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La libéralisation des marchés et le developpement durable en Afrique: le cas du secteur agricole au Cameroun

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par Jean de Dieu AWOUMOU
ENA - Master en Administration Publique 2006
  

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Cycle International Long

Master en Administration Publique

La Libéralisation des marchés et le

développement durable en Afrique : le cas du

secteur agricole au Cameroun

Mémoire présenté par
M. Jean de Dieu Awoumou Amougou

SOMMAIRE

INTRODUTION GENERALE 3

Première Partie : le secteur agricole camerounais : Passage d'une économie administrée à une économie libéralisée 7

Chapitre I- Présentation des potentialités économiques et sociales du secteur agricole au Cameroun 8

Chapitre II. Les réformes structurelles visant le renforcement de la compétitivité du secteur agricole : l'ère de la libéralisation agricole au Cameroun 16

Partie Deuxième : Examen critique de l'inefficacité socio-économique du projet de libéralisation agricole au Cameroun 30

Chapitre I. Les causes de l'inefficacité des politiques de libéralisation agricole 30

Chapitre II. Les conséquences socio-économiques de la libéralisation agricole au Cameroun 40

Partie Troisième : Propositions visant le renforcement des capacités fonctionnelles du secteur agricole camerounais 44

Chapitre I. Proposition d'un schéma organisationnel de renforcement des capacités nationales dans le secteur de l'agriculture 44

Chapitre II. Les propositions pour plus d'équité et d'efficacité dans le commerce international 51

INTRODUCTION GENERALE

« Sans pain il ne peut y avoir ni paix ni liberté ». Cette formule énoncée par le rapport d'information de l'Assemblée nationale française traduit l'importance de la question agricole pour l'épanouissement des sociétés humaines. L'agriculture du fait de sa fonctionnalité multiple est de plus en plus au centre des grands forums de discussion concernant l'avenir de la planète. Dans les relations internationales, la conclusion d'un nouveau cycle de négociations est compromise à cause des difficultés autour du dossier de la libéralisation agricole. Parmi les objectifs du millénaire pour le développement retenus par l'ONU figure en bonne place la question alimentaire. Dès lors, Pour la communauté internationale, et plus particulièrement pour les pays du Sud, toute politique visant à réformer le fonctionnement du secteur agricole est une problématique délicate. La libéralisation agricole n'est pas qu'un changement d'option économique. Elle impacte bien au delà la sécurité des Nations et l'objectif de développement durable. L'ambition de cette étude est de pouvoir fournir une réflexion sur l'impact des politiques de libéralisation sur les économies du tiers monde. Il est question de mettre en exergue comment des politiques économiques conçues et conduites dans un détachement total vis-à-vis des impératifs de la satisfaction des besoins des populations peuvent compromettre le développement durable. De plus on a beaucoup disserté sur les méfaits de l'unilatéralisme sur la stabilité internationale. Par cette étude nous souhaitons attirer l'attention sur les risques d'une uniformisation dogmatique du monde par le biais des politiques de libéralisation. Il n'est pas question de remettre en cause le bien fondé d'une application des règles identiques à toutes les économies. Il s'agit plutôt de relever les bienfaits qu'il y aurait à associer à l'action publique les impératifs de la stratégie et de l'éthique. Le cas de la libéralisation du secteur agricole au Cameroun nous permettra de tirer les enseignements des effets de la libéralisation sur le développement des communautés.

É METHODOLOGIE

La démarche méthodologique de cette étude peut être schématisée de la façon suivante :

v' Une étude documentaire sur les bases théoriques de la libéralisation ; le contexte d'étude et la mise en oeuvre de la dite politique dans le secteur agricole camerounais

v' Nous avons également eu des entretiens téléphoniques avec des acteurs de la recherche agricole et des acteurs de terrain. La conduite d'études de terrain n'a pas été rendue possible mais elle est compensée par les contacts établis.

v' Une analyse et une restitution-validation des données auprès des même personnes contactées.

É CONTEXTE D 'ETUDE

Le Cameroun est un pays d'Afrique centrale, il occupe une superficie de 475 000 kilomètres carrés dont la moitié est couverte par la forêt. Il dispose d'un microcosme de climats et d'écosystèmes variés. En effet, il s'étend depuis la forêt sempervirente du climat équatorial au Sud jusqu'aux steppes sahéliennes du Nord. Cette diversité confère une biodiversité riche et une forte vocation agricole au Cameroun. Le secteur agricole occupe près de 60% de la population active et représente à peu près de 30% du PIB et 15% des recettes budgétaires1du pays. La crise économique qui a frappé le continent africain à partir de la fin des années 80 n'a pas épargné le Cameroun. Les performances économiques de la décennie précédente 1975-1985 ne laissaient pourtant rien augurer de tel. Le Produit Intérieur Brut (PIB) évoluait vers une tendance haussière de façon à atteindre 15% de croissance annuelle en 1981. La hausse des exportations du fait du boom pétrolier avait maintenu la balance commerciale en excédent jusqu'en 1985 ; toutefois à la suite des plusieurs facteurs endogènes et exogènes le Cameroun va rentrer dans une phase de turbulence économique dont il n'est pas encore sorti. Les indicateurs de performance économique ont commencé à décliner dès l'année 1986. L'augmentation de l'inflation va compromettre la compétitivité industrielle du Cameroun ; ce recul de la compétitivité associé à la dépréciation du dollar américain et à la chute des cours des matières premières conduira à la crise économique. C'est ainsi que le PIB enclenche une décroissance dès 1987 ; il passe d'un taux de +6,9% en 1985/1986 à une baisse moyenne de -4,3% par an jusqu'en 1992. Le revenu moyen par habitant en 1993, ne représentera plus que la moitié de ce qu'il était en 1986. Cette crise économique généralisée a frappé de plein fouet le secteur agricole. Le comité technique de suivi des programmes économiques affirme que de 1989-1990, on note une chute progressive de la production agricole, notamment d'exportation ; les recettes d'exportation d'origine agricole évoluent à la baisse de 1986-1993. En conséquence, le budget de l'Etat enregistre des déficits; il se chiffre à 104 Milliards en 1985/1986 ; la balance de paiement est négative à hauteur de 44,7 Milliards en 1987/1988. En somme la crise économique est consommée dès 1987 et la tendance va s'aggraver dans les années suivantes. Après des tentatives vaines d'auto ajustements, les autorités camerounaises se tournent vers les bailleurs de fonds internationaux notamment le FMI et la banque Mondiale pour injecter un nouveau souffle par le biais de l'emprunt. Ces derniers

1 Ministère de l'économie et des finances , comité technique de suivi des programmes économiques, communication du Cameroun à l'atelier conjoint sur le renforcement des systèmes nationaux des statistiques alimentaires et agricoles en Afrique... , Pretoria Afrique du Sud 22-26 novembre 2001

dressent un bilan de la situation économique camerounaise et propose un réajustement de l'économie. Pour les économistes de Bretton Woods, la crise de solvabilité des pays africains comme le Cameroun est due à une combinaison de trois facteurs : la faiblesse de l'épargne locale du fait des taux d'intérêts réels négatifs ; l'interventionnisme étatique conduisant à évincer l'investissement privé de la production et à maintenir une distorsion des prix ; enfin, une surévaluation des taux de change qui fragilise les exportations. La combinaison de cet ensemble de faiblesses structurelles, militera en faveur d'une solution de nature structurelle. Il est question de revoir le modèle de fonctionnement économique ; d'abandonner << le tout administré >> qui a fait la preuve de ses limites pour << le tout libéralisé >>. Ce changement de politique économique se fera par le biais des programmes d'ajustement structurel (PAS) conclus avec les institutions de Bretton woods. Ils préconisent une réduction du rôle de l'Etat dans la sphère économique et la promotion des lois du marché. Les PAS sont guidés par les trois principes inspirés du consensus de Washington1 : l'austérité budgétaire, la libéralisation des marchés et la privatisation des services publics. En ce qui concerne le domaine agricole, les PAS ont permis l'adoption en 1990 d'une nouvelle stratégie de développement basée sur la libéralisation et la privatisation des activités de production et de commercialisation. Cette réforme du secteur agricole fonctionne d'après les principes suivants : une fixation des prix laissée aux forces du marchés(donc plus de responsabilisation des acteurs) ; une retrait des interventions étatiques dans la filière production-commercialisation des produits agricoles ; et l'établissement des règles de compétions qui garantissent un accès du marché égalitaire à tous les acteurs locaux et étrangers .L'ambition que cette nouvelle politique agricole affichait était de parvenir à : une meilleure offre de service à moindre coûts, une allocation optimale des ressources pour une production efficace, une responsabilisation accrue des acteurs et une promotion de l'esprit d'entreprise2 . Malgré le regain de croissance observé depuis 1997 au Cameroun, le niveau de vie des populations s'est détérioré. D'après les statistiques de l'Enquête camerounaises auprès des ménages, 40,2% des camerounais vivraient en dessous du seuil de pauvreté en 2003. Cette pauvreté est majoritairement concentrée dans les zones rurales à forte vocation agricole. Elle s'est même accrue depuis 1995 et cela se traduit par une baisse de l'espérance de vie. Celle ci est passée d'environ 55 ans à la fin des années 80 à 48 ans en 20033. De plus, depuis la libéralisation on a assisté à une dévalorisation

1 Notion créée par John Williamson en 1989 pour décrire les principaux axes de la doctrine économique prônée par les bailleurs de fonds internationaux depuis la chute de Berlin ;

2 271ème conférence de l'OAA, Abuja, Nigeria, 13-18 mai 2000, exposé de Patrick Gorgen, Unité assurance/site CNUCED ; Thème : questions et approches relatives à la supervision des assurances dans un contexte de libéralisation et globalisation http://r0.unctad.org/insuranceprogramme/fabuja.ppt#1

3 OMS Cameroun http://www.who.int/countries/cmr/en/

sociale de la fonction d'agriculteur. Ces faits conduisent à s'interroger sur l'efficacité des politiques de libéralisation agricole au Cameroun.

· PROBLEMATIQUE

Le fait que la libéralisation agricole au Cameroun se soit accompagnée d'une paupérisation croissante des populations rurales conduit à s'interroger sur la compatibilité qu'il peut y avoir entre cette politique et le développement durable. En effet Comment expliquer que depuis la libéralisation de l'agriculture imposée par les PAS, et supposée entraîner un développement durable, le pays se soit d'avantage affaiblit économiquement au point de se retrouver en 2000 au rang des Pays Pauvres Très Endettés de la planète. Il a ainsi quitté la place de pays à revenus intermédiaires qu'il occupait à la fin des années 80. Quelle est la responsabilité de la libéralisation dans cette régression. En fait le choix d'une libéralisation accélérée du secteur agricole n'a-t-il pas en réalité compromis les chances de développement du Cameroun ? Pour y répondre il convient de rechercher quels objectifs la libéralisation s'était elle assignée et de savoir s'ils ont été atteints. A partir de ce questionnement on pourra répondre à l'interrogation de savoir si l'on peut parler d'un échec de la libéralisation agricole et quels en seraient les déterminants ? Toutes ces interrogations suscitent des réponses qui doivent être vérifiées dans le cadre de la présente analyse.

· HYPOTHESES DE TRAVAIL ET PLAN

Nous nous proposons dans la présente analyse de vérifier les hypothèses suivantes : la mise au pas des agriculteurs camerounais au rythme de la libéralisation a produit des externalités qui ont accentué la pauvreté et compromettent le développement de la Nation. La libéralisation agricole dans sa conception brute n'est donc pas un facteur de développement durable car il comporte des contradictions internes ; mais on ne saurait cependant ignorer que les acteurs locaux sont aussi responsables des externalités produites et qu'à ce niveau la gouvernance nationale est en cause.

Nous proposons dans ce cadre de nous arrêter sur la conception et la conduite de la libéralisation agricole au Cameroun (Partie I). Ensuite nous envisageons, à partir d'un bilan dressé, de dégager les causes et les conséquences des externalités constatées (Partie II). Enfin, il est question de faire des propositions visant à booster la réforme du secteur agricole et à rentabiliser le potentiel agricole camerounais (Partie III)

1 Marie-France L'HERITEAU, Le Fonds Monétaire international et les pays du tiers-monde ; PUF ; Ed. 1986

2 Claude BERTHOMIEU et Christophe EHRHART, l'approche néo-structuraliste : un renouveau de l'analyse du développement en économie ouverte, Université de Nice, travaux de recherche du CEMAFI, juin 1999

Première Partie : le secteur agricole camerounais :
Passage d'une économie administrée à une économie libéralisée.

La crise économique des années 80 a suscité un mouvement global de restructuration économique en Afrique ; pour les économistes de l'Ecole structuraliste, l'inflation et les déséquilibres de la balance de paiements des pays du tiers-monde ont pour cause la structure particulière de leurs économies1 ; selon Prebisch et Singer2 le fait que les économies du Sud se spécialisent dans l'exportation des produits de base et importent des produits manufacturés, implique que le commerce international soit plus avantageux pour le Nord que pour le Sud. Dès lors l'organisation structurelle des pays du Sud les rend dépendants de l'extérieur que ce soit du côté de l'offre ou de la demande. Il s'en suit un renforcement de leur exposition vis à vis des fluctuations économiques extérieures. Ils subissent ainsi la tendance à la détérioration des prix relatifs et ne peuvent du fait des rigidités internes tirer avantage des rares cycles de hausse de la demande sur les marchés internationaux. La décennie 80 a démontré cette extrême incapacité des pays africains à faire face aux nouveaux défis économiques imposés par la mondialisation à savoir satisfaction des besoins dans un contexte de concurrence accrue et âpre. La restructuration économique sensée apporter plus de performance économique sera lancée un peu partout en Afrique et conduite sous la houlette des institutions de Bretton Woods. Au Cameroun cette mutation se fera autour de deux notions économiques principales : la libéralisation économique et la privatisation. Face à la crise du modèle administré, l'objectif affirmé est de promouvoir la croissance et la compétitivité économique par un rôle prépondérant du marché. Il s'agit de promouvoir le développement par les forces du marché. Le secteur agricole sera aussi concerné à des degrés divers par cette libéralisation. L'ambition de cette réforme est de renforcer les capacités économiques et sociales du secteur agricole camerounais afin de lui permettre de jouer son rôle de facteur de développement. Pour ce faire il s'agira de réformer les bases de fonctionnement de la production et de la commercialisation des produits agricoles.

Chapitre I- Présentation des potentialités économiques et sociales du secteur
agricole au Cameroun.

La géographie particulière du Cameroun le fait appelé `` l'Afrique en miniature '' ; le pays dispose en effet d'une diversité écologique importante pour retrouver en son sein toutes les variétés environnementales du continent africain. Une étude du modèle de fonctionnement de l'agriculture camerounaise révèle l'existence de techniques culturales et de typologies agricoles diversifiées qui épousent parfaitement cette richesse environnementale. C'est dire que le Cameroun développe des productions agricoles qui varient selon les régions climatiques. Cette diversité de l'agriculture camerounaise confère au secteur agricole d'énormes potentialités économiques qui en font un secteur particulièrement important dans la promotion du développement

A. Le modèle agricole camerounais avant la libéralisation: Structure et fonctionnement du secteur

Le Cameroun possède de cultures agricoles. Celles ci se répartissent entre cultures agricoles pérennes (principalement consacrées à l'exportation) et cultures vivrières destinées à la consommation locale et dans une moindre mesure à l'exportation.

Dans la catégorie des cultures pérennes, les principaux produits retenus en fonction de leur importance économique sont : le cacao, le café (dans ses deux variantes arabica et robusta), l'hévéa, la banane, le coton, thé ; les productions vivrières sont plus diversifiées ; sans prétendre à l'exhaustivité, on peut citer dans cette catégorie: arachide, plantain, tubercules, fruits, maïs, Pomme de terre et autres produits tropicaux.

Dans le cadre de notre étude nous privilégierons l'analyse des produits cacaoyers et caféiers du fait de leur valeur ajoutée économique. Mais nous n'entendons pas pour autant négliger l'impact de la libéralisation agricole sur les produits vivriers. Nous proposons une grille de lecture des interactions qui ont pu survenir entre cultures de rente et cultures vivrières à l'occasion du mouvement de libéralisation au Cameroun.

1. la présentation de l 'agriculture camerounaise

La diversité de l'écosystème camerounais permet aux cultivateurs d'adapter les productions agricoles selon les zones écologiques des plantes. Le café robusta et le cacao sont produits

principalement au Sud, à l'Est et le long du Littoral camerounais. Le café arabica quant à lui trouve sa zone de prédilection dans les hautes terres de l'Ouest Cameroun.

Les origines du café datent de l'époque coloniale selon André Kamga1 ; cette culture aurait été introduite au Cameroun en 1924 sous le contrôle des autorités coloniales allemandes. La production à cette époque était limitée aux seuls paysans disposants de grande superficie. La superficie retenue pour cette activité agricole était de cinq cent (500) pieds par paysan. L'objectif était d'en limiter le nombre de producteur afin d'éviter de plonger le pays dans une famine. L'obtention d'une autorisation préalable pour pouvoir faire la culture du café était obligatoire et la production du caféier se faisant sur les meilleures terres. Les paysans agréés étaient contraints de faire de la monoculture. Ceux qui essayaient d'introduire des produits vivriers étaient sanctionnés par des peines corporelles. En somme l'activité de cultivateur de café était très encadrée. Ce n'est que vers 1950 que l'autorité de tutelle française viendra libéraliser les activités de production du café. L'expansion de la culture dans le pays se fera à une vitesse de croissance rapide. En 1967 la seule province de l'Ouest Cameroun était couverte à 12% de la culture du café arabica. A ce jour la production du café est à la baisse. De 120.000 tonnes produites en 1980 on se retrouve en 2001 à une production de 70.000 tonnes soit une baisse de 42% en valeur relative.

Le cacao quant à lui est principalement produit au Centre, Sud et Est ; il a été introduit au Cameroun entre 1815 et 18952 . Il occupe environ 60% des superficies cultivées dans les provinces du centre et du Sud. La prédilection de cette zone pour la culture du cacao se justifie par les conditions climatiques qu `elle offre. La pluviométrie y est de 1500 à 2000 mm d'eau par an et les températures oscillent entre 19° et 28° ce qui constitue des conditions propices à la culture du cacao. La culture du cacao au Cameroun se fait en mode familial ; les exploitations familiales disposent de plantations dans lesquelles on retrouve généralement plusieurs productions agricoles. Le cacao ou le café se retrouvent souvent en association avec plusieurs cultures vivrières destinées à la consommation3. La production nécessite un travail de longue haleine. L'entretien phytosanitaire des plantations se fait tout au long de l'année et requiert une utilisation intensive des intrants. Ce travail d'entretien fait appel à une main d'oeuvre importante et jeune. La saison de cueillette s'étale sur quatre mois de septembre à décembre. Le Cameroun produirait en moyenne 120.000 tonnes de cacao par an ; les 3/4 de cette production sont exportés en fèves et le 1/4 restant est transformé localement avant exportation.

1 André Kamga, Chargé de cours et Chef du département de vulgarisation agricole et de sociologie à l'université de Dschang, Cameroun

2 Charles Nji, Cameroun, août 2003

3 Chambre de commerce, d'industrie, des mines et de l'artisanat ; étude de l'offre et la demande des produits alimentaires ; janvier 2005

En fonction des zones climatiques, l'agriculture camerounaise utilise deux principaux système de production : le système pluvial et le système irrigué.

Le système pluvial s'appui sur la disponibilité d'une pluviosité généreuse pour l'approvisionnement en eau des plantes. Elle est largement utilisée dans les provinces à fort potentiel hydrique comme le Centre, le Sud, l'Est, l'Ouest et l'Adamaoua.

Le système irrigué est celui de la maîtrise de l'eau à des fins agricoles ; il est caractérisé par plusieurs cycles de culturaux et des rendements intensifs ; il se subdivise en système irrigué traditionnel et système irrigué intensif ; le premier est utilisé pour faire face à un déficit ponctuel du système d'irrigation naturelle. Il utilise les déviations de cours d'eau ou des motopompes. Le système intensif quant à lui est celui de la maîtrise totale de l'eau. Il se pratique dans les provinces du nord et de l'extrême nord qui font face à un climat rigoureux en pluviosité.

2. le fonctionnement du secteur agricole sous économie administrée

Avant à la libéralisation agricole, la politique de l'Etat dans le secteur des cultures pérennes était d'apporter un encadrement gratuit aux planteurs. Celui ci concernait toute la chaîne, de la production à la commercialisation et en passant par le financement. Le traitement des plantations contre les fléaux des cultures cacaoyères était donc assuré par l'Etat. En ce sens, les planteurs bénéficiaient de l'assistance technique des agents de vulgarisation de la société de développement du cacao (SODECAO). Le rôle de la SODECAO consistait à offrir des services en vue de garantir la qualité de la production. La commercialisation du cacao et du café étaient assurés par l'office national de commercialisation des produits de base (ONCPB) ; son rôle consistait à centraliser l'offre camerounaise des produits de base et de négocier la vente au meilleur prix. Il y avait un système de fixation national du prix au producteur. Ceux-ci devaient déposer leurs produits au centre de collecte de la coopérative la plus proche au niveau départemental. La coopérative établie faisait partie d'un réseau de coopératives représentées au niveau national au sein du Centre National des Entreprises de Coopératives (CENADEC). Le fonctionnement des coopératives obéissait à une logique administrative. Depuis 1987, les directeurs de coopératives étaient désignés par le pouvoir politique et les responsables étaient des notables cooptés. Le planteur n'était en rien concerné par ce dispositif. Sous réserve du contrôle de qualité, la coopérative devait payer au producteur le prix fixé par l'ONCPB selon un barème de qualité. Les paiements des coopératives étaient effectués sur fonds d'emprunt obtenus auprès des banques et garantis par la banque centrale (BEAC). Les produits ainsi achetés étaient confiés aux transporteurs privés agréés par zones d'achat par l'ONCPB. Ceux-ci étaient chargés du transport, du conditionnement et de l'embarquement depuis le port de Douala des commandes passées à l'ONCPB par les acheteurs mondiaux. La rémunération des prestations offertes par les

transporteurs privés était versée par l'ONCPB. L'ONCPB tirait ses ressources des opérations de stabilisation. L'écart entre le prix versé au producteur et le prix obtenu sur le marché mondial constituait la source des financements de la caisse de stabilisation. L'avantage que représentait ce système consistait pour les pouvoirs publics à pouvoir dégager à travers l'ONCPB des ressources nécessaires pour offrir aux planteurs l'assistance technique et financière requise pour le développement de leurs activités. Le tableau suivant fait ressortir l'évolution du différentiel prélevé par la caisse de stabilisation au Cameroun en ce qui concerne le cas du café.

1600
1400
1200
1000
800
600
400
200
0

Différentiel entre cours mondiaux et prix au
producteur sous le régime de la caisse de
stabilisation

Années

Cours mondiaux Prix planteur

L'écart était suffisamment grand mais ces ressources permettaient de garantir le soutien aux planteurs par des subventions diverses à la production (distribution des insecticides et pesticides ; financement de l'achat des intrants et accès aux micro crédits.

Le secteur des cultures vivrières bénéficiait d'un dispositif spécifique. Celui de la Mission de développement des cultures vivrières (MIDEVIV). Il s'agissait d'une société publique dont la mission était d'assurer les fonctions de commercialisation et d'assistance à la production des cultures vivrières. La MIDEVIV assurait par ailleurs l'approvisionnement des planteurs en semences améliorées ; c'est dans ce cadre qu'en 1980 un plan national semencier élaboré avec le concours de la FAO a été confié à la MIDEVIV. Ce projet permettait aux paysans d'avoir accès à moindres coûts aux semences améliorées. Par ailleurs, le dispositif de la MIDEVIV permettait

notamment d'assurer le transport des produits vers les zones urbaines aux fins de commercialisation dans des centres créés. Il permettait d'éviter le désordre actuel qui a lieu dans le secteur de la commercialisation des produits vivriers. La MIDEVIV centralisait l'offre et veillait à la qualité des produits proposés sur le marché de la consommation. En 1990 dans le cadre de l'ajustement structurel et à cause de ses coûts le Gouvernement a pris la décision de dissoudre la MIDEVIV et de libéraliser la production et la commercialisation des semences vivrières.

B. Le potentiel socio-économique de l'agriculture au Cameroun

L'agriculture est un secteur économique capital au Cameroun ; son intérêt pour le pays est à plusieurs niveaux de considérations:

1. Le secteur agricole est une source considérable de ressources budgétaires

L'apport du secteur agricole dans la construction de la richesse nationale est largement perceptible à travers les indicateurs macro économiques. L'apport particulier des cultures pérennes dans le budget de l'Etat se fait par le biais des taxations à l'exportation. Le système de stabilisation mis en place depuis les indépendances a servi de trésorerie pour le budget de l'Etat. L'étude de P. Janin1 sur la libéralisation agricole au Cameroun démontre qu'entre 1979 et 1988 l'office national de commercialisation des produits de base (ONCPB) a prélevé 375 Milliards FCFA dont 220 Milliards pour la seule filière Cacao. La contribution budgétaire de l'agriculture a toujours été importante. Au début des années 80, le secteur agricole occupait plus de 60% de la population et rapportait 15% des recettes budgétaires et plus du tiers des recettes en devises2. Selon une étude sur les opportunités du secteur agricole au Cameroun de 1986 à 1996 l'agriculture a assuré un taux moyen de 20% de contribution à la croissance économique. En fait, la commercialisation des produits agricoles constitue une source importante d'approvisionnement des réserves de change. Par ce biais l'agriculture a longtemps joué un rôle important dans l'équilibre de la balance de paiement. On peut remarquer que le Cameroun rentre dans la crise économique en 1987 année à laquelle les cours mondiaux des produits agricole ont accusé une chute drastique passant d'environ 1500 FCFA le Kg en ce qui concerne le café à 600 FCFA. De plus, outre la production de bois qui représente 16 % des recettes d'exportations sur la période 1996-1997 et place le Cameroun au second rang des pays africains derrière l'ex Zaïre ;

1 P. JANIN ; un planteur sans Etat peut il encore être un planteur ? http://www.politiqueafricaine.com/numeros/pdf/062045.pdf

2 Communication camerounaise lors de l'atelier conjoint sur le renforcement des systèmes nationaux de statistiques alimentaires et agricole en Afrique, Pretoria Afrique du Sud- 22- 26 Novembre 2001

on note que le café apporte 7 % des recettes d'exportation, le coton 6,6 % des recettes d'exportation, le cacao 6,4 %. Toutes ces proportions traduisent l'importance de l'agriculture pour le budget national1. Selon les statistiques de la FAO, en 2003 le PIB camerounais s'élevait à 12,4 Milliards dont 44,5% provenait du secteur agricole. L'importance de l'agriculture est aussi visible au plan de l'emploi.

2. Le secteur agricole : premier pourvoyeur d'emploi au Cameroun

Du côté de l'emploi, l'agriculture occupait en 2003 la majorité de la population active au Cameroun ; le plus gros de cette population est salariée à la Cameroon Development Corporation, le deuxième gros employeur après l'Etat. Cette entreprise représente un fort potentiel économique. Elle dispose de 98.000 hectares de terres cultivables. L'entreprise produit chaque année 22.000 tonnes de caoutchouc, 21.000 tonnes d'huiles de palmes, 4.500 tonnes de palmistes, 113.000 tonnes de bananes, plusieurs tonnes de noix de coco et de poivre. Du côté de la main d'oeuvre elle emploie en permanence 13.000 personnes sans compter les saisonniers. Son chiffre d'affaires annuel (hors bananes) d'environ 18 milliards de francs Cfa2 . Par ailleurs on l'agriculture offre des emplois dans le secteur informel. En effet le boom des produits vivriers a suscité l'émergence d'un important marché national et sous-régional. Au cours de la crise des années 90 plusieurs jeunes diplômés se sont repliés vers ce secteur de vente faute d'emplois dans le secteur formel. Ici il est offert des emplois saisonniers dans tout le pays à longueur d'année. Le secteur des produits vivriers constitue aussi un pôle d'activité pour l'entrepreneuriat féminin au Cameroun. Le dynamisme des femmes dans ce secteur permet d'alimenter un commerce sous régional entre le Cameroun, le Gabon et la Guinée Equatoriale.

En ce qui concerne les cultures pérennes l'impact économique du cacao et du Café en termes d'emplois pourvus est très important ; le cacao serait produit par 300.000 agriculteurs et occupe 2 millions de personnes réparties sur six(6) des dix( 10) provinces de la république. Ces chiffres prennent en compte les industries de transformation locale ainsi que tout le personnel intervenant dans la commercialisation et l'assistance technique. En fait le cacao et le café fournissent plusieurs industries locales en matière première ; c'est le cas de la Chococam, Nescafé etc.

En somme selon une étude du comité technique de suivi des programmes économiques du ministère de l'économie et des finances, l'agriculture contribuerait pour 70% de l'emploi total au Cameroun. De plus il est au centre de la vie de l'ensemble d'un monde rural qui regroupait en

1 République française, Sénat, rapport d'information N° 376 - 97/98 - l'Afrique centrale un nouveau départ ? Le cas du Cameroun et du Congo ; par Xavier de VILLEPIN, Guy PENNE, Mme Paulette BRISEPIERRE

2 Le Messager, journal N° 2023 du 08-12-2005 Journal N° 2023 du 08-12-2005Journal N° 2023 du 08-12-2000

l'an 2000 une population d'environ 7,4 millions d'habitants1, les activités du secteur agricole ont longtemps permis d'offrir au Cameroun le privilège de la sécurité alimentaire2. Le tableau suivant résume l'importance économique du secteur agricole camerounais

Tableau : Contribution du secteur rural à la richesse nationale

 

1995/96

1996/97

1997/98

1998/99

1999/00

PIB

3 288

3 457

3 627

3 788

3 946

Secteur primaire (Rural)

1 014

1 064

1 111

1 133

1 185

 

30,84%

30,78%

30,63%

29,91%

30,03%

Secteur secondaire

764

809

846

896

912

 

23,24%

23,40%

23,33%

23,65%

23,11%

Secteur tertiaire

951

996

1 052

1 106

1 161

 

28,92%

28,81%

29,00%

29,20%

29,42%

PIB non marchand

464

484

506

537

571

Droits et taxes à l'importation

95

104

112

116

117

Taux de croissance annuelle du PIB 5,0

5,1

5,0

4,4

4,2

(%)

Source : Annuaire statistique du Cameroun 1999 - DSCN nov. 2000

Le secteur agricole contribue ainsi pour beaucoup à la lutte contre la pauvreté. Ceci est perceptible non seulement en termes de revenus créés et d'emplois offerts. La part du budget des ménages consacrée aux dépenses de consommation alimentaires représente actuellement le premier poste de dépense avec 43,3% pour les ménages aisés et 53,4% pour les ménages pauvres. L'offre de biens alimentaires apporte ainsi une contribution à la lutt e contre la pauvreté par la sécurité alimentaire.

3. Le secteur agricole camerounais : un moyen de sécurité alimentaire et de cohésion sociale.

La sécurité alimentaire pour une population donnée peut être définie comme la garantie d'un accès généralisé et pérenne aux ressources nécessaires à une alimentation équilibrée. Elle est envisagée à un double point de vue : la garantie d'un approvisionnement sûr et pérenne aux ressources alimentaires et la disponibilité de moyens matériels et financiers pour l'accès à ces ressources. Ces deux paramètres mettent en perspective à la fois l'importance des produits agricoles vivriers comme source d'approvisionnement alimentaire mais aussi les produits d'exportation comme le Cacao et le café qui constitue une importante source de revenus aux producteurs. Le potentiel agricole camerounais savamment utilisé peut s'avérer être une garantie efficace contre l'insécurité alimentaire et les défis qu'elle impose aux nations. La FAO dans son

1 Atelier conjoint sur le renforcement des systèmes nationaux des statistiques alimentaires et agricoles... ; Pretoria ,22 - 26 novembre 2001

2 En mars 2005, une situation de famine a été déclarée au Nord Cameroun ; Valentin ZINGA ; RFI http://www.rfi.fr/actufr/articles/063/article 34604.asp

rapport 2005 estime que d'une manière générale le Cameroun jouit d'une autosuffisance alimentaire mais qu'elle est précaire surtout dans les provinces qui font face à des calamités naturelles (Nord, l'Extrême nord et Littoral). Le second facteur de risque d'insécurité alimentaire est lié aux difficultés de transfert des ressources alimentaires des zones productives vers les zones déficitaires. Celles ci sont dues exclusivement aux problèmes d'enclavement. Enfin la baisse des revenus des paysans est aujourd'hui l'un des déterminants les plus importants de l'insécurité alimentaire au Cameroun.

La sécurité alimentaire a une valeur sociopolitique déterminante au Cameroun ; elle permet de préserver l'équilibre entre zones urbaines et zones rurales. La ``Déclaration de Douala''1 réunissant l'ensemble des maires et des délégués du gouvernement reconnaît l'importance de l'emploi en zone rural notamment dans le secteur agricole pour réduire l'exode rural. En effet les activités agricoles en général et dans le secteur des cultures pérennes en particulier ont été longtemps un important instrument de rééquilibrage de l'occupation spatiale. Plusieurs jeunes acceptaient de vivre dans les campagnes parce que les revenus agricoles étaient considérables pour assurer la satisfaction des besoins prioritaires d'une famille. Ce fait permit un désengorgement des zones urbaines soumises en ce temps à une faible pression démographique. Le sociologue camerounais Valentin NGA NDONGO2 observe que l'insécurité dans les grandes villes est consécutive au phénomène de croissance démographique mal maîtrisée. La ville de Yaoundé est par exemple passée de 72 000 habitants en 1960 à 2 millions d'habitants en l'an 2000. Cette démographie galopante est contemporaine de la montée en puissance de l'insécurité alimentaire dans les zones rurales. Ce phénomène lui-même est consécutif à la mise en oeuvre des réformes structurelles des Programmes d'ajustement économique.

Nous pouvons donc affirmer que le secteur agricole est vital pour le développement du Cameroun. Pendant plusieurs années les revenus tirés des cultures de rente ont contribué à la mise sur pied de plusieurs projets de développements créés par l'Etat (Ecoles, routes, hôpitaux) ; les planteurs en ont tiré des ressources pour l'amélioration de leur cadre social et pour la promotion des investissements privés3 . La chute des cours des matières premières et la crise de solvabilité de l'Etat ont obligé à revoir le fonctionnement du modèle administré. Il a fallu

1 Déclaration de Douala, 2 1-23 Mars 2005, atelier organisé par la Fao, la Coopération française et la Communauté urbaine de Douala, Thème « collectivités locales et la sécurité alimentaire des villes du Cameroun »

2 Valentin NGA NDONGO, Sociologue, Université de Yaoundé I ; violence délinquance et insécurité à Yaoundé, 2000

3 Gestion du risque prix dans la filière café au Cameroun ; Rapport de la phase II commandité par International Task force on commodity management/ Banque Mondiale Washington DONC ; Août 2002

reformer les structures pour renforcer les capacités compétitives du secteur agricole camerounais.

Chapitre II. Les réformes structurelles visant le renforcement de la compétitivité du
secteur agricole : l'ère de la libéralisation agricole au Cameroun

Devant la persistance de la crise économique des années 80 et le déficit chronique de sa balance de paiement, le Cameroun s'est tourné vers les institutions internationales pour mettre sur pied une stratégie économique visant résorber son insolvabilité. Il était question de remettre le pays sur la marche du développement. Dans ce cadre plusieurs programmes de réforme économique seront signés dès 1988 avec le FMI et la Banque Mondiale. Ces Programmes d'ajustement structurel auront une incidence sur la politique agricole du Cameroun. Celle ci sera orientée plus profondément vers les principes de l'équilibre par le marché ; le libre jeu de l'offre et de la demande doit désormais guider les choix des acteurs. C'est l'ère de la libéralisation dont il convient de préciser les bases doctrinales avant d'en examiner le fonctionnement au Cameroun.

A. Les bases doctrinales de la libéralisation agricole au Cameroun.

Pour comprendre le fonctionnement de la libéralisation agricole au Cameroun, il est utile au préalable de se pencher sur les postulats économiques qui la préside. Ce détour théorique nous permettra de mettre en perspective les contraintes normatives dénommées conditionnalités qui encadrent et déterminent la politique agricole au Cameroun. Pour ce faire, l'analyse de la doctrine économique du FMI est un préalable nécessaire ; c'est en effet cette institution qui a lancé les premières mesures de libéralisation au Cameroun. Jusqu'à ce jour les réformes structurelles en vigueur au Cameroun sont marquées de son empreinte.

1. les postulats économiques du FMI en matière de déséquilibre économique.

Conformément aux missions qui lui sont dévolues, les interventions du FMI dans les économies nationales sont motivées par le souci d'aider les pays en crise à « résorber les déficits de la balance de paiement et de freiner l'inflation » 1 . Pour ce faire, le FMI opère toujours préalablement une analyse des causes du déséquilibre économique observé ; il propose des emprunts de ressources financières à la condition que certaines reformes structurelles soient entreprises. Ces réformes ont pour objectif de garantir que l'économie considérée aura désormais toutes les chances pour éviter une éventuelle banqueroute. Dans tous les cas les réformes du FMI

1 Le FMI et les pays du tiers monde, Marie-France L'hériteau, PUF 2ème Ed. 1990, novembre

se fondent sur une analyse à deux échelons complémentaires : une approche macroéconomique conduisant à définir des stratégies de contrôle de la demande et une analyse microéconomique débouchant sur des actions ciblées sur l'offre.

a) L'approche macroéconomique dans l'analyse économique du FMI : Il s'agit d'une approche qui se fonde sur une analyse des agrégats internes de demande globale et d'offre globale des biens, des services et des capitaux. Elle met aussi en perspective l'analyse des données externes relatives aux activités d'importation et d'exportation. Pour le FMI c'est la recherche de l'équilibre global qui est visé. La situation recommandée est l'équilibre de la balance de paiement. Cependant, dans la démarche du FMI c'est l'équilibre interne qui conditionne l'équilibre externe. Pour ce faire deux instruments sont privilégiés et emportent des conséquences en termes de réformes proposées : il s'agit d'abord de l'instrument de la politique monétaire. En effet, le FMI considère que si un pays accuse un déséquilibre de la balance de paiement, ce phénomène est le fait de l'excès d'émission monétaire dans le pays considéré. Par conséquent, il faut une politique monétaire restrictive pour revenir à l'équilibre .Ce raisonnement monétariste est complété par une analyse néo-keynésienne de l'absorption qui fait de la demande interne le facteur principal du déséquilibre de la balance de paiement un ancien directeur général du FMI résumait cette position en affirmant que « l'inflation et le déséquilibre de la balance de paiement viennent l'un et l'autre de ce que la société prise dans son ensemble cherche à se procurer plus de ressources qu'elle n'en peut produire »1 ; dans un tel raisonnement les déséquilibres viennent de ce qu'en plein emploi l'excès de demande conduit à l'inflation et au déficit de la balance de paiement. Il convient par conséquent pour revenir à l'équilibre de compresser la demande interne à des proportions compatibles avec les capacités de l'économie considérée.

Selon certains auteurs le FMI serait à la fois d'inspiration monétariste et néo-keynésienne. La théorie monétariste souligne l'importance cruciale des variables monétaires dans la détermination des causes des déséquilibres. Elle conduit à mettre sur pied des politiques de contrôle du crédit et des politiques monétaires restrictives. La théorie néo-keynésienne quant à elle analyse l'incidence des composantes de la demande globale sur l'équilibre économique ; elle propose de contenir les importations par compression de la demande globale. Dans tous les cas le FMI propose l'austérité budgétaire dans son approche macro économique.

b) L'approche microéconomique dans la perception économique du FMI

1 M. Witteveen, discours prononcé à Londres, cf. bulletin du FMI, 29 mai 1978

Il s'agit d'une approche complémentaire de la première, elle vient en réponse à la critique de l'école structuraliste dans les années 501 . Celle-ci fonde les causes du déséquilibre de la balance de paiement sur la structure même des économies du Sud. Ces pays sont enserrés dans un schéma du commerce international qui les rend dépendants de l'environnement extérieur pour leur équilibre. En fait ces pays exportent des produits de base et importent des produits manufacturés. Dès lors ils sont plus affectés par la détérioration des termes de l'échange. De plus ces économies ont des rigidités structurelles qui empêchent au marché de jouer son rôle de régulateur. Les moyens de la mobilité des facteurs et de la parfaite transparence n'étant pas réunis, l'ajustement traditionnel par les prix est impossible. Pour les structuralistes les réformes doivent donc s'orientées par un rôle actif de l'Etat à renforcer les capacités de l'offre. Le FMI a intégré dans sa démarche une partie des observations de l'Ecole structuraliste. En réalité il s'agit plus d'une « récupération » dans le sens où le FMI attribue ces difficultés structurelles à une insuffisance de l'intégration dans l'économie mondiale et à un rôle excessif de l'Etat. Une idée force guide le FMI dans ses analyses microéconomiques : la supériorité de la rationalité privée sur toute autre ; d'où la tendance généralisée au retrait de l'Etat au profit de la libéralisation des marchés et de la privatisation des entreprises publiques comme condition à l'accès des pays comme le Cameroun aux prêts du FMI.

2. les modalités d'octroie des financements du FMI : les conditionnalités de la libéralisation

Le FMI dans sa démarche de banquier des Etats membres en difficultés financières a intégré la nécessité d'introduire des réformes structurelles dans les économies des PVD. Pour l'ensemble ces réformes tournent autour de deux principaux concepts : la privatisation et la libéralisation. La privatisation repose sur le postulat de la rationalité des décisions privées. Le FMI proscrit ainsi l'intervention économique de l'Etat car elle conduirait à des distorsions dans l'allocation des ressources. L'intervention de l'Etat est nocive à plusieurs égards. Les subventions et autres soutiens aux entreprises déficitaires maintiennent en vie des activités non rentables. Il s'opère un détournement des ressources au détriment des secteurs productifs. En ce qui concerne l'agriculture une politique sensée maintenir artificiellement les prix des produits agricoles à un bas niveaux conduirait à une chute des revenus des agriculteurs.

La libéralisation quant à elle se caractérise par l'ouverture du pays aux échanges internationaux. Ici l'intervention étatique par le biais de mesures de protection du tissu local est décriée par le FMI et la Banque mondiale. Les mesures protectionnistes (contingentement ; hausse des tarifs

1 L'Ecole structuraliste soutient que les déséquilibres se trouvent dans les structures particulières des économies et qu'il faut non pas « la main invisible » d'Adam SMITH pour revenir à l'équilibre mais bel et bien la main visible de l'Etat (SINGER ; PREBISCH ; SUNKER ; TAVARES)

douaniers ; surévaluation du taux de change) faussent la concurrence et accroissent le déficit de la balance de commerciale.

Pour remettre les économies en difficultés sur le chemin de la croissance et du développement, le FMI propose d'ajuster les pays considérés à l'aune des concepts de libéralisation et privatisation. Le FMI a ainsi conçu un ensemble d'exigences que le pays doit satisfaire pour bénéficier des ressources du FMI. Il s'agit d'une série de conditionnalités budgétaires et monétaires. L'ancien Directeur du FMI les définit comme des « mesures économiques et financières qu'un pays doit prendre pour rétablir une position extérieure stable à la fin ou vers la fin d'un programme appuyé par le Fonds»1. Au départ elles se limitaient à des aspects purement économiques mais à ce jour elles intègrent aussi bien des questions administratives que politiques à savoir l'exigence de la bonne gouvernance et de la démocratie. Dans le cadre de cet exposé nous nous limiterons aux aspects économiques de la conditionnalité de l'ajustement structurel.

a. Les aspects budgétaires de la conditionnalité de la libéralisation

Ils concernent la nécessité de contrôler la demande par la compression des indicateurs budgétaires. Face au constat du déséquilibre de la balance de paiement, l'ambition de restaurer l'équilibre s'opère à travers deux choix : Au niveau interne le choix s'opère entre recettes et dépenses. Au niveau externe c'est la balance entre exportation et importations qui doit être gérée. Le choix de l'instrument budgétaire pour ce qui concerne les pays africains s'explique par la faiblesse du système bancaire incapable d'actionner efficacement les instruments classiques de gestion de la liquidité bancaire (open-market, réserves obligatoires). Dès lors un certain nombre de critères et objectifs de gestion budgétaire seront fixés par le FMI à l'encontre des pays demandeurs de ses ressources.

Les critères retenus concernent presque touj ours le plafonnement du crédit bancaire à l'Etat. Il s'agit de limiter les tendances à l'expansionnisme économique et endiguer les dérapages de la demande interne qui sont néfastes à l'équilibre de la balance de paiement.

Les objectifs quant eux sont assez précis il s'agit de déterminer un volume de recettes et de dépenses à atteindre. Il faut ainsi déterminer un montant permettant de rééquilibrer les agrégats économiques. Cet objectif s'opère soit par une hausse des impôts soit par une baisse des dépenses publiques. Les moyens choisis par le FMI reflètent sa philosophie économique à savoir la confiance en la rationalité des décisions privées. Ainsi l'option retenue est normalement la réduction des dépenses publiques et la rationalisation de l'assiette fiscale existante (mode de recouvrement etc. ...). L'essentiel dans ce cadre est la diminution du ratio dépense publique /

1 Jacques de LAROSIERE ancien Directeur du FMI (1978-1987), finances et développement, juin 1982

1 Noter que les étudiants dans les grandes Ecoles au Cameroun ont vu leur admission dans la fonction publique annulée cf. polytechnique Yaoundé ; FASA Dschang (comparer avec les besoins de développement)

PIB. Le FMI conseille la compression du budget de fonctionnement de l'Etat et le gel du budget d'investissement (crédits d'équipement). Ces impératifs passent par la maîtrise de la masse salariale des fonctionnaires à savoir le gel des salaires, l'ajournement des augmentations prévues ou simplement des augmentations inférieures au taux d'inflation. Dans le secteur de l'emploi, on doit procéder à des gels de poste dans le fonction publique ou la modification des conditions d'accès à la fonction publique 1 ; les mesures les plus difficiles socialement seront les réductions voire les suppressions des transferts sociaux.

b. Les conditionnalités monétaires de la libéralisation

Elles sont liées à l'approche libérale des problèmes de l'offre ; il s'agit d'instaurer un système de prix relatifs le plus favorable à la croissance et à l'équilibre extérieur. Le but est d'agir sur les prix pour améliorer la rentabilité des activités privées. Cette action monétariste porte sur plusieurs types de prix :

L'action sur les prix intérieur concerne le niveau de salaires ; il s'agit d'opérer un ralentissement des salaires réels soit par une diminution de la progression des salaires soit par une baisse pure et simple des rémunérations. L'objectif visé à ce niveau est la meilleure rentabilité des entreprises, le renforcement des incitations à l'investissement dans des secteurs créateurs d'emplois afin de favoriser une attraction des Investissement directs étrangers. D'où l'option pour des législations moins contraignantes en ce qui concerne l'embauche et le licenciement.

Les taux d'intérêts sont aussi concernés par cette action sur les prix. La hausse de taux d'intérêts est ainsi préconisée pour encourager l'épargne intérieure et fournir une contre incitation à la fuite des capitaux

La deuxième action concerne le taux de change ; la dévaluation est encouragée pour réduire la demande globale. Le FMI pense que diminuer la valeur de la monnaie locale exprimée en devise contribuerait à réduire le pouvoir d'achat et à réduire de facto la demande sur les biens importés. De plus, un supplément de compétitivité est aussi visé ; il s'agit de diminuer les prix des biens nationaux sur les marchés extérieurs. Le but est de relancer les activités d'exportations. Ces deux effets permettront de réduire le déficit de la balance de paiement. Toutes ces mesures seront suivies d'une application accélérée dans le secteur agricole au Cameroun.

B. La conduite de la libéralisation agricole au Cameroun

A la suite de la crise économique des années 80, l'Etat camerounais est devenu insolvable. Ce constat a lancé un débat sur l'inefficacité de l'interventionnisme étatique. Dans le secteur agricole le choix qui se posait était soit de libéraliser la production et la commercialisation soit de renforcer le rôle de l'Etat. Compte tenu des rapports de force favorables à la libéralisation en ce moment et de l'échec de l'Etat interventionniste, le choix naturel se portera vers un désengagement de l'Etat du secteur agricole pour faire une place plus importante aux acteurs privés. Cette réorientation de la politique économique se fera d'abord sur le plan juridique avant de trouver une traduction sur le plan socio-économique.

1. Le cadre juridique de la libéralisation agricole au Cameroun.

A partir de 1988, l'Etat du Cameroun a entrepris sous la houlette des bailleurs de fonds et notamment du FMI un programme de réformes structurelles visant à rétablir la croissance économique. Pour ce faire, plusieurs mesures législatives seront édictées pour déterminer les conditions juridiques de libéralisation. Dans le domaine des cultures pérennes, le mouvement normatif de la libéralisation sera lancé par la loi n° 95/11 du 27 juillet 1991 portant organisation du commerce du cacao et du café. Son décret d'application n°95/674/PM du 15 décembre 1995 sera parachevé en 1997 par la signature de trois textes réglementaires :

· Le Décret n°97/130/PM du 23 mars 1997 portant réglementation du conditionnement et de la commercialisation des fèves de cacao

· Le Décret n°97/131/PM du 23 mars 1997 réglementant le conditionnement et la commercialisation des cafés verts

· le Décret n°97/142/PM du 25 août 1997 modifiant et complétant certaines dispositions du

Décret n° 9 1/272 du 12 juin 1991 portant création de l'office national du cacao et du café Ces textes législatif et réglementaire constituent la base juridique de la libéralisation agricole des cultures pérennes au Cameroun. Ils en fixent les cadres et en déterminent les conditions d'exercice. En ce qui concerne le cacao et le café, les traits majeurs de la libéralisation sont définis ainsi qu'il suit :

La promotion des marchés périodique de cacao et de café est laissée à l'initiative des producteurs, des groupements de producteurs, et des coopératives en liaison avec les acheteurs et les exportateurs.

Le contrôle de qualité à l'achat est laissé à l'appréciation et sous la responsabilité conjointe de l'acheteur et du producteur. Les opérateurs d'achat de cacao et de café sont réservés exclusivement aux titulaires de la carte professionnelle délivrée par le conseil interprofessionnel de cacao et de café. Les acheteurs sont responsables des actes répréhensibles de leurs

mandataires. Les acheteurs sont tenus de déclarer le premier lundi de chaque mois dans les services de la préfecture du ressort, leurs achats de cacao ou de café effectués dans le mois écoulé. Le fichier des exportateurs est mis à jour chaque année en début de campagne, pour en extraire les exportateurs qui n'auraient exercé aucune activité pendant deux campagnes successives. Enfin le contrôle de qualité à l'exportation est confié aux sociétés privées.

Par ailleurs en ce qui le renforcement du pouvoir de négociation des paysans l'Etat a mis sur pied une réglementation favorisant l'émergence d'organisation paysannes et communautaires. Il s'agit de :

La loi n° 90/053 du 19 décembre 1990 sur la liberté d'association. Ce texte remplace la loi n° 67/LF/1 9 du 12 Juin 1967 qui elle-même abrogeait la loi de 1901. La loi de 1990 s'est avérée plus souple et donnait le pouvoir aux préfets des Départements (administration territoriale) de certifier l'existence des associations.

La loi n° 92/006 du 14 août 1992 concernant les sociétés coopératives et les groupes d'initiatives communes (GIC), en remplacement de la loi N° 73/15 du 07 décembre 1973 portant statut des sociétés coopératives. A travers cette loi, de nombreuses organisations de base, ayant un nombre réduit de membres, ont été légalisées et se sont engagées dans un processus de structuration en unions et fédérations de GIC. Cette loi a permis également aux producteurs agricoles, en particulier dans les filières café et cacao, de se libérer d'un long passé coopératif dirigiste où le défaut de transparence dans la gestion a créé des attitudes de rejet du terme "coopérative" chez les agriculteurs. Actuellement, on assiste à une véritable recomposition sociale dans les bassins cacaoyer et caféier où les GIC et unions de GIC prennent le pas sur les anciennes coopératives qui ont perdu la confiance des planteurs. C'est dans le sillage de la loi de 1992 que le registre des coopératives et groupes d'initiatives communes, a été créé pour permettre parmi d'autres attributions de légaliser ces formes d'associations paysannes. Il faut toutefois noter que la souplesse de cette loi a laissé la place à des dérives. Des sociétés privées de prestations de services, n'ayant rien à voir avec des activités agricoles ou pastorales ont pu se légaliser en GIC pour échapper à la fiscalité.

Ces réformes avaient pour but d'instaurer des logiques concurrentielles dans la commercialisation des cultures agricoles ; d'établir une responsabilisation plus profonde des opérateurs privés. Toutefois l'Etat s'est réservée le droit de veiller à la bonne marche du système et notamment de sanctionner les abus des opérateurs qui évoluent en margent de la réglementation ou du code de déontologie du CICC.

2. Les difficultés de fonctionnement et externalités de la libéralisation du secteur agricole.

Les mutations en cours depuis la libéralisation concernent toute la chaîne agricole de la production à la commercialisation, en passant par toutes les phases du circuit.

a. Les externalités de la libéralisation en ce qui concerne la production. La libéralisation signifiait la responsabilisation des paysans et la fin des subventions de l'Etat. Dès lors les paysans sont tenus de se procurer par leur soin tout ce qui est nécessaire dans la chaîne de production. En 1988-1989 la distribution gratuite des intrants sera interrompue. Elle sera accompagnée de la suppression du système de subventions aux engrais pesticides et herbicides. Le programme de réforme du secteur engrais en 1993 imposera la privatisation intégrale de la distribution des engrais. Pour ce qui concerne le cacao et le café, on note ainsi l'entrée d'une multiplicité d'acteurs privés dans le marché des intrants. Une étude1 sur l'impact de la libéralisation du secteur cacao dans la province du Sud Cameroun démontre que le paysage du marché de fourniture des intrants agricoles a été reconstruit comme suit : 80% du marché est détenu par les entrepreneurs privés. Parmi ceux-ci seuls 52% sont reconnus et agréés par l'administration. Les autres évoluent en marge de la légalité. Les organisations paysannes créées à la suite de la loi de 1992 relative à la création des organisations paysannes quant à elles ne contrôlant que 20% de part du marché. En ce domaine il est avéré que 40% seulement des paysans sont membres des dites organisations professionnelle. Le manque d'organisation du secteur a entraîné une augmentation des prix des intrants agricoles. Pour le café, le sac de 50 kg de l'engrais de formule NPK couramment utilisé est passé de 2.500 FCFA (soit 3,84 euros) à 9.500 FCFA (soit 14,50 euros). Dans ce contexte les paysans ne pouvaient plus disposer de la même quantité d'engrais. Une démontre que 80% des paysans du centre et du sud Cameroun utilisaient encore les engrais bien qu'en quantité réduite mais que 20% avaient abandonné l'usage des engrais.

b. Les externalités en ce qui concerne le financement.

Le financement des opérations agricoles a été progressivement abandonné l'occasion de la libéralisation. Le secteur privé notamment bancaire qui devait reprendre le témoin n'a pas suivi. Dans le secteur cacao le financement sur recettes d'exportations ou le recours au crédit se sont substitués aux subventions et autres concours techniques de l'Etat. Toutefois le constat démontre que seuls 7% des paysans ont accès aux crédits. Bien que le secteur agricole représente 30% du PIB de l'économie nationale, les statistiques révèlent que seuls 8% des crédits bancaires sont alloués au financement des activités agricoles. La cartographie des instituts de financement est

1 Folefack Pompidou et Jim Gockowski ; libéralisation et système de commercialisation du cacao en zone forestière du Sud Cameroun ; 12 janvier 2004

marquée par le rôle quasi exclusif des tontines et prêts familiaux. Il convient donc de constater que l'accès des paysans aux crédits bancaires est marginale. Le retrait de l'Etat du circuit de financement par la liquidation du Crédit Agricole Camerounais (CAC) aura pour conséquence une rupture des flux de financements des activités agricoles. La difficulté d'accès aux crédits pour les paysans est le fait d'une désorganisation du secteur après le retrait de l'Etat. Plusieurs considérations excluent les producteurs du système bancaire. En amont, la volatilité des prix des produits agricoles, les risques de production et les carences d'un système de garantie ou de cautionnement des producteurs. En aval les carences d'une politique claire en direction du monde agricole et les taux d'intérêts élevés pratiqués par les banques. La création des organismes de micro crédits destinés à financer les activités communautaires est venue prendre le relaie. Toutefois la condition d'organisation de la paysannerie en Groupe d'Initiative Commune n'a pas toujours fonctionné pour pouvoir bénéficier de ces dispositifs rares. En effet les données recueillies dans les zones agricole de l'Est, du Centre et du Sud révèlent que seuls 40% des producteurs sont membres des GIC et que 60% n'appartiennent à aucun groupement de ce type1. La libéralisation agricole en consacrant le donc un retrait de l'Etat du financement des activités agricoles n'a pas arrangé la situation des agriculteurs ; ceux-ci du fait de l'instabilité des cours des produits agricoles sont devenus des clients insolvables pour les organismes bancaires privés. La conséquence est l'effet d'éviction des paysans des circuits de financements. A l'heure actuelle il n'existe aucun mécanisme de garanti permettant de favoriser l'accès des petits producteurs au financement de leurs activités2. Seules les caisses villageoises d'épargne et de crédit appelées localement Tontines constituent des réseaux de micro finance consacrés à l'agriculture ou à d'autres activités du monde rural. On note aussi des initiatives de coopération comme le projet canadien dénommé micro projets productifs en faveur des femmes (MPPF). Il s'agit d'un projet qui poursuit l'objectif de lutter contre la pauvreté et améliorer la condition socio-économique des femmes en leur facilitant l'accès au crédit pour la mise en oeuvre de leurs projets. Ce projet a eu une phase orientée vers le milieu rural notamment dans la Lekié (province de centre) en 1999. Toutefois de telles initiatives sont rares et dispersées pour avoir une réelle incidence sur le besoin d'accès au crédit dont souffre les populations agricoles.

c. Les externalités dans le domaine de la commercialisation des produits.

La libéralisation a introduit une logique de fixation des prix par le marché. Le paysan est libre de vendre à qui il veut sans aucune contrainte étatique. Depuis la libéralisation en 1992, la vente des

1 Folefack Pompidou et Jim Gockowski ; libéralisation et système de commercialisation du cacao en zone forestière du Sud Cameroun ; 12 janvier 2004

2 A noter cependant que le Gouvernement du Cameroun vient de promettre une enveloppe de 900 millions à disposition du financement des activités agricoles pour 2006 ; il s'agit d'un projet financé sur ressources de l'IPPTE et devant concerné les producteurs de café, cacao, maïs etc....

produits agricole est libre. La vente des produits cacaoyer et caféier se fait soit en groupe soit individuellement par les agriculteurs. Cependant force est de constater que la fixation des prix par le marché est marquée par une asymétrie de l'information. Les négociants dispose touj ours d'une meilleure information par rapport aux planteurs. Le prix étant fixé sur le marché mondial, les revenus versés aux cultivateurs sont déduits de ce prix mondial.

A l'opposé les cultivateurs n'ont pas les moyens d'information pour être à jour en ce qui concerne les évolutions des cours mondiaux des produits de base. Cette asymétrie place les cultivateurs dans une position de faiblesse dans le processus de négociation. Dans une étude de Folefack Pompidou sur les moyens d'information des agriculteurs, il ressort que la radio occupe la première place avec 63%, le bouche à oreille est situé à la seconde place avec 11% et enfin viennent les organisations paysannes sensées fédérés les intérêts des paysans. La source radiophonique est toutefois peu à même de jouer le rôle d'information. Le territoire national n'est pas entièrement couvert par le réseau électrique, pour alimenter les postes radio. Les cultivateurs sont donc tenus de prévoir un budget pour un approvisionnement en piles. Toutes ces données renforcent l'asymétrie de l'information entre producteurs ruraux et commerçants urbains. De plus P. Janin fait le constat que l'entrée en masse des commerçants privés a réintroduit des pratiques que l'on pensait révolues : pesées frauduleuses, achats nocturnes à vil prix, ententes déloyales entre acheteurs pour baisser les prix d'achat. La cellule Nouvelle Politique Agricole (NPA) du ministère de l'agriculture établit qu'un exportateur sur deux participe à cette combine1 . Enfin au niveau de la garantie de qualité, la libéralisation a introduit une multitude d'acteurs chargés de garantir au nom de l'Etat la fiabilité du label Cameroun.

Par ailleurs La libéralisation a conduit à un processus de démantèlement des entreprises d'Etat pour mettre fin aux situations de monopole de l'Etat. On a assiste à une réduction du spectre d'activité de la société de développement du cacao (SODECAO). Cette entreprise publique est créée en 1974 pour fournir une assistance technique aux producteurs de cacao et garantir la qualité du produit camerounais. Dans le quotidien les missions de la SODECAO s'étendait bien au-delà de l'assistance technique pour couvrir les besoins de pilotage des projets de développement. Elle visait aussi à répondre au besoin de désenclavement des zones rurales par l'entretien des pistes cacaoyères. Le démantèlement des activités de la SODECAO en 1990 se fera au niveau budgétaire et juridique. Elle subira ainsi une réduction des subventions qui lui étaient allouées et une compression de ses missions en faveur développement. Celles ci seront transférées au secteur privé entre 1992 et 1993. La société aura désormais pour but de favoriser la création des groupements de producteurs pouvant prendre le relais de ses activités.

1A. Zolty et J.Bahus «Dossier Cameroun, les filières Cacao/Café » Afrique Agriculture, N°225, 1995 ; PP 18-34

L'Office National de Commercialisation des Produits de Base (ONCPB) liquidé en juin 1991 verra certaines de ses missions reprises par l'Office National du Cacao et du Café (ONCC)1 et enfin plus radicalement le Centre National des Entreprises Coopératives (CENADEC) sera dissout . D'après Pierre Janin, l'Etat du Cameroun opère une libéralisation sélective dans le sens où il « liquide ce qui ne peut être sauvé et restructure ce qui peut encore servir »2.

La dévaluation du FCFA prolonge le mouvement de libéralisation du secteur agricole. Elle intervient pour renforcer la compétitivité internationale des produits d'exportation. Cette mesure aura incidemment pour conséquence le renchérissement des intrants agricoles. La suppression des taxes à l'exportation intervenue préalablement sera réintroduite en 1995 par l'Etat. Il s'agit d'une taxe d'inspection et de contrôle à l'exportation des produits de base. Cette nouvelle taxe s'élève 0,95% de la valeur FOB et s'applique au café, Cacao, bois, huile de palme et banane3 . Le constat établit démontre donc l'existence de dysfonctionnements dans la mise en oeuvre de la libéralisation agricole au Cameroun. L'objectif d'augmentation de la production a été amorcé sans vraiment réaliser une amélioration significative en comparaison des années de prospérité de l'économie administrée. La production agricole a accru modestement mais à un rythme inférieur à celui de la population. Les prix quant à eux ont évolué positivement mais restent marqués par une instabilité le tableau suivant nous démontre une hausse modérée des prix d'après les analystes, les prix versés au producteur ont moyennement progressés entre 1995 (date de la libéralisation) et 2001 :

1 Ouverture de la campagne, Taxation, stabilisation, contrôle qualité, représentation au niveau international.

2 Pierre Janin ; un planteur sans Etat peut il encore être un planteur ?'' ; Observatoire du changement et de l'innovation sociale au Cameroun (OCISCA/ORSTOM)

3 OMC, examen des politiques commerciales, rapport du Secrétariat, Cameroun 1995

Prix en FCFA

Evolution du prix du Kg de café versé au paysan de 1999-
2001

1600

1400

1200

1000

400

200

800

600

0

91/92 92/93 93/94 94/95 95/96 96/97 97/98 98/99 99/00 00/01

Années

Cet historiographe des prix du café montre trois (3) phases dans l'évolution du prix versé aux paysans : la première avant la libéralisation de 1995 démontre une linéarité des prix d'achat soit environ 400 FCFA ; puis on constate une hausse des prix dès 1996 jusqu'au pic de la campagne 99/00 qui verra un versement de 1500 FCFA (soit 2,29 euros) par Kg vendu. Cette situation pu être un facteur de dynamisation des cultures pérennes auprès des planteurs si les autres déterminants de la production avaient pu être maîtrisés. A l'opposé, les prix des intrants ont drastiquement augmenté comme nous l'avons souligné plus haut. La qualité du label Cameroun en sera affecté. André Kamga observe que depuis 1997, le taux de défectuosité observé est de l'ordre de 70% des lots proposés à la vente. La disparition des structures de vérification de la qualité et les impératifs de survie obligent les paysans à consacrer moins de soins à la préparation du café marchand. La production en valeur numérique des cultures de rentes a de ce fait évolué en dents de scie comme le traduit le tableau suivant :

1 BEAC : Etudes et statistiques n° 257 - septembre -octobre 2000. Editions BEAC, p. 100, 101 El 102.

2 World investment report, CNUCED, 2000

Tableau 1 : Production agricole de rente1 (en tonnes)

Période

Cacao

Café

Coton

1995

136 181

63 417

195 214

1996

74 841

104 121

223 000

1997

243 641

60 649

188 500

1998

148 751

-

194 670

Il est donc évident que la libéralisation s'est accompagnée d'une certaine stagnation de la production des cultures de rentes.

Enfin pour ce qui est des effets de la libéralisation sur la commercialisation, il faut noter la déception des principaux acteurs. Pour Pierre TSIMI ENOUGA le secrétaire exécutif de CICC, la restructuration des filières de commercialisation n'a pas atteint ses objectifs. La mise en oeuvre d'une libéralisation qu'il juge imposée par les bailleurs de fonds a conduits à des dysfonctionnements regrettables. Il observe que « pour ce qui concerne le Cameroun et comme d'ailleurs pour la plupart des pays africains, la restructuration de la filière interne n'a pas toujours suivi celle de la restructuration de l'économie mondiale imposée par la globalisation, et on assiste à un phénomène vraiment extraordinaire : celui de l'éclatement de l'offre de produit au niveau interne et de la concentration des débouchés ; on arrive à une situation où un petit tout petit nombre d'opérateurs imposent la loi à une offre éclatée de produits ». D'après la CNUCED2, près de la moitié de la production mondiale passe entre les mains des

multinationales. Pour gagner des parts de marché, elles ont développé de vastes réseaux pour acheter, transformer et revendre. Cette stratégie leur permet de dicter les prix en contrôlant la moitié du PIB mondial. Cette situation diffère du scénario qui prévalait avant la libéralisation. La caisse de stabilisation permettait de réaliser une concentration de l'offre camerounaise afin de négocier le prix le plus avantageux pour le pays et pour les agriculteurs. Le constat de ces dysfonctionnements oblige après une décennie de mise en oeuvre à faire un examen critique des causes et des conséquences des externalités observées dans la conduite de la libéralisation agricole au Cameroun.

Partie Deuxième : Examen critique de l'inefficacité socio-économique
du projet de libéralisation agricole au Cameroun

La politique de libéralisation agricole n'a pas fonctionné comme les institutions de Bretton Woods le préconisaient. Elle n'a pas permis une reprise efficiente du rôle de l'Etat par le marché. Le financement et la commercialisation connaissent des dysfonctionnements majeurs. Le niveau de vie des producteurs a fortement baissé du fait de ces dérives. Les causes de ce phénomène sont partagées et les conséquences de nature grave hypothèquent fortement les ambitions de développement de toute une nation dont la principale ressource est l'agriculture.

Chapitre I. Les causes de l'inefficacité des politiques de libéralisation agricole

Les facteurs d'un échec de la libéralisation agricole sont à chercher non seulement au niveau national mais aussi dans le contexte international. Au plan national les questions liées au management administratif déterminent pour une part importante la difficulté à offrir au Cameroun la jouissance de son potentiel agricole. A l'échelle internationale les pays africains en général souffrent de la concurrence déloyale des grandes puissances agro-industrielles.

.

A. les causes liées à l'environnement international

Le Cameroun comme est membre de l'organisation mondiale du commerce (OMC). A ce titre il est partie aux accords de libéralisation du commerce dont celui relatifs aux produits agricoles. L'accord sur la libéralisation des produits agricoles a été signé en 1994 dans le cadre des accords de Marrakech qui clôture l'Uruguay round et est entré en vigueur en 1995.Cet accord comme tous les accords de libéralisation est fondé sur la croyance que la libéralisation des marchés agricoles conduit à la croissance économique et de facto à l'amélioration du bien-être social pour tous. Cette thèse tire s'inspire de la théorie des avantages comparatifs de David Ricardo qui soutient que la chute des barrières commerciales permet à chaque pays de se spécialiser dans le domaine où il produit le plus au moindre coût. Dans ce contexte tout le monde gagne à l'échange des produits puisque la moyenne des coûts est inférieure à la situation où tout le monde produit de tout. L'application de cette théorie conduit donc à la suppression des barrières douanières et à la promotion des exportations. L'accord de l'OMC sur l'agriculture vise cet objectif. Il entend parvenir à une élimination progressive des barrières douanières, à une réduction des soutiens internes et à la suppression des subventions à l'exportation. En novembre 2001, lors de la

conférence ministérielle de DOHA, les Etats membres de l'OMC ont adopté une déclaration qui marque le lancement d'un nouveau cycle de négociations globales. Celui ci intègre l'agriculture et devait être conclu au sommet de Hongkong du 13 au 18 décembre 2005. Cet accord vise trois objectifs :

· l'amélioration de l'accès au marché ;

· la réduction de toute forme de subventions à l'exportation

· la réduction des soutiens internes ayant des effets de distorsions1

L'idée d'une organisation du commerce mondial par application des règles communes est noble en soi. Toutefois dans la pratique on constate que non seulement l'Accord sur l'agriculture n'a pas amélioré l'équité dans le commerce mondiale mais en pratique il a introduit un régime juridique discriminatoire à l'égard des pays en développement. D'une part ils ne peuvent plus mener des politiques agricoles autonomes et d'autre part ils ne peuvent soutenir leurs producteurs par des subventions2. L'accord sur l'agriculture a donc introduit une libéralisation discriminante qui compromet les efforts des pays comme le Cameroun pour s'intégrer dans le commerce international. Plusieurs facteurs liés à l'environnement international constituent des obstacles de fait à la réussite des politiques de libéralisation agricole dans les pays les moins avancés. Trois (3) points considération permettent de tenir un tel raisonnement :

1. Concurrence dans l'accès aux marchés internationaux

L'accord conclu en 1994 introduit une interdiction générale des barrières douanières au commerce excepté les tarifications. Concrètement cela devait conduire à la fin des politiques de quotas comme obstacles aux échanges. L'objectif prioritaire était d'améliorer l'accès aux marchés agricoles entre tous les pays du monde. Le constat après plusieurs années d'application est que cet objectif est loin d'être respecté en ce qui concerne les grandes puissances agroalimentaires. Les pays africains pressé par les PAS se sont massivement ouverts à la concurrence internationale notamment en matière agricole. Le FMI estime qu'entre 1997 et 2000 la proportion des pays les moins avancés à avoir des politiques protectionnistes est passée de 33% à 18% sur le continent africain3 .Par contre plusieurs études de la FAO, de la CNUCED, de l'OCDE et de l'OMC confirment les obstacles aux frontières de l'UE ont augmenté ces dernières années pour les produits agricoles et sont aujourd'hui plus élevés qu'au début de la décennie 904.

1 Déclaration ministérielle de Doha, 13 novembre 2001

2 L'agriculture a le droit d'être protégée ; Global+, Dossier N° 1 février 2003 ; http://www.alliancesud.ch/francais/files/D PnDr1 .pdf ,

3 poverty reduction strategy progress report, IMF/IDA, USA 2001

4 The uruguay round agreement on agriculture and processed agricultural products , OCDE, Paris, 1997; Impact of the reform process in agriculture on LDC and net food-importing

Les puissances agroalimentaires ont recours à divers mécanismes de protection qui faussent le jeu de la libéralisation dans le domaine agricole :

L'accord sur l'agriculture permet par exemple la protection des produits sensibles. Il est permis à un pays de compenser les fortes réductions tarifaires auxquelles il consent sur des produits non sensibles, par une protection mesurée des produits dits sensibles. Les Etats-Unis (EU) et l'Union européenne (UE) ont par ce biais continuer d'imposer des tarifs très élevés sur des produits exportés par les pays en développement comme le sucre, le tabac, le coton.

Les même pays ont aussi recours à la mesure de pics tarifaires. Il s'agit d'une réintroduction des contingentements dans la me sure où les tarifs sont bas pour un certain volume et deviennent prohibitifs dès qu'un certain seuil est dépassé. Dans le même ordre d'idée on peut observer l'existence du mécanisme de tarifs progressifs. Le cas du cacao reste le plus classique. La part du marché des pays producteurs diminue proportionnellement au degré de transformation du produit : 90% pour les fèves de cacao, 38% pour le beurre de cacao et 4% pour le chocolat. En Suisse et aux E.U. par exemple les fèves de cacao peuvent entrer librement ce qui n'est pas le cas de la poudre de cacao1. Celle ci est taxée à l'ordre de 0,52% par Kg importé2. La FAO estime que ce mécanisme pénalise plus de la moitié des produits importants pour les P\TD et leur ôte la possibilité de développer une industrie de transformation locale3. Dans ce domaine le Cameroun est touchée par de telles mesures car il est exportateur des produits transformés d'origine agricole. Les données statistiques révèlent que le rendement économique de la branche de transformation des produits agricole en 2003 est en baisse continuelle par rapport aux années précédentes. La production de café torréfié connaît une baisse annuelle de 11% depuis l'exercice 96/97 4 .Les difficiles conditions d'accès dans les marchés internationaux expliquent la lente expansion de l'industrie agroalimentaire au Cameroun.

Le respect des normes de qualité en matière phytosanitaires et sanitaires fait aussi partie de l'arsenal de mesures prohibitives à l'encontre des P\TD. Le manque de compétences scientifiques et d'expertise en matière de labellisation font de ces obstacles des mesures pratiquement insurmontables pour ces pays. Enfin on peut noter l'usage abusif des mesures antidumping

developing countries and way to address their concern in multilateral trade negociations, CNUCED, Paris, 2001;

1 Ibid

2 Asia Pacific Economic cooperation( APEC) tariff database site http://www.apectariff.org/

3 The impact of the uruguay round on tariffs escalation in agricultural products; ECSP,n°3, FAO; Italie, 1997

4 Chambre de commerce d'industrie des mines et de l'artisanat, étude de l'offre et de la demande des produits alimentaires, janvier 2005

autorisées par l'accord de l'OMC1. Les E.U. et l'U.E. ont fait usage de 234 actions antidumping contre les PVD depuis la signature de l'Uruguay round.

2. Concurrence déloyale dans le domaine des soutiens offerts à l 'agriculture dans les pays développés.

L'agriculture est un secteur qui bénéficie d'importants concours financiers de la part des Etats. Ces subventions permettent aux Etats les plus puissants économiquement d'apporter des soutiens à l'exportation de leurs produits de telle sorte qu'ils soient vendus à un prix largement en deçà des coûts de production (dumping). Ces pratiques ont des effets de distorsion sur les prix internationaux qu'ils contribuent à tirer à la baisse au détriment des producteurs des pays les moins avancés. Cette situation est plus déplorable dans la mesure où certains pays ont vu leur production interne décimée du fait de l'invasion des produits étrangers à faibles coûts. Au Cameroun on cite souvent le cas du poulet congelé dont les importations entre 1997 et 2003 ont accru de 300%. La production nationale a risqué la faillite. Elle a décru de 50% passant de 21000 tonnes à 13000 tonnes de 2000 à 2003. Les pressions des producteurs locaux sur les pouvoirs publics ont permis de lever l'exonération bénéficiant aux poulets importés et d'imposer une TVA de 17%. Les mesures prises dans le cadre de l'Accord sur l'agriculture pour corriger de telles situations se sont avérées complètement inefficaces. En fait cet accord prévoyait une réduction progressive des subventions à l'exportation pour les pays qui en faisaient usage. Dans la pratique on est plutôt parvenu à l'instauration d'un régime discriminatoire. Sur 137 pays membres de l'OMC, 25 bénéficient en réalité d'un quasi droit à subventionner alors que d'autres sont exclus de la capacité à soutenir leur agriculture. Les pays développés sont priés de réduire leurs subventions de 36% en valeur et de 21% en quantité. Les pays émergents doivent en ce qui les concernent réduire respectivement de 21% et de 24%. Pour tous les autres pays les plus pauvres, il leur est interdit de recourir à ce type de soutien. Actuellement les négociations commerciales à l'OMC en ce qui concerne l'agriculture portent sur les réductions des subventions des pays développés. Cet objectif de réduction ne devrait pas changer pas grand-chose puisque en définitive on aura touj ours une agriculture injuste et inefficace pour les producteurs des pays en développement. Ceci est d'autant plus certain lorsqu'on considère que dans la déclaration de Doha reconnaissant la nécessité de parvenir au retrait progressif des subventions, les pays membres ont refusé de fixer une échéance à cet objectif. L'UE et les EU sont les premiers bénéficiaires de ce régime discriminatoire. D'après les données du secrétariat de l'OMC les subventions de ces pays en ce qui concernent certains produits ont même

1 L'accord antidumping permet à un pays d'appliquer des mesures de protections à l'égard d'un produit spécifique lorsqu'il est importé dans des quantités telles qu'il cause ou menace de causer un dommage à la production nationale (voir cas textile chinois)

augmenté entre 1995 et 19981. Les produits principalement affectés par ces mesures de Dumping sont les produits laitiers les céréales et la viande de boeuf. Toutefois de nombreuses cultures pérennes impliquant directement le Cameroun sont aussi concernés. Il s'agit par exemple de la culture du coton. Le café et le cacao sont concernés par des mesures indirectes qui sont la conséquence de l'évolution de l'environnement mondial. Selon les analyses du secrétaire exécutif camerounais du CICC, le mouvement mondial va vers la concentration des grands opérateurs dans le domaine. Cette concentration est le fait que la production agricole est désormais dominée par quelques multinationales et des sociétés de production alors que dans le même temps la libéralisation agricole au Cameroun a conduit un éclatement de l'offre nationale. La conséquence est double pour les agriculteurs : la fragilisation dans les procédures de négociation et la baisse continuelle du prix versé au producteur. Le prix versé à l'agriculteur ne constitue plus qu'une part infime du prix final : il est de l'ordre de 7 à 8 % pour le coton brut.

Pour ce qui est des soutiens internes c'est à dire toutes les interventions qui créent des distorsions dans le commerce international, l'objectif est de parvenir à une réduction pour permettre aux forces du marché de déterminer la production agricole mondiale. Les pays développés ont consentis à diminuer leurs soutiens internes de 20% en six ans et les pays en développement de 13,3% en dix ans. Les mesures découplées qui ne sont pas directement liées au volume de la production sont toutefois autorisées. C'est le cas de toutes les mesures qui concernent la protection de l'environnement (boîte verte)2. Les PMA comme le Cameroun, n'ayant notifié aucune aide se sont engagés à ne pas introduire de tels soutiens dans le future. Toute chose qui est de nature à consacrer en pratique un régime juridique discriminatoire. Le rapport d'information de l'assemblée nationale française reconnaît cette difficulté pour les PVD. Pour ses rédacteurs, le fait d'avoir notifié des soutiens nuls à l'OMC les empêche, en raison des périodes de référence utilisées par les règles multilatérales, de mettre en oeuvre, aujourd'hui, des soutiens classés dans la boîte orange, qui regroupe les soutiens aux prix et les mécanismes de régulation des cours. Or, pour ces pays, ce sont les soutiens les moins coûteux, car ils pèsent moins sur un budget de l'Etat limité que les aides directes au revenu. La seule possibilité de soutien disponible actuellement pour un pays en développement est d'utiliser les aides classées en boîte verte, c'est-à-dire entièrement découplées de la production. Etant directement financées par le budget de l'Etat, le faible niveau de ce dernier, conjugué au poids de la dette, les rend de

1 OMC, document G/AG/NG/S/5, 11 mai 2000

2 Dans les négociations à l'OMC, les subventions sont classées en catégories désignées par une couleur à l'image des feux de circulation. On observe une Boîte verte boîte (Aides autorisés concernant la protection de l'environnent, une Bleue (Aides tolérées accordées au cheptel ou à l'hectare payée sur un rendement fixe et non liées au prix), et une Boîte Orange (Aides proscrites directement liées à la production ou aux prix)

fait pratiquement inaccessibles à la plupart des pays en développement1. Par ailleurs comme pour ce qui est des mesures liées aux subventions, les EU et l'UE ont détourné ces objectifs de réduction pour échapper à leurs obligations. Ils ont par exemple négocier pour fixer la période cible pour le calcul des réductions à la période correspondant au pic de leurs soutiens internes c'est à dire entre 1986-1988. De plus, ces pays ont restructurés leurs programmes nationaux de soutiens agricole par rapport à ces nouveaux canevas. On observe un transfert des aides de la boîte bleu vers la boîte verte ; le secrétariat de l'OMC constate que parmi les prestations inscrite dans la boîte verte la part des paiements directes a augmenté de 23% en 1995 à 43% en 1998.

3. la faible capacité de mobilisation des PMA dans les négociations internationales.

Les difficultés des pays les moins avancés consistent en leur incapacité à infléchir les négociations internationales dans un sens compatible avec leurs intérêts. Ce fait est la conséquence de deux phénomènes majeurs : d'abord la diversité des intérêts au sein des pays les moins avancés. Les intérêts peuvent être très différents selon qu'un pays est exportateur net ou importateur net de produits agricoles. Une synergie des position est donc difficile dans ce cas. Ensuite, le multilatéralisme susceptible de porter en avant les revendications est hypothéquée par l'absence des pays les moins dans les forums de prise de décisions. Le Cameroun par exemple ne dispose pas d'une représentation permanente au sein de l'OMC. La représentation du Cameroun auprès de l'office des nations unies à Genève fait en même temps office de représentation au sein de l'OMC. Les contraintes budgétaires et des considérations liées à la politique étrangère de chaque Etat sont les facteurs déterminants de cette situation. Toutefois depuis SEATTLE en 1999 les PVD participent de manière plus active aux négociations multilatérales : différentes alliances ont vu le jour avec des degré divers d'institutionnalisation. Le regroupement le plus important est le Groupe africain qui rassemble quarante un (41) pays. Une synergie des positions est aussi observée au niveau du Groupe nommé le CARICOM qui milite pour une préservation du régime préférentiel que l'UE consent aux pays membres de ce groupe. Le Cameroun en ce qui le concerne a, par le passé, brillé par son absence des forums de négociations multilatérales. En guise d'exemple le rapport 2001 du secrétariat de l'OMC note que le Cameroun n'a pas participé aux négociations sur les services financiers. A ce jour le Cameroun est plus engagé dans les négociations multilatérales. Il milite non seulement dans le Groupe africain mais aussi au sein du Groupe ACP pour lequel il a tenu le rôle porte parole lors des négociations de Hongkong en ce qui concerne la banane. Toutefois cet activisme au niveau international ne doit pas masquer le rôle des insuffisances internes dans l'échec des politiques de libéralisation agricole.

1 Rapport d'information sur l'agriculture, Assemblée Nationale, 21 janvier 2004 ;

http://www.assemblee-nationale.fr/12/europe/rap-info/i1371.asp

B. Les causes internes des dysfonctionnements de la politique de libéralisation agricole

Les difficultés de fonctionnement de la libéralisation agricole au Cameroun ne sont pas explicables uniquement par les contraintes internationales. Des considérations liées au management de projets et au pilotage du changement constituent aussi des déterminants importants de la situation stagnation de l'agriculture consécutif au délaissement des agriculteurs. Plusieurs aspects importants du projet de libéralisation agricole ont été ignorés. On peut relever le cas du suivi du financement à la suite du retrait de l'Etat ou simplement du suivi par l'Etat luimême des mesures mises en oeuvre.

1. L'absence de mécanismes de financement palliatifs au retrait de l'Etat

Les facteurs internes se situent d'abord en amont de la libéralisation agricole. La libéralisation s'est appliquée comme si elle était la traduction du délaissement total. Des missions qui concernent les obligations de l'Etat ont été délaissée du jour au lendemain sous prétexte que la libéralisation devait assurer la reprise des activités. Le suivi des politiques de réformes n'a pas été mené en ce qui concerne le financement des activités agricoles et l'encadrement des petits producteurs. La FAO observe un (1) an après le lancement de la libéralisation agricole que la banque de crédit agricole du Cameroun ne proposait aucun crédit rural1 . Par la suite le mécanisme potentiel de financement des activités agricoles sera supprimé lorsqu'en 1997 le Crédit Agricole du Cameroun (CAC) sera mis en liquidation par la Commission Bancaire d'Afrique Centrale (COBAC). Depuis lors, le secteur agricole semble totalement en manque d'approvisionnement financiers. Le Document Stratégique de Réduction de la Pauvreté (DSRP) relève que « pour ce qui est de la promotion du développement des structures et des mécanismes de financement appropriés au secteur rural : le rapport final de l'étude sur la politique de financement du secteur agro-pastoral réalisée depuis septembre 2001 vient d'être validé. Cette étude propose notamment la mise en place d'un projet de financement de l'agriculture, d'une durée de huit (08) ans, logé à la BEAC » ; on comprend donc que depuis la liquidation de la CAC en 1997 aucun mécanisme de financement dédié au secteur rural n'a été mis sur pied. Le Fonds d'investissement des Microprojets Agricoles (FIMAC) créé pour venir en suppléance à la défunte CAC n'a pas vraiment fonctionné afin de mettre à la disposition des populations rurales les fonds de crédits nécessaires à leurs activités. La condition d'accès au financement qui consistait à se regrouper pour avoir accès aux crédits n'a pas été suivie de mesures favorisant la création de telles structures. Dans le même ordre d'idées, il n'existe aucune action spécifique en faveur des groupes prioritaires du secteur agricole. La FAO retient que l'accès des femmes au

1 Sustainable Development Department, FAO, July 1997, http://www.fao.org/waicent/faoinfo/sustdev/WPdirect/WPre0017.htm

crédit et au technologie économisant le travail n'est pas suffisamment assuré. Tout ceci démontre un déficit des mesures d'accompagnement de la libéralisation agricole au Cameroun. En définitive la mise en oeuvre de la libéralisation au Cameroun s'est traduite par un retrait total de l'Etat du financement de tous les circuits de production agricole notamment pour ce qui est des cultures pérennes. L'absence d'une approche moderne de conduite de projet a engendré la réalisation de deux types de risque : un accroissement des difficultés d'accès au financement pour les agriculteurs ; aucun mécanisme n'étant venu en suppléance des activités de micro finance de l'ex ONCPB. De plus, les difficultés d'encadrement de la paysannerie ont eu des effets sur la production et la qualité des produits agricoles camerounais. Aucun appui au développement des organisations professionnelles n'a été établi avant 2003, en particulier pour ce qui est des organisations de cultivateurs du cacao, café. Le DSRP mentionne simplement l'élaboration d'un programme commun d'appui à la structuration agricole au Cameroun. En l'état actuel, le secteur souffre donc sur le terrain d'une inefficacité économique dans la commercialisation des produits d'exportation. Ce délaissement des producteurs se traduit par un déficit d'information sur les prix pratiqués et une faiblesse dans l'assistance technique toutes choses qui sont néfastes à la qualité des produits et aux objectifs de production ;

2. L 'absence de dispositifs de suivi des impacts de la libéralisation

Par ailleurs, on constate qu'à ce jour malgré les avancées en termes de suivi des politiques gouvernementales, la situation n'a pas beaucoup évolué. Dans le cadre de l'exécution de ses engagements concernant le programme économique et financier en vue de l'atteinte du point d'achèvement, le Cameroun a mis sur pied des politiques dans la continuité des réformes structurelles. L'objectif pour celles-ci est la réduction de la pauvreté au-delà du regain de compétitivité. Le dossier de référence de ces engagements est le Document stratégique de réduction de la pauvreté (DSRP). Ce document reprend les principaux objectifs économiques et les moyens retenus pour les réaliser. Il a été élaboré dans le cadre de l'Initiative Pays Pauvres Très Endettés (IPPTE) dans laquelle le Cameroun a été éligible en l'an 2000 pour parvenir à une annulation de sa dette vis-à-vis de ses créanciers internationaux. La Banque Mondiale (B.M.) a proposé l'IPPTE pour permettre aux pays dont le poids de la dette compromet fortement les chances de développement de pouvoir bénéficier de l'annulation de leur dette. Cette initiative est assortie d'un ensemble de conditionnalités qui s'inscrivent dans la continuité des PAS. Il s'agit certes de débarrasser le pays du boulet de la dette mais aussi de mettre sur pied des politiques qui garantissent la bonne utilisation des ressources dégagées en faveur de la lutte contre la pauvreté. C'est donc dans ce nouveau cadre que se poursuit la politique camerounaise de libéralisation agricole. Les difficultés en ce domaine tiennent dans l'absence d'instruments d'évaluation des

1 Document Stratégique pour la Réduction de la Pauvreté, 2004

progrès et des difficultés. Aucun mécanisme de suivi des impacts de la libéralisation agricole n'a été mis sur pied entre 1995 et 2003. La création en septembre 2003 d'une organisation institutionnelle de suivi et d'évaluation des politiques économiques vient certes combler le vide en ce domaine. Mais cette organisation bien qu'appréciable dans le principe reste néanmoins à parfaire pour répondre aux besoins de compétitivité du secteur. Un examen cette organisation institutionnelle permet de constater des manquements.

a. L'organisation institutionnelle du suivi et de l'évaluation des engagements économiques du Cameroun

Le suivi et l'évaluation de la libéralisation agricole est conduite dans le cadre plus global de l'exécution du DSRP. Le Gouvernement a mis sur pied une mécanisme institutionnel qui couvre tout le territoire. Ce mécanisme est constitué de trois échelons principaux :

Le premier est au niveau des services du PM. Il s'agit du comité inter ministériel de suivi et d'évaluation mis sur pied par le décret n° 2003/PM du 29 septembre 2003 du Premier Ministre. Il est placé sous la présidence du Secrétaire Général des services du PM. Il chargé de la supervision et de la coordination de la mise en oeuvre des engagements de l'Etat dans le cadre du DRSP. Il se composé de 15 membres issus des ministères en charge des questions économiques et sociales.

Le comité inter-ministériel est assisté dans ses missions par un Comité Technique du Suivi et de l'évaluation des engagements (CTS). Ce comité technique a été créé par le décret n°2003/2 122/PM du 29 septembre 2003 du Premier Ministre. Il est un organisme paritaire composé des représentants du Gouvernement, de la Société civile, du Privé, des ONG et des Partenaires au développement. Le CTS est placé sous l'autorité du SG du Ministère des affaires économiques, de la Programmation et de l'Aménagement du Territoire (MINEPAT)

Enfin, le comité technique travaille en collaboration avec les délégations provinciales du MINEPAT. Il se décline en comités provinciaux de suivi et d'évaluation placés sous la supervision du gouverneur de province. Ces comités provinciaux sont constitués des délégués provinciaux du MINEPAT, des représentants du Ministère des finances, des Associations ; des Groupes religieux etc....

A côté de ce dispositif institutionnel, il existe un dispositif statistique dédié à la production des données statistiques. L'objectif était de pouvoir multiplier les sources d'information pour l'élaboration des stratégies sectorielles et l'évaluation des progrès réalisés1.

b. Les limites de l'organisation du suivi et de l'évaluation

Malgré la multiplicité de ces instances, le suivi et l'évaluation de la libéralisation agricole peine à produire ses fruits. Des difficultés organisationnelles continuent à faire obstacle non seulement dans le domaine de la production statistique mais aussi dans la conduite du dispositif. D'après le DSRP, la production statistique est faible du fait de l'incapacité des services sectoriels à produire des données de bonne qualité. Une insuffisance des financements dans le domaine conduit à l'obsolescence des données. En guise d'exemple le dernier recensement agricole daterait de 1984. Par ailleurs, s'agissant de la conduite du dispositif d'évaluation, on note l'absence d'indicateurs d'objectifs qui peuvent permettre la visibilité et la traçabilité de la libéralisation agricole. Enfin le sens même de la libéralisation est à remettre en cause celle-ci a été conçue avec pour finalité de renforcer les capacités d'exportation du secteur agricole. Un accent particulier est mis sur le renforcement des cultures à forte vocation exportatrice au détriment des besoins alimentaires locaux. La création du CICC, de la SODECAO, atteste de l'intérêt manifeste des autorités pour les cultures pérennes. Dans le même temps aucune structure de ce type n'existe pour les cultures vivrières. On aboutit donc à une extrême vulnérabilité de l'économie nationale vis-à-vis des chocs extérieurs. Les pays Afrique Caraïbe et Pacifique sont dépendants du marché européens à hauteur de 40%. Le constat est que la promotion intensive des cultures pérennes au détriment des cultures vivrières instaure une concurrence entre les deux secteurs de l'agriculture camerounaise. Dans ce contexte la facture alimentaire du Cameroun ne s'accroît. Au cours de l'année 2000, le Cameroun importait 60% de maïs pour combler ses besoins alimentaires et en 2004, l'importation s'élevait à 72%.

3. le manque de mesures d'accompagnement de la libéralisation agricole.

La libéralisation agricole n'est pas une politique économique entièrement à part. Comme tout instrument de développement, elle aurait dû s'inscrire dans la synergie des autres politiques de développement économique et social. Cette précaution n'a pas été prise en ce qui concerne la conduite de la libéralisation du secteur agricole au Cameroun. Les mesures d'accompagnement du développement rural en général n'ont pas été prises. Avant la libéralisation, la SODECAO s'occupait non seulement des questions ayant directement trait à la production agricole, mais aussi des problématiques incidentes du développement rural comme le désenclavement des zones de production. La compression des missions de la SODECAO ne s'est accompagnée de la création d'un dispositif remplacement. Il aurait dû être ainsi puisque tout compte fait c'est à l'Etat de garantir la viabilité du jeu économique par la construction et l'entretien des routes par exemple. Tout s'est déroulé comme si la libéralisation agricole entraînait un désengagement de

l'Etat et non un re-ciblage du rôle de l'Etat dans la sphère économique. Ce n'est que dans le cadre actuel de la Facilité pour la Croissance et la Réduction de la Pauvreté (FRPC) dans laquelle le Cameroun s'est engagé en décembre 2000 que le volet d'accompagnement social a été intégré dans les politiques de libéralisation économique au Cameroun. En ce qui concerne le désenclavement rural ce n'est que dans le cadre de l'IPPTE en 2000 que des mesures dont attend encore les résultats ont été initiées. En somme l'absence de mesures d'accompagnement dans le domaine des infrastructures a été préjudiciable l'efficacité de la réforme du secteur agricole.

Tous ces éléments visent à démontrer que la libéralisation agricole au Cameroun aurait pu mieux se passer à l'instar des pays du Sud comme la Chine, le Vietnam ou la Thaïlande qui ont procédé à des libéralisation progressive et sélective pour aboutir aux résultats économiques que nous connaissons. La progressivité et la sélectivité aurait certainement évité à la réforme structurelle de l'agriculture de produire des contraintes économiques supplémentaires pour le développement.

Chapitre II. Les conséquences socio-économiques de la libéralisation agricole au
Cameroun

La libéralisation agricole au Cameroun a eu des effets économiques non déterminants et elle n'a pas permis une amélioration significative du niveau de vie. Elle a produit de nombreuses externalités d'une part parce qu'elle n'a pas été conduite avec les précautions managériales qu'un tel projet aurait nécessité mais aussi parce dans le contexte international, plusieurs engagements ont été trahis par les puissances agroalimentaires. Les conséquences socioéconomiques des dysfonctionnements observés vont impacter toute la société. La réforme structurelle de l'agriculture aura donc des conséquences économiques importantes qui se sont répercutées dans le domaine social de façon à hypothéquer sérieusement les ambitions de développement durable.

A. les conséquences économiques de la libéralisation agricole.

La réforme des structures de l'agriculture camerounaise a eu des effets ambiguë dans le domaine de la production et des prix d'achats. On constate une augmentation du prix d'achat des produits agricoles. Dans les cultures pérennes, le prix versé aux producteurs est en nette augmentation par rapport à son niveau avant la libéralisation. Cependant il convient de mettre ces prix en relation avec la hausse de l'inflation pour comprendre que le pouvoir d'achat des agriculteurs est en baisse. Par ailleurs on note une légère amélioration de la production des cultures de rentes mais

aussi des cultures vivrières. La production vivrière a profité de la reconversion des planteurs vers ce secteur du fait de la baisse de leur pouvoir d'achat. La production s'est donc améliorée mais elle reste en deçà des besoins alimentaires locaux et doit en plus affronter la concurrence des produits étrangers subventionnés. Le tableau suivant rend compte du sens de la dynamique observée dans la production vivrière

Tableau - Évolution de la production agricole et de la consommation alimentaire

Années

1979/1981

1984/1985

1989/1991

1994/1996

1999/2000

Production agricole

80,3

91,4

100

120

132,8

Production/Hbt.

106,5

105,1

100

104,4

103,8

Conso.alimentaire journalière/ calorie

2370

2270

2440

2190

2260

Source : FAO Data base

On se rend compte qu'après la libéralisation de 1995, le renchérissement des produits d'importation a orienté les efforts vers les produits vivriers. On notera un léger décollage de la production dans toutes les filières mais elle stagnera à partir de 1998. Des mesures de soutien n'ont pas renforcé la dynamique observée. L'absence des mesures d'accompagnement a entraîné deux principaux coûts économiques dans la libéralisation du secteur agricole : l'augmentation du chômage des jeunes agriculteurs et la stagnation de la production nationale conduisant à la baisse des recettes d'exportation. Le fait est que la baisse des revenus mentionnée plus haut oblige à aller en ville pour avoir des opportunités meilleures en termes d'emplois et de niveau de vie. L'abandon des cultures pérennes par les jeunes agriculteurs a donc accru le taux de chômage dans la population. En 2001 le chômage des jeunes était évalué à 15% des jeunes actifs. En milieu rural le chômage des jeunes augmente de façon vertigineuse jusqu'à atteindre environ 60% du total1 . De plus, le manque de politique d'emploi spécifique au milieu rural a renforcé la croissance du chômage jeunes agriculteurs.

Le manque de suivi de la libéralisation agricole a eu des effets sur le marché de l'emploi. La fermeture des entreprises publiques du domaine agricole a réalisé l'émergence d'une nouvelle catégorie de pauvres constitués de cadres.

Dans le domaine la production agricole le manque de suivi de la libéralisation sera l'abandon des plantations par les populations ; les planteurs arrachent les plants de café ou de cacao pour faire du vivrier. Dès lors la production du café et du cacao est en baisse continuelles depuis 1998. Le cacao après une remontée légère en 1997, avec 243641 tonnes, a de nouveau fléchie et

1 Institue panafricain pour le développement Afrique Centrale, Cameroun, rapport pays sur les problèmes de population , stratégies et interventions dans le cadre de droits et de santé de la reproduction, André MOUTOU, Ph.D., janvier 2002 .

retombée 148 731 tonnes. Le café suit la même courbe contrastée en passant d'une hausse de 16,4% entre 1995-1996 à une baisse de 41,73% entre 1996 et 1998. La conséquences du L'évolution en dents de scie démontre l'existence d'un problème de suivi. Le manque d'analyse prospective n'a pas permis d'apporter les mesures correctives là où il en était besoin. De façon plus nette les effets négatifs du manque suivi se feront sentir dans le domaine social

B. les conséquences sociales de la libéralisation agricole : la compromission des objectifs du millénaire pour le développement au Cameroun.

Le Cameroun a souscrit comme tous les pays membres des nations unies à la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement. L'atteinte de ces objectifs est mise à épreuve par la façon dont est conduite la libéralisation agricole. L'examen du taux de réalisation des objectifs du millénaire au Cameroun laisse sceptique. En fait le constat est plutôt celui d'une régression des indicateurs. La libéralisation agricole est pour beaucoup dans le fait de cette régression. En effet le retrait de l'Etat a laissé le secteur de la production agricole dans une situation d'abandon manifestée par le tarissement des financements agricoles. La conséquence sera une augmentation des coûts de production des produits agricoles qui va se refléter sur le niveau de vie des population. En guise d'exemple on peut citer l'impact de la privatisation de la Société Camerounaise de Palmeraies du Cameroun sur le niveau de vie du camerounais moyen. Avant l'opération de privatisation de l'entreprise en 2000, le litre d'huile de palme coûtait environ 500 et six ans plus tard en 2006 le litre s'élève à 850 francs CFA environ. Cela signifie une augmentation d'environ 70% du prix de cette denrée alimentaire riche en vitamines. Dès lors l'objectif de réduire de moitié la proportion de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté est fortement compromis par le retrait de l'Etat consécutif à la libéralisation de production des filières du secteur agricole. Les statistiques révèlent qu'en 2001, sur une population de 15 472 559 d'habitants près de 6 217 058 d'habitants vivraient en dessous du seuil de pauvreté ; soit environ 40,2% de la population totale1. Si la proportion globale a officiellement décrue depuis 1 996(partant de 50,5%), il faut reconnaître qu'elle cache des disparités qui révèlent un danger pour le développement durable. En effet la proportion des enfants de moins de cinq ans souffrant d'insuffisance pondérale est passé de 13,6% en 1996 à 22,8% en 20012. Ce fait à lui tout seul devrait traduire le risque que la libéralisation agricole par ses déficits en termes de management fait pesé sur les générations futures. Par ailleurs il faut dire que l'immense majorité des pauvres au Cameroun se retrouve parmi les populations rurales. Le document de stratégie de

1 Rapport des progrès des OMD/ Cameroun, Décembre 2003 http://www.cm.undp.org/un/publications/rapport_OMD_provincial2003.pdf

2 Ibid.

développement du secteur rural (DSDSR) élaboré par le gouvernement camerounais et validé en concertation avec la société civile a pour but de promouvoir « une croissance agricole et économique forte ». Ce document affirme qu'en 2001, 84% des pauvres se trouvent dans les zones rurales. La chute des prix de vente des produits agricoles a conduit à une baisse du niveau de vie des agriculteurs. Cette pauvreté se manifeste par l'insuffisance de ressources matérielles ou financières pour satisfaire les besoins élémentaires en matière d'alimentation, de logement, de santé, d'éducation. L'insécurité alimentaire est chronique dans la zone soudano-sahélienne. Elle sévit également dans les Hauts Plateaux de l'Ouest et, à un moindre degré, en zone de forêt humide. Les familles rurales font face à des situations parfois dramatiques (rations alimentaires de 1.360 calories par personne pour le décile de familles les plus pauvres)1. Le Cameroun se situe parmi les pays en développement les moins performants en ce domaine. La ration alimentaire actuelle (2.260 cal calories/jour/hab.) y est à peine supérieure à la ration moyenne estimée pour l'Afrique subsaharienne (2.200 calories) et reste bien inférieure à celle calculée pour l'ensemble des pays en voie de développement (2.680 calories). Depuis le début de la libéralisation du secteur agricole la pauvreté a donc progressé dans tout le pays mais avec une acuité particulière dans les villages. Face à cette pénurie de moyens financiers, les paysans sont le plus souvent obligés de faire le choix douloureux de consacrer les maigres ressources disponibles pour la scolarisation des jeunes garçons au détriment de filles. C'est en ce sens que le rapport sur les ODM révèle que depuis 1995 on observe une stagnation du rapport filles/Garçons dans l'enseignement primaire. Cette situation est compromettante lorsqu'on considère que les femmes représentent 51% de la population au Cameroun. La paupérisation croissante des population rurales entraîne une déperdition des forces productrices au niveau économique. Les femmes sont en réalité dans un tel conteste cantonnées à des activités d'agriculture de subsistance ou à la prostitution. Par ailleurs, la baisse des revenus des activités agricole contraints les jeunes à l'exode rural ou à l'exil pour les plus courageux. On observe que l'augmentation de la pression démographique dans les villes est contemporaine à la mise en oeuvre de la libéralisation agricole au Cameroun. Une étude du sociologue camerounais Valentin Nga Ndongo affirme que la seule ville de Yaoundé est passée de 1 080 000 habitants en 1995 à 2 000 000 en l'an 2000. La conséquence est la montée de l'insécurité et des phénomènes de proxénétisme. Dans l'analyse des causes de l'insécurité, le sociologue confirme que l'association des jeunes issus de l'exode rural et des autres jeunes en échec scolaire constitue un vecteur

1 Déclaration de stratégie de développement du secteur rural, avril 2002 ;

important de la violence urbaine1 ; la pression démographique dans les villes en plus d'être un défi pour la cohésion sociale constitue aussi un enjeu écologique important.

1 Violence, délinquance et insécurité à Yaoundé (information générale), Valentin NGA NDONGO, Sociologue, Université de Yaoundé I, Cameroun, juillet 2000

Partie Troisième : Propositions visant le renforcement des capacités fonctionnelles du secteur agricole camerounais.

.

Le Cameroun comme nombre de pays africains n'a pas pu développer les mécanismes nécessaires pour pouvoir tirer profit de la libéralisation agricole. Les infrastructures, l'accès à l'information, la technologie, la recherche, l'organisation et la coordination des secteurs de production ainsi qu'un ensemble de techniques managériales nécessaires au bon fonctionnement du marché sont déficients. En conséquence, on observe une perte du contrôle de la production et un appauvrissement croissant des petits producteurs. Face à cette situation certains appellent à un abandon des politiques de libéralisation, à un retour en arrière dans un système d'économie de protection. Cependant il est aussi clair que l'idée d'organiser le commerce sur des règles communes serait profitable à tous. Pour y parvenir il faut à toute mutation un processus de transition. Pour rentabiliser le potentiel agricole des pays comme le Cameroun, il faut de la progressivité dans l'établissement des mécanismes périphériques permettant la réussite de la libéralisation. Dès lors on peut entrevoir cette progressivité à deux niveaux d'intervention : à l'échelon national où il conviendrait de mettre sur pied une organisation qui puisse embrasser à la fois les besoins de financement , les objectifs de production et la rationalisation des interventions des différents acteurs; à l'échelon international , il convient de poursuivre les négociations pour l'instauration des règles qui ne soient pas seulement communes mais tiennent des conditions particulières de chacun et des besoins des acteurs locaux.

Chapitre I. Proposition d'un schéma organisationnel de renforcement des capacités nationales dans le secteur de l'agriculture.

Les besoins du secteur agricole à l'heure actuelle sont multiples. Nous avons dégagé qu'au niveau national un déficit dans le suivi de la libéralisation a eu des impacts négatifs sur le niveau de vie des populations rurales et partant est un facteur favorisant des crise sociale que le Cameroun affronte. Celle ci s'exprime par une hausse de la criminalité, une détérioration du tissu familial et bien d'autres défis. Les besoins de correction se situent à deux niveaux : tout d'abord en ce qui concerne le financement des activités agricoles, ensuite il convient d'associer cet impératif avec une organisation efficiente des intervenants dans la chaîne agricole.

A. la création d'une mission de développement de l'agriculture (MIDA) : un impératif de
cohérence de l'action gouvernementale dans le secteur de la libéralisation agricole.

L'objectif visé est de permettre à la fois une compétitivité du secteur agricole camerounais mais aussi d'en faire un instrument efficace dans le domaine de la lutte contre la pauvreté et la promotion de développement durable. Malgré l'existence d'initiatives récentes dans le domaine du financement et du suivi des politiques agricole, nous notons qu'elles ont cependant la faiblesse de ne pas pouvoir aboutir à une synergie des forces qui pourra permettre le décollage. Le comité national de suivi et d'évaluation des engagements financiers et économiques de l'Etat créé dans le cadre de l'IPPTE embrasse le domaine agricole mais ne le traite pas en particulier. De plus il s'agit d'un organe placé à un tel niveau de la hiérarchie gouvernementale qu'il lui est impossible de faire un suivi efficace des progrès sur le terrain. Dans le DSRP il est fait mention que depuis sa création en 2003, le CTS ne s'est réuni que deux (2) fois. Pour ce qui concerne le financements des activités agricoles le Ministère de l'Agriculture et du Développement Rural vient d'émettre une enveloppe de 900 millions de crédits pour les agriculteurs camerounais. Sans procéder à une critique hâtive , on peut s'imaginer qu'en l'absence d'une structure de gestion efficace de ces fonds, leur impact serait anéanti dans un mouvement de saupoudrage sans effets sur la production et encore moins sur la lutte contre la pauvreté à long terme. Pour toutes ces raisons nous avons pensé qu'il serait judicieux de procéder à la création d'un organisme dont la mission serait de promouvoir une coordination efficiente des efforts de la nation pour son agriculture. Cet organisme qui pourrait être dénommé Mission pour le Développement de l'Agriculture (MIDA)

1. Le fonctionnement de la MIDA

La MIDA devrait fonctionner sur le modèle de la Caisse de Dépôt et de Consignation (CDC) en France ; c'est à dire une organisation technique dédiée au financement des activités agricoles. Le tableau suivant résume l'ensemble de cette proposition :

Titre : Schéma organisationnel de la Mission de développement agricole au Cameroun

MIDA

1. Financement Proj ets agricoles

2. Approche

contractuelle pluriannuelle

Sources de financement

1. IPPTE

2. Partenaires au développement

Organisation prof. des acheteurs Financements et surveillance (agrément)

Coopératives de planteurs Collecte des produits Commercialisation

Etat et Org. de recherche Contrôle qualité

Assistance technique

Acheteurs Revente Exportation

Producteurs agricoles Production

Protection de l'environnement

NB : en ce qui concerne le financement des activités des adhérents de l 'organisation professionnelle des acheteurs, la MIDA devrait en phase de démarrage se limiter à un financement des activités de revente nationale

Techniquement il s'agit par un financement assis sur les ressources PPTE, de mettre sur pied un système d'octroie de crédit aux agriculteurs avec un taux d'intérêt très bas comparé à ceux pratiqué par le marché. Par il serait question de regrouper en son sein des expertises en matières de politiques économiques qui auront la mission de faire des études de marché pour l'octroie des crédits aux activités agricoles. Cet instrument permettrait de l'impératif de financement avec les besoins d'accroissement de la production agricole nationale. Pour ce faire il pourrait être établit un système de contractualisation entre les bénéficiaires de crédits et la MIDA. La contractualisation devrait comporter des objectifs de production et des objectifs de protection de

l'environnement. Ces contrats devront être pluriannuels mais avec une clause de révision annuelle pour éviter le laxisme dans la gestion. Pour assurer la pleine efficacité du dispositif, la MIDA devrait s'appuyer sur les organisations paysannes ou coopératives. Celles ci constituées par arrondissement et département seront organisées sur un mode électif. La garantie de l'adhésion massive des paysans serait obtenue en fixant certaines conditions aux activités des coopératives. Il devrait être fixée comme condition que la vente des produits agricoles se ferait uniquement par le biais des coopératives de planteurs. En contre partie celles-ci passeront les contrats de financement en amont avec la MIDA après avoir déterminer les besoins de financement des agriculteurs. Les équipes de conseillers de la MIDA seront chargés en collaboration avec les coopératives à l'échelon départementale de déterminer les besoins de financement en termes d'accroissement des plantations, de fourniture d'intrants et d'assistance technique. Ce n'est qu'après cette étude que le contrat regroupant la MIDA, les Coopératives de planteurs et l'Etat en tant que fournisseur de l'assistance technique par le biais des instituts de recherche comme l'INRA. La participation de l'Etat à ce niveau est justifié dans la mesure où il perçoit des royalties sous forme de taxe pour le contrôle et l'inspection à l'exportation. De ce fait il doit être le garant de la qualité des produits agricole. Il donc important que cette garantie soit assurée en amont par l'assistance technique à la production. L'intervention des organismes de recherches permettrait de faire la vulgarisation agricole dans un contexte alliant à la fois les objectifs de production et les impératifs de protection de l'environnement. Les coopératives agricoles devront prendre en compte tous les aspects de l'agriculture camerounaise. Elles devront intégrer en leur sein les deux composantes de l'agriculture camerounaise à savoir : celle des cultures pérennes et celle des cultures vivrières. Le but étant de concilier la contractualisation avec les objectifs de diversification de l'offre agricole camerounaise. Cette nouvelle orientation des coopératives permettrait par ailleurs d'affronter le défi d'organisation de la filière de commerce intérieur des produits vivriers. En ce moment c'est le règne de l'anarchie dans le secteur de la vente des produits vivriers. Il n'existe aucun contrôle de la qualité des produits proposés sur les marchés nationaux. Les risques sanitaires pour les populations sont très élevés. Le dispositif proposé par la MIDA permettra donc de résorber incidemment cette question de l'organisation du marché de revente des produits agricoles. L'obligation de passer par les coopératives pour les activités d'achat et de revente contribuera à créer un cadre formel pour le contrôle de qualité des produits proposés à la consommation nationale et même sous-régionale. Les coopératives seront chargées de centraliser l'offre de produits agricoles au niveau du département et de négocier avec les acquéreurs. Le transport des lieux de récolte peut être assurer soit par les coopératives soit par les acquéreurs. Cette facilité pourra être un élément de négociation entre coopératives et acquéreurs.

Pour permettre aux coopératives de fonctionner les premiers contrats d'objectifs avec la MIDA devront inclure une dotation de fonctionnement. Par la suite les coopératives devront parvenir à un mode de fonctionnement autonome financé sur un système de prélèvement sur recettes. Du point de vue juridique les coopératives devront être des organismes privés. Toutefois par souci de cohérence dans l'aménagement du territoire, elle pourront être rattachées aux conseils communaux dans le cadre du projet de décentralisation. Les missions de l'exécutif communal à ce niveau seront d'organiser les élections pour le choix de l'exécutif de la coopérative. La nouvelle cour des comptes pourra se saisir du contrôle des comptes des dites coopératives. Les coopératives auront la charge de la production, de la collecte, de la commercialisation, de l'assistance technique aux adhérents. Le système ainsi mis sur pied présente l'avantage d'organiser à la fois les agriculteurs mais aussi les acheteurs. En effet le CICC verrait ses activités élargies vers tous les autres secteurs agricoles. Mais sa mission serait de gérer les agréments des acheteurs des produits agricoles destinés à l'exportation ou à la revente dans le marché national. Tout acquéreur ne pourra exercer les activités d'intermédiaires qu'à la présentation de l'agrément de l'ex CICC. Ceci permettra d'éliminer les aventuriers, car le CICC aura pour mission de vérifier que les acquéreurs disposent de fonds nécessaires pour leurs activités. Pour ne pas évincer les petits acquéreurs, le CICC pourra en collaboration avec la MIDA ou sur fonds consentis par les organismes de coopération mettre des crédits à la disposition des petits intermédiaires qui évoluent dans le domaine des cultures vivrières. Une telle option est porteuse d'intérêts car il existe un véritable marché sous régional des produits vivriers mais par manque de financements, les femmes qui opèrent dans ce secteur le font à leur risque et périls. Il est ainsi difficile de pouvoir tirer tous les bénéfices que les besoins alimentaires des pays voisins comme le Gabon, la République Centrafricaine et la Guinée équatoriale offrent à l'économie agricole camerounaise.

2. Le financement du dispositif de la MIDA : un souci d 'efficacité dans un contexte de contrainte budgétaire

Pour ce qui est de la question épineuse de la pérennité du financement de la MIDA, elle pourrait être l'interlocuteur des partenaires du développement qui mettent à disposition du Cameroun des fonds pour le développement rural. Pour asseoir la pérennité du système, la MIDA devrait prévoir le remboursement de ses emprunts par des prélèvements sur recettes des agriculteurs. Le but est de fournir aux paysans des prêts à taux bonifiés. La viabilité des activités de la MIDA, offrent plusieurs options:

· le recours au fonds de la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale pourrait aussi bien être sollicités

L'intérêt ici est que les fonds de cette institution présentent la particularité d'un décalage entre le moment de la perception des cotisations des salariés et le versement des pensions. La légitimité de ce choix est justifiable par le fait que la majeure partie des retraités se reconvertissent dans les activités agricoles.

· Soit dans une autre hypothèse d'asseoir le financement sur l'épargne populaire à l'instar de la CDC en France. Cette option est prématurée dans le contexte actuel compte tenu de la faiblesse de l'épargne nationale

· La troisième voie qui est celle d'un prélèvement d'un montant sur les recettes perçues au niveau des coopératives nous parait la plus pertinente. Les recettes étant fonction du couple investissement - travail, la MIDA et les adhérents des coopératives seront liées par un principe de solidarité. En s'appuyant sur une certaine rigueur dans la gestion si en effet celle-ci l'est, on peut même à terme avoir l'ambition de voir la MIDA nouer des partenariats avec de grands Groupes privés ayant des besoins de matières premières et disposés à octroyés des subventions pour couvrir leurs demandes

Cette proposition n'ignore pas que l'un des défis à surmonter est la corruption et que la lutte contre celle-ci relève d'une volonté politique forte. Dans le contexte actuel il serait judicieux de procéder à la concession de la MIDA à un opérateur privé sélectionné sur appel d'offre. La durée de la concession serait indexée sur celle des contrats avec les coopératives locales. Un échéancier de deux ans est souhaitable ; il permet d'avoir un planning qui permet de garder la visibilité sur les objectifs. Il est question par ailleurs de réviser rapidement les clauses du contrat si au bout de la période les objectifs de production et de rationalisation des financements ne sont pas atteints. Enfin en ce qui concerne la recherche agricole l'intérêt de ce dispositif permet par le biais des études de la MIDA, une collecte et une centralisation des données relatives à l'agriculture camerounaise. On aura en effet mis dans le même terrain des acteurs qui expriment les besoins de la demande (les acheteurs) et ceux qui fournissent les données relatives à l'offre (les producteurs). Ce mécanisme permet de rompre avec la situation actuelle d'une multiplicité de structures éparses chargées de la statistique agricole. En faisant remonter les différents besoins par le même canal, on pourra ajuster les actions et apporter des réponses adéquates aux attentes des uns et des autres. C'est d'autant plus probable que les organismes de recherche et développement seront également associés au projet MIDA.

L'intérêt de ce dispositif ne doit cependant pas ignorer l'absence de visibilité qui pèse sur la politique agricole camerounaise depuis l'abandon des plans quinquennaux ainsi conviendrait il de réaffirmer un projet de politique agricole clair.

1 TCHOMBA Gilbert ; Quelle politique pour le monde agricole ? Source : Jeune Afrique Economie. N°280. 1999/02/01. P.62- 66

2 Renforcer la collaboration entre la recherche, la vulgarisation et les organisation paysanne, étude terrain- Cameroun ; initiative CORAF (UE- Coopération française - Department for international Development ; http://www.odi.org.uk/rpeg/coraf/cameroon.pdf

B. La définition d'une politique agricole viable.

De façon plus globale il incombe de revoir la politique agricole camerounaise dans sa définition. Le but à atteindre doit être d'avoir une vision du long termes des objectifs de production non seulement pour la compétitivité à l'exportation, mais aussi pour la sécurité alimentaire. Il s'agit non seulement de tracer les priorités de la Nation mais également de fixer les moyens de les satisfaire. La MIDA est un des instruments qu'il serait judicieux d'actionner. Toutefois elle ne concerne que l'aspect de l'accompagnement financier de la politique agricole. Pour que cet outil soit efficace il importe en amont une définition claire des actions prioritaires non seulement dans la production mais aussi en termes de groupes cibles (instituts de recherche, formation des agriculteurs). Le Cameroun dispose certes d'un programme rénové en 1990 et lancé sous le sigle Nouvelle Politique Agricole. Cependant d'après l'avis de nombreux observateurs ce programme tarde à donner les résultats escomptés. Plusieurs aspects sont mis en cause ; le plus important est celui du désintérêt vis à vis de la recherche agricole. Les financements des instituts de recherche ont fortement baissé1, ce qui a conduit à la baisse de leur efficacité. Ces organismes ont ainsi de la peine à retenir les meilleurs chercheurs camerounais et à fournir une conduite de projet efficace. Dès lors on observe que même les organismes non gouvernementaux (ONG) d'appui à la recherche se détournent des instituts nationaux du fait des mauvaises expériences passées2. Au niveau du management on note que des faiblesses continuent d'exister. Il y a un manque de coordination entre projets conduits pour le développement du monde agricole. Il existe une disparité d'interventions qui ne sont pas en liens les unes avec les autres. Les ONG, les projets de développement ou les organismes nationaux comme l'IRAD sont en concurrence dans la fourniture des même service aux organisations paysannes. Ce fait ne permet pas le partage et l'actualisation des données relatives aux besoins des populations paysannes. Par ailleurs les instituts de recherche ne siègent pas dans les comités techniques de suivi des programmes économiques. Leur absence est un obstacle à l'évaluation judicieuse des progrès réalisés et des besoins recensés. Une politique agricole réformée devrait donc pouvoir définir les objectifs visés (production et sécurité alimentaire) mais également les mettre en perspective avec les moyens disponibles notamment en terme de capacité de réactivité des organismes de recherche. La recherche en ce domaine doit permettre non seulement d'atteindre les objectifs quantitatifs en

1 Georges W. Bush, cité par François Guillaume ancien Ministre de l'Agriculture et Député UMP, rapport sur l'agriculture et les pays en développement à l'OMC ; Assemblée Nationale française 21 janvier 2004

mettant sur pied des espèces végétales plus productives mais aussi d'améliorer les techniques culturales pour rendre le travail moins pénibles. Ce second volet pour le moment n'est pas suffisamment développé ; cependant il demeure un obstacle important à la compétitivité de l'agriculture camerounaise. Des améliorations à ce niveau auront un impact positif sur l'espérance de vie des populations rurales qui est très bas actuellement.

En ce qui concerne la diversification des productions agricoles on peut reconnaître que cet aspect est pris en compte par le Document stratégique de réduction de la pauvreté rédigé par le Gouvernement pour l'atteinte du point d'achèvement. Dans un contexte de contrainte budgétaire comme c'est le cas actuellement, il faut faire des choix et une hiérarchisation des priorités dans cette ambition de diversification de l'agriculture. En toute logique le principe qui doit être prioritaire est celui de la garantie de la sécurité alimentaire. En effet comme le reconnaît le Président de l'exécutif américain "Une nation qui peut nourrir sa population est une nation davantage en sécurité "1. Le choix de la sécurité alimentaire est donc avant tout un choix de sécurité. Le rapport de l'Assemblée nationale française met en exergue le fait que la dépendance des pays en voie de développement vis à vis des produits de base est un facteur de pauvreté.

Ces propositions à l'échelle nationales n'ignorent pas les contraintes extérieures qui pèsent sur la libéralisation de l'agriculture des pays en développement comme le Cameroun. Pour cette raison il convient aussi d'envisager des évolutions pour un commerce d'avantage équitable

Chapitre II. Les propositions pour plus d'équité et d'efficacité dans le commerce
international

Les propositions suivantes pourraient constituer des axes de réflexion pour déterminer les positions du Cameroun dans les négociations internationales concernant la libéralisation du commerce agricole. Ces propositions concernent des principes d'action qui pourraient guider les autorités dans les processus de négociations internationales. Ces principes prennent en compte la problématique des subventions au commerce qui constituent des freins à la promotion d'une agriculture compétitive au sud. La question de l'accès aux marchés du nord est aussi abordée dans le cadre de ces modestes propositions.

A. proposition relative aux subventions agricoles : l'option pour un principe de libre

subvention modulé par le nombre de population présent sur le territoire d'un Etat

Le principe de base de l'OMC, en ce qui concerne les subventions agricoles, comporte des carences pour un fonctionnement efficace. Nous proposons un principe certes en divergence mais qui offrirait mieux cette garantie d'efficacité.

1. les carences du système actuellement en vigueur à l 'OMC

Selon l'accord sur l'agriculture, l'ambition de la libéralisation agricole est de parvenir à une réduction des subventions avant leur suppression totale. Dans le cadre de cet accord, les pays développés se sont engagés à diminuer leurs subventions aux exportations de 36% en valeur et de 21% en volume. Les PVD ont admis des baisses respectives de 21% et de 24%. Tous les autres pays en particulier les plus pauvres ont l'interdiction de recourir à ce type de soutien. Comme nous l'avons souligné cette interdiction institutionnalise une libéralisation agricole injuste et inefficace. Même dans ce cas d'une suppression pure et simple des subventions, l'égalité des pays devant les financements ne serait guère établie. La suppression des subventions est motivée par l'idée que la fin des dotations permettra à l'investissement privé de prendre le relaie. La confiance en l'investissement privé se justifie par le fait que la rationalité du marché est celle qui favorise la réalisation d'une spécialisation par dotation de facteurs de production telle que David RICARDO l'a énoncé. A notre avis la confiance en la rationalité privée pour équilibrer les orientations de production est erronée. Il aurait pu en être autrement si toute les régions économiques du monde faisaient face aux même risques. La notion de risque pays renforce cette idée d'une discrimination dans l'attractivité des investissements. On peut définir ce concept comme la probabilité de matérialisation d'un sinistre résultant du contexte économique et politique d'un Etat étranger dans lequel une entreprise effectue ses activités. Bernard MAROIS1 distingue deux types de risque : le risque politique résultant des décisions du gouvernement local et le risque économique provenant de la dépréciation monétaire. De ce fait, des situations comme l'état de guerre ou le manque de démocratie deviennent des facteurs de répulsion pour les investissements directs étrangers. Plus encore des risques naturels comme le tsunami peuvent se traduire par une fuite des capitaux étrangers. Une région peut donc être propice à la spécialisation dans le secteur primaire mais n'attirera pas forcement les investissements dans ce domaine pour cause de risques politiques. On ne peut donc pas avoir confiance en l'investissement privé caractérisé par une frilosité vis à vis des risques pour prendre

1 Bernard MAROIS, le risque pays, PUF, Que sais-je ? 1990

le relaie de l'Etat en Afrique. Dans un cas comme celui du Cameroun caractérisé par « la corruption et l'inefficacité des administrations », on ne saurait s'attendre à voir les IDE affluer massivement à l'occasion de la libéralisation agricole. Dans ce contexte il est important que l'Etat et les partenaires au développement mettent sur pied des actions pour soutenir les activités qui sont exclues du marché. En fait l'existence des risques à l'investissement autorise à un traitement différencié selon les cas. L'hypothèse actuelle de traitement uniforme ne semble pas satisfaire les principaux acteurs de la libéralisation du commerce international des produits agricoles. Il faut en effet noter que les pays en développement et plus encore les pays pauvres sont opposés à l'idée de l'interdiction qui leur est fait de soutenir leurs agriculteurs raison pour laquelle ils ont émis l'idée d'un traitement spécial et différencié. Plus récemment encore il y a eu l'idée d'une boîte de développement ; elle serait en quelque sorte jumelle de la boîte verte. Ces initiatives traduisent la volonté des pays en développement de soutenir leurs agriculteurs pour assurer la sécurité alimentaire. Cette préoccupation devrait aussi celle des pays développés mais pour des raisons autres. Pour ceux-ci les subventions agricoles ne sont pas un enjeu de survie économique mais plutôt de survie politique. L'adoption par le congrès des Etats-Unis le 3 mai 2002 d'une loi prévoyant une augmentation des aides fédérales à l'agriculture à concurrence de 70% montre le caractère éminemment politique des subventions agricoles. En fait cette loi adoptée intervenait quelques mois avant les élections législatives de novembre 2002. Au cours de la campagne électorale le soutien aux agriculteurs était devenu un enjeu de bataille électorale1 . Dès lors il serait illusoire de penser que les pays développés qui sont sous une pression constante de l'électorat supprimeront volontairement les subventions aux agriculteurs. A notre avis le scénario le plus à même de favoriser l'efficacité de la libéralisation est non pas l'uniformité de traitement mais l'égalité de traitement.

2. le principe d'égalité devant la subvention

Le concept d'égalité en Droit public postule un traitement uniforme pour des sujets qui se trouvent dans une situation similaire. Cependant dans le cas où les sujets de Droit sont dans des situations différentes, il impose par principe d'égalité d'appliquer un traitement qui tient compte de la situation particulière de chacun. C'est en ce sens qu'au niveau national les contribuables sont imposés en fonction de leur revenus mais aussi en fonction de leur charge sociale. C'est à dire qu'à égalité de traitement un salarié sans enfants à charge est plus imposé que celui qui en a. Cette idée devrait être reprise pour appliquer le principe d'un droit à la subvention pour tous. Par souci d'égalité, le droit à la subvention devrait être modulé par rapport au nombre de la

1 CAMPIOTTI Alain, avec la nouvelle loi agricole, les Etats-Unis vont inonder de subventions les gros producteurs, Le Temps, 3 mai 2002

population présente sur le territoire de l'Etat considéré. Cette hypothèse suppose de parvenir à une situation qui se situe certes aux antipodes des positions actuelles mais qui a le mérite de la faisabilité. De plus le critère de la population nous semble le plus sensé dans la mesure où il traduit les vrais enjeux de la libéralisation agricole à savoir la satisfaction des besoins alimentaires. Par ailleurs cet indicateur permettra d'actionner la préoccupation de la protection de l'environnement ; puisque le nombre de personnes présentent sur le territoire à un moment donné traduit la pression exercée sur l'environnement. Certes on aboutira à ce que les pays les plus peuplés puissent subventionner plus que les petits pays en terme numérique mais ce critère a l'intérêt d'être à la fois légitime et efficace. Sa légitimité viendrait de ce qu'il permet de prendre en compte les besoins réels d'alimentation. Son efficacité tient de l'importance qu'il représente pour l'environnement mais aussi parce que pour ce qui est de la faisabilité, cette proposition nous semble plus réalisable que la posture intellectuelle du moment qui consiste en un traitement uniforme.

B. proposition relative à l'accès aux marchés du nord : le principe de présence active aux forums de négociations internationales associé à une analyse stratégique du partenariat économique.

1. la complexité du postulat d'ouverture totale des marchés aux produits du Sud

Le protectionnisme des pays du nord est souvent accusé de bloquer le développement des pays du Sud. Les organismes comme la Banque Mondiale recommandent qu'une ouverture totale des économies du Nord au commerce mondial aurait des effets bénéfiques pour les économies du Sud. Toutefois d'après les études menées par le centre d'études prospectives et d'informations internationales, l'impact bénéfique de l'ouverture totale des marchés européens est contestable. Les études démontrent que les pays bénéficiaires d'un accès préférentiel comme le Cameroun dans le cadre des accords Afrique, Caraïbe, et Pacifique (ACP) vont perdre une partie de leurs avantages. Lors du sommet de Hongkong la controverse sur cette question est revenue sur le dossier de la banane ACP. Le Cameroun comme nombre de pays ACP, récuse la politique américaine qui consiste à obtenir une révision des préférences accordées par l'UE aux pays ACP tout en réservant l'exclusivité de son marché au pays d'Amérique latine. C'est dire que dans ce dossier d'accès aux marchés du Nord il y a des logiques d'alliances et de blocs qui interdisent un traitement global. En effet le constat est celui-ci : le marché des Etats-Unis, qui est de 3,9 millions de tonnes, est approvisionné exclusivement par les pays d'Amérique centrale et du Sud, tandis que le Japon, qui consomme un million de tonnes de bananes, s'approvisionne aux Philippines et en Equateur. La Russie enfin avec 973.000 tonnes d'importations en 2004, fait

1 OMC : controverse autour de la banane à HongKong, Jean Ngandjeu, Cameroon Tribune, 16 décembre 2005

aussi son marché exclusivement en Amérique centrale et du Sud1. A ce niveau il faut plutôt opter pour un traitement au cas par cas qui tienne compte des alliances et des intérêts des différents groupes.

2. solution à court terme en ce qui concerne l 'accès des pays du Sud aux marchés intern ationaux.

Pour se préparer à cette nouvelle donne des rapports commerciaux internationaux basée sur la négociation, il import que le Cameroun renforce ses capacités de conseil et de représentation auprès des instances de négociation comme l'OMC. Ce souci qui est certes de plus en plus pris en compte par la présence effective dans les grands forums, mais il devrait être renforcé par un souci de permanence auprès de ces institutions. Le Cameroun actuellement est représenté à titre permanent à l'OMC par une seule personne à savoir le Ministre conseillé des affaires étrangères. Il se pose un problème réel de sous effectif. A en croire le personnel diplomatique de la représentation du Cameroun auprès des Nations-Unies à Genève, il faudrait au environ quinze (15) personnes consacrées à titre permanent au suivi des affaires de négociations à l'OMC. Il y a également à ce niveau des pistes à explorer pour le gouvernement du Cameroun. Le fait est que les négociations à l'échelle internationale engage la souveraineté d'un Etat ; dès lors les questions qui y sont traitées devraient recevoir la même attention en terme de déploiement de moyens que la mise en oeuvre des accords signés.

CONCLUSION GENERALE

La libéralisation n'est pas qu'une politique économique, elle est en fait un instrument organisationnel qui doit s'inscrire dans la synergie du grand chantier du développement. Pour être efficace la libéralisation agricole devait prendre en compte toutes les contraintes du contexte local. Au Cameroun il n'a pas été tenu compte de cette spécificité. La libéralisation n'a pas intégré les impératifs de coordination entre l'économique et le social. A défaut de générer l'efficacité économique comme le prévoyait ses concepteurs, la libéralisation agricole a renforcé la paupérisation du Cameroun. Dès lors il est établit que la libéralisation sans garde-fous a remis en cause « le droit à la sécurité alimentaire des plus faibles, en déstabilisant les agricultures locales et en renchérissant le coût de la facture alimentaire >>. l'importance de l'agriculture dans une économie comme celle du Cameroun, fait que les externalités constatées se sont rapidement propagées dans la société en compromettant la santé, l'éducation, et l'équilibre social. La mise en route d'un jeu économique gérer par les seules forces du marché compromet donc le développement des nations les moins avancées. Elle promeut l'ouverture de l'économie alors que les acteurs locaux ne sont pas encore suffisamment organisés pour faire face à la concurrence. De plus au niveau international, les normes d'une concurrence saine et efficace ne sont pas encore à jour. De ce fait, la libéralisation du secteur agricole nous est apparue être précoce pour le Cameroun. En l'état actuel, le rôle de l'Etat dans ce pays est encore capital. Il méritait certes d'être revu, mais pas dans le sens du retrait radical comme l'a matérialisé la libéralisation agricole au Cameroun. Il ne s'agit pas de le penser comme cela se disait au début des réformes structurelles que « l'Etat ne doit plus tout faire >> mais plutôt que « l'Etat doit faire autrement >>. L'Etat doit faire autrement, c'est dire que l'objectif doit être de faire mieux qu'avant. Le but ne saurait être celui d'un retrait pur et simple de la sphère économique mais d'un repositionnement de l'Etat, dans des missions de facilitation de l'activité économique. Ce rôle novateur s'opère par l'édiction des règles applicables à tous, mais aussi par la création d'un cadre permettant la mise en oeuvre de celles-ci. Il est question non pas de faire du tout libéralisé un but en soi, mais de libéralisé là où les conditions sont réunies et d'accompagner là où le besoin se fait sentir. Ceci suppose donc une libéralisation progressive et sélective pour prendre en compte toutes les contraintes. Dès lors une politique de modernisation efficace du secteur agricole dans les pays les moins avancés doit se faire avec l'Etat, en lui permettant d'opérer des interventions ciblées en faveur des catégories que le marché ne peut efficacement prendre en charge. C'est le cas de la fourniture des financements aux agriculteurs pour leurs activités ou de l'accompagnement dans la production et la commercialisation. Cette démarche impose certes de revoir les règles de libéralisation de l'OMC, mais elle s'avère nécessaire pour la réussite du développement durable.

Pour autant, on ne peut totalement imputer la dérive observée à la seule politique de libéralisation. L'autre fait en cause doit être recherché dans le pilotage du projet. Il a été observé à ce niveau des carences en termes d'analyse des risques et de suivi des reformes instruites. Les dysfonctionnements consécutifs à ces carences ont cependant l'intérêt de mettre en exergue les besoins de l'administration camerounaise dans le domaine du pilotage du changement. Ces besoins ne sont pas particuliers à un secteur. Ils se retrouvent dans tous les domaines de la vie administrative qui impliquent une conduite du changement. C'est le cas du programme de la lutte contre la corruption ou du Programme National de Gouvernance lancé en 2000, mais dont les résultats tardent. Il s'agit en somme d'un besoin refonte des instruments de gestion publique. Cette entreprise est nécessaire pour faire face aux impératifs de compétitivité que la mondialisation impose aux administrations publiques. Les dysfonctionnements de la libéralisation agricole révèlent donc le besoin impératif, de l'introduction d'une réflexion pour un management de qualité, au sein de l'Administration publique camerounaise. Des réponses conjoncturelles sont possibles dans le cadre de séminaires gouvernementaux d'initiation aux mécanismes modernes de pilotage du changement. Mais une réflexion plus structurelle concernant le management public s'avère nécessaire. La question à se poser dans ce cadre, est de savoir comment les administrations publiques peuvent mieux participer à la compétitivité des économies. Il ne s'agit pas seulement d'édicter des règles de réforme économique et sociale, mais aussi de s'interroger sur la qualité des instruments de mise en oeuvre dont on dispose. Dès lors, la qualité du service rendu aux usagers doit être analysée. La compétitivité économique des nations se fait de plus en plus sur la capacité d'attraction des capitaux productifs. Le choix d'investir se détermine à partir de la qualité des facteurs productifs et des politiques publiques qui en réglementent l'accès. Toutefois la facilité des procédures et la qualité du service fournit dans les administrations est aussi un facteur important. C'est là un enjeu considérable pour les administrations locales en économie ouverte. Aucun projet de réforme structurelle ne peut avoir la garantie du succès, si à la base il n'existe pas d'instruments efficace de mise en oeuvre des décisions gouvernementales. Pour y faire face, il s'impose donc une réflexion sur la normalisation de l'activité administrative au Cameroun. Il importe de réfléchir sur un dispositif visant à doter les services publics de l'Etat de normes communes dans l'accueil de l'usager, le traitement des dossiers et la remontée des besoins. Deux notions doivent présider à la construction de ce dispositif. Il s'agit de la simplification et de la direction par objectifs. Seul un tel dispositif peut réaliser les besoins de conduite et de suivi efficace du développement durable.

TABLE DES MA TIERES

INTRODUTION GENERALE 3

1. METHODOLOGIE 3

2. CONTEXTE D 'ETUDE 4

3. PROBLEMATIQUE 6

4. HYPOTHESES DE TRAVAIL ET PLAN 6

Première Partie : le secteur agricole camerounais :

Passage d'une économie administrée à une économie libéralisée 7

Chapitre I- Présentation des potentialités économiques et sociales du secteur agricole au Cameroun 8

A. Le modèle agricole camerounais avant la libéralisation: Structure et fonctionnement

du secteur 8

1. la présentation de l'agriculture camerounaise 8

2. le fonctionnement du secteur agricole sous économie administrée 10

B. Le potentiel socio-économique de l'agriculture au Cameroun 12

1. Le secteur agricole est une source considérable de res sources budgétaires 12

2. Le secteur agricole : premier pourvoyeur d'emploi au Cameroun 13
3. Le secteur agricole camerounais : un moyen de sécurité alimentaire et de cohésion sociale. 14

Chapitre II. Les réformes structurelles visant le renforcement de la compétitivité du secteur agricole : l'ère de la libéralisation agricole au Cameroun 16

A. Les bases doctrinales de la libéralisation agricole au Cameroun 16

1. les postulats économiques du FMI en matière de déséquilibre économique 16

a. L'approche macroéconomique dans l'analyse économique du FMI 17

b. L'approche microéconomique dans la perception économique du FMI 17

2. les modalités d'octroie des financements du FMI : les conditionnalités de la libéralisation 18

a. Les aspects budgétaires de la conditionnalité de la libéralisation 19

b. Les conditionnalités monétaires de la libéralisation 20

B. La conduite de la libéralisation agricole au Cameroun 20

1. Le cadre juridique de la libéralisation agricole au Cameroun. 21

2. Les difficultés de fonctionnement et externalités de la libéralisation du secteur

agricole. 22

a. Les externalités de la libéralisation en ce qui concerne la production 22

b. Les externalités en ce qui concerne le financement 23

c. Les externalités dans le domaine de la commercialisation des produits. 24

Partie Deuxième : Examen critique de l'inefficacité socio-économique du projet de libéralisation agricole au Cameroun 30

Chapitre I. Les causes de l'inefficacité des politiques de libéralisation agricole 30

A. les causes liées à l'environnement international 30

1. Concurrence dans l'accès aux marchés internationaux 31

2. Concurrence déloyale dans le domaine des soutiens offerts à l'agriculture dans les pays

développés. 33

3. la faible capacité de mobilisation des PMA dans les négociations internationales 35

B. les causes internes des dysfonctionnements de la politique de libéralisation agricole 36

1. L'absence de mécanismes de financement palliatifs au retrait de l'Etat 36

2. L'absence de dispositifs de suivi des impacts de la libéralisation 37

a. L'organisation institutionnelle du suivi et de l'évaluation des engagements

économiques du Cameroun 38

b. Les limites de l'organisation du suivi et de l'évaluation 39

3. le manque de mesures d'accompagnement de la libéralisation agricole 39

Chapitre II. Les conséquences socio-économiques de la libéralisation agricole au Cameroun 40

A. les conséquences économiques de la libéralisation agricole 40

B. les conséquences sociales de la libéralisation agricole : la compromission des objectifs du millénaire pour le développement au Cameroun. 42

Partie Troisième : Propositions visant le renforcement des capacités fonctionnelles du secteur agricole camerounais 44

Chapitre I. Proposition d'un schéma organisationnel de renforcement des capacités nationales dans le secteur de l'agriculture 44

A. la création d'une mission de développement de l'agriculture (MIDA) : un impératif de

cohérence de l'action gouvernementale dans le secteur de la libéralisation agricole. 45

1. Le fonctionnement de la MIDA 45

2. Le financement du dispositif de la MIDA : un souci d'efficacité dans un contexte de

contrainte budgétaire 48

B. La définition d'une politique agricole viable. 50

Chapitre II. Les propositions pour plus d'équité et d'efficacité dans le commerce international 51

A. proposition relative aux subventions agricoles : l'option pour un principe de libre subvention

modulé par le nombre de population présent sur le territoire d'un Etat 52

1. les carences du système actuellement en vigueur à l'OMC 52

2. le principe d'égalité devant la subvention 53
.

B. proposition relative à l'accès aux marchés du nord : le principe de présence active aux forums de négociations internationales associé à une analyse stratégique du partenariat économique 54

1. la complexité du postulat d'ouverture totale des marchés aux produits du Sud 54

2. solution à court terme en ce qui concerne l'accès des pays du Sud aux marchés internationaux. 55

CONCLUSION GENERALE 56

BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE

O UVRA GES ET RAPPOR TS D 'ETUDES

1' Bertholot Jacques, L 'agriculture, talon d'Achille de la mondialisation, Clés pour un accord solidaire à l'OMC. Ed. Harmattan, 2001, Paris, 509p

1' GANKOU, Jean Marie, Echange et développement. L 'économie camerounaise. Ed. ECONOMICA, Paris, 175 p.

1' Ministère de l'Agriculture, Politique agricole, nouveau défis, 1999, Yaoundé, 64 p

1' PROD'HOMME, Jean-Pierre (dir.), Les organisations paysannes et rurales. Des acteurs

du développement en Afrique subsaharienne, Réseau GAO, Mars 1995, Paris 84 p

1' TCHOMBA, Gilbert, << Cameroun : Le chantier de la modernisation >>, in Jeune Afrique

Economie, no. 301, Janvier, 2000, p80-82

1' TOUNA MAMA et TSAFACK-NANFOSSO, << L'économie camerounaise : De la crise à la reprise >>, Cameroun. Politiques, in Economie et santé. L'Harmattan, 1990, Paris, pp1 37-164

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1' ZOLTTY, Alain et BAHUS, Jérôme, << Spécial Cameroun : vers un nouveau pacte agricole >>, Afrique-agriculture, Mensuel d'informations, no. 224, Mars 1995, pp14-42

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1' Valentin NGA NDONGO, Sociologue, Université de Yaoundé I ; violence délinquance et insécurité à Yaoundé, 2000

1' Le Messager, journal N° 2023 du 08-12-2005 Journal N° 2023 du 08-12-2005Journal N° 2023 du 08-12-2000

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1' Déclaration ministérielle de Doha, 13 novembre 2001

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1' Bernard MAROIS, le risque pays, PUF, Que sais-je ? 1990

1' AERTS, Jean Joël, COGNEAU, Dénis et al, L 'économie camerounaise. Un espoir évanoui, Ed. Karthala, 2000, Paris, 287p






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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon