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L'activité culinaire des étudiants étrangers

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par Frédérique Giraud
Ens-Lsh - Master 1 de Sociologie 2006
  

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2) Les produits du pays d'origine sont-ils disponibles en France ?

En ce qui concerne l'approvisionnement, Emmanuel Calvo121 distingue deux situations possibles : soit les aliments du pays d'origine du migrant appartiennent aussi bien au mode alimentaire du groupe qu'à la société d'insertion dans ce cas-là l'approvisionnement ne revêt pas une importance particulière, soit les aliments sont difficilement trouvables dans le pays hôte.

C'est lorsque les produits alimentaires recherchés ne sont pas aisément accessibles, que l'approvisionnement devient une étape essentielle et décisive de la préparation culinaire. Elle demande une période d'apprentissage selon le degré d'éloignement culturel de la société du migrant à la société d'accueil et peut représenter un obstacle plus ou moins grand à la reconstitution des recettes de son pays. Le plus souvent, toutes les denrées ne peuvent être trouvées facilement. Comment faire ses courses à l'étranger ? Quelles attitudes adopter dans des supermarchés dont on ne maîtrise pas la langue ? Faut-il acheter ou non des produits que l'on ne connaît pas, et dont on ne sait pas bien à quoi ils servent ?

Jean-Pierre Hassoun et Anne Raulin122 se demandent « Que reste-t-il de la notion d'exotisme alimentaire à l'époque de ce que certains appellent le « village planétaire » ? Vivons-nous dans un état culinaire indifférencié ? Leurs observations ethnographiques dans des grandes et moyennes surfaces de la région parisienne leur permettent de conclure à un certain affadissement de la notion d'exotisme, du moins dans ces magasins123. En effet chez Carrefour, Mammouth et autres Intermarché qui dessinent pour une large part le paysage alimentaire de la France des années 90, l'industrialisation, la production de masse, et la mondialisation des relations commerciales ont conduit à standardiser et à rapprocher des produits qui, hier, étaient exotiques, rares et difficiles d'accès. Dans ce mouvement, l'exotisme alimentaire a tendance, si ce n'est à disparaître, tout au moins à nettement s'affaiblir ou s'affadir. Les produits exotiques les plus répandus tels que le parmesan, le mascarpone, les nems, les tapas, les chipolatas, les merguez, la purée de pois chiche... sont aisément accessibles dans les supermarchés traditionnels. Mais ce qui est vrai pour certains éléments de la cuisine asiatique et de la cuisine du Maghreb l'est beaucoup moins en ce qui concerne la cuisine roumaine ou brésilienne ou encore des produits asiatiques... moins répandus. Les produits spécifiques à certaines régions ne se trouvent pas en France.

Une autre difficulté surgit pour les groupes tenus à l'observance stricte de prescriptions religieuses qui doivent se procurer les aliments là où l'offre en garantit la qualité culturelle. Pour ces produits qui doivent être présentés conformément aux rites établis par les règles culturelles (viandes halal et cachère), ou qui doivent résulter d'une préparation aboutissant à

121 Emmanuel Calvo, « Migration et alimentation », Cahiers de sociologie économique et culturelle, n°4, décembre 1985

122 Jean-Pierre Hassoun et Anne Raulin, « Homo exoticus », Mille et une bouches. Cuisines et identités culturelles, Collection Autrement, Paris, 1995

123 Il apparaît en effet que les lieux de distribution fréquentés par les couches supérieures et/ou moyennes, tels que Monoprix ou encore L'épicier de l'exotique. Bernard Broquière, Le Comptoir colonial, adoptent des classements différenciés pour les produits. Par-delà l'offre habituelle du rayon alimentaire, l'exotisme peut se repérer dans de nombreux endroits par la présence de rayonnages qui classent l'offre alimentaire par nationalités

des présentations spécifiques, l'approvisionnement comporte un degré supplémentaire de difficulté. Il ne s'agit en effet plus seulement de retrouver un produit identique ou au mieux équivalent puisqu'il faut qu'il soit préparé selon certaines règles.

L'approvisionnement en France en produits spécifiques d'un pays étranger dépend de l'existence d'une offre en produits alimentaires étrangers et de leur facilité d'accès. Celle-ci est liée à la structuration des groupes migrants dans le pays et de l'histoire des relations du groupe avec le pays ou la commune, de l'existence de circuits de production et de distribution, ainsi que de leur efficience. S'ajoute alors à la difficulté matérielle de l'accès aux marchandises, le coût de celles-ci. Nécessitant des techniques difficiles à mettre en oeuvre, les produits sont rares et chers, le circuit de ravitaillement n'est constitué que de quelques points de vente.

L'étudiant doit se familiariser à une nouvelle géographie alimentaire. Il faut distinguer trois sources différentes d'approvisionnement : les petites et moyennes surfaces françaises (tels que Atac, Casino, Ed, Lidl, Carrefour), les magasins spécialisés (magasins asiatiques, marchés de fruits et légumes à identité étrangère dominante124), et enfin une source de nature différente le don. Le don n'est pas une source quantitativement importante d'aliments, il se matérialise sous différentes formes : le colis des proches ou de la famille reçu sur place, le don des autres personnes de sa nationalité à l'étranger. Une autre stratégie d'approvisionnement, mentionnée par E Calvo, pourrait être distinguée, mais elle n'apparaît pas chez des étudiants, c'est celle qui consiste à cultiver son propre jardin potager, pour avoir à disposition et à un coût moindre les denrées de base de son alimentation.

Les modes d'approvisionnement sont distincts selon les produits. Si les gens se tournent vers les grandes surfaces pour faire le gros plein des courses, ils se tournent régulièrement vers les petits commerçants « ethniques » pour l'achat de certains produits : l'achat de la harissa, du piment, c'est à dire des produits les plus spécifiques.

Les stratégies mises en oeuvre par les groupes pour se procurer l'ensemble des denrées alimentaires dépendent de l'insertion du groupe dans la société et plus particulièrement dans un réseau de relations. Suivant leurs nationalités, les étudiants étrangers sont inégalement bien lotis quant à l'existence ou non de magasins spécialisés. Les étudiants asiatiques et maghrébins sont de ce point de vue extrêmement bien lotis à Lyon. Ils disposent d'un grand nombre d'épiceries spécialisées125, où ils peuvent trouver l'essentiel des produits recherchés.

124 Notre enquête se déroulant à Lyon, nous faisons ici référence en particulier au quartier de la Guillotière et notamment à la rue Passet dans le 7ème arrondissement. Situé sur la rive gauche du Rhône ce quartier Asiatique s'inscrit dans un rectangle dont les quatre côtés sont respectivement, la rue Basse Combalot, la rue d'Aguesseau, la place Raspail et la rue de Marseille. On y trouve essentiellement des épiceries dont les étalages offrent une grande variété de produits d'origine avec des commerçants et des clients qui parlent le plus souvent le chinois, mais également trois ou quatre boutiques de vêtements traditionnels, un artisan chinois spécialiste en bâtiments et des restaurants chinois, coréens assez nombreux.

125 On pourrait aussi parler de magasins exotique, mais de façon stricte, on définit comme exotique l'établissement distribuant des produits spécifiques à une population dont n'est pas issu le commerçant. Or ce n'est pas le cas pour les magasins asiatiques ou tunisiens par exemple. Par ailleurs, nous ne pourrions faire rentrer Carrefour dans cette catégorie si nous utilisions le vocable exotique.

Ce qui caractérise ces lieux, ce n'est pas la présence de produits exotiques, on en trouve aussi à La Grande Epicerie de Paris ou Monoprix, Carrefour c'est leur omniprésence. Remarquons que l'appellation exotique est réservée à l'alimentaire.

En revanche les étudiants brésiliens, roumains ne peuvent à Lyon se fournir en produits de leur pays, à moins de chercher dans tous les magasins étrangers au cas où les produits s'y trouveraient. Ainsi, un ou deux produits brésiliens peuvent se trouver dans les magasins africains. Par contre, les produits roumains ne sont pas disponibles même dans les épiceries spécialisées dans les produits des pays de l'est. La situation des étudiants italiens, américain et allemands est encore autre. C'est la trop grande proximité de ces pays avec la France qui explique l'absence des produits de ces pays parmi les produits considérés et vendus comme exotiques en France126. Les denrées qui sont considérées comme exotiques en France doivent dépayser, inviter au voyage. On peut imaginer que le mangeur français ne res sent pas le besoin de manger du gorgonzola de montagne, très riche en goût alors qu'il a déjà à sa disposition un grand nombre de fromages, c'est pourquoi cette variété du produit n'est pas importée et manque en France. L'exotisme italien en France est très ancien puisqu'on le trouve dès les années 1920, il ne provient au début que d'une Italie conçue dans sa globalité. Au fur et à mesure, il a été prêté attention à la cuisine des différentes régions d'Italie, et l'exotisme semble se faire plus rigoureux et plus respectueux des cultures régionales.

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