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La tentation hagiographique dans les biographies de Pascal

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par Karine Lanini
Université Paris III-Sorbonne nouvelle -  1996
  

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C. Le récit de Marguerite, la biographie non-autorisée ?

Biographie non autorisée parce que radicalement éloignée du texte de Gilberte : celle-ci concentrait son attention sur la vie morale de son frère, celle-là livrera les anecdotes les plus diverses touchant à la vie de son oncle. Cette seconde biographie est beaucoup plus courte : à peine huit pages10(*), marquées par un recul chronologique - le récit est postérieur à celui de Gilberte - et par un recul familial - Marguerite ne pouvant avoir de son oncle que des souvenirs d'enfant ou des informations rapportées. Curieux récit qui s'ouvre sur le récit d'une possession - une espèce de sorcière aurait jeté un sort au jeune Blaise pour se venger du père de celui-ci, sort qui lui aurait fait pousser des hurlements à la seule vue de l'eau et au spectacle de la proximité de ses parents - et qui se referme sur la description très crue de l'autopsie du crâne de Pascal, manière insolite de remplir le contrat biographique en évoquant la naissance et la mort d'un homme. L'ensemble du récit est à l'image de ces deux anecdotes : dispersé, ponctuel et presque `bavard', comme si Marguerite jetait sur le papier les souvenirs tels qu'il lui parvenaient, bruts et désordonnés. Quand Gilberte construisait patiemment un monument épuré, Marguerite `déconstruit' une vie et met l'accent sur les `accidents' de cette vie. Le `génie' de Pascal tel que l'avait senti, puis décrit, Gilberte, lui échappe manifestement, et quand Pascal, affligé d'un terrible mal de dents, résout le problème de la roulette qu'avait lancé le Père Mersenne, c'est la fin du mal plus que la solution du problème qui impressionne Marguerite : « Cette application si vive détourna son mal de dents, et quand il cessa d'y penser après l'avoir trouvée il se sentit guéri de son mal »11(*). Cette seule remarque rend compte de la différence des deux biographies et, partant, des deux biographes, mais cette différence est profondément utile puisque dans son bavardage, Marguerite met l'accent sur ce que Gilberte s'évertuait à dissimuler, notamment la période mondaine. Dans le récit de Gilberte, l'épisode mondain était présenté comme une nécessité médicale, et admise à contrecoeur  : « Il y eut beaucoup de peine d'abord [ à se laisser aller au divertissement qu'offre la mondanité ] ; mais on le pressa tant de toutes part qu'il se laissa enfin aller à la raison spécieuse de remettre sa santé »12(*). Marguerite, au contraire, multiplie les allusions aux plaisirs que Pascal trouvait à fréquenter le monde:

« Il fut contraint de revoir le monde, de jouer et de se divertir. Dans le commencement cela était modéré, mais insensiblement le goût en revient, on ne s'en sert plus par remède, on s'en sert par plaisir. Cela arriva »13(*).

Et, comble de l'irrespect, elle évoque la situation professionnelle et amoureuse, ou matrimoniale, de son oncle : « Il jeta la vue et sur une fille et sur une charge ».14(*) Comme dans le récit de Gilberte, Pascal finit par se retirer du monde, mais couvert de la haine du monde qui lui reproche d'avoir entraîné le comte d'Harcourt dans sa folie, et dans son hérésie de préférer Dieu à un beau parti.

A travers le récit de Marguerite, Pascal fait plus figure de misanthrope que de saint, et même si son texte est tout aussi subjectif que celui de Gilberte, voire plus romancé, il révèle, par opposition, ce que Gilberte, biographe attitrée, voulait dissimuler. Pascal n'était sans doute pas le monstre asocial qu'en fait sa nièce, mais il n'était sans doute pas plus le saint homme que voulait nous faire admirer sa soeur. Aucun des deux textes ne relève de la stricte biographie, mais la comparaison des deux met en évidence le dessein de Gilberte, celui de sanctifier la mémoire d'un frère en réécrivant sa vie à la manière d'une hagiographie sous couvert de biographie.

* 10 dans l'édition Pléiade

* 11 p.40

* 12 La vie de Monsieur Pascal écrite par Madame Périer, sa soeur, p.10

* 13 Mémoire sur la vie de M.Pascal écrit par Mademoiselle Marguerite Périer, sa nièce, p. 37

* 14 ibid.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein