WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'alternance politique au Sénégal : 1980-2000

( Télécharger le fichier original )
par Adrien THOUVENEL-AVENAS
Université Sorbonne Paris IV - Master 2 2007
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Chapitre 4 : Un Sénégal "dévalué" (1993-1998)

1. Une période troublée (1993-1995) :

1.1. Le nouveau gouvernement à majorité présidentielle élargie :

Abdou Diouf forme son gouvernement le 2 juin 1993. On note l'intégration de nouveaux membres de l'opposition, le retour de Moustapha Niasse aux Affaires Etrangères mais surtout l'absence de ministres PDS, du fait des accusations pesant sur Abdoulaye Wade dans le cadre de l'affaire Babacar Sèye.

La LD/MPT, fort de son bon score aux législatives, accepte contrairement à 1991 la requête présidentielle et entre au gouvernement. Elle envoie ses deux représentants les plus charismatiques, Abdoulaye Bathily et Mamadou Ndoye. Ils héritent de ministères secondaires (Environnement et Alphabétisation et Promotion des Langues Nationales) tout comme le PDS en son temps. D'autres partis sont présents dans ce gouvernement, mais contrairement à la LD/MPT, ils ont milité en février et en mai en faveur d'Abdou Diouf. Le PIT a droit à deux ministres - Amath Dansokho et Magatte Thiam - et le PDS-R, absent des scrutins depuis 1988, obtient un ministère par l'intermédiaire de son secrétaire général, Serigne Diop.

Ayant reconduit Habib Thiam à la Primature, Abdou Diouf se sépare de Famara Ibrahima Sagna qui n'a pas hésité entre 1991 et 1992 à déstabiliser l'ami du Président en se ralliant parfois ouvertement à Abdoulaye Wade, notamment au sujet du FPE. L'ancien ministre de l'Economie et des Finances est muté au Conseil économique et social. Il est remplacé à son poste par le directeur de la succursale sénégalaise de la Banque centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest, Ousmane Sakho. Pour tenter de restaurer une économie sénégalaise à bout de souffle, il est secondé par un autre membre de la société civile, Lamine Loum, qui devient officieusement ministre du Budget.

Les autres ministères sont attribués à des caciques du PS. Le message envoyé par l'électorat dakarois n'est donc pas pris en compte. Quatre ministres d'Etat socialistes sont nommés. On retrouve : Djibo Kâ et Robert Sagna (Intérieur et Agriculture), présents au gouvernement depuis plus d'une décennie ; Moustapha Niasse (Affaires Etrangères), réapparu dans les circuits socialistes depuis la campagne présidentielle ; Ousmane Tanor Dieng (Services et Affaires Présidentielles), nouveau bras droit officiel du chef de l'Etat. Ce dernier est dorénavant à la fois directeur de cabinet d'Abdou Diouf et secrétaire général de la présidence. Il devient par conséquent le seul relais entre le Président et le gouvernement., concentrant les fonctions administratives et politiques de la présidence, autrefois séparées.

Le changement promis par Diouf au cours de la campagne n'est donc pas très visible. Le Président garde les mêmes recettes qu'autrefois, en renforçant les positions des hommes les plus influents au sein du PS. Ceci explique la surabondance de ministres - 29 membres : 20 titulaires, 4 ministres d'Etat, 5 ministres délégués - même si on constate un certain rajeunissement du gouvernement : la moyenne d'age passe de 52,3 à 48,5 ans 1.

1 "Les hommes du changement", Le Soleil, 3 juin 1993.

Voici ci-dessous le nouveau gouvernement d'Habib Thiam :

- Premier ministre : Habib Thiam

- Ministre d'Etat, Ministre des Affaires Etrangères et des Sénégalais de l'Extérieur : Moustapha Niasse

- Ministre d'Etat, Ministre de l'Agriculture : Robert Sagna

- Ministre d'Etat, Ministre des Services et des Affaires Présidentielles : Ousmane Tanor Dieng

- Ministre d'Etat, Ministre de l'Intérieur : Djibo Kâ

- Ministre de la Justice, Garde des Sceaux : Jacques Baudin

- Ministre des Forces Armées : Madieng Khary Dieng

- Ministre de l'Economie, des Finances et du Plan : Pape Ousmane Sakho

- Ministre de l'Environnement et de la Protection de la Nature : Abdoulaye Bathily (LD/MPT)

- Ministre de l'Habitat et de l'Urbanisme : Amath Dansokho (PIT)

- Ministre de l'Education Nationale : André Sonko

- Ministre de l'Industrie, de l'Energie et des Mines : Alassane Dialy Ndiaye

- Ministre de la Modernisation et de la Technologie : Magued Diouf

- Ministre de la Communication : Abdoulaye Elimane Kane

- Ministre de la Culture : Mme Mame Coura Ba Thiam

- Ministre de la Santé et de l'Action Sociale : Assane Diop

- Ministre de l'Emploi et du Travail : Serigne Diop (PDS-R)

- Ministre du Commerce et de l'Artisanat : Cheikh Amidou Kane

- Ministre de la Femme, de l'Enfant et de la Famille : Mme Nioro Ndiaye

- Ministre de l'Equipement et des Transports Terrestres : Landing Sané

- Ministre de la Jeunesse et des Sports : Ousmane Paye

- Ministre de la Pêche et des Transports Maritimes : Abdourahme Sow

- Ministre du Tourisme et des Transports Aériens : Tijane Sylla

- Ministre de l'Hydraulique : Mamadou Faye

- Ministre de la ville : El Hadj Daour Cissé

- Ministre délégué auprès du Premier Ministre chargé de l'Intégration Economique Africaine : Magatte Thiam (PIT)

- Ministre délégué auprès du Premier Ministre chargé des Relations avec les Assemblées : Khalifa Sall

- Ministre délégué auprès du Ministre d'Etat de l'Intérieur chargé de la Décentralisation : Souty Touré

- Ministre délégué auprès du Ministre de l'Economie chargé du Budget : Lamine Loum

- Ministre délégué chargé de l'Alphabétisation et la Promotion des Langues Nationales : Mamadou Ndoye (LD/MPT)

Sans ministres PDS, l'équipe d'Habib Thiam s'apparente à un "gouvernement de déception nationale" 2 au moment même où la pluralité de la chambre parlementaire n'a jamais été aussi

remarquable. Les députés sont en effet issus de huit formations politiques différentes. On dénombre 84 députés PS, 27 PDS, 3 LD/MPT, 2 PIT, 1 de l'UDS/R de Puritain Fall tandis que

la coalition Jappoo fait rentrer au Parlement Landing Savané (And Jëf), Madior Diouf (RND) et Iba der Thiam (CDP/Garab-Gui).

L'arrivée de nouveaux partis renouvelle les travées de la place Soweto. On recense 59 nouveaux députés, dont 36 sont issus du PS et 9 du PDS (dont les 6 proviennent des listes

départementales de Dakar et Pikine). Comme en 1988, la profession la mieux représentée est celle des enseignants - même si on en compte 7 de moins par rapport à la précédente

législature (17 contre 24) - suivie du métier d'ingénieur (12 députés) et d'agent de l'administration (11 parlementaires). On constate touj ours l'absence de paysans dans

l'hémicycle alors que le PS a fait élire... un chômeur à Fatick : Lamine Diop. Ce député est un symbole puisqu'en plus d'être sans emploi, il est le plus jeune élu, étant né le 25 juillet 1963 3.

Il témoigne à lui seul des difficultés rencontrées par la jeunesse sénégalaise diplômée pour trouver un travail. On note également que la représentation des femmes baisse. On n'en

2 Géraldine Faes, "un gouvernement de déception nationale ", Jeune Afrique, n° 1692, 16 juin 1993.

3 "Les pensionnaires à la loupe", Le soleil, 20 mai 1993.

compte que 14 en 1993, contre 17 auparavant. Ce chiffre parait néanmoins raisonnable lorsque l'on sait que sur les 1 222 candidats investis pour les législatives, seuls 175 étaient des femmes.

Le profil type d'un député sénégalais en 1993 est donc le suivant : c'est un homme socialiste âgé de 53 ans, enseignant, ingénieur ou agent de l'administration. Pour mener les débats, les députés doivent élire un nouveau président de l'Assemblée nationale, Abdoul Aziz Ndaw ayant quitté "volontairement" ses fonctions 4. Après Habib Thiam en 1984 et Daouda Sow en 1988, il est la troisième tête de liste PS consécutive à délaisser le Parlement quelques semaines seulement après avoir "emmené" sa formation à la victoire. Cette tradition sénégalaise souligne le faible rôle joué par le "premier des députés" dans la vie du PS et du pays.

Pour succéder à Ndaw, le PS désigne l'ancien ministre Cheikh Abdoul Khadre Cissokho. Cependant, le PDS propose Marcel Bassène. La volonté du parti libéral de présenter un candidat au perchoir irrite le PS, sûr de l'emporter. L'attitude socialiste montre bien que pour certains dirigeants, il n'est pas logique que l'opposition puisse concourir à une telle élection. La chambre parlementaire est ainsi considérée comme un "terrain de jeu socialiste", où les opposants ne sont invités qu'à venir regarder, sans participer. Cette vision de la démocratie est de ce fait bien éloignée de la conception dioufiste.

En dépit de la "polémique", l'élection a bien lieu. Bassène obtient les votes du PDS et de la coalition Jappoo, tandis que Cissokho recueille logiquement les voix socialistes et celles de ses alliés (UDS/R, PIT, LD/MPT). Par conséquent, Cissokho est élu président de l'Assemblée nationale. Il devient le troisième personnage de l'Etat 5.

Cette élection ne retient cependant pas l'attention des médias, trop occupés à traiter l'affaire Babacar Sèye.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway