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L'alternance politique au Sénégal : 1980-2000

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par Adrien THOUVENEL-AVENAS
Université Sorbonne Paris IV - Master 2 2007
  

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4. Une trêve politique (1985-1986) :

La trêve politique sénégalaise s'engage lorsque Abdou Diouf, chef de l'Etat et du gouvernement, est élu à l'unanimité par les chefs d'Etat africain le 18 juillet 1985 à AddisAbeba, président de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA). Cette élévation au rang de "Président de l'Afrique"101 n'est pas le fruit du hasard.

Tout comme Senghor en son temps, Diouf est un fervent militant de l'unité africaine. Lorsque l'OUA est au bord de l'implosion en 1983 - l'organisation est divisée entre les pro et les antisahraouis - Abdou Diouf fait figure de modéré. Il révèle lors de cette crise, en plus de ses talents de négociateurs, un réel attachement à l'OUA. Leader du groupe des "modérés", le Président sénégalais arrive en 1983 - en proposant un calendrier sur l'autodétermination des Sahraouis - a débloqué une situation figée depuis 1978. A son retour du sommet, la propagande gouvernementale insiste sur le fait que "Abdou Diouf a été la véritable cheville ouvrière d'une rencontre historique sanctionnée par un éclatant succès ".

Cette élection à la tête de l'OUA à l'unanimité parait donc être une sorte de remerciement pour le travail accompli autrefois par le Président Diouf. Il est également choisi pour "son pragmatisme et sa modération, ainsi que son esprit de conciliation" 102 . Il appelle dès sa prise de fonction à une nouvelle stratégie pour isoler l'Afrique du Sud, dont les émeutes raciales récurrentes émeuvent le monde entier. Il apporte aussi son soutien aux peuples palestiniens - le Sénégal n'a plus de relations diplomatiques avec Israël depuis la guerre du Kippour - et désire impliquer l'OUA dans la crise tchadienne.

99 "L 'ADS fait le bilan ", Le Soleil, 8 septembre 1985.

100 Momar-Coumba Diop et Mamadou Diouf, Le Sénégal sous Abdou Diouf. Etat et société, pp.217, Dakar, Codesria, Paris, Karthala, 1990.

101 "Abdou Diouf à la tête de l'OUA : le Président de l'Afrique", Le Soleil, 19 juillet 1985.

102 "Abdou Diouf à la tête de l'OUA : le Président de l'Afrique", Le Soleil, 19 juillet 1985.

Encouragé par la position française, qui a été l'un des premiers pays à avoir décrété un embargo commercial vis-à-vis de l'Afrique du Sud, Abdou Diouf axe très largement sa présidence de l'OUA sur le problème de l'apartheid. Il invite dès sa prise de fonction les pays occidentaux à prendre des sanctions économiques et commerciales à l'égard de l'Afrique du Sud , "seules capables de ramener les tenants de l'apartheid à la raison" 103 . Abdou Diouf mène aussi des actions symboliques au Sénégal en changeant les noms de l'avenue Courbert et de la place Tascher (lieu où siège l'Assemblée nationale), qui deviennent respectivement l'avenue Nelson Mandela et la place Soweto.

Autre fait marquant : Abdou Diouf s'engage dans une tournée des pays frontaliers de l'Afrique du Sud. Il se rend au début du mois d'octobre 1985 en Zambie, au Zimbabwe, au Botswana, au Lesotho, au Swaziland, au Mozambique, en Angola et en Tanzanie. Dans les discours qu'il prononce, il fait à de multiples reprises le parallèle entre l'apartheid et le nazisme et adresse au Président sud-africain Pieter Botha quatre exigences : la fin de l'apartheid, la libéralisation de Mandela, la reconnaissance des partis politiques tels que l'ANC et la levée de l'état d'urgence 104 . Sa tournée africaine est l'occasion pour Diouf de rencontrer des membres de l'ANC et la SWAPO (parti indépendantiste namibien) et de survoler Johannesburg le 5 octobre 1985 en se rendant dans l'enclave du Lesotho. La photo d'Abdou Diouf regardant par un hublot le township de Soweto restera d'ailleurs le symbole de cette grande tournée à travers "les pays du front".

La deuxième partie de son mandat à la tête de l'OUA est beaucoup moins engagée. Après avoir laissé "les clefs de l'Etat" à Jean Collin, Abdou Diouf reprend les rênes du pays, comme l'atteste l'important remaniement ministériel de janvier 1986 qui touche un tiers des ministres. On assiste à l'arrivée de Mantoulaye Guene au Développement Social, Seydou Madani Sy à la Justice, Famara Ibrahima Sagna au Développement Rural et de Makhily Gassana à la Culture. Du coté des départs, on note celui de Doudou Ndoye, Maïmouna Kane, Bator Diop, Hamidou Sakho, Abdel Kader Fall et de Moussa Daffé. Le gouvernement de 1986 passe de 28 à 25 membres 105. L'OUA est laissée définitivement de coté quand Abdou Diouf annonce en février 1986 qu'il ne briguera pas un deuxième mandat. Le chef de l'Etat sénégalais clôt, en quittant cette présidence, "l'age d'or de la diplomatie sénégalaise" 106.

Outre la présidence de l'OUA, la période 1985-1986 est marquée par les difficultés internes du PDS, à la grande satisfaction des médias d'Etat 107. Certains membres du parti libéral, dont le numéro trois officiel Serigne Diop, remettent en cause la prépondérance d'Abdoulaye Wade et tentent de le renverser. Serigne Diop publie une déclaration le 13 octobre 1985 où il affirme que le fondateur du PDS est "en rupture manifeste avec les principes fondamentaux qui ont servi de fondement à la création du PDS" 108.

Après s'être étonné que l'information soit parue si vite dans les médias d'Etat, Me Wade exclu Serigne Diop le 27 octobre 1985 pour "activité fractionnelle visant à déstabiliser et à paralyser le PDS" 109 . On compte parmi les scissionnistes que... cinq individus. La faiblesse

103 "Abdou Diouf demande l'isolement de Pretoria", Le Soleil, 20 août 1985.

104 "L'apartheid, c'est le nazisme", Le Soleil, 3 octobre 1985.

105 "Remaniement ministériel", Le Soleil, 3 janvier 1986.

106 Lamine Tirera, Abdou Diouf : biographie politique et style de gouvernement, pp.166, Paris, l'Harmattan, 2006.

107 Durant les années 1980, il n'est pas courant pour Le Soleil de relater avec une grande assiduité la vie politique interne du PDS. Pourtant, la scission du parti libéral qui débute en octobre 1985 est suivie par le journal gouvernemental avec un intérêt "suspect". Voir Le Soleil du 18, 22, 28 et 29 octobre 1985.

108 "Remous au PDS", Le Soleil, 18 octobre 1985.

109 "Serigne Diop exclu du PDS", Le Soleil, 28 octobre 1985.

de ce nombre ne reflète pas l'ardeur que mettent les "insurgés" pour s'octroyer le statut légal du PDS. Très vite, Abdoulaye Wade dénonce le rôle tenu par le PS dans cette contestation venue de nulle part. On a par conséquent pendant quelques mois deux partis PDS, qui réclament leur appartenance au même sigle, au même journal politique, à la même date de création etc. Seules les adresses du siège politique diffèrent. Finalement, "la guerre des deux épis" (le mil étant l'emblème du PDS) tourne logiquement à l'avantage d'Abdoulaye Wade, après une décision rendue par la justice sénégalaise en mars 1986. La formation de Serigne Diop, vaincue dans cette bataille "fratricide", se fait enregistrer par le ministère de l'Intérieur sous le nom de PDS... Rénovation et prend ses distances avec une certaine opposition "qui n'a que l'injure à la bouche" 110.

Cette histoire convainc Abdoulaye Wade qu'un nouvel exil volontaire lui serait salutaire. Il quitte alors un an le sol sénégalais. Dès son retour au premier plan, lors du congrès PDS du 15-16 janvier 1987, le fondateur du PDS est accusé par la justice de "diffusion de fausses nouvelles" et "d'offense au chef de l'Etat" pour des propos tenus... un an et demi auparavant111. Après une trêve politique qui a duré plus d'une année, "le point lumineux vers lequel se fixent les regards et qui fait battre les coeurs de tous les hommes épris de liberté

et de démocratie" 112 est rentré de plein pied en précampagne électorale.

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