besoins de l'adolescent doivent être écouté de la part des parents, tout en ayant conscience de la fragilité de leur enfant au niveau de la création de son identité.

De plus, l'adolescence est un moment où normalement le jeune doit apprendre à se détacher de ses parents. En faisant des retrouvailles à ce moment, c'est le contraire qui se produit. L'adolescent aura à décider comment cette nouvelle relation s'intégrera dans sa vie. Les rencontres apportent leurs lots de réponses mais elles amènent aussi beaucoup de questionnements et risquent de nuire à la recherche d'identité de l'adolescent. Savoir que l'on a deux paires de parents est quelque chose, vivre avec, en est une autre. C'est une situation très complexe à vivre. Qui appelle-on maman ? Comment appeler la mère de naissance si ce n'est pas maman ? Quel genre de fréquentation entretenir ?

Cependant, tout ceci dépend des situations familiales de chaque adolescent, et de son aptitude à gérer cette situation. « Le fait que je connaisse mes deux mères, je pense que ça m'aide à me sentir bien. Peut-être que si le les connaissais pas, alors là, j'aurais des problèmes » (Stéphane, page 5). Stéphana pense ici que connaître sa mère biologique l'aide car il sait d'où il vient, il connaît son histoire. Cependant, chaque histoire peut être différente selon la personnalité de l'adolescent.

Au Québec, l'accès au dossier est permis dès l'âge de quatorze ans ; il n'y a pas toujours les renseignements nécessaires pour faire des retrouvailles. « Avec mes papiers, c'est vraiment incomplet, tu ne peux pas faire grand-chose » (page 5). « J'ai un peu laissé tomber mes recherches à cause de mon dossier » (page 7). Ariane a donc « laisser tomber » ses recherches à cause d'un dossier incomplet. Un certain découragement peut donc envahir l'adolescent lorsqu'il sent qu'il ne trouvera aucune information à cause du vide dans son dossier. Dans ce cas, le découragement prend le dessus et l'adolescent abandonne ses recherches en se faisant une raison. « Comme si il y avait des choses un peu plus essentielles, puis aussi quand tu vois la situation à Haïti, tu te dis, qu'est-ce que ça m'apporterais ? » (Page 8). On voit bien ici un certain désabusement face au pays d'origine, qui semble de rien pouvoir apporter de bon. Il y a une sorte de dilemme face aux retrouvailles chez l'adolescent. « D'un côté ça peut être extraordinaire, mais d'un autre côté ça peut t'emmener dans un engrenage aussi (...) on va te demander de l'argent et tout là... ». (Ariane, page 8). Ariane souligne ici un point intéressant. Elle a peur qu'en faisant des retrouvailles, on lui demande de l'argent. C'est un avis curieux mettant en avant la pauvreté de la famille d'origine qui demanderait de l'argent, une fois mise en contact avec le fils ou la fille abandonné. On peut se demander si cette réflexion émane de l'adolescent lui-même ou bien des parents adoptifs qui ont une mauvaise image du pays d'origine de l'enfant. Car il convient de signaler que les parents d'Ariane lui ont toujours dit qu'ils l'avaient sauvé de la misère, que ses parents étaient des paresseux ou autres choses comme cela.

D'autres adolescents n'ont pas besoin de faire des retrouvailles. Ils vivent bien leur adoption, et n'ont pas envie de se confronter à cet aspect de leur vie qui leur échappe, à la pauvreté de leur pays. Certains aussi n'ont pas envie de « blesser » leurs parents adoptifs en recherchant des parents qu'ils ont déjà. Cependant aujourd'hui au Québec, il y a une volonté de donner aux adolescents toute l'information possible, notamment avec l'adhésion aux principes de la Convention de la Haye. De plus, le fait de faire des retrouvailles va-t-il résoudre obligatoirement les problèmes liés à l'adolescence ? « J'ai jamais eu comme un intéressement profond à aller chercher comme qui étaient mes vrais parents, si on peut les appeler comme ça. C'est surtout passé sur le côté identité en fait. C'est la ressemblance qui me gênait le plus en fait ». (Laurence, page 8). Il est difficile pour eux de se faire une idée de leur physique, alors qu'ils ne ressemblent à personne. C'est un étranger qui se retrouve dans leur miroir. Ils n'ont pas de modèles susceptibles de leur montrer à quoi ils ressembleront une fois la croissance complétée.

Leur impression aura de l'impact sur leur estime de soi. Les adolescents adoptés se questionnent beaucoup sur leur apparence physique. Ils en viennent à se demander comment ce corps se transformera. Toutes ces questions sont particulièrement troublantes pour les jeunes ne partageant pas la même origine que celle de leurs parents adoptifs. « J'aimerais un jour aller en Jamaïque pour connaître mon pays, voir le soleil tout ça. J'irai avec mes amis, on en a déjà parlé. J'essayerai peut-être de retrouver ma mère biologique oui, si c'est possible. Pour voir un peu à qui je ressemble en fait. » (Samuel, page 2)

La mère biologique est très souvent idéalisée par le phénomène du roman familial. C'est à la perfection de cette mère que l'enfant va comparer sa mère adoptive. Le danger quand l'enfant idéalise trop sa mère d'origine, est de risquer de ne pas s'attacher complètement ou aussi facilement à sa mère actuelle. Il n'a pas la capacité de voir en demi-teinte. Tout est bon ou mauvais. La mère adoptive peut donc se voir offrir le rôle de fausse et mauvaise mère. L'enfant se protège en idéalisant sa mère de naissance.

L'adolescent peut également en déduire que si cette femme est bonne et qu'elle ne l'a pas gardé, c'est peut-être parce que lui, est un problème, un mauvais bébé ? Il agira en fonction de l'image qu'il a de lui pour se donner raison. À un certain point, à l'adolescence, le jeune a besoin, pour se structurer, du droit de « haïr » ses géniteurs. Si, au lieu de penser que lui n'a pas de valeur, il fait porter le blâme à cette mère d'origine qui l'a abandonné, il risque beaucoup moins d'en ressortir écorché. Il faut donc accepter cette haine passagère envers la mère d'origine.

B. Retrouver ses parents biologiques, une aventure pour l'adolescent adopté.

Plusieurs des adolescents avec qui nous avons fait les entretiens ont fait des retrouvailles avec leur mère, ou leur famille biologique toute entière. « En 1998, j'ai retrouvé toute la famille biologique, j'ai rencontré ma mère, mon père, mes frères, mes deux soeurs, leurs conjoints, mes neveux, mes nièces, mon parrain, oncles, tantes, cousins, cousines. J'ai rencontré toute la tribu au complet ! » (Christine, page 8). On peut alors imaginer le choc émotionnel lors de cette rencontre ; où l'on voit enfin des personnes qui nous ressemblent. Christine poursuit en nous racontant la rencontre avec sa famille biologique. « Quand je suis sortie de l'aéroport, j'ai même pas eu le temps de lever la tête puis une femme a sauté sur moi ! Puis j'ai vu une tonne de personnes autour de moi, je ne savais pas qui était qui ! (Page 8). On imagine l'émotion qui doit bouleverser l'adolescent et la famille biologique elle-même lors de cette rencontre que chacun a imaginé depuis si longtemps (le roman familial). « Au final je suis restée deux mois et demi là-bas, j'ai vécu dans la maison avec eux (page 8). J'ai vécu dans le bidonville avec ma famille biologique. J'ai vraiment connu la vie quotidienne, c'est quelque chose quand même de vivre dans un bidonville ! J'ai adoré mon voyage, j'ai adoré mon expérience, j'ai même hâte d'y retourner » (page 9). Ce voyage a pour cette adolescente, comblé un manque qu'elle avait sur ses origines, sur ces racines. Elle a pu voir qu'où elle venait, à quoi ressemblaient ses parents, sa famille, dans quelles circonstances ils avaient dû le confier à l'adoption. Toutes ces questions si chères ont adolescents adoptés peuvent donc trouver une réponse lors des retrouvailles avec sa famille biologique.

Les parents adoptifs et les retrouvailles de leur adolescent

Le fait de retrouver ses parents biologiques peut faire prendre conscience à l'adolescent qui sont ses vrais parents (même s'il le savait déjà). « J'ai su aux Philippines qui était ma vraie mère, même que je avais appelé ma mère adoptive pour lui dire que je savais qui était ma vraie mère, que c'était elle, ma mère adoptive. » (Christine, page 9). Car il faut aussi avoir conscience que les retrouvailles sont dures pour tout le monde, adolescents, parents biologiques et parents adoptifs surtout.

La possibilité que l'adolescent adopté veuille chercher ses parents biologiques soulève toutes sortes de préoccupations chez les parents adoptifs. Cela peut susciter des réactions émotives et de l'appréhension. Globalement, on pourrait dire que c'est une grande peur de l'inconnu : qu'est-ce qui va se passer ? En tout cas, cela est mieux vécu par toute la famille si on y a réfléchi et discuté ensemble. Car retrouver ses parents biologiques n'est pas anodin. Les parents adoptifs qui ont élevé et aimé leur enfant comme le leur peuvent avoir du mal à accepter des retrouvailles. Cependant, on doit quand même s'y attendre lorsqu'on rentre dans un projet d'adoption. L'adolescent est dans son droit quand il réclame de rencontrer ses parents biologiques. On a tous le droit de savoir d'où l'on vient, surtout à l'adolescence.

Les parents adoptifs ont eux aussi des questionnement par rapport à l'adoption et à la recherche des origines. Ils peuvent ressentir différentes émotions face à l'envie de retrouvailles de leur adolescent adopté.

· La remise en question. Pour quelles raisons a-t-on adopté ? Qu'elles étaient nos motivations ? Est-ce qu'on a eu tord d'éloigner l'enfant de son pays natal ? Est-ce qu'il aurait été mieux de rester là-bas ?

· Le sentiment d'abandon. Après toutes ces années consacrées à lui, est-ce qu'on va devoir partager notre enfant avec les parents naturels ? Est-ce qu'on va perdre son amour ? Est-ce qu'il voudra retourner dans son pays ? Est-ce qu'il voudra retourner dans sa communauté et nous ignorer ?

· L'ambivalence. «Ce n'est pas mon problème s'il veut chercher des mondes hypothétiques, il se débrouillera tout seul. Mais, au fond, je l'aime alors je devrais l'aider dans ses recherches.»

· L'instinct de protection. Peut-être est-il mieux qu'il ne sache pas ? Peut-être qu'il n'aimera pas ce qu'il va trouver ? Qu'il pensera qu'il a eu trop de chance et qu'il se sentira coupable que sa famille d'origine soit si défavorisée ?

· La peur des conséquences. Est-ce qu'il faudra entretenir des relations avec les parents de naissance ? Qu'est-ce qu'ils demanderont ? Est-ce qu'ils viendront ici ou devra-t-on aller les rencontrer ?

Marie va elle aussi entamer un voyage dans son pays d'origine, le Guatemala, avec ses parents adoptifs ainsi que son frère. « Ma mère était une Maya, et mon père peut être un Blanc. Enfin je pense qu'il devait être espagnol, car j'ai des traits assez espagnols là. (Page 3) Quand on n'a pas de renseignements assez précis sur ses origines, on fait des suppositions, on imagine ses parents, leur couleur, leurs traits de visage. L'adolescent essaie de combler son manque d'information par des suppositions qu'il peut vérifier si il entame une démarche de retrouvailles. « On y va aux vacances de noël tous les quatre. On va aller au Guatemala et en Colombie, pour voir un peu nos pays à moi et mon frère. Je m'attends vraiment à pleins de choses extraordinaires, vraiment différentes d'ici. Tout va être différent, les paysages, les couleurs, les vêtements (page 4). L'excitation de Marie à partir dans son pays d'origine était palpable. Elle s'attend à beaucoup de choses et d'explications sur ses origines ; tout en étant consciente de ce à quoi il faut s'attendre. « Ma mère m'a dit que c'est quand même un pays pauvre. Donc c'est sûr que ça me touche parce que j'aurais pu rester là. J'aurais pu être à leur place tu sais ». (Page 5)

On retrouve ici cette notion de chance à avoir été adoptée dans un pays riche, où une vie meilleure attendait l'adolescent. Il est bon que l'adolescent parte dans son pays avec une certain recul, si possible. Il doit prendre conscience que ce pays est son pays d'origine, mais qu'il est aussi québécois.

Le fait d'aller dans son pays d'origine peut être assez déstabilisant car c'est une partie de soi que l'on ne connaît pas. Comme le confiait Ariane, c'est comme si l'adolescent avait « dormi » pendant tout ce temps-là. Car son pays a évolué sans lui, sans qu'il puisse participer à la vie de son pays d'origine.

Emma a elle aussi fait des retrouvailles en Polynésie, à l'âge de quinze ans « Il y a un an, je suis retournée vivre là-bas un an, parce que ça me manquait trop. J'avais plein de questions dans ma tête, et j'avais besoin d'avoir des réponses à tout ça. (Page 2) Avoir besoin de réponses primordiales sur soi permet d'évoluer, de savoir qui l'on est, pour savoir où aller. « Je n'étais pas bien avec ma famille, je souffrais beaucoup, donc j'ai eu besoin de partir, pour me découvrir, savoir qui j'étais. (Page 2). Emma explique ici très bien pourquoi elle a voulu partir du Québec, pour retrouver son pays d'origine. Elle y est restée une année scolaire, et a vécu avec sa famille biologique. Elle a ainsi pu voir comment ils vivaient, poser les questions qui la perturbaient.

Savoir qui l'on est, une des questions centrales à l'adolescence, en particulier quand on est adopté. L'adolescent adopté a un problème plus complexe à surmonter pour définir son identité. Il n'a pas de parents qui lui ressemblent et la société ne lui offre pas de point de repère. De plus, il vit avec le dilemme d'être perçu comme québécois dans sa famille et comme un étranger dans la société.

« Donc j'ai vécu là-bas, avec la culture du pays, les coutumes etc., ça m'a fait du bien de retrouver tout ça. J'ai vécu avec ma famille biologique, avec mes frères et soeurs de là-bas. Je me suis bien adaptée à cette vie-là. » (Emma, page 2). « En fait, j'ai même hésité à repartir de là-bas tellement j'étais bien, donc j'ai vraiment hésité. Parce que c'était bien pour moi. J'étais vraiment dans mon élément en fait. Tout le monde me ressemblait, je n'étais plus différente. (Page 2). Le fait d'être retournée dans son pays d'accueil a fait naître en Emma le sentiment de ne plus être différente des autres, de ressembler à tout le monde, d'être de la même couleur. « En fait je suis revenue parce que quand même ils m'avaient adoptée, donc voilà, je ne pouvais pas leur faire ça. » (Page 2). Ce témoignage est assez fort. Cette adolescente est rentrée chez elle pour faire plaisir en quelque sorte à ses parents adoptifs, qui auraient mal pris le fait qu'elle reste dans son pays d'origine. On prend ici conscience que certains adolescents ont le sentiment d'être redevable envers leurs parents adoptifs, et freinent leur envie de connaître, voir de rester avec leur famille biologique (même si cela concerne une minorité des cas).

Dans ce cas, l'intégration familiale de cette adolescente est assez superficielle, car elle semble donner le sentiment d'être heureuse, alors qu'il y a un énorme manque en elle. Elle dissimule donc ce manque pour ne pas décevoir ses parents adoptifs. « Mon coeur est là-bas, malgré que je sois bien ici, ça change rien. Je suis peut-être disons 80% polynésienne et 20% québécoise, quelque chose comme ça. » (Emma, page 2). Emma a une identité biculturelle, avec une dominante polynésienne assez forte. Cela est peut être aussi dû au fait qu'elle ait été adoptée à l'âge de cinq ans ; ce fut une adoption assez tardive. Emma a sûrement été très choquée par ce changement. Cinq ans est un âge où l'enfant se rend très bien compte de se qui se passe. L'enfant a ressenti que sa mère l'a « laissé » se faire adopter. On peut dire donc qu'une adoption tardive entraîne plus de difficultés qu'une adoption à l'âge de zéro à un an par exemple. Plus l'enfant va être vieux lors de son adoption, plus il aura conscience de ce qui se passe. L'adolescence d'un enfant adopté tardivement donc avoir plus de difficultés qu'une adoption à bas âge.

C'est pourquoi les adolescents adoptés tardivement auront peut être plus tendance que les autres à vouloir faire des retrouvailles, compte tenu des souvenirs qu'ils ont de leur enfance.

Parfois, le fait de devenir parent à son tour peut donner l'envie de chercher ses racines, son origine. « Peut-être qu'avant d'avoir des enfants, je chercherai à rencontrer ma mère biologique. Je pense que ça m'aiderait aussi à régler certains problèmes que j'ai avec mes relations avec les autres. Je ne suis pas encore prête aujourd'hui en fait. » (Page 12) Retrouver sa mère biologique demande une certaine préparation et disponibilité psychologique. C'est-à-dire que l'adolescent doit être prêt à la rencontrer et à ses conséquences. A partir du moment où aura lieu cette rencontre, certaines choses peuvent être remises en question, son origine, sa famille adoptive, son identité. Il est donc primordial d'être prêt à cette rencontre et d'y avoir mûrement réfléchi.

Certains adolescents repoussent avec sagesse l'envie de retrouver leur mère biologique, de peur d'être déçue d'elle. « Depuis que je sais que je suis adoptée, je me suis crée une image de ma mère dans ma tête. Donc si je la voie un jour, je risque d'être déçue de la réalité » (Marie-Pierre, page 12). Comme nous parlions précédemment du roman familial crée par l'enfant et l'adolescent, il peut y avoir une résignation à faire des démarches de retrouvailles. De plus, comme le témoigne Stéphane, « Si on est heureux, pourquoi aller chercher dans le passé ? Parce que si tes parents biologiques ne te cherchent pas, pourquoi tu irais vers eux ? C'est ça la bonne question à se poser » (Page 8). Cet adolescent de dix sept ans nous émet ici l'idée qu'il n'y a pas de raisons que l'adolescent recherche ses parents biologiques, puisque eux ne le cherchent pas. Cela peut montrer l'amerthume que certains adolescents ont par rapport à leurs parents biologiques et leur abandon plus précisément.

Aussi, le rôle de la famille est très important pour nous le disions. « Je pense qu'il y a un lien entre le fait de rechercher ses parents bios et la façon dont on a été élevé, dont on a grandi. Tu vois, nous, toute la gagne, les quinze enfants, on ne recherche pas à retrouver nos parents biologiques (...), on s'en fout ». (Rachelle, page 4). Rachelle fait ici un lien entre le fait d'être bien dans sa famille et de vouloir rechercher ses origines. C'est une hypothèse intéressante. Cependant, il y a aussi des adolescents qui ont confié lors de ces entretiens, être heureux dans leur famille, mais vouloir tout de même faire des recherches sur leurs origines. C'est légitime.

C. La difficulté de la recherche d'antécédents en adoption internationale


     La recherche des antécédents en adoption internationale pose des problèmes particuliers qui ne sont pas rencontrés en adoption interne. D'abord, les recherches doivent se faire dans deux pays : le pays d'adoption et le pays d'origine. Ensuite, il faut composer avec les lois de ces pays ainsi qu'avec les différences de langues et de cultures. Pour que cette recherche d'antécédents ait plus de chances de succès, il est primordial que les parents adoptifs y contribuent dès l'adoption en conservant précieusement toutes les informations qu'ils auront pu recueillir sur la famille d'origine de l'enfant adopté. En effet, les documents obtenus durant le processus d'adoption constituent la base de la recherche d'antécédents : certificat de naissance, rapports sur la situation familiale, document concernant le consentement à l'adoption, examen médical, etc. Tous ces documents peuvent fournir des pistes de recherche.

Par ailleurs, le Secrétariat à l'adoption internationale du Québec (SAI) voit à la conservation des dossiers d'adoption internationale en collaboration avec les organismes agréés. Les dossiers d'adoption du SAI sont microfilmés et conservés à Québec. De plus, depuis le printemps 1997, les organismes agréés envoient graduellement au SAI les dossiers complétés depuis un certain temps; ils sont alors fusionnés avec ceux du SAI et envoyés pour conservation.

Tableau représentant les possibilités de retrouvailles selon le pays d'origine 56(*)

Aperçu des possibilités de retrouvailles
dans divers pays

Chine

Pas de retrouvailles possibles, la majorité des enfants sont abandonnés sans aucune information sur les parents biologiques.

Colombie

Depuis 1993, la loi ne permet pas les retrouvailles. Mais les adoptants ont parfois le nom de famille de l'enfant.

Corée du sud

Possibilités de retrouvailles. Infrastructures mises en place par le bien-être social coréen.

Haïti

Possibilités de retrouvailles. Très bien accepté et souhaité; des retrouvailles ont été réalisées.

Inde

Peu de possibilité de retrouvailles.

Philippines

Possibilités de retrouvailles. Il y a une étude sociale de l'enfant. Les adoptants ont parfois le nom des parents de naissance mais ceux-ci ignorent dans quel pays l'enfant a été adopté.

Roumanie

Possibilités de retrouvailles. Les parents adoptifs connaissent l'identité des parents de naissance et l'histoire sociale de l'enfant.

Taiwan

Possibilités de retrouvailles. Infrastructures en place.

Thaïlande

Peu de possibilité de retrouvailles. Majorité des enfants abandonnés sans trace des parents.

L

La Convention de la Haye prévoit que les autorités centrales des pays signataires mettent en place des mécanismes pour rendre possible les retrouvailles. Pour l'instant, lorsqu'il y a une demande, les dossiers sont traités par les Centres Jeunesse régionaux qui s'occupent des retrouvailles dans le cas des adoptions réalisées au Québec. On connaîtra la procédure retenue en ce domaine lorsque la loi québécoise sera adaptée à la Convention de la Haye.

Dans le futur, il sera donc possible de s'adresser au SAI, ou à un autre organisme le cas échéant, pour entreprendre des recherches d'antécédents. Selon les cas d'adoption, il est possible que les dossiers contiennent certains documents que les parents adoptifs n'ont pas eus en main (par exemple, des documents officiels échangés avec les autorités étrangères) et, vice versa, les parents peuvent avoir eu des informations additionnelles en se rendant dans le pays. En ce qui concerne la recherche d'antécédents dans les pays d'origine, la situation dépend du pays et bien sûr des conditions dans lesquelles l'enfant a été adopté. D'abord, dans certains pays, la loi ne permet pas les retrouvailles. De plus, beaucoup d'enfants sont abandonnés sans information sur l'identité des parents de naissance. Souvent, la date de naissance et donc l'âge de l'enfant sont fictifs ou approximatifs. De plus, le lieu de la naissance peut aussi être erroné ou inconnu. Par contre, il est aussi possible que certains intervenants dans le processus, par exemple, les avocats étrangers et bien sûr les autorités gouvernementales, disposent de certains renseignements.

En adoption internationale, la démarche comporte plusieurs difficultés. D'abord, il y aura la barrière de la langue du pays d'origine. Plus profondément, la recherche des antécédents souligne inévitablement la différence de l'adopté : il ne possède pas la culture du pays d'origine et les retrouvailles ne réduiront pas cette différence. « C'est la culture québécoise qui est empreinte en moi, donc le physique ne veut plus dire grand-chose. C'est comme si j'avais dormi pendant vingt ans » (Ariane, Page 6).

Par ailleurs, la recherche d'antécédents peut avoir plusieurs conséquences pour l'enfant adopté :

- la possibilité de vérifier des ressemblances physiques

- la connaissance de la vérité sur son histoire personnelle; pourquoi les parents biologiques l'ont confié en adoption 

- la réduction du sentiment de vide laissé par l'abandon, la guérison au moins partielle de cette blessure intérieur

- l'apaisement de la colère de l'adolescent

- la création de nouveaux liens avec des gens qui vous ressemblent

Pour résumer un peu cette partie, nous pouvons dire que la recherche d'antécédents participe au bien-être et à l'intégration de l'adolescent. Les trois quarts des adolescents interviewés ici ont fait des recherches ou prévoyaient d'en faire prochainement. Comme Karine, Christine et Emma qui ont rencontrés leurs mères ou familles adoptives, les adolescents ont besoin à un moment ou à un autre de savoir leur histoire. Savoir pourquoi l'on a été abandonné, dans quelles circonstances, à quel moment de la vie de leur mère, etc.... Toutes ces questions s'amplifient à l'adolescence et ont besoin de réponses. Cependant, les parents doivent être vigilants par rapport à cette demande de recherches des origines, surtout à l'adolescence. C'est une période fragile où rencontrer ses parents biologiques peut être assez perturbant. Faire des démarches de retrouvailles doit donc répondre à une motivation saine de la part de l'adolescent, qui doit être bien préparer à ce qu'il va vivre, à ce qu'il va entendre.

L'adolescent peut donc s'il en a besoin entamer des recherches sur ses origines, à condition d'être bien épaulé par ses parents, d'avoir une réelle motivation saine, et d'être préparé à la rencontre.

V. Identité et culture, liées toute durant la vie de l'adolescent

Chez l'enfant, le questionnement identitaire se réactive à chaque étape de son évolution, au fur et à mesure de son développement. A l'adolescence, les questionnements identitaires se font de plus en plus fréquents. Tout adolescent, adopté ou non, doit répondre à la question « qui suis je ?». Comme nous l'avons vu précédemment dans la partie « questionnement des adolescents », de nombreuses interrogations viennent à l'adolescence. Ce qui peut bien souvent perturber la vie familiale comme nous le confiait Rachelle « J'ai passé une adolescence assez rock'nd roll'. » (Page 4). L'adolescent doit alors affermir ses choix, déterminer le style qui lui convient. Quand ces choix sont affermis, il se différencie suffisamment de ses parents pour ne plus avoir besoin de s'opposer à eux pour exister. La complexité avec l'adoption tient du fait qu'il y a de multiples identités à trouver. « Si tu n'as pas accepté ton adoption depuis l'âge de cinq ans, l'adolescence sera encore pire, parce que là tu vas encore chercher ton identité sexuelle, culturelle, tu as pleins d'identité à trouver. Avec l'adoption, tu as une identité de plus à trouver, donc parfois ça peut être difficile. » (Laurence, page 9). Laurence nous exprime bien ici la difficulté que l'adoption, jumelée à l'adolescence, peut poser.

L'adoption, et donc les origines, peuvent en effet être sujettes à interrogation, voire à angoisse chez certains adolescents.

L'adolescent doit réussir à façonner sa propre identité, et se démarque petit à petit de ses parents. L'adoption crée deux sortes d'identité en fait. Il y a l'adoption dite raciale (couleur de peau, cheveux, corpulence, métabolisme), et l'identité culturelle ou ethnique (les acquis éducatifs, la langue, le comportement, la religion, le groupe social). « C'est sûr que je me sens plus proche de la culture québécoise, parce que c'est là que j'ai grandi. J'ai une partie du Québec et de Haïti en moi. (Page 7) ; Mais en même temps c'est vrai que j'ai essayé de me rapprocher de la culture haïtienne, mais je ne serais jamais haïtienne parce que je n'ai jamais vécu là-bas ». (Ariane, page 7)

On a pu constater différentes stratégies identitaires chez les adolescents adoptés. Il a tout d'abord la stratégie d'assimilation de la culture du pays d'accueil, qui s'accompagne de peu d'intérêt pour le pays d'origine. A l'opposé, il y a le refus de la culture d'accueil, avec la fierté de la couleur de peau, la recherche des origines.

Ces identités font que les adoptés gèrent différemment leur statut d'adopté. L'intégration dépend aussi du pays d'origine et donc de la couleur de peau. On peut constater que les personnes d'origines asiatiques (Corée du Sud, Chine, Cambodge) ont moins de difficultés à s'intégrer au sein de la société que les personnes de peau noire. Car ils ont des préjugés plutôt « positifs » (travailleurs, discrets). Alors que les personnes noires peuvent vivre un racisme assez fort parfois. Comme nous l'explique Ariane, « Je me sens intégrée mais en même temps il faut se battre pour ça, des fois il arrive des petits incidents, et bon il ne faut pas laisser ça passer. (...) Tu sais c'est bizarre, comme si pour eux dans leur tête, Noir ne pouvait pas rimer avec un bon emploi. Faut toujours se justifier. (...) Inconsciemment là c'est un préjugé, ils ne me voient pas à une bonne place dans la société, tu ressens un peu de racisme quoi. Moi ma théorie, c'est qu'une personne noire, quand elle arrive dans un nouvel endroit, elle part pas à 100% mais à 80%, donc il faut remonter la pente. C'est une sorte de handicap oui ». (Ariane, page 8). De plus, l'intégration est plus facile selon le milieu fréquenté. Si la famille vit dans un quartier, dans un milieu multiethnique, l'intégration sera plus facile car il y a aussi d'autres étrangers.

L'adolescent doit également arriver à composer avec sa double identité. L'adopté a deux paires de parents, les parents actuels et d'origine. Il cherche à intégrer ses deux composantes dans sa vie. À qui s'associe-t-il ? Comment réussir à se distancier de parents inconnus ? Il est difficile de se séparer de parents que l'on ne connaît pas ou de se sentir appartenir à une lignée généalogique qui nous est inconnue. « J'ai connu beaucoup de cultures différentes et j'aime ça. Parce que moi, je ne peux pas dire, je suis québécoise à 100% en fait. Car le fait d'avoir connu d'autres cultures fait que je suis un peu tout à la fois (page 10)

Je pense que ça me donne plus d'ouverture d'esprit, par rapport au autres, comme je vois, mes cousins, ils ne sortent qu'avec des québécois, c'est un peu fermé. » (Marie-Pierre, page 11)

Il est également difficile de se sentir appartenir à une lignée familiale avec laquelle nous n'avons pas de liens de sang. Qui suis-je face à cette grande famille adoptive, quelle est ma place ? L'adolescent se sent tiraillé entre ses origines et sa vie actuelle. « C'est sûr que je me sens plus proche de la culture québécoise, parce que c'est là que j'ai grandi. J'ai une partie du Québec et de Haïti en moi. (Page 7) Mais en même temps c'est vrai que j'ai essayé de me rapprocher de la culture haïtienne, mais je ne serais jamais haïtienne parce que je n'ai jamais vécu là-bas. » (Ariane, Page 7). Il doit se forger une identité à travers tout cela. Il lui faut également à reconnaître son passé. Pendant son enfance, l'adolescent a relégué aux oubliettes ce qui se rattachait à son origine. À l'adolescence, avec sa quête identitaire, il doit rouvrir son passé pour bien comprendre qui il est. Son passé fait parti de lui, il doit l'intégrer dans son identité. Tout ce que l'adolescent a pu vivre durant sa petite enfance, est réactivé à l'adolescence. Si l'adolescent a une enfance difficile, il y a de fortes chances que la période d'adolescence soit complexe.

Concernant l'identité des adolescents adoptés, on peut les classer en trois groupes, selon les réponses qu'ils ont donné aux entretiens. La grande majorité endosse l'identité de leur pays d'adoption, il y a alors assimilation de la culture. Un autre groupe des adolescents opte plutôt pour le biculturel. Ils ont la culture québécoise et leur culture d'origine, le tout formant une identité biculturelle.

Nous allons donc voir comment les adolescents s'identifient à leur société d'adoption. Ils ont été classés selon trois types d'identité, des stratégies identitaires : assimilatrice, biculturelle et internationale.

A. Identité assimilatrice

Il s'agit de la stratégie la plus courante. L'ado adopté s'identifie à la société d'adoption. La couleur est presque ignorée mais il l'accepte bien. Il ne la considère pas importante dans la définition de soi. Il lui arrive d'oublier qu'il est de couleur. Le jeune développe une faible identité d'origine ethnique. Les jeunes se sentent québécois ou canadiens en raison de leur ressemblance avec leur milieu. Ils mangent, pensent, parlent et s'habillent québécois ou canadien. Ils sont bien intégrés. « Je me sens québécoise quand même parce que j'ai été élevée dans une culture québécoise, avec des parents québécois ; mais c'est les autres qui font que tu te sens différent, qui te regardent d'un drôle d'air, c'est eux qui donnent des problèmes » (Christine, page) . Certains ont de la difficulté avec leur couleur car ils sentent la pression de la société à vouloir les définir autrement. Ils persistent quand même à vouloir appartenir à ce groupe. Ces jeunes ne sont pas à l'aise avec les gens de leur communauté d'origine car ils ne se sentent pas reliés à ce groupe.

C'est là que presque la totalité des adolescents adoptés d'Asie se situe. À part leurs yeux bridés, la société les voient blancs et eux, par le même fait, se voient ainsi. La couleur de peau, passe inaperçue. Leur communauté d'origine est plutôt bien vue. Leurs résultats scolaires sont souvent attribués à leur origine. « Des fois, c'est toujours les espèces de préjugés qui ressortent... Tu es asiatique, tu dois être bonne à l'école. Ce n'est pas parce que tu es asiatique, que tu as toujours des 100% ! (Le vingt sur vingt en France) (Rires) (Laurence, page 8).

L'image de grâce entourant les petites filles les aide à bien s'intégrer et à se faire accepter. La majorité parmi eux, vit des moqueries mais rien de bien méchant. Puisqu'ils sont mieux acceptés de la majorité, les Asiatiques ont moins tendance à penser à leur identité ethnique. Il est facile pour eux d'oublier qu'ils sont d'origine chinoise.

Rachelle est originaire du Bangladesh. « Je me sens plus proche de la culture québécoise, car la culture musulmane ça m'est absolument impossible, je n'ai aucune affinité avec cette culture ». (Page 6). Elle rejette ici sa culture d'origine, à cause de la religion dominante du pays. Cependant, Rachelle n'a jamais été au Bangladesh. On peur supposer éventuellement que si elle allait un jour dans son pays d'origine, elle aurait peut être un avis différent sur cette culture dont elle dit n'avoir aucune affinité. Car bien souvent, on se fait une image d'un pays avec pour seul point de vue celui de médias, qui peut être faussé. Mais il faut pouvoir se faire sa propre opinion.

B. L'identité biculturelle

Certains adolescents adoptés s'identifient à ce groupe. Ils se sentent appartenir à « deux mondes », celui de leur adoption et celui avec lequel ils partagent des ressemblances physiques. Ce choix est utilisé presque entièrement par les noirs. Une insatisfaction des rapports avec le groupe majoritaire et un sentiment de rejet seraient à l'origine de ce choix. Ils rencontrent plus d'obstacles à leur intégration.

« Je me tenais beaucoup avec des asiatiques en fait, sauf que je n'avais pas juste des amis asiatiques. C'était vraiment comme je dirais égal, 50% d'amis québécois, et 50% d'amis asiatiques. (Page 9) Inconsciemment, l'adolescent adopté peut parfois avoir tendance à aller vers des amis de la même origine que lui. Il a donc dans ses fréquentations des amis québécois, et des amis asiatiques ; et cela de manière tout à fait inconsciente, comme le dit Laurence : « Je ne me suis jamais attardée sur ça, mais quand j'y repense, je me dis oui peut-être qu'en fait il y avait une petite attirance vers les asiatiques, je suis entre les deux. » (Laurence, page 9). « Je suis entre les deux », telle est bien la définition de l'identité biculturelle. L'adolescent crée et complète son identité avec les deux cultures : la culture québécoise et la culture d'origine. Les deux aspects de son identité sont primordiaux pour son bien-être et son développement. L'adolescent a besoin des deux, si on lui en enlève une partie, il aura un manque. Le physique crée donc ce besoin d'être en contact avec des personnes de la même origine que soit. On va vers ceux qui nous ressemblent, on a envie d'être comme les autres.

La communauté d'origine haïtienne est celle qui subit le plus de préjudices et de rejet. Certaines personnes associent souvent les gens de race noire à la paresse intellectuelle, la violence et la délinquance. « Je me sens intégrée mais en même temps il faut se battre pour ça, des fois il arrive des petits incidents, et bon il ne faut pas laisser ça passer. (Page 8). Tu sais c'est bizarre, comme si pour eux dans leur tête, Noir ne pouvait pas rimer avec un bon emploi. Faut toujours se justifier. » (Page 8) D'origine haïtienne, Ariane a déjà été victime de racisme, que ce soit dans la rue, à l'école, dans le réseau familial. Elle a été de nombreuses fois victimes de préjugés racistes sur sa couleur de peau. Notamment dans le domaine de l'insertion, dans une classe ou autre, Ariane a souvent ressenti une différence de la part des autres. « Inconsciemment là c'est un préjugé, ils ne me voient pas à une bonne place dans la société, tu ressens un peu de racisme quoi... Moi ma théorie, c'est qu'une personne noire, quand elle arrive dans un nouvel endroit, elle part pas à 100% mais à 80%, donc il faut remonter la pente. (Page 8)Les personnes noires sont en générale plus gênée par les réflexions racistes que les personnes asiatiques par exemple. Il y a plus de préjugés raciaux sur les noirs que sur les asiatiques. On imagine la situation dans laquelle se retrouve Ariane. Il lui faut non seulement gérer son adoption et les questions que cela entraîne, mais aussi les effets de sa couleur de peau sur les autres individus. On imagine bien que gérer le racisme à l'adolescence doit être difficile. Surtout que ses parents sont blancs. Il lui est donc peut être plus difficile de confier ses difficultés à ses parents qui ne connaissent pas le racisme. Ariane vit ça assez mal : « C'est une sorte de handicap oui. Quand il faut faire des groupes de travail, les Blancs se dépêchent de se mettre entre eux et les étrangers se mettent entre eux du coup ». (Ariane, page 8) Les préjugés raciaux entraînent donc un regroupement ethnique de la part des individus, notamment lors des travaux scolaires en groupes.

On peut dire que le fait d'avoir une identité biculturelle est parfois une résultante du fait de la difficulté de s'intégrer dans la société. Les adolescents adoptés se créent une double identité afin de combler le manque qu'ils ont par rapport à leur pays d'origine. Il y aurait donc au final deux facteurs qui engendreraient la construction d'une identité biculturelle chez l'adolescent :

- avoir des origines étrangères n'est pas sans conséquences et l'adolescent a besoin d'avoir cette double identité pour se sentir québécois et sentir aussi qu'il a une partie de son pays d'origine en lui

- vivre des expériences de racisme, de ségrégation entraîne un développement de l'identité de culture d'origine. L'adolescent se raccroche à ce à quoi il ressemble 

Quand on demande à Karine qu'elle est la part dominante dans son identité, elle répondait« Je pense que c'est la culture guatémaltèque, parce que quand je voyage, c'est mon pays et je le sens. Ce n'est pas que je n'aime pas le Québec, mais le Guatemala, c'est mon pays, ce qui fait que j'ai besoin des deux pour être bien en fait. » (Karine, page 5) Karine aussi est biculturelle, et a besoin des deux parts pour être bien. Elle ne peut se résoudre à oublier la partie guatémaltèque qui est en elle, ça serait renier son passé.

C. L'identité internationale

Pour une autre partie des adolescents adoptés, c'est la personne qui compte. Ils fréquentent toutes les races sans préférence. Ils sont membres du monde et ne se sentent pas appartenir à un groupe en particulier. Ils se perçoivent comme des agents de paix venus réduire le racisme. Ils vivent un inconfort face à leur race et travaillent pour faire accepter leurs différences. « Moi je me suis élevée toute seule, avec les valeurs de différentes cultures qui me plaisent, je ne suis pas à 100% québécoise, je suis aussi un peu libanaise, et un peu des autres cultures aussi ». (Marie-Pierre, page 13)

Il est difficile pour l'adolescent adopté d'origine différente à la majorité de la société, de ne pas se questionner sur son identité. La logique veut que le jeune qui vive ici adopte les valeurs d'ici et se perçoive comme membre de la société dans laquelle il vit. Quand l'adolescent vit des difficultés, des choix se présentent à lui, persister à s'assimiler ou choisir de se définir autrement. La majorité des jeunes a une identité ethnique beaucoup moins prononcée que les enfants adoptés par des parents de même ethnie. C'est en effet le cas de Michael, dix huit ans, adopté de Russie à l'âge de cinq ans. Nous avons fait un entretien avec lui pour vérifier s'il avait moins de problèmes d'intégration que les autres, de part l'absence de différence de couleur de peau. Il vit en effet son adoption mieux que les autres, puisqu'il n'a que son identité à trouver par rapport à son adoption, et non pas par rapport à sa couleur de peau. Cependant, il se pose tout de même des questions sur ses origines russes et aimerait un jour en savoir plus, et faire des démarches de retrouvailles.

L'adolescent met en place différentes stratégies identitaires que l'on peut présenter sous formes d'un tableau, afin d'avoir uns vision synthétique57(*).

Stratégies identitaires des adolescents adoptés d'origine étrangère

 

Assimilation à la culture québécoise

Biculturel (conciliation de la culture québécoise et d'origine)

Internationaliste

(dont un fort intérêt pour la culture d'origine)

Identité dominante

Identification à la culture québécoise

Identité dominante québécoise

Se définissent d'abord comme individualités

 
 

Développement d'une identité de couleur

Pas ou peu d'identification à la culture québécoise

Rapport à l'identité de couleur de peau

Evacuation de l'identité de couleur

Fierté par rapport à la couleur de peau

Identification aux groupes d'origines

Relations sociales

Fréquentation forte de québécois ou de blancs

Fréquentation de québécois et de différents groupes ethniques

Fréquentation de groupes ethniques d'origines de l'adopté

Rapport à la communauté d'origine

Indifférence ou rejet de relations avec la communauté d'origine

Connaissances et valorisation de la culture d'origine, appropriation des traditions et de la culture d'origine

Volonté d'ouverture et de mélange des cultures au Québec, relations avec la communauté et famille d'origine

Rapport au pays d'origine

Peu ou pas d'informations sur le pays d'origine

Quelques connaissances et intérêts pour le pays d'origine

Fort intérêt pour le pays d'origine, voir pour la famille biologique et les antécédents

Stratégies privilégiées

Stratégies d'assimilation individuelles

Acculturation, conciliation des deux cultures, promotion des groupes ethniques

Difficultés, voir rejet envers la culture québécoise et/ou la famille adoptive

Intégration sociale (globalement)

Bonne

Moyenne

Faible

Ce tableau n'est bien évidemment pas représentatif de toutes les situations des adolescents adoptés rencontrés. Il représente une synthèse des entretiens. En faisant un bilan des résultats des entretiens, on a pu voir que les adolescents adoptés ont pour beaucoup, développé une identité double, ou biculturelle. Ils se sentent d'une part québécois, et d'une autre part ils ressentent aussi la part de leur culture d'origine, même s'ils ne la connaissent pas.

VI. L'intégration des adolescents dans la société québécoise


Comme nous l'avons vu, l'adolescent peut connaître des problèmes avec les autres individus, de part sa couleur de peau. Nous nous intéresserons donc à l'intégration des adolescents adoptés dans la société québécoise aujourd'hui. Que vivent-ils ? Quelles sont les réactions des autres individus lorsqu'ils racontent leur histoire ? Quels sont les éléments qui les ont aidé à s'intégrer ?

« Je ne sais pas si on peut parler d'intégration car j'ai toujours été là, mais c'est sûr qu'au primaire, ce n'est pas trop évident, on te traite de chocolat des choses comme ça. (Page 9) Il est normal d'être surpris de la question de l'intégration chez les adoptés. En effet, comme le souligne Ariane, elle a toujours été là. Elle a en effet oublié sa toute petite enfance à Haïti, car elle était trop jeune. Donc pour elle, elle a toujours été québécoise. Ce n'est pas toujours l'avis des autres québécois. « On te parle comme si tu venais d'arriver alors que tu as toujours été là » (page 8).

L'adolescent adopté est souvent perçu comme un immigré venant d'arriver au Québec, alors qu'il est là depuis son enfance. Cela peut être perturbant pour un adolescent d'être pris pour quelqu'un que l'on n'est pas. Il convient que les parents adoptifs doivent être très présents pour aider l'adolescent à surmonter ces épreuves. Le dialogue est alors très important et peut aider à résoudre des problèmes d'identité. Comme nous le fait comprend Laurence, « la famille, mes parents, mes soeurs, tu te rends compte que c'est vraiment des gens sur qui tu peux compter. Quelque part je me dis que j'ai eu de la chance que tous mes frères et soeurs soient adoptés car on peut se comprendre mutuellement, car on vit la même chose. Parce que j'imagine que quand tu es le seul adopté de la famille, tu as sûrement des questions qui te viennent, et tu vois que les gens ne vivent pas la même chose que toi ». La solidarité familiale est très importante pour les adolescents adoptés. C'est une cellule de repères pour l'adolescent ; surtout quand ses frères et soeurs ont eux aussi été adoptés. Il peut ainsi se confier à eux au besoin.

Le Québec peut parfois avoir un rôle flou vis-à-vis des étrangers ; notamment au niveau de l'intégration des personnes immigrantes. « Je pense que comparativement au reste du Canada, le Québec a un peu plus de mal à dealer avec les étrangers. Ils sont très possessifs de leurs emplois, de leur culture, de la langue française seulement. On sent beaucoup le fédéralisme. » (Rachelle, page 8). Cependant, il convient de rappeler que le racisme existe partout, au Québec comme en France. Les adolescents ont parfois nettement ressenti une animosité de la part de certains québécois pas très accueillants envers les étrangers. « Une fois, un gars m'a craché dessus en me disant « moi je suis québécois », ça m'a vraiment fait mal. (Page 5) Christine a connu des remarques racistes toute sa vie. « Un autre jour aussi j'étais caissière et là un client passe et dit « en v'la une autre qui vient de nous piquer un job ! » » (Page 5)

Concernant l'intégration dans la société, certains adolescent n'ont pas ressenti avoir besoin de faire des efforts plus que les autres. « J'ai pas eu besoin de faire d'efforts supplémentaires pour m'intégrer, vis-à-vis des autres, j'ai toujours su me défendre (...) ma mère adoptive m'a donné les bons outils pour me défendre face à tout ça. (Christine, page 5) Encore une fois, le rôle des parents adoptifs est souligné puisqu'il permet d'armer l'adolescent face aux réprimandes possibles des autres individus. Il est important que l'adolescent soit bien épaulé face aux réactions des autres individus, dérangés par une couleur de peau autre que blanche. « Une fois aux douanes, on m'a refusée l'accès parce que j'étais de couleur (...), les Américains des fois ils sont un peu comme ça, ils ont assez peur depuis le 11 septembre. (Christine, page 6) L'actualité, le rôle des médias peut aussi engendrer des situations étranges. Ici, l'impact des attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis a eu un véritable impact sur les mentalités concernant les personnes étrangères. Ici, Christine s'est vu refusé l'accès à un départ en avion à cause de sa couleur de peau, alors qu'elle avait des papiers en règle.

La différence de couleur, insignifiante dans la famille peut donc devenir importante aux yeux des autres, et crée une certaine distance sociale. Un certains nombres d'adolescents connaissent des difficultés à s'intégrer dans leur milieu scolaire à cause de leurs origines. C'est en effet lorsqu'ils entrent dans le système scolaire que qu'ils sont susceptibles de connaître des situations de rejet qui peuvent les marquer longtemps. « Quand j'étais petite, il y en a qui ne m'acceptaient pas. Donc ça c'était à l'école primaire, il y en a qui ne m'acceptaient pas. Ils faisaient beaucoup de remarques. Ca ça me faisait du mal (Page 5). L'acceptation de l'enfant adopté par ses camarades peut dépendre des stéréotypes que ces derniers ont reçu dans leur propre famille sur l'adoption, sur les immigrants au Québec etc.

Concernant l'intégration, Marie nous a confié, « Je crois que c'est moi, je me suis intégrée moi-même, ça m'a aidée. J'ai dû faire des efforts pour m'intégrer. C'est vrai qu'on doit en faire plus que les autres pour ça. On doit prouver qu'on est comme eux, même si on est de couleur différente. » (Page 6) La couleur de peau peut donc créer des différences. Il faut prouver qu'on est comme les blancs. C'est un témoignage assez dur à entendre de la part d'une adolescente. Malgré son âge, elle a pu percevoir les différences sociales qu'il existait à cause de la couleur de peau. Dans les cas d'adoptions internationales, l'intégration peut donc être un combat perpétuel, contre les préjugés, des adultes comme des enfants de l'école. On peut se demande de quelle manière l'adolescent parvient-il à faire l'impasse ou à gérer cette situation difficile. Quels sont les éléments, les personnes qui ont aidé à l'intégration ? « C'est surtout quand j'ai eu un copain que je me suis sentie bien avec moi-même, et aussi quand j'ai quitté Québec pour venir à Montréal. J'avais besoin de partir (Ariane, page 5). Ariane a donc commencé à se sentir intégrée quand elle a eu un copain à l'adolescence. En effet, pour de nombreux jeunes, cela signifie que l'on est accepté, que l'on peut être aimé par quelqu'un d'autre que sa famille. Comme nous l'avons aussi dit, la famille et les amis sont des éléments très importants pour l'intégration de l'adolescent, car ils peuvent l'aider dans les moments difficiles.

Parfois, le soucis d'intégration est tel que certains adolescents déclarent : « Si j'avais été adoptée « blanche », je crois que ça aurait été plus facile oui. Ce n'est pas l'adoption en elle-même qui est gênante, mais c'est la couleur de peau qui fait que ça change quelque chose. » (Marie, page 6) Tout est dit ; ce n'est donc pas tant l'adoption qui est gênante aux yeux des autres individus, mais bien la couleur de peau. C'est la différence physique visible qui gêne les gens.

Les opposants aux adoptions internationales sont d'avis qu'elles ne favorisent ni l'intérêt de l'enfant qui est susceptibles d'éprouver des problèmes d'identité au cours de leur développement ; ni la pays d'origine qui se retrouve dépourvu d'une partie de sa jeunesse. Ils pensent aussi que les parents blancs ne peuvent pas réellement aider leurs enfants de couleur face au racisme et à la discrimination. D'ailleurs un mouvement de travailleurs sociaux noirs américains (National Association of Black Social Workers) est parvenu à freiner très fortement les adoptions internationales aux Etats-Unis au cours de ces trente dernières années.

Les adolescents de l'adoption internationale doivent non seulement gérer leur adoption et les questionnements que cela entraîne, mais aussi les réactions primaires des gens face aux personnes de couleur. « Quand j'étais plus petite à l'école, on nous demandait d'où on venait. Moi je trouvait que c'était une forme de racisme. Des fois on me demandait, pourquoi t'es ici ? A force ça a commencé à m'énerver (page 5). Les questions incessantes envers l'adolescent ou l'enfant adopté peuvent devenir pénibles, car il faut toujours se justifier, expliquer. Etre toujours le centre d'attention (positive ou négative) peut être difficile à vivre à l'adolescence.

D'autres adolescents vivent très bien le fait qu'on leur pose des questions sur leurs origines, sur leur adoption. « Ici les gens aiment bien demander d'où je viens, ils sont curieux. En ce moment, c'est la mode de se bronzer, ils me demandent comment j'ai fait pour être aussi bronzée. Ils sont assez gentils oui. (Page 5). Marie connaît une attention positive de part sa couleur de peau, et la mode d'être « bronzé » actuellement. Cela explique qu'elle le vive plutôt bien, puisque l'attention sociale sur elle est positive.

Cependant, elle reste lucide sur le fait d'avoir été adopté et des difficultés que cela comporte. « C'est peut-être un peu plus compliqué quand on a été adopté, et puis ce que ça apporte avec, ce qui fait que tu as des parents biologiques, que tu cherches à qui tu ressembles. Mais je sais qui je suis. Il me reste juste une couple de choses à assembler. (Page 6) Karine désirerait en effet entamer une recherche pour faire des retrouvailles avec sa famille d'accueil, puis éventuellement, sa famille biologique. Cela lui permettre d'obtenir les réponses aux questions qu'elle se pose. « Mais je me sens intégrée partout en fait, je ne me sens pas différente d'avoir été adoptée. Il me reste juste deux ou trois affaires à régler. (Karine, page 6)

Gabriel lui dit ne jamais avoir vécu de racisme. Encore un fois, il est d'origine asiatique, et les personnes asiatiques ont moins de difficultés que les autres à s'intégrer et à se faire accepter. C'est vrai que j'ai remarqué qu'il y a moins de racisme envers les asiatiques qu'envers les noirs en général. » (Gabriel, page 9). Gabriel nous confirme donc avoir le sentiment de la plus grande acceptation des asiatiques par rapport aux personnes noires. Il y a moins de préjugées sociaux négatifs. « Je n'ai jamais vécu de racisme ou de truc comme ça. Comme j'ai l'accent québécois, on voit bien que je suis ici depuis longtemps. (Page 6) En effet, le fort accent québécois permet de se faire une idée de vie au Québec. Cela permet à Gabriel de « prouver » en quelque sorte qu'il est bien d'ici, mais qu'il a été adopté. « J'ai des amis noirs et arabes, ils me racontent ce qu'ils vivent ici à Montréal. C'est vrai qu'il y a pas mal de québécois qui sont racistes. On ne les voit pas nous, mais eux le ressentent, ils voient les regards. » (Page 8). Gabriel a des amis noirs et arabes, ce qui lui permet de savoir comment ils vivent eux-mêmes leur intégration au sein de la société québécoise.

Pour faire un bilan sur cette partie, nous pouvons dire différentes choses. Tout d'abord, presque tous les adolescents ayant fait les entretiens ont connu une fois au moins des réflexions négatives sur leur couleur de peau. C'est une difficulté de plus à l'adolescent, qui s'ajoute à celle de la recherche d'identité de part l'adoption. Il est en effet difficile de se créer une identité saine lorsque l'on est rejeté par les autres à cause de son physique et de son histoire. A l'hypothèse sur le rejet à cause des origines, nous pouvons répondre qu'un tiers des adolescents adoptés ont déjà été rejetés à cause de cela. Les personnes de couleur de peau noire en particulier connaissent plus de difficultés que les autres, à cause de préjugés raciaux négatifs. Ils doivent prouver qu'ils sont aussi intéressants et sociables que les autres. Ils doivent faire plus d'efforts que les autres pour se faire accepter, après avoir répondu à tout une série de questions incessante sur leur histoire. Les personnes asiatiques ont elles beaucoup moins de mal à s'intégrer en vue des préjugés positifs qui perdurent sur leur ethnie. Les individus voient les personnes asiatiques comme des personnes calmes, travailleuses, discrètes, et sont ainsi mieux acceptées. Cependant, ces préjugés peuvent aussi être gênants, notamment au niveau de l'attente de bons résultats scolaires.

VII. Vision de la vue future

· Bilans et projets futurs des adolescents

Nous nous sommes intéressés aux envies et projets des adolescents adoptés, afin de voir quels étaient leurs objectifs futurs.

Bilan de l'adoption

Beaucoup des adolescent m'ont confié s'estimer chanceux d'avoir été adoptés. Ils ont conscience qu'ils n'auraient pas eu la même vie s'ils étaient restés dans leur pays avec leur famille adoptive. « Je pense que j'ai beaucoup plus de chances de réussir ma vie ici, qu'en étant au Guatemala. Je veux continuer à faire ce que je fais, à aider les gens, à travailler dans le social. » (Karine, page 7)

Cependant, être adopter est pour eux synonyme de beaucoup d'interrogations sur ces origines, sur son identité. « Je me dis qu'il faut être positif et se donner les moyens d'atteindre ses objectifs, c'est sûr que des fois tu doute, mais il ne faut pas s'arrêter à ça sinon tu fais une dépression (rires) (page 11). Ariane dévoile ici les moments de doutes qu'elle a pu avoir tout au long de son adolescence. Mais elle réussi à s'en sortir en allant de l'avant, en combattant les préjugés sur sa couleur de peau, sur ses origines haïtiennes. Aussi, aller visiter son pays lui a permis de mettre des images sur ce pays qui est une partie d'elle-même. Elle a pu constater la pauvreté qui existe, et à laquelle elle a échappé.

Quand on l'interroge sur sa vie de famille plus tard, et le fait de vouloir des enfants, elle répond : « J'ai envie d'avoir des enfants, mais en adoption...Enfin je suis un peu critique face à l'adoption, nan c'est bien en soi, mais je me pose des questions, j'ai des réserves. » (Ariane, page 11). Les réserves sont en fait des points d'interrogations face au pays d'origine. Est-ce véritablement aider le pays que de lui retirer ses enfants orphelins, qui sont l'avenir, même pour un pays en crise comme Haïti. Certains adolescents adoptés aimeraient en effet que l'on prenne plus en compte l'avis du pays d'origine, et son avenir. Il faudrait plus d'aides de la part des pays d'accueil, afin d'aider le pays à se sortir de sa pauvreté. Par exemple, Ariane suggérait que les sommes versées par les parents adoptifs aillent directement pour des projets de développement du pays.

Christine elle au contraire est tout à fait d'accord pour adoption plus tard, pourvu que son copain le soit aussi. Cela ne lui pose aucun problème. « C'est sûr que j'aimerais bien avoir des enfants, et pourquoi pas adopter, mais il faut aussi que le chum soit ok pour adopter » (Christine, page 9)

Projets professionnels et bénévolat

On a pu remarquer que les adolescents ont une certaine attirance pour les métiers dans le secteur de la santé ou du travail social. Par exemple, Laurence, « J'aimerais devenir infirmière, je trouve que c'est un beau métier que d'aider les gens, donc là j'apprend la technique du métier » (Laurence, page 3)

Marie elle, se destine à une carrière plutôt sociale, axée sur le travail en post-adoption, qu'elle a déjà eu l'occasion de pratiquer en aidant sa mère dans son travail associatif. « C'est vrai que plus tard, pourquoi pas travailler dans un groupe d'adolescent avec des adoptés, j'aimerais ça. (Page 6). Karine témoigne aussi ce souhait de rester et d'évoluer dans le domaine de l'adoption et de la post-adoption. « Moi j'aimerais vraiment travailler là-dedans, continuer à témoigner. Je pense devenir assistante sociale. Il n'y a pas longtemps, on a été avec ma mère à une conférence au Texas, sur l'importance des liens avec la famille biologique dans une adoption (page 7)

Gabriel lui envisage de partie en mission humanitaire avec sa mère biologique, restée en Belgique. Ils se voient tous les ans. Partir avec sa mère (qui est en fait une religieuse) va lui permettre de développer la relation qu'il a déjà avec elle. « Cet été avec ma mère biologique, on va au Cameroun, on va faire de l'humanitaire, travailler dans un orphelinat, ils sont très pauvres. (Page 10) Encore une fois, on note le souhait d'aller aider les gens de la part de cet adolescent de quatorze ans. Au niveau de son projet professionnel, il ajoute : « Si j'avais les notes qu'il faut, j'aimerais quand même être médecin en Afrique, médecin ou vétérinaire. (Page 10)

Famille future de l'adolescent adopté

L'entretien comportait une question concernant les souhaits de la future famille de l'adolescent. Emma elle, nous confiait : « Je pense que je me marierai plutôt avec quelqu'un de Polynésie oui, je préférerais je pense ». (Emma, page 4). Adoptée à l'âge de cinq ans, elle a eu besoin de retrouver sa famille biologique durant un an, pour avoir les réponses à ses questions. Elle souhaitera donc se marier avec un homme de son pays d'origine plus tard.

Concernant sa famille, Gabriel a émis certaines peurs, au niveau de son père biologique. « Je me demande parfois si j'ai des enfants plus tard, qu'ils deviennent comme mon père (qui a violé sa mère), ça oui ça me fait peur. (Page 10). Le père biologique de Gabriel était un soldat cambodgien qui fut emprisonné dans un camp durant la guerre. Cet homme a subit plusieurs épreuves, a perdu toute sa famille durant le conflit. Cet homme a violé la mère biologique de Gabriel. Son témoignage était difficile à écouter. C'est pourquoi Gabriel a peur d'avoir dans ses gênes, un trait de caractère commun avec son père biologique, concernant sa violence. C'est une inquiétude récurrente chez les adolescents adoptés qui n'ont pas d'informations sur leur famille. Ils se posent des questions au niveau biologique, physiologique. « Plus tard, j'aimerais me marier avec une latino, et aussi adopter. De toute façon, tant que tu as des enfants et puis que tu les aimes, peu importe comment tu les as eu ». (Gabriel, page 10)

Marie-Pierre elle voit plutôt sa future famille en tant que femme indépendant et célibataire. Ayant un problème d'attachement avec ses parents adoptifs, son souci d'aimer se diffuse jusque dans ses relations personnelles et affectives. « Je ne suis pas une grande partisane de l'amour alors (rires), j'ai de la misère à croire au mariage et à l'amour. Je suis un peu aigrie à ce niveau-là. Je n'ai pas besoin de mari, j'adopterais sûrement des enfants, je serais une femme indépendante. J'ai même déjà refusé des fiançailles ». (Marie-Pierre, page 14)

Emma se pose quand à elle des questions sur son lieu d'habitat plus tard, le Québec ou la Polynésie ? Elle y réfléchit encore... « Je ne sais pas où j'aimerais vivre plus tard, parce que je me sens bien là-bas, et je me sens bien ici. En fait les deux font partie de moi. J'ai une moitié des deux en moi. Mais quand même je suis plus polynésienne que québécoise ». (Emma, page 2)

Stéphane lui voit sa famille de manière originale. « Ma famille, je la vois assez originale, par un père, une mère et un enfant. Mais des parents, et puis tout un groupe d'enfants, de tous horizons différents, de toutes origines (...), de toute façon, je sous ouvert ». (Michael, page 11) Ici encore, on peut voir que l'adoption créée une ouverture d'esprit vis-à-vis des typologies familiales, vis-à-vis des différentes possibilités de fonder une famille.

Nous laisserons à Stéphane le soin de terminer cette partie. Il a dix huit ans et a bien résumé son adoption, malgré les difficultés de recherche d'identité qu'il a pu rencontrer. « Ben moi mon avenir est bien parti là, il y a eu une bonne base. L'arbre est en train de pousser et il y a les feuilles qui sortent qui s'épanouissent. Tout ceci grâce à mes parents, grâce à mes proches, à mes amis (page 11). J'aimerais bien faire quelque chose dans le domaine de l'adoption (...) rendre des parents heureux, voir le plus beau jour de leur vie, et les avoir aidé pour ça (page 11).

Conclusion générale du mémoire

Ce travail nous aura montré que l'adoption est un vaste chantier à explorer. Le thème de l'intégration des adolescents adoptés d'origine étrangère l'est encore plus. L'adoption n'est pas un phénomène familial anodin, il peut poser des difficultés aux jeunes et aux familles concernées. Même si l'adoption est un acte d'amour et de désir d'enfant, il est certain que les adolescents se poseront toujours des questions sur leur identité, sur leurs racines ; même s'ils n'en parlent pas. C'est quelque chose de tellement personnel que cela peut même devenir tabou parfois.

Notre travail nous a donc permis de comprendre le phénomène de l'adoption, à travers le regard des adolescents adoptés au Québec, à Montréal. Nous avons pu ainsi entrer dans le vécu même des adolescents adoptés, comprendre comment ils ressentaient la notion d'abandon, qui a un sens fort au niveau sociologique et psychologique.

Une des questions principales du mémoire était du connaître les facteurs qui favorisent, qui aident l'adolescent à s'intégrer. Est-ce le fait d'appartenir à une association d'aide à l'adoption ou une association autre ? Est-ce le fait de rechercher et de trouver ses origines qui permet de faire le « deuil » de son enfance, de son adolescence, afin de commencer sa propre vie ?

Comme nous l'avons dit longuement dans ce mémoire, l'adolescence peut être une période confuse pour certains jeunes. Ceux qui ont été adopté ont des besoins particuliers en terme de création de leur identité et d'équilibre entre leur besoin d'encadrement et de liberté. Ils doivent composer avec des sentiments de rejet et d'abandon et ils ont besoin de se réapproprier leurs racines. Lors de demande de retrouvailles, nous avons vu que des parents adoptifs ouverts et compréhensifs, qui ne se sentent pas remis en question par la démarche de leur adolescent, peuvent aider beaucoup celui-ci à trouver son chemin. Avec cette aide, les adolescents adoptés peuvent franchir cette étape cruciale de leur vie aussi bien que les adolescents qui n'ont pas été adoptés. Ils peuvent même forger des liens familiaux encore plus forts qui continueront de nourrir leurs relations futures.

Les enfants adoptés à l'étranger ne font pas exception aux autres enfants adoptés de façon interne (au Québec). Ils ont eux aussi à assumer l'expérience de perte et de deuil que représente la rupture définitive avec leur famille biologique (en cas d'adoption fermée). Il a de plus la perte de la culture d'origine, mais nous avons vu que de nombreux adolescents s'intéressent à cette partie, et entament des recherches sur le pays, ou sur leur famille biologique. Les adolescents adoptés doivent donc apprendre à vivre avec ce qu'ils sont, leur passé, leur histoire, et leur vie au sein de leur famille adoptive, au sein de la société québécoise.

Tout au long de la partie analytique de ce mémoire, nous avons apporté des réponses aux hypothèses que nous nous étions posés. Il y a différents éléments qui favorisent l'intégration et la création d'identité des adolescents adoptés.

Nous avons pu voir que le contexte familial est très important pour le développement des adolescents adoptés, afin de favoriser leur intégration au sein de la société québécoise. Le danger pour les parents adoptifs est d'avoir le sentiment d'avoir « sauvé » leur enfant de la misère de son pays en l'adoptant. Il ne faut pas que l'adoption soit fait comme un geste humanitaire car cela provoque bien souvent des problèmes entre les parents et l'enfant adopté. Le non-intéressement des parents pour la culture d'origine de l'adolescent est perçu comme une négation d'eux-mêmes. L'intérêt porté à la culture d'origine et sur l'adolescent est très important pour son développement et son estime personnelle. Les relations qu'entretient l'adolescent avec ses parents peuvent se refléter dans les relations qu'il aura avec la société en général.

L'implication familiale dans le milieu de l'adoption peut être importante pour l'intégration sociale et familiale des adolescents. Les adolescents dont les parents sont actifs dans le milieu de l'adoption ont moins de difficultés que les autres à parler de leur adoption. Pour résumer, le plus le milieu familial est ouvert au sujet de l'adoption, et plus l'adolescent sera à l'aise avec cela. Par exemple, le fait d'appartenir à une famille nombreuse où tous les enfants ont été adoptés aide à l'intégration et au sentiment d'être bien. Les relations familiales élargies sont elles aussi importantes. En particulier lorsqu'un conflit éclate dans la famille à cause de l'adoption de l'adolescent. Celui-ci peut ressentir une forte culpabilité, et une honte par rapport à son adoption.

Une des hypothèses du mémoire était de vérifier si le comportement des adolescents vis-à-vis de l'adoption avait un impact sur l'adolescent et son intégration. D'après ces entretiens, nous pouvons dire que les adolescents perçoivent de façon positive d'avoir été mis tôt au courant de leur adoption. Le dialogue parent enfant est extrêmement important dans les relations familiales. Il l'est encore plus dans le cas d'une adoption internationale de surcroît.

L'intégration familiale de l'adolescent sera largement favorisée si les parents adoptifs ont toujours abordé la question de l'adoption, et su répondre aux différents questionnements de l'adolescent. Plus de la moitié des adolescents ayant fait l'entretien ont confié que le fait de savoir qu'ils avaient été adoptés les a aidé à se développer et s'intégrer. L'adoption dans le secret n'en aurait été que plus lourde à porter.

C'est pourquoi les adolescents adoptés reconnaissent majoritairement que le fait d'avoir toujours su qu'ils avaient été adoptés les a aidé à se construire et à s'intégrer dans la société ; car ils savaient qui ils étaient.

Nous pouvons aussi dire que des activités de post-adoption permettent l'intégration sociale des adolescents, qui appartiennent ainsi à un groupe. Ils ne sont plus différents mais compléments d'un groupe qui a besoin d'eux pendant les matchs de soccer par exemple, ou pendant une réunion avec d'autres adoptés.

L'activité sportive ou culturelle peut aussi être le moyen de découvrir de façon ludique sa culture d'origine. Pratiquer une activité en lien avec sa culture d'origine peut être facteur de création d'identité et d'intégration au sein d'un groupe ethnique.

Nous avons aussi vu que certains adolescents ont véritablement connu le racisme, qui peut être un frein à leur intégration au Québec. Certains d'entres eux ont déjà été rejetés, de part leur couleur de peau. Ces rejets peuvent donc parfois expliquer le type d'identité créée par l'adolescent. Il façonne son identité selon ses expériences de relations sociales. C'est pourquoi l'accueil des personnes d'origines étrangères est très important pour l'intégration. La société a un vrai rôle dans cela.

Nous pouvons dire que certains adolescents adoptés peuvent avoir des problèmes d'intégration par rapport aux autres adolescents. Le fait de venir d'ailleurs, d'un autre pays que le Québec ajoute une question au mystère de l'adoption. Ce qui explique la nécessité qu'ils éprouvent à retrouver leurs origines. Cependant, ce besoin de savoir qui l'on est, d'où l'on vient s'exprime différemment selon le caractère de l'adolescent, son milieu d'accueil, ses parents adoptifs, etc.

Le facteur des origines étrangères est un élément important dans l'intégration d'un adolescent. Les adolescents adoptés doivent savoir combattre cela et avancer.

Les adolescents adoptés ont donc relativement une bonne intégration au Québec. Mais cela n'est pas sans mal. Ils vivent le rejet des autres (école, vie de quartier, activités extra-scolaires), des enfants comme des adultes. L'adolescent doit plus que jamais se battre contre les préjugés sur les étrangers qui perdurent au Québec. L'adolescent doit apprendre à concilier sa double identité, québécoise et d'origine. Certains auront besoin de faire des démarches de retrouvailles, pour mettre un visage sur leur famille d'origine. D'autres préféreront garder ces images dans leur imaginaire et se contentent du roman familial qu'ils se sont inventés.

Au-delà des réponses apportées à la problématique, ce travail m'aura beaucoup apporté. Les entretiens, se sont avérés très enrichissants pour moi, et pour les adolescents aussi. Ce fût des échanges très intéressants, tant sur le plan du travail social, car j'ai pu voir quels étaient les besoins de ces adolescents, tant sur le plan humains car les échanges étaient vraiment très intéressants.

Ces entretiens ont de plus permis de « rendre service » aux adolescents, car certains ne connaissaient pas les services de post-adoption de Montréal. J'ai ainsi pu, à la fin de l'entretien, répondre à leurs questions et les orienter vers le service adéquat quand il y avait un besoin. Ce mémoire m'aura permis, d'une certaine manière, de faire un pas dans le travail social, puisque j'ai pu aider certains adolescents en demande de services spécifiques dans le domaine de l'adoption.

J'ai malgré tout conscience que ces entretiens ne reflètent peut-être pas la réalité des adolescents d'origine étrangère, car ce n'est qu'un petit échantillon (quatorze adolescents) qui a répondu à l'appel de cette recherche. Peut-être que les adolescents mal intégrés et ayant des problèmes familiaux ne désirent pas témoigner de tout ceci. Cependant, les entretiens effectués ont permis de représenter différentes catégories d'adolescents. Ils peuvent se diviser en trois groupes ; comme nous l'avons souligné pour les stratégies identitaires. Il y a les adolescents qui se sentent québécois à part entière, et se perçoivent même comme « blancs », de même façon que leurs parents. Ce groupe ne s'intéresse pas vraiment à son pays d'origine. Ils ne se sentent pas concernés par leur culture d'origine et n'éprouvent pas le besoin de faire des retrouvailles. Le second groupe est plus partagé dans une double identité assumée. Ils assument la culture québécoise qu'ils ont en eux, mais aussi la partie plus mystérieuse de leur pays d'origine, qu'ils ne renient pas. Avoir cette double identité les fait sentir citoyen du monde, ils appartiennent à plusieurs cultures et en sont fiers. Enfin le dernier groupe, le plus minoritaire, se sent plutôt appartenir à la culture de leur pays d'origine. Dans ces cas-là, il peut y avoir des problèmes d'attachement avec la famille d'accueil de part les questionnements qui se posent.

Pour répondre à la question de l'intégration, celle-ci se manifeste de façon crescendo selon le groupe identitaire d'appartenance. On pourra dire que plus l'adolescent sent appartenir à sa culture d'origine, et moins il sera intégré. Cela s'explique par le manque qu'il éprouve vis-à-vis de son pays et de sa famille biologique. Alors que le premier groupe se verra assez bien intégré de part son désintéressement à son pays d'origine et son investissement dans sa vie québécoise.

Il convient d'insister sur le fait que la couleur de peau aura posé des difficultés à certains adolescents. La plupart d'entre eux ont déjà ressenti et vécu le racisme à leur âge. On peut donc imagine ce qui les attend durant leur vie d'adulte. Sauront-ils gérer cela au quotidien, avec leur propre famille, leurs propres enfants ? Nous pourrions proposer comme sujet d'ouverture la construction de la propre famille de l'individu adopté. Quels types de familles les personnes adoptées privilégient-elles ? Ont-elles désirés des enfants ? De quelles manières ont-elles eu ces enfants ?

Troisième partie : les annexes du dossier

A. Bibliographie

CAMDESSUS Brigitte, (sous la direction de), L'adoption, une aventure familiale, éditions ESF éditeur, collection Le Monde de la Famille, Paris, 1995, 238 pages.

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ERIKSON Erik, Adolescence et crise, la quête de l'identité, éditions Flammarion, Paris, 1972, 348 pages.

ETIENNE Jean, BLOESS Françoise, NORECK J.Pierre, ROUX J.Pierre, La sociologie, éditions Hatier, Paris, 2004, 447 pages.

LE BRETON David, L'adolescence à risque, éditions Autrement, collection Mutations, Paris, 2002, 184 pages.

MAURY Françoise, L'adoption interraciale, éditions L'Harmattan, collection Psychologies, Paris, 1999, 330 pages.

NEXTON VERRIER Nancy, L'enfant adopté, comprendre la blessure primitive, éditions De Boeck, 2e édition 2004, 239 pages.

ROUSSEL Louis, La famille incertaine, éditions Odile Jacob, Paris, 1989, 279 pages.

SINGLY (De) François, Sociologie de la famille contemporaine, édition Armand Colin, collection Sciences sociales, 2e édition réactualisée, Paris, 2004, 128 pages.

SZEJER Myriam, Le bébé face à l'abandon, le bébé face à l'adoption, éditions Alban Michel, Paris, 2000, 298 pages.

B. Guide des entretiens

· Informations sur la personne enquêtée

Merci d'avoir accepté cet entretien. Avant tout, avez-vous des questions à me poser ?

Pouvez-vous tout d'abord me parler de vous ?

(Questions à poser si la personne n'en parle pas :)

Quel est votre âge ?

De quelle origine ethnique êtes-vous ?

Quelle est ta nationalité ?

Où habitez-vous ? Avec qui ? Type d'habitat ? Ville ou campagne ? Depuis combien de temps ?

Quelle est votre situation matrimoniale ?

Avez-vous des enfants ?

Faîtes-vous des études ou travaillez-vous ? Dans quel(s) domaines ?

Pouvez-vous me parlez de votre situation familiale ?

Vos parents sont-ils de nationalité québécoise ?

Exercent-ils une profession ? Si oui, laquelle ?

Habitez-vous près de vos grands-parents, oncles et tantes, etc. ?

Avez-vous des frères et soeurs ? Si oui ont-ils été adoptés ?

Pouvez-vous me parler de votre vie familiale ?

· Informations sur l'adoption

Pouvez-vous me parler de votre adoption ?

A quel âge avez-vous été adopté ?

Savez-vous par quel type de procédure ?

Connaissez-vous les démarches qu'on fait vos parents adoptifs pour cela ?

Savez-vous pourquoi vos parents désiraient adopter ? Si oui pouvez- vous dire pourquoi ?

Savez-vous combien de temps a mis la procédure d'adoption ?

Connaissez-vous le contexte de votre pays d'origine à l'époque où vos parents vous ont adopté ?

Comment avez-vous vécu votre adoption ?

A quel âge avez-vous appris que vous avez été adopté ?

Comment voyez-vous l'adoption personnellement ?

Comment l'avez-vous vécu ?

Est-ce que l'adoption est un sujet comme les autres chez vous ? En parlez-vous souvent avec vos parents ? Votre famille en général ? Vos amis ?

Quel regard avez-vous face à votre adoption ?

Pourriez-vous décrire vos rapports avec vos parents ? Vos frères et soeurs si vous en avez ?

Pouvez-vous donner une définition de la famille selon vous ?

· Adoption et adolescence

Nous allons maintenant aborder la question de l'adoption et de l'adolescence. Que pouvez-vous me dire à ce sujet ? Comment avez-vous vécu cette période ?

Pourriez-vous définir l'adolescence ?

Pensez-vous que l'adolescence est plus « difficile » lorsque l'on a été adopté ?

Avez-vous ou avez-vous eu des difficultés à cette période ?

Quelles sont les questions que vous vous êtes posés ?

Quelles ont été vos relations avec vos parents à cette période ? Avec les autres en général ?

Avez-vous eu besoin d'une aide durant cette période ?

Quel est votre regard sur ces deux phénomènes ?

· Adoption et origines

Pouvez-vous me parler de vos origines et de votre adoption ?

Pouvez-vous me parler de vos origines et de ce que vous savez sur celles-ci ?

Comment ressentez-vous le fait d'être d'origine étrangère et adopté ? regard des autres ? québécois ou pas ? deux cultures ?

Quel lien pouvez-vous faire entre les deux ?

Comment pensez-vous que la société perçoit les personnes d'origine étrangère ?

Avez-vous des expériences, des anecdotes à raconter par rapport à cela ?

Connaissez-vous vôtre culture d'origine ? Si oui, est-ce vous qui avez fait les démarches pour connaître cette culture ?

Comment se situent vos parents par rapport à votre culture d'origine ?

Pourriez-vous me dire de quelle culture vous sentez-vous la plus proche ?

Avez-vous du plaisir à parler de ton adoption et tes des origines ?

· Adoption et société

Aujourd'hui, comment percevez-vous le regard de la société sur propos de l'adoption ?

Comment avez-vous vécu ou vivez-vous le fait d'être une personne adoptée dans le système scolaire par exemple ? Avez-vous des anecdotes par rapport à cela ?

Comment avez-vous vécu le faire d'être une personne d'origine étrangère ?

Le regard des autres a-t-il été un problème ?

· Adoption et identité

A l'adolescence, se pose-t-on plus de questions sur son identité lorsque l'on est adopté ?

Pensez-vous qu'il est plus difficile d'avoir sa propre identité lorsque l'on a été adopté ? Est-ce pour vous une richesse ou un handicap ?

A l'adolescence, comment ressent-on le fait d'être adopté ?

Avez-vous eu besoin d'une aide ? Si oui, qui vous a aidé durant cette période ?

Avez-vous eu besoin de « tester vos limites » durant cette période ?

Avez-vous eu besoin de vous renseigner sur votre culture d'origine, de savoir d'où vous veniez ?

Avez-vous eu besoin de rencontrer des personnes adoptées ? Des personnes ayant les mêmes origines que vous ?

Comment s'est passé la relation avec vos parents durant cette période ?

Comment pourriez-vous définir votre identité aujourd'hui ?

· Adoption et intégration

Vous sentez-vous intégré aujourd'hui ? Dans votre famille ? Dans votre milieu social ? Dans la société ?

Avez-vous des amis adoptés ou pas ? De quels origines sont- ils ? Si oui, qu'est ce que cela vous apporte ?

En parlez-vous avec les autres ?

Comment avez-vous vécu cela au Québec ? Avez-vous déjà eu ou avez-vous eu des problèmes avec les québécois ?

Pour vous, quels sont les éléments importants pour une bonne intégration lorsque l'on est adopté ?

Pensez-vous que la société donne toutes « ses chances » aux personnes adoptées pour s'intégrer ?

Y aurait il des améliorations à apporter ? Dans quels domaines ? Sous quelles formes ?

Pensez-vous qu'il devrait y avoir des actions de l'Etat pour les personnes, et les adolescents adoptés en particulier (comme des associations pour adolescents, des groupes de discussions, etc.) ?

Avez-vous ressenti une rupture avec votre culture d'origine ?

· La recherche des origines

Souhaitez-vous faire ou avez-vous fait des recherches pour avoir des informations sur vos parents biologiques ?

Avez-vous des informations sur vos parents biologiques ?

Souhaiteriez-vous en avoir plus ?

Si oui, Est-ce une envie depuis longtemps ?

Pourquoi souhaitez-vous faire ces démarches ?

Que pensez-vous que cela va vous apporter ?

Quels sentiments avez-vous pour vos parents biologiques ?

Que ressentez-vous lorsque vous pensez à l'abandon ? Savez vous pourquoi l'ont vous a abandonné ?

Comprenez-vous cela ?

· Adoption et association

Pensez-vous qu'une association a un rôle à jouer dans l'intégration d'une personne adoptée ?

Faites vous partie d'une association d'adoption, de conseil ou d'aide post-adoption ?

Vos parents font-ils partie d'une association ?

Vos parents sont-ils toujours en contact avec l'organisme ou l'institution qui les ai aidé à adopter ?

Si oui quelle est leur part d'activité dans cette association ?

· Adoption et avenir

Comment voyez-vous votre avenir aujourd'hui ?

Etes-vous confiant en l'avenir ?

Avez-vous des peurs, des doutes ?

Avez-vous des projets ?

Comment envisagez-vous votre propre famille plus tard ?

Pensez vous que vous aurez besoin de vous marier avec quelqu'un de votre pays d'origine ou pas ?

Souhaitez-vous adopter des enfants ? Pourquoi ?

Connaissez vous la législation de l'adoption au Québec ? Pensez-vous qu'il y a des améliorations à faire au niveau de la législation dans le domaine de l'adoption québécoise ?

Dans votre vie aujourd'hui, que gardez vous le plus à l'esprit, votre adoption ou bien votre abandon ?

Avez-vous des remarques à faire ou bien des questions à me poser ?

Comment avez-vous trouvé cet entretien ?

Merci beaucoup pour votre participation.

C. Organismes et associations contactés pour ce mémoire

La FPAQ (Fédération des Parents adoptants du Québec)

Groupes familiaux de Retrouvailles apprivoisées, à Montréal

CLSC Saint-Louis du Parc (Montréal), prévention et intervention psychothérapeutique pour les parents, groupe de discussion post-adoption pour les enfants, à Montréal

Société Formons une famille (spécialisée dans les adoptions en Chine, aux Philippines, au Cambodge, au Vietnam, et à l'Ile Dominicaine), à Montréal

· Organismes agréés et association d'adoptions au Québec (avec pays d'adoption principal)



Adoption internationale (Ukraine)
4420, rue Sainte-Catherine Ouest
Westmount (Qc) H3Z 1R2
Téléphone : (514) 933-4453
Télécopieur : (514) 934-3134
Courriel : rosiesz@videotron.ca

Agence d'adoption « le nid familial au Québec » (Russie)
1785, Impasse Darsigny
Saint-Hyacinthe (Qc) J2S 8S6
Courriel : lenidfamilial@yahoo.ca

Agence d'adoption pour la vie (Géorgie)
157, rue Saint-Paul Ouest, Bureau M2
Montréal (Québec) H2Y 1Z5
Téléphone : (514) 730-0755
Courriel : viktoriareuter@hotmail.com

Agence québécoise d'adoption internationale (Roumanie)
22, rue Roland-Tremblay
Gatineau Québec (Qc) J8T 1S3
Téléphone : (819) 246-0295
Télécopieur : (819) 246-0295
Courriel : aqai@sympatico.ca
Web : www3.sympatico.ca/tommasini.lepore/AQAIFRENCH.html

Alliance des familles du Québec (Kazakhstan)
1144, rue Des Géraniums
Laval (Qc) H7Y 2G6
Téléphone : (450) 969-5727
Téléphone : 1 866 969-5727 (sans frais)
Télécopieur : (450) 969-5727
Courriel : adoptquebec@yahoo.ca
Web : www.adoptquebec.com

Appel (Adoption permanente pour enfants latino-américains) (Colombie)
5089, rue Mills
Rock Forest (Qc) J1N 3B6
Téléphone : (819) 565-0222
Télécopieur : (819) 565-0222
Courriel : appelinc@sympatico.ca
Web : www3.sympatico.ca/appelinc/ 

Au Berceau de la vie, inc. (Russie)
120, rue Ferland, app. PHB
Verdun (Qc) H3E 1L1
Téléphone : (514) 362-0292
Téléphone : 1 877 362-0292 (sans frais)
Télécopieur : (514) 761-3904
Courriel : info@adoptioncanada.org
Web : www.adoptioncanada.org/fr

Chemin du bonheur (Mexique)
195, rue Beethoven
Châteauguay (Québec) J6K 2Y5
Téléphone : (514) 342-0095
Télécopieur : (450) 691-8166
Courriel : chemindubonheur@yahoo.ca

Corporation accueillons un enfant (Haïti)
2900, chemin Quatre-Bourgeois, bureau 203
Sainte-Foy (Qc) G1V 1Y4
Téléphone : (418) 651-2608
Télécopieur : (418) 651-2608
Courriel : accueillons@hotmail.com
Web : www.accueillons.org

Enfance sans frontières (Bélarus, Lituanie, Russie)
7566, boulEmmard Saint-Martin Ouest
Laval (Qc) H7X 3S4
Téléphone : (450) 969-9297
Cellulaire : (514) 952-9441
Télécopieur : (450) 969-9297
Courriel : esf@videotron.ca 

Enfants d'Orient, adoption et parrainage du Québec (Corée du Sud, Taiwan, Thaïlande)
12 383, rue Fernand-Gauthier
Montréal (Qc) H1E 6C4
Téléphone : (514) 881-1514
Télécopieur : (514) 881-6014
Courriel : enfantsdorient@enfantsdorient.org
Web : www.enfantsdorient.org

Enfants du monde (Chine)
1600, boulEmmard Henri-Bourassa Ouest, bureau 400
Montréal (Qc) H3M 3E2
Téléphone : (514) 332-6332    1 800 381-3588 (sans frais)
Télécopieur : (514) 332-9152
Courriel : info@enfantsdumonde.org
Web : www.enfantsdumonde.org

Société d'adoption internationale un enfant heureux, inc. (Ukraine)
2219, boulEmmard Shevchenko
LaSalle (Qc) H8N 2Y1
Téléphone : (514) 366-8325
Cellulaire : (514) 812-4542 (Président)
Cellulaire : (514) 994-9484 (Vice-président)
Télécopieur : (514) 366-8325
Courriel : mskitnevski@adoptionquebec.org
Web : www.adoptionquebec.org

Société d'adoption parents sans frontières (Chine)
Bureau 301
2100, boulEmmard René-Gaultier
Varennes (Qc) J3X 1P1
Téléphone : (450) 652-1992
Télécopieur : (450) 652-5455
Courriel :  psf@qc.aira.com 
Web : www.parentssansfrontieres.com

Société d'adoption québécoise une grande famille (Russie)
360, rue Victoria, bureau 402
Westmount (Qc) H3Z 2N4
Téléphone : (514) 693-0414
Télécopieur : (514) 693-0914
Télécopieur : info@adoptionscanada.com

Société formons une famille, inc. (Cambodge, Chine, Pérou, Viêt Nam, Philippines)
2120, rue Sherbrooke Est, bureau 1101
Montréal (Qc) H2K 1C3
Téléphone : (514) 287-7290 (Région de Montréal)
Téléphone : (418) 386-3080 (Région de Québec)
Téléphone : (418) 276-2404 (Région du Saguenay - Lac-Saint-Jean)
Télécopieur : (514) 287-9902 (Région de Montréal)
Télécopieur : (418) 386-4255 (Région de Québec)
Courriel : info@formonsunefamille.com
Web : www.formonsunefamille.com

Soleil des nations (Bolivie, Colombie, Haïti)
3005, Côte Rosemont, Case postale 20025
Trois-Rivières (Qc) G8Z 4T9
Téléphone : (819) 693-3223
Télécopieur : (819) 693-3206
Courriel : courrier@soleildesnations.org
Web : www.soleildesnations.org

TDH pour les enfants, inc. (Honduras, Moldavie, République slovaque, Viêt Nam, Russie, Ukraine)
2520, rue Lionel-Groulx, 3e étage
Montréal (Qc) H3J 1J8
Téléphone : (514) 937-3325
Télécopieur : (514) 933-7125
Courriel : dorinda@tdh.ca
Web : www.tdh.ca

D. Typologie des entretiens à Montréal

 

Age

Sexe

Adopté à :

Pays d'origine

Profession des parents

Recherche d'origines

Rachelle

21

F

2 ans

Bangladesh

Ingénieur,

Infirmière

Non

Gabriel

14

M

3 ans

Viêt-Nam, Belgique

Travailleur social, mère au foyer

Oui

Mijanou

-

Laurence

18

F

5 mois

Corée du Sud

Milieu adoption, ouvrier

Non

Samuel

18

M

2 ans

Jamaïque

Ingénieur, infirmière

Non

Mickæl

17

M

5 ans

Russie

Fonctionnaires

Oui

Marie

15

F

3 mois

Guatemala

Chef chantier,

Professeur d'université

Oui

Carolina

13

F

5 ans

Chine

Professeurs

Non

Stéphane

18

M

5 ans

Québec

Fonctionnaires

Oui

Elodie

16

F

4 mois

Corée du Sud

Ouvrier,

Mère au foyer

Non

Emma

15

F

5 ans

Wallis et Fututa

Fonctionnaires

Oui

Marie-Pierre

21

F

14 jours

Liban

Psycho

Thérapeute,

Mécanicien

Oui

Ariane

21

F

5 mois

Haïti

Fonctionnaire, ouvrier

Non

Christine

21

F

2 ans et demi

Philippines

Mère psycho

thérapeute

Oui

Karine

14

F

5 mois

Guatemala

Parents au foyer

Oui

E. Entretien type

L'entretien que j'ai choisi de mettre en annexe dans ce mémoire est l'entretien d'une jeune de 20 ans, adoptée à l'âge de quatorze jours. Cette adoption pourrait sembler idéale, car cette jeune femme a été adoptée tôt dans sa vie. Mais nous allons voir que l'adoption a malgré tout laisser des traces et pose des difficultés. Marie-Pierre a été adoptée au Québec, à Montréal. Elle est d'origine libanaise. J'ai effectué cet entretien le 16 novembre 2005 chez la jeune femme adoptée. L'entretien a duré environ une heure et demie en tout.

Marie-Pierre, que tous ses amis appellent Nala, est une fille de vingt ans, qui a arrêté ses études à quinze ans, après sa fugue, pour travailler auprès des enfants.

C'est par sa mère, qui est psychologue à Pétales, une association pour les troubles de l'attachement des enfants adoptés à l'internationales, que j'ai pu avoir un entretien avec Marie-Pierre.

Elle est originaire du Liban, du côté de sa mère, car elle ne sait rien de son père biologique, ce qui l'ennuie beaucoup.

Marie-Pierre a été adoptée à quatorze jours, mais a des troubles de l'attachement avec ses parents depuis toujours. Ses frères et soeurs, plus jeunes, adoptés eux aussi, sont actuellement en foyer d'accueil, car ils avaient eu aussi des problèmes d'attachement avec leur famille adoptive.

Marie-Pierre a fait une fugue à quinze ans, c'est aussi à ce moment qu'elle a commencé à faire des recherches sur ses origines. Elle m'a dit ne pas sentir faire partie de sa famille, malgré l'amour que lui donne ses parents. Cela a peu être un lien avec sa famille élargie, qui n'accepte pas l'adoption en général, et les étrangers aussi. Marie-Pierre n'a donc pas trop de lien avec cette famille élargie qui l'a rejette.

A ce propos, elle a d'ailleurs déjà vécu du racisme de la part des gens dans la rue, c'est quelque chose de très dur à supporter.

Avec son travail d'animatrice pour enfants, Marie-Pierre a véritablement trouvé sa voie, et un rôle dans la société. Elle a commencé cela à l'âge de quinze ans. Elle a même signalé une enfant de 6 ans maltraitée aux Départements de Protection de la Jeunesse ; et est devenue la tutrice légale de cette enfant.

J'ai senti qu'elle se sent vraiment investie dans cette mission, et s'occupe de cette enfant comme si c'était le sien. Marie-Pierre me semble donc intégrée dans la société québécoise, mais assez peu dans sa famille adoptive à cause du problème d'attachement, difficulté chez les adoptés.

ENTRETIEN

Donc pour commencer, j'aurais voulu que tu me parle de toi un peu...

Ok, donc, je m'appelle Marie-Pierre, je travaille pour la commission scolaire pour la pointe de l'Ile là, je travaille pour deux écoles primaires, pour le service de garde. Ca va de la maternelle aux enfants de 8/9 ans par là...Je fais ça depuis que j'ai 15 ans là, et aujourd'hui j'ai 20 ans. J'aime beaucoup ce travail là avec les enfants, ça m'apporte beaucoup je trouve. C'est vraiment ça que j'aime faire oui. J'ai arrêté mes études en fait, il n'y a pas longtemps. Avant je travaillais, j'avais deux jobs là, et en même temps j'allais à l'école.

Et comment es tu venue à travailler ?

Ben en fait, c'est parce qu'avant je travaillais, enfin mon premier job a été d'être monitrice de camps de vacances, puis là, on m'a demandé de remplacer une personne une journée, et puis à un moment donné la personne que je remplaçais est partie définitivement. Donc là ils m'ont demandé si je voulais bien travailler plus souvent chez eux, alors j'ai dit oui parce que ça me plaisais.

Mais parce qu'en fait c'est les mêmes enfants, moi je travaille encore comme monitrice l'été et puis je les ai à la commission scolaire, ce qui fait que c'est toujours les mêmes jeunes que je vois, et on est très attachés. Je les ai vu grandir, ce qui fait que j'aime ça comme travail.

Et pourrais-tu me présenter ta famille un peu...

Et bien en fait, ma mère est comment on dit...psycho éducatrice...ou quelque chose comme ça (Rires). Et mon père il a son garage, ce qui fait qu'il est mécanicien. Ma soeur et mon frère n'habitent plus avec nous, ils sont au secondaire. Ils ont aussi été adoptés comme moi...Eux c'est des frères et soeurs biologiques en fait, mais ils sont d'origine québécoise. Moi je suis d'origine libanaise je pense...

Du côté de ma mère, on voit assez souvent la famille, ils n'habitent pas trop loin de chez nous. Mais du côté de mon père, ça doit faire cinq ans qu'on leur parle plus je pense. C'est un peu lié à mon frère et ma soeur là...Ils ont du mal à accepter les adoptions et tout ça...Donc ce qui fait qu'on est fâchés. Mais c'est le frère de ma mère qui a commencé toute cette histoire-là. Enfin nous on se dit tant pis, c'est dommage mais ce n'est pas de notre faute quand même là. Il faut savoir accepter les différences et certains membres de la famille ont du mal à faire ce pas là.

Hum, je vois, mais voudrais-tu justement me parler un peu de ton adoption, comment ça s'est passé ?

Et bien, j'avais quatorze jours quand j'ai été adoptée en fait. J'étais vraiment petite, et puis, bah en fait je suis née à l'Hôpital Rosemont à Montréal. Puis ma mère, elle a accouché de moi, et puis elle est partie en fait. Puis les médecins m'ont gardé à l'hôpital pendant deux semaines et puis. Et après ça, je suis venue chez mes parents ici en fait.

J'ai appris que j'avais été adoptée vers 6/7 ans à peu près, sauf que je ne savais pas trop ce que ça voulait dire...Mais j'ai vraiment réagis et compris ce que ça voulait dire vers 8/9 ans quand mon frère et ma soeur sont arrivées eux aussi. Puis tu sais à l'école tu apprends que ta mère elle a un gros ventre et tout ça. Et puis moi là, j'ai eu un frère et une soeur du jour au lendemain ! Donc c'est sûr que, c'est là que j'ai le plus réalisé oui c'est ça...Au début, j'étais vraiment contente de les avoir ici, on jouait ensemble et puis tout...Mais c'est vrai qu'après un an ça a été assez le bordel là...On est une famille où il y a eu pas mal de chicanes, de disputes à cause de...je ne sais pas si l'adoption en est la cause, mais bon, il y a toujours des histoires chez nous.

Et comment parlez-vous de l'adoption chez vous ?

Ben chez nous ça va, il n'y a pas de tabou vraiment là, pas dans la famille ici. Mais j'ai un oncle qui a adoptée une petite fille là, mais ça a fait beaucoup d'histoires car tout le monde voulait que ce soit une fille qui ressemble à une petite québécoise là, une blanche quoi. Pour pas que ça paraisse qu'elle a été adoptée, et pour ne pas lui dire, enfin bon...Et puis nous chez moi, on lui disait, mais si tu ne lui dit pas, nous on lui diras quand elle seras plus vieille. Ce qui fait que ça a fait assez d'histoires. Et puis tu sais, quand tu adoptes, tu peux voir des cassettes, pour voir les enfants, et puis ils disaient : « Oh elle a les yeux trop bridés, oh il a le teint trop foncé ! » enfin des choses comme ça. Puis là je me disais...enfin ça a fait bien de la chicane dans la famille tu vois...Moi vraiment ça m'a dégoûtée tout ça. On les aurait cru dans un magasin, ou en train de faire un prêt pour une maison là. Vraiment ça n'avait pas d'allure tout ça...Donc ce qui fait qu'on est un peu tous en froid à cause de ça. Tu veux un enfant là, tu sais...Tu vas pas aller choisir la couleur quoi ! Alors nous on leur disais, « Mais qu'est-ce que ça peut faire qu'elle soit pas québécoise ? ». Et eux ils disaient, « Oui mais ça va paraître qu'elle a été adoptée, et puis les gens vont lui poser des questions... ». Mais nous on se disait, mais elle est adoptée, pourquoi le cacher aux autres gens, ce n'est pas une honte quoi...Surtout moi, ça m'énervait beaucoup là...

Peux -tu me dire pourquoi on t'a adoptée ?

Et bien mes parents étaient infertiles, donc ce qui fait qu'ils ne pouvaient pas avoir d'enfants, donc c'est pour ça qu'ils ont adopté. En fait ma mère adoptive est tombée enceinte quand elle était jeune là, puis elle avait avorté en fait. Ella avait pris la pilule du lendemain...Mais à cette époque-là, les médicaments contraceptifs étaient vraiment beaucoup plus forts...Ce qui a fait qu'il y a un certain nombre de ces femmes là, de cette époque qui sont devenus stériles à cause de ces pilules du lendemain là...Donc cette histoire a fait qu'ils ont adopté pour avoir des enfants, ils nous ont adoptés tous les trois. Mais je te dirais que mon frère et ma soeur n'habitent plus avec nous, ils sont en foyer d'accueil maintenant, il y a moins d'histoires. Mais on continue à les voir de temps en temps.

J'aimerais aussi savoir quel regard tu as sur ton adoption ?

Ben ça dépend parce que en fait, je peux dire que j'ai l'impression d'être plus proche de mon frère et de ma soeur que de mes parents. Bien que je n'habite pas avec eux là (ses frères et soeurs).

En fait mon adoption a, je pense, modifié ma vie...Parce que j'ai de la misère à faire confiance aux personnes, je peux pas avoir un chum stable, pas quelque chose comme tu sais de vraiment stable dans ma vie. Ca je n'y arrive pas du tout...Moi j'ai l'impression que c'est à cause de mon adoption que je suis comme ça en fait, je peux pas te le certifier, mais oui peut-être...Je veux dire, mon frère et ma soeur ont été adopté, et j'ai seulement qu'un ami qui a été adopté...Et lui il est comme moi. Mais à part ça, mes autres amis ne sont pas vraiment comme moi, ceux qui habitent avec leurs parents. C'est pour ça que ça me donne l'impression que c'est peut-être à cause de ça.

Et tu disais que tu es plus proche de tes frères et soeurs que de tes parents...

Oui enfin je veux dire, mes parents, ils étaient stériles, ils n'ont donc adopté mais, comment je pourrais dire ça...Mon frère et ma soeur, on s'aiment parce que c'est nous ! Mais mes parents, ils nous aiment parce qu'ils voulaient des enfants, mais pas parce que c'est nous. Tu vois ? Et puis c'est tombé sur nous cette adoption.

Des fois je leur en parle de ça, de ce que je ressens, mais...Ma mère me dit, mais non Marie-Pierre, c'est pas ça...Mais tu sais mes parents, c'est rare de nos jours, je veux dire ça fait 35 ans qu'ils sont mariés. Ils ont toujours été ensemble, je veux dire, ils n'ont jamais eu d'autres chums ni d'autres blondes là. Et tu vois, c'est sûr qu'ils font « petit couple heureux ensemble » et du coup, mes frères et soeurs et moi, on s'est des fois sentis comme un peu exclus. C'est rare qu'on ait eu le sentiment de former un famille là je te dirais...C'est assez dur à dire là mais c'est la vérité oui. On n'est pas comme toutes les autres familles. Je ne sais pas à quoi c'est dû. Si c'est à cause de moi, de mes frères et soeurs, de mes parents, de l'adoption en général, je ne sais pas trop...

J'aimerais maintenant que nous parlions de ton adolescence...

Ben en fait heu, mon frère et ma soeur sont arrivés, j'avais 9 ans, et puis à l'âge de 15 ans, ma soeur et moi ça ne fonctionnait vraiment plus, et puis à un moment donné je suis partie...Donc à ce moment-là je suis partie chez ma tante pendant un mois. Et pendant ce temps-là ma soeur a été placée en foyer de groupe temporaire là...Après ça je suis revenue chez nous, mais vraiment pas longtemps, deux mois environ. Je suis repartie car ça faisait 6 mois que j'étais avec mon copain, et comme ça ne marchait plus trop à la maison, je suis partie habiter chez lui et ses parents. Et puis après ça on a été habité en appartement. Parce qu'on travaillait tous les deux. Moi j'allais à l'école et je travaillais en même temps...Je gérais les deux en même temps...

Mais c'est vrai que cette période-là ma fait du bien, ça m'a détendu. Mais bon ma mère elle n'était pas trop d'accord avec ça, donc pendant un an elle a eu du mal à l'accepter, car je suis partie chez lui...Et bon ça lui a fait du mal. Parce que la mère de mon copain était presque comme ma mère là tu vois. Des fois quand mon copain n'était pas chez lui, moi j'y étais, et j'allais faire les courses avec la mère de mon copain, elle était super. On a vraiment eu une relation comme proches là...Et donc ma mère a été un peu jalouse, mais c'est vrai que je me sentais plus proche de la mère de mon copain que de ma mère. Mais bon, les deux maisons étaient assez proches d'ici, je veux dire, on se voyait quand même là...Je passais souvent à la maison, mais je préférais habiter ailleurs, je me sentais mieux.

Tandis que quand je suis partie m'installer en appartement avec lui, j'étais beaucoup plus loin d'eux. J'allais au CEGEP (centre de formation spécialisé), j'avais deux jobs en plus de mes cours. Je te dirais que ces deux années, on ne s'est vus qu'aux fêtes pratiquement, genre à Noël, etc. Donc c'est vrai qu'entre les âges de 15 et 17/18 ans, il y a eu une coupure avec mes parents, je ne vivais pas avec eux.

C'est vrai qu'à cette période de l'adolescence, je n'ai pas été longtemps avec mon frère et ma soeur là. Car mon frère a aussi été placé pendant que j'étais en appartement. C'est vrai que je ne les ai pas vu grandir vraiment là. On a pas trop eu une vie de famille unie tu vois. Moi je ne me sentais pas bien, eux ils ont été placés. Eux ils ont été adoptés plus vieux, à 2 ans et 4 ans. Ils sont d'origine québécoise aussi. Donc ils sont tous les deux en foyer de groupes jusqu'à leur 18e anniversaire en fait. Mais après ça je ne pense pas qu'ils reviennent ici, ils vont devoir trouver un emploi en fait.

Bon, mais mon adolescence, entre l'âge de 15 et 20, je te dirais que je n'étais pas du tout stable. Je restais, je repartais de chez moi. Des fois j'étais 2 semaines ou plusieurs mois sans les voir. Parce que je voulais souffler, et je ne me sentais pas à ma place dans cette maison là...Peut-être que si on avait formé une vraie famille comme tout le monde, je ne serais pas partie comme ça de chez moi, et mes frères et soeurs non plus...

En fait là je suis revenue chez mes parents, ça doit faire...un an ce mois-ci je crois oui. Oui je suis ici, mais encore là, ça ne sera pas pour long je pense...Parce qu'en fait, avec mon copain, ça n'a pas fonctionné, donc on s'est laissé, et j'ai été en appartement avec une de mes amies, ce qui a plus ou moins bien fonctionné aussi (rires). Donc après ça, j'ai été habitué dans l'appartement en haut de chez mes parents. Et puis au final je suis revenue chez mes parents.

Mais tu vois ici, on est plus comme des « colocataires » que comme une vraie famille quoi. Je n'ai pas un lien assez fort avec ma mère. Enfin c'est ce que je pense moi, mais pas elle. Et avec mon père c'est pas vraiment mieux en fait.

Y-a-t-il des personnes qui ont été importantes pour toi durant cette période ?

Heu, ben je te dirais que tout le long de mon secondaire, j'ai une amie avec qui j'étais vraiment proche, pour te dire, mon linge était ici, mes meubles étaient ici, mais je dormais tout le temps chez elle. Et elle dormait chez moi. On était tout le temps ensemble. Et c'est aussi à ce moment là que j'ai eu pas mal d'intérêts pour mon frère et ma soeur. Cette amie là, mes parents l'aimaient bien, mon frère et ma soeur aussi. Quand on avait une chicane, elle réussissait à nous réconcilier même. C'est vrai qu'elle a été importante pour moi à cette époque-ci. Aujourd'hui je la vois moins, car nos horaires de travail sont inverses là, mais on se voit quand même de temps en temps.

OK, et pourrait-on parler de tes origines maintenant ?

Ben ce qui est arrivé, c'est qu'en j'ai eu 14 ans, j'ai voulu savoir, bah c'est sûr que, je n'avais des amis que québécois...Je connaissais une chinoise, mais c'était la seule de l'école. Donc vraiment dans mon école, il y avait que des québécois. Mais quand on a déménagé ici, dans ce quartier, on dEmmait même chercher les québécois (rires), car c'est un quartier multiethnique en fait. Donc c'était vraiment l'inverse, et c'est sûr que...Enfin dans l'autre quartier, on me demandait « oh mais tu viens d'où ? Tu es de quelle ethnie ? », donc c'est vrai que j'avais envie de pouvoir leur répondre, mais je ne savais pas grand-chose...

Et aussi j'avais des amis qui étaient arabes là, et ils disaient que j'étais leur soeur et tout ça...Donc là je me suis posée des questions...Et j'ai demandé mon dossier, car on a droit à voir son dossier à 14 ans. Mais il y avait pas beaucoup de descriptions, tout ce qu'il y avait c'est, la couleur de peau de ma mère, qu'elle était basanée, qu'elle était voilée, la couleur de ses yeux...Mais bon, ça m'a pas donné beaucoup d'informations quoi...Donc après ça, j'ai été voir un spécialiste des traits du visage là, un physionomiste je crois que ça s'appelle. Et eux ils peuvent te dire, en regardant tes traits de visage, tes cheveux, tes sourcils, te dire d'où tu viens vraiment, mais c'est assez précis. Donc il m'a dit que c'était pratiquement sûr que j'étais libanaise en fait...Il m'a aussi aidé à voir les différences entre les marocains, les algériens, les libanais, les tunisiens, etc.

Donc c'est vers 15 ans que j'ai su ça en fait.

C'est sûr que ça ne me donne pas une certification mais bon déjà c'est un indice pour savoir d'où je viens.

Et aussi un jour, je suis aller postuler pour un emploi dans un restaurant libanais à Montréal, et tout de suite, la propriétaire m'a parlé en arabe. Alors moi je lui dis, mais je ne suis pas arabe ! Elle me dit, t'es pas arabe ? Et donc elle m'a embauchée quand même. Et puis il y avait un client qui venait souvent manger dans ce restaurant là, et il m'apprenait des mots en arabe, et il était surpris parce que j'apprenais vite, je n'avais pas de problème pour la prononciation. Mais on m'a dit que même dans le ventre de ta mère, c'est des sons que tu entend, que tu retiens, et donc c'est pour ça que ça n'était pas trop difficile pour moi.

Et c'est vrai que souvent dans la rue, les gens m'abordent et me parlent en arabe, car ils pensent que je suis comme eux. Donc parfois c'est marrant.

Connais tu des choses sur ton pays ?

Heu ouais, quand même un peu là. Je te dirais que, en fait, j'ai eu un copain qui était bosniaque, il était musulman en fait. Puis bon c'est sûr qu'on était vraiment proches, j'étais amie de sa soeur aussi, enfin je veux dire, j'ai vraiment vécu dans cette culture là pendant un bon moment. J'ai fait le ramadan avec eux, j'ai mangé comme eux, j'étais vraiment immergée dans cette culture-là. Mais bon, je te dirais qu'il y a des choses dans lesquelles, j'approuve et puis d'autres choses un peu moins là. Mais tout ne m'a pas plu dans cette culture.

Mais j'ai aussi des amis haïtiens, et puis chaque culture que j'ai pu connaître dans ma vie a fait que j'ai pris un petit peu de chaque. Mais c'est sûr que j'ai été élevée dans la culture québécoise.

Et aurais -tu envie d'aller dans ton pays d'origine un jour ou pas ?

Ben oui là, peut-être pour en apprendre plus, je ne sais pas trop mais...Oui c'est sûr qu'un jour je partirais là bas pour voir comment c'est et tout ça.

Et aussi je voulais savoir, comment parles tu de ton adoption autour de toi ?

Heu oui, j'en parle quand même, ça ne me dérange pas. Mais ça fait drôle parce que des fois, si je commence à connaître quelqu'un ou quoi...Parce qu'en plus de mon job à l'école, j'ai toujours travaillé le soir, donc ce qui fait que je connais pas mal de monde en fait. Donc là, quand les gens me parlent en arabe, je dis que j'ai été adoptée, et là ils me disent oh excuse moi. Ils deviennent mal à l'aise, et moi je dis, ben c'est pas grave là... (Rires), Je leur dis, tu sais je viens pas de te dire que quelqu'un est mort là. Je vois pas ça de façon négative moi...Donc, moi je leur en parle, il n'y a pas de problèmes.

Un jour j'ai rencontré un autre gars, qui lui aussi a été adopté. Mais lui, il ne vivait pas ça comme moi en fait. Lui il est haïtien et ses parents sont québécois, donc lui je veux dire, c'est clair qu'il a été adopté, ça se voit quoi. Avec lui c'est vrai qu'on en parle souvent de l'adoption, ça nous fait du bien. Mais lui c'est tellement flagrant qu'il a été adopté, qu'il le vit peut être moins bien que moi je pense. Moi j'étais un peu moins gênée d'en parler je pense, car j'en souffrais moins que lui. C'est ça qu'on a constaté là en fait.

Comment vis tu l'adoption ? Qu'est-ce que cela représente pour toi ?

Bah moi ce que je peux dire, c'est que comme j'ai habité dans un quartier multiethnique, j'ai connu comme beaucoup de cultures différentes, et j'aime ça...Parce que moi, je ne peux pas dire, je suis québécoise à 100% en fait. Car le fait d'avoir connu d'autres cultures fait que je suis un peu tout à la fois. Je parle arabe, je parle créole. Tu sais j'aime ça, parce que mes amis sont touts étrangers, et ça me plait oui. Tu sais je ne mange jamais la même chose, je mange selon les cultures.

Et je pense que ça me donne plus d'ouvertures d'esprits, par rapport aux autres. Comme je vois mes cousins eux, ils ne sortent qu'avec des québécois. Mais je trouve que c'est un petit peu « fermé » là comme situation.

Je pense que mon adoption m'a donné une certaine ouverture d'esprit en fait, et plus de tolérance envers les différences aussi. Parce que des fois, dans la rue, on entend des choses comme, « c'est pas une québécoise celle-là », donc ces préjugés là me font du mal, c'est jamais très agréable.

Aussi, avec mon adoption, je sens que j'ai du mal à m'attacher à quelqu'un en fait.

Ma psy m'avait expliqué que c'est la séparation avec ma mère qui a fait que je suis comme ça. L'abandon a vraiment eu des impacts sur moi. J'ai été abandonnée deux fois. Une fois par ma mère, c'est qui est un gros choc, et une autre fois abandonnée par l'hôpital ou j'étais. Les dames qui se sont occupées de moi quand j'y étais, je m'y été attachée, et ça a donc fait une autre coupure en fait.

Donc du coup dans mes relations, j'ai toujours peur inconsciemment d'être abandonné encore une fois.

Donc j'ai des relations avec des personnes, mais quand je sens que j'ai un peu trop d'amour pour cette personne là, et bien je fais tout pour qu'on se quitte. C'est juste pour être sûre de ne pas l'aimer là, et puis de ne pas souffrir non plus je pense...

Et du coup pour moi les enfants c'est comme très important. Je suis vraiment très proche de ces enfants là, comme je l'ai été de mon frère et de ma soeur.

Ok, oui, et aussi peux-tu me parler de tes parents biologiques un peu ?

Oui et bien je n'ai jamais vu ni l'un ni l'autre. Mais c'est drôle, parce qu'avant que mon frère et ma soeur arrivent, à 8 ans, je dEmmais faire un dessin comme ça approximatif de ce à quoi ma mère pouvait ressembler...Et j'avais fais comme dessin une dame voilée, alors que j'en avais jamais vue (sauf quand je suis née), et j'avais découpée une photo de moi que j'avais collée à côté.

Une fois aussi, j'ai été à l'hôpital où ma mère avait accouchée, et j'ai vu le médecin qui s'est occupé d'elle. Et puis il m'a dit «  oh c'est frappant comme tu lui ressemble là, si on te met 6 ou 7 ans de plus, c'est elle là ! ».

Donc c'est vrai que ça m'a fait plaisir quoi, ça m'a fait quelque chose. Je me disais elle n'est pas avec moi, mais je lui ressemble quand même donc un peu d'elle-même est avec moi.

Mais peut-être qu'avant d'avoir des enfants, je chercherais à rencontrer ma mère biologique. Je pense que ça m'aiderait aussi à régler certains problèmes que j'ai avec mes relations avec les autres. Je ne suis pas encore prête aujourd'hui en fait.

Et as-tu pu avoir d'autres informations en plus sur ton dossier là ?

Ben oui, j'ai eu d'autres informations, mais ce n'était pas les bonnes, car elles étaient un peu fausses. C'était les infos de sa soeur...Donc j'ai ses coordonnées mais je n'ai jamais été encore, je verrais. Peut-être un jour oui...Mais j'ai été voir un psy pendant un an et demi et elle m'a dit des choses sur moi. Par exemple, elle m'a dit que depuis que je sais que je suis adoptée, je me suis crée une image de ma mère dans ma tête. Et donc si je la vois un jour, je risque d'être déçue de la réalité. Donc je préfère garder ça intact dans ma tête pour ne pas être déçue.

Pour me rapprocher de ma culture, j'ai pris des cours de Baladi, c'est une danse arabe. C'est à 14 ans que j'ai commencé, et j'ai bien aimé ça, j'ai aussi fais du judo.

Mais c'est sûr que cette culture là est vraiment stricte là, et je sais que ce n'est pas fait pour moi. Ca manque de liberté je pense.

Que pense tu de l'accueil des québécois vis-à-vis des personnes étrangères ?

Ben c'est sûr qu'il y a des préjugés encore aujourd'hui, et du racisme. Même dans ma famille proche là, il y a des personnes racistes. C'est vraiment une chose que je ne comprend pas là. Je ne vois pas comment une personne d'une autre couleur serai moins gentille qu'une autre là. C'est vraiment bizarre. Et j'ai vraiment du mal à pardonner aux gens qui sont comme ça, je suis assez rancunière en fait. Je ne peux pas oublier ce qu'ils ont dit... (Silence). En fait, ce que je peux te dire sur mon adoption et tout ça, c'est que je me suis un peu élevée toute seule, avec les valeurs des différentes cultures qui me plaisent, je ne suis pas à 100% québécoise, je suis aussi un peu libanaise et un peu des autres cultures aussi. Je suis un petit mélange de plusieurs cultures en même temps, je jongle avec tout ça en fait, et ça me plait bien... (Silence) C'est vrai que le rôle des parents est super important dans une adoption, ça c'est clair ! Mais bon, moi, bien que ma mère fasse partie de l'association PETALES QUÉBEC, pour les personnes adoptées en troubles de l'attachement, je ne sens pas que son métier m'aide plus que ça non. Moi oui j'ai un trouble de l'attachement, malgré ce que dit ma mère. Mais elle a du mal à accepter ça je pense aussi. Ce n'est pas facile pour elle, mais bon pour moi non plus.

Mais je veux dire, moi je le sais que j'ai des troubles à ce niveau là. Même si j'ai un grand respect pour mes parents là, il n'empêche que ça met un espèce de froid avec ça. Parce que je le sens en moi que ce n'est pas mes parents, ce n'est pas de ma faute, mais je le sens. Ca reste tout le temps en moi, que je le veuille ou pas là, tu sais.

Ok et pour terminer, peut tu me parler un peu de ton avenir, comment vois tu les choses, as-tu des projets ?

Ben en fait, je retourne aux études en gestion de commerce, je vais ouvrir un magasin de lingerie avec une des mes amies là. Je vais donc arrêter mon travail avec les enfants, même si ça va être difficile là, mais il va falloir là.

Aussi au niveau de l'adoption, j'ai comme plus d'intérêts à voir ma mère qu'à voir mon père. Je ne sais pas si c'est parce que je suis une fille là mais...

Mais je ne veux pas me mettre en tête que voir ma mère va m'aider à régler tous mes problèmes, mais ça changerais peut-être ma manière de penser ou d'être là.

Aussi, je suis devenue tutrice d'une petite fille là qui est dans mon école, qui a été maltraitée dans sa famille. Je suis responsable d'elle, elle est un peu comme ma fille, et c'est moi qui vais aux réunions, je surveille ses devoirs...Elle a été abusé par son père en fait, et les voisins un jour, ils l'ont dit à la DPJ et donc la police est venue la chercher chez elle, ils ont pris ses affaires et sont partis avec elle. La pauvre elle pleurait...Enfin moi je m'occupe d'elle, c'est un peu comme ma fille là, je l'aime beaucoup, et je suis responsable d'elle...C'est important pour moi ça...

Mais au niveau de ma famille à moi plus tard, je ne suis pas une grande partisane de l'amour alors (rires), même si j'ai l'exemple du mariage des mes parents, j'ai de la misère à croire au mariage et à l'amour. Je suis un peu aigrie à ce niveau là...Je n'ai pas besoin de mari là, j'adopterai sûrement des enfants, je serais une femme indépendante. J'ai même déjà refusé des fiançailles en fait, je pense que c'est à cause de mon problème d'aimer là. J'ai vraiment du mal à faire confiance aux gens, aux hommes comme aux femmes. Il va falloir que je règle ce problème ça pour avancer un peu, et être mieux, être heureuse...

Je sens que mon adoption m'a apporté des problèmes que j'essaie de régler mais qui ne le sont pas encore. Et puis c'est pas un problème facile non plus à régler, c'est pas comme si j'étais une droguée et que je dEmmais aller en cure de désintox' là. Moi c'est plus compliqué que ça, car ce sont des problèmes psychologiques...

Mon problème est que quand je vois que je m'attache trop, que ce soit à un garçon ou à une amie fille, je vais m'éloigner pour ne pas souffrir d'aimer en fait, pour ne jamais être déçue. Je suis toujours sur la défensive, tout le temps, tout le temps.

Peux tu me dire pourquoi tu as accepté cet entretien avec moi en fait ?

Ben moi ça ne me gêne pas de parler de mon adoption quand les gens s'y intéressent en fait...J'ai accepté ça parce que je sais qu'on ne se reverra plus et que tu ne vas pas m'analyser toi... (Rires) Je sais qu'on a de la distance après et que je ne te reverrai pas, donc je n'ai pas de honte à te confier tout ça. Au contraire, ça me fait même du bien de te dire certaines choses. Ca me permettra peut-être de faire le point sur des affaires qui sont en moi là...

Et bien je te remercie de m'avoir accordé cet entretien...Merci beaucoup.

Mais de rien, ça me fait plaisir...

F. Liste des thèmes du mémoire

Voyons à présent les différents thèmes de ce mémoire :

Thème 1 : Informations sur la personne adoptée (âge, situation familiale, profession des parents, niveau d'étude ou situation actuelle, lieu d'habitat, loisirs)

Thème 2 : Informations sur l'adoption en elle-même (type d'adoption, âge de l'adolescent à l'adoption, longueur de la procédure, cause de l'adoption, rapports familiaux, vision de l'adoption par l'adolescent)

Thème 3 : L'adoption et l'adolescence (définition de l'adolescence pour l'adolescent, questions posées à cette période, vécu, relations avec la parents, avec la famille en général, avec les amis, besoin ou non d'aide spécifique, bilan de cette période)

Thème 4 : L'adoption et les origines (sentiments par rapport aux origines, vécu, expériences, anecdotes par rapport à cela, intérêt pour les origines, conciliation entre les deux origines, besoin de recherche des origines ou non, quelles démarches, parents biologiques, l'abandon)

Thème 5 : L'adoption et la société québécoise (le regard de la société québécoise sur l'adoption, facteurs et possibilité d'intégration, anecdotes)

Thème 6 : L'adoption et identité (quelle identité se construit l'adolescent, stratégies identitaires, besoin d'identification à d'autres groupes, estime de soi)

Thème 7 : L'adoption et l'intégration (sentiment d'intégration familiale, d'intégration sociale ; vison de l'intégration au Québec, possibilité d'intégration pour les personnes « étrangères », facteurs d'intégration, regard des autres)

Thème 9 : Association d'adoption et de post-adoption (besoin de faire partie de ces mouvements, besoin d'identification et d'aide, opinions sur ces groupes, envie de témoigner)

Thème 10 : Adoption et avenir (quelle vision de l'avenir a l'adolescent, quelle famille souhaite-t-il, adoption pour lui-même ou pas, projets, doutes, envies, bilan personne de l'adoption)

G. Thème spécifique classé

Voici à présent un thème spécifique du mémoire, classé par entretiens. Les citations relevées sont celles qui sont le plus parlantes des sentiments ressentis par les adolescents adoptés. Le thème choisi est celui de La recherche des origines, plus précisément recherche de la mère biologique, ou bien de la famille biologique en général. Nous allons voir que chaque adolescent ne « gère » pas cela de la même façon. La recherche des origines dépend du contexte familial, du caractère, de la psychologie, du stade de développement de l'adolescent adopté.

Ariane

Avec mes papiers, c'est vraiment incomplet, tu ne peux pas faire grand-chose (page 5)

J'ai un peu laissé tomber mes recherches à cause de mon dossier (page 7), comme si il y avait des choses un peu plus essentielles, puis aussi quand tu vois la situation à Haïti, tu te dis, qu'est-ce que ça m'apporterais ? (Page 8)

D'un côté ça peut être extraordinaire, mais d'un autre côté ça peut t'emmener dans un engrenage aussi (...) on va te demander de l'argent et tout là.... (Page 8)

Laurence

Je n'ai jamais eu comme un intéressement profond à aller chercher comme qui étaient mes vrais parents, si on peut les appeler comme ça. C'est surtout passé sur le côté identité en fait. C'est la ressemblance qui me gênait le plus en fait (page 8)

Il y en a pour qui les parents génétiques ont vraiment une importance. Moi je n'ai jamais eu envie de les trouver, ils ne m'ont pas manqué, je savais qui étaient mes parents (page 10)

Christine

Même qu'on avait accès aux photos de notre mère biologique, les seules photos qu'on avait et aussi de nos autres frères et soeurs. (Page 2)

Si ma mère biologique nous a mise en adoption, c'est parce que notre père nous avait quitté, elle n'avait pas les moyens de nourrir ses 5 enfants, donc elle a gardé le plus vieux des garçons. (Page 4)

Je le remercie vraiment de m'avoir mise en adoption, parce que j'étais vraiment très malade. Si elle m'avait gardée, je ne serais peut-être pas là à parler de mon adoption (page 4)

Je la remercie parce que j'ai eu une bonne famille qui m'a donné tout ce dont j'avais besoin, de l'amour, les choses matérielles, l'éducation. J'ai vraiment manqué de rien (page 5)

En 1998, j'ai retrouvé toute la famille biologique, j'ai rencontré ma mère, mon père, mes frères, mes deux soeurs, leurs conjoints, mes neveux, mes nièces, mon parrain, oncles, tantes, cousins, cousines. J'ai rencontré toute la tribu au complet ! (Page 8)

Quand je suis sortie de l'aéroport, je n'ai même pas eu le temps de lever la tête puis une femme a sauté sur moi ! Puis j'ai vu une tonne de personnes autour de moi, je ne savais pas qui était qui ! (Page 8)

Au final je suis restée deux mois et demi là-bas, j'ai vécu dans la maison avec eux (page 8)

J'ai vécu dans le bidonville avec ma famille biologique. J'ai vraiment connu la vie quotidienne, c'est quelque chose quand même de vivre dans un bidonville ! (page 9)

J'ai adoré mon voyage, j'ai adoré mon expérience, j'ai même hâte d'y retourner (page 9)

J'ai su aux Philippines qui était ma vraie mère, même que je avais appelé ma mère adoptive pour lui dire que je savais qui était ma vraie mère, que c'était elle, ma mère adoptive. (Page 9)

Marie

Ma mère était une Maya, et mon père peut être un Blanc. Enfin je pense qu'il dEmmait être espagnol, car j'ai des traits assez espagnols là. (Page 3)

Par rapport à mon abandon (...) en fait, elle n'avait pas trop le choix. Elle savait que si je restais avec elle, je n'avais pas une bonne vie, tandis que si elle me mettait dans un orphelinat, j'allais avoir une vie plus merveilleuse qu'au Guatemala. Dans le fond je suis contente qu'elle ait fait ça, je suis vraiment contente (page 4)

On y va aux vacances de noël tous les quatre. On va aller au Guatemala et en Colombie, pour voir un peu nos pays à moi et mon frère. Je m'attends vraiment à pleins de choses extraordinaires, vraiment différentes d'ici. Tout va être différent, les paysages, les couleurs, les vêtements (page 4)

J'ai fait quelques recherches sur Internet, mais je ne connais pas vraiment. On va visiter les alentours, ce qui est important en fait. Découvrir un peu le pays quoi. (Page 4)

Ma mère m'a dit que c'est quand même un pays pauvre. Donc c'est sûr que ça me touche parce que j'aurais pu rester là. J'aurais pu être à leur place tu sais (page 5)

Quand je vais être là-bas, je vais regarder autour, les femmes qui seront dans la rue. Je me demanderais si ce n'est pas ma mère. Si jamais il y a quelqu'un qui me ressemble, je risque de me demander ça oui. (Page 5)

Si je l'avais en face de moi, je lui dirais merci je crois. Et puis je crois qu'elle serait contente de ce que je suis devenue. Elle serait rassurée que tout va bien pour moi, que je fais des études (page 5)

Quand je vais aller là-bas, je vais peut-être essayer de la retrouver parce que j'aimerais ça la rencontrer ? Mais d'un autre côté j'ai aussi peur qu'elle veuille que je reste avec elle. Parce qu'il faudrait que je lui explique que ma vie est ici. Mais si je la rencontre, je pense que je ne resterais pas en contact avec elle (page 5)

Mon père biologique lui c'est différent, parce qu'il a abandonné ma mère biologique, puis moi aussi. Donc si je le voyais, je serai un peu fâchée mais je ne peux pas trop lui en vouloir, même si j'ai le droit. (Page 5)

Karine

J'ai toujours été en contact avec eux (la famille d'accueil). La première fois que je les ai vu, j'ai passé un mois avec eux, on a visité le pays aussi, car je voulais voir comment c'était. (Page 4)

Mais mes parents le vivent bien, parce qu'on forme une grande famille en fait. Ils ont conscience que ça fait partie de mon passé. (Page 4)

Si un jour je les rencontre, je leur dirais que je ne suis pas fâchée, mais je voudrais juste savoir pourquoi ils ont fait ça, dans quelles circonstances. Qu'ils me racontent l'histoire dans laquelle je suis née et tout ça. (Page 6)

Je garderais toujours à l'esprit que ma mère m'a mise en adoption, il lui a fallut du courage pour me mettre en adoption. J'ai la chance de pouvoir vivre ici. C'est pour ça que je la remercie (page 7)

Emma

Il y a un an, je suis retournée vivre là-bas un an, parce que ça me manquait trop. J'avais plein de questions dans ma tête, et j'avais besoin d'avoir des réponses à tout ça. (Page 2)

Je n'étais pas bien avec ma famille, je souffrais beaucoup, donc j'ai eu besoin de partir, pour me découvrir, savoir qui j'étais. (Page 2)

Donc j'ai vécu là-bas, avec la culture du pays, les coutumes etc, ça m'a fait du bien de retrouver tout ça. J'ai vécu avec ma famille biologique, avec mes frères et soeurs de là-bas. Je me suis bien adaptée à cette vie-là ouais. (Page 2)

En fait, j'ai même hésité à repartir de là-bas tellement j'étais bien, donc j'ai vraiment hésité. Parce que c'était bien pour moi. J'étais vraiment dans mon élément en fait. Tout le monde me ressemblait, je n'étais plus différente. (Page 2)

En fait je suis revenue parce que quand même ils m'avaient adoptée, donc voilà, je ne pouvais pas leur faire ça. (Page 2)

De toute façon on y va tous les cinq ans à Wallis, avec toute la famille (page 2)

Mon coeur est là-bas, bien que je sois bien ici, ça change rien. Je suis peut-être disons 80% wallisienne et 20% québécoise, quelque chose comme ça. (Page 2)

Je voulais savoir, connaître mes parents biologiques, pourquoi ils avaient laissé me faire adopter. J'avais envie de savoir qui ils étaient. (Page 3)

En fait moi j'écris, et eux me téléphonent pour prendre des nouvelles, pour voir si ça se passe bien et tout ça. (Page 3)

Gabriel

Elle ne vit pas ça bien, elle me téléphone tout le temps, elle est de mauvaise humeur, donc à force j'en ai un peu marre. (...) parce qu'elle voulait trop prendre sa place de mère, et puis j'avais déjà une mère (Page 3)

A l'aéroport, toute sa famille m'attendait. Ca a été un choc, parce que tout le monde était content de me connaître. Tout le monde voulait que je reste là-bas. (page 5)

Moi la Belgique, j'aime pas ça, je trouve ça très beau, mais je n'y retournerais pas, c'est pas mon pays de toute façon, ça me fais trop penser à mon passé. (Page 5)

Mon père biologique, je ne veux pas le connaître, c'est quelqu'un qui a violé ma mère. Je n'ai pas du tout envie d'aller au Vietnam pour voir comment c'est par exemple. (Page 6)

Marie-Pierre

Peut-être qu'avant d'avoir des enfants, je chercherai à rencontrer ma mère biologique. Je pense que ça m'aiderait aussi à régler certains problèmes que j'ai avec mes relations avec les autres. Je ne suis pas encore prête aujourd'hui en fait. (Page 12)

Depuis que je sais que je suis adoptée, je me suis crée une image de ma mère dans ma tête. Donc si je la voie un jour, je risque d'être déçue de la réalité (page 12)

Samuel

J'aimerais un jour aller en Jamaïque pour connaître mon pays. Voir le soleil tout ça. J'irai avec mes amis, on en a déjà parlé. J'essayerai peut-être de retrouver ma mère biologique oui, si c'est possible. Pour voir un peu à qui je ressemble en fait. (Page 2)

Stéphane

C'est vrai que ça m'a fait plaisir de voir quelqu'un à qui je ressemblait enfin finalement. Aussi, elle me comprend et fait les mêmes choses que moi (page 7)

Si on est heureux, pourquoi aller chercher dans le passé ? Parce que si tes parents biologiques ne te cherchent pas, pourquoi tu irais vers eux ? C'est ça la bonne question à se poser (page 8)

Rachelle

Je pense qu'il y a un lien entre le fait de rechercher ses parents bios et la façon dont on a été élevé, dont on a grandi. Tu vois, nous, toute la gagne, les quinze enfants, on ne recherche pas à retrouver nos parents biologiques (...), on s'en fout (page 4)

Stéphane

Je n'ai pas de souvenirs précis de ma mère biologique, très peu. Ce n'est rien qu'une petite image d'une femme aux longs cheveux noirs. Je ne me rappelle plus (page 8)

Si je la rencontrais, je luis dirais « pourquoi tu m'as laissé là, est-ce que c'était une bonne affaire ? », j'aimerais connaître toute l'histoire familiale, mes racines. C'est ça qui me manque un peu oui (page 9)

H. Poème d'Afrique Noire sur la tolérance

Lorsque je nais, je suis noir.

Lorsque je grandis, je suis noir.

Lorsque je suis malade, je suis noir.

Lorsque j'ai froid, je suis noir.

Lorsque j'ai peur je suis noir.

Lorsque je vais au soleil, je suis noir.

Et lorsque je meurs, je suis et je reste noir.

Toi homme blanc,

Tu nais, tu es rose.

Tu grandis, tu es pêche.

Tu es malade, tu es vert.

Tu as froid, tu es bleu.

Tu as peur, tu es blanc.

Tu vas au soleil, tu es rouge.

Et lorsque tu meurs, tu es mauve.

Et tu oses me traiter d'homme de couleur !

Poème populaire d'Afrique du Sud

MOYTIER Delphine

Juillet 2006

Maîtrise IUP Mangement du Social et de la Santé

Option : intervention et développement

(Formation initiale)

Les adolescents de l'adoption internationale au Québec, quelle intégration ?

La famille est une des valeurs actuelles qui persiste encore aujourd'hui. L'adoption, comme mode de filiation, est un modèle familial de plus en plus répandu, en France, comme au Québec. Le domaine de la famille adoptive reste et constitue un sujet d'étude passionnant en sociologie et en psychologie.

Adopter, c'est transplanter un enfant de son milieu originel dans un nouveau milieu, plus précisément pour notre étude, au Québec. L'adolescent adopté va connaître le fait d'être différent de la majorité, coupé de ses racines culturelles. Il va aussi devoir se créer sa propre identité, mêlée de culture québécoise et de sa culture d'origine. L'objet de cette recherche est l'intégration des adolescents adoptés au Québec. Comment ces jeunes concilient-ils adoption, adolescence et identité à travers une adoption internationale ?

Grâce à des auteurs comme Durkheim, Dolto ou Verdier, nous avons pu constituer une base théorique appuyant notre recherche. L'adoption internationale croise les termes de famille, de culture, d'identité, d'intégration, de couleur de peau, de société et de lien social.

A travers quatorze entretiens d'adolescents adoptés à Montréal, nous allons voir quelles sont les stratégies de création d'identité et d'intégration au sein d'une société québécoise en éternelle mouvance, mêlée de culture américaine, de culture française et des cultures migrantes. Nous allons découvrir quelle(s) place(s) se font ces adolescents dans un contexte d'adoption internationale aujourd'hui au Québec.

Mots clés : adoption, adolescence, famille, identité, intégration, origines, société

Nombres de pages : 179

Annexes (en volume de pages) : 35

Centre de formation : IUP Management Social et Santé Université de Caen

 

* 1 CAMDESSUS Brigitte, L'adoption, une aventure familiale, éditions ESF, collection Le Monde de la famille, Paris, 1995, 238 pages.

* 2 VERDIER Pierre, Face au secret des origines, éditions Dunod, Paris, 2000.

* 3 Ibid

* 4 CAMDESSUS Brigitte, L'adoption, une aventure familiale, éditions ESF éditeur, 1995, 238 pages.

* 5 Aujourd'hui, c'est l'Etat, et plus particulièrement les DPJ (Départements de Protection de la Jeunesse) qui gèrent cela. Ce sont les services sociaux qui jugent si l'enfant a besoin d'être placé dans une famille d'accueil.

* 6 CAMDESSUS Brigitte, (sous la direction de), L'adoption, une aventure familiale, éditions ESF éditeur, collection Le Monde de la Famille, Paris, 1995, 238 pages.

* 7 CAMDESSUS Brigitte, (sous la direction de), L'adoption, une aventure familiale, éditions ESF éditeur, collection Le Monde de la Famille, Paris, 1995, 238 pages.

* 8 ETIENNE Jean, BLOESS Françoise, NORECK Jean-Pierre, ROUX Jean-Pierre, La sociologie, éditions Hatier, Paris, 2004, 447 pages.

* 9 ROUSSEL Louis, La famille incertaine, éditions Odile Jacob, Paris, 1989, 279 pages.

* 10 ROUSSEL Louis, La famille incertaine, éditions Odile Jacob, Paris, 1989, 279 pages.

* 11 SINGLY (De) François, Sociologie de la famille contemporaine, édition Armand Colin, collection Sciences sociales, 2e édition réactualisée, Paris, 2004, 128 pages.

* 12 SINGLY (De) François, Sociologie de la famille contemporaine, édition Armand Colin, collection Sciences sociales, 2e édition réactualisée, Paris, 2004, 128 pages.

* 13 Ibid

* 14 ETIENNE Jean, BLOESS Françoise, NORECK J.Pierre, ROUX J.Pierre, La sociologie, éditions Hatier, Paris, 2004, 447 pages.

* 15 ETIENNE Jean, BLOESS Françoise, NORECK J.Pierre, ROUX J.Pierre, La sociologie, éditions Hatier, Paris, 2004, 447 pages.

* 16 DELAROCHE Patrick, L'adolescence, éditions Armand Colin, Paris, 2000, 128 pages

* 17 DELAROCHE Patrick, L'adolescence, éditions Armand Colin, Paris, 2000, 128 pages

* 18 Ibid

* 19 DELAROCHE Patrick, L'adolescence, éditions Armand Colin, Paris, 2000.

* 20 DOLTO Françoise, DOLTO-TOLITCH Catherine, Paroles pour adolescents, le complexe du homard, Hatier, Paris, 1989, 186 pages.

* 21 DELAISI Geneviève et VERDIER Pierre, Enfant de personne, éditions Odile Jacob, Paris, 1994.

* 22 LE BRETON David, L'adolescence à risque, éditions Autrement, collection Mutations, Paris, 2002, 184 pages.

* 23 LE BRETON David, L'adolescence à risque, éditions Autrement, collection Mutations, Paris, 2002, 184 pages.

* 24 SZEJER Myriam, Le bébé face à l'abandon, le bébé face à l'adoption, éditions Alban Michel, Paris, 2000, 298 pages.

* 25 SZEJER Myriam, Le bébé face à l'abandon, le bébé face à l'adoption, éditions Alban Michel, Paris, 2000, 298 pages.

* 26 ETIENNE Jean, BLOESS Françoise, NORECK J.Pierre, ROUX J.Pierre, La sociologie, éditions Hatier, Paris, 2004, 447 pages.

* 27 ETIENNE Jean, BLOESS Françoise, NORECK J.Pierre, ROUX J.Pierre, La sociologie, éditions Hatier, Paris, 2004, 447 pages.

* 28 DURKHEIM Emile, Le suicide, éditions PUF, collection Quadrige, Paris, 1897, 463 pages.

* 29 ETIENNE Jean, BLOESS Françoise, NORECK J.Pierre, ROUX J.Pierre, La sociologie, éditions Hatier, Paris, 2004, 447 pages.

* 30 Ibid

* 31 ETIENNE Jean, BLOESS Françoise, NORECK J.Pierre, ROUX J.Pierre, La sociologie, éditions Hatier, Paris, 2004, 447 pages.

* 32 MORRIER Ginette, Les stratégies identitaires des adolescents de l'adoption internationale appartenant à deux groupes racisés, Mémoire de maîtrise en sociologie, Université du Québec à Montréal, mars 1995.

* 33 MAURY Françoise, L'adoption interraciale, éditions L'Harmattan INC, Montréal, 1999, 330 pages.

* 34 Ibid

* 35 MAURY Françoise, L'adoption interraciale, éditions L'Harmattan INC, Montréal, 1999, 330 pages.

* 36 MAURY Françoise, L'adoption interraciale, éditions L'Harmattan INC, Montréal, 1999, 330 pages.

* 37 Ibid

* 38 MORRIER Ginette, Les stratégies identitaires des adolescents de l'adoption internationale appartenant à deux groupes racisés, Mémoire de maîtrise en sociologie, Université du Québec à Montréal, mars 1995.

* 39 Ibid

* 40 MAURY Françoise, L'adoption interraciale, éditions L'Harmattan INC, Montréal, 1999, 330 pages.

* 41 Ibid

* 42 MAURY Françoise, L'adoption interraciale, éditions L'Harmattan INC, Montréal, 1999, 330 pages.

* 43 ETIENNE Jean, BLOESS Françoise, NORECK J.Pierre, ROUX J.Pierre, La sociologie, éditions Hatier, Paris, 2004, 447 pages.

* 44 Ibid

* 45 ETIENNE Jean, BLOESS Françoise, NORECK J.Pierre, ROUX J.Pierre, La sociologie, éditions Hatier, Paris, 2004, 447 pages.

* 46 MAURY Françoise, L'adoption interraciale, éditions L'Harmattan, collection Psychologies, Paris, 1999, 330 pages.

* 47 MAURY Françoise, L'adoption interraciale, éditions L'Harmattan, collection Psychologies, Paris, 1999, 330 pages.

* 48 BLANCHET A., GOTMAN A., L'enquête et ses méthodes : l'entretien, édition Nathan, 2001.

* 49 Les références aux entretiens seront faites de la manière suivante : le nom fictif de l'adolescent sera cité au début ou en fin de citation, ainsi que le numéro de page de l'entretien concerné.

* 50 ETIENNE Jean, BLOESS Françoise, NORECK Jean-Pierre, ROUX Jean-Pierre, La sociologie, éditions Hatier, Paris, 2004, 447 pages.

* 51 Source 2001 du Secrétariat d'Adoption Internationale du Québec (le SAI)

* 52 Dans une adoption ouverte, l'enfant adopté garde contact avec sa famille ou sa mère biologique, contrairement à l'adoption fermée (en France comme au Québec).

* 53 DOLTO Françoise, DOLTO-TOLITCH Catherine, Paroles pour adolescents, le complexe du homard, Hatier, Paris, 1989, 186 pages.

* 54 Devant les tarifs exorbitants de certaines adoptions internationales, La Banque Nationale du Canada propose même des « solutions de financement » pour aider les parents lors d'un projet d'adoption. On peut lire sur le site Internet de la banque « À la Banque Nationale, nous sommes conscients que beaucoup de parents sont contraints, faute d'argent, de retarder ce qui constitue la réalisation de leur plus grand rêve, l'adoption d'un enfant. C'est pourquoi nous avons conçu un programme spécifique pour vous soutenir financièrement dans votre démarche d'adoption. »

* 55 Pourtant, plus la période passée sans référence maternelle stable est longue, plus il y a une risque de problème d'attachement.

* 56 Voir le site www.quebecadoption.net

* 57 MORRIER Ginette, Les stratégies identitaires des adolescents de l'adoption internationale appartenant à deux groupes racisés, Mémoire de maîtrise en sociologie, Université du Québec à Montréal, mars 1995.






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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand