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L'activité culinaire des étudiants étrangers

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par Frédérique Giraud
Ens-Lsh - Master 1 de Sociologie 2006
  

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I. Reproduire ponctuellement des pratiques culinaires issues du pays d'origine

La volonté de reproduire en France des plats de son pays n'est pas homogène : on peut distinguer des raisons différentes à un même acte. On montrera que la volonté de conserver des pratiques alimentaires au plus proche de son pays peut être globale ou concerner uniquement quelques plats. Elle prend forme en des temps particuliers touj ours signifiants pour l'individu.

La première logique témoignant de la conservation des pratiques alimentaires est liée à un manque des produits de son pays.

1) Nostalgie alimentaire

a) « Les madeleines de Proust » : une recette pour retrouver un environnement famiier

G Desmons et A O'Mahoney146 étudiant les habitudes alimentaires de la population anglophone du sud-ouest de la France constatent que 60% des anglophones n'achètent pas de produits « d'origine anglaise ». Même si les produits sont disponibles sur le marché, les expatriés n'éprouvent pas le besoin de consommer des produits venant de leur pays d'origine. Ceux qui le font achètent du chutney, du bacon, des baked beans, des biscuits, des chips et du thé. Ces achats sont consécutifs à une offre existante de ces produits, c'est une question d'opportunités, les anglophones qui font volontairement le détour par des magasins spécialisés sont moins nombreux.

Il faut donc considérer que pour les populations étrangères en France venant de pays proches ou limitrophes147, l'attitude la plus courante consiste à ne pas rechercher des produits typiques de son pays pour leur cuisine de tous les jours. Certaines périodes de l'année sont plus propices à la volonté de retrouver des saveurs connues, ce sont les périodes de fêtes, auxquelles sont attachées des traditions culinaires bien différenciées selon les pays.

Seuls 23% des répondants ramènent des produits alimentaires lors de leurs séjours en Angleterre, et lorsqu'ils le font, ce sont majoritairement des produits de Noël, notamment le Christmas pudding, les mince pies, cakes...Ce sont donc plutôt des produits sucrés, constituant une sorte de réconfort affectif.

L'attrait pour les produits sucrés se retrouve chez Christina. Avant son arrivée en France, en prévision de son départ, elle avait acheté de nombreux sachets de bonbons (notamment des petits oursons), des paquets de chewing gum, qu'elle avait peur de ne pas trouver en France. Lors de ses retours ponctuels en Allemagne, elle en profite systématiquement pour « faire le plein » de sucreries. C'est aussi un dessert qu'elle se prépare quelques jours après son arrivée en France. Comme on peut le remarquer, le plat choisi pour symboliser le familier peut être plus lié à des traditions familiales que véritablement un emblème du pays. « Est-ce qu 'il a un

plat que tu fais en France, quand l 'Allemagne te man que beaucoup ? En général non, sauf que, c 'est pas forcément une chose allemande, mais c 'est une chose qu 'on fait beaucoup dans ma famille, c 'est un dessert le tiramisu, juste après que j 'ai déménagé. C 'était tout au début, mais ça me faisait vraiment envie »

146 G Desmons et A O'Mahoney, « Nourriture, langage, culture. Les anglophones du Sud-Ouest de la France en voie de mutation culinaire », Faire la cuisine. Analyses pluridisciplinaires d'un nouvel espace de modern ité. Les Cahiers de l'OCHA, n° 11, 2006

147 ce qui concerne nos enquêtés allemand, italien et américain

Les expatriés temporaires sans être véritablement nostalgiques de leur pays soignent leur vague à l'âme en mangeant des sucreries. Le même constat peut être établi pour les Français expatriés à l'étranger pendant un à deux ans. Parmi les bloggeurs interrogés, il apparaît que c'est lors des moments de lassitude et de nostalgie par rapport à son pays que l'on a besoin de chocolat ou d'une autre sucrerie. On se rappelle l'anecdote de la taxe chocolat racontée plus tôt.

« Mais bon, j 'ai pris 2 carrés de chocolat avant de dormir ! C'est du magnésium ! Peut être que je suis malade parce que la bouffe française me manque ??? » écrit Mimine sur son blog.148.Les bloggeurs mettent énormément en avant ce fait dans leurs chroniques culinaires : outre les recettes et découvertes qu'ils offrent à la lecture, ils se plaignent de manquer de produits tels que le chocolat, le nutella... Ces informations permettent de mettre à jour que l'alimentation peut avoir un rôle remarquable s'agissant de recréer un environnement affectif. Les moments de déprime se soignent grâce à des produits phares, sucrés.

Mais les migrants peuvent avoir également envie de retrouver des habitudes alimentaires plus générales. Il s'agit alors de refaire des plats que l'on est habitué à manger chez soi, que ce soit des plats typiques de son pays, de sa région ou de sa famille. Ce sont des plats que le mangeur rattache à sa vie chez lui et qui lui permettent de recréer une ambiance proche de celle de chez lui. Ainsi pour Giovanni, les plats de fruits de mer sont rattachés à sa vie en Italie. « Est-ce qu 'il y a un plat que tu fais en France et qui te rappelle l 'Italie ? Les choses avec les fruits de mer...oui...quand j'achète des coquillages oui, et aussi dans ma région y'a beaucoup de truites, c 'est très typique de ma région, et quand je fais du poisson avec Juliette, c 'est que

c 'est bon tu vois mais aussi c 'est que ça vient de chez moi. ». On remarque d'ores et déjà que notre colocataire réserve ces plats de fruits de mer pour les week-ends où sa petite amie le rejoint à Lyon. Il en mange exclusivement avec elle.

« C 'était important pour toi de leur[ colocataires] préparer un plat roumain? Oui, je sais pas, ça me rappelait la maison, ça me rappelait mes habitudes là»

Théodora rappelle que reproduire une recette c'est plus que préparer un plat et retrouver des saveurs. C'est aussi refaire les mêmes gestes, des gestes familiers ceux que fait la mère dans la cuisine, qu'elle a appris à sa fille, c'est revivre des sensations gustatives, olfactives, visuelles mais aussi tactiles au moment de la préparation de ce plat. L'odeur et la vue du plat rappelle l'ambiance, la famille, la maison, la mère, c'est à dire tout ce qui fait le chez soi et l'environnement familier.

Stéphane Tabois149 montre qu'après l'Indépendance, les Pieds-Noirs ont travaillé à consolider une homogénéité identitaire. Le groupe forge de lui-même une image bricolée fédératrice, au sein de laquelle les pratiques culinaires fournis sent un support de choix. L'alimentation renvoie à des souvenirs d'un temps idéalisé ; le sentiment d'appartenance pied-noir repose en partie sur l'idée que ces exilés partagent un goût qui se veut atavique pour les nourritures méditerranéennes. Préparer des recettes et consommer les plats symboles de son passé alimentaire apporte une illustration de l'homogénéité culturelle du groupe ici et maintenant comme autrefois et là-bas. Il y a dans le fait de manger ensemble et d'apprécier la nourriture « typique » une confirmation comme en miroir de l'identité chinoise, italienne...ou pied-noir du plat et en conséquence de celui qui l'incorpore.

148 http://mimine.uniterre.com

149 Tabois, Stéphane, "Cuisiner le passé. Souvenirs et pratiques culinaires des exilés pieds-noirs",Diasporas, Histoire et Sociétés, Cuisines en partage, 2005,

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon