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Les représentations dans la géographie : une approche à valoriser dans les pays du Sud (l'exemple des hautes terres d'afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale

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par David Leyle
Université Bordeaux 3 - DEA de géographie 2001
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITÉ MICHEL DE MONTAIGNE-BORDEAUX III
UFR de géographie

LES REPRÉSENTATIONS DANS LA GÉOGRAPHIE : UNE

APPROCHE A VALORISER DANS LES PAYS DU SUD

L'EXEMPLE DES HAUTES TERRES D'AFRIQUE DE L'OUEST ET D'AFRIQUE
CENTRALE

Mémoire de D.E.A. en géographie présenté par
David LEYLE

Sous la direction de M. Georges ROSSI
Septembre 2001

REMERCIEMENTS

Je tiens tout d'abord à remercier M. Georges Rossi, pour m'avoir permis de traiter cette thématique qui me tient à coeur. Ces remerciements vont également à M. Morin, M. Bart, M. Bidou et M. Di Méo, qui m'ont également apporté de précieux éclairages pour la rédaction de ce mémoire.

Merci aux différents acteurs du centre de documentation Regards, pour leur appui logistique et bibliographique, ainsi qu'à tous ceux qui ont contribué à mes recherches dans les centres de documentation de Bordeaux, Paris et Toulouse.

Merci à ma famille et à mes amis, pour leur soutien et leur compréhension tout au long de cette année.

Merci à Mathilde et à Mallory pour leur collaboration à ce travail.

Merci à Emilie pour la relecture de ce mémoire.

Enfin, merci à mon grand-père, René Richard, pour ses magnifiques illustrations.

Illustration de la couverture: L'aiguille de Saptou, dominant du haut de son escarpement vertigineux (Mont Alantika, Cameroun) la plaine du Faro qui s'étend à perte de vue. (d'après un cliché de Morin, S.)

AVANT PROPOS

Le choix ma thématique fait suite à une expérience de terrain dans le massif du Fouta-Djalon où, lors de travaux d'enquêtes en milieu rural, j'ai remarqué qu'il existait souvent un fossé entre le discours des différents projets développés sur place et la réalité paysanne. Cette dichotomie est due à un manque de compréhension des logiques socio-spatiales des individus et des communautés qu'ils composent. J'ai donc choisi de m'intéresser à ces dysfonctionnement par le biais des représentations, dont le rôle est aujourd'hui en géographie mis en avant dans les dynamiques spatiales.

La démarche que j'ai adopté pour réaliser ce DEA s'intègre dans une logique de long terme, dans la mesure où je souhaite poursuivre par une thèse doctorale. Il m'est apparu que la fonction du DEA est effectivement celle-ci : construire une bibliographie élargie, poser les bases de réflexions, émettre des hypothèses et tenter de mettre en évidence des pistes d'argumentation dans l'étude d'une thématique.

De toute manière, ce choix s'imposait à moi dans la mesure où mon terrain d'étude se situe en Afrique de l'Ouest et qu'il ne m'a pas été possible d'effectuer sur place des enquêtes approfondies, afin de confronter mes hypothèses et mes méthodes à la réalité du terrain.

Il me paraît également important de souligner les difficultés dans mes recherches bibliographiques : rares sont les publications associant ma thématique et mon terrain d'étude. De plus, une grande partie des ouvrages sur les pays du Sud ne sont aujourd'hui plus accessibles, avec la fermeture des centres de documentations du Ministère de la Coopération à Paris, privant ainsi de nombreux étudiants et chercheurs de bases de données importantes. De la même manière, de nombreuses personnes rencontrées dans les centres de documentation sont sceptiques quand à l'avenir du réseau Ibiscus.

J'ai dû alors travailler par procuration, à travers les écrits d'autres chercheurs et les observations de mes propres expériences de terrain, avec le risque que mon discours subisse le filtre de mes propres représentations.

Pour ces raisons, cette approche se veut prudente. En adopter une autre, plus objective, plus affirmative, ne pouvait se faire sans déformation de la réalité géog raph iq ue.

NB : les astérisques ( * ) dans le texte renvoient aux définitions des termes concernés, qui, comme les « notes » se consultent dans les annexes (fascicule)

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INTRODUCTION

Un tata samba (Atacora) avec ses fétiches. La religion animiste tourne autour des fétiches qui sont la représentation et plus exactement un abri pour l'âme de l'être ou de l'animal vénéré décédé.

INTRODUCTION

« Qu'on apporte cent preuves de la même vérité, aucune ne man quera de partisans, chaque esprit a son télescope. C'est un colosse à mes yeux que cette objection qui disparaît aux vôtres : vous trouvez légère une raison qui m'écrase. »

Diderot, pensées phiosophiques, 1746, XXIV

« Il nous faut sortir de la logique impersonnelle et objective de la démarche scientifique habituelle et explorer l'univers mental des hommes ». Par cette invitation, Paul Claval résume un courant de pensée de plus en plus adopté dans les sciences humaines et sociales et plus particulièrement dans la géographie: la prise en compte de la subjectivité dans l'approche des problématiques socio-spatiales. L'identification et la lecture des représentations1 de la réalité géographique, permettent aujourd'hui de tendre à une meilleure compréhension des logiques et des stratégies qui motivent les individus et leurs groupes sociaux.

Ces multiples réflexions ont engendré une profonde remise en cause épistémologique dans la discipline : en enrichissant la portée des connaissances disponibles sur les comportements spatiaux des hommes, elles s'affirment progressivement comme une alternative incontournable aux principes, aux démarches déterministes et ethnocentriques qui sévissent toujours. En effet, si l'on s'attache aux politiques de développement et de gestion de l'environnement écologique, passées et présentes, dans les pays du Sud on constate que bien trop souvent elles sont pensées, conçues et appliquées en référence à des rationalités occidentales, qui sont propres aux pays du Nord.

Relayées par des Etats soumis aux conditions drastiques des ajustements structurels et qui n'ont pas véritablement le choix de leurs perspectives, ces conceptions du développement et de l'écologie apparaissent inadéquates aux réalités et aux logiques des sociétés du Sud. Rares sont les projets ou les politiques menées dans ces domaines qui parviennent à leurs termes tout en remplissant les objectifs fixés.

Ainsi, à travers l'exemple des hautes terres en l'Afrique de l'Ouest et en l'Afrique Centrale -à savoir la dorsale guinéenne, la chaîne de l'Atacora et la dorsale camerounaise2-, nous chercherons à mettre en évidence l'importance de l'étude des représentations, dans une approche géographique et critique de politiques et de projets conduits dans les pays du Sud. La dissémination de ce terrain d'étude s'explique par la nécessité de concrétiser notre démarche à travers des exemples, qui présentent des caractéristiques biophysiques, culturelles et socio-économiques

1 la représentation consiste soit à évoquer les objets en leur absence, soit à enrichir la stricte connaissance perceptive par des considérations et des connotations émanant du couple intelligence / imagination. (Piaget et Inhelder)

2 voir carte p. 4 bis et p.8 à p.1 1bis

contrastées, mais qui facilitent l'argumentation par une documentation plus importante et les possibilités de comparaison.

Ajoutons enfin que dans des aires géographiques où la grande majorité de la population vit dans des espaces ruraux, où l'environnement écologique est considéré comme riche et fragile, une multitude de projets se succèdent depuis plusieurs décennies. Or, la compréhension des logiques paysannes et de leurs dynamiques spatiales, étape qui parait obligatoire dans ces processus, souffre visiblement trop souvent d'un cloisonnement des conceptions et des méthodes employées.

La clé d'entrée des représentations montre que les recherches menées à ce niveau restent sous-utilisées, voire ignorées par les structures nationales, internationales ou privées, chargées des actions de développement et de gestion de l'environnement. Nous ne jugeons pas ce système interventionniste, mais nous tentons plutôt de mettre en valeur un courant de recherche qui apparaît porteur et utile dans ses applications.

Dans notre première partie, la difficulté réside dans l'étendue du domaine d'étude des représentations. Cette thématique est en effet partagée, étudiée, conceptualisée par de nombreuses sciences humaines et sociales (psychologie, sociologie, ...etc.) ; elle peut donc être abordée sous différents points de vue. Pour notre part nous nous placerons dans une approche géographique, en essayant de cerner quelles peuvent-être les implications des perceptions et des représentations, d'objets géographiques mais aussi d'objets socioculturels ou économiques, dans les logiques spatiales des individus et des sociétés des pays du Sud.

La deuxième partie sera consacrée à la dialectique représentations-milieux montagnards. En effet, les montagnes sont communément admises, notamment dans les discours des différents organismes et projets, comme des milieux aux caractéristiques et aux potentialités spécifiques, mais également comme des aires sous-développées et fragiles. Quelle est la véritable portée de ces écosystèmes sur les sociétés, leurs territoires et les images qu'elles produisent ? Nous nous pencherons alors sur ce « fait montagnard » et sa confrontation aux environnements des hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale, et nous nous interrogerons sur leurs interactions avec les représentations des individus et des communautés qui y vivent.

La dernière partie proposera une grille de lecture des représentations, en s'appuyant sur des études de cas. Il s'agit de faire une critique d'actions menées sur les hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale. Loin d'être exhaustifs, les faisceaux de représentations présentés invitent à s'interroger sur la validité de l'interventionnisme dans ces environnements socio-écologiques et tente de justifier la nécessité de s'ouvrir aujourd'hui à d'autres méthodes de travail.

SOMMAIRE

INTRODUCTION GENERALE

PREMIÈRE PARTIE : LE CONCEPT DES REPRÉSENTATIONS DANS LA GÉOGRAPHIE : ESSAI MÉTHODOLOGIQUE.

CHAPITRE 1 : DES SCIENCES SOCIALES Á LA GÉOGRAPHIE: L'ÉMERGENCE DU CONCEPT CONTEMPORAIN DES REPRÉSENTATIONS.

CHAPITRE 2 : LES REPRÉSENTATIONS DANS LA GÉOGRAPHIE : UNE NOUVELLE APPROCHE DU RAPPORT DE L'HOMME A L'ESPACE ?

DEUXIÈME PARTIE : LES HAUTES TERRES D'AFRIQUE DE L'OUEST : DES MILIEUX SPÉCIFIQUES POUR L'ÉTUDE DES REPRÉSENTATIONS ?

CHAPITRE 1 : LES HAUTES TERRES D'AFRIQUE DE L'OUEST, DES MILIEUX AUX CARACTÉRISTIQUES BIOPHYSIQUES MONTAGNARDES ?

CHAPITRE 2 : LA DIALECTIQUE REPRÉSENTATIONS-MILIEUX MONTAGNARDS EN AFRIQUE DE L'OUEST : QUELLE REALITE GÉOGRAPHIQUE?

TROISIÈME PARTIE :TENTATIVE D'APPROCHE DES REPRÉSENTATIONS POUR UNE MEILLEURE COMPRÉHENSION DES LOGIQUES SOCIO-SPATIALES: UNE CARENCE DE

L'INTERVENTIONNISME DES STRUCTURES
EXOGÈNES.

CHAPITRE 1 : SUR LES TRACES DU TERRITOIRE, LES REPRÉSENTATIONS DE L'HOMME ET DE LA VIE SOCIALE.

CHAPITRE 2 : LES SOCIÉTÉS CONFRONTÉES A LEUR MILIEU :UNE SOURCE DE REPRÉSENTATIONS

CHAPITRE 3 : AU-DELÀ DU DE LA SOCIÉTE ET DE SON TERRITOIRE : VISIONS DU MONDE EXTÉRIEUR ET DE SES ACTEURS

CONCLUSION GENERALE

BIB LIOGRAPHIE

PRÉSENTATION DES DOCUMENTS

· Document 1 : Les rapports de l'homme à l'espace. (p.21 bis)

· Document 2 : Système de représentation de la réalité et comportement humain. (p.25 bis)

· Document 3 : La place des représentations dans le processus de territorialisation. (p.27 bis)

· Document 4 : L'interprétation du paysage et points de vues. (p.28 bis)

· Document 5 : Les hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale : des massifs imposants... (p.42 bis)

· Document 6 : ...et des hauts plateaux. (p.42 ter)

· Document 7 : Ceinture de végétation dans les montagnes tropicales humides,
semi-humides à semi-aride et aride. (p.43 bis)

· Document 8 : Le mécanisme du F.I.T. (p.43 bis)

· Document 9 : les aires biophysiques d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale. (p.44 bis)

· Document 10 : Quelques pratiques de gestion de l'environnement. (p.45 bis)

· Document 11 : La boucle historique des peuls. (p.51 bis)

· Document 12 : Les représentations dans les paysages : les pays de bocages. (p.53 bis)

· Document 13 : Les représentations dans les paysages : l'habitat. (p.53 ter)

· Document 14 : Un système de défense végétal et minéral (Monts Mandara). (p.51 bis)

· Document 15 : Pratiques et représentations de la haie dans le Fouta-djalon-1 (p.65 bis)

· Document 16 : Pratiques et représentations de la haie dans le Fouta-djalon-2 (p.65 bis)

· Document 17 : L'individu dans ses rapports sociaux. (p.68 bis)

· Document 18 : La chefferie de Bandjoun (pays Bamiléké) (p.68 bis)

· Document 18 bis : La répartition de l'habitat sur les versants du Fouta-Djalon (p. 69 bis)

· Document 19 : Forêts et gestion de l'environnement en Afrique : l'exemple de
la Forêt classée d'Hooré Dimma (p.74 bis)

· Document 20 : Calendrier des activités socio-agricoles en pays Tamberma. (p.78 bis)

· Document 21 : Arbres sacrés et fétichisme. (p.79 bis)

· Document 22 : Arbres, modernité et conservation. (p.81 bis)

PREMIÈRE PARTIE :

LE CONCEPT DES REPRÉSENTATIONS DANS

LA GÉOGRAPHIE : ESSAI MÉTHODOLOGIQUE

Pistes dans les Timbis (Fouta-Djalon). A gauche, la route d'un projet, défoncée par la précédente saison des pluies ; et à droite, la route locale, qui, malgré sa trajectoire sinueuse rallongeant la distance et ralentissant le « trafic », reste la plus praticable et la plus empruntée.

CHAPITRE 1
DES SCIENCES SOCIALES Á LA GÉOGRAPHIE: L'ÉMERGENCE DU CONCEPT CONTEMPORAIN DES REPRÉSENTATIONS.

 

Les représentations des individus et des sociétés ne sont apparues comme objet d'étude dans les thématiques de recherche des sciences humaines et sociales, qu'à la fin du XIXème siècle. Alimentée notamment par les travaux de la sociologie, de l'ethnologie et de l'anthropologie, l'application des représentations sociales à l'espace géographique a permis le développement d'un concept novateur, qui donna naissance à la « géographie des représentations » (Bailly S., 1995).

En nous appuyant principalement sur les travaux francophones1, nous reviendrons tout d'abord sur ses fondements conceptuels et théoriques ainsi que ses évolutions historiques2 accompagnant ceux de la géographie sociale*, étape nécessaire à la compréhension de la dialectique représentations-espace géog raph iq ue.

1 Ces derniers nous ont été matériellement plus accessibles.

2 L'approche proposée ne se veut pas exhaustive, tant les interactions entres les sciences humaines et sociales ainsi que les problématiques liées aux représentations sont nombreuses. L`objectif de cette démarche est de mettre en évidence la richesse du concept.

1 Ici employé dans le sens restreint « d'ensemble des constructions mentales du réel ».

1 UNE NOUVELLE APPROCHE DE LA RÉALITE GÉOGRAPHIQUE APPARAIT A LA FIN DU XIXEME SIECLE : LA PERCEPTION MENTALE.

« Les problèmes de la perception de l'espace ont depuis longtemps attiré les géographes. » (Claval P., 1974). En effet, durant le XIXème siècle, la conquête de nouveaux espaces et la découverte de sociétés et civilisations jusqu'alors inconnues ont amené les explorateurs et scientifiques à s'interroger sur leurs pratiques et leurs comportements, ainsi que sur leurs conséquences sur l'espace. C'est ainsi que des psychologues, ethnologues, géographes, puis des psychiatres, se sont penchés sur les problématiques abordant le sens de l'espace, l'orientation, et la structuration de la perception lointaine appliquée tout d'abord aux populations dites « primitives », puis réutilisées dans les pays occidentaux. La géographie sociale et culturelle, apparue vers 1890, connaît alors ses premiers disciples et ouvre une nouvelle page dans la construction des pensées et théories géographiques.

Foncin (1898), Cornets (1909, 1913), Gautier (1908) et Gallois (1908), relayés sur ces thématiques par Jaccard (1926, 1932), Demangeon (1923, 1940) et Rabaud E. (1927), ce dernier s'attachant plus particulièrement à l'analyse de l'orientation lointaine, furent donc les géographes précurseurs de l'étude des formes de la perception de l'environnement et de leurs significations géographiques. Ces recherches, fortement influencées par le raisonnement déterministe alors omniprésent dans l'école de géographie française, n'exposèrent que de manière timide et détournée, les réflexions produites sur les images mentales et leurs implications sur les constructions spatiales; « ils n'avaient pas toujours conscience de l'originalité de leur démarche » (Claval P., 1974). Les interrogations portant sur la conscience1 dans sa participation au processus de spatialisation et d'identification territoriale furent par contre limitées dans les écoles de géographie allemande et anglo-saxonne, profondément béhavioristes* et se rapprochant parfois du naturalisme*. La géographie d'avant-guerre privilégiait alors l'étude des dépendances et des détermi nismes (biophysiques, économiques, rarement culturels) auxquels sont soumis les individus et les sociétés qu'ils composent.

Ancrées dans le déterminisme*, les sciences humaines et sociales ont longtemps sous estimé les mécanismes de perception, d'appréhension du réel et les représentations qu'ils impliquent, si bien que ces problématiques ne furent qu'effleurées par les géographes du début du siècle : «Les géographes français [...] limitaient souvent leurs recherches dans cette direction à une interrogation sur la conscience qu`avaient les communautés de leur appartenance territoriale » (Bailly S. et Debarbieux B., 1995). Il faudra alors attendre un renouvellement des conceptions

1 Il s'agit de la prise en compte d'une dimension de l'espace construit mentalement, à travers les perceptions et les représentations des individus, dans une démarche géographique.

philosophiques des sciences sociales dans les années 1950-1960 pour que soit explicitement acceptée l'idée de subjectivité de la connaissance.

Bien que ce soient les géographes français qui aient fait, dans la première moitié du XXème siècle, plus de place aux perceptions et à leur rôle dans l'organisation de l'espace que ce n'est le cas d'aucune autre école de géographie, au lendemain de la deuxième guerre mondiale, les chercheurs en sciences humaines et sociales anglo-saxons se démarquent à leur tour des théories matérialistes* et behaviouristes pour s'engager dans l'étude des représentations.

2 LE DÉCLIN DU MATÉRIALISME* ET DU DÉTERMINISME* DANS LES SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES : LE DÉVELOPPEMENT DU CONCEPT DES REPRÉSENTATIONS AU LENDEMAIN DE LA DEUXIÈME GUERRE MONDIALE.

La deuxième moitié du XXème siècle marque un profond renouveau dans les sciences sociales : les questions spatiales deviennent une préoccupation croissante. Profitant des recherches des sciences connexes, la discipline géographique élargi ses champs d'applications et ses méthodes d'approches du rapport de l'homme à l`espace. La géographie humaine et sociale s'enrichi alors d'une clé d'entrée culturelle, nettement plus valorisée qu'auparavant, notamment sous l'impulsion des géographes tropicalistes. Elle intègre progressivement « l'espace subjectif1 » à sa démarche analytique : « Ce sont donc le sens et les valeurs accordées aux lieux et à l'espace, plus que l'espace lui-même, qui sont sollicités comme phénomènes explicatifs. » (Bailly S. et Debarbieux B., 1995).

L'émergence des concepts d'espace vécu, de perceptions et de représentations de l'espace rompt avec la géographie paternaliste, sectorisée, déterministe; cependant, la pensée géographique qui s'attache aux images mentales des acteurs sociaux n'invalide pas forcément certains résultats des analyses et recherches précédentes ; elle peut certes les remettre en cause, mais elle peut également les justifier ou les approfondir.

2.1 Un enrichissement de la démarche géographique issu de la psychologie et de la sociologie

Durant les années 1950 -1970, les sciences humaines et sociales apportent une contribution essentielle au débat. Dans les pays anglo-saxons, les théories de l'économie spatiale, basée sur les postulats de transparence du milieu et sur la rationalité des choix (voir note 1), sont censées guider et déterminer les actions productives de chacun des acteurs du système économique. Ces principes normatifs d'économie spatiale ne se vérifient que rarement et se retrouvent alors remis en cause. Dans la recherche de théories plus efficaces, des courants de pensée alternatifs aux théories de l'économie spatiale se développent autour de l'étude des attitudes, des préjugés, des opinions, montrent qu'il est essentiel de s'attacher à la subjectivité des individus pour comprendre les comportements.

Parmi les nombreuses productions scientifiques des géographes anglosaxons, on peut citer celles de Lynch K. (1960) travaillant sur l'image* de la ville par les usagers ou encore Gould P. (1966,1974), attaché à l'élaboration de cartes mentales*. Nous retiendrons également Wright J.K., Lowental D. et Bowden M.J., qui de 1961 à 1976 travaillent sur la géographie de l'imaginaire. Ces recherches novatrices connaissent un écho en Allemagne, notamment avec les travaux de Geipel. Au sein du vaste mouvement ascendant des sciences humaines, l'espace, implicitement ou explicitement, est devenu un thème « à la mode » (Frémont, A., 1980).

Mais, beaucoup plus que les géographes étrangers, ce sont des ethnologues (Lévi-Strauss, 1955, 1958), des psychologues (Piaget, 1947, 1948 et 1971; Moles et Rohmer, 1972), des historiens (Ouzouf, 1971), des philosophes (Bachelard, 1957 et Bachelot, 1973) et surtout des sociologues qui ont influencé les géographes francophones s'attachant à décrypter l'espace vécu ; Morin E . (1967), Rambaud P. (1969) et Bourdieu P. (1962 et 1964) se sont penchés sur la sociologie des images de l'espace perçues par les ruraux, alors que Choay F. (1965 et 1973), Ledrut (1968 et 1973), Lefebvre H. (1959, 1962, 1968 et 1970) et Pailhous J. (1970) ont étudié la perception de la ville par les citadins et les images qui en découlent1.

Alimenté par les sciences humaines, un fort courant de pensée géographique se manifeste alors dans la géographie française, sous la plume de précurseurs comme Sorre M., Gourou P., Georges P. et Beaujeu J., ouvrant la voie à leurs « élèves », Gallais J., Frémont A., Metton A., Bertrand M.-J., Piveteau J.-L., Claval P. et Bailly A..

1 « Sur le thème de la ville, la bibliographie des sciences humaines devient un fleuve ». Frémont A. (1973).

1 Dans les années 1960-1970, on disait alors « géographie tropicale ».

2.2 Les liens entre l'ethnologie et le développement du concept dans la géographie des espaces tropicaux.

D'après Frémont A. (1980), les sociologues ont fortement inspiré les écrits des géographes qui travaillent au sein des sociétés industrialisées, mais s'il est une influence à détacher des autres, c'est bien celle des ethnologues (Lévi-Strauss et Nicolas, 1975) pour les géographes tropicalistes: « Ils savent qu'ils ne sauraient ignorer les travaux des ethnologues, même si ceux-ci ne se confondent pas exactement avec leurs propres préoccupations » (Frémont A., 1973).

L'analyse comparée des ethnologues (voir note 2), permet de mettre en évidence les différentes perceptions et représentations de l'espace entre les sociétés, appuyant leurs raisonnements sur les facteurs culturels, mais aussi religieux, sexuels, économiques et sociaux. Ils permettent ainsi de révéler dans l'espace des sociétés du Sud une dimension cachée et non explorée par les géographes qui, à travers les images qu'elle produit, contribue à façonner leurs territoires* et leurs paysages. Bien que la vision des ethnologues soit plus centrée sur l'homme lui-même comme objet d'étude que sur l'espace, leurs préoccupations vont dans le sens de celles des géographes tropicalistes. Anthropologue de l'espace ou géographe des représentations, la frontière paraît mince.

Dans le cadre de la géographie des espaces tropicaux1, Gallais J. et « l'équipe de Rouen », à travers leurs multiples études en Afrique (Gallais J., 1968, 1973, 1976) en Amérique du Sud (Vergolino et Gallais, 1971 ; Gervaise, 1976), et en Inde (De Globéry, 1976 ; Choët, 1977), ont effectué une comparaison entre les principaux aspects de l'espace vécu dans les civilisations du monde tropical. Ils mirent en évidence que, dans les sociétés tropicales, les recherches sur l'espace vécu doivent s'adapter à tous les particularismes de l'humain, que ceux-ci s'expriment par les langues ou par les psychologies individuelles et collectives. Ces recherches furent le moyen de développer de nouvelles techniques d'enquêtes destinées à décrypter les comportements, induits par les perceptions et les représentations des individus, et leurs implications spatiales.

2.3 L'introduction progressive de la subjectivité dans l'analyse géog raph iq ue

Fortement impulsée par la phénoménologie, et la psychologie cognitive*, l'étude des perceptions et des représentations sociales amène les géographes à remettre en question leurs modes d'analyse. Les théories déterministes et

béhavioristes*, fondamentalement positivistes*, laissent place au centre des sciences sociales et de l'homme à de nouveaux mode d'analyses, notamment structuralistes* et systémique*, qui s'ouvrent largement aux images mentales*. Malgré des points de vue différents, voire divergents, la science géographique élargi son champ de vision : « l'espace, la région, les lieux, ne peuvent plus être considérés uniquement comme des réalités objectives » (Frémont, A., 1973), et l'objectivation des comportements revêt une complexité et une incertitude jusque là sous-estimées.

Les lectures matérialistes de l'espace par la géographie dite classique ou parfois même par celles d'influence marxiste*1 montrent leurs limites à travers les travaux des géographes ayant recours aux représentations spatiales2. Dans la science géographique, l'étude des représentations individuelles et collectives, influencent directement ou indirectement sur la construction d'un espace ou concernant cet espace lui-même, questionne la totalité des problématiques géographiques ; elle ne peut plus se concevoir comme une étude de cet espace qui serait parallèle aux autres. Les images mentales et leur pouvoir de façonnement territorial nécessitent l'adoption d'un nouveau paradigme géographique et la redéfinition de concepts centraux de la discipline (sur lesquels nous reviendrons plus tard).

« Il s'agit en effet d'une véritable rupture épistémologique » (Bailly S. et Debarbieux B., 1995). La nécessité de prendre en compte la subjectivité de l'espace impose aux géographes un changement complet d'attitude, avec de nouveaux matériaux, de nouvelles méthodes, de nouvelles perspectives. Ainsi, deux « référentiels d'observation et d'analyse » (Pailhous J.,1970) de l'espace s'apparentent à la démarche géographique, un égocentré3 et l'autre exocentré4, et amènent les géographes à redéfinir les concepts de distance, espace et territoire en y intégrant la subjectivité des individus et des sociétés.

Cette remise en cause est d'autant plus nécessaire dans les espaces tropicaux où l'application de ces concepts, réfléchis, élaborés, et le plus souvent confrontés à la réalité en Occident, ne s'appliquent que rarement, en témoigne l'expérience de Gallais J : dans le Delta intérieur du Niger, ce dernier remarque à travers la diversité des perceptions de l'espace et les différentes appropriations que les sociétés font du site, que la région, cette unité spatiale de référence privilégiée par de nombreux géographes, n'y existe pas (voir note 3).

1 Qui expliquent l'organisation de l'espace par les conditions de l'environnement biophysique ou socioéconomique.

2 Qui intègrent cet environnement complexe (voir3) par l'intermédiaire des images que les acteurs sociaux s'en font.

3 Correspond à la conception d'un espace construit autour du sujet, à partir de l'image d'un trajet ou d'une série de trajets ou d'expériences individuelles.

4 Correspond à une conception de l'espace indépendante du sujet, créé par autrui.

3 LES THÉORIES ET LES CONCEPTS AUTOUR DES REPRÉSENTATIONS AUJOURD'HUI : UN VASTE DÉBAT.

A partir du milieu des années 1970, suite au colloque de Rouen1 sur l'espace vécu2, ce que Claval P., Metton A. et bien d'autres redoutaient être un effet de mode, s'affirme comme une nouvelle clé d'entrée au débat géographique. La voie ouverte par les précurseurs des années 1960/1970 est désormais empruntée par de nombreux géographes : « on sent chez beaucoup de chercheurs l'espoir de découvrir certaines constantes derrière la multiplicité des interprétations que les individus donnent du monde » ( Claval P., 1973).

Sans rentrer dans le détail des multiples ouvrages publiés ces deux dernières décennies, l'énumération en serait futile, nous allons néanmoins dégager les différents courants de recherche dans le monde sur le thème des représentations, celles de l'espace plus spécifiquement. Pour cela, nous nous appuierons notamment sur le travail de Bailly A.3, relayé sur cette thématique par de nombreux collègues géographes au cours des différents colloques sur les perceptions et les représentations de l'espace (Genève, Lausanne, Venise, Pau... etc.).

Les recherches sur les représentations de l'espace géographique peuvent être abordées sous trois points de vue, trois grandes directions de recherche; ces travaux développés depuis le début des années 1970, sont chacun influencés par des présupposés philosophiques et des objectifs propres.

3.1 la pensée environnementaliste issue de la psychologie cognitive* anglo-saxonne

On peut tout d'abord distinguer le courant environnementaliste* et la psychologie cognitive* anglo-saxons, dont l'objectif est d'évaluer la manière dont les perceptions et les représentations de l'environnement influencent nos réactions et nos comportements spatiaux. L'individu est à la fois le sujet et la finalité de la recherche; en effet ce genre de problématique privilégie les différentes enquêtes de types psychosociologique pour essayer de percer les personnalités, les impressions et le pourquoi des pratiques.

Poussé par des scientifiques comme Ittelson (1973) ou Moore et Golledge (1976) ce courant de recherche s'est attaché à comprendre les rétroactions des individus face à un stimuli environnemental et les mécanismes qui les commandent. Pour cerner

1 Ce colloque faisait état du programme financé par le CNRS,

2 Organisé par Frémont A. et Gallais J.

3 BAI LLY, A., Pratiques et perceptions de l'espace : les principaux courants de recherche dans le monde. Hégoa. 1985, n° 1.

les interactions individu-environnement, l'analyse émotionnelle face à l'habitat (De Vries, 1981 ; Espe, 1981 ; Kaliaden, 1982), l'évaluation de la distance sur la géographie touristique (Plettner, 1979), ou encore la qualité de la vie qui inclut le rôle de la participation publique aux opérations d'aménagement (Laurence, 1982) ont été des problématiques abordées. Mais la voie de recherche de prédilection des géographes anglo-saxons et notamment américains reste la perception des catastrophes naturelles (Heathcote, 1979 ; Hultaker, 1981).

Ces travaux ont des objectifs opérationnels ; ils sont destinés à répondre à un problème ou une attente en vue d'une opération d'aménagement (voir note 4), ou encore dans la mise en place d'un programme dans les pays du Sud ; ces derniers décrétés comme étant plus exposés aux aléas du milieu biophysique, on a donc justifié leur sous-développement par un milieu contraignant : réminiscence du déterminisme* ? L'analyse environnementaliste établit ainsi un lien étroit entre l'environnement physique et le comportement humain : les déterminations1 du milieu occultent ici les régulations collectives et minimisent les différenciations des modèles de l'homme de ceux de la société. La majorité des projets anglo-saxons développés dans les pays du Sud répondent toujours à cette approche « réductionniste » (Bailly A., 1985). On peut alors s'interroger sur leur pertinence aux vues des résultats obtenus; nous y reviendrons plus bas.

3.2 L'école de géographie française : de la géographie régionale à la géographie critique.

Le deuxième courant de recherche s'inscrit dans la tradition de la géographie régionale française et s'attache à l'interprétation du vécu des habitants, par l'étude de petites sociétés, un arrondissement urbain ou une localité rurale par exemple. Les géographes s'appuient sur le sentiment d'appartenance régionale cher à Gallais J., la psychologie collective et sur l'analyse des attitudes sociales (Frémont A., 1976 ; Holtz J.M., 1980). Ce sentiment d'appartenance territoriale est traité à travers les relation tissées entre les hommes et les sociétés, ainsi que le symbolisme, l'affectivité portée à la région ; sans oublier l'influence de l'histoire et les relations entre les différents groupes (Ferras, 1978 ; Gumuchian et Guérin, 1978). Cette voie s'intéresse donc à la logique des comportements dans le cadre d'une conception d'ensemble des rapports sociaux, notamment au moyen du décryptage du paysage et du discours. En s'appuyant sur les progrès de la sémiologie*, qui a permis le transfert de certaines de ses méthodes à l'étude des significations données aux objets géographiques, les géographes ont souligné le codage et la symbolique des communications humaines, des relations sociales, qui façonnent l'espace. Dans

1 De l'analyse des déterminations, rien n'oblige à passer au déterminisme*. La science n'est possible que parce qu'il existe des déterminations, c'est à dire des causes et des effet, des causalités et des chaînes de causes. (D'après Brunet R., Ferras R. et Thery H., 1992)

l'étude des paysages, le courant « régionaliste » tente, au-delà de leur explication par le géographe, de comprendre comment les hommes les interprètent.

Dans la géographie française, on note que la démarche critique, où certains géographes s'attachent plus particulièrement au caractère collectif des représentations1, se distingue. La pensée critique insiste sur la manière dont les idéologies sociales modèlent nos représentations et nos pratiques spatiales, nos territoires. En avançant la thèse que l'organisation spatiale est essentiellement le reflet des forces et des relations de production, cette géographie également qualifiée de « radicale »2, soulève les insuffisances des positions trop idéalistes qui privilégient l'analyse de l'esprit et des intentions ; mais on lui reproche sa tendance à minimiser les particularismes individuels.

3.3 La démarche humaniste

Enfin, il existe un dernier courant de pensée dans l'étude des représentations en géographie, le courant phénoménologique* et néo-humaniste*. A l'opposé de l'approche critique (Relph, 1976), le courant phénoménologique3 développe délibérément une approche idéaliste, où la sensibilité et les attitudes de l'homme sont mises en avant. Depuis Wright (Terrae incognitae, 1947), ce courant géographique fait place à l'imagination dans la pensée géographique (Lowental, 1961 ; Tuan, 1961). Dans la démarche intellectuelle humaniste l'influence de la culture prévaut sur les représentations mentales (Appleton, 1975 ; Seamon, 1979 ; Frémont, A., 1981, Podock, 1984). Le courant humaniste, en s'appuyant sur la pensée phénoménologique et sur la psychologie des individus, tente de mettre en évidence la dialectique sujet-objet, intériorité/extériorité. Pour cela, les signes dans le paysage et la lecture et l'interprétations d'oeuvres littéraires sont les principaux supports. Cette vision idéaliste est notamment remis en question pour son manque de perspective globale par les marxistes et les néo-positivistes.

3.4 Les multiples points de vues sur les représentations : la richesse du concept

Il convient de préciser que cette classification, par son catégorisme, ne peut être considérée comme un modèle. Néanmoins la clarté qu'elle apporte au débat complexe sur les représentations présente des intérêts méthodologiques.

1 Leurs travaux sont influencés par les travaux des sociologues marxistes* (Castells, 1972 ; Ledrut, 1973)

2 Notamment dans les pays anglo-saxons, où le terme de « marxiste »à une connotation péjorative. 3 Qui devient humaniste* à la fin des années 1970.

LES RAPPORTS DE L'ÊTRE HUMAIN À L'ESPACE

Source: Di Méo, (1991)

DOCUMENT 1

21 bis

Tout d'abord, l'évocation d'une classification, aussi réductrice soit-elle, apparaît déjà significative de convergences, de recherches approfondies, et donc d'un intérêt certain pour ce que les images mentales représentent dans la géographie. Qu'il s'agisse de représentations sociales (Etat, institution,... etc.), de phénomènes (catastrophe climatique, érosion... etc.) ou de l'espace géographique (région, territoire... etc.), le consensus sur leur rôle prédominant dans les dynamiques socio-spatiales montre qu'il n'y a pas d'activité humaine sans représentation : l'analyse des représentations produites et véhiculées par les groupes sociaux, par les instances politico-économiques ou encore par le chercheur, sont résolument des moyens de parvenir à une meilleure connaissance des enjeux dont l'espace est l'objet et le support (Bailly, S. et Debarbieux, B., 1995). Quelle que soit notre culture, notre aire de résidence, notre place dans la société, la subjectivité de chacun influence nos actes spatialisés : « Nous baignons dans nos représentations » (Di Méo, G., 2000).

La présente classification met ainsi en évidence la richesse du concept à travers les divergences des fondements, objectifs et démarches de chaque courant de pensée. Le débat idéologique y occupe une place importante ; il détermine l`axiomatique de chaque théorie dans ses influences philosophiques, culturelles, voire même politique. Nous avons vu que les méthodes (voir doc.1) et les perspectives d'analyse qui reposent sur ces bases varient également. En témoignent les divergences portant sur les différentes échelles d'approche des représentations : le sujet d'étude des pensées marxistes et structuralistes, le groupe social, s'oppose à celui de la psychologie cognitive*, de la phénoménologie* et du néo-humanisme, l'individu. Malgré leurs différences, les différentes approches offrent chacune un intérêt à la compréhension des logiques spatiales, en s'appuyant sur les perceptions, l'imagination et les interprétations que se font les individus de la réalité, pour en faire leur réalité. La finalité des recherches dégage des objectifs distincts: ainsi, de l'intégration des représentations dans la mise en place de programmes d'aménagement, à l'étude fondamentale de représentations d'un pasteur africain, on peut cerner des orientations et des motivations contrastées.

La difficulté d'aborder la construction des représentations réside dans la variété des disciplines concernées qui travaillent avec des points de vue différents sur des objets ou sur des pratiques semblables. En effet l'ouverture que permet l'étude des représentations au sein des sciences humaines et sociales engendre une multitude de voies, de réflexions, aux fondements idéologiques et théoriques variés ; cependant malgré un effort de clarification de la part de nombreux auteurs, la confusion sur cette thématique peut déconcerter le géographe. Quelle voie adopter face à cette divergence méthodologique ?

Nous venons d'aborder le rôle des représentations dans les approches géographiques de l'espace. Mais quelle est la portée, le poids des représentations dans les activités et les comportements spatiaux des hommes ? Le débat offre de

multiples perspectives, divers points de vues, un large éventail de visions géographiques sur la question. Pour clarifier la démarche qui sera la notre dans l'appréhension des représentations sur les hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale, il s'avère également utile de cerner la méthodologie que nous utiliserons. Nous pensons qu'une analyse des représentations peut s'inspirer de plusieurs courants de pensée, de plusieurs démarches, favorisant une approche synthétique, multisectoriel le ; une approche géographique.

Cette approche historique, sur les fondements philosophiques et idéologiques des recherches s'attachant à la compréhension des représentations, met en évidence un axe de recherche novateur. L'approfondissement du concept passe d'abord par une meilleure connaissance des sciences humaines et sociales, en se référant à des auteurs comme Marx, Freud ou encore Lévi-Strauss, dont les travaux éclairent ou renouvellent la pensée géographique. Les multiples applications possibles sur la thématique des représentations dégage non pas un, mais plusieurs concepts ou théories ; y compris au sein de la discipline géographique où le débat autour du thème enrichit les connaissances et les approches de la dialectique sociétés - espaces. De plus, on constate à travers le biais des représentations sociales et spatiales, que les connaissances sur les logiques des sociétés tropicales sont alors remises en question.

CHAPITRE 2
LES REPRÉSENTATIONS DANS LA GÉOGRAPHIE : UNE NOUVELLE APPROCHE DU RAPPORT DE L'HOMME A L'ESPACE ?

 

L'étude des représentations apparaît pour le géographe comme un axe fondamental dans l'analyse de l'Homme, de ses comportements (sociaux, économiques, politiques, culturels) et de leurs répercussions spatiales. Il paraît maintenant intéressant de se plonger sur la manière dont sont produites les représentations et sur les différentes clés d'entrées théoriques utilisées pour les aborder.

Il nous sera alors possible de nous positionner sur la voie méthodologique que nous avons choisie pour apprécier l'implication des représentations dans les logiques spatiales des sociétés du Sud, car « découvrir les représentations en construction peut constituer l'objectif intermédiaire d'une recherche géographique mais doit surtout armer la réflexion sur l'organisation de l'espace. » (Retaillé, D., 1995)

Dans le cadre des divers projets de développement et de gestion de l'environnement qui se succèdent dans les pays « dits » sous-développés, nous pourrons alors dégager les insuffisances de ceux-ci dans l'appréhension de logiques socio-spatiales, en ayant l'idée de poser les représentations comme un outil fondamental pour les appréhender. Il s'agit donc de réintégrer ce concept de manière concrète, appliquée, ou plutôt impliquée (R. Brunet 1992).

1. LES LOGIQUES SPATIALES DES HOMMES : LE ROLE DES REPRÉSENTATIONS DANS LEUR TERRITORIALITE

De toute évidence, les recherches sur les représentations en géographie balayent un large champ de thématiques et d'applications possibles de la discipline géographique. Au-delà du débat épistémologique, le géographe ne peut plus aujourd'hui s'affranchir de l'espace mental, construction individuelle et sociale qui influence chacun de nos actes. Seulement, face aux multiples clé d'entrées que nous offrent les représentations il s'avère nécessaire de clarifier notre démarche, en justifiant ce qu'elles signifient ainsi que leurs rôle dans les production territoriales des hommes. Pour aborder la dialectique espace géographique - représentations, nous nous appuierons sur les travaux de Di Méo G. (1991, 1998), dont les diverses influences théoriques et méthodologiques évoquées plus haut, nous permettent la « compréhension, aussi universelle que possible, sur la façon dont l'Homme et ses sociétés se représentent, conçoivent et produisent leur rapport à l'espace, territorialisant du même coup certaines aires de celui-ci » (Di Méo, G., 1998).

1.1 Essai de définition des représentations : des sciences sociales à la géographie

Les représentations sont étudiées et utilisées dans de nombreuses sciences sociales ; de multiples définitions plus ou moins approfondies existent. De par sa puissance métaphorique, le mot se prête ainsi à de très nombreuses définitions selon les contextes où il est utilisé.

C'est tout d'abord sous la plume de psychologues, centrés sur les mécanismes cognitifs, et de sociologues que furent définies les représentations (voir annexes 1 et 2 ) : La représentation mentale est le produit d'une élaboration psychologique et sociale du réel ; elles portent la marque du sujet et de son activité. Ce dernier aspect renvoie au caractère constructif, créatif, autonome des représentations qui comportent une part de reconstruction, d'interprétation de l'objet et d'expression du sujet Elles mettent en relation le réel (objets des perceptions et des représentations), le sujet psychologique (avec ses déterminations propres) et le même sujet abordé dans sa dimension sociale (avec ses apprentissages et ses

SYSTÈME1 DE REPRÉSENTATION DE LA RÉALITÉ ET COMPORTEMENT HUMAIN

DOCUMENT 2

MOTIVATIONS
OBJECTIFS

ÉVALUATION
ADOPTION

FACTEURS PSYCHOLOGIQUES

RÉALITÉ

INFORMATION
CODES
MÉDIATION

IMAGE2

(réalité modifiée)

CONTRAI NTES CULTURELLES, SOCIALES, ÉCONOMIQUES, PHYSIQUES

FACTEURS CULTURELS

COMPORTEMENT

1 Les représentations ne peuvent être réduites; on peut alors parler de « système de représentation ». (D'après Di Méo, G., 1991)

Source: d'après Bailly A., Berdoulay V., Bertrand M.J., et al. Conception et réalisation Leyle D., 2001.

 

2 Si un objet est représenté de manière négative par le sujet, il peut intervenir une situation de blocage ou de rejet. On parle alors d'« image négative » (Brunet, R., 1974)

Les représentations orientent et organisent les conduites et les communications sociales (Jodelet, D., 1989)

La représentation d'un objet est un système d'élaboration perceptive et mentale qui schématise le milieu en le transformant en images, soit la façon dont les individus transcrivent en images les expériences du milieu. (D'après Fisher, G.N., 1983)

codes sociaux). (D'après Jodelet, D., 1989). La dialectique sujet-objet, où le sujet est un être socialisé et donc influencé par la médiation sociale, est ainsi mise en avant : « Il n'y a pas de représentation sans objet » (Jodelet, D., 1989). On retrouve cette interrelation dans la définition des représentations de Piaget et Inhelder : « la représentation consiste soit à évoquer les objets en leur absence, soit à enrichir la stricte connaissance perceptive par des considérations et des connotations émanant du couple intelligence / imagination. Elle traduit une perception modelée par la psyché. »

Si on considère que l'essence de la géographie est l'entendement du rapport des hommes à l'espace (voir note 5), des sociétés à leur environnement, à leurs territoires, l'étude des représentations privilégie alors l'espace comme objet. Nous l'avons vu précédemment, l'étude des images mentales en géographie, a tout d'abord été abordée sous la forme des perceptions de l'espace et du milieu. Ce n'est que progressivement que la géographie s'est ouverte aux représentations. L'intégration de la subjectivité de l'imaginaire dans la compréhension des dynamiques spatiales humaines, a tout d'abord posé plus de problèmes et de questions au géographe qu'elle ne lui a donné de réponses. Pour Bailly A. (1985), la perception se réduit à la fonction par laquelle l'esprit se représente des objets en leur présence. Elle laisse donc peu de place à l'imaginaire et à la conceptualisation par le sujet ou le groupe de sujets. En effet, la perception fait référence à une liaison entre l'objet et le sujet, alors que la représentation, elle, permet d'intégrer ce que l'homme à intériorisé tout au long de son apprentissage social (médiations, codes, normes... etc).

Certaines représentations sont une constante, au lien étroit entre représentations individuelles et collectives ; d'autres sont variables dans le temps, influencées par le phénomène. Quelle que soit la part de la psychologie individuelle dans la formation de ces représentations, elles renvoient toujours à des référentiels sociaux, culturels et territoriaux : « Nous ne pouvons plus nous passer d'un sujet socialisé en matière de construction géographique » (Di Méo, 1991). Les informations issues de notre environnement -social ou naturel, bâti ou non bâti- sont filtrés par notre perception, par nos codes sociaux et par notre histoire, puis influencent nos comportements. Les pratiques induites par les représentations des acteurs donnent à leur tour un sens à l'espace. Nous avons affaire à un système d'interactions entre le sujet et l'objet (voir doc. 2).

Admettre l'influence des représentations en géographie, c'est présupposer une logique mentale, pour tout ce qui concerne l'espace, dans la façon de le vivre, de le percevoir et de l'organiser. Cette démarche doit tenir compte en amont des représentations sociales ou culturelles qui, si elles ne sont pas forcément des représentations de l'objet « espace géographique », sous-tendent des influences conséquentes sur les activités humaines : indirectement concernées par l'objet géographique, elles induisent des corollaires sur l'espace en aval du processus de

représentation1. Aussi, bien que notre vocation de géographe nous amène à considérer préférentiellement2 les représentations de l'espace, du milieu ou de l'environnement géographique, nous essayerons de tenir compte de toute la dimension que nous offrent les représentations dans la mesure où elles apportent des élément de compréhension des logiques spatiales des populations.

1.2 La redéfinition des concepts centraux à la discipline sous l'influence des représentations dans le processus de territorialisation: distances et espaces

Après avoir singulièrement enrichi l'approche géographique par l'apport de la subjectivité des représentations, les notions les plus fondamentales de la discipline, à savoir les concepts de distance et d'espace ont été réexplorés, redéfinis, et complexifiés.

Pour le terme de « distance », la conception géométrique du terme ne pouvait plus suffire. En effet, la distance géométrique (ou métrique) standard entre deux ensembles de points, à longtemps été étudiée par les géographes comme moyen de description, comme un outil purement mathématique. Mais les recherches sur les images mentales et les représentations ont montré que leur subjectivité s'applique aux distances parcourues par les individus dans leurs déplacements : « la représentation de la distance dépend non seulement de l'individu, de son environnement (physique et social), mais aussi de sa pratique » (Bailly, A., 1985).

Selon Bailly, A., pour qualifier les différentes significations de la distance on peut distinguer, en plus de la (( distance métrique ,,, (( la distance temps ,, (intervalle de durée entre deux points), (( la distance affective ,, (charge affective rapprochant ou séparant deux points), (( la distance écologique ,, (distance variable mesurant une aire considérée comme nécessaire par une société pour répondre à ses besoins écologiques et donc productifs) et la (( distance structurale ,, ou (( distance sociale ,, (fondée sur la nature des rapports sociaux qui rapprochent ou éloignent les hommes entres eux ou avec un lieu). (voir note 6 pour plus de détails)

Particulièrement observables dans les espaces tropicaux à travers les travaux de Gallais J (1968, 1980), ces différentes formes de distances montrent que les systèmes de coordonnées sont sujet à des distorsions, selon que le référentiel soit égocentré ou exocentré3.

1 « Les convictions, les valeurs et les aspirations ne se traduisent d'habitude pas directement dans l'espace.[... ] C'est donc bien souvent de manière détournée que les modèles imaginés par les hommes finissent par se traduire dans la réalité. » (Claval, P., 1995)

2 Ou par affinité...

3 Si la distance kilométrique est correctement évaluée le long d'un trajet connu par un individu, le passage au système de coordonnées indépendantes du sujet, est source de distorsions. (D'après Bailly, A., 1985)

LA PLACE DES REPRÉSENTATIONS DANS LE PROCESSUS DE TERRITORIALISATION

ESPACE PRATIQUÉ1

ESPACE DE VIE3

ESPACES OBJECTIVÉS8

REPRÉSENTATIONS & ESPACES REPRÉSENTÉS

NATION

RÉGION LOCALITÉ

ESPACE SOCIAL4

ESPACE PERÇU2

ESPACE VÉCU6

ESPACE IMAGINÉ ET CONCEPTUALISÉ5

TERRITOI RES9

RAPPORTS STRUCTURELS AVEC LES LIEUX7

Sphère des rapports sociaux

Sphère de l'individu

DOCUMENT 3

1 Espaces, lieux et trajectoires quotidiennes de nos déplacements .

2 L'espace tel qu'il est perçu et signifié par les sens et interprété par la psyché .

3 Univers objectif des dispositifs spatiaux: matérialités pratiques, concrètes et quotidiennes de l'espace du sujet.

4 Ensemble des interrelations sociales spatialisées (D'après Frémont A., 1976). L'espace social correspond à l'imbrication des lieux et des rapports sociaux. Derrière l'espace social se profilent les rapports sociaux et les pouvoirs qui les organisent et influencent le sujet.(D'après Gilbert, A., 1986)

5 Images mentales résiduelles, réalité spatiale représenté et déformée par l'individu.

6 L'espace vécu est l'espace de vie soumis aux représentations et à l'imaginaire. Il comprend donc l'ensemble des lieux fréquentés par l'individu, les interrelations sociales qui s'y nouent et les valeurs psychologiques qui y sont projetées et perçues.

7 Rapports d'origine économique, idéologique et politico-administrative.

8 Facteurs spatialisés exogènes, voire imposés. Leurs moyens d'action peuvent être les politiques, les programmes ou encore les projets.

p.27 bis

9 Implique une notion d'emboîtement, de superposition d'échelles.

« La territorialité s'inscrit dans le cadre de la production, de l'échange et de la consommation des choses et se manifeste à toutes les échelles sociales et spatiales > (Raffesin, 1980)

« Les représentations de l'espace permettent d'interpréter les sens différentiels que nous attribuons, les uns les autres, à chaque dispositif spatial. > (Di Méo G., 1991)

Outil de mesure, la distance, remaniée par la subjectivité des individus et de leurs groupes, a amené la redéfinition du concept d'espace, objet privilégié de la géographie. Etendue support, matérialité souvent non qualifiée, le concept d'espace est également retravaillé, influencé par la << vague subjective >> des représentations. Toujours selon Bailly, A., tout espace mental est organisé selon trois aspects : !'aspect structure!, qui correspond à l'organisation du réseau d'axes, de repères et de limites par un individu pour qu'il puisse se déplacer et se positionner ; !'aspect fonctionne! est lié à la pratique de cet espace, les déplacements fonctionnels étant en rapport avec les objectifs choisis. Et enfin, !'aspect symbo!ique, souvent le moins abordé, qui résulte du caractère relationnel de la représentation et de la variété des expériences spatiales individuelles. L'espace a donc été redéfini avec de multiples qualificatifs, variant en fonction des auteurs.

En intégrant les différentes distances évoquées plus haut, Frémont A. distingue « !'espace objectif » ou « espace support », fondée sur des métriques dites objectives ou exocentrées , « !'espace de vie », ensemble des lieux fréquentés par le groupe dont l'individu fait partie, « !'espace socia! », mettant en rapport les lieux fréquentés par le groupe social et les relations qui sous-tendent cette fréquentation, et « !'espace vécu » qui fait appel à affectivité des individus et des groupes (voir note 7 pour plus de détails). L'approche que nous retiendrons, inspirée par Di Méo G. (1991, 1998) est mise en évidence dans le document 3, où nous remarquons que l'imbrication de ces différentes formes d'espaces peut être traduite par un processus de territorialisation. En effet, la territorialité se manifeste à toutes les échelles spatiales et sociales. Le territoire, espace temps et mémoire spatiale, est une construction, une reconnaissance collective de l'espace, où certains éléments sont immatériels ou symboliques.

Construction collective, le territoire est manié et déformé par chaque acteur social, au fil de ses pratiques et de ses représentations. (D'après Raffestin et Turco, Barel, Y, 1981 et Nordman, 1986).

Médiatisées par la double appartenance sociale et spatiale des acteurs, les représentations individuelles et collectives engendrent des pratiques et des stratégies qui prennent de singulières distances par rapport au réel et à la vision << objective >> qu'on en a. Elles parviennent toujours à s'ordonner et aboutissent, pour des groupes d'acteurs différents, à un accord sur l'espace, à un consensus territorial plus ou moins puissant (voir doc. 3).

Au total, la focalisation et la superposition de stratégies d'acteurs et de groupes (endogènes ou exogènes) sur un espace, fortement influencés par leurs représentations, contribuent largement à son identification territoriale1. Beaucoup plus en tout cas que les données objectives comme l'environnement, la nature de l'occupation de l'espace (ou une tradition culturelle quelqu'elle soit) ; ces dernier

1 Di Méo, G. emploie pour territoire la << formation socio-spatiale >>, terme qualifié par Brunet R. << d'inutile, flou et n'ajoutant qu'une fausse scientificité >>. Nous touchons là aux difficultés de l'explication en sciences humaines et sociales. (Di Méo, G., 1998)

L'INTERPRÉTATION DU PAYSAGE ET POINTS DE VUE

28 bis

Ce discours, ici fictif est pourtant celui tenu par les techniciens du SNPRV, un service technique local qui souhaite rationaliser ces espace de cultures intensives. Ils véhiculent un savoir qu'ils ont appris au contact des techniciens des projets occidentaux.

Clichés: Beuriot M. et Leyle D., 2000

Ci contre: vue plongeante d'un bas-fond, dans la région de Labé, (Fouta-Djalon, Guinée).

En bas: une planche de culture de ce même bas-fond, associant plusieurs production.

DOCUMENT 4

éléments n'interviennent dans la stimulation de stratégies que parce qu'ils participent, parmi d'autres déterminants, à la formation des représentations (voir doc.4), des rapports et des pratiques.

Le territoire apparaît comme l'aire, ou la série d'aires, limitées et privilégiées dans la pratique par l'homme. Une échelle d'étude intéressante, compte tenu de l'organisation sociale des communautés africaines. En effet, on constate en Afrique de l'Ouest et en Afrique Centrale que la notion de groupe socio-ethnique1, aux identités et aux fondements culturels forts, intervient toujours dans l'organisation de l'espace, sous la forme d'entités villageoises ou de quartiers par exemple; (même si dans beaucoup de pôles urbains, certains aspects cosmopolites, pour ne pas dire occidentaux, éclipsent les structures spatiales traditionnelles.) L'approche territoriale, par la multiplicité des échelles (Etat, région ou encore localité) et des méthodes d'analyses (systémique, dialectique) nous est apparue la plus adéquate pour l'étude des représentations sur les hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale. Issue des représentations des individus et des sociétés, les entités territoriales témoignent des comportements et des logiques individuelles et sociales qui président au rapport des hommes à l'espace.

2. LA COMPRÉHENSION DES COMPORTEMENTS SPATIAUX AU MOYEN DES REPRÉSENTATIONS : UNE VOIE A EMPRUNTER DANS LES PAYS DU SUD ?

« L'espace représenté se révèle d'une étonnante fécondité pour la réflexion géographique >> (Di Méo, G., 1991). Le concept2, représentation mentale, généralement dégagé de l'expérience, constitue une définition opératoire qui prend son sens dans le cadre d'une problématique. Il s'avérait d'abord nécessaire de cerner la portée du concept des représentations en géographie, et de choisir une méthodologie d'approche pour que nous puissions maintenant nous positionner plus dans le détail, en mettant en évidence nos orientations de recherche et les outils dont nous disposons pour essayer d'identifier les représentations des sociétés des hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale, dans l'objectif d'améliorer les connaissances sur les dynamiques spatiales. Une contribution qui, sans doute,

1 Nous pourrions aussi employer le terme « d'unité socio-spatiale >>.

2 « Il n'y a pas de concept définitif, pas de concept éternel, puisque, s'il est essentiellement de nature relationnelle, les choses peuvent s'enchaîner différemment et par conséquent les relations se modifier... >> (Raffestin C., 1978). « Le concept est un faisceau de possibilités, inscrites dans le temps, l'espace et le vécu. >> (Bailly, A., Raffestin, C., Reymond H., 1980)

permettrait aux différents programmes et aux différentes politiques d'intervention, d'être plus efficaces.

2.1 Des représentations dans la géographie à la remise en cause des mécanismes d'intervention au Sud.

L'utilisation de l'étude des représentations en géographie, leurs applications concrètes dans un cadre institutionnalisé comme celui des programmes ou des projets peut paraître illusoire. Mais de nombreux auteurs1 soulèvent des critiques portant sur le système de l'interventionnisme occidental et de ces conséquences dans les pays du Sud, remettant en cause ses fondements et ses méthodes d'application. Nous nous appuierons sur la situation africaine plus particulièrement.

Découpée entre les différents empires coloniaux, alors européens, et véritablement occupée à partir du XIXème siècle, l'Afrique gagne son indépendance2 au lendemain de la deuxième guerre mondiale, et bénéficie même du soutien des grandes puissances économiques pour « construire son développement et en finir avec sa pauvreté >>. Après quasiment un demi-siècle de coopération internationale, de projets et une masse d'argent considérable investie3, l'heure est aux interrogations sur l'efficacité et la pertinence des actions menées, d'autant plus qu'aux contraintes de la croissance économique se greffent aujourd'hui celles, et non des moindres, du développement social et de la gestion de l'environnement écologique.

Si le développement existe, c'est qu'on considère qu'il existe un sousdéveloppement. De même, si aujourd'hui les populations du Sud sont accusées d'ingérence écologique, c'est qu'on considère qu'elles ne sont pas capables d'organiser leur environnement. Cette vision ethnocentrique occidentale est basée sur ce que Rossi G. appelle des « mythes fondateurs >> et qui sous tendent l'évidence indiscutable de la supériorité de ses savoirs scientifiques, techniques et économiques sur « l'indigène >>, sur « le sauvage >>.

Ces mythes sont, pour la plupart, de véritables contre-vérités scientifiques, issues de l'observation biaisée des sociétés du Sud et des rapports qu'elles entretiennent avec leur environnement4 ; issues donc des représentations « occidentales >>5 (voir note 8). Quand aux structures nationales, elles véhiculent aujourd'hui les mêmes messages que les anciens colonisateurs. En effet, la décolonisation n'a pas modifié

1 Ce mouvement, à notre connaissance, concerne les géographes francophones et anglo-saxons ; mais intervient là la barrière du langage qui limite l'étendue de nos recherches.

« le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes >>...

2

3 800 à 900 milliards de francs par an, pour 36000 ONG environ (selon l'ONU).(D'après Rossi, G., 2000)

4 la pensée environnementaliste anglo-saxonne, a été utilisée à outrance comme référence conceptuelle dans la préparation de projets (voir 2.1 .1).

5 « L'ethnocentrisme et le socio-centrisme ont, historiquement, présidé à la construction de la vision occidentale de la nature et des sociétés du monde tropical, y compris dans le domaine scientifique. >> (Rossi, G., 2000)

les structures ; au contraire, employant un personnel administratif et politique formé à l'occidentale, les Etats se sont appuyés sur les réseaux préexistants de la période coloniale pour favoriser leur contrôle sur les populations vivant sur le territoire national, notamment les pasteurs nomades. De toute manière, fortement contraints par les politiques d'ajustement du FMI et la Banque Mondiale qui leur imposent une certaine vision du développement, les Etats ne peuvent se passer de la rente1 que leur apporte les différents bailleurs de fonds des projets occidentaux.

A l'opposé, < les pratiques de gestion des sociétés du Sud, sont fondées sur une intime connaissance empirique de leur milieu physique et sur les représentations qu`elles en ont tiré, sur les liens religieux, spirituels, qu`elles entretiennent avec les éléments naturels/surnaturels qui le composent.>, (Rossi, G., 2000). Or, bien que ces connaissances empiriques2 soient souvent plus adaptées aux contraintes de l'environnement biophysique et socio-économique que celles prônées par la pensée occidentale, elles restent actuellement remises en cause sous-estimées au profit des concepts déterministes qui servent de base aux différents programmes. La faible considération qu'on apporte aux connaissances et aux logiques endogènes est incontestablement à l'origine des nombreux échecs de projets : < ce qui, imposé de l'extérieur, est trop différent du patrimoine culturel n'y est pas intégré, n'y est pas internalisé, approprié par les individus, ne reçoit pas un sens et ne peut pas être vraiment pris en compte. >, (Rossi, G., 2000). Par exemple, le refus de l'innovation correspond le plus souvent à une inadéquation entre ce que le projet propose et les stratégies des populations à cette période là.

Les situations d'échec jalonnent l'histoire de l'aide au développement. La quasi-totalité des projets reposent sur des structures et des mécanismes de fonctionnements institutionnalisées, rigides; il existe des < normes standard >, en matière de conception de projets : les concepts qui en définissent les bases de fonctionnement, les techniques utilisées, les acteurs concernée, l'échelle d'intervention (souvent locale, villageoise)... etc. : des projets clés en mains, imaginés et conçus à partir de préjugés et de concepts occidentaux, prêts à l'utilisation... Dans quel objectif ? Ce que certains appellent un < business >,, pour les organisations, les Etats et même les populations, notamment les élites locales, est aujourd'hui vivement critiqué par le monde scientifique ; certains allant même jusqu'à qualifier les actions du Nord comme des instruments de domination (Escobar, A.) . Même si le développement s'améliore progressivement, avec le développement d'ONG aux micro-réalisation ou encore avec des tentatives d'approches < participatives >,, dans le domaine de la gestion de l'espace, les politiques définies il y a plusieurs décennies, inspirées du déterminisme (voir note 9), sont toujours utilisées : les aires protégées, la lutte contre l'érosion, contre la déforestation, contre la désertification, ...etc. Les politiques nationales généralisées à l'échelle du pays,

2

< Ces savoirs, ces modes de gestion doivent être reconnus, acceptés et aidés ; c'est peut-être l'une des seules façons de ménager un véritable développement durable . < (Rossi, G., 2000)

comme la réforme du foncier ont également des implication néfastes, dans la mesure où leurs caractères généraux et autoritaires s'imposent aux populations.

Ainsi, face à l'observation répétée des mêmes défauts dans les interventions occidentales vers les pays du Sud, nombreux sont ceux qui appellent à une modification des approches : « aujourd'hui, elle [la notion des rapports Nord-Sud] se pose en terme beaucoup plus culturels qu'économiques, contrairement à l'époque où elle à commencé à se banaliser, à la fin des années 1950 » (Henry, J-R., 1995) . « Le poids des techniques dans l'aménagement de l'espace est largement exploré. Celui des utopies qui guident l'action l'est à peine. Il nous faut sortir de la logique impersonnelle et objective de la démarche scientifique habituelle et explorer l'univers mental des hommes » (Claval, P., 1995). On ne peut plus aborder les sociétés du Sud avec des normes et des systèmes de références occidentaux ; toute analyse ou description d'une organisation spatiale devrait comprendre les représentations des autres, de ceux qui habitent ce territoire. Or nous sommes actuellement dans un conflit de représentations, ou chacun se fait une image de l'autre.

De toute évidence, « le mythe prométhéen du développement » par la croissance économique s'essouffle, ouvrant peut-être de nouvelles perspectives. Il apparaît que les mesures comptables, indicateurs sociaux et matériels, paramètres économiques, ne peuvent plus suffire dans l'évaluation de la qualité de la vie et de la satisfaction des populations. On se doit d'intégrer dans notre démarche une meilleure connaissance des valeurs accordées aux lieux et aux espaces. Comprendre les satisfactions et insatisfactions liées aux réseaux de lieux et systèmes de distances dans lesquels les hommes s'inscrivent, peut permettre de mieux comprendre le bien-être socio-spatial des uns et le mal-être des autres ; et de contribuer ainsi à une amélioration des conditions de vie des uns, et des autres.

« Cela suppose que l'on ne considère pas les cultures des pays du Sud comme a-scientifiques, étrangères à la construction et à l'exploitation technoscientifique du réel, mais que l'on utilise des histoires culturelles, des visions du monde, des constructions du réel différentes pour élargir le champ des possibilités au lieu de tenter de les conformer aux nôtres. » (Rossi, G., 2000). L'étude des représentations nous semble être une voie incontournable qui permet de se rapprocher de la compréhension des logiques socio-spatiales des sociétés.

2.2 Comprendre et interpréter les représentations : peu d'outils et beaucoup de prudence...

Depuis que les recherches sur les représentations ont intéressé les sciences sociales, de nombreuses méthodes sur leur « mesure » ont été expérimentées. Les concepts et les théories nous apportent des réponses, puisqu'ils servent à qualifier

les représentations, mais ces démarches et les conclusions qu'on peut en tirer sont soumises à nos propres représentations : < l'interprétation des valeurs qui attachent les hommes à leur espace, les sociétés à leurs territoires est soumis aux représentations du géographe » (Frémont, A, 1974). Par contre en ce qui concerne leur quantification, la difficulté est plus grande ; il est vrai qu'il existe des modèles élaborés par la psychologie et la sociologie (voir annexe 3). Ces méthodes sont elles transposables à la géographie ? Peuvent elles être utilisables, applicables dans le cadre que nous nous sommes défini ? Nous n'avons pas la prétention d'y répondre mais nous essayerons de mettre en lumière certains problèmes qui se posent au géographe dans l'appréhension < concrète » des représentations.

Pour Brunet R. (1974), même si la quantification peut s'avérer être un outil référence de la géographie, la recherche de modèle mathématique concernant les représentations est difficile à mettre en place. De plus, dans ce cadre, il ne lui apparaît pas évident que tout conceptualisation doit aboutir à un modèle mathématique. Les modèles de détermination des représentations inspirés des autres sciences sociales sont à manier avec prudence : soit ils imposent d'aborder les représentations à une échelle réductrice, celle de l'individu ou du microcosme social, comme dans la psychologie cognitive ; soit leur caractères généraux et rigides1, peuvent occulter ou minimiser les spécificités des représentations de chaque unité socio-spatiale.

Dans un souci d'objectivité2, Il apparaît plus avisé de dégager des variants ou des invariants, des symétries ou des dissymétries, concernant les représentations d'une société : faire émerger des faisceaux de représentations, tenter de les hiérarchiser, d'en déceler les codes et les médiations sociales, pour essayer d'apprécier leur place dans les activités, les pratiques et les dynamiques territoriales. < Pour cela, l'objectivité consisterait à délaisser totalement, au moins momentanément, le point de vue extérieur, décentré de l'objet, pour adopter une observation décentrée du point de vue extérieur » (Retaillé, D., 1995) . Ainsi, faute de pouvoir valider de < recette miracle »3, il convient d'insister sur le rôle des concepts, qui sont eux-mêmes des outils, puisqu'ils sont la représentation des relations des sociétés à leurs territoires (Bailly, A., Raffestin, C., Reymond, H., 1980).

La difficulté d'interpréter et de quantifier les représentations posent donc un problème < d'outillage ». Néanmoins, de nombreux géographes montrent qu'il existe des supports utilisables pour cerner les représentations, notamment celles de l'espace.

Nous pouvons tout d'abord distinguer les enquêtes directes, auprès des sujets concernés ; nous revenons ici à la difficulté de transposer des méthodes des sciences humaines et sociales connexes à la géographie. Ce procédé est néanmoins

1 Modèles de la sociologie, de la psychologie collective.

2 Même si nous sommes bien conscient qu'il s'agit ici seulement d'un objectif dont nous cherchons à nous rapprocher.

3 Faute d'expérimentation également.

porteur de résultats, si toutefois l'entretient s'appuie sur une trame peu directive et sur une longue durée. Il est évident que s'il existe des liens affectifs entre les interlocuteurs, ou encore si l'enquête permet des conversations informelles1, les résultats n'en seront que plus probants. Hélas, de telles enquêtes ont un coût élevé et nécessitent une maniabilité des approches ; effort que peu de programmes font, ou peuvent faire.

De manière indirecte, le géographe peut se pencher sur les différents moyens d'expression verbale et de communication, à savoir le langage (qui peut-être chanté), les discours officiels, ou encore ceux des médias ; pour cela il peut utiliser des techniques d'analyse lexico-graphiques ou sémantique par exemple. On pourrait ajouter à ces supports la peinture, le cinéma, la littérature (etc.) : tout ce qui émane des manifestations de la culture des société, qui exprime également les représentations que se font les sociétés de la réalité géographique. Enfin, la lecture des écrits des spécialistes en sciences humaines et sociales (ethnologie, sociologie, géographie... etc.) est une source d'information riche et variée ; cette interprétation doit être accompagnée de vigilance, le filtre du scientifique s'intercalant entre le celui du géographe et la société qu'il étudie.

Ces précédents supports sont tous liés à un filtre supplémentaire, celui du langage. La médiation du discours peut également déformer le sens de ce qui est dit, la traduction littérale se confondant souvent avec l'interprétation du scientifique ou de son interprète : au travers du filtre du langage, véhicule des formes et structures de pensée d'une société, les représentations perdent ou gagnent des significations dont il faut tenir compte. De plus, le langage fige, schématise, codifie ; il a tendance à ramener tout phénomène original à sa dominante et à accroître les discontinuités, puisque le choix d'un nom ou d'un verbe équivaut à une classification. (D'après Metton, A., 1974)

Face à l'expression linguistique, l'expression graphique peut être mise en avant : la représentation par le dessin ou le croquis apparaît pour de nombreux auteurs un moyen efficace de cerner les représentations de l'espace : « une des pratiques les plus séduisantes est la carte mentale2, très connue des géographes pour sa capacité à révéler les significations de l'espace social à travers le choix des signes et des formes » (Bailly, A., et Debarbieux, B., 1995). Pour ces derniers, le jeu dialectique des référentiels égocentrés et exocentrés s'y trouve matérialisé de façon expressive. Une fois de plus cette méthode n'est pas sans dangers : le procédé graphique est soumis à une codification, à des normes sociales parfois, et aux représentations de celui qui l'interprète. Pour Bailly A., et Debarbieux B., (1995), la carte mentale subordonnée à cette codification ne fait qu'évoquer les représentations d'une personne sans véritablement « mettre à plat » ses représentations.

1 Souvent plus intéressante que l'entretien lui-même.

2 Une carte mentale désigne deux réalités différentes selon les auteurs : tantôt il s'agit de la représentation graphique d'un espace par un individu ; tantôt il s'agit de la représentation mentale de cet espace. (S. Bailly et B. Debarbieux).

L'étude du paysage1, qui s'insère dans la démarche géographique, à été abordée par de nombreux auteurs. Cela nécessite beaucoup de précautions, sachant que le paysage montre une multitude de signes au géographe, mais cache aussi bon nombre de logiques et de stratégies socio-spatiales au décryptage complexe ; là encore, « la connaissance et la recherche de significations du paysage se heurte à la notion de filtre ou d'écran s'intercalant entre l'observateur et l'espace à apercevoir » (Metton, A., 1974).

En étudiant les représentations, le géographe se confronte au mur de la quantification et à la notion de « filtre » lorsqu'il cherche à les qualifier (voir note 10). Le positionnement de chaque chercheur sur l'étude des représentations dépend de celles qu'il s'en fait lui-même. La subjectivité du chercheur influence ses travaux ; ses représentations, ses valeurs référentielles sont souvent différentes de celles des individus vivant sur place. L'infiltration de nos cadres conceptuels dans l'interprétation des systèmes de représentations est un risque que le géographe doit connaître. Il est d'autant plus grand lorsqu'il s'agit des montagnes, des hautes terres, espaces d'études qui, nous semble-t-il, font l'objet d'un puissant imaginaire social.

Cela dit, il nous apparaît possible aujourd'hui d'utiliser ces « outils », ces méthodes pour apprécier la nature et la portée des représentations dans la géographie, et plus largement, dans la compréhension des logiques socio-spatiales des individus et des groupes qu'ils constituent.

1 Les paysages sont des interfaces entre les hommes et leurs milieux. Empreinte et matrice de la culture, il sont du temps incarné en espace. (D'après Rossi, G. et Berque, A., 1996)

Notre objectif s'attache à une meilleure compréhension des logiques spatiales des individus et des sociétés qu'ils composent. Acquérir de nouvelles connaissances sur les représentations que se font les individus de leur environnement, ou simplement les valoriser, nous apparaît comme un outil primordial de l'analyse géographique. Pour cela nous avons tenté de définir une approche qualitative des représentations, en essayant de comprendre leurs implications sur les comportements spatiaux des individus et des sociétés, en favorisant l`approche territoriale qui nous semble la plus appropriée.

Concernant l'aire géographique d'étude, notre objectif s'inscrit dans une approche critique des multiples projets de développement, de gestion de l'envi ronnement écologique, des politiques nationales; ces actions institutionnalisées, conçues et mises en place par des acteurs souvent exogènes aux groupes concernés, n'ont obtenu que peu de résultats. Il nous est en effet apparu que bon nombre de ces programmes ne tiennent pas suffisamment compte des représentations des populations concernées, dont on sait aujourd'hui qu'elles sont déterminantes dans leurs logiques et leurs stratégies productives, sociales, politiques et culturelles, qui se traduisent par des processus de territorialisation spécifiques, souvent incompris.

DEUXIÈME PARTIE :

LES HAUTES TERRES D'AFRIQUE DE

L'OUEST : DES MILIEUX SPÉCIFIQUES POUR

L'ÉTUDE DES REPRÉSENTATIONS ?

Les majestueux inselbergs du pays Kapiski après la saison des pluies (Monts Mandara), chacun étant le domaine d'un Esprit (Skar).

INTRODUCTION

Nous venons de cerner le concept des représentations, son rôle sur les comportements spatiaux des individus et des sociétés, ainsi que ses approches méthodologiques ; cette démarche nous paraît une nécessité pour pouvoir maintenant justifier le rôle des représentations dans l'amélioration des connaissance géographiques, et leur utilisation dans la mise en place de projets, à l'aide d'exemples plus concrets.

Le choix des hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale comme terrain d'étude s'inscrit dans la recherche d'unités socio-spatiales distinctes pour appréhender les représentations, en suivant l'approche territoriale que nous avons défini plus haut. Nos préférences, pour des raison notamment bibliographiques, se sont donc portées sur ces hauts reliefs d'Afrique de l'Ouest :

· la dorsale guinéenne (rép. de Guinée), comprenant le massif du Fouta-Djalon et les Monts Nimba (voir carte p. 8 ).

· la chaîne de l'Atacora s'étendant du N-W Bénin au S-W Togo, comprenant l'Atakora, le Plateau Kabyé, les Monts Fazao et les Monts Togo (voir carte p.9 et 10 ).

· la dorsale camerounaise (Cameroun), aux frontières de l'Afrique centrale, comprenant le Mont Cameroun, les Hautes Terres de l'Ouest, l'Adamaoua, les Monts Alantika et les Monts Mandara (voir cartes p 11 ).

Nous avons souhaité travailler dans des milieux < montagnards », car ces derniers ont en effet été longtemps reconnus comme des espaces aux caractéristiques biophysiques, socio-économiques et culturelles < spécifiques » ; le discours peut aujourd'hui être nuancé, notamment grâce aux travaux réalisés sur les représentations.

Mais < La montagne ne doit pas être une simple légitimation d'une démarche scientifique » (Debarbieux, B., 1989). Il s'avère donc essentiel de s'attarder non seulement sur la composante montagnarde en milieu tropical, en tant qu'objet géographique, avec ses réalités environnementales (biophysiques, socioéconomiques) pouvant influencer les représentations, mais aussi sur ces montagnes en tant que qu'image culturelle et sociale forte. Se pencher sur la dialectique milieux montagnards-représentations semble une étape utile à la compréhension des systèmes de représentations des individus et des sociétés de notre terrain d'étude.

L'intérêt est d'autant plus grand que s'annonce en 2002 < l'année internationale de la montagne », sous l'impulsion de l'Agenda 21 Chapitre 13, établit lors de la CNUCED1 de Rio en 1992 et du Bilan du Sommet de la Terre en 1997, par l'ONU (voir note 11). Désignés comme < espaces sensibles à protéger et à

1 CNUCED : Conférence des Nations Unies sur l'Environnement et le développement, généralement appelé < Sommet de la Terre ».

aménager» (Messerli, B., et Yves, J-D., 1999), il existe aujourd'hui un engouement pour les milieux montagnards, vecteur de multiples projets à venir. De plus les mêmes auteurs constatent que dans les montagnes et sur les hauts plateaux se retrouvent la majorité des espaces protégés sur la plan de l'environnement. Alors, dans ce contexte, s'intéresser de plus près à la spécificité de ces milieux nous semble opportun.

CHAPITRE 1 :
LES HAUTES TERRES D'AFRIQUE DE L'OUEST ET D'AFRIQUE CENTRALE : DES MILIEUX AUX CARACTÉRISTIQUES BIOPHYSIQUES MONTAGNARDES ?

 

La spécificité montagnarde existe-elle réellement pour ces hautes terres d'Afrique de L'Ouest et d'Afrique Centrale ? (voir note 12). Nous exposerons plusieurs interrogations concernant tout d'abord le « fait montagnard », au sens commun évocateur mais difficile à qualifier objectivement. Nous allons alors essayer de mettre en évidence certaines caractéristiques spécifiques de ces environnement montagnards ; elles sont tout d'abord biophysiques, car il est important de cerner quelle peut-être la portée des potentialités du milieu sur les comportements spatiaux des individus et de leurs groupes.

Dégager des facteurs qui conditionnent les activités spatialisées humaines nous amène à réfléchir sur la spécificité des représentations en milieu montagnard. Si on compare certains milieux biophysiques des hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale à d'autres dans le monde considérés comme montagnards, comme le Massif des Alpes ou encore ceux de l'Est asiatique, peut-on alors se demander s'il est possible de parler de montagnes tropicales dans cette zone ? L'exemple du relief le montre ; même si la dorsale camerounaise s'assimile plus aisément à des montagnes puisqu'elle culmine 4070 m au Mont Cameroun (voir carte p.11), la majeure partie de ces reliefs reste en dessous de 2000 m (dorsale guinéenne), voire inférieure à 1000 m (chaîne de l'Atacora).

Apparaît une notion fondamentale dans l'analyse des milieux montagnards : la notion de gradients*. Au-delà de cet exemple, elle s'étend en effet à la totalité des éléments biophysiques des écosystèmes montagnards et permet de mettre en rapport, tout en les visualisant de plus près, les différents écosystèmes du terrain d'étude.

1. DES DISCONTINUITÉS DANS LES PAYSAGES.

Nombreux sont les auteurs qui évoquent la verticalité et ce qu'elle implique sur les dénivellations comme l'une des principales caractéristique des milieux montagnards1. Mais, à partir de quel seuil cette verticalité peut être annonciatrice d'une montagne ? Ce seuil n'existe pas de manière objective, et les débats ouverts à ce sujet sont nombreux, mais pour notre part on se réfère plus particulièrement à la discontinuité du paysage, dans la lignée de Thouret J-C., Debarbieux, B., (1989) pour lesquels < Toute morphologie est liée à une discontinuité des propriétés du milieu ; la montagne, pour être une forme géographique, doit pouvoir répondre à ce critère de discontinuité >,.

Les montagnes se distinguent donc dans le paysage par leur massivité, par la rupture qu'elles constituent avec les reliefs environnants (voir note 13); l'exemple de l'Afrique de l'Ouest montre bien la relativité du fait montagnard et l'importance des gradients.

Les reliefs2 sont appréciés et mesurés au moyen du paramètre altitudinal : ils se distinguent ainsi par cette composante verticale qui en fait des espaces a trois dimensions.

Les deux grandes lignes des relief les plus à l'Ouest, la dorsale guinéenne et la chaîne de l'Atacora sont des ceintures montagneuses relativement étendues. La première se déroule sur un axe nord-sud de la Guinée-Bissau à la Côte d'Ivoire; on y distingue le massif du Fouta-Djalon et ses hauts-plateaux au Nord et la < constellation >, des massifs du Sud dominée par les Monts Nimba (1752 m) (voir carte p. 8). Alors que la seconde dorsale, orientée N-E / S-W du Niger au Ghana, d'aspect étroit3, est constituée de vigoureux reliefs à ses extrémités Nord (641 m) et Sud (920 m), ainsi que des résidus de massifs épars en son centre (voir carte p. 9 et 10) ; bien que d'altitude relative, ces reliefs entaillent les monotones étendues planes qui les entourent.

Nous sommes ici sur des vieux massifs érodés, au relief caractéristique des hauts contreforts et des cascades en marche d'escalier, avec un modelé tabulaire profondément entaillé, guidant le réseau hydrographique. Ces dorsales sont pourtant < récentes >, dans l'histoire géologique de l'Afrique de l'Ouest et de l'Afrique Centrale puisqu'elles ont d'abord été des zones tectoniques déprimées du bouclier africain, dans lesquelles se sont déposés des sédiments. Relevés par des mouvements verticaux, ces massifs sont ainsi assis sur des roches sédimentaires traversées par des venues volcaniques basiques, recouvrant le socle granitique.

1 Morin, S., Debarbieux, B., Messerli, B., Yves, J-D, Brunet, R.,...etc.

2 Il paraît évident que nous excluons ici les micro-reliefs.

3 Guère plus de 50 km de large.

La dorsale camerounaise, est composée de véritables « citadelles » et « murailles »1 qui s'étendent selon un axe N-W / S-W du Cameroun au Tchad en longeant la frontière Nigériane. Il s'agit là encore du socle granitique soulevé par des mouvements tectoniques, fortement intrusé par des venues volcaniques, formant le grand appareil central (Mont Manengouba : 2396 m). Ainsi dominés, ces hauts plateaux en marches d'escalier délimités par de grands escarpements (Hautes terres de l'Ouest, Monts Alantika, Monts Mandara, l'Adamaoua, entre 1000 et 2000 m), surplombent les plaines et les bas plateaux environnants.

Le travail de l'érosion et de la tectonique toujours active a fortement fracturé et entaillé ces reliefs : d'aspect austère, disséqués, compartimentés et fortement encombrés de roches arrachées au reliefs pour les reliefs cristallins (Monts Alantika) ; pour les reliefs volcaniques, sous la forme de vastes plateaux découpés, modelés en demi-oranges ou en hauts bowé2 pour les plateaux et sous la forme de gorges ou de caldeiras3 pour les grands appareils de la dorsale.

Ainsi, il est possible de rapprocher ces différents massifs dans les processus géomorphologiques de leur genèse, dans leurs pédogenèses, dans leur domination sur les plaines périphériques et leur discontinuité dans le paysage ; certes ces milieux offrent des caractères différents entre eux en terme d'altitude, impliquant des paramètres écologiques contrastés sur lesquels nous reviendrons, mais les effets de domination topographique existent dans ces massifs. Bien que ces derniers soient plus prononcés sur les reliefs de la dorsale camerounaise que sur les autres massifs étudiés, une vision globale de l'Afrique de l'Ouest et de l'Afrique Centrale montre que ces ensembles émergent nettement dans la morphologie de cette zone. Pour Morin S., ces allures de forteresses sont fréquentes dans les massifs soudaniens et sahél iens.

La verticalité peut-être considérée de plusieurs manières par les sociétés qui y vivent : comme un avantage, car le commandement des reliefs sur les basses terres périphériques peut constituer une protection physique en cas de conflit (site de protections perchés, observatoires, ...etc.), mais aussi comme un milieu qui semble plus contraignant, puisque les systèmes de pentes ou de versants qui déterminent le commandement et le compartimentage, impliquent des modes de production, de communication et de protection de la ressource appropriés au milieu : gestion des sols contre l'érosion, préservation des ressources agricoles et pastorales... etc

De plus, notamment pour la dorsale camerounaise (le compartimentage du relief y étant plus accentué) les niches topographiques que constituent les hautes terres de l'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale sont des terrains favorables à l'isolement et à l'enclavement des sociétés y vivant, favorisant la multiplicité des

1 Morin, S., 1996

2 bowé (bowal au singulier) : ces cuirasses indurées Les formations consolidées sont constituées de dépôts des cuirasses latéritiques et ferrugineuses.

3 Grand cratère formé par effondrement ou par explosion de la partie centrale d'un volcan (Georges, P., 1970)

Les chutes de la Saala entaillent les imposants contreforts à Ouest des hauts plateaux centraux du Fouta-Djalon qui s'élèvent au dessus de 1000 m.

Cliché: Beuriot M. et Leyle D., 2000

Les imposants Monts Mandara, vus du village de Rhumsiki (Pays Kapsiki) au Nord de la dorsale camerounaise.

Cliché: Morin, S.

42 bis

DOCUMENT 5

Les Monts Nimba sont le point culminant de la dorsale guinéenne à 1752 m au dessus de la Guinée forestière.

http://www.unesco.org/whc/sites/155.htm

Escarpement vertigineux des Monts Alantika (dorsale camerounaise) qui commandent l'aiguille de Saptou et les plaines environnantes.(D'après Morin, S.)

Cliché: Morin, S.

Grand appareil volcanique de la dorsale camerounaise: la caldeira des Monts Bamboutos qui s'élève au dessus de 2100

LES HAUTES TERRES D'AFRIQUE DE L'OUEST ET
CENTRALE : DES MASSIFS IMPOSANTS...

...ET DES HAUTS PLATEAUX

Les Hautes Terres de l'Ouest du Cameroun; le pays Bamiléké et la « douceur de ses paysages » (Morin, S., 1996)

Cliché: Morin, S.

Plateaux du Sud de l'Atacora béninois, dans la région de Boukombé.

www.isa-africa.com

42 ter

Les hauts plateaux du Fouta-Djalon, dans la région de Labé, aux reliefs et aux pentes adoucies.

Cliché: Beuriot, M. et Leyle D.

DOCUMENT 6

groupes ethniques, avec leurs coutumes et leurs langages propres : A propos des montagnes camerounaises, Balandier G. (in Morin, S., 1996) écrit que « ces peuples montagnards accrochent leurs villages aux pitons granitiques, et se révèlent très attachés à leur montagne, non seulement pour des raisons de sécurité, car elles jouent un rôle refuge, mais aussi pour des raisons culturelles, car elles sont le lieu le plus sacralisé ».

Ainsi, au-delà du compartimentage et des barrières physiques, pour les sociétés qui vivent sur ces hautes terres (voir docs. 5 et 6) , la verticalité, la massivité, apparaît comme un facteur déterminant, voir comme une constante dans les images qu'elles produisent, dans les représentations qu'elles se font de leur environnement écologique. Toutefois, peut-on établir qu'il existe une corrélation entre la vigueur ou la massivité d'un relief et la fréquence ou l'intensité des représentations qu'il véhicule ? La démonstration semble délicate.

2. DES MILIEUX AUX APTITUDES SPÉCIFIQUES ?

Les caractères biophysiques des écosystèmes des milieux montagnards, sont largement influencés par la verticalité. Pour Messerli, B., et Yves, J-D., (1999), dans la recherche d'une définition des spécificités des milieux écologiques montagnards, il est seulement vrai que les montagnes sont des régions possédant un relief accentué qui influence le climat, la fertilité des sols, la végétation, l'instabilité des versants et leurs commodités d'accès.

Les modifications des conditions climatiques zonales par la verticalité peuvent s'apprécier selon un référentiel de gradients : l'étagement bioclimatique (voir doc.7) ; cet stratification écologique est souvent retenue comme un critère spécifiquement montagnard (Lassère G., 1983, Messerli, B., et Yves, J-D, 1999, Chardon, M., 1989...etc.), bien que les limites ne soient qu'approximatives et dépendantes d'une multitude de facteurs locaux.

D'un point de vue global, notre terrain d'étude se situe dans la zone bioclimatique intertropicale et de ce fait subit le balancement saisonnier du FIT1, qui, combiné à l'influence océanique, détermine une gradient latitudinal des conditions bioclimatiques en l'Afrique de L'Ouest et d'Afrique Centrale (voir carte p. 4bis, doc.8 et doc.9). Etirés chacun selon un axe N-S, les massifs étudiés se dressent face aux flux dominants, l'harmattan2 et la mousson3. Ainsi l'altitude influence les régimes

1Front intertropical

2 Alizé continental sec et chaud en provenance de l'anticyclone saharien (secteur N-E).

3 Alizé maritime chaud et humide en provenance de l'anticyclone de Ste Hélène (secteur S-W).

CEINTURE DE VÉGÉTATION DANS LES MONTAGNES TROPICALES HUMIDES, SEMI-
HUMIDES À SEMI-ARIDES ET ARIDE

Localement la valeur des températures et des précipitations peut varier

Source: d'après Ellenberg (1975), Klötzli (1976, 1991) Réalisation: Messerli, B., et Yves, J-D., (1999)

 

DOCUMENT 7

MÉCANISME DU F.I.T.

43 bis

DOCUMENT 8

thermiques et pluviométriques des hauts reliefs. Globalement, les précipitations y sont plus importantes et les températures plus fraîches, même si l'exposition aux flux crée des dissymétries à l'intérieur d'un même massif, comme le montre l'exemple du Fouta-Djalon (voir note 14). D'une manière générale, dans la zone étudiée, les façades Sud et Quest sont plus fraîches et plus arrosées, à l'inverse des façades Est et Nord.

En raison de leurs caractéristiques morphoclimatiques, la majorité des fleuves et des rivières prennent leur source en montagne et représentent une grande partie de la ressource en eau du globe ; ce fort potentiel hydrologique se confirme en Afrique de l'Quest et en Afrique Centrale, où de nombreux grands fleuves prennent leur source dans les massifs montagneux (voir carte p.4 à 11), à l'image du fleuve Niger dans la dorsale guinéenne1. La forte capacité hydrologique des hautes terres du terrain d'étude, constitue une ressource non négligeable, plus particulièrement sous les latitudes tropicales à tendance sèche (Monts Mandara). La plus grande présence d'eau sur les hauts reliefs permet la mise en valeur d'espaces agricoles proches des zones humides, les « bas-fonds ». Mais les régimes pluviométriques,

DOCUMENT 9 : Localisation et climats des massifs montagnards du terrain d`étude

 

Massif montagnard

latitude

longitude

type de climat

dorsale guinéenne

Fouta-Djalon

11° N

12° W

soudano-guinéen

 

8°N

8°W

guinéen

chaîne de l'Atacora

Nord de l'Atacora (Bénin-Togo)

10°N

2°E

soudano-guinéen

 

8°N

1°E

guinéen

dorsale camerounaise

Monts Mandara

1 0°N

1 4°E

soudano-sahelien

 

9°N

1 2°E

soudano-guinéen à tendance sèche

 

7°N

13°E

soudano-guinéen à tendance humide

 

6°N

1 0°E

camerounien, ou de mousson équatoriale

 

4°N

9°E

 

climat sahélo-soudanien: 400-900 mm de pp (1100 mm pour les Monts Mandara), 28°C de moyenne, deux saisons dont une sèche de 7 mois.

climat soudanien: 900-1500mm de pp ( 1300 mm pour les Monts Alantika, 1600 pour le Fouta-Djalon), 28°C de moyenne, deux saisons dont une sèche de trois à 6 mois.

climat guinéen: 1500 à 2000 mm de pp (2200 mm pour les Mont Nimbas, 25°C de moyenne, quatre saisons avec deux mois moins humides.

climat camerounien (d'altitude): + de 2000 mm de pp (jusqu'à 4400 mm sur les premiers reliefs de la dorsale), 21°C de moyenne, avec 0 à 3 mois moins humides.

NB : en ce qui concerne les précipitations, il faut tenir compte de l'irrégularité inter-annuelle, allant parfois du simple au double.

Source : Atlas Géographique (1998), Toupet, C., (1992)

 

1 Plus exactement dans le Sud du Fouta-Djalon, qualifié excessivement de « château d'eau d'Afrique de l'Quest » (Akle, M., 1983)

111:00CUMENT

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LES GRANDES DIVISIONS BIOCLIMATIQUES

EN AFRIQUE DE L'OUEST ET CENTRALE

444 bis

combinés aux systèmes de versants, qui par gravité accélèrent le ruissellement et l'écoulement, accroissent les risques d'érosion. De plus, les systèmes de versants réduisent la superficie des espaces cultivables, plus rares et plus étroits qu`en plaine, ce qui implique des organisations foncières et des techniques agraires anti-risques (érosion, fertilité...etc.) adéquats, afin de préserver la ressource agricole.

Les modes de production agricoles et pastoraux, bien que favorisés par la pédogenèse et une grande présence d'eau, doivent ainsi développer une capacité d'adaptation et des techniques de protection des sols pour maintenir une certaine productivité et assurer la reproduction du groupe ; cette dernière répond à des logiques et des stratégies variables dans le temps et dans l'espace, que les sociétés mettent en place (voir doc.1 0).

Mais bien plus que les caractères climatiques, la verticalité influence également les biotopes, dans leurs compositions, leurs adaptations aux conditions du milieu ainsi que dans leurs formes de sociabilité : par exemple, le tapis végétal se modifie au fur et à mesure qu'on prend de l'altitude, et ce d'un point de vue floristique mais également morphologique. On trouve dans l'écosystème de nombreuses espèces endémiques, réfugiées dans les niches écologiques montagnardes au fil des oscillations paléoclimatiques et des activités humaines agricoles. Souvent convoités pour leurs ressources en bois et leurs facultés de << protection des terroirs de versant1 », les forêts de montagne captivent l'attention de nombreux organismes de protection de l'environnement. Ils dénoncent et luttent contre la déforestation en montagne, méconnaissant souvent les logiques qui poussent les individus à pratiquer l'essartage brûlis ou le déboisement.

A chaque étage correspondent donc des caractéristiques écologiques différentes et des aptitudes variables pour les activités humaines. Dans les espaces tropicaux, de nombreux scientifiques considèrent les montagnes, du fait de leur verticalité et de ses effets, comme des milieux biophysiques avantageux. Pour Demangeot J. (1996) ou Lassère G., (1983), à l'inverse des montagnes tempérées ou froides, les montagnes tropicales sont des milieux favorables aux hommes ; pour Morin, S. (1996), << la dorsale camerounaise dans sa partie septentrionale se comporte souvent comme une île au-dessus des flux de mousson chauds et hyperhumides, dominant les basses terres forestières engluées dans leur touffeur. » Les hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale apparaissent alors comme des milieux plus salubres, au << climat agréable qui élimine la plupart des maladies de la plaine » : pour les pasteurs peuls du Fouta-Djalon, de l'Atacora béninois et de l'Adamaoua, les hautes terres verdoyantes et fraîches favorisent leurs

1 Terroir : Au sens strict, il s'agit d'un lieu défini par des qualités physiques particulières : pente, exposition, nature du sol. Au sens large, il renvoie à la campagne, à l'activité agricole : << un terroir agricole fertile ». Certains géographes spécialistes des espaces tropicaux, surtout en Afrique, emploient terroir au sens de finage ; cet usage, quoique établi, est source de confusion et devrait être évité. (R. Brunet, les Mots de la Géographie)

Les billons du pays Bamiléké sont une technique dont disposent les paysans pour limiter les pertes en terre; celles-ci constituent un handicap pour la production, dans la mesure où la ressource est limitée par le poids démographique (D'après Rossi, G., 2000)

Cliché: Rossi G.

DOCUMENT 10

Les pratiques de gestion des risques, certes multiples et variées, répondent notamment à des adaptations aux contraintes du milieu biophysique: verticalité, altitude, potentialités agronomiques, érosion, natures et variations climatiques.

les stratégies et les techniques adoptées par les communautés dans leurs activités de production marquent le paysage de signes révélateurs des contraintes du milieu:les pratiques antiérosives (en haut et ci-contre), la gestion de l'eau (ci-contre) ou encore l'organisation des parcelles dans l'espace et dans le temps (en bas et ci-contre).

Sommet du massif du mont Ziver (Pays Mafa): dans les montagnes sèches de la dorsale camerounaise, les systèmes de terrasses, associés à une certaine gestion des pâturages, permettent de limiter l'érosion et de conserver la ressource en eau pendant la saison sèche: « la cuvette sommitale est occupée par deux pâturages reliés entre eux et clôturés où convergent les terrasses [...]. Une source résurgente se maintien toute l'année dans la partie méridionale. Ces pâturages pourraient être la clef de voute anti-érosivede cette vallée haute [...]. » (Seignoboss, C., 1982)

Cliché: Seignoboss, C.

Le système des jachères du Fouta-Djalon est un élément central dans la structure agraire: par ses rotations élaborées, il permet après une période de culture la régénération de la végétation « spontanée », qui protège les sols et facilite leur fertilisation. Ce système n'est cependant efficace que dans un contexte ou la pression démographique n'engendre pas une colonisation agraire de toutes les terres.

Cliché: Beuriot M, & Leyle D., 2000

45 bis

QUELQUES PRATIQUES DE GESTION DE L'ENVIRONNEMENT

élevages bovins et caprins, à l'abri des glossines, de la trypanosomiase et des mouches tsé-tsé.

<< La montagne est tantôt << plus », tantôt << moins » que ce qui l'entoure » (Debarbieux, B., 1989). Elle adoucit certains phénomènes biophysiques (sécheresses cycliques, touffeur équatoriale), créant des milieux convoités pour leurs ressources (hydrologie, sols, ressources végétales) ; mais elle en exacerbe d'autres (érosion et ses risques) nécessitant des modes de gestion de la ressource particulières et souvent complexes par les sociétés.

Nous constatons qu'en terme d'aptitudes, les massifs d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale présentent de nombreux contrastes longitudinaux et altitudinaux conditionnés par les caractères morphoclimatiques zonaux. La diversité y est grande : des << pays de déluges »1 fortement boisés des montagnes intertropicales humides (Monts Nimba, parties méridionales de l'Atakora, et de la dorsale camerounaise) aux formations sèches des Monts Mandara soudanos-sahéliens, l'éventail des milieux est large ; les aptitudes et les potentialités différentes. Ces dernières peuvent évoluer rapidement dans le temps et dans l'espace: lorsque des changements sociaux perturbent la gestion des milieux, l'exacerbation des contraintes biophysiques entraîne parfois des bouleversements rapides, souvent désastreux. Les montagnes sont des milieux dynamiques.

Le rapport contraintes / avantages de l'environnement écologique peut-il être un facteur influent sur les représentations des individus ? Il nous semble que la réalité biophysique d'un milieu montagnard2, aux caractères particuliers induits par la verticalité, appelle des représentations le concernant ; en témoignent par exemple les cérémonies ou les rites liés aux pratiques agricoles, pouvant être des repères forts, voire incontournables, dans les modes de mise en valeur et leur organisation dans le calendrier agricole. Nous pensons que la nature du rapport précédemment évoqué peut-être déterminante dans les représentations. Un milieu soumis à de fortes contraintes engendre-t-il des images mentales négatives pour les populations ? L'inverse est-il également valable ?

Ces interrelations sujet - objet sont difficiles à saisir et dépendent également d'une multitude de facteurs exogènes ainsi que des stratégies socio-économiques (enclavement, dynamisme économique et démographique... etc.) des sociétés. Leurs territoires s'intègrent dans un contexte national, voire international. De ces facteurs découlent les représentations que vont se faire les individus de leur environnement écologique montagnard.

1 (Morin, S., 1996).

2 La notion de gradient concernant les milieux montagnards des terrains d'études que nous avons choisi doit rester à l'esprit de chacun, compte tenu des multiples facettes qu'il présente.

CHAPITRE 2 :
LA DIALECTIQUE REPRÉSENTATIONS-MILIEUX MONTAGNARDS EN AFRIQUE DE L'OUEST ET EN AFRIQUE CENTRALE: QUELLE REALITE GÉOGRAPHIQUE?

 

« Etre géographe aujourd'hui, c'est admettre que l'espace en soi n'existe pas ; que cet espace ne devient objet d'étude que par les significations et les valeurs qui lui sont attribuées par chacun de groupes utilisateurs » (Gumuchian, H.). Certaines caractéristiques des hautes terres peuvent-elles influencer les représentations des sociétés qui y vivent, ainsi que celles du chercheur ? Le fait que les montagnes soient des objets géographiques vecteurs d'un puissant imaginaire social (Bailly, A., Debarbieux, B., 1995) nous amène à nous interroger sur les interactions entre ces milieux montagnards, les représentations des sociétés qui y vivent, et celles du géographe confronté à leur étude.

Approcher les représentations des communautés implantées sur les hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale est utile à la compréhension de leurs dynamiques spatiales. Nous nous pencherons ainsi sur les liens qui existent entre les représentations et leur milieu, les comportements démographiques, les structures sociales et les structures territoriales supérieures. Leurs traductions spatiales peuvent améliorer nos connaissances, sur les convergences ou les différences, des logiques de territorialisation de ces sociétés.

Nous touchons là encore à un débat sur le fait social en montagne, sur sa spécificité difficile à démontrer : il semble plus aisé de mettre en évidence des invariants ou des corrélations concernant les caractères et les mécanismes biophysiques des milieux montagnards1, alors que cela apparait plus difficile dans le cadre des sciences humaines et sociales ; l`approche systémique est un outil de compréhension des sociétés étudiées : elle en souligne l'extrême complexité et fait appel à de larges connaissances. Mais on ne peut affirmer la spécificité sociale des milieux montagnards étudiés, il nous est juste possible de la suggérer et se question ner.

1 Même si ceux-ci ne sont pas toujours évidents, dépendants également des méthodes et des techniques de recueil et de traitement des données collectées

1. LES MONTAGNES EN AFRIQUE DE L'OUEST ET EN AFRIQUE CENTRALE, RÉALITE OU CONSTRUCTION SOCIALE ?

Pour Gumuchian, H., le fait d'aborder les montagnes sous leur forme subjective -à savoir les images individuelles et collectives qu'elle produit- n'en revient pas à nier leur réalité biophysique ou humaine. En ce qui concerne le statut spécifique de la réalité sociale montagnarde, on peut néanmoins s'interroger sur sa validité tant on constate qu'aujourd'hui sa qualification humaine et sociale est biaisée par nos représentations (voir note 15). « Du coup, l'interrogation portée sur la spécificité montagnarde ne se limite plus à l'étude des paramètres objectifs qui la différencie de son environnement. Elle s'étend aussi aux constructions culturelles, souvent à fonction spécifiante dont elle à été l'objet. » (Debarbieux, B., 1989)

1.1 L'objet d'étude montagnard et ses humanités dans la géographie : des déformations scientifiques.

L'intérêt pour les espaces montagnards émerge au XVIIIème siècle à travers le regard des artistes et des romanciers (voir annexe 4): attractive et mystérieuse, la montagne par sa dimension métaphysique et imaginaire captive celui qui s'y intéresse. Probablement liée à cet engouement, la problématique de la montagne apparaît à la même époque dans les sciences naturelles. Les reliefs montagnards deviennent un terrain d'étude privilégié pour la diversité des écosystèmes qu'ils offrent aux scientifiques européens. Ces milieux sont ainsi perçus à l'époque comme une véritable « mosaïque de formes naturelles » : « c'est dans la montagne que l'on doit principalement étudier l'histoire du monde » (Deluc, J.A., 17781). Dans la même période, l'utilisation des gradients altitudinaux permet aux scientifiques d'effectuer des expérimentations (climatologie, botanique, géologie) qu'ils n'auraient pu réaliser en dehors des milieux montagnards, faute de moyens techniques suffisants.

Les images péjoratives des sociétés vivant dans ces milieux se construisent dans le milieu scientifique dans le même temps2 : on croit alors qu'elles ont de faibles capacités de transformation et d'aménagement de leur environnement ; en tout cas bien moindres que les plaines environnantes. La nature y est moins maculée de l'empreinte de l'homme, plus virginale ; elle est donc perçue comme étant « un musée de la nature, une mémoire de la terre, un conservatoire des formes originelles » (Debarbieux, B, 1989). Ces différentes perceptions et

1 Deluc, J.A., lettres physiques et morale sur les monta gne , La Haye, 1778 p. 127.

2 Pour les populations vivants sur les piémonts montagnards, ces images existent depuis bien longtemps déjà.

1 Dupaigne, A., les montagnes, Tours, 1873, p.35

représentations des réalités géographiques montagnardes sont devenues les fondements de la spécificité des ces milieux.

Fortement influencé par le déterminisme environnemental et sa démarche de causalité directe, le discours sur les humanités montagnardes évoque des images : < il suffit de prononcer le mot de < montagnard » pour éveiller l'idée d'un homme robuste, actif, persévérant, brave, généralement honnête et de bon sens, aimant la liberté, enfin, sincèrement religieux » (Dupaigne, A., 18731). Mais cette vision des montagnards a également son antithèse : < Pour les gens de la plaine et des villes, les habitants des régions de montagne ont souvent la réputation d'être traditionnels, conservateurs, passifs ou même rétrogrades. » (Messerli, B. et Ives, J.D., 1999), voire même celle de sauvages, d'hommes sous-civilisés ; cette vision du montagnard reste prégnante dans les hauts reliefs tropicaux, où l'on oppose la plus grande modernité des plaines et des côtes, considérées comme des espaces centraux, à la tradition des périphéries montagnardes enclavées, isolées.

Les particularismes des sociétés vivant dans les milieux montagnards sont nés des représentations de < ceux d'en bas » : valorisant au XVIIIème siècle, dévalorisant au XIXème siècle. Il est probable que ces discours péjoratifs ont contribué, et contribuent aujourd'hui encore, à développer les identités montagnardes des populations qui y vivent ; d'autant plus que les espaces montagnards deviennent à notre époque des enjeux socio-économiques importants. Les opérations d'aménagement et les projets qui s'intéressent de nos jours aux milieux montagnards ne sont-ils pas la reconnaissance de leurs spécificités ? Ou traduisent-ils les représentations de ceux qui les conçoivent, envers ceux qui en sont (ou qui voudraient en être) les destinataires ?

Les évolutions contemporaines des discours scientifiques sur les montagnes n'ont que peu altéré cette spécificité d'objet, sa réalité biophysique ne pouvant être remise en cause, mais ils intègrent progressivement les images propres que véhiculent ces milieux : < la montagne telle qu'on la perçoit est un outil de l'esprit, un mythe [...] ; à ce titre elle entre donc, dès les origines, comme un élément essentiel de la structuration sociale de l'espace » (Bozonnet, J.P.).

Ainsi, le géographe, l'ethnologue ou encore le développeur, observateurs des montagnes, de leurs phénomènes et des sociétés, doivent avoir à l'esprit que leur volonté d'objectivité, si toutefois elle existe, subit l'influence de leurs propres images, de leurs propres représentations. En fonction de leur culture, de leurs parcours humains et scientifiques, de leurs points de vues, les manières de voir et d'apprécier la réalité montagnarde sont inévitablement influencées par leurs systèmes de représentations (voir note 16). Nous avons affaire ici à un filtre majeur dans l'approche et la compréhension des représentations en milieu tropical montagnard.

1.2 Images et représentations de la montagne sur les hautes terres d`Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale: un constructeur spatial ?

Les montagnes ont une nature évocatrice pour le géographe, mais surtout, elles ont influencé, voire conditionné, les représentations que se font les groupes humains de leur environnement. A travers leurs croyances et leurs pratiques, les sociétés des hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale ont progressivement construit des images de la montagne qu`elles se sont appropriées et qui jouent un rôle fondamental dans leur culture*, ainsi que dans leur gestion de l'espace.

Les communautés vivant sur des hautes terres sont volontiers caractérisées par leur forte identité, par l'attachement à leur terroir et à leurs coutumes, par des formes de culture variées et profondément marquées par les montagnes. Quelle symbolique peut-on voir derrière le rapport des sociétés à leur milieux montagnards ? Nous attacher à ce rapport métaphysique entre les communautés montagnardes et leurs reliefs contribue certainement à mieux comprendre les dynamiques paysagères des hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale.

« Qu'une société africaine soit organiquement attachée à son terroir n'a rien de très commun. » (Morin, S., 1996). Par exemple, les populations du Fouta-Djalon ou celles des Monts Mandara sont attachées à leur terre, celle de leur clan, de leur famille, ou de leur lignage. Mais de quelle nature est le rapport des peuls musulmans à leurs hauts plateaux1, et quel est le rapport des Kapiskis animistes à leurs inselbergs granitiques2 ? Peut-on rapprocher les systèmes de représentations que véhiculent ces liens avec la montagne?

Pour cela, il suffit de se plonger dans les facettes culturelles de chaque communauté, auxquelles elles s'identifient et qu'elles construisent au fil des générations et des contextes locaux, pour s'apercevoir que les rapports des hommes à leur environnement présentent des aspects multiples et contrastés. Et cela, même si parfois, en fonction des aires géographiques, il est possible de distinguer un fond socioculturel commun.

Nous ne pourrons ici aborder la totalité de ces éventails culturels, compte tenu du large terrain d'étude et du grand nombre de communautés qu'il regroupe. Il s'agit de saisir l'importance du fait montagnard sur les représentations des individus.

La relation des hommes à leur milieu biophysique est rarement matérialiste et fonctionnelle. Au-delà de l'économique et du technique, l'environnement montagnard et son influence sur l'organisation spatiale des activités est perçu et interprété de manière imagée, symbolique, comme nous le montre Morin S. au sujet des sociétés de la dorsale camerounaise. Dans un essai de généralisation3, l'auteur met en

1 voir illustration de la première partie (présentation)

2 voir illustration de la deuxième partie (présentation)

3 « [...]même si toute tentative de généralisation doit être menée avec précaution. » (Morin, S., 1996)

évidence des faisceaux culturels communs entre les sociétés et constate que certains sont fortement marqués par les milieux montagnards.

En ce qui concerne le rapport à la terre ou au terroir, toutes les communautés vouent un attachement à leur montagne bien plus que symbolique, même si celui-ci varie en fonction des ethnies. Morin, S., le qualifie d'organique, à l'image de la chefferie dans les Grassfields qui est « la traduction spatiale des structures sociales et des représentations propres aux habitants [...]. Ainsi, pour tous, la terre, c'est d'abord la montagne, le pays habité par une association de villages et de clans. Il existe une relation existentielle des sociétés montagnardes à leur milieu, et un attachement viscéral des populations à leur terroir et à leur village » -en somme, à leur territoire-. « Seul le massif est perçu par le montagnard comme sa vraie patrie » (Seignobos, C., 1982) .

On retrouve ce sentiment chez les migrants. Malgré leur exode vers la plaine ou la ville, ils restent imprégnés de leurs croyances vis à vis de la montagne d'origine. En pays Bamiléké se préserve et se cultive l'adhésion à un idéal commun : la valorisation de la chefferie d'origine, où l'on doit construire et investir, car le Bamiléké est mis en contact avec ses ancêtres dès sa naissance, et à sa mort, il y sera définitivement remis à sa terre (voir note 17) (D'après Tchawa, P., 1991 et 1997). Le même constat est valable pour les populations du Fouta-Djalon.

L'auteur souligne l'image de la panthère dans les massifs de la dorsale camerounaise, qui reste fortement présente et associée à la sorcellerie ainsi qu'au pouvoir. Sa furtivité et sa réputation de prédateur fait que « la panthère jouit d'une aura maléfique en même temps que d'une réputation de beauté et de puissance. En bref, elle résume les attributs d'un chef. » Malgré sa disparition progressive de la faune dans les zones fortement peuplées, elle demeure ainsi une figure emblématique des puissants (Grands, Princes et les Fon), et un lien avec les esprits des montagnes (les Margay). Elle joue donc un rôle social essentiel, qui « apparaît lié au pouvoir et à son origine : la terre ou la montagne ». Dans les croyances des communautés de ces massifs, aucun autre animal, même jouant un rôle comparable, « ne s'assimile à la montagne comme la panthère ».

Nous avons vu précédemment que les reliefs de la dorsale camerounaise influencent les régimes pluviométriques et hydrologiques. L'eau est également une source de représentations en fonction de son abondance, ou de sa rareté, et de ses rythmes saisonniers. Même si l'auteur souligne la banalité de ce fait dans les sociétés rurales africaines, il en souligne les spécificités montagnardes : là où l'eau est abondante, « elle est considérée comme source de fécondité et de puissance. Dans les montagnes sèches [...], ce sont les points hauts plus humides et le retour de la saison des pluies qui focalisent les attentions1 ». Dans les Monts Mandara, le Prince, Chef de pays, est également Chef de la pluie. Notwa C. (1976) remarque que dans les Grassfields, les rivières et les lacs sont de véritables mystères, source de fécondité, mais également de danger, lieux de réunions d'esprits maléfiques, de sorciers anthropophages ; pierres de pluies (Ksof), arc-en-ciel divins et faiseurs de

1 voir la céane du Mont Ziver (doc.10).

LA BOUCLE HISTORIQUE DES PEULS

Source: Pelissier P., 1995.

DOCUMENT 11

SYSTÈME DE DÉFENSE VÉGÉTAL ET MINÉRAL

DOCUMENT 14

Source: Seignobos, C., 1982.

« Des populations proches de celles des Mandaras méridionaux, comme les Mofou Mokong, placés sur une voie de pénétration facile, que favorisaient la présence des mayo (cours d'eau), avaient raffiné leur système de défense, face aux éventuels envahisseurs ou pilleurs, mais aussi face aux animaux sauvages (Seignobos, C., 1982)

pluie1 aux pouvoirs surnaturels témoignent des rapports mystiques des populations à l'eau.

L'élevage taurin présente un contraste racial avec celui des plaines. La recherche de pâturages viables serait même à l'origine du peuplement montagnard. Le pastoralisme s'intègre de différentes manières dans le système agraire, en fonction des espaces cultivables disponibles ; il pèse donc sur l'organisation territoriale. Au-delà de sa fonction pastorale, le bovin présente une marque sociale forte : il est une forme d'épargne et surtout, sacrifié lors de la fête de la Maray (Monts Mandara) ou Nàgnàppõ (Monts Alantika), il participe à une cérémonie essentielle de la vie sociale, qui précise les rapports entre les individus dans le cadre de la communauté. Le bovin représente une marque de prestige social dans toute l'Afrique de l'Ouest et Centrale, comme on peut le constater avec la boolatrie des peuls (ou fu l bés).

En témoigne le mil, les cultures agricoles sont également sujettes aux représentations populaires. Cette céréale n'est plus cultivée sur les Hautes Terres de l'Ouest, concurrencée par les tubercules et par les cultures de rentes. Mais dans les montagnes sèches, le mil participe toujours à l'autosuffisance alimentaire dans les associations de culture2, et surtout, « le mil est prince et commande les relations sociales >>. Il est utilisé comme monnaie d'échange (chez les Dowayo), comme matière première de la bière locale ; dans les Mandara, le Prince est maître du mil et assure la pérennité du groupe en cas de soudure alimentaire difficile. Ainsi, fondement du système agraire « le mil participe à un système socio-spatial quasi fermé qui fait de ces montagnes soudano-sahéliennes des entités homogènes et équilibrées capables de pratiquement vivre sur elles-mêmes3 [...]. >>

On retrouve l'importance des productions céréalières dans les représentations des groupes sociaux à travers la marque des greniers à grains, éléments centraux dans les concessions familiales puisque « le nombre et les dimensions des greniers indiquent le degré d'opulence de leur propriétaire >> (Maquet, 1962). « Leur présence révèle de ce fait les structures des sociétés devenues de ce fait inégalitaires et hiérarchisées >>.

Le cas des Peuls peut également être souligné, puisque l'histoire de l'Afrique de l'Ouest et de l'Afrique Centrale (voir doc.11) montre que ces pasteurs sahéliens - dans leurs migrations vers le Sud- ont installés leurs parcours de pâture à la limite sud de la zone soudanienne en plaine, comme dans le Nord Togo, le Nord Bénin où le Nord Cameroun. Ils se sont parfois sédentarisés (ou semi-sédentarisés) sur les hautes terres, à la recherche de pâturages pour leurs bovins (Fouta-Djalon, Atacora, Adamaoua, plateau de Jos... etc.). On peut remarquer que leurs zones d'installations montagnardes se situent de préférence sur des hauts plateaux tabulaires. Pour ces populations il existe également un fond socioculturel commun, vecteurs d'images et

1 Méto'o Beng sur les Hautes Terres de l'Ouest, Bi Yam dans les Mandara.

2 L'ouverture contemporaine des montagnes les plus enclavées a amené la culture du maïs, qui, en terme de production alimentaire (« le plat et la sauce >>) concurrence progressivement celle du mil. 3 « Les projets de développement n'ont pas de prise sur la montagne. L'économie y connaît un tel degré d'efficacité qu'elle ne semble pas perfectible. >> (Seignobos, C., 1982)

de représentations sociales et spatiales. On peut suggérer que celui-ci trouve ses fondements principalement dans l'Islam, dans le rôle du pastoralisme, le commerce et l'importance des migrations dans les dynamiques spatiales. Et ce, même si lors des phases de peuplement chacune des communautés peules a intégré -rarement l'inverse- en partie les cultures trouvées sur place ; en effet, maraboutage et fétichisme local s'intègrent dans une certaine pratique de la religion musulmane.

Mais dans le cas de cette grande communauté de la zone soudanienne et sahélienne, l'influence de l'environnement écologique montagnard est bien plus difficile à cerner. Existerait-il des gradients dans les représentations des milieux montagnards, en corrélation avec ceux des environnements écologiques ? « La spécificité d'image trouve toujours quelque part une traduction matérielle. » (Debarbieux, B., 1989).

Malgré la diversité des milieux écologiques et les trajectoires historiques de chaque communauté, partout ont été élaborés des systèmes d'exploitation très savants, fondés sur des relations existentielles des sociétés avec la terre. Ces faisceaux culturels communs aux sociétés de la dorsale camerounaise, induisent des représentations -aux nombreuses déclinaisons locales- de leurs milieux montagnards. Par contre, étendre ce constat à l'ensemble du terrain d'étude serait hasardeux, non seulement par manque de matière bibliographique (notamment sur l'Atacora et les Monts Nimba), mais aussi car les fondements historiques et culturels des civilisations étudiées présentent de multiples variantes. L'exemple localisé de la dorsale camerounaise se veut révélateur de la force symbolique et mythique des milieux montagnards, mais il convient de ne pas généraliser ; l'exemple moins convainquant des peuls incitant à la prudence (même si ce dernier mériterait d'être approfondi) pour ne pas tomber dans l'environnementalisme ou le déterminisme à outrance. « Le facteur montagne en tant que milieu biophysique n'importe-t-il pas moins que le contexte social, économique, culturel dans lequel il s'inscrit ? » (Debarbieux, B., 1989)

Selon différents gradients physiques mais surtout culturels, les hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale portent la marque des sociétés qui y vivent, qui les ont aménagées en inscrivant sur leurs versants les signes de leurs structures socio-économiques, et de leur vision du monde à travers les représentations qu'elles s'en font (voir doc.12 et 13). On retrouve les représentations, notamment montagnardes, à la base du sentiment identitaire des communautés lorsqu'elles concernent la terre, le terroir ou l'environnement écologique. La portée des représentations s'étend à toutes les activités humaines, et plus particulièrement aux activités agricoles. Les productions sociales de l'espace ne sont pas dissociables de leurs significations, perceptibles dans les paysages.

Sources:

1: extrait du cro quis de la chefferie de Bandjoun, et 2: photographie aérienne de la chefferie de Baleng.d'après Morin, S, 1996.

3: haie dans la « plaine » des Timbis (Fouta-Djalon). Cliché: Beuriot M. & Leyle D., 2000.

4: extrait de la carte IGN de Labé (1956). Village de Poréko , au Nord proche de Labé.

Le rapport des hommes à leur terre, leur attachement à leur territoire, s'exprime dans l'espace par des marquages originaux; le bocage en est un exemple, que l'on retrouve fréquemment sur les hautes terres d'Afrique de l'Ouest.

La haie du bocage Bamiléké (1 et 2), à l'image de celle du Fouta-Djalon (3 et 4), se développe d'abord autour de la concession car elle est limite, borne et signe d'appropriation. Mais également, la clôture, marque la frontière entre le clos, domaine restreint des cultures, et l'ouvert, vaste domaine des jachères, de la brousse, autrement dit des pâturages. Morte ou vive, la haie est « un trait d'union entre l'agriculture et l'élevage >> (C. LaugaSallenave, 1996). La présence de barrières est destinée à protéger les cultures contre l'appétit féroce du troupeau.

« L'élevage, c'est le totem du Peul >>*. Les Peuls du Fouta-Djalon revendiquent encore de nos jours leurs racines de pasteurs. La célèbre boolatrie peule et ce qu'elle représente pour eux s'exprime également à travers les paysages, dans ce bocage caractéristique (3 et 4).

*(El Hadj Dioulde Sow, Lingui Ferobe, sous préfecture de Popodara, 2000, enquètes personnelles)

La chefferie de Baleng, la plus ancienne du Pays Bamiléké. Paysage de collines polyconvexes et de bas-fonds humides à raphiales sur substrat volcanique. La chefferie s'organise dans une clairière nichée dans une relique de forêt dense en bas de versant . (Morin, S, 1996)

2

3

1

DOCUMENT 12

53 bis

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LES REPRÉSENTATIONS DANS LES PAYSAGES _ LES PAYS DE BOCAGES

LES REPRÉSENTATIONS DANS LES PAYSAGES _ L'HABITAT

DOCUMENT 13

L'exemple de la dorsale camerounaise nous démontre que les représentations façonnent les paysages des individus et des sociétés: en témoigne l'exemple des unités d'habitat:

Ci-dessus, la chefferie de Bangwa (Bamiléké), étudiée par Pradelles de Latour, H., 1972). On remarque que les éléments sacrés, dont les ossuaires de la panthère en bord du allée centrale (Mbutsué) menant à la place principale (Seto), occupent une situation importante dans ce haut lieu pour les Bangwa; en effet, pour eux, le palais du Mfo (Roi), dont on distingue le labyrinthe de ses quartiers, est la Tête du Monde (Tsuâgguong). Alors que la chefferie se situe en proximité d'un bas-fond.

A gauche, ce croquis d'une concession Mofou (Mts Mandara) met en évidence les greniers de l'homme (1), de la femme (2), et la case-brasserie où l'on fabrique la bière de mil (3), ainsi que la case réservée au boeuf sacré, sacrifié lors de la fête de la Maray (4).

Source: Seignobos, C., 1982 Réalisation montage: Leyle, D., 2001

2. LA MARQUE DES SOCIÉTÉS DANS LES PAYSAGES : DES FORMES DE TERRITORIALISATION ORIGINALES

La multiplicité des toponymes rencontrés, les cartes ethniques, la multitude d'héritages linguistiques ou encore la variété des types architecturaux, mettent en évidence la mosaïque et l'éparpillement des populations sur les hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale (voir annexes 5, 6, 7 et 8). Les origines de cette répartition sont conditionnées par des grappes de facteurs physiques, sociaux, culturels, politiques et économiques, dynamiques dans l'espace et dans le temps.

2.1 Des peuplements contrastés dans l'espace

Les dissymétries de peuplement s'expliquent notamment par les potentialités de ces milieux. Le poids des déterminations biophysiques dans notre terrain d'étude est fonction -nous l'avons vu- de multiples gradients zonaux d'altitude et de dénivellation, qui génèrent des potentialités dont les individus et les sociétés ne peuvent s'affranchir totalement : « Il n'est guère réaliste de nier toute influence des contraintes et des potentialités bioclimatiques des milieux physiques sur les modes de structuration de l'espace » (Rossi, G., 2000).

Encore largement orientées vers la production agricole et pastorale, les sociétés africaines se regroupent de préférence sur des espaces ruraux favorables à leurs activités de production. L'importance des cultures vivrières, où dominent le mil, le sorgho, le manioc, le maïs, le fonio et les tubercules est un facteur incontournable dans les stratégies de reproduction des groupes humains en Afrique de l'Ouest et en Afrique Centrale. Bien que les productions vivrières soient parfois concurrencées dans l'espace par les cultures de rente depuis le début du siècle1, la sécurité alimentaire prime sur l'instabilité des productions à l'exportation. En effet, la fluctuation des prix de vente sur les cours internationaux décourage souvent les petits exploitants.

En raison des potentialités montagnardes appréciées par de nombreuses populations, le peuplement des hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale peut atteindre 2000 hab/km² sur les riches substrats volcaniques, qui contrastent avec les marges granitiques ne dépassant pas 60 hab/km² ; de même

1 Caractérisant les milieux montagnards à tendance humide :café, cacao, banane et bois principalement.

que le massif du Fouta-Djalon a également des densités rurales élevées dépassant 250 hab/km² sur les hauts plateaux. Mais à l'inverse, l`Adamaoua (moins de 10 hab/km²) et les Alantika (guère plus de 20 hab/km²) apparaissent sous peuplés par rapport à leur potentiel productif.

D'une capacité pédologique et hydrologique importante par rapport à celles des basses terres, les montagnes d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale ont toujours attiré les populations : « ces massifs1 se sont offerts comme terre d'élection à une époque où les plaines et montagnes étaient, sur la plan de la culture matérielle, plus comparables. Ils apparaissaient comme les seules zones habitables pour les populations en place » (Seignobos, C., 1982). Ce phénomène s'est parfois même accentué à l'époque contemporaine avec les cultures de rentes dans les montagnes humides, à l'image de la forte immigration de Kabyés sur le plateau Akposso (Monts Togo). Mais les communautés ont eu des dynamiques démographiques différentes. On peut attribuer ces divergences aux multiples formes de réponse face à des aléas biophysiques et sociaux : conquête spatiale, migrations, amélioration du système productif par l'assimilation d'innovations, conflits... etc.

Pour caractériser géographiquement les communautés inégalement réparties et comprendre la nature de leur rapport à l'espace, il nous semble utile de nous attarder sur la dimension historique et socio-économique de leurs évolutions.

2.2 La diversité des héritages historiques et des évolutions socio-économiques

Les dynamiques de peuplement des hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale sont multiples. Elles ont évolué également selon les vicissitudes de l'histoire et selon les logiques et les stratégies socio-économiques des populations, aux nombreux particularismes locaux sur lesquels nous ne pouvons nous attarder dans le détail. Peut-on toutefois y trouver des caractéristiques communes pouvant nous aider à cerner les représentations des individus ?

Tout d'abord, les montagnes d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale furent des sites refuges et de protection pour certaines populations. Lassère G. (1983) et Morin S. (1996), soulèvent cette fonction d'abri et de repliement qui, au cours de l'histoire mouvementée de Afrique de l'Ouest et de l'Afrique Centrale, ont amené les populations à s'installer sur les hauteurs, qui les protégèrent ainsi des menaces et des razzias des peuples esclavagistes basés sur les basses terres périphériques. De nombreuses populations se sont ainsi réfugiées sur les sites défensifs des hautes terres par vagues successives2, dont les systèmes de protections végétaux et

1 Les « massifs évoqués sont les Monts Mandara (dorsale camerounaise)

2 Ces faits de peuplement par vagues révèlent la complexité de ses origines, tant ces populations montagnardes ont été capables d'assimiler des nouveaux venus et de s'adapter à la présence de peuples ennemis dans la plaine.

minéraux marquent encore de leurs stigmates les paysages (voir doc.12) : les Bamiléké des Hautes Terres de l'Ouest, Les Kabyé du Togo, les Somba du Bénin, ou encore les peuples des Monts Mandara (voir docs.1 1 et 14). La fonction de refuge, s'inscrit également dans l'époque contemporaine, avec la colonisation européenne, puis avec les Etats indépendants, dont les administrations ont toujours voulu accentuer le contrôle territorial. N'est-ce pas là le témoignage d'une identité forte ?

Cette notion de refuge doit cependant être nuancée. Elle ne signifie pas forcément l'isolement total, car ce repli ne fut pas systématique, comme dans l'Atacora béninois et le Fouta-Djalon pour se protéger de la pression Peule ; ou dans certains massifs de la dorsale camerounaise, où cette fonction ne fut qu' « accidentelle et épisodique » (Morin, S., 1996), s'effectuant en fonction des contextes historiques, socio-politiques et économiques dans une région donnée.

Nous pouvons alors plutôt parler de berceaux de civilisations, de communautés ethniques et culturelles originales. Recherchés pour leur compartimentage et pour les potentialités de leurs milieux, les sites montagnards ont été des espaces privilégiés pour le développement de foyers de peuplements humains. L'ancienneté de ces civilisations remonte parfois au néolithique, comme pour les Hautes Terres de l'Ouest du Cameroun ; d'autres, comme « le château fort Peul » du Fouta-Djalon, sont plus récentes (à partir du IXème siècle).

Il s'agit ainsi de considérer ces sociétés montagnardes comme des systèmes ouverts, en relation entre eux et avec les bas reliefs environnants. Cette notion de complémentarité spatiale s'étend à de nombreux espaces montagnards, où les connexions amont-aval sont fréquentes à travers les mouvements de population et les échanges commerciaux. Les Peuls du Fouta-Djalon ne sont-ils pas de grands commerçants entre le Sénégal, le Mali et la Guinée ? L'Adamaoua, véritable barrière orientée W-E, n'est-il pas un lieu de passage obligé du commerce au Cameroun ? On pourrait ainsi multiplier les exemples qui relativisent la situation de montagnes refuges, enclavées et isolées.

Bien qu'elles soient des « conservatoires de civilisations traditionnelles » (Lassère, G., 1983), ces communautés montagnardes ont intégré au fil du temps, des échanges et de l'assimilation de nouveaux venus, des techniques nouvelles qu'elles se sont appropriées et qu'elles ont intégré à leur système de production, notamment durant les périodes de paix. Parfois, elles ont même étendus leurs espaces productifs aux marges des massifs, comme les Peuls de Télimélé dans les basses terres que dominent les contreforts du Fouta-djalon, ou encore les Akebou et les Akposso (Monts Togo) dans celles de Litimé, et les Mofou (Monts Mandara) dans la plaine voisine. Ces mouvements de colonisation s'accompagnent de migrations, qui constituent de véritables régulateurs démographiques et sociaux des populations montagnardes. Elles s'intègrent dans les stratégies de gestion de la ressource et de la cohésion sociale : le plus souvent, ces mouvements sont le fait de jeunes et de marginaux. L'époque contemporaine, avec son flot de croissance démographique, le poids de ses politiques administratives, et ses enjeux économiques certains, a

profondément transformé la réalité des sociétés montagnardes en Afrique de l'Ouest et en Afrique Centrale.

Ces connexions des espaces montagnards avec la « plaine » dépendent de multiples facteurs locaux et du contexte socio-économique à une échelle plus large, dont la pénétration dans les logiques socio-spatiales autochtones varie d'un massif à l'autre. On peut pourtant retenir l'importance de la dimension structurale des reliefs, de la situation géographique des populations à l'intérieur même d'un massif, des stratégies socio-économiques des sociétés, et des contextes historiques.

2.3 Des unités socio-spatiales distinctes ?

« Les montagnes sont le lieu de vie du plus grand nombre de groupes ethniques, gardiens de leurs traditions culturelles, de leurs connaissances de l'environnement et de leurs facultés d'adaptation » (Messerli, B., et Yves, J-D, 1999). En fonction de leurs milieux, de leurs stratégies de reproduction du groupe et de leur évolution historique, les sociétés des hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale ont ainsi développé, des cultures, des organisations sociales, et des modes de productions originaux, qui s'expriment à travers les structures territoriales et leurs témoins, les paysages.

L'outil paysage, caractérisant l'interface entre l'homme et son milieu, permet au géographe de soulever des interrogations, des hypothèses par rapport aux structures territoriales des sociétés (voir note 18). Interfaces dynamiques, ils portent la marque spatiale et temporelle du rapport des sociétés à leur espace. Pour Rossi G. (2000) et Berque A., (1986) les paysages sont l'empreinte et la matrice de la culture : ils expriment les conceptions, les rapports, de la représentation qu'ont les groupes et les individus de leur milieu et de leur territoire, des pratiques de gestion et des comportements qu'ils adoptent.

Ainsi, si on s'attarde sur la structure des paysages sur les hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale, y déceler des points communs, des convergences socioculturelles apparaît bien difficile ; l'aire géographique étudiée, dans sa dimension humaine et historico-économique semble bien trop contrastée pour qu'on puisse mettre en évidence de manière objective des permanences sociales dans les paysages montagnards ; d'autant plus que de nombreuses informations nous manquent afin d'établir des liens solides entre ses différentes composantes. Bien au contraire, la diversité ethnique et culturelle à construit au long de leur histoire les paysages des massifs, véritables unités socio-spatiales.

L'adaptation humaine aux caractères montagnards nécessite des modes de production particuliers (stratégies répondant aux logiques socio-économiques de

chaque groupe humain localisé) qui suivent les objectifs de la reproduction du groupe et du maintien de la ressource. Si on se penche sur les modes de mise en valeur agricole, on constate alors que les pratiques de gestion des risques, certes multiples et variées, répondent non seulement aux caractères du milieu biophysique évoqués plus haut (verticalité, altitude, potentialités agronomiques, érosion, natures et variations climatiques) (voir doc.10), mais aussi aux humanités endogènes (culture, rapports sociaux, dynamisme géographique) et exogènes (contexte économico-administratif et ethnico-social).

Les déclinaisons paysagères en fonction de ces grappes de facteurs sont nombreuses. Même si certaines pratiques, principalement productives et défensives, marquent le paysage de leur empreinte, la gestion de l'environnement en milieu montagnard ne dépend pas seulement des potentialités écologiques « naturelles » ; elle est également, et même surtout, sociale et culturelle.

Certes la réalité de « l'étagement » biophysique est prise en compte par les sociétés dans l'aménagement de leur territoire, dans la gestion des espaces de culture qui occupent de préférence les sols les plus fertiles, ou l'organisation des espaces pâturés qui varient en fonction des saisons1. Mais cette gestion répond rarement aux mêmes logiques, aux mêmes rationalités, et aux mêmes représentations que dans nos montagnes occidentales.

L'étagement qu'on peut observer sur la grande majorité des versants du Fouta-Djalon traduit la hiérarchie sociale dans le paysage. La période de l'Empire Théocratique peul du XVIIIème siècle a vu la mise en place d'un régime esclavagiste, au détriment des Dialonkés, descendants des premiers occupants du massif. Cette ségrégation sociale est à l'origine de la ségrégation spatiale. Les gens de classe vivent dans des villages à l'écart des villages peuls (misiide et foulaso), dans les runde (voir note 19) : « les foulaso se juchent de préférence sur les hauteurs et les runde dans les bas-fonds2 » (Richard-Molard, J., 1952).

Ce commandement direct se retrouve dans les massifs à tendance sèche de la dorsale camerounaise (Monts Alantika, Monts Mandara), où le haut des reliefs est le siège de la puissance : pour les Ouldémé (Monts Mandara), « habiter en haut, c'est demeurer près du ciel, près de la pluie et dominer les autres » (Morin, S, 1996) (voir note 20); l'étagement montagnard correspond ici à la stratification de la population historique : les premiers occupants ont abandonné les bas de versants aux derniers arrivés.

Ainsi, à l'inverse, Morin, S., relève que « la position des concessions selon l'altitude inscrit dans l'espace montagnard la hiérarchie sociale entre les divers clans*, lignages et individus » (Morin, S., 1996). Dans les Grassfields et les Bamiléké, l'étagement social est inverse : plus l'individu ou son clan réside en

1 le plus souvent sur les hauteurs après la saison des pluies (bowés du Fouta-djalon), et pour les massifs à longue saison sèche, la descente vers les bas-fonds permet aux bestiaux de trouver des espaces apetables

2 « Dans le Fouta-Djalon, les bas-fonds sont traditionnellement des espaces marginalisés, car réputés insalubres. Domaine du paludisme et de l'onchocercose pendant la saison pluvieuse, ce sont des espaces qui sont perçus par les Peuls du Fouta-Djalon comme des espaces à risques. » (Beuriot, M., 2000)

altitude, moins il occupe un rang élevé dans la société ; la concession du roi (Mfo) s'établit donc en bordure des bas-fonds, au contact des riches terres du bas.

Mais, dans le contexte politique et socio-économique actuel et ses traductions spatiales (voir annexes 9, 10, 11 et 12), notamment par des structures exogènes supérieures (Etats, régions administratives, cantons,... etc.), des mutations paysagères apparaissent, modifiant voire parfois déstructurant les organisations traditionnelles des massifs. En effet, la période contemporaine, de la colonisation à nos jours, a véhiculé des dynamiques nouvelles dans les sociétés des hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale. Le déploiement de structures administratives par les colons européens a été repris par les Etats indépendants dans la deuxième moitié du XXème siècle. La mise en place d'organismes de développement, de coopération et de gestion de l'environnement exogènes aux populations des massifs, a fortement perturbé ou transformé les dynamiques sociospatiales de leurs territoires ; de ce fait, elle a aussi modifié les paysages. S'ajoutant à la croissance démographique endogène, les leitmotivs de ces différentes politiques et leur application sur le terrain -à savoir l'ouverture à l'économie de marché, la modernisation, le désenclavement des espaces montagnards et la gestion rationnelle des ressources- sont à l'origine de mutations paysagères contemporaines dans notre terrain d'étude. Dans l'appréciation de ce contexte politique général, il s'avère nécessaire de tenir compte la vigueur des conflits ethniques et religieux sous-jacents de manière permanente dans l'exercice du pouvoir au niveau national ; ce dernier devient souvent l'instrument de certaines ethnies aux détriment d'autres.

Par exemple, le développement des cultures de bas-fonds dans le massif du Fouta-Djalon, favorisé par les projets de développement des institutions guinéennes et des ONG, influence aujourd'hui les choix culturaux des paysans. Tous ont très vite saisi leur intérêt à pratiquer ces cultures : les exploitants, qui s'investissent dans les bas-fonds, concentrent leur énergie sur le maraîchage qui apparaît fortement rémunérateur. Leur intérêt n'est pas seulement financier, et les agriculteurs les plus dynamiques, issus des populations anciennement soumises, l'ont bien compris. Le bas-fond est l'instrument de la revanche économique et sociale des anciens captifs sur leurs maîtres et de l'émancipation des femmes. Les bas-fonds sont des instruments au service de la joute sociale et de la récurrence des conflits : le développement c'est la compréhension, l'acceptation c'est une toute autre histoire. De plus, à ce point attractif dans les zones de forte concentration humaine (périphérie des marchés), l'écosystème bas-fonds montre déjà des signes de faiblesse attestant d'une dégradation environnementale préjudiciable à son bon fonctionnement (D'après Beuriot, M., 2000).

Un autre exemple peut être mis en évidence avec les mutations paysagères dans la dorsale camerounaise. En pays Bamiléké, l'ouverture à l'économie de marché par les cultures de rente (café) depuis la colonisation a engendré de profondes mutations socio-économiques et joue donc un rôle important dans les dynamiques contemporaines du paysage. Le développement d'une agriculture

spéculatrice dans un contexte foncier limité1, a provoqué le délaissement progressif des stratégies agraires traditionnelles : abandon progressif du bocage protecteur des sols, ainsi que les modifications du système jachère dont les rotations ont été accélérées sur les terroirs. Dans les Mandaras, il s'agit par contre de l'obligation de cultiver le coton qui est à l'origine des dysfonctionnements des systèmes culturaux. Ainsi, la stérilisation et l'érosion des sols, accentuées par les caractéristiques montagnardes des systèmes de versants et de la dénivellation, sont les conséquences directes de l'introduction des cultures de rente et de la modernité (D'après Morin, S., 1996)

Souvent inadaptées, car inadéquates dans les logiques, dans le temps et dans l'espace, ces mutations contemporaines véhiculées par des acteurs exogènes aux sociétés ont provoqué chez les populations des massifs d'Afrique de l'Ouest et Centrale des résurgences identitaires, celles-ci dépassant parfois même la réalité sociale. Par le refus de l'innovation et de la transformation d'un système de gestion de la ressource devenu obsolète sous des pressions extérieures, le repli identitaire de certaines populations occulte de nombreuses perspectives d'avenir et accentue souvent les situations de crise. Nous pouvons ainsi constater que les conséquences de la mise en place de projets et de politiques sont à l'origine d'une image négative de l'interventionnisme exogène. De nouvelles formes de représentations apparaissent alors face à l'intervention de ces acteurs « étrangers >>.

Les paysages des hautes terres étudiées se distinguent donc par leur originalité, dans les modes de mise en valeur, aux adaptations subtiles aux aptitudes du milieu, mais également par la force constructive des facteurs culturels où les représentations occupent une place majeure, qu'elles se basent sur une réalité biophysique, socioculturelle, ou économique.

De toute évidence, l'organisation de l'espace n'est pas imposée ou déterminée par les contraintes du milieu ; elle laisse apparaître de multiples facettes sociales et culturelles : « L'aménagement sur les versants est donc fonction des représentations sociales >> (Morin, S., 1996). Les multiples formes de paysages observées sur notre terrain d'étude sont, avant tout, des constructions des individus et des représentations qu'ils se font de leur société, auxquelles les communautés des hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale sont fortement attachées. Ce sentiment d'identité spatiale et culturelle, qu'on perçoit dans les structures paysagères, ne trouve pas toujours ses fondements dans les caractères montagnards. Ces derniers sont plus conséquents sur les comportements sociospatiaux dans la dorsale camerounaise2 que sur certains hauts plateaux tabulaires de la dorsale guinéenne et de la chaîne de l'Atacora ; mais ce sentiment identitaire qu'on retrouve dans tous les massifs est significatif d'unités socio-spatiales distinctes, avec des fonds socioculturels communs. Ils nous permettent maintenant d'aborder les systèmes de représentations en géographie sur des bases territoriales valables.

1 « l'espace [Bamiléké] est fini >> (Morin, S.)

2 « Ces montagnes constituent de vrai systèmes socio-spatiaux. >> (Morin, S., 1996)

« La recherche d'une définition de la montagne est une chimère » (Messerli, B., et Yves, J-D., 1999). Cette complexité de cerner le « fait montagnard » se pose donc dans l'étude des représentations des individus et des sociétés qui y vivent. Dans un souci de compréhension des logiques socio-spatiales sur notre terrain d'étude, nous ne pouvions occulter ou contourner ce problème.

Dans notre démarche, nous avons choisi une approche « classique » du problème montagnard, non par volonté de dissocier le physique de l'humain, mais plutôt en raison des spécificités des milieux physiques par rapport aux reliefs alentours; de ce point de vue, les hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale sont des montagnes, réalités biophysiques appréciables selon certains gradients. Par contre, l'approche des spécificités sociales est à traiter avec plus de prudence, au vu des multiples humanités, dont les cultures, les trajectoires historiques et les contextes socio-économiques apparaissent contrastés : « autant certaines visions globales sont possibles sur les caractéristiques biophysiques des montagnes, autant la multiplicité et parfois la complexité des humanités montagnardes rendent périlleuses toutes formes de généralisation » (Lassère, G., 1983).

La spécificité des environnements1 montagnards, des hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale, nous semble bien difficile à affirmer et offre de diverses formes de territorialité : les systèmes montagnards sont le lieu de vie d'un grand nombre de groupes ethniques, gardiens de leurs traditions culturelles, de leurs connaissances du milieu et de leurs facultés d'adaptation. Pour cela, même s'il importe de connaître les interactions entre les sociétés et leur milieu pour comprendre les représentations et leurs implications spatiales, nous essayons de considérer les espaces montagnards non pas comme des objets d'étude, mais plutôt comme un cadre d'étude, contenant de pratiques sociales étudiées indépendamment du contexte.

Toutefois, nous pensons que les populations au contact, parfois multiséculaire, de ces milieux biophysiques, ont intégré certaines des images ou représentations qu'ils véhiculent, pour les sociétés mais aussi pour le chercheur ou l'observateur. Nous ne saurons pourtant dire si l'intensité et la force de ces représentations peuvent être corrélées avec les gradients physiques de vigueur, de massivité et de commandement. Pour cette raison, même si nous venons de montrer que ces milieux originaux en influencent la formation et la construction mentale et sociale, la notion de représentations montagnarde2 n'a guère de signification en soi, tellement diverses sont les conditions offertes aux hommes par ces écosystèmes, ainsi que leurs perceptions et leurs formes d'adaptations au milieu.

Nous pouvons seulement pour l'instant constater que les représentations participent à la construction des paysages et nous permettent de cerner plus

1 La notion d'environnement au sens large incluant (évidemment) les sociétés y vivant.

2 catalogue générique des représentations des sociétés au contact de leur milieu montagnard.

précisément les logiques socio-spatiales des individus et des sociétés. Les caractères implicites de la montagne mettent en lumière des facteurs culturels et spirituels qui influencent profondément la manière dont les hommes voient et traitent l'environnement. Ces valeurs et croyances déterminent dans une grande mesure les ressources et les éléments du milieu que les hommes veulent exploiter et ceux qu'ils se sentent profondément déterminés à protéger (D'après Messerli, B., et Yves, J-D., 1999).

Même si cette analyse de la dialectique représentations-environnements montagnards tente de montrer des pistes, de poser des questions ; cette étape nous permet maintenant d'élargir cette vision pour tenter de mettre en évidence des faisceaux de représentations qui interviennent dans les logiques spatiales endogènes et leur confrontation à celle des projets, encore fondamentalement exogènes. Car même si depuis la fin des années 1970, se développe un mouvement critique de l'interventionnisme dans les pays du Sud, et que les organismes et les institutions affichent leurs bonnes intentions1, la réalité dans les motivations, la conception et l'application des politiques et des projets n'a que trop peu évoluée.

Hier encensés par les naturalistes, les milieux montagnards centralisent aujourd'hui l`attention des organisations de développement et de protection de l'environnement, relayées par les institutions nationales : conserver ces « patrimoines de l'humanité » est une source d'enjeux non négligeables (pharmacie, bois, eau, génétique...). D'après l'O.N.U., « le développement durable des montagnes est une priorité planétaire » (voir note 11).

Nous allons maintenant voir, au moyen d'exemples concrets que, jusqu'à présent, la majorité des politiques institutionnelles mises au point dans des visions globales de la dialectique développement-environnement, s'affranchissent toujours des logiques locales et des représentations des hommes.

1 "la meilleure façon de traiter les questions d'environnement est d'assurer la participation de tous les citoyens concernés au niveau qui convient" (principe 10) déclaration de Rio, 1992.

TROISIÈME PARTIE :

TENTATIVE D'APPROCHE DES REPRÉSENTATIONS

POUR UNE MEILLEURE COMPRÉHENSION DES

LOGIQUES SOCIO-SPATIALES: UNE CARENCE DE

L'INTERVENTIONNISME DES STRUCTURES

EXOGÈNES.

Barrage de Foduyé envasé, sur les hauts plateaux centraux du Fouta-Djalon (Labé-Timbi), construit par un projet pour irriguer des parcelles ; quelques années après la départ du projet, le barrage et les canaux sont progressivement abandonnés. Miné par le manque de moyens pour entretenir la structure et par les tensions sociales internes aux participants, le développement voulu par le projet n'aura pas été durable du tout..

INTRODUCTION

« Penser le Sud quand on est du Nord, penser le Nord quand on est du Sud, [...] cela suppose une rupture épistémologique et un renversement de problématique qu'une grande majorité de politiques, de banquiers, de développeurs et de chercheurs ne sont pas encore près à assumer » (Bertrand, G., 20001). La pensée globale des phénomènes, qu'ils soient politiques, socio-économiques ou géographiques apparaît aujourd'hui limitée, décalée par rapport à leurs réalités multiples et changeantes. Chaque société, chaque territoire ne peut plus être abordé de manière générale, avec des outils conceptuels qui émanent d'une vision ethnocentrée d'inspiration occidentale. La compréhension des logiques sociospatiales des hommes s'affirme comme une optique incontournable à l'accompagnement des sociétés dans leur développement, car « ne pas voir le même espace lorsqu'on travaille ensemble est une difficulté majeure, c'est ne pas parler le même langage. » (Rossi, G., 2000).

Nous allons montrer que, jusqu'à présent, la majorité des politiques institutionnelles, mises au point dans des visions globales du développement et de la gestion de l'environnement, s'affranchissent toujours des représentations des hommes, vecteurs des logiques socio-spatiales. Pour cela, nous proposons ici une grille de lecture des représentations que peuvent avoir les sociétés de leur sphère endogène, à savoir leurs rapports sociaux internes et leurs rapports au milieu, mais également de la sphère exogène, le monde extérieur et plus particulièrement les acteurs institutionnels politiques et économiques, nationaux et internationaux. Ainsi, nous orienterons dans un premier temps la réflexion sur l'approche locale des sociétés et de leur environnement, qui reste aujourd'hui la forme de territorialisation des individus la plus aisément observable sur notre terrain d'étude ; nous élargirons ensuite l'échelle des observations.

Cette tentative de trouver des pistes, des faisceaux de représentations des sociétés ne se veut pas exhaustive ; il s'agit plutôt d'une tentative méthodologique d'approche, argumentée d'exemples concrets, le plus possible en rapport avec l'interventionnisme des structures exogènes dans les sociétés et leurs territoires. Identifier les représentations des individus et des sociétés dans un contexte socioéconomique connu facilite la compréhension des logiques socio-spatiales et leurs dynamiques paysagères. Nous pensons que ce type de démarche, si elle était adaptée à la préparations de politiques et de projets dans les pays du Sud, viabiliserait les actions menées. Utopie ?

1 In Rossi, G., 2000

CHAPITRE 1 :
SUR LES TRACES DU TERRITOIRE, LES REPRÉSENTATIONS DE L'HOMME ET DE LA VIE SOCIALE.

65

 

Dans cette tentative de mise en évidence de pistes de recherche pour l'identification et l'interprétation des représentations, nous avons tout d'abord choisi de nous intéresser aux images mentales qui sont construites par l'individu sur luimême (sur lesquelles nous nous attarderons peu) , ainsi que celles émanant de la société à laquelle il appartient, dans sa structure et ses rapports sociaux. En effet, sur les hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale, il apparaît que la dynamique et la gestion des paysages des hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale s'associent étroitement à l'ensemble du contexte socio-culturel.

Il s'agit ici de « rendre compte de ce qui, dans les attitudes et les comportements des personnes réelles, échappe à la logique agrégative du marché, à l'interaction mécanique des stratégies individuelles et à la recherche rationnelle de l'intérêt personnel, pour s'orienter par référence à la croyance dans l'existence d'une personne collective. » (Di Méo, G., 1991) . Dans cette démarche, Nous nous appuierons sur des exemples de notre terrain d'étude, pour montrer que les représentations, ciment des sociétés et de leur culture, sont trop souvent négligées dans les interventions des projets et des politiques exogènes alors qu'elles facilitent la compréhension de logiques socio-spatiales.

Le bocage est à la fois un mode de gestion de l'agriculture et de l'élevage sur les terroirs peuplés, et un mode de vie, un cadre de vie construit autour de la protection. Ce choix technique motivé par la promiscuité du bétail et des cultures exprime aussi certaines tension sociales exacerbées par la promiscuité des hommes entre eux et les enjeux fonciers. L'habitat ne se conçoit pas sans clôture.

Ainsi, outre la compréhension d'un système d'agroélevage, l'étude des îlots de bocages apporte un éclairage sur les représentations et sur le fonctionnement interne de la communauté rurale (voir carte men-tale ci-contre). Le social et le symbolique se révèlent ici aussi par le géographique (Bonnemaison, 1992). Inversement, le géographique se comprend par le symbolique. Les fonctions symboliques des clôtures contribuent, de manière invisible, à fonder une organisation de l'espace quand à elle bien observa- ble.

Nombre d'observateurs peu attentifs confondent aujourd'hui encore les palissades du Fouta-Djalon avec des clôtures mortes, ne voulant décidément pas voir ou admettre que c'est précisément l'installation de palissades en piquet qui a abouti à la création de forêts réticulaires favorisant à leur tour toute une dynamique naturelle d'enrichissement floristique. Certains projets environnementaux enfermés sur les problèmes de déforestation proposent, sans grand succès, du fil de fer et du grillage pour remplacer les palissades, ignorant que ce changement technique pourrait amorcer la disparition du bocage (voir ci-contre). Absorbés par la question du bois de feu, certains forestiers ont tendance à occulter le rôle des ligneux de la haie qui satisfont les besoins domestiques.

DOCUMENT 15

PRATIQUES ET REPRÉSENTATIONS DE LA HAIE DANS LE FOUTA-DJALON (1)

PRATIQUES ET REPRÉSENTATIONS DE LA HAIE DANS LE FOUTA-DJALON (2)

Quand un individu qui réussit redoute les jalousies de ses semblables et souhaite en particulier se prémunir de son entourage, il s'adresse à un marabout. Il prie le karamoko de l'enclore; aux barrières matérielles que constituent la clôture et la case, on ajoute une clôture symbolique autour du corps, Le hoggugol bandu.

Le karamoko récite alors une formule magique, le coorawol, ou il est question d'un haie contre les sorciers; le karamoko entoure ainsi le plaignant d'un enveloppe symbolique isolante. C'est une véritable barrière, invisible mais bâtie comme un rempart, que le karamoko dresse autour de l'individu pour le protéger des attaques de la sorcellerie.

Le hoggugol bandu mis en place, un sorcier est dans l'incapacité d'exercer son influence maléfique. Jusqu'alors, les clôture matérielles ne pouvaient rien contre le mangeur d'âme. Une simple coorawol entourant celui qui se sent convoité d'un filtre protecteur magique aura suffi à rassurer ce dernier. Ainsi, la clôture se révèle ici aussi comme la pièce maîtresse du corpus des protections magiques. Aussi invisible soit elle, la clôture du corps donne lieu à une représentation réaliste

Textes et documents d'après Lauga-Sallenave, C., 1996

« Construit d'abord ta clôture »

DOCUMENT 16

A travers les clôtures et les barrières de protection symbolique, la société du Fouta-Djalon nous livre les représentations qu'elle se fait de son environnement et des forces invisibles qui l'animent. La multiplicité des haies et l'installation d'autres barrières matérielles et symboliques dans les jardins enclos permettent à chacun de neutraliser tout danger extérieur et de s'isoler de son proche entourage, de ses voisins, de ses parents... La clôture, le toit, la porte, la serrure, en sont des signes. On les retrouve dans la terminologie hoggo et tapade [concession d'un ménage] expriment une volonté de fermeture, et uddidugol, mot pour dire « ouvrir » qui se traduit par « fermer à l'inverse », ainsi que dans certains gestes de la vie quotidienne (verrouillage systématique des portes, empressement à enclore...). Ils révèlent plus discrètement un état d'esprit de fermeture. Derrière les protection matérielles, se révèlent enfin des barrières symboliques dont le hoggugol bandu (ci-dessus), la clôture reste la pièce maîtresse, la clé de voûte, du dispositif de protection.

Le bocage est un dispositif de protection qui associe le clos et l'ouvert et un dispositif de protection qui associe des barrières visibles et des barrières symboliques. Les barrières symboliques sont aussi nécessaires à la culture intensive. Qu'elle soit matérielle ou virtuelle, la clôture est une protection contre les menaces naturelles et surnaturelles et même quand elle apparaît tout d'abord un solide rempart contre le bétail. La boucle est bouclée. Le réalisme et le symbolisme forment un système. L'imaginaire paysan s'ancre profondément dans la réalité; une réalité qui est construite et non léguée par la nature puisque les protections magiques sont techniques. On protège ses cultures comme on protège son corps du sorcier et on protège son corps comme on protège ses cultures de la dent du bétail. On ne saurait dire si la violence symbolique de la sorcellerie a la même force qu'autrefois. Toujours est-il que la clôture individuelle exprime encore très souvent l'enracinement d'une certaine peur de l'autre.

1 L'HOMME : SES ORIGINES, SES CROYANCES.

Nous l'avons vu en première partie, dans la construction des images mentales, l'individu est un élément central et déterminant. Dans ses déplacements, ses activités de production, dans sa vie sociale, l'homme (voir note 21) subit les interférences psychologiques et culturelles de la vision qu'il a de lui-même, de sa place dans le monde et dans sa société. S'agit-il d'une entité autonome et responsable de ses actes ? Est-il mû par des forces extérieures ou supérieures ? Quels sont ses objectifs socio-économiques propres ? Existe-il des interdits, des craintes ou des limites que se fixe l'homme dans son rapport à l'espace ?

S'intéresser à l'homme en tant qu'Être de conscience, de réflexion et d'imagination1, pose les bases des représentations qu'il crée et qu'il transforme ensuite dans le temps. « Posséder le Je dans sa représentation : ce pouvoir élève l'homme infiniment au-dessus de tous les autres êtres vivants sur la terre. Par-là, il est une personne ; et grâce à l'unité de la conscience dans tous les changements qui peuvent lui survenir, il est une seule et même personne, c'est à dire un être entièrement différent, par le rang et la dignité, de choses comme le sont les animaux sans raison, dont on peut disposer à sa guise. » (Kant, 17982).

Les représentations que l'homme se fait de lui-même peuvent s'avérer être un facteur induisant des pratiques spatiales particulières (voir doc.15 et 16). Dans ce sens, les croyances peuvent être mises en avant car elles conditionnent l'individu dans la vision de sa propre personne. Ainsi, les religions animistes polythéistes, dominantes dans notre terrain d'étude, ne considèrent pas l'individu de la même manière que la religion islamique ou catholique. Cependant, il s'agit de ne pas s'aventurer dans un « psychologisme individuel » démesuré, car dans le cadre de la géographie et plus largement dans l'application de politiques ou de projets, tenir compte des logiques subjectives de chaque individu dans la complexité de sa conscience paraît évidemment illusoire. L'individu est-il en permanence l'expression d'un groupe sans lequel il n'existerai pas ? En tout cas notre démarche ne peut se passer d'individus socialisés.

Identifier et cerner les représentations de la place qu'occupe l'homme dans son environnement socioculturel -moteurs de sa logique individuelle et de ses stratégies pour y parvenir- nous amène à considérer l'individu à l'intérieur de sa communauté : « L'homme est double. En lui, il y a deux êtres : un être individuel qui

1 « L'imagination est le pouvoir de se représenter dans l'intuition un objet même en son absence » (Kant, Critique de la raison pure, 1781, Introduction, III). Si l'on reprend la définition contemporaine du terme représentations, il semble qu'aujourd'hui la représentation est une production de notre imagination.

2 Anthropologie du point de vue pragmatique, librairie J. Vrin, p. 17

a sa base dans l'organisme et dont le cercle d `action se trouve, par cela même, étroitement limité, et un être social qui présente en nous la plus haute réalité, dans l'ordre intellectuel et moral, que nous puissions connaître par l'observation, j'entends la société. » (Durkheim, 19251).

Cela dit il s'agit cependant de ne pas minimiser le rôle de l'individu, qui constitue la diversité interne de chaque population, puisque aujourd'hui, dans le cadre de projets, on voit apparaître de plus en plus de micro-réalisations favorisant le soutien d'un individu.

Par exemple, cette stratégie est celle l'ONG « ESSOR » dans le cadre du programme « concilier l'Environnement et le développement économique en République de Guinée - volet agroforesterie ». Basé notamment à Labé et à TimbiMadina (Fouta-Djalon), le programme cherche à valoriser les jachères par l'arbre (plantations d'eucalyptus), et à favoriser le développement de haies vives monospécifiques en les substituant à la palissade en bois mort. La démarche consiste à trouver des personnes motivées et à financer le lancement de l'exploitation, à savoir les premiers achats de plants et la mise en place de pépinières destinées à approvisionner les plantations. Ce choix de s'adresser à des individus permet à l'ONG des investissements raisonnables et limite les gaspillages en cas d'échec ; de plus ce choix est également tactique : la réussite d'un exploitant donne des idées à ses voisins qui démarchent eux-même auprès de l'ONG. Mais, en favorisant la réussite individuelle, l'ONG crée des situations de convoitise, car les élites locales peules voient d'un mauvais oeil celui qui par sa réussite remet en cause la hiérarchie traditionnelle ; d'autant plus s'il s'agit d'un ancien captif. On assiste à une confrontation de stratégies socio-économiques différentes provoquée par un projet, qui peut entraîner des conflits sociaux localisés.

Parmi les erreurs de réalisation dans ces micro-projets, par manque d'appréciation des représentations de l'individu qui en est responsable et par manque de compréhension des objectifs de ce dernier, nous pouvons exposer un cas qui nous concerne directement. Lors de notre séjour à Labé (Fouta-Djalon, 2000), nous avons décidé de monter une entreprise avicole que nous laisserions en gestion à notre famille d'accueil. Avant notre départ, toute la logistique était opérationnelle2 et la gestion tracée sur l'année à venir : l'objectif fixé était le doublement de la capacité du poulailler en 18 mois. Cette exploitation représentait pour nous un gage de revenus à long terme pour M. Baldé et sa famille. Au vu des résultats, nous constatons que pour ce dernier le poulailler représentait plus un « cadeau » de départ, une forme d'épargne familiale qu'il pouvait gérer à sa manière et en fonction du contexte socio-économique, qu'un véritable investissement reproductible sur le long terme.

1 Les formes élémentaires de la vie religieuse, Alcan, 1925, p.23

2 L'opération d'aménagement et d'équipement du site, le financement de la nourriture, l'achat des poulets et le suivi vétérinaire.

2 LES REPRÉSENTATIONS DE LA SOCIÉTÉ, SA NATURE ET SA STRUCTURE, SES DYNAMIQUES INTERNES

On peut donc considérer que la subjectivité de chaque individu participe à la construction de logiques spatiales qui lui sont propres (voir doc. 15 et 16). Mais ce dernier est aussi un être social, installé dans une niche territoriale, accessible à des valeurs référentielles de groupe suffisamment claires et puissantes pour que des structures telles que le pouvoir, l'économie et ses règles, la culture, les croyances, la religion ou simplement le langage revêtent une intelligibilité commune. « Etre social >, parce que, dans le contexte des relations et des pratiques quotidiennes, l'individu partage non seulement la situation objective, mais aussi, quelle que soit l'ampleur des négociations auxquelles d'inévitables divergences le contraignent, les opinions, les représentations, et les stratégies d'autres acteurs sociaux. (D'après Di Méo, G., 1991).

Ainsi, existe-il un sentiment d'appartenance à un même groupe, à un même territoire ? Sur quoi reposent les identités collectives ? Sur le territoire, la descendance, la pratique de certains rituels religieux, certains codes sociaux, les classes sociales ? La religion peut-être considérée comme un centre dynamique et universellement reconnu. Ciment, clé de voûte de certaines sociétés et qui, au travers des images qu'elle véhicule, la religion pose son empreinte dans les pratiques de gestion de l'espace et dans les paysages. « Le continent africain est remarquable pour l'importance que les croyances occupent dans la vie quotidienne >, (Deletage, V, 1998). Une autre forme de codification sociale fortement symbolique se retrouve dans le langage. Notamment dans les repères toponymiques, car le groupe se dote d'un nom et de représentations mentales associées à ce nom : « je ne suis pas guinéen, je suis peul du Fouta-Djalon >, (Baldé., M.L, 2000, enquêtes personnelles).

Mais également, l'identité ethnique et territoriale est parfois une construction contemporaine. « Ainsi en est-il pour les Bamiléké, nom crée en 1885 par les Allemands à la suite d'une mauvaise traduction des propos d'un interprète qui désignait ainsi les Grassfields, les gens d'en haut >, (Morin, S, 1996). Le sentiment d'identité ethnique des chefferies Bamiléké est né de la confrontation avec les colons et avec l'Etat indépendant ; ce sentiment d'unité représente pour elles un moyen de défendre leurs intérêts, « alors qu'au début de la colonisation, les chefferies des Hautes Terres ne cessaient de guerroyer entre elles et leur dernier souci était bien celui de l'unité d'une quelconque communauté >, (Morin, S, 1996). Malgré une pseudo-identité contemporaine qui s'étend à un ensemble régional plus vaste, l'unité socio-spatiale de référence reste la chefferie..

DOCUMENT 17

Le paysage de la chefferie de Bandjoun (Bamiléké), en 1955, avant son saccage par les maquisard pendant les troubles de 1960. Elle témoigne néanmoins d'une organisation spatiale toujours visible.

Les concessions familiales (Mba) les plus anciennes et donc les demeures des puissants se sont d'abord installés sur les basses pentes. Leurs enfants et serviteurs, villageois, se sont implantés plus haut, sur les terres de moindre valeur agricole et sociale. L'inscription de l'habitat traduit la position sociale des individus: plus on réside en altitude, moins on occupe un rang élevé dans la chefferie (voir également doc.12_2). La conquête agricole des versants s'est développée à partir des riches terres. Sur le haut du versant, la place du marché joue un rôle essentiel: ici se fait l'information de la population, les danses et les cérémonies s'y déroulent. On notera l'omniprésence des signes et des symboles sacrés dans le paysage de la chefferie qui constituent autant de marques et de représentations sociales. (D'après Morin, S., 1996, texte et document)

DOCUMENT 18

68 bis

Beaucoup plus nettement que les territoires géographiques, groupes et classes font l'objet de représentations souvent identiques, tant de la part des individus qui les composent que des acteurs sociaux qui leur sont extérieurs. (Di Méo, G., 1991)

A quelle échelle peut-on considérer les identités collectives? Ou s'arrête le cercle des proches, du clan ou du lignage ? Comment s'organisent les liens entre les différentes unités sociales ? Sont-ils spatialisés ? Ainsi, on peut également raisonner à une échelle plus réduite, en terme de groupes sociaux et de territoires plus restreints. Nous touchons alors à l'unité sociale et productive de base, où souvent domine un homme chef de famille ; les sociétés d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale sont très largement patriarcales (voir doc. 17).

En pays Tamberma1 (Atacora), la société s'organise autour de la cellule familiale polygame, forme de groupement de base. Cette dernière s'intègre dans le lignage qui comprend les grands-parents, parents et leurs enfants, où les familles entretiennent des liens motivés souvent par des intérêts d'entraide et participent aux rites ancestraux dans le tata2 familial. Au-dessus, l'ensemble le plus vaste est le clan, unité supérieure référentielle pour tous les individus de la communauté. « C'est la base même de la reconnaissance sociale, on se dit de tel ou tel clan et on en est fier. >, (Deletage, V., 1998). C'est à ce niveau qu'existent des relations complexes entre les différentes branches ; ici, la religion animiste maintient l'unité du clan, du lignage et de la famille. Cette notion parait simple mais les relations qu'elle sousentend sont d'une grande complexité et presque insaisissables pour un étranger à leur groupe.

La vie sociale de référence pour les individus s'organise donc en lignages et en clans, parfois regroupés en hameaux, en villages ou en quartiers urbains. Ces groupes spatialisés distincts participent à la gestion des biens communautaires (fonciers, constructions, aménagements... etc.) ainsi qu'à l'organisation de la vie sociale et productive. Cette complexe organisation socio-spatiale représente pour les populations un gage de stabilité sociale et une garantie de la reproduction du groupe dans ses activités. Un projet de développement rural ne peut se passer de connaissances localisées de ces phénomènes sociaux, des logiques et des représentations qui les président.

Mais surtout, dans l'étude des représentations que se font les hommes de la société qu'ils composent, on ne peut s'affranchir de l'étude des rapports sociaux, entre les individus et entre les multiples unités socio-spatiales d'une communauté. La société est elle conçue selon un modèle hiérarchique ? La hiérarchie a-t-elle une traduction spatiale ? S'exprime-t-elle par des ségrégations socio-spatiales, des signes dans le paysage ? En effet, « tous ces groupes sociaux ne sont pas structurés de la même manière et ils sont loin d'être tous des modèles de démocratie. L'intérêt collectif n'est pas obligatoirement leur moteur, le consensus leur seul mode de prise de décision. >, (Rossi, G ., 2000). Au contraire, les groupes étudiés dans le cadre des hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale sont fortement hiérarchisés, organisées et médiatisés par des grappes de facteurs

1 Région du Nord-est de l'Etat togolais, située sur le versant oriental de l'Atacora, sur la rive droite du fleuve Kéran.

2 Le tata est une construction, un habitat repère d'une famille et d'un clan (voir illustration de l'introduction). Il s'agit d'une sorte de concession, à l'image de la tapade du Fouta-Djalon.

LA RÉPARTITION DE L'HABITAT SUR LES VERSANTS DU FOUTA-DJALON

Dans le massif du Fouta-Djalon, la ségrégation sociale est à l'origine de la ségrégation spatiale dans le paysage. Les gens de classe vivent dans des villages à l'écart des misiide et des foulaso, dans les runde. Le modèle religieux qui déterminait le statut socioéconomique et spatial des différentes classes du Fouta-Djalon est toujours visible dans le paysage et perceptible dans les pratiques quotidiennes des individus.

DOCUMENT 18 BIS

Ci-dessus, le misiide de Falo Bowé (au N de Labé, 1958), qui perché sur son bowal, domine les runde installés près du bas-fond .

A droite, le même phénomène est observable sur le terroir de Dempo dans les Timbis (1989).

culturels, dont les composantes sont plus ou moins influentes en fonction des organisations sociales observées (voir doc.17). Parmi ces multiples facteurs, on peut retenir le lignage et ses racines historiques dans la société, le sexe, l'age, la religion, le pouvoir politique et économique.

En Afrique de l'Ouest et Centrale, les chefs de clans, les chefs de lignage, les sorciers et devins, sont très respectés voire craints, notamment pour les représentations qu'en ont les membres de la société. Par exemple, dans les croyances animistes, les chefs symbolisent les pouvoirs que leur confèrent les ancêtres et les autres esprits avec lesquels ils entretiennent des liens.

Ainsi, sur les Hautes Terres de l'Ouest Cameroun, l'unité territoriale est la chefferie ; véritable Etat, elle réunit un grand nombre de patrilignages par un fort sentiment d'appartenance à une même communauté que sacralise le chef (Fon ou Mfo). Desservant du Grand Esprit de la Montagne (Mbolom), il est responsable de la gestion de la communauté (Ngwa1), des terres, des femmes et de la justice. Ici, les chefs sont mieux écoutés par les populations que l'administration (Leplaideur, M-A., 1997) (voir note 22). Nous avons vu précédemment que de cette hiérarchie découle une occupation de l'espace sectorisée, hiérarchisée sur les versants (voir doc. 18).

Suivant le nombre de clan et leur hiérarchie que comporte le village ou la communauté, on peut distinguer parfois plusieurs chefs qui officient chacun pour leur groupement clanique (Sombas et Tamberma de l'Atacora), ou à tour de rôle.

Cette vision hiérarchique de la société est donc répandue sur notre terrain d'étude ; même si elle peut-être remise en cause2, cette structure sociale véhicule des représentations de la société par ses membres. Elle est souvent fonction de la place qu'occupe l'individu dans la hiérarchie. C'est pourquoi, les facteurs socioculturels de différentiation des individus et des groupes nous amènent à la reconnaissance des statuts sociaux et des classes sociales. Quels sont-ils ? Sont-ils traduits dans l'espace ? Sont-ils figés ou dynamiques?

Dans le Fouta-Djalon, on distingue à la tête de la pyramide sociale, l'Almamy (de l'arabe al-imâm, celui qui dirige la prière) et la branche de sa famille. Juste derrière se situe la noblesse qui comprend les familles peules à la tête des chefferies de diwal (provinces) et de misiide (paroisse) (voir doc.18 bis). Les autres familles peules sont les hommes de condition libre ; ces derniers habitent dans les foulaso, à l'écart des misiide, hameau principal de la mosquée. Le clivage de cette portion privilégiée de la société existe avec la base de la pyramide sociale, composée par les gens de classe : les esclaves captifs et les groupes d'artisans. En marge de la société évoluent différents groupes d'hommes de condition libre, des artisans parmi lesquels des forgerons, des cordonniers, des tisserands, des teinturiers, des potiers, des griots, des boisseliers, souvent d'origine Dialonké. Les traductions spatiales de la hiérarchie sociale apparaissent ici nettement, principalement en fonction des origines ethniques, de la pratique religieuse et des activités pratiquées (D'après Leyle, D., 2000).

1

« Unité de référence des populations, un tout indissociable, un véritable Pays. » (Morin, S., 1996)

2 Dynamiques sociales sur lesquelles nous reviendrons plus amplement.

Comprendre une société, cerner les logiques et les représentations qui façonnent leurs structures, ses composantes, apparaît comme fondamental dans le développement de projets. Hélas, on ne compte plus le nombre d'échecs dans le domaine des politiques de développement et de gestion de l'environnement écologique, où cette démarche fait souvent défaut.

Prenons l'exemple d'un projet rizicole en Guinée forestière, dans la région du Nimba, mis en place pour faire face à l'inefficacité du système de défriche brûlis dans un contexte de pression démographique élevée (40 hab./km²). Organisée par la polygamie1, la culture du riz sur versant est le domaine des femmes ; mais dans le cadre du projet, la riziculture dans les bas-fonds est préconisée. La lourde charge de travail que demande ce mode de mise en valeur risquait de remettre en cause la répartition du travail entre hommes et femmes, et donc toute l'organisation socioéconomique patriarcale basée sur la polygamie. Les réticences à reconsidérer le statut des femmes ont alors été masquées par de multiples prétextes dévalorisant les milieux des bas-fonds pour la culture du riz. Le projet, ainsi court-circuité par la classe sexuelle dominante, n'a donc jamais abouti, dans l'incompréhension des coopérants responsables du projets. (D'après Rossi, G., 2000).

Dans le Fouta-Djalon, le même problème émerge progressivement avec le développement du maraîchage dans les bas-fonds où les femmes, et surtout les anciennes captives, qui sont les instigatrices du mouvement de descente dans les bas-fonds, jouent un rôle prépondérant. Elles sont les premières à avoir mis ces espaces répulsifs et réputés insalubres en valeur. Et elles en retirent aujourd'hui d'importants bénéfices qui ne sont pas que financiers. Cette tendance a d'ailleurs influencé considérablement les institutions gouvernementales et les ONG dans leur choix de soutenir prioritairement la gente féminine qui, par ce biais, recherche la possibilité de s'affranchir d'un joug marital et social trop pesant et d'offrir à leurs enfants et à elles-mêmes une émancipation et des perspectives d'avenir qu'elles estiment plus intéressantes. Le président de la CRA2 de Labé, El Hadj Mamadou Bilo Baldé Kompaya, n'entrevoit l'avenir agricole de la sous-préfecture qu'en favorisant dans un premier temps le travail des femmes. Celui-ci apparaît aujourd'hui comme un moteur du développement rural. (D'après Beuriot, M., 2000).

Longtemps réticents à travailler ces espaces, « domaine des captifs », les hommes de descendance peule, conscients des risques sociaux que représentent pour eux l'émancipation des femmes et des anciens captifs, refusent aujourd'hui le prêt de leurs bas-fonds aux particuliers, aux groupements, de surcroît si une ONG ou les services techniques locaux encadrent ces opérations de mise en valeur. L'échec du projet aménagé de Foduyé (voir illustration de la troisième partie), sur les hauts plateaux centraux de Labé-Timbi, est, au-delà de la mauvaise conception de ses aménagements hydro-agricoles, le résultat d'un véritable sabotage social : les élites sociales ne voulaient pas être concurrencées par l'émergence d'une élite économique ; et parce que les terres leur appartiennent, certains grands

1 « Avoir beaucoup de femmes, c'est avoir beaucoup de main d'oeuvre » (Alpha Moktar Bah, FoutaDjalon, enquêtes personnelles, 2000)

2 Chambre Régionale de l'Agriculture

propriétaires locaux ont annulé les prêts engagés, prétextant une mise en valeur de leurs parcelles ; qui fut effective, mais qui fut l'oeuvre de leurs femmes et sur de faibles superficies comparées à celles engagées par les prêts.

Quel que soit le jugement qu'on porte sur les « détournements », les accaparements ou les neutralisations de projets, ils expriment un profond désaccord avec le projet technique, politique ou social proposé par une structure exogène ; ils dénoncent l'inadéquation du contenu du projet avec les logiques de leur société, ce qu'elles représentent pour eux. Nous verrons cependant dans le troisième chapitre que ces sociétés, par l'intervention d'acteurs exogènes ou allogènes, sont aujourd'hui confrontées à des dynamiques contemporaines qui modifient parfois profondément leurs représentations.

Afin de faciliter les pistes d'identification et de lecture des représentations, nous avons choisi d'aborder en premier lieu celles qui émanent de l'homme, de sa société, et de son statut dans la hiérarchie sociale, avant de nous pencher sur les images du milieu. Pourtant, même si les pays du Nord font aisément une distinction entre la société et le milieu, pour les communautés d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale, cette dichotomie n'existe pas forcément, les hommes et leur environnement formant un tout.

CHAPITRE 2 :
LES SOCIÉTÉS CONFRONTÉS A LEUR MILIEU : UNE SOURCE DE REPRÉSENTATIONS

Dans le système de pensée occidental actuel, les individus et les sociétés entretiennent avec leur environnement biophysique des rapports pour l'essentiel d'ordre économique, technique et matériel. Or nous avons abordé précédemment sur les hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique centrale ces rapports avec leur milieu qui relèvent de fondements culturels, sociaux et économiques bien différents.

Pour Rossi G. (2000), les pratiques de gestion des sociétés, souvent très élaborées, sont fondées sur une intime connaissance empirique de leur milieu physique, sur la représentation qu `elles en ont tirée, sur les liens religieux, spirituels, qu'elles entretiennent avec les éléments naturels/surnaturels qui le composent. Le but de cet ensemble de conceptions, de liens et de pratiques, résultats d'évolutions multiséculaires, est d'assurer la survie et la reproduction du système communautaire.

Ainsi, dans la perspective de compréhension des systèmes de représentations des hommes, il s'avère nécessaire de s'interroger sur la manière dont ils conçoivent les rapports avec leur milieu.

1 LE MILIEU BIOPHYSIQUE : LES REPRÉSENTATIONS DE SES COMPOSANTES ET DE SES PHÉNOMENES

L'environnement écologique, par ses composantes et leurs interactions dans le temps et dans l'espace, donne des précieux indicateurs sur la manière dont les hommes perçoivent et interprètent leur environnement.

De quelle manière sont décrits les éléments du milieu et comment sontils expliqués ? De quelle manière sont perçus et représentés le relief, le climat, les terroirs, la faune et la flore ? Pour Gallais J. (1974), les sociétés des espaces tropicaux1 ne peuvent considérer les éléments du milieu comme le support neutre de leur existence, de leurs activités de production.

Le langage est une forme d'interprétation des représentations du milieu et de ses composantes ; même si les grilles d'analyses peuvent être discutées2, les significations qu'on peut en retirer en font un outil primordial.

Par exemple Bidou J.E, au moyen d'enquêtes effectuées à Hooré Dimma3 (Fouta-Djalon, au Nord de Labé) et à l'aide d'un logiciel d'analyse textuelle4, l'auteur décrypte le discours paysan et dégage les polarités dans l'usage des mots ; il est alors possible de les placer sur un cercle de corrélation et de classer les discours en fonction de leur vocabulaire (annexe 13).

Ainsi, il constate que le vocabulaire de la nature s'oppose à celui de l'environnement. D'un côté on note les mots de la végétation (forêt, bois), de l'eau (pluie, source, ruissellement), de la topographie (bowal, qui est un plateau cuirassé) ; le mot érosion n'apparaît que pour dire qu'elle n'existe pas dans la région ; on trouve également les mots qui règlent le cours du temps (mois, saison, année). Bien sûr, on invoque Dieu, qui a créé la nature et qui dispense les pluies. De l'autre côté du cercle, se trouvent les mots de l'environnement, c'est-à-dire la nature transformée, le milieu construit par l'homme : la clôture et la haie, les arbres fruitiers, la maison, la concession (c'est à dire le domaine clôturé), les troupeaux. Sont associés les verbes de la transformation (planter, cultiver, récolter) mais aussi plus haut (couper le bois, brûler la brousse). Le mot « nature > se trouve dans ce groupe lié à l'expression « protéger la nature > qui est aussi une obligation (Bidou, J-E., 2000).

Pour ces villageois, la « nature > est ce qui est sauvage, sans hommes, ou ce qui échappe à leur pouvoir : la brousse ; alors que « l'environnement > est une nature domestiquée, transformée par l'homme : le cercle des haies. De ce fait, les

1 L'auteur emploie ici le terme de « traditionnelle >, sur lequel nous reviendrons plus en détail dans le chapitre 3.

2 « Le language est-il l'expression adéquate de toutes les réalités ? > (Nietzsche, Le livre du phiosophe, Etudes théorétiques, 1872-1875, p.133)

3 Hameaux des sources de la Gambie en Guinée, ces dernières faisant l'objet d'une protection.

4 Alceste, société Image, Toulouse.

Source : carte IGN, 1/50000 Echelle: 1/25000

FORET CLASSÉE D'HOORÉ DIMMA

DOCUMENT 19

Ci-dessus, la forêt classée d'Hooré Dimma (Fouta-Djalon), mise en place par les colons français pour protéger la source de la Haute Gambie; aujourd'hui, « sur les versants cuirassés entourant la source de la Dimma, ont été construites avec les crédits de l'Union Européenne, plusieurs centaines de demilunes en pierre. Sur une cuirasse extrêmement poreuse et à nue depuis quelques centaines de milliers d'années, le ruissellement ne peut rien transporter: les demi-lunes ne montrent pas l'ombre d'une accumulation de sédiments. Les paysans, absolument persuadés de l'inutilité de ces travaux énorme, ne les ont pas moins effectués: à 5 $ la demi-lune, le revenu induit est appréciable. Ce qui est particulièrement intéressant, ce sont les discours que suscite chez les différentes catégories de paysans cette entreprise scientifiquement absurde. Les responsables de la communauté louent la grande science et le savoir faire des Blancs; ils demandent à ce que le projet continue et s'étende. Si on leur montre les demi-lunes désespérément vides, ils expliquent que dix ans, c'est bien trop court pour juger de leur efficacité, d'autant que ces ouvrages, au demeurant pas assez nombreux, mériteraient un peu d'entretient, qu'ils seraient prêt à fournir, si on les rétribuait pour cela... Les paysans de base, quand à eux, commencent par tenir le même discours convenu, mais un peu plus tard, la confiance rétablie, rient franchement: leur argent est bon à prendre mais les Blancs ont vraiment des idées étranges, ils combattent l'érosion là où il n'y a pas de sol et où rien ne pousse et ne poussera jamais. Il faut qu'ils aient des intérêts autres pour faire les choses aussi curieuses. Ils attendent que le projet se termine: ils pourront ainsi réutiliser les pierres pour les fondations de leurs maisons, l'entretien des pistes et ...pour faire des cordons anti-érosifs là où ils le jugent utile. « (Rossi, G, 2000)

autochtones ne comprennent pas que les projets1 et les objectifs des experts leur imposent la protection de leur terroir : c'est pour eux une évidence. Le discours paysan décrit la même réalité et les mêmes objectifs que le scientifique, mais à sa manière. Ils comprennent encore moins la raison pour laquelle il faut protéger la nature, ce domaine non humanisé et qui échappe à leur pouvoir. Par ces incompréhensions, il existe une perception nette de la différence entre un développement "traditionnel" qu'on pourrait qualifier d'endogène et un développement "moderne" exogène qui, pour un objectif commun, est perçu et conçu de manière totalement différente (voir doc.19). Au-delà des discours où les villageois considèrent qu'il n'y a pas d'érosion, que leur pratique du brûlis est équilibrée, que le classement de la forêt pour la protéger les gêne, et où ils expriment leur incompréhension des politiques de protection des forêts ou des sols, se profile le fait que leur notion d'environnement n'est pas la nôtre. (D'après Bidou, J-E., 2000 et Rossi, G, 2000).

Rapporté par Nassourou S., (1999), un poème boori2, témoigne également que la littérature, orale ou écrite, constitue un support appréciable pour l'étude des représentations du milieu. Dans ce poème, Yâya Nguessek, décrit son environnement aux travers des représentations qu'il s'en fait. Il y décrit notamment les conditions climatiques et atmosphériques de Ngaoundéré : « il fait sombre et pourtant ce n'est pas la nuit » (nyibbi hiiraay), cela tenant à ce que la région a souvent un ciel nuageux. L'image la plus forte est celle du paysage de brousse, qu'il qualifie de noire (laade baleere), pour signifier son aspect désert, parfois hostile voire effrayant, parsemée de rivières, d'espaces boisés, de montagnes et de ravins; une zone répulsive où le seul berger courageux peut s'aventurer ou installer un campement. Mais à l'opposé, à travers l'activité pastorale, il décrit la brousse comme un milieu humanisé, espace utile transformé par l'homme et son bétail.

Dans leur vision de l'espace, les sociétés font la distinction entre les terres cultivées, l'espace habité (l'environnement) et les terres non exploitées représentées par la brousse perçue de manière négative (la nature). Elle est présente chez les Peuls autour de la tapade (voir doc.15 et 16), les Kabyés ou encore dans les Hautes Terres de l'Ouest où l'espace est centralisé autour de la chefferie (voir note 23).

De cette manière, on remarque que les représentations de l'environnement écologique varient en fonction de ses caractéristiques, et véhiculent des images souvent fortes ; nous en avons fait la démonstration en ce qui concerne le cas montagnard des hautes terres du terrain d'étude. Il s'avère nécessaire de remonter également aux conceptions du rapport à la nature des hommes, aux liens qu'ils tissent avec elle.

1 Notamment le projet Haute-Gambie.

2 1973 : Yâya Nguessek, est un berger peul de l'Adamaoua,. Il a vécu la plus grande partie de sa vie avec les troupeaux dans les pâturages, laade, la brousse. Sur ses vieux jours, il a rejoint la ville de Ngaoundéré

De quelle nature sont les liens avec le milieu biophysique ainsi que les cycles de ses éléments? Quel est le rôle de la religion et des croyances populaires dans les représentations du milieu ? Quelles entités, quelles divinités se représentent les hommes dans leur milieu? S'agit-il de puissances localisées sur certains points ou diffuses ? Le poids des croyances, des religions et des traditions culturelles qu'elles impliquent en Afrique (et plus particulièrement dans notre terrain d'étude montagnard), rend presque impossible de concevoir le milieu comme vide de puissances invisibles ; effectivement, la grande majorité des lieux sont présentés et abordés comme étant habités par des forces spirituelles qui leur seraient consubstantielles et antérieures à la présence humaine, auxquelles il faut ajouter l'âme des ancêtres. Ainsi le territoire ne peut être dissocié des esprits et divinités, d'où découle leur caractère sacré.

La concession, le territoire clanique, celui du village ou encore la brousse est associé à une divinité qui en a la charge. Ces représentations divinisées du milieu se retrouvent plus intensément et plus ouvertement chez les populations animistes, mais on perçoit des pratiques de maraboutage et fétichistes également chez les musulmans, de manière sous-jacente.

De ce fait, chaque acte, productif ou social, doit être minutieusement réfléchi pour ne pas avoir à subir les représailles de démons ou des esprits qui se manifestent de manière ubiquiste dans les éléments du milieu. L'espace religieux n'est pas entièrement statique, il est aussi dynamique : on ne peut pas toujours délimiter un centre religieux, car certains sont en perpétuel mouvement et varient en fonction des activités et des moments de la vie (D'après Deletage, V., 1998)

Présente dans le quotidien de chaque membre de la société, les représentations sacrées du milieu constituent un système de repères, de signes admis par tous. La dimension spirituelle de l'espace participe au fonctionnement et à l'identification d'une communauté, à son terroir et sa dimension historique ; de symboliques, les représentations du milieu peuvent devenir organiques, médiatisées par la culture et notamment les croyances religieuses.

L'exemple des Bakweri du Mont Cameroun (Morin, S., 1996) est révélateur de l'attachement que peuvent avoir les sociétés des hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale à leur milieu, notamment les montagnes. « Dépossédés de leurs terres fertiles de piémont par les Allemands puis par les Britanniques pour y installer des plantations industrielles, ils sont repoussés en altitude ». Depuis ce « choc colonial », privée d'un partie de son territoire, la société Bakweri se déstructure progressivement. Le quotidien devient plus difficile à assumer, l'exode et la prostitution se développent, la natalité s'effondre... La communauté Bakweri, spoliée et désorientée, traverse une crise qui menace la survie du groupe, « parce qu'il a perdu sa montagne, parce qu'avec son terroir on lui a volé son âme » (Courade, G, 1981).

Les croyances, les mythes, les légendes sont des représentations qui reconnaissent la nature des choses sacrées, leurs pouvoirs et leurs vertus, leurs rapports les uns avec les autres et avec les choses profanes, et ce, aux yeux de toute la société. Ainsi, lorsque les éléments du milieu se manifestent, à travers l'activité sismique et volcanique, ou encore les aléas climatiques, tous les membres de la société y perçoivent des signes, des messages des divinités qu'ils savent interpréter. Comment les sociétés réagissent aux phénomènes du milieu ? Quelle gestion en font-elles ? Il s'agit de connaître tout d'abord les origines des dynamiques du milieu. Car bien souvent, elles trouvent leur cause dans des explications sociales, comme par exemple l'érosion1.

En 1982, les Bakwéri du Mont Cameroun avaient assimilé l'éruption volcanique de la montagne à la mort du chef. Mais les interprétations peuvent être multiples : en 1922, une éruption de huit semaines détruisit 200 ha. de plantations ; pour les autochtones, la coulée de lave dévastatrice fut l'oeuvre du dieu Ebassy Moto qui contrôle la montagne, pour protester contre la présence coloniale. La plus récente fut à l'origine de nombreux dégâts, et elle représente de nouveau la protestation contre les étrangers, qui investissent aussi le site au moyen du tourisme, et qui perpétuent la plantation de cultures de rentes (huile de palme... etc.). Alors, pour apaiser la colère du Dieu, « on lui sacrifie des coqs et des chèvres ; le sang est ensuite répandu sur le sol, ainsi que du vin de palme, pour calmer la colère du dieu Ebassy Moto ))2

Au-delà du simple constat de leur interprétation, on peut souligner la capacité d'adaptation des sociétés aux phénomènes du milieu ; elles développent des stratégies spécifiques en fonction de la représentation positive (bonne saison des pluies en pays Kabyé) ou négative (sécheresse dans les Alantika).

Par exemple, une mauvaise saison des pluies, et son corollaire sur les rendements représente pour certains chefs de familles du Fouta-Djalon l'obligation de devoir pratiquer une activité parallèle, l'agriculture vivrière traditionnelle ne permettant pas de subvenir à l'autosuffisance du foyer familial en encore moins de dégager des revenus suffisants nécessaires à la dépense: « l'homme est obligé d'émigrer )) (J. Richard-Molard, 1952). La motivation première reste d'ordre économique. L'exode est un moyen de trouver des revenus monétaires extérieurs, nécessaires à la survie du groupe familial et de faire face au sous emploi dans le Fouta-Djalon.

Dans la dorsale camerounaise, « l'inquiétude de l'eau )) véhicule de nombreuses représentations sur les phénomènes pluviométriques, et différents rites et cérémonies s'établissent en fonction des aléas. Sur les Hautes Terres de l'Ouest, si les semailles tardent à venir, les femmes organisent des deuils aux grands carrefours de la chefferie, où elles se lamentent et implorent les dieux de la pluie

1 « Nos visions de l'érosion sont influencées par nos constructions sociales et mentales. Elles occultent souvent la multiplicité des cas de figure et des variantes. )) (Rossi, G., 1997)

2 Jonathan Kongo Mbappé (notable de Buéa)

1 Ce que de nombreux auteurs appellent les ethnoconnaissances.

auxquelles sont offerts des sacrifices et des offrandes ; ce sont les cérémonies des « pleurs de la pluie » (Lelaa mbeng). Dans ce cas, les Fon, grands prêtres (faiseurs de pluie) et maîtres de la société du culte des eaux et des rites agraires interviennent pour régler les saisons. (Morin, S., 1996)

2 LES REPRÉSENTATIONS DU MILIEU DANS LE SYSTÈME PRODUCTIF : D'AUTRES RATIONALITÉS

La longue familiarité des pratiques, des besoins esthétiques et leurs besoins spirituels des communautés du Sud confère aux éléments du milieu, et à leurs interrelations dans les écosystèmes, une valeur symbolique et rituelle qui en est indissociable et qui conditionne largement leur usage (Gallais, J., 1974).

On en revient de ce fait à l'implication des représentations dans le système productif, qui dans le cadre de notre terrain d'étude, est principalement basé sur l'activité agricole. L'artisanat, la production industrielle ou encore le commerce sont rarement des activités centrales dans les stratégies de reproduction des sociétés ; ces activités occupent plutôt une fonction secondaire. Cependant il s'agit de réintégrer chaque groupe social étudié dans son contexte géographique et socioéconomique pour mieux cerner les représentations et leurs portées spatiales.

Quel est le rapport à la ressource ? Leurs conditions d'accès ? Les signes de reconnaissance dans les paysages ? Quelle est la part des rituels et des recettes techniques dans les modes de mise en valeur ? Les représentations que se font les individus et leurs groupes du milieu écologique, fortement influencées par les croyances religieuses et populaires, se retrouvent dans les modes de mise en valeur des ressources par les populations.

Jusqu'à présent, de nombreux exemples abordés nous ont mis sur la voie des logiques et des stratégies de gestion du milieu par les sociétés, qu'on retrouve sous des formes d'adaptation aux potentialités du milieu et dans l'étendue des pratiques de gestion de la ressource disponible. Ces logiques de gestion tendent vers un seul et même but : la reproduction de la communauté, ou du moins de la strate sociale, clanique ou familiale à laquelle les individus s`identifient.

Elles s'affirment souvent par des savoirs et des pratiques empiriques, résultat des expériences et de leurs enseignements parfois multiséculaires1. Ces stratégies de gestion de la ressource suivent donc les dynamiques du milieu et des sociétés

CALENDRIER DES ACTIVITES EN PAYS TAMBERMA

DOCUMENT 20

Le calendrier des activités sociales et agricoles est immuable et rythme la vie des tamberma. Ainsi, la vie religieuse et sociale est indissociable des travaux agricoles, tous deux, étroitement liés, sont apposés sur le même emploi du temps (Deletage, V, 1997, texte, tableau et cliché)

dans le temps et dans l'espace. Elles constituent des systèmes normatifs, des repères pour la communauté, et intègrent ou s'approprient l'innovation, si celle-ci est jugée efficace. Même si elle s'avère souvent précaire face aux crises, la tradition ne peut être assimilée à l'immobilisme. Ainsi liées aux milieux par les images mentales, les représentations des hommes se retrouvent donc également dans la gestion de la ressource, sous de multiples configurations : « Contrairement à ce qui se passe en Occident, les aspects techniques ne sont pas isolés des considérations sociales ou magico-religieuses. Ils en sont bien souvent indissociables. C'est sans doute ce qui les rend à la fois difficiles à comprendre et à prendre en considération par l'observateur extérieur. >> (Rossi, G., 2000)

« Les savoirs écologiques, bien qu'ils ne soient pas conçus et utilisés consciemment comme tels1, font partie de toutes les cultures du monde tropical >> (Rossi, G., 2000). Or, bien souvent, les structures exogènes (Etat, ONG, organismes internationaux de gestion de l'environnement... etc.) interviennent dans les processus autochtones afin de « rationaliser >>, ou « d'optimiser >> les pratiques de gestion de la ressource. Pour justifier leur démarche interventionniste, elles invoquent le caractère « prédateur >> et « destructeur >> des modes de mise en valeur des sociétés « sousdéveloppées >>, et implantent des programmes de développement (et leurs lots d'innovations), ainsi que des projets de protection de l'environnement.

Ce que nous observons à travers les paysages ce n'est pas seulement un écosystème plus ou moins transformé, mais aussi l'empreinte d'un système social, avec ses propres représentations du milieu, ses rationalités de gestion de la ressource et ses stratégies de limitation du risque.

Ces pratiques d'organisation des activités productives s'expriment notamment à travers les représentations des cycles climatiques2, dont les rythmes et les aléas ont une corrélation étroite avec des rites ou des cérémonies agricoles sur fond social (voir doc.20). Sur ce point, les sociétés des hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale marquent, par les représentations des éléments du milieu et de leurs cycles, les calendriers des modes de mise en valeur. Ces rituels agricoles ou sociaux témoignent d'une certaine vision des dynamiques biophysiques du milieu. L'importation dans ces systèmes socio-agricoles de techniques ou de cultures nouvelles par des organismes exogènes échoue souvent car leur valorisation nécessiterait des transformation des calendriers auxquels les populations sont attachées. Ces rituels, rythmés par les cycles et les représentations que s'en font les populations, restent des repères socio-culturels forts, de véritables éléments de cohésion sociale. De plus ils garantissent au groupe le maintien de la production agricole en adéquation avec ses objectifs, qui ne tendent pas toujours vers l'optimisation : d'après P-M. Decoudras (1997), « leurs logiques ne poussent pas nécessairement les paysans à optimiser leurs productions et leurs revenus, contrairement à la vision technocratique exogène du développement >>. Ainsi, la praxis agricole des sociétés des hautes terres de notre terrain d'étude recèle de

1 De manière « rationnelle >>, « scientifique >>, « optimale >>...

2 Et donc agricoles.

ARBRES SACRÉS ET FÉTICHISME

1 2

DOCUMENT 21

4

1: fétiche au pied d'un baobab sacré en pays Tamberma (Deletage, V., 1998)

2: bois sacré et cimetière en pays Tamberma (Deletage, V., 1998)

3: Diable de la brousse Toma, Guinée forestière (Saulnier, T., 1953)

4: forêt sacrée dans le Fouta-Djalon.(Beuriot, M & Leyle D., 2000)

3

79 bis

multiples rites et cérémonies, conditionnés par les représentations du milieu, et elle participe à la fois à l'activité productive, mais également à la cohésion socioculturelle du groupe.

Nous traiterons ici dans le détail l'exemple de l'arbre, élément important du paysage et des systèmes agraires en Afrique : par sa composition et par le rôle qui lui est assigné, le peuplement arboré de l'espace agricole apparaît comme révélateur de la stratégie que chaque société conduit à l'égard du milieu où elle est insérée (Pélissier, P.). Marquage foncier, élément productif et protecteur des sols des systèmes agro-sylvo-pastoraux, ressource en bois, symbole sacré ou encore source d'ombre pour les palabres, l'arbre marque par sa forte présence les paysages des hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale. Il est ainsi visible dans les paysages sous plusieurs formes : isolée, espaces boisés, parcs arborés, haies vives...etc. D'après Deletage V., (1998), il est un composant fondamental dans l'expression des croyances et dans la pratique des rites, notamment pour les religions animistes.

Sur les Hautes Terres de l'Ouest camerounais, les arbres sacrés des chefferies se localisent toujours dans les bas de pentes humides, et les vallons hydromorphes à raphiales1. Le vieux et grand Ficus est un symbole royal2, et les kapokiers, fromagers ou canariums, symbolisent les âmes des ancêtres, et font référence aux fonctionnement des institutions traditionnelles des sociétés secrètes qui s'y abritent (voir doc.21 et doc.18). Dans le Fouta-Djalon, l'implantation d'une tapade est symbolisée par la plantation d'un arbre, souvent un oranger, et signe l'appropriation foncière3 ; on retrouve également de multiples variétés arborées dans les haies vives qui structurent le bocage, qui derrière des fonctions agronomiques et productives, sont les gardiens des tapades contre les mauvais esprits, et les protecteurs de leurs habitants (voir doc. 15 et 16).

Les représentations de l'arbre sont ainsi visibles dans le paysage : les forêts sacrées en constituent des témoins. Dédiées aux divinités et aux esprits, elles représentent l'empreinte visible de la présence de forces surnaturelles qui vivent dans une dimension parallèle à celle des humains ; ce que Deletage V. (1998) appelle « un pont entre les deux mondes », concrétisation des relations que les hommes ont tissé avec les esprits. En pays Tamberma, les bois sacrés, représentent le lieu de rencontre des âmes des ancêtres et des âmes des vivants : n'ayant pas tous la même fonction mystique, certains sont les domaines de fétiches4 alors que d'autres

1 Même si celles-ci sont relativement récentes, jouent un rôle essentiel dans les actes de la vie sociale, par les matériaux et les produits divers qu'on en retire et surtout par le vin de raphia qu'on y récolte et qui participe à toutes les libations et de la simple politesse vis à vis des hôtes (d'après Morin, S., 1996)

2 « Le Ficus est le plus grand arbre de la montagne : il est grand comme le prince » (Vincent, J.F., 1991)

3 Dans les haies vives dans les montagnes humides du Cameroun, cette fonction est remplie par le Cang, (Ficus agnophila Hutch) que l'on retrouve dans toutes les concessions. Le plus souvent, cette fonction d`appropriation est symbolisée, marquée par des Fromagers (Ceiba pentanda).

4 Dans la religion animiste, un fétiche représente un abri pour l'âme de l'être ou de l'animal vénéré décédé.

accueillent des démons1 redoutés ou les sépultures des défunts. Sur les hautes terres humides du Cameroun, les forêts situées aux marges du territoire sont perçues de manière négative, peuplées de génies malfaisants : elles représentent l'au-delà, l'ailleurs, alors que les bois sacrés des chefferies, Domaine des Dieux du lignage, donnent une image rassurante (Morin, S., 1996); ces sanctuaires forestiers représentent un repère identitaire2.

Demeures de divinités et des ancêtres, territoires des sorciers, des prêtres et des chefs, les forêts sacrées baignent dans une multitude de représentations et de privilèges, d'interdit, de tabous : dans celles des Kabyés du Togo, toute utilisation prédatrice de la ressource forestière est strictement prohibée, au risque de provoquer la colère des esprits qui se manifestent par des phénomènes paroxysmiques, et qui sont responsables de dégâts que la communauté devra réparer par des sacrifices et des offrandes. La majorité de ces espaces sacrés servent de semencier pour des espèces utiles, de réserve de pharmacopée traditionnelle, de coupe-vent, de protection des versants et des têtes de sources3. On constate alors que derrière le sacré se cache le souci de gestion et de protection de la ressource polymodale et multifonctionnelle que représente l'arbre (D'après Rossi, G., 2000 et Deletage, V., 1998).

Or, depuis la colonisation, les Etats et les organismes internationaux implantent des projets de gestion de la ressource en bois, de protection de la biodiversité forestière, ou de réduction de l'érosion des versants. Ils fondent leurs actions sur des postulats scientifiques hérités de cette époque, qui remettent en cause les pratiques paysannes, mettant en avant << l'irrationalité » du pastoralisme et << l'inconscience » des feux de brousse, et qui s'inspirent d'une vision fonctionnelle et esthétique de l'espace. Dans le Fouta-Djalon, l'exemple de Hooré Dimma approché plus haut évoquait les incompréhensions des communautés à l'égard de la science et des techniques des << Blancs » (voir doc.19 et annexe 13 ).

Un autre exemple peut argumenter cette incohérence : le projet de << Restauration et de protection du massif du Fouta-Djalon » (André et Pestana, 1998, Rossi, G., 2000). Fondé sur un récit alarmiste d'experts, mal renseignés sur la réalité de la dégradation des sols (voir annexe 14), le projet fut instauré par l'OUA en 1979 et financé dans ses différents volets par de multiples bailleurs de fonds (Coopération française, FED, USAID, PNUD, FAO...). Le Fouta-Djalon fut décrété (abusivement) << château d'eau d'Afrique de l'Ouest » ; il est donc devenu un enjeu majeur pour les pays dont les ressources en eau dépendent des fleuves qui y naissent. Pour protéger cette ressource << en danger » le projet préconise alors la protection des formations forestières, qui conditionnent la pérennité des débits et donc la sécurité

1 Démons et génies des bois sacrés se rapportent généralement à un esprit, une entité invisible.

2 La forêt sacrée est avant tout considérée comme un lieu de culte et de recueillement. Elle est également la preuve indiscutable de l'existence légale d'un groupe et de ses droits sur le sol ; elle est la mémoire du territoire.

3 <<[ En pays Tamberma,] ces bois sont parfois arrosés par des marigots, il peut même arriver que le long du piémont atacorien, des sources y soient localisées. Ces cours d'eau sont considérés eux aussi comme sacrés dans le périmètre du bois, car ils permettent aux esprits de s'abreuver. »(Deletage, V, 1997)

ARBRES, MODERNITÉ ET CONSERVATION

Aménagements de haies coupe-vent « modernes >> mis en place par la FAO. Ces plantations rectilignes de résineux sont destinées à faciliter la mise en culture tout en protégeant le sol de l'abrasion éolienne et de l'évapotranspiration. Les haies sont entretenues par les paysans, qui touchent les rétributions du projet, mais que ces réalisation font plus rire qu'elles ne sont efficaces. Les colons, puis les administrations qui suivirent ont reboisé de manière sporadique certaines zones du Fouta-Djalon de plantations monospécifiques. Des résineux, la « mode >> est passée à

celle de l'eucalyptus. (Cliché: Beuriot, M, & Leyle D., 2000)

81 bis

Dans le village de Lelato (sous-préfecture de Daralabé), situé juste en bordure Est de la forêt classée de Daralabé, les habitants revendiquent des terres ayant appartenues à leurs ancêtres dans le périmètre même de la forêt, alors que ce site classé existe depuis la colonisation (enquêtes personnelles).

Depuis ce temps, il se plaignent auprès des technicien forestiers de dégâts de la faune dans leur tapades proche et des risques que constitue la traversée de la forêt; celle-ci est en effet réputée jusqu'à Labé (25km au Nord) pour être un domaine de bandits dans lequel il ne vaut mieux pas tomber en panne de moto...

Carte IGN, 1958, 1/50000 modifiée

DOCUMENT 22

hydraulique en aval, et les reboisements monospécifiques1 (voir doc.22). « Depuis la période coloniale, la dégradation des milieux dans le Fouta est donc systématiquement dénoncée [par les autorités successives et les organismes internationaux]. Elle est toujours présentée comme la conséquence directe des pratiques paysannes extensives. >> (André et Pestana, 1998, Rossi, G., 2000). Pourtant, la réalité offre un bien autre visage : le couvert forestier progresse et l'érosion est inexistante2 (voir annexe 13). Les discours malthusiens des premiers explorateurs et administrateurs, catastrophistes et urgentistes, ont ainsi construit les représentations scientifiques contemporaines du phénomène de la dégradation du milieu dans la massif du Fouta-Djalon. Pour Rossi, G, ce projet illustre l'inertie des représentations dans le temps. Cela dit, la permanence de ces contre-vérités scientifiques cache aussi des intérêts financiers et géopolitiques certains pour l'Etat guinéen et les organismes intervenant sur place3.

Ainsi, au détriment d'une gestion traditionnelle efficace qui répond à des représentations et à des rationalités différentes de celles des intervenants, les boisements sont protégés là où les populations les utilisent et les gèrent parfaitement (réserves, forêts classées, opérations de reboisement), et sont parfois supprimés, ou remplacés par des formations monospécifiques, là où leur valeur productive et symbolique est fondamentale pour les communautés (voir doc. 15 et 16).

Les représentations autour de l'arbre et les valeurs sociales qu'elles véhiculent sont largement négligées ; comme par exemple au Togo où le code forestier de 1987, destiné à gérer juridiquement toutes les forêts du pays, incorpore sans distinctions les bois sacrés qui deviennent ainsi des domaines administrés par l'Etat.

Les représentations du milieu s'expriment ainsi sous de multiples formes dans le rapport à l'espace des sociétés des hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale.

On peut distinguer de manière générique deux types de rapports des hommes à leur milieu : une relation orientée vers le fonctionnalisme et le matérialisme pour les populations de tradition judéo-chrétienne et islamique, alors que dans les sociétés animistes, l'homme n'est pas opposé à la nature : il en fait partie intégrante (voir note 24) (D'après Rossi, G., 2000). Ces rapports au milieu conditionnent les représentations des individus et de leurs groupes. Ils confortent la communauté et contribuent au façonnement des stratégies de reproduction du groupe, au niveau socioculturel, mais également au niveau des activités de production et de la gestion de ces écosystèmes.

Dans leurs représentations du territoire, on remarque que la vision traditionnelle est celle d'un espace binaire4, où les positions d'acteur endogène et

1 « Les innombrables entreprises de reboisement illustrent mieux que n'importe quel autre domaine la conception désarticulée de l'environnement qui préside aux opérations contemporaines d'aménagement. >> (Pellisier, P, 1981)

2

4 nature humanisée/nature sauvage.

3 Ecologie business ?

« Le mot érosion n'apparaît que pour dire qu'elle n'existe pas dans la région >> (Bidou, J-E., 2000)

1 On pourrait aussi bien dire tout espace ou toute formation socio-spatiale.

d'acteur exogène se prêtent à des représentations identifiables. Mais comme le précise Braudel (1986), « tout village1 a beau faire, il ne se suffira jamais à lui même. Toute communauté à besoin d'une indispensable ouverture ». Par exemple, les migrations des populations et les activités commerciales ont toujours participé aux logiques et aux stratégies des sociétés, dans la gestion de la ressource et la minimisation des risques.

Les unités socio-spatiales villageoises des hautes terres de notre terrain d'étude doivent ainsi être abordés comme les éléments d'un réseau, à l'intérieur de systèmes dynamiques. Cette approche se justifie d'autant plus que les contextes contemporains de ces sociétés intègrent progressivement les populations montagnardes (plus ou moins enclavées) aux réseaux supérieurs nationaux et internationaux.

CHAPITRE 3 :
AU-DELÀ DE LA SOCIÉTÉ ET DE SON TERRITOIRE : LES VISIONS DU MONDE EXTÉRIEUR ET DE SES ACTEURS.

Même si elles restent fortement attachées à leur territoire local, les communautés des hautes terres d'Afrique Centrale et d'Afrique de l'Ouest entretiennent tout de même des liens avec « le monde extérieur ». Nous l'avons précédemment vu, les espaces et les aires qui s'étendent au-delà du territoire et de l'espace vécu des individus contribuent à la formation de représentations, d'images d'une réalité déformée ou imaginée.

Or depuis la colonisation, de multiples structures, organisations et administrations interviennent, souvent physiquement par des actions, dans les territoires des sociétés, sur leur système productif ou encore sur leurs pratiques de gestion de la ressource. Ces « étrangers » soumettent depuis plusieurs générations les communautés à des projets et à des politiques. Nous avons montré par des exemples que l'interventionnisme exogène de ces acteurs est loin de faire l'unanimité au sein des sociétés des hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale : généralement il ne correspond pas à leurs besoins réels, si toutefois elles considèrent la nécessité d'une aide.

Ainsi, face à l'intervention sur leur territoire d'acteurs transitionnels, les émigrés, et surtout les acteurs exogènes, l'Etat, les projets, les opérateurs privés1 ou encore les ONG, on peut s'interroger sur les représentations des populations à leur égard et à celles de leurs actions. Nous pourrons alors mettre en opposition deux visions différentes du réel ou chacun raisonne selon ses intérêts et ses représentations.

1 Ces acteurs privés, souvent motivés par des intérêts économiques, ne seront pas abordés en profondeur, conformément à notre démarche qui s'appuie sur les actions institutionnelles; cela dit, leur rôle ne doit pas être négligé.

1 LES IMAGES DU MONDE EXTÉRIEUR

Dans la grille de lecture proposée, nous avons abordé dans le chapitre précédent les représentations du milieu biophysique, et leurs conséquences sur le fonctionnement des systèmes sociaux et des systèmes productifs, ainsi que sur les structures paysagères. Mais au-delà du territoire s'étendent des espaces plus ou moins connus par les populations, avec d'autres sociétés, d'autres milieux et d'autres organisations spatiales.

Comment les communautés si situent-elles dans un espace plus large ? Quels sont leurs repères d'orientation géographique ? Quelles représentations du monde extérieur se font-elles ? Quelles sont les notions sur lesquelles reposent ces représentations du monde extérieur, de l'espace lointain ? Quels supports véhiculent les images de «i'extérieur » ? Ces visions du monde reposent sur une multitude de caractéristiques socioculturelles localisées, sur un fond de nécessités économiques.

A travers le langage, de la même manière que nous l'avons montré pour les représentations du milieu, on peut ainsi identifier et décrypter la manière dont les sociétés se représentent les espaces extérieurs à leur territoire identitaire ainsi que les communautés qui y vivent. Pour cela, on peut s'attacher aux termes employés pour décrire et expliquer les lieux, les aires ou les groupes humains.

La religion et ses variantes locales, qui s'exprime à travers les croyances populaire,s influence aussi les représentations du monde extérieur. Sur les hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale, nous avons vu que les sanctuaires montagnards sont des repères visuels et spirituels forts1 qui centralisent le monde de la communauté autour de la montagne, demeure des esprits des ancêtres et garante de la reproduction du groupe (voir note 26): de la montagne dépend la destinée de la communauté. En cela, elle est un repère géographique fort pour la (les) société(s) qui s'y rattache(nt).

De même, pour les peuls (fulbés, fulani... etc.), la pratique de l'Islam les amène à développer une représentation forte de La Mecque. Cette image est non seulement spirituelle, puisque tout bon musulman aimerait y faire le pèlerinage et devenir El Had] ou Had]a, mais aussi géographique, car les prières quotidiennes nécessitent que le fidèle s'oriente vers cette ville sacrée.

Les visions du monde extérieur dépendent également de la mobilité des individus, des migrations qu'ils entreprennent et des raisons qui les motivent. Ainsi, dans le Fouta-D]alon, nombreux sont les individus qui entrevoient le monde à travers les migrations de leurs proches, du lignage ou du clan: un fils à Conakry, un autre à

1 Voir partie 2, chapitre 2.

Banjul ou Dakar, et, fierté familiale, une nièce en Belgique1. Les populations sédentaires ont plus aisément une vision centralisée sur le territoire et ses repères, avec une vue discontinue du monde extérieur correspondant aux lieux où les membres issus de la communauté se sont installés2 ou qu'ils ont fréquentés lors de leurs migrations; l'espace représenté occupe dans ces sociétés une place importante. Par contre, les populations nomades ou semi-sédentaires, comme certaines populations de pasteurs peuls, ont une vision de l'espace vécu plus large, et linéaire en fonction des parcours de pâture.

Cela dit, les représentations de l'espace géographique qui s'étend au delà du territoire local (unité socio-spatiale de référence), dépendent surtout des trajectoires individuelles de chaque membre de la société, de son espace vécu, espace pratiqué quotidien ou occasionnel. A l'échelle d'approche individuelle, les représentations de l'espace « lointain >> peuvent ici prendre de multiples formes.

Les référentiels socio-spatiaux et les trajectoires individuelles influencent la vision de « l'autre>>, de la société voisine, qu'on croise parfois, ou lointaine, dont on « entend parler >>. Mais, dans les représentations du monde des individus et des groupes, les supports de l'information et de la communication jouent une place prépondérante. Les moyens techniques modernes de communication3 et de diffusion de l'information permettent d'avoir accès à une certaine quantité d'information. Les « récepteurs >> perçoivent cette information, l'interprètent et se la représentent 4. Mais, en dehors des capitales et des grandes agglomérations (voir note 27), les technologies de l'information et de la communication restent pour l'instant marginales, non seulement faute de moyens car elles ont un coût, mais aussi faute de réseaux denses et élargis.

L'information circule donc principalement avec les individus et les biens marchands, voire par l'intermédiaire des grandes cérémonies ou rassemblements qui permettent de resserrer les liens sociaux et de prendre des nouvelles ; on y écoute un cousin parler de la famille ou les griots5 conter et répandre la vox populi. La communication orale occupe donc encore une place prépondérante, dans la circulation de l'information sur les hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale. Elle influence fortement les représentations du monde extérieur, puisque les supports écrits sont rares et déchiffrés par une proportion encore minoritaire de la population.

Parmi les vecteurs des représentations du monde, on pourra également retenir comme indicateurs les représentations cartographiques (si elles existent), mais surtout dans le cadre de notre terrain d'étude, artistiques (art pictural et plus largement artisanal).

1 Alors que bien souvent, les conditions de vie des expatriés africains en Europe ne sont pas toujours facile. Beaucoup le savent mais le taisent lorsqu'ils en parlent.

2 Par exemple pour les peuls, on peut parler d'une véritable diaspora, avec un réseau complexe de liens, à toutes les échelles territoriales : le village, le massif, le pays, l'Etat, le continent, le monde.

3 Nous retiendrons la télévision (par satellite), le téléphone, l'Internet mais surtout dans les sociétés des hautes terres du terrain d'étude, la radio hertzienne.

4 Ce flux, lui-même soumis aux interprétations, aux représentations, et (surtout) aux intérêts de « l'émetteur >>.

5 Les griots sont en Afrique de l'Ouest des personnages que l'on respecte, car ils apportent la nouvelle, mais on les appelle également « les menteurs >>, car ils savent subtilement déformer la réalité dans leur intérêt.

Dans les représentations que se font les sociétés de l'espace, la place de la ville parait difficile à définir. De nos jours, doit-on considérer la ville comme un élément extérieur au milieu car elle s'étend souvent aux limites du territoire local, ou doit-on l'y intégrer puisque ses fonctions économiques, politiques et administratives la rendent progressivement incontournable? Construction humaine, repère identifiable, mais également entité mystérieuse et parfois lointaine, la place de la ville dans les représentations des hommes pose véritablement une difficulté d'interprétation. Sa perception par les populations est vraisemblablement fonction de facteurs locaux : les distances (voir note 6), les rôles socio-économiques et administratifs, la nature du peuplement (densité, répartition et migration). Ces facteurs d'attraction ou de répulsion déterminent la pratique de la ville qui en découle (quotidienne, régulière, fréquente, occasionnelle, rare...) et modèle les représentations dont les cités font l'objet.

Quelle est vision de la ville ? Quelle est sa structure ontologique? Estelle un élément endogène à la société, ou un élément exogène ?1

Nous avons précédemment vu que les représentations du milieu et les structures spatiales des sociétés rurales des Hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale s'apparente à une vision binaire de l'espace : le village, nature humanisée, rassurante, domaine des ancêtres, et la brousse, nature sauvage, peu sécurisante, demeure des mauvais génies et des démons. Dans cette représentation de l'espace territorial, la ville s'associe à une nature artificialisée, autrement dit à une construction humaine et sociale. Mais, du fait de la mosaïque culturelle et sociale, elle est plus difficile à réduire à un certain modèle.

De toute évidence les relations entre les villes et les espaces ruraux accusent des rapports de domination économique, car la pratique du marché assure un besoin fondamental de l'homme, et politique, puisque y siègent les administrations nationales délocalisées. Même si le Fouta-Djalon et les Hautes terres de l'Ouest présentent des structures urbaines régionales plus imposantes et un réseau plus dense, nous nous placerons essentiellement du point de vue des sociétés rurales, largement dominantes dans notre terrain d'étude.

Dans un premier temps, la vision des milieux urbains dépend de la distance structurale* entre ces derniers et le territoire villageois. Dans le Fouta-Djalon, les principaux centres urbains et marchés se situent le long de l'artère routière centrale2 ou en bordure de massif3, en contact avec la plaine environnante. Les grands marchés fonctionnement en réseau (Timbi-Madina - Labé) à l'échelle du massif, mais les marchés secondaires et locaux4 sont d'une moindre importance ; on le constate au regard des cultures maraîchères commercialisables, qui, dans des

1 Pour cela nous nous baserons sur des travaux effectués par Gallais, J., Frémont, A et Chevalier J., 1982

2 Le long de la route nationale : Mamou, Dalaba, Pita, Labé, Mali...

3 Télimélé, Lélouma, Tougué, Dabola...

4 Sur le haut plateau de Labé : Tountouroun, Daralabé, Bantiniel, Niguélandé...

zones éloignées1, ne sont pas pratiquées, car on va à la « grande ville » deux fois dans l'année. Ainsi, plus la communauté sera isolée de la ville, plus la dichotomie sécurité-aventure et incertitude dans les représentations sera forte.

Mais également, les pratiques et les représentations de la ville sont inséparables du rôle politique qu'elle joue, des groupes sociaux qui ont le pouvoir ou qui déterminent l'atmosphère urbaine. Ainsi, pour Schwartz, les perceptions de la ville sont essentiellement saisies à travers l'ensemble des services que la ville est capable de dispenser. La ville est alors souvent représentée comme une source de travaux biens rémunérés. Cette image de la ville comme source de revenus est d'autant plus importante s'il s'agit de la capitale ; elle est à l'origine de nombreuses migrations. De ce fait, pour assurer les revenus du ménage et la dépense, l'exode n'est pas un phénomène nouveau dans le Fouta-Djalon ou encore en pays Bamiléké Ces mouvements concernent surtout les hommes, qui, au sein de la société foutanienne, exercent certes le pouvoir de décision, mais sont également responsables de la sécurisation de la famille.

La migration apparaît également comme un passage obligé pour accéder à la vie adulte, une étape sociale : le jeune homme doit partir pour faire ses preuves. (voir note 25). Les migrations vers la ville résultent de différentes réalités urbaines, mais aussi des représentations que s'en font les individus : l'ouverture de la Guinée au monde depuis 1984 a également engendré des migrations d'ordre social. La relative liberté de circulation a développé un désir d'émancipation chez les jeunes et les anciens captifs du Fouta ; l'exode féminin demeurant pour l'instant marginal. La recherche de « nouveaux modes de vie » (N. Badie-Levet, 1998) que représente la ville, loin des contraintes de la société traditionaliste peule, a entraîné d'importants flux d'exode rural vers les grandes villes, d'individus à la recherche de réussite sociale2.

Ces migrations sont vécues comme une aventure dans la mesure où la distance perçue entre la région de départ et celle d'arrivée est suffisante. On peut souligner le phénomène d'acculturation que constitue la ville et qui entraîne, pour les plus traditionalistes3, une représentation négative ; ils y entrevoient la disparition de leur culture, la remise en cause du pouvoir traditionnel, mais aussi la mort de leur communauté. D'après Balandier (1955), les sociologues ont analysé depuis longtemps le rôle de la désintégration des cultures locales assuré par les villes coloniales. Cette déstructuration socioculturelle des cultures locales s'affirme d'autant plus que la ville est grande et particulièrement dans les capitales qui bénéficient de cette image de « société inédite », souvent le reflet d'une culture occidentale qui s'impose via les modes de communication et de consommation « modernes ».

1 En terme de distance-temps. Ex : Kasagui, 35 km au S-E de Labé : 4 h de « route » sur les bowés, et en moto sans chargement (enquêtes personnelles)

2 Cette perception flatteuse de la ville continue à susciter l'émigration en dépit des épreuves subies par les migrants: de retour au pays, ceux-ci taisent ces dernières par fierté et ne transmettent qu'une image idyllique appuyée sur les objets prestigieux ramenés de l'aventure. (Gallais, J., Frémont, A et Chevalier J., 1982)

3 Le terme est utilisé sans aucune connotation péjorative.

Dans le présent travail nous avons un peu mis à l'écart les représentations des citadins de leur propre environnement urbain1. Les études menées ont été essentiellement expérimentées en milieu urbain occidental. On peut néanmoins dégager quelques axes de réflexions.

Le développement urbain contemporain en Afrique traduit une véritable << explosion démographique » des villes, aux caractères anarchiques en terme d'aménagement. On constate cependant que le quartier représente un équivalent urbain du territoire pour ceux qui y vivent. Pour Gallais J., Frémont A. et Chevalier J., (1982), les structures résidentielles prennent parfois un caractère plus traditionnel qu'à la campagne : les groupements domestiques de cohabitation lignagers, ou de frères et soeurs, deviennent plus étendus et plus complexes qu'ils ne le sont dans les villages. Le regroupement socioculturel représente pour les urbains un gage de sécurité.

Mais, en zone urbaine, on peut s'interroger sur la reproduction d'un système sociospatial villageois. Cette réserve est d'autant plus justifiée que les populations urbaines des hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale augmentent progressivement, et que les générations urbaines développent une mentalité particulière, fortement occidentalisée : à Labé 2 (Fouta-Djalon), des groupes de musique rap3 se sont constitués. Le sens de ce genre de phénomène est bien plus qu'anecdotique, il est significatif que des mentalités urbaines prennent forme, avec leurs propres représentations de la ville. D'après Bailly S, (1974), les représentations de l'espace urbain et de ses paysages sont influencées par l'espace d'usage de l'individu et de son groupe : << l'image mentale de la ville est donc en partie sectorielle (quartiers connus et fréquentés), mais ces secteurs sont liés entre eux par des flux visuels linéaires correspondant aux axes de déplacements ».

On peut s'interroger sur la validité de ce modèle dans les villes de notre terrain d'étude car, face à l'acculturation par l'adoption de comportements urbains << occidentaux », l'attachement au village et aux terres des ancêtres reste fort. Gallais J., Frémont A. et Chevalier J., (1982) ainsi que Morin S., (1996) et Champaud (1978), s'appuyant sur l'exemple Bamiléké, remarquent qu'une pratique urbaine déjà ancienne et remarquablement efficace ne coupe pas les individus de leur domaine traditionnel : ils participent à deux mondes. Même ceux qui ont quitté leur montagne4 y restent très attachés et y construisent une résidence secondaire : << c'est dans sa chefferie que l'émigré reviendra vieillir et mourir ; c'est là qu'il sera enseveli » (Delarosière, 1949). La << villa mania » (Tchawa, P., 1991) qui sévit aujourd'hui sur les collines Bamiléké témoigne de la prégnance des liens avec le territoire d'origine.

A la vision de l'espace binaire5, majoritairement celle de ruraux, peut-être opposée celle des urbains, dont la vision de leur environnement varie en fonction des trajectoires socio-économiques individuelles et des quartiers fréquentés.

1 Il faut préciser que les données disponibles à ce sujet sont peu nombreuses ou inaccessibles en ce qui concerne notre terrain d'étude. Nous ne disposons donc que de peu d'études des représentations de la ville africaine vue de l'intérieur et dans le détail de la vie quotidienne.

2 La communauté urbaine de Labé compte environ 120000 hab.

3 Qu'on peut considérer comme une musique originaire des ghettos urbains noir-américains.

4 Di Méo, G., (1991) qualifie ces acteurs territoriaux émigrés de << transitionnels ».

5 Etudiée dans le chapitre précédent.

2 LES POLITIQUES EXOGÈNES FACE A LA GESTION ENDOGÈNE : L'INCOMPREHENSION.

Quels sont les acteurs territoriaux exogènes ? Quels sont leurs domaines d'intervention ? Comprendre les représentations des individus et de leurs groupes vis à vis des différents intervenants sur leur territoire nécessite l'identification de ces derniers.

Ils sont en effet nombreux, principalement motivés par des considérations économiques et politiques. Nous laisserons volontairement de côté les opérateurs économiques privés, dans la mesure où nous risquons de nous éloigner de la problématique que nous nous sommes fixés. Toutefois, dans le cadre d'une approche des faisceaux de représentations, il convient de ne pas minimiser leur rôle ; bien au contraire dans la mesure où il existe un potentiel d'exploitation d'une ressource commercialisable (bois, minerais, cultures de rente...)

Nous nous attacherons à trois types d'intervenant : les opérateurs de développement et de gestion de l'environnement ainsi que les migrants (émigrants et immigrants).

Ces derniers occupent une place ambiguë entre acteurs endogènes et acteurs exogènes. Pour les qualifier au sein de l'unité socio-spatiale qu'est le territoire, Di Méo G, utilise le terme < d'acteur allogène »

En effet les dynamiques des populations amènent certains individus à migrer, essentiellement pour des raisons économiques et sociales, et à s'installer loin de leur terre d'origine. Le plus souvent, ces destinations sont de nos jours essentiellement urbaines ; dans tous les cas, elles sont destinées à améliorer les conditions de vie. Quels liens entretiennent-ils avec leur territoire d'origine ? Sont ils les vecteurs de dynamiques contemporaines ? Comment sont perçus les « expatriés » ?

Si nous prenons l'exemple des Hautes Terres de l'Ouest, nous constatons que les expatriés (gra ffi) restent viscéralement attachés à leur chefferie d'origine : < On investit dans le Moungo devenue vraie région économique Bamiléké, ou à Douala, on y vit, mais on y demeure pas réellement. Le Pays rêvé et désiré est celui où résident les crânes des Ancêtres. » (Morin, S., 1996). Or les médiances paysagères traditionnelles1, et donc le fonctionnement du système aristocratique, traditionnel sont aujourd'hui remises en cause par les élites extérieures qui, pour montrer leur réussite à l'ensemble de la société, réinvestissent la chefferie. Les graffi construisent ainsi des villas sur les hauteurs, car < s'installer en haut, c'est être vu de tous.[... ]. Désormais, le haut devient symbole de richesse [...]. » (Morin, S., 1996). Profitant de son pouvoir économique, de sa < modernité »2, cette nouvelle aristocratie, groupée

1 Le commandement inverse : plus l'individu, son lignage et son clan habitent près des bas-fonds, plus leur rang dans la société est élevé.

2 Ce que Morin, S., (1996) nomme < la stratégie d'accumulation ».

en association par chefferie, assigne à cette dernière de nouvelles fonctions et en détournent ainsi le fonctionnement à son profit.

En effet, les graffi se sont lancés dans une véritable chasse à la notabilité, dans le sens où pour être reconnus, il leur faut acquérir un titre de notabilité. Auparavant distribués aux membres de la société selon une tradition stricte par le Fon (Roi), les titres et la propriété foncière deviennent un enjeu mercantile où les intérêts financiers prennent le dessus sur la tradition : « la chefferie, par le foncier et par ses titres traditionnels, se recompose ainsi à partir des élites extérieurs qui imposent de nouvelles représentations de l'espace et de nouvelles médiances paysagères » (Morin, S., 1996). On peut alors s'interroger sur la manière dont est perçue ce phénomène social, notamment par l'aristocratie en place, car même si certains en profitent, d'autres le dénoncent ouvertement : « les élites ont de l'argent, mais elles n'ont pas le pouvoir et ne sont pas respectées, c'est pourquoi elles veulent toutes un titre de notabilité. »( (Momo 1er, chef des Foto1, 1997). De toute évidence, pour certains aristocrates traditionnels, cette forme de corruption de la tradition représente, bien plus que la remise en cause de leur pouvoir, une déstructuration sociale dont les signes révélateurs (érosion, exode rural, ...etc.) sont visibles dans les paysages.

Cela dit, ces élites bénéficient souvent d'une image positive auprès des populations, car leur rôle de soutien économique au village est important, symboliquement, et substantiellement. On le remarque également dans le FoutaDjalon : dans un rayon de 30 km autour de Labé, 34% des personnes enquêtées avouent recevoir de l'aide de « l'extérieur », d'un fils ou d'un parent. Il est un devoir pour les expatriés de participer à la vie de la communauté et à sa modernisation (construction de forages, de dispensaires, de lieux de culte, aide aux plus jeunes... etc.). Pour cela, à l'opposé de la méfiance du pouvoir traditionnel, on constate que les émigrants jouissent d'une image positive auprès des populations.

Par contre l'immigrant « étranger » ne bénéficie pas d'une image tout aussi positive. L'antipathie envers ces derniers draine souvent des paroles de haine et d'incompréhension, significatives de représentations négatives.

Dans l'Adamaoua, pourtant zone peu peuplée, l'arrivée de migrants venus du Nord (notamment des Kirdi, dont beaucoup se sont installés dans la vallée de la Bénoué), n'est pas forcément vue d'un bon oeil par les populations fulbés vivant sur place, qui craignent pour leur pouvoir coutumier aristocratique : « Il faut les mater, c'est le seul moyen de les tenir en respect. Ils sont nombreux et ils se sont fait de l'argent ; Cela peut donner des idées » (auteur anonyme, Syfia international2, 1998). Les croyances religieuses s'opposent : les pratiques et les coutumes animistes des migrants ne plaisent pas aux peuls musulmans, ces derniers les obligeant à vénérer le lamido3 : « Ou ils respectent les volontés du chef, ou ils partent d'ici » (un dogari, sbire du lamido) ». Certains n'ont pas attendu les menaces des fulbés et ont quitté les rebord

1 Il règne sur une grande partie de la ville de Dschang et ses environs, sur les Hautes Terres de l'Ouest Cameroun.

2 Propos relevés par Etienne Tassé

3 Le lamido est un chef traditionnel fulbé.

du massif pour s'installer à 150 km au Nord : < nous nous sentons mieux ici. Là où nous étions, les gens du lamido nous faisaient vivre un calvaire >,.

Ainsi, sur les hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale, les problèmes de cohabitation entre populations migrantes et autochtones sont répandus. En pays Bamoun1, les locaux se plaignent que les Bamiléké se sont installés chez eux mais qu'ils ne pratiquent pas l'Islam et ne votent pas comme eux. Mêmes griefs des populations du littoral à l'encontre des Bamiléké (D'après Tassé, E, 1998).

En Pays Mafa (Mont Mandara), < on distingue les vrais Mafa, ceux qui sont nés ici, sur cette terre où est enterré leur placenta (Posok), des nouveaux venus, étrangers sans racines, les Kéda (Chiens) qui ne peuvent que cultiver des terres attribuées de manière précaire. >, (Morin, S., 1996).

Parmi les structures qui conçoivent et appliquent les politiques de développement, on peut considérer deux grandes familles : celles des opérateurs occidentaux et plus largement étrangers2, et celle des intervenants nationaux. Souvent, ces deux types d'acteurs sont liés dans les actions qu'ils mènent sur le terrain. De quelles manière les communautés se représentent-elles les différents opérateurs de projets et de politiques nationaux et internationaux ? Comment apprécient-elles les actions et les politiques menées ? De quelle manière se sont construites ces représentations dans le temps ? Que représente pour les sociétés la modernité ?

Des régimes coloniaux à nos jours, < les individus et les communautés ont constaté, à leurs dépens, que l'administration coloniale, le coopérant, l'expert, le cadre national, ne sont pas infaillibles et que leurs pratiques varient au gré du temps, des idéologies et des modes >, (Rossi, G., 2000). En effet, il est rare qu `un projet s'installe sur un terrain historiquement et technologiquement vierge. Les populations villageoises ont une mémoire des opérateurs extérieurs qu'elles ont développé au fil des alternances politiques et des passages des projets. Les objectifs des organismes leur sont bien connus3, et les propositions que formulent les acteurs exogènes suscitent la méfiance des populations.

Conscientes néanmoins de l'intérêt matériel et financier qu'elles peuvent en retirer -notamment les élites locales- elles refusent rarement l'implantation d'un projet sur leur territoire. Mais leurs stratégies restent prudentes face aux innovations proposées : si ce qu'on leur propose se détache trop de leurs logiques socioéconomiques, elles saboteront ou laisseront stagner le projet. Les paysanneries se méfient des innovations < sûres >, et < rentables >, du < développement durable >,. Les actions exogènes représentent un bénéfice certain, pour le projet en lui même

1 Sur les Hautes Terres de l'Ouest camerounais.

2 Le terme est employé ici dans son sens civique.

3 les leitmotivs des ces différentes politiques et leurs application sur le terrain : l'ouverture à l'économie de marché et la modernisation (intensification agricole, cultures de rente, micro-industrie et artisanat... etc.), le désenclavement des espaces montagnards et la gestion rationnelle des ressources.

ainsi que pour ses retombées, mais surtout un risque potentiel, tant productif que social. Les communautés en font parfois la douloureuse expérience.

Ainsi, comme le relate Rossi, G, (2000), sur les hauts plateaux du Sud-Ouest Togo, l'introduction de la monoculture du caféier par la force coloniale allemande au début du siècle fut assimilée par les populations et intégrée au système de production. Il permit jusque dans les années 1960 aux producteurs d'accéder à une certaine évolution économique et sociale. Devenu peu rentable et risquée au regard des cours du marché, la culture de café fut progressivement abandonnée ou insérée à un système polycultural. Au début des années 1970, relancés par de multiples projets sous couvert de l'administration, avec de nouvelles variétés de café et des crédits ruraux, de nombreux exploitants investirent toute leur exploitation en monoculture, au détriment de la sécurité que représente la complantation. Après des années d'efforts pour que produisent les nouvelles parcelles, la sécheresse de 1983- 1984 dévasta les parcelles de café « modernes » d'arabusta, mal conçues d'un point de vue agronomique, et beaucoup d'agriculteurs furent ruinés. Seul ceux qui avaient conservé en partie l'ancien système réussirent à compenser le manque à gagner.

Si on s'attache au problème du foncier en Afrique, on constate que par exemple des politiques de transition foncières ont été, avec plus ou moins de vigueur, imposées aux populations des hautes terres d'Afrique de l'Ouest. En Guinée (Fouta-Djalon), les pratiques communautaires traditionnelles assuraient à chacun l'accès à la terre, alors que l `évolution en cours tend à faciliter la privatisation des espaces. Dans un contexte où l'espace est fini1, la compétition foncière, forte autour des zones urbaines (notamment dans les bas-fonds), cause de nombreux conflits dont l'issue est rendue complexe par la superposition des droits fonciers coutumiers, islamiques et modernes. « Aujourd'hui, la question foncière se caractérise à l'échelle locale par une pluralité des droits : cet éventail de normes fait accroître l'insécurité foncière et favoriser les conflits, parfois violents » (I. Boiro , 1996). La juxtaposition de droits d'inspiration différente provoque une confusion, chacun faisant prévaloir le droit qui l'avantage le plus en cas de litige.

Un autre exemple de politique nationale peut être évoqué : les migrations forcées ou largement incitées, qui déplacent des milliers d'hommes dans le monde, et plus particulièrement dans les pays où l'Etat cherche à avoir un contrôle territorial sur les populations nomades et montagnardes.

Ainsi l'administration pousse les montagnards du Nord Cameroun (Monts Mandara) à descendre dans la plaine. La progression de l'économie monétaire a joué un grand rôle : cultures de coton, opportunités de salariat urbain (Maroua), terroirs agricoles disponibles... etc. Au départ, soupape du trop plein démographique de la montagne, l'exode rural dépeuple aujourd'hui les campagnes et vident les villages de leur force de travail : la plaine, autrefois crainte, est devenue l'image de l'émancipation et du progrès pour les jeunes. Même si l'organisation socioculturelle des montagnards se maintient pour l'instant, cette descente progressive vers les plaines et ses traductions paysagères est aussi synonyme d'acculturation : « les migrations

1 « il n'y a plus depuis longtemps de terres sans propriétaire dans le Fouta-Djalon » (C. LaugaSallenave, 1996)

urbaines s'accompagnent souvent de l'islamisation et d'un renoncement à l'identité et au mode de vie montagnard >>.

Sur notre terrain d'étude, on pourrait ainsi multiplier les exemples de projets ou de politiques qui ont fortement déstabilisés, voire déstructurés, des communautés, ou qui ont parfois freinés les hommes dans leur développement.

Par exemple, en ce qui concerne la gestion de l'environnement, la conservation des espaces < naturels >> nous donne encore un exemple du danger de la pensée écologique occidentale appliquée dans les pays du sud. Dans les Monts Nimba, l'UNESCO et des organisations écologiques américaines s'opposent à l'exploitation d'un riche gisement de fer, pour protéger le biotope des seuls crapauds vivipares au monde. La guinée est tout de même actuellement l'un des pays les plus pauvres au monde : < à la limite de cette < réserve de la biosphère >>, les populations vivent dans le dénuement le plus extrême et un enfant sur quatre meurt avant l'âge d'un an >> (Rossi, G., 2000). Que représente la limite d'un parc pour les communautés chassées et interdites ? Comment la population peut percevoir ce genre d'action qui hypothèque ses perspectives d'avenir ?

Le même problème se pose au Togo, avec la politique de gestion des aires naturelles au Togo. La conservation de la nature se fait ici dans la force. La création de l'immense parc de la Kéran (voir annexe 16), et son extension en 1981-1982, à entraîné < le déplacement de près de 10000 personnes et l'intervention de l'armée qui détruisit les villages à la grenade et au lance-flamme>>. (Rossi, G, 2000). Cette situation explosive entre les autorités et les populations qui revendiquent leur terres connut son apogée lors des troubles nationaux de 19901 : < Les paysans déplacés ont généralement perdu le territoire de leurs ancêtres et leurs forêts sacrées >> (Deletage V., 1997) Cette répression vigoureuse, pour protéger un < patrimoine de l'humanité >>, a ainsi repoussé des populations aux marges du Parc, notamment en pays Tamberma. Par ces afflux de populations, le rapport hommesgestion de la ressource connaît ainsi des perturbations: < les conséquences logiques sont un déboisement, une diminution des jachères ; tout cela ayant des répercussions sur la dégradation des sols [sur les versants atacoriens] >>. le sentiment de frustration est double, pour les migrants et pour ceux qui les accuei l lent.

L'interventionnisme exogène se caractérise par un vocabulaire, un langage distant de celui des communautés concernées (voir annexe 13). Ce que De Noray M-L., (1998) appelle les < ravages du langage >> prend toute son ampleur dans des discours stéréotypés que s'approprient même les agents autochtones du développement: < ce projet entre dans le cadre de l'appui aux populations locales dans le domaine de la santé ; il a pour objectif la sensibilisation, la conscientisation et l'auto-promotion de ces populations, et plus particulièrement des groupes cibles, c'est-à-dire des mères. >> (agent de développement malien, sur les ondes de RFI)..

1 jusque là < efficacement >> protégée, la réserve a connu une recrudescence de braconnage qui a entraîné la disparition d'une majorité des animaux du parc. < Préservation de la biodiversité >> ?

1 Cette énumération pourrait être élargie.

2

3 Encore faut-il que la compréhension soit véritablement souhaitée ou même envisagée.

« la langue du Blanc )).

Ainsi, « l'animation rurale )), « l'encadrement )), « les organisations paysannes )), « l'approche sectorielle )) et « participative )), « la micro-finance )), « la biodiversité )), « la conservation de la nature )), ou encore « le développement durable ))1 sont biens connus des individus et de leurs groupes. Comment les individus interprètent ces propos ? Vide de sens à leurs yeux, ils se méfient de ce genre de vocabulaire, car culturellement il ne le comprennent pas : « autour de moi, on dit que maintenant que j'ai appris le touba b2 , je n'arrive plus à parler normalement des gens... Alors moi je leur dis : mais je passe ma vie à parler de nos frères, à leur venir en aide. On me rétorque : tes frères, c`est nous, c'est pas les populations, c'est Moussa, Adama, Mariétou, et les autres. Explique-nous comment tu nous viens en aide. )) (Un opérateur de développement malien, 1998). La communication et la compréhension ne sont effectives que si les différents acteurs territoriaux se comprennent3.

Au final, les courtiers en développement, les élites économiques, l'aristocratie traditionnelle et le paysan de base, ont tous une certaine représentation de l'acteur exogène, qu'il soit national ou étranger. L'administration et colonisation se confondent par leurs méthodes et par les représentations auprès de la population : « l'administration, c'est la colonisation )) (Mamadou Bobo Bah, M'Balbé, Lombonnah, enquêtes personnelles 2000). Souvent les deux se confondent comme au Cameroun où l'administration est appelée « le Blanc )). Les représentations varient en fonction de l'intérêt que l'individu et le groupe portent à l'opération, à la manière dont elle est amenée et mise en place. On constate cependant que l'image de l'acteur exogène n'est pas très positive (voir annexe 15), ou du moins ambiguë :

Il existe un mot inuit qui caractérise les sentiments que les blancs leur inspirent. Ce mot est Ilira et il n'est pas facile à traduire. C'est une sorte de peur, un mélange de respect et d'intimidation... Ilira est cette tendance en chacun de nous à donner les réponses que les puissants attendent de nous et non ce que nous croyons vraiment. Ainsi, quand on demanda à des pères et mères inuit s'ils souhaitaient que leur enfants poursuivent leur scolarité en internat, ce qui signifiait qu'ils seraient sortis de leur environnement et de leur langue maternelle, la plupart ont répondu « oui )) alors que chaque fibre de leur être désirait répondre « non )).

Martin O'Malley, 1999

Il paraît complexe de vouloir qualifier « objectivement )) les représentations des individus et des populations à l'égard des acteurs exogènes, car dans ce domaine on ne peut ni analyser dans le détail, ni généraliser. Nous pouvons seulement constater combien l'image de l'acteur exogène peut véhiculer de sens

auprès des sociétés, en fonction des intérêts de chacun et de la réussite de l`action menée. En effet, même si nous insistons ici sur les problèmes et les échecs de ce type d'opération, certaines opérations contribuent au mieux être des sociétés concernées : aménagement de l'hydraulique villageoise (forages, pompes), programmes d'amélioration de la santé... etc.

Nous pouvons déplorer que les réussites ne soient pas suffisamment nombreuses dans le domaine du développement rural et dans la gestion des environnements écologiques. Les dérives d'un système de coopération et du tout Etat laissent des stigmates dans les consciences individuelles et collectives, que nous pouvons aborder à travers la clé d'entrée des représentations, dont nous venons de proposer un essai de grille de lecture.

Aujourd'hui, face à un système politique, économique et culturel exogène qui leur pèse de plus en plus, les choix des sociétés sont limités : bien souvent pour les communautés s'affrontent la nécessité d'une ouverture au monde (par choix ou par force), avec la logique du Marché et l'individualisme économique qui risquent de mettre en péril la vie de la communauté, et la volonté de préserver un fonctionnement social (souvent communautaire), garant de la pérennité du groupe sur son espace. Le fait qu'on voit de nos jours se développer la participation autochtone, ce qu'on peut considérer comme progrès des sciences sociales, ne remet pas en cause les rapports développeurs/développés.

La technicité, le marché et la préservation de la ressource selon des valeurs exocentrées par rapport à celles des communautés territoriales montrent leurs limites dans les systèmes socio-spatiaux territoriaux des hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale. Ces sociétés ne répondent pas aux mêmes logiques sociospatiales et donc aux mêmes stratégies dans le temps. Les modes de gestion du groupe et de sa ressource sont élaborés et adaptés selon des rationalités que les intervenants extérieurs ne savent pas toujours décrypter et analyser. Nous pensons que l'étude des représentations apporte des connaissances fondamentales pour la compréhension de ces logiques socio-spatiales, et qu'une véritable carence -parmi d'autres- existe dans ce domaine : « les représentations et les pratiques de l'espace de nombreuses populations d'Afrique sont très éloignées des logiques de découpage caractéristiques des représentations territoriales modernes » (Pourtier, R.).

Tambour sacré du village de Nadhel (Fouta-Djalon), utilisé pour la prière qui clôture le jeûne musulman, le ramadan.

Les progrès des sciences sociales ont poussé les géographes à s'intéresser aux représentations, non pas comme un objet d'étude, mais comme un outil de compréhension des dynamiques socio-spatiales des individus et des sociétés.

Deux approches se dégagent dans l'étude des représentations : l'analyse des liens entre l'image et le réel connu, et la variance entre les diverses représentations. Ces dernières peuvent être abordées selon plusieurs échelles, et leur complexité amène le géographe à adopter des points de vue variés pour pouvoir en cerner le contenu et la signification.

Pour identifier les représentations, l'approche territoriale s'avère (en théorie) efficace : nettement identifiable dans les sociétés du Sud, les territoires apparaissent comme de précieux indicateurs sur la manière dont les groupes humains construisent et signent dans les paysages leur propre réalité géographique, culturelle et socioéconomique.

Quand le Nord perd le Sud... (Henry, J.R., 1995)

L'analyse des représentations produites et véhiculées par les groupes sociaux est un moyen de parvenir à une meilleure connaissance des enjeux dont l'espace est l'objet et le support. Une connaissance qui reste aujourd'hui sous-utilisée dans la compréhension des logiques socio-spatiales des sociétés tropicales.

L'exemple des hautes terres d'Afrique de l'ouest et d'Afrique Centrale est significatif du rôle important que jouent les représentations dans les dynamiques socio-spatiales des hommes sur leurs territoires.

Marqués par les écosystèmes d'altitudes (selon certains gradients), les groupes humains présentent de multiples facettes socio-culturelles et paysagères qui témoignent de leurs capacités d'adaptation et de leurs représentations.

Ces sociétés sont attachées à leur identité culturelle et religieuse -comme beaucoup d'autres en Afrique- et s'organisent selon des rationalités endogènes sous-estimées par les opérateurs de « l'extérieur ». A la lumière des expériences malheureuses et coûteuses, nous pouvons nous interroger sur les méthodes

employées pour accompagner les hommes vers le bien-être social, et sur les raisons d'être d'un système qu'ils subissent ou détournent.

Face à la divergence entre les intérêts extérieurs et les communautés locales, à l'incompréhension mutuelle des différents acteurs territoriaux,

La vision occidentale, notamment par l'étude des représentations, commence à changer. Mais les discours des chercheurs restent sans écho dans la conception et la réalisation de projets ou de politiques.

Les méthodologies d'approche des populations et de leurs logiques sociospatiales sont à repenser dans les sens des communautés.

La problématique des représentations est au coeur de plusieurs enjeux sociaux, économiques et politiques auxquels les différents opérateurs du développement et de la gestion de l'environnement ne peuvent rester indifférents dans les pays du Sud.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius