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L'alcoolique et son fétiche

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par Sandra SOUILLAT
Université de Provence - Master 1 pro psychologie clinique et psychopathologie 2006
  

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L'ALCOOLIQUE ET SON FETICHE

SOUILLAT Sandra

Université de Provence 1

.1.1.1 Année académique 2005/2006

Master 1 Professionnel Psychologie Clinique et Psychopathologique

MÉMOIRE DE RECHERCHE SOUS LA DIRECTION DE MONSIEUR GIMENEZ G.

REMERCIEMENTS

Commençons par les officiels...

A Monsieur Gimenez G., mon maître de mémoire, sans lequel cette recherche n'aurait pu voir le jour ni même s'enrichir : un remerciement particulier pour sa disponibilité, sa générosité et pour avoir bien voulu partager ses connaissances théoriques et acquis pratiques.

A Monsieur Pédinielli J.-L., mon contre jury, de m'avoir fait l'honneur de bien vouloir participer à l'évaluation qualitative et quantitative de cette recherche clinique.

A la Clinique Les Trois Cyprès, et plus particulièrement à l'équipe du service Miravidi, de m'avoir accueillie si gentiment. Un remerciement particulier à Mme Remy-Starodoubetz E., ma référente de stage, d'avoir bien voulu participer à l'élaboration théorico clinique de cette étude et à ma formation pratique en milieu clinique.

Sans oublier les patients que j'ai pu rencontrer pour leur gentillesse, leur confiance à l'égard de ma jeune pratique.

Poursuivons par les intimes...

A ma famille, pour m'avoir soutenue et épaulée tout au long de mon cursus universitaire. Un remerciement particulier à ma mère et mon grand-père sans lesquels je n'aurais trouvé le courage d'avancer.

A Labarre Marie-Céline sans laquelle cette année aurait été bien triste et difficile. Merci pour sa disponibilité, son affection, son humour, et tout ce qu'elle a su m'offrir pour m'encourager.

A Galleri Sébastien pour avoir fait preuve de patience à l'égard de mes sautes d'humeur mais aussi, et surtout, pour m'avoir apporté toutes ces choses sans lesquelles je n'aurai pu m'épanouir.

Au Centre de Loisirs Tivoli et sa grande famille de m'avoir offert tant d'opportunités professionnelles jusqu'ici et surtout tant de générosité et d'amitié. Un remerciement particulier à Rodolphe pour avoir bien voulu participer à la mise en forme de cette recherche.

Clôturons par les amis

Aux cafés L'Escholier, Le Muscat d'Or, Le Bergerac et Le Taxi pour leur générosité et leur gentillesse ainsi que pour avoir accepté mes longues heures de réflexion et mes piles de bouquins.

Aux amis, proches ou éloignés, pour leurs encouragements et l'intérêt particulier à la réalisation de cette étude.

INTRODUCTION 4

CHAPITRE 1 : PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES 5

1.1. PROBLÉMATIQUE 6

1.2. HYPOTHÈSES 7

1.2.1. Hypothèse 1 7

1.2.2. Hypothèse 2 7

CHAPITRE 2 : APPORTS THEORIQUES 8

2.1. L'ALCOOLISME 9

2.1.1. Approche sémiologique 9

2.1.1.1. Formes cliniques 9

2.1.1.1.1. Les alcooloses 9

2.1.1.1.2. Les alcoolotoses 9

2.1.1.1.3. Les somalcooloses 10

2.1.1.2. Critères diagnostiques 10

2.1.1.2.1. Troubles liés à l'utilisation d'alcool 11

2.1.1.2.2. Troubles induits par la consommation d'alcool 12

2.1.2. Alcoolisme et psychanalyse 14

2.1.2.1. Les liens précoces 14

2.1.2.1.1. La succion, activité du stade oral 14

2.1.2.1.2. Le stade oral et les liens précoces à l'environnement 15

2.1.2.2. Le sevrage alimentaire : la séparation 16

2.1.2.2.1. Alcoolisme et sevrage alimentaire 16

2.1.2.2.2. Alcoolisme et capacité de deuil et de séparation 16

2.1.2.3. Le compromis et le substitut 17

2.1.2.3.1. Alcoolisme et la hantise du manque 17

2.1.2.3.2. Alcool et fausse croyance 18

2.2. LE FÉTICHISME 18

2.2.1. Approche sémiologique 18

2.2.1.1. Formes cliniques 19

2.2.1.1.1. La perversion 19

2.2.1.1.2. La perversité 20

2.2.1.2. Critères diagnostiques 21

2.2.1.2.1. Les dysfonctions sexuelles 21

2.2.1.2.2. Les paraphilies 22

2.2.1.2.3. Les troubles de l'identité sexuelle 22

2.2.1.2.4. Le fétichisme 23

2.2.2. Fétichisme et psychanalyse 24

2.2.2.1. Les liens précoces : la prégénitalité 24

2.2.2.1.1. Le stade oral et la perversion 24

2.2.2.1.2. La découverte de la différence anatomique des sexes et le fétichisme 25

2.2.2.2. Le compromis : le substitut 26

2.2.2.2.1. Un conflit intra-psychique : tentative de résolution 26

2.2.2.2.2. Compromis : bénéfices et pertes 27

2.3. LA RELATION D'OBJET : ALCOOL ET FÉTICHE 28

2.3.1. Les relations d'objet : approche psychanalytique 28

2.3.1.1. Une « relation » ? 29

2.3.1.2. Un « objet » ? 29

2.3.2. Perte d'objet et séparation : approche psychanalytique 31

2.3.2.1. Les liens précoces 31

2.3.2.2. L'activité symbolique 32

2.4. L'ANGOISSE DANS L'ALCOOLISME ET LE FÉTICHISME 34

2.4.1. L'angoisse au sens psychanalytique 34

2.4.2. L'angoisse de castration : intolérance du manque 35

2.4.2.1. Le monisme sexuel 35

2.4.2.2. L'angoisse de castration phallique 35

2.4.2.3. Alcoolisme, fétichisme et angoisse de castration 36

CHAPITRE 3 : METHODOLOGIE 39

3.1. METHODOLOGIE DU RECUEIL DE DONNEES 40

3.1.1. Choix de la méthode qualitative 40

3.1.2. Technique de recueil : l'entretien clinique 40

3.1.2.1. Types d'entretiens : semi-directivité et non-directivité 40

3.1.2.2. Apports psychanalytiques dans les entretiens avec un patient alcoolique 42

3.1.3. Réflexion sur l'éthique de la clinique 43

3.1.3.1. Ethique et recherche 43

3.1.3.2. But des entretiens et du recueil de données 44

3.1.4. Méthodologie du recueil de données concernant mes hypothèses de recherche 44

3.1.4.1. Données issues du patient 44

3.1.4.2. Données issues des observations de l'équipe soignante et de mes propres observations 44

3.1.5. Biais méthodologiques 45

3.2. MÉTHODOLOGIE DU TRAITEMENT DES DONNÉES 45

3.2.1. Mise en forme sous trois colonnes 46

3.2.2. Procédure de dépouillement : le repérage psychopathologique à travers... : 47

3.2.2.1. L'analyse thématique du discours 47

3.2.2.2. L'anamnèse et les résistances actuelles des patients 47

3.2.2.3. Transfert et contre-transfert 47

CHAPITRE 4 : MISE A L'EPREUVE DES HYPOTHESES 48

4.1. CRITERES DE MISE À L'ÉPREUVE 49

4.2. PRÉSENTATION DES PATIENTS 49

4.2.1. Mr B 50

4.2.2. Mme E 51

4.3. TABLEAU RÉCAPITULATIF : CORRESPONDANCES ENTRE LES HYPOTHÈSES ET LES PATIENTS 52

4.4. MISE À L'ÉPREUVE DE L'HYPOTHÈSE 1 52

4.4.1. Rappel de l'hypothèse 1 52

4.4.2. Mise à l'épreuve de l'hypothèse 1 52

4.5. MISE À L'ÉPREUVE DE L'HYPOTHÈSE 2 61

4.5.1. Rappel de l'hypothèse 2 61

4.5.2. Mise à l'épreuve de l'hypothèse 2 61

CHAPITRE 5 : DISCUSSION ET REFORMULATION DES HYPOTHESES 67

5.1. DISCUSSION ET REFORMULATION DE L'HYPOTHÈSE 1 68

5.2. DISCUSSION ET REFORMULATION DE L'HYPOTHÈSE 2 69

5.3. TABLEAU RÉCAPITULATIF DE LA DISCUSSION DES HYPOTHÈSES 70

CONCLUSION 71

BIBLIOGRAPHIE 73

ANNEXES 75

INTRODUCTION

En tant que chercheuse en psychologie clinique et en psychopathologie, mon objectif principal est de contribuer à l'amélioration de la condition humaine, individuelle et sociale. Dans ce sens, j'aspire à apporter une nouvelle connaissance permettant de penser une pathologie et sa prise en charge sous un angle différent.

Ainsi, cette recherche clinique ne vise en aucun cas la contribution à la consolidation d'un tabou social ou d'un débat éthique concernant l'alcoolisme, comme certains ont pu me le reprocher. Il ne s'agit donc ni de ternir davantage l'image sociale de l'alcoolique, cette « flétrissure sociale », ni de faire de l'alcoolique un individu dangereux pour sa société.

« L'alcoolique et son fétiche » est le fruit d'une longue réflexion théorico clinique sur la place et le rôle endossés par l'alcool dans l'imaginaire de son adepte et sur le lien possible avec une autre forme d'addiction : le fétichisme.

L'élaboration de cette étude s'est articulée autour du lien possible entre l'alcoolisme et le fétichisme mais n'ayant pas eu l'opportunité de rencontrer des patients fétichistes, je ne pouvais procéder que par comparaison de ce qui peut s'observer sur le terrain avec des patients alcooliques et ce qui peut se dire sur le fétichisme dans les théories. Le thème de « L'alcoolique et son fétiche » m'est apparu alors comme riche de par ce qu'il peut soulever comme controverses, remises en cause et ouvertures théoriques.

CHAPITRE 1 : PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES

1.1. PROBLEMATIQUE :

L'alcoolique et son fétiche

Mes rencontres avec les patients alcooliques en cure de désintoxication m'ont amené au constat qu'il est difficile pour eux d'intégrer la notion d'abstinence (totale ou partielle) car leur objet d'addiction est considéré par eux comme étant la condition sine qua non de leur épanouissement au quotidien. Boire pour être grand, pour être fort, pour oublier, ... L'alcool leur permet d'affronter les aléas de leur réalité et également de jouir des plaisirs de la vie. Cela m'a fait penser au fétichisme : le fétichiste, lui aussi, ne peut s'épanouir au quotidien sans son fétiche.

Pourtant, me dira-t-on, il s'agit de deux pathologies distinctes. Je reconnais cette différence puisqu'en effet, alcoolisme et fétichisme possèdent chacun leur propre sémiologie et concernent chacun un domaine de la vie pulsionnelle différent. L'alcoolisme est un trouble du comportement, plus précisément, une désintrication de l'instinct de survie (l'acte naturel et vital de boire) tandis que le fétichisme désigne un trouble du comportement sexuel puisqu'il est défini comme une atypie de la pratique naturelle et vitale de l'acte de reproduction normal. Ils concernent donc chacun un objet différent.

Cependant, mon regard de clinicienne n'est pas tant attiré par la nature de l'objet d'une pulsion, mais davantage par le processus psychique qui amène un individu à choisir cet objet particulier. Malgré la distinction nosographique, l'alcoolisme et le fétichisme restent deux addictions touchant le processus instinctuel, et c'est sur ce point que ma curiosité de chercheur s'est arrêtée.

Il m'a semblé intéressant de voir dans quelle mesure il est possible de mettre en lien ces deux pathologies sous l'angle de deux points de vue en particulier : l'objet et l'angoisse. En effet, est-ce que l'objet alcool peut être comparé à un fétiche ? Or, si cette comparaison est possible, cela sous-entendrait-il que l'alcoolique trouverait les mêmes bénéfices que le fétichiste ? Et au final, pourrions-nous nous permettre de dire que l'alcoolique et le fétichiste se structurent de la même façon d'un point de vue psychodynamique ?

1.2. HYPOTHESES

1.2.1. Hypothèse 1 : L'alcoolique et la hantise du manque

Le fétichiste s'identifierait de façon primaire à ses objets d'amour : les limites des autres et les siennes propres ne feraient plus qu'une seule et même limite, comme si l'Autre et le Soi ne faisait qu'une seule personne. La capacité de deuil et de séparation est donc source d'angoisse puisque accepter la perte de l'autre reviendrait à renoncer à une partie de Soi. Si je me base sur le fait que l'alcoolique et le fétichiste sont ancrés dans le même processus psychique, je peux donc émettre l'hypothèse que :

L'alcoolique est dans l'incapacité d'élaborer la perte d'un objet car celle-ci vient créer une frustration insupportable

1.2.2. Hypothèse 2 : L'alcoolique et l'angoisse de castration phallique

La capacité de deuil et de séparation serait source d'angoisse pour le fétichiste puisque accepter la perte de cet objet reviendrait à renoncer à une partie de lui-même (position mélancolique). De ce fait, ce serait contre une menace de castration (manque) phallique (narcissique) que le fétichiste lutterait à l'aide de son objet d'addiction : le fétiche permettrait de créer l'illusion que l'objet perdu existe toujours, de façon à préserver l'intégrité narcissique de son adepte. Si je pars du principe que l'alcoolique et le fétichiste poursuivent les mêmes buts, je peux émettre l'hypothèse que :

L'alcoolique cherche à dénier la réalité d'une perte pour se protéger d'une angoisse de castration phallique.

CHAPITRE 2 : APPORTS THEORIQUES

2.1. L'ALCOOLISME

2.1.1. APPROCHE SÉMIOLOGIQUE

2.1.1.1. Formes cliniques

On distingue deux formes d'alcoolisme. L'alcoolisme transitoire, caractérisé par une conduite occasionnelle et épisodique, et l'alcoolisme chronique, défini comme une conduite déviante permanente. De Mijolla A. et Shentoub S.A. (1981) différencient de façon radicale « d'un point de vue qualitatif et quantitatif les rencontres transitoires que peuvent s'aménager tous les hommes avec une boisson alcoolisée de celle qui, dans une inscription définitive (...), fera qu'après coup, nous nous trouvons en droit de parler, à propos de certains sujets, d'alcoolisme chronique ». Descombey J.-P. distingue diverses catégories de patients : les « alcoolites » des « alcoolotites » et des « somalcoolites ». Par consommation "pathologique", il entend l'incapacité dans laquelle se trouve le patient à diminuer ou à arrêter la consommation, des épisodes d'amnésie, la poursuite de la consommation malgré les perturbations, etc..

2.1.1.1.1. Les alcooloses

Les « alcoolites » sont des patients présentant un alcoolisme d'entraînement, d'habitude, d'imitation, datant de l'adolescence. On peut parler également ici d'alcoolisme primaire. Il s'agit de patients, au moment de la consultation, âgés d'une quarantaine d'années. Ce sont au départ des consommateurs occasionnels qui deviennent, au fur et à mesure, des consommateurs réguliers. Ce sont des personnes qui boivent du vin ou de la bière à table, au départ, mais ensuite tout deviendrait prétexte pour boire. Cependant, l'aspect convivial est recherché : la consommation ne se fait qu'en présence d'amis et n'évolue que très peu, mais elle est quotidienne et continue. L'ivresse est rare et la tolérance augmente progressivement : peu à peu la dépendance s'installe à l'insu du sujet. Aucun sentiment de culpabilité lié à la consommation n'est présent chez cette catégorie de patients. La prise de conscience de l'alcoolo dépendance est réalisée en général lors de complications organiques, d'un sevrage involontaire ou encore lors de problèmes sociaux ou familiaux. Souvent, le cercle familial présente un alcoolisme identique, surtout au niveau du père du sujet concerné. La sexualité des sujets est longtemps normale, mais lorsqu'elle se détériore, cela provoque une jalousie pathologique chez le patient à l'égard de sa femme. Cette forme d'alcoolisme représenterait 40 à 50 % de l'alcoolisme masculin et 1 à 5 % de l'alcoolisme féminin.

2.1.1.1.2. Les alcoolotoses

Les « alcoolotites » sont des patients présentant un alcoolisme décrit comme psychique et secondaire : on parle d'alcoolisme névrotique et de décompensation. Il s'agit de sujets, au moment de la consultation, âgés entre 20 et 45 ans. Ce sont des sujets jeunes avec des difficultés relationnelles et existentielles. Les motifs des consultations sont souvent des troubles du comportement (ivresse), des tentatives de suicide, des échecs socioprofessionnels. Les problèmes conjugaux et les troubles sexuels sont fréquents et précoces. L'alcool est alors utilisé pour des fins psychotropes. L'alcoolisation est souvent solitaire et dissimulée. L'attrait pour l'alcool, notamment son goût, n'est pas très intense, ce qui explique une consommation irrégulière et paroxystique : l'abstinence peut être maintenue pendant plusieurs mois. Cependant, les arrêts seront de plus en plus courts. Progressivement, la dépendance psychique s'installe, puis la dépendance physique. Le sentiment de culpabilité vis-à-vis de l'alcool est très intense, d'où une lutte, chez ce type de patients, contre leur propre alcoolisme. Il n'est pas rare de diagnostiquer une pathologie névrotique ou psychotique au niveau des membres de la famille. Cette forme d'alcoolisme représenterait 40 à 50 % de l'alcoolisme masculin et 60 à 80 % de l'alcoolisme féminin.

2.1.1.1.3. Les somalcooloses

Les « somalcoolites » sont des patients concernés par un alcoolisme dit symptomatique et de perversion. Les patients, au moment de la consultation, sont âgés entre 30 et 60 ans. Les troubles de la sexualité sont très fréquents et le passage vers l'alcoolose est possible. La consommation est strictement clandestine et solitaire. Aucun choix d'alcool particulier n'est fait : le sujet absorbe tout type de liquide et ce, en petite quantité, mais suffisante pour une ivresse immédiate. Il s'agit donc de crises de consommation impulsives et excessives pouvant durer de quelques heures à quelques jours. Hors de ces crises, un sentiment intense de culpabilité envahit le sujet et le dégoût de l'alcool augmente On parle de cette catégorie d'alcoolisme comme étant caractérisée par une conduite irrationnelle de l'ordre de la perversion. Cette pathologie alcoolique concernerait 1 à 10 % des hommes et 15 % des femmes.

2.1.1.2. Critères diagnostiques

L'alcoolisme est classé dans la catégorie des « troubles liés à une substance » (Mini DSM-IV-TR, 2004, p. 15). Les critères diagnostiques se basent uniquement sur l'objet de dépendance concerné. C'est donc le produit qui est identifié comme une étiologie. Christoforov B. (2005, pp. 18/19) parle « d'une approche exclusive à partir de produits. Elle insiste sur ce qui différencie les produits les uns des autres. (...) Le produit est à l'origine de tout, c'est une intoxication qui disparaît quand le sevrage est réalisé et quand l'abstinence est obtenue. Les produits doivent être différenciés en classes distinctes et relever des pratiques et de dispositifs différents ». Ainsi, la définition de l'alcoolisme se base sur des normes pharmacologiques et socioculturelles. On parle de « Troubles liés à l'alcool », qui sont présentés selon quatre axes : « Les troubles liés à une substance sont divisés en deux groupes : Troubles liés à l'utilisation d'une substance (dépendance à une substance, Abus d'une substance) et les Troubles induits par une substance (...) » (Mini DSM-IV-TR, 2004, pp. 105/120). Dans ce sens, il y a une distinction à faire entre les troubles liés à la prise du toxique (la dépendance physique et psychique) et ceux induit par cette prise, tels l'intoxication, le sevrage, le delirium, la démence, les troubles psychiatriques, etc.

2.1.1.2.1. Troubles liés à l'utilisation d'alcool

La dépendance

Dans la catégorie des Troubles liés à la prise de la substance, on distingue la dépendance et de l'abus de l'utilisation (Mini DSM-IV-TR, 2004, pp. 107/117). La dépendance est définie comme un « mode d'utilisation inadapté d'une substance conduisant à une altération du fonctionnement ou une souffrance cliniquement significative, caractérisée par la présence de trois (ou plus) des manifestations suivantes, à un moment quelconque d'une période continue de 12 mois :

(1) tolérance, définie par l'un des symptômes suivants :

(a) besoin de quantités notablement plus fortes de la substance pour obtenir une intoxication ou l'effet désiré

(b) effet notablement diminué en cas d'utilisation continue d'une même quantité de la substance

(2) sevrage, caractérisé par l'une ou par l'autre des manifestations suivantes :

(a) syndrome de sevrage caractéristique de la substance (...)

(b) la même substance (ou une substance très proche) est prise pour soulager ou éviter les symptômes de sevrage

(3) la substance est souvent prise en quantité plus importante ou pendant une période plus prolongée que prévue

(4) il y a un désir persistant, ou des efforts infructueux, pour diminuer ou contrôler l'utilisation de la substance

(5) beaucoup de temps est passé à des activités nécessaires pour obtenir la substance (...), à utiliser le produit (...), ou à récupérer de ses effets

(6) des activités sociales, professionnelles ou de loisirs importants sont abandonnés ou réduites à cause de l'utilisation de la substance

(7) l'utilisation de la substance est poursuivie bien que la personne sache avoir un problème psychologique ou physique persistant ou récurrent susceptible d'avoir été causé ou exacerbé par la substance (...) ».

Il reste ensuite encore à spécifier s'il s'agit d'une dépendance physique avec une « présence d'une tolérance ou d'un sevrage » ou s'il s'agit d'une consommation sans dépendance physique. Il est également nécessaire de spécifier l'évolution de la dépendance (précoce, prolongée / complète, partielle) et si le traitement a lieu avec une « médication agoniste » et/ou en « environnement protégé ».

L'abus

Les symptômes d'abus ne peuvent jamais avoir été atteints par les critères de dépendance (Mini DSM-IV-TR, 2004, p. 113/114) car la notion de l'abus désigne un « mode d'utilisation inadéquat conduisant à une altération du fonctionnement ou une souffrance cliniquement significative, caractérisée par la présence d'au moins une des manifestations suivantes au cours d'une période de 12 mois :

(1) utilisation répétée d'une substance conduisant à l'incapacité de remplir des obligations majeures, au travail, à l'école, ou à la maison (...)

(2) utilisation répétée d'une substance dans des situations où cela peut être physiquement dangereux (...)

(3) problèmes judiciaires répétés liés à l'utilisation d'une substance (...)

(4) utilisation de la substance malgré les problèmes interpersonnels ou sociaux, persistants ou récurrents, causés ou exacerbés par les effets de la substance (...) ».

2.1.1.2.2. Troubles induits par la consommation d'alcool

Intoxication alcoolique : (pp. 118/119)

A. Ingestion récente d'alcool.

B. Changements inadaptés, comportementaux ou psychologiques, cliniquement significatifs, (par exemple : comportement sexuel ou agressif inapproprié, labilité de l'humeur, altération du jugement, altération du fonctionnement social ou professionnel) qui se sont développés pendant ou après l'ingestion d'alcool.

C. Au moins un des signes suivants, se développant pendant ou peu après la consommation d'alcool :

(1) discours bredouillant

(2) incoordination motrice

(3) démarche ébrieuse

(4) nystagmus

(5) altération de l'attention ou de la mémoire

(6) stupeur ou coma

D. Les symptômes ne sont pas dus à une affection médicale générale, et ne sont pas mieux expliqués par un autre trouble mental.

Sevrage alcoolique : (pp. 119/120)

A. Arrêt (ou réduction) d'une utilisation d'alcool qui a été massive et prolongée.

B. Au moins deux des manifestations suivantes se développent de quelques heures à quelques jours après le critère A :

(1) hyperactivité neurovégétative (par exemple, transpiration ou fréquence cardiaque supérieure à 100)

(2) augmentation du tremblement des mains

(3) insomnie

(4) nausées ou vomissements

(5) hallucinations ou illusions transitoires visuelles, tactiles ou auditives

(6) agitation psychomotrice

(7) anxiété

(8) crises convulsives de type grand mal

C. Les symptômes du critère B causent une souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel, ou dans d'autres domaines importants.

D. Les symptômes ne sont pas dus à une affection médicale générale, et ne sont pas mieux expliqués par un autre trouble mental. (...)

Les troubles psychiatriques induits (énumérés) (p. 105) :

- « Delirium induit par l'alcool (...) : (pp. 84/85)

- Delirium du au sevrage alcoolique (pp. 85/86)

- Démence persistante induite par l'alcool (...) (pp. 93/94)

- Trouble amnésique persistant induit par l'alcool (...) (pp. 96/97

- Trouble psychotique induit par l'alcool (...) (pp. 159/160

- Trouble de l'humeur induit par l'alcool (...) (pp. 188/189

- Trouble anxieux induit par l'alcool (...) (pp. 222/223

- Dysfonction sexuelle induite par l'alcool (...) (pp. 249/250

- Trouble du sommeil induit par l'alcool (...) (pp. 274/275

- Trouble lié à l'utilisation d'alcool non spécifié (...) (p. 118) ».

2.1.2. ALCOOLISME ET PSYCHANALYSE

2.1.2.1. Les liens précoces : la prégénitalité

2.1.2.1.1. La succion, activité du stade oral

Freud S. (1856-1939) ne s'est pas centré sur l'alcoolisme à proprement parler. Etant confronté à l'époque (1890-1895) à des patients injustement qualifiés de simulateurs ou de nerveux, il s'est intéressé à la délicate question de l'hystérie. Il se penche sur diverses pathologies, telles les névroses, les psychoses ou encore les perversions, mais l'alcoolisme fait peu un objet d'étude. Au sein de ses doctrines, nous pouvons néanmoins trouver quelques pistes en mesure de nous aiguiller sur le thème. Freud S. (1905) théorise la sexualité. Celle-ci désigne des activités et des états de plaisirs dépendant non seulement de la génitalité mais aussi de toute une série d'activités et de plaisirs existant dès la petite enfance. Cette théorisation se réalise sur la base du concept central de la pulsion. A ce propos, Weil-Barais A. et Cupa D. (1999, p. 78) retiennent que « l'origine de la pulsion est l'excitation d'une zone corporelle, son but est la satisfaction qui doit résoudre cette excitation à l'aide de différents objets. La libido est l'énergie de la pulsion. Le plaisir qui est découvert, lors de la satisfaction, dans la rencontre avec l'objet, constitue au niveau corporel ce que Freud appelle les zones érogènes. La recherche du plaisir amoureux est déterminée par des représentations d'objets susceptibles de satisfaire la pulsion, ces représentations structurant ainsi toute une part de l'activité fantasmatique ».

Freud S. (1905) structure sa théorisation de la sexualité infantile autour du concept de stades du développement psycho-sexuel ; stades étant sous l'emprise de la conflictualité. Le stade du développement psycho-sexuel sur lequel nous porterons notre attention est celui que Freud S. (1905) qualifie de stade oral. Weil-Barais A et Cupa D. (1999, p. 78) disent « qu'au stade oral dominent la satisfaction des besoins oro-digestifs et les plaisirs de la bouche, d'être rempli ». La théorisation de Freud S. (1905) concernant ce stade nous intéresse tout particulièrement dans la mesure où nous trouvons une première piste concernant l'alcoolisme : il serait la dérivation d'une fixation libidinale au stade oral. En effet, Freud S. (1905) nous explique que l'acte de succion, qui visait au départ la satisfaction d'un besoin physiologique, se déplace rapidement vers la quête de la satisfaction d'une zone labiale et buccale devenue érogène. Cette zone corporelle s'est trouvée chargée libidinalement au fur et à mesure de la rencontre régulière avec le sein maternel. Le sein maternel devient alors un objet dont la tâche est de résoudre l'excitation de cette zone corporelle devenue érogène. Le besoin de répétition de la satisfaction libidinale se trouve déterminée, plus tard, par des représentations d'objets susceptibles de satisfaire cette pulsion : l'objet alcool. Citons Freud S. (1905, pp.102/106) : « Le suçotement (...) consiste en une répétition rythmique avec la bouche (les lèvres) d'un contact de succion, dont la finalité alimentaire est exclue. (...) Tous les enfants ne suçotent pas. On peut supposer que les enfants qui le font sont ceux chez lesquels la signification érogène de la zone labiale est constitutionnellement renforcée. Que cette signification subsiste, et les enfants, une fois adultes, deviendront de friands amateurs de baisers, développeront un penchant pour les baisers pervers, ou, si ce sont des hommes, auront un sérieux motif pour boire et pour fumer ». On peut alors émettre l'hypothèse que l'alcoolisme découlerait d'une fixation libidinale au stade oral, période durant laquelle l'enfant se complait dans ce complexe sein-bouche.

2.1.2.1.2. Le stade oral et les liens précoces à l'environnement

Descombey JP (2005, pp. 94/97) situe lui aussi les racines de l'addiction dans les premières relations mère/enfant. Il explique que l'enfant, avant même d'acquérir ses premiers mots, est un petit être se situant dans l'incapacité de ressentir ce qui se déroule dans son propre corps. Il parle donc d'alexithymie « normale ». « L'infans, avant le langage, (...) n'a que des réponses somatiques. (...) Et le corps propre de l'enfant est d'abord vécu par lui comme un objet extérieur (1982, Mc Dougall J.) ». C'est ainsi la mère qui permettrait à l'enfant de mettre en sens ses états affectifs. « Le rôle de la mère (primaire) est de recevoir, interpréter (sans trop de violence) les affects infraverbaux, cris et gestes, y répondre, identifier, nommer, contenir, apaiser ». Nous reconnaissons ici la théorie de Bion W.R. (années 1960) avec son concept de « capacité de rêverie » : où la mère permet de contenir l'enfant de par cette capacité à mettre en sens ses états internes en les rendant moins angoissants par le mécanisme d'identification projective. Mais nous retrouvons aussi les spéculations de Winnicott D.W. (1958/1971) avec son concept de « mère suffisamment bonne », celle étant apte à identifier ce qui se joue chez son enfant, et celle qui est en mesure de répondre à son nourrisson de façon adaptée et dans un laps de temps supportable pour lui. Ces concepts sont repris par Descombey JP. (2005, pp. 94/97) pour montrer qu'une faille dans ces « communications primitives » aura pour conséquence « une sexualité déviante, une angoisse diffuse voire psychotique, des désordres somatiques, des addictions ».

2.1.2.2. Le sevrage alimentaire : la séparation

2.1.2.2.1. Alcoolisme et sevrage alimentaire

De Mijolla A. et Shentoub S.A. (1973) avancent l'hypothèse que les patients alcooliques cherchent à répondre à un évènement de vie vécu de façon insupportable. En effet, l'alcool semble détenir la fonction suivante : atténuer une angoisse en procurant un sentiment de triomphe sur celle-ci et de protection contre celle-ci. L'angoisse que tentent de maîtriser les patients alcooliques semble être une angoisse liée à la perte d'un objet et, donc plus généralement, à la séparation. Le caractère maturant de cette frustration ne semble pas avoir été intériorisée chez les patients. Au contraire, ils resteraient axés sur cette absence angoissante car, comme le soutiennent De Mijolla A. et Shentoub S.A. (1973), « les malades alcooliques vivent sans cesse dans la hantise du manque ». L'objet alcool possède alors une fonction de substitut, tout comme le fétiche. Freud S. (1927) soutient que le fétiche est un objet dont la fonction est de résoudre cette situation intolérable que représente cette découverte de l'absence.

2.1.2.2.2. Alcoolisme et capacité de séparation

Il semble que chez l'alcoolique la perte d'un objet soit inacceptable car s'installerait alors un vide intérieur devant sans cesse être rempli. C'est ce que Freud S. (1917) nomme « la position mélancolique ». L'objet a été au départ investi, mais d'une façon toute particulière : le Moi, instance de l'appareil psychique, a été projeté dans l'objet aimé. L'objet aimé est donc constitué d'une partie du Moi et lorsque l'objet est perdu, le Moi se perds en même temps que lui. La perte est donc insupportable puisque naît la sensation d'avoir perdu une partie de Soi en même temps qu'est perdu l'objet. A ce propos, De Mijolla A. et Shentoub S.A. (1973) citent Grunberg B. : « pour cet auteur, l'objet perdu par désinvestissement, c'est le Moi lui-même du sujet projeté ». Comme si le patient n'était pas suffisamment consistant de l'intérieur (et sans doute se perçoit-il ainsi), il lui faudrait sans cesse la présence d'un Autre, afin de se reposer sur lui. Une partie, donc, sur laquelle il puisse s'appuyer contre (anaclitisme) pour retrouver un sentiment de « complétude narcissique » (Bergeret J., 2004, p.). Sans cet Autre, le patient se verrait confronté au sentiment de « perte (...), l'abandon qu'elle représente, [qui] entraîne un effondrement dépressif, dépression « anaclitique » plus que dépression élaborée de perte d'objet » (Descombey JP., 2005, pp. 40/44). L'alcool viendrait alors remplacer cet Autre qui ferait défaut à l'alcoolique. De cette façon, l'alcoolique deviendrait alors alcoolo dépendant, c'est-à-dire qu'un lien d'amour se créerait avec l'objet alcool. En effet, avec lui, l'alcoolo dépendant pourrait reproduire le scénario qu'il aurait entretenu jusqu'ici avec cet Autre perdu. De ce fait, l'alcool vient comblerait l'Autre et viendrait résoudre cette tâche de séparation et, donc, de deuil. Descombey JP. (2005, pp. 94/97) aborde l'importance de la phase d'individuation/séparation, charnière entre le stade de la succion et le stade de l'acquisition de la propreté ; soit entre le sevrage alimentaire et le retrait de la couche. En effet, « l'enfant devra perdre le grand tout où il est fondu (...). Il lui faudra, entre illusion fusionnelle et vide absolu (mort), créer un espace imaginaire, de nouvelles réalités (rêves, fantasmes...) ». Lorsque ces « communications primitives », dont nous parlions plus haut, présentent des failles, angoisses et autres vécus négatifs émergeraient alors dans l'espace psychique de l'enfant. Ainsi, lorsque l'enfant prendrait conscience que son corps lui appartient (donc, qu'il n'est plus fusionné à la mère), émergeraient dans son monde interne « des vécus persécutifs et des idéalisations (...) ; des angoisses d'anéantissement, de morcellement, de perte d'identité (...) ; fragilité du tissu psychique, impulsions sexuelles archaïques inassimilables ; difficulté des contact, mais dépendance ; exigence de la présence constante des autres proches » (Descombey JP., 2005, pp. 94/97). Cela sous-entend que le patient alcoolique n'aurait pas réussi à dépasser ce premier stade important de la vie, celui de la séparation et de l'individuation. Il semble qu'il n'ait pas réussi à acquérir cette faculté de subsister seul, en l'absence d'Autrui. Ainsi, des angoisses et des vécus négatifs émergeraient chaque fois qu'il se trouverait confronté à lui-même. Comme un enfant, il se verrait plongé dans un état de détresse physique et psychique. Descombey JP. (2005, pp. 40/44) explique cela par ce qu'il nomme le « défaut narcissique ».

2.1.2.3. Le compromis : le substitut

2.1.2.3.1. Alcoolisme et la hantise du manque

Plus haut, nous avons démontré les patients alcooliques sont confrontés à la « hantise du manque » (De Mijolla A. et Shentoub S.A., 1973). L'objet alcool permettrait alors de remédier à cette problématique du vide : il remplace ce qui fait défaut, il rempli ce qui n'est plus. Cependant, la remédiation ne semble pas appropriée puisqu'elle est considérée comme inadéquate. Il faudrait en effet, afin de pouvoir parler de processus normal, faire le deuil et accepter la perte pour dépasser l'angoisse y étant liée. De Mijolla A. et Shentoub S.A. (1973) parlent de raisonnement biaisé. Cependant, cette réponse n'est pas adaptée. En effet, avec l'objet alcool, les patients se lanceraient dans la quête d'une réassurance. Ils voudraient pouvoir constater leur pouvoir de maîtrise sur cet objet. De Mijolla A. et Shentoub S.A. (1973) parlent « de triomphe maniaque sur un objet-prétexte ». Bailly D. (2004) explique que l'angoisse persistante serait le résultat de la non élaboration du conflit l'ayant sous-tendu ; comme nous le verrons plus loin.

2.1.2.3.2. Alcool et fausse croyance

L'alcool viendrait donner la croyance du pouvoir sur le « défaut fondamental dans l'amour primaire » (Descombey JP, 2005, pp. 40/44). Parce que l'alcool viendrait remplacer cet Autre manquant, alors il « est question de modifier par soi-même le ressenti de son corps propre, d'y combler un vide, d'y apporter une harmonie toujours à reconstituer ; c'est un auto-érotisme » (Descombey JP, 2005, pp. 40/44). Ainsi, l'alcoolique chercherait à remédier par lui-même à son mal être interne en ingérant un objet extérieur, comme un pansement, non plus gastrique, mais narcissique. L'auteur poursuit (2005, pp. 44/46) en parlant de « développement (...) tributaire », fixé à une dépendance » qui « exclue (...) la symbolisation » entraînant un « court-circuit de l'élaboration psychique, de la fantasmatisation, des affects ». Ainsi, ce qui doit être élaboré, le manque, ne l'est pas puisque l'objet extérieur ne permet pas le travail de deuil. Il substituerait, comblerait, laisserait dans l'illusion d'une fusion avec Autrui, mais ne viendrait en aucun cas résoudre cette lourde tâche de séparation et d'individuation. L'alcoolique trouverait donc le moyen de se détourner de cette phase importante du développement psycho-affectif, qui est celle de la séparation/individuation. De ce fait, cette substitution ne semble pas être une réponse adaptée ni même constructive dans la mesure où l'alcool deviendrait « un objet de besoin plus que de désir ». Dans ce sens, l'alcool répondrait immédiatement au sentiment de détresse psychique et/ou physique ressenti. Il ne permettrait pas de « laisser faire l'expérience du manque » et chercherait à « empêcher la genèse du désir ». Donc, le travail de tolérance de la frustration et de la capacité à rester seul serait court-circuitée, n'amenant pas l'alcoolo dépendant à cette maturité affective nécessaire pour s'assumer en tant qu'être à part entière et indépendant affectivement. En effet, De Mijolla A. et Shentoub S.A. (1973) expliquent « que ce n'est plus en « quelqu'un » qu'est placée une partie du symbole, mais en « quelque chose », l'alcool, ce qui est bien différent ». Bailly D. (2004, p. 121) insiste sur le caractère biaisé du raisonnement de l'angoissé : « L'angoisse de séparation est définie comme une anxiété excessive concernant la séparation (...). Il s'agit donc d'une interprétation erronée de l'environnement et l'anxiété ne se réfère pas à une menace objective de séparation ».

2.2. LE FETICHISME

2.2.1. APPROCHE SÉMIOLOGIQUE

2.2.1.1. Formes cliniques

On distingue deux formes de perversion. Blanchard R. (2004, p. 150) dit à ce propos que « le « Manuel alphabétique de la Psychiatrie » de Porot préconise avec justesse une distinction entre perversion et perversité. La perversion est une structure relativement stable, à partir de laquelle un certain nombre de comportements du même genre sont produits ». Ce qui différencie les deux formes évoquées, est le concept de répétition. On est en mesure de parler de comportement pathologique lorsque celui-ci est marqué par une forme de fixité et par un ensemble organisé de comportements répétitifs et morbides, pouvant entraîner une souffrance chez l'individu. On parle donc de pathologie lorsque le comportement possède une orientation exclusive et permanente. Freud S. (1905, p. 74) dit à ce propos que « alors nous trouvons - dans l'exclusivité et dans la fixation, par conséquent, de la perversion - ce qui nous autorise généralement à la considérer comme un symptôme pathologique ». Aujourd'hui, cette idée Freudienne, concernant le caractère pathologique de la perversion, semble être encore admise (Blanchard R. 2004, p. 150) : « La perversion est définie par Porot comme « une orientation permanente et pathologique de l'être ». Cette orientation est une « disposition habituelle d'un certain type de comportement, caractérisé par son écart avec la norme conventionnelle constituée par le type de moyen de comportement dans une même société et un même groupe d'âge ». (...) Elle est l'état social des moeurs à un moment donné dans une société donnée [référence à Krafft-Ebing] ».

2.2.1.1.1. La perversion

Laplanche J. et Pontalis JB (1967, pp. 306/312) définissent le concept de perversion sous un angle psychanalytique. Pour eux, cette définition ne peut se faire « autrement que par la référence à un norme. Avant Freud et encore de nos jours, le terme est employé pour désigner des « dérivations » de l'instinct » (1967, p. 307). Dans ce sens, semble être perversion toute anormalité, tout hors-norme, de la vie instinctuelle, disons du flux pulsionnel puisque le concept d'instinct est défini par les auteurs comme suit : « terme freudien Trieb pour lequel, dans une terminologie cohérente, il convient de recourir au terme français de pulsion » (1967, p. 203). Or, comme nous l'avons vu plus haut, la vie pulsionnelle ne peut se concevoir que sous l'angle du but et de l'objet auxquels elle est liée. Donc, la perversion désignerait une atypie dans le choix d'objet et dans la forme sous laquelle se réalise la satisfaction sexuelle. Référons-nous à Blanchard R. (2004, pp. 156/157) et son étude étymologique du terme perversion : « Le mot vient du latin : pervertere et perversus, qui ont donné perversitas. Le préfixe « per » indique un moyen, une modalité, dans l'espace ou dans le temps(...). Le verbe « vertere » signifie tourner, retourner, avec la connotation de renverser, donc détruire. Perversus désigne ce qui a été retourné, est à l'envers (...). Enfin, la perversitas est le renversement, mais aussi, par rapport à l'ordre renversé, l'extravagance, la déraison ».

Reprenons la définition de la perversion, donnée par Laplanche J. et Pontalis JB (1967, pp. 306) : « dérivation par rapport à l'acte sexuel « normal », défini comme coït visant à obtenir l'orgasme par pénétration génitale, avec une personne du sexe opposé ». Dans ce sens, est acte pervers toute pratique sexuelle nécessitant d'autres objets qu'un partenaire (animé) de sexe opposé (mais aussi ayant atteint la maturité sexuelle établie par la loi). Ainsi est perversion l'homosexualité, la bisexualité, la masturbation, le fétichisme, la zoophilie, la pédophilie, etc. Puis est aussi perversion tout acte sexuel ne visant pas la pénétration génitale, donc la fellation, la sodomie, le voyeurisme et l'exhibitionnisme, etc., ou encore toute pratique ne respectant pas le principe de « symétrie » entre les partenaires tel le sado-masochisme. Au-delà des lois dites « naturelles », nous constatons que cette notion est aussi régie par les normes socioculturelles (la maturité sexuelle des partenaires, l'exogamie, etc.) délimitant les pratiques sexuelles de chaque système culturel et pouvant aller jusqu'à la répression juridique. Nous pouvons alors rejoindre l'opinion de Blanchard R. (2004, pp. 157/159) disant à ce propos que « une perversion serait l'inversion d'une norme universelle, objective ou rationnelle, c'est-à-dire commune à tous les humains. Le terme inversion signifie que l'acte commis [est] (...) un acte qui contredit frontalement et continuellement une norme, une transgression avec le sens d'inversion de négation de la norme.

Blanchard R. (2004, pp. 158/159) dit à propos que « une perversion serait l'inversion d'une norme universelle, objective ou rationnelle, c'est-à-dire commune à tous les humains. Le terme inversion signifie que l'acte commis [est] (...) un acte qui contredit frontalement et continuellement une norme, une transgression avec le sens d'inversion de négation de la norme. Bref, la perversion n'est pas un cas isolé (ce serait une perversité), mais une disposition habituelle de l'esprit ou du comportement caractérisé par une négation générale et permanente de l'ordre généralement admis. (...) On doit donc différencier la faute (occasionnelle) de la perversion (habituelle) ». La perversion semble alors être définie comme une conduite sexuelle déviante et permanente. Le terme inverti désigne alors un acte ou un acteur qui inverse la norme : il renverserait quelque chose en son contraire et contribuerait ainsi à sa destruction. Blanchard R. (2004, pp.161/162) reprend « la définition de la perversion dans le Vocabulaire de la Psychanalyse L.P. (...) : Perversion : déviation par rapport à l'acte sexuel normal, défini comme coït visant à obtenir l'orgasme par pénétration génitale avec une personne du sexe opposé ».

2.2.1.1.2. La perversité

La perversité semble être caractérisée par une conduite occasionnelle et épisodique. Blanchard R présente la perversité comme suit: « La perversité est au contraire la qualification d'un acte isolé, caractérisé par la malignité volontaire, la volonté explicite de mal faire. C'est un « choix immoral dans les règles normatives du comportement », qui peut être le choix occasionnel d'un individu par ailleurs normal. (...) La perversité serait la qualité actuelle d'un acte de perversion, que celle-ci soit une structure assez stable du psychisme ou un comportement occasionnel » (2004, p. 150/157). Ainsi, un sujet peut parfaitement faire preuve d'un acte de perversion ou présenter des fantasmes pervers, par exemple, mais cela ne fait pas de lui un être pervers. La nuance est ici dans le quantitatif : la perversité dépend de son caractère occasionnel, déterminé dans le temps. Ainsi, un individu jugé dans la norme au niveau du fonctionnement psychopathologique pourra, de temps à autre, faire preuve de perversité. On pourrait alors dire que la perversité est un cas isolé et qu'elle peut être comparable à la faute, elle même occasionnelle. Blanchard (2004, p. 156/159) postule que « la perversion est une destruction. La perversion serait une faute qui atteindrait l'innocence collective. La faute est une faiblesse, un manquement dans l'ordre lui-même ; la perversion est une destruction de l'ordre lui-même. L'individu pervers ne détruit pas seulement l'ordre qui est en lui ou qui dépend de lui, mais il sape un ordre beaucoup plus vaste. Le pervers produit du pervers objectif ».

2.2.1.2. Critères diagnostiques

Dans le Mini DSM-IV-TR (2004, p. 241), on distingue les « Dysfonctions sexuelles » des « Paraphilies » et des « Troubles de l'identité sexuelle ». Ainsi, la perversion est abordée, dans les critères nosographiques, sous l'angle de la sexualité, plus précisément, sous le point de vue de trois angles : les défaillances de la vie pulsionnelle, l'atypie dans le choix de l'objet sexuel et dans la pratique sexuelle, et les dérivations dans l'identité sexuelle.

2.2.1.2.1. Les dysfonctions sexuelles

Dans la catégorie des « Dysfonctions sexuelles », il est énuméré dans le Mini DSM-IV-TR (2004, pp. 241/251) :

- les « Troubles du désir sexuel » (pp. 241/243) : baisse du désir sexuel et aversion sexuelle

- les « Troubles de l'excitation sexuelle » (pp. 242/243) : trouble de l'excitation sexuelle chez la femme et de l'érection chez l'homme

- les « Troubles de l'orgasme » (pp. 243/245) : trouble de l'orgasme (auparavant inhibition de l'orgasme) chez l'homme et la femme

- les « Troubles sexuels avec douleur » (pp. 245/247) : dyspareunie et vaginisme (non-dus à une affection médicale générale)

- les « Dysfonctions sexuelles dues à... (indiquer l'affection médicale générale) » (pp. 247/249)

- les « Dysfonctions sexuelles non spécifiées » (p. 251)

On voit combien les dysfonctions sexuelles désignent une altération ou une défaillance de la vie pulsionnelle (désir, excitation, orgasme, etc.). Cette catégorie semble comporter des troubles pouvant être l'objet d'une prise en charge médicale.

2.2.1.2.2. Les paraphilies

Dans la catégorie des « Paraphilies », il est énuméré dans le Mini DSM-IV-TR (2004, pp. 251/255) :

- l' « exhibitionnisme » (pp. 251/252)

- le « fétichisme » (p. 252)

- le « frotteurisme » (p. 252)

- la « pédophilie » (p. 253)

- le « masochisme sexuel » (pp. 253/254)

- le « sadisme sexuel » (p. 254)

- le « transvestisme fétichiste » (pp. 254/255)

- le « voyeurisme » (p. 255)

- la « Paraphilie non spécifiée » (p. 255)

La catégorie des paraphilies comporte donc des pratiques déviantes et des choix d'objets sexuels atypiques. Cette catégorie semble concerner des normes davantage socioculturelles, telles la maturité sexuelle du partenaire sexuel ou encore la symétrie des positions de chacun des partenaires durant le coït.

2.2.1.2.3. Les troubles de l'identité sexuelle

Dans la catégorie des « Troubles de l'identité sexuelle », il est énuméré dans le Mini DSM-IV-TR (2004, pp. 256/258) :

- les « Troubles de l'identité sexuelle » (pp. 256/257) : croyance ou désir d'appartenir à l'autre sexe, attirance homo ou bisexuelle, aucune attirance pour le sexe identique ou opposé, etc.

- les « Troubles de l'identité sexuelle non spécifiés » (p. 258) : affections intersexuelles, travestisme transitoire, préoccupation par la castration ou l'ablation du pénis, etc.

- les « Troubles sexuels non spécifiés » (p. 258) : sentiments d'inadéquation vis-à-vis de la performance sexuelle, représentations personnelles inadéquates des normes de masculinité et/ou de féminité, relations sexuelles répétitives, instrumentalisation des partenaires, etc.

Ainsi, cette catégorie semble nécessiter d'une prise en charge davantage psychologique que médicale dans le sens où elle semble concerner la représentation que le sujet se fait de lui-même au niveau sexué et sexuel.

2.2.1.2.4. Le fétichisme

A. « Présence de fantaisies imaginatives sexuellement excitantes, d'impulsions sexuelles, ou de comportements, survenant de faon répétée et intense, pendant une période d'au moins 6 mois, impliquant l'utilisation d'objets inanimés (p. ex., des sous-vêtements féminins).

B. Fantaisies, impulsions sexuelles, ou comportements sont à l'origine d'une souffrance cliniquement significative ou d'une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d'autres domaines importants.

C. Les objets fétiches ne se limitent pas à des articles vestimentaires féminins dans le travestisme (comme dans le Transvestisme fétichiste) ou à des instruments conçus à des fins de stimulation génitale (p. ex., un vibrateur) » (2004, p. 252)

Ainsi le fétichisme est défini par la présence d'une vie fantasmatique intense et atypique et par le recours à des objets atypiques pour assurer l'obtention de l'orgasme. Ces objets peuvent être autant des inanimés que des objets animés. Si nous nous référons à Von Krafft-Ebing (1950, p. 9), nous comprenons que le fétichisme dépasse certaines conceptions communément admises : « On admettait auparavant que le fétiche pathologique n'avait jamais une relation immédiate avec les organes sexuels proprement dits ; pourtant, il y a des exceptions à cela. Les seins de la femme peuvent parfois exciter l'intérêt exclusif du fétichiste (...). Plus fréquemment dans le sexe féminin, (...) les organes génitaux de l'home, surtout le pénis, dominent si fortement toute la vie sensible de la femme, que tout le reste se retire de l'arrière plan ».

Dans ce sens, le fétiche peut prendre la forme d'un objet inanimé (sous-vêtements, p. ex.) ou d'objet partiel animé (organes génitaux, chevelure, etc.). Freud S. (1927, pp. 132/138) sous-entend que le fétiche jouerait la même fonction qu'un souvenir écran. Si l'on se réfère à son oeuvre consacrée à l'étude du concept de souvenir, nous pouvons voir que finalement l'auteur voulait sans doute expliquer que le choix du fétiche est, dans une certaine mesure, déterminé ; déterminé par ce qui a été vécu durant la prime enfance. En effet, quoi de plus absurde, dirons-nous, que de prendre pour objet sexuel un sous-vêtement particulier, ou encore une partie définie du corps (chevelure), etc., comme objet sexuel ? Et bien Freud S. (1904, p. 302) explique souvent, « nous méconnaissons l'étendue du déterminisme auquel est soumise la vie psychique (...), il s'étend beaucoup plus loin que nous le soupçonnons ». Dans ce sens, Freud S. (1927, pp. 132/138) aurait sans doute voulu signifier que le fétiche, quelque soit le caractère absurde qu'on peut lui attribuer dans le sens commun, reste le témoin de quelque chose de plus signifiant. Finalement, pourrions-nous penser que le fétiche jouerait le même rôle que le symptôme : il viendrait signifier ce qui, à l'origine, se joue dans la structure pathologique du cas rencontré. Là où les critères diagnostiques peuvent être discutables, c'est concernant la souffrance cliniquement significative que Freud S. (1927, p. 133) ne conçoit pas ainsi : « Il est rare qu'on le ressente comme un symptôme douloureux ; la plupart de ses adeptes en sont très contents ou même se félicitent des facilités qu'il apporte à leur vie amoureuse ».

2.2.2. FETICHISME ET PSYCHANALYSE

2.2.2.1. LES LIENS PRÉCOCES : LA PREGENITALITE

2.2.2.1.1. Le stade oral et la perversion

Stärcke A. (1921) place le sein comme étant à l'origine de certains comportements pervers. Il rejoint à la fois Freud S. (1905) dans la mesure où la sexualité infantile détermine la recherche amoureuse adulte. En effet, une fixation de la pulsion sexuelle au stade oral serait à l'origine d'une forme de sadisme. « Je pense pouvoir établir des relations entre le sein et une perversion à l'origine incertaine le sadisme. (...)Plusieurs formes de sadisme découlent d'une même source. Si le baiser dérive de la succion, le plaisir sadique de la morsure peut avoir la même origine. (...) . Une étude plus approfondie de l'érotisme de succion montre qu'il peut se diviser en deux grands complexes, c'est-à-dire celui du mamelon, grâce auquel la zone buccale de l'enfant trouve sa gratification, et celui du sein, qui érotise sa petite main. Ce dernier complexe sein-main se retrouve dans la manie de la flagellation dont l'objet primaire, les fesses, rappelle ces deux autres hémisphères que sont les seins. (...) Je préfère voir dans ces connexions un reflet de l'amour infantile et du plaisir que le bébé éprouve à toucher de ses petites mains les premières et les plus importantes sources de la vie ».

Les conceptions de Freud S. (1905) et de Stärcke A. (1921) inspirent Laplanche J. (1987) qui propose une théorie de la séduction généralisée, fondée sur l'asymétrie structurelle de la dyade mère-bébé. Le nourrisson se situe dans l'attente de la satisfaction de ses besoins vitaux. En retour, il recevrait de la part de la mère des « signifiants énigmatiques » porteurs d'une dimension sexuelle inconsciente qui nécessitent, de la part du bébé, un travail de symbolisation nécessairement partiel. Citons le Bulletin de la Société psychanalytique de Montréal (1997) : « C'est à partir d'une analyse de l'activité de suçotement que Freud dégage cette notion d'étayage (...) qui va lui servir à définir ce qu'il entend par sexualité infantile. Il décrit l'étayage à l'occasion de l'émergence de la sexualité, en montrant comment elle s'étaye sur la fonction d'auto-conservation dont elle se rendra ensuite indépendante. L'étayage tel que Freud le décrit n'a donc rien à voir avec une quelconque relation interpersonnelle où l'infans s'appuierait sur la mère, il s'agit plutôt de l'articulation de la pulsion et de la fonction. Cette analyse permet à Laplanche de montrer "la fonction de dérivation du sexuel à partir du vital, de « l'adaptatif » ». Ainsi Laplanche va plus loin que Freud (1905) et reprend également ce que Stärcke A. (1921) présentait : ce que la mère transmettrait au bébé, ce serait surtout les traces inconscientes de sa propre sexualité infantile réactivée par celle de son bébé. A partir de cette théorie, on parle alors de « lait nutritif érotisé ».

2.2.2.1.2. La découverte de la différence anatomique des sexes et le fétichisme

Le stade phallique serait un stade important du développement puisqu'il permettrait à l'enfant de faire la différence anatomique des sexes qui repose sur le fait que les garçons sont pourvus d'un pénis, contrairement aux filles. Afin de s'expliquer cette différence anatomique, vont émerger des activités fantasmatiques dans la vie psychique de l'enfant : auparavant, la fille aurait été pourvue d'un pénis mais elle l'aurait alors désormais perdu, et ce, par châtiment infligé par les parents. Cette punition fantasmée amènerait ainsi le petit garçon à se sentir lui-même menacé par cette castration imaginaire. L'angoisse de castration génitale naîtrait donc à ce stade, mais Bergeret J. (2004, p. 21) veut parler aussi d'angoisse « de castration narcissique, prégénitale, phallique, développée par définition autour du phallus et de ce qu'il représente ». En effet, cet attribut corporel, le pénis, détiendrait une valeur symbolique, le phallus, dans la vie intrapsychique de l'enfant. Cette signification particulière du phallus permet à l'enfant de construire son identité sexuelle (tout objet possédant un pénis est un objet animé et sexué) et son identité narcissique (tout objet possédant un pénis est un objet doté d'une certaine supériorité sur celui n'en détenant pas). Ainsi, le pénis possèderait cette valeur de toute-puissance et, en étant menacé d'une castration génitale, le garçon se verrait en même temps menacé d'une castration phallique (la perte de son identité sexuelle et narcissique).

Freud S. (1927, p. 134) situe les origines du fétichisme au stade phallique : « L'enfant s'était refusé à prendre connaissance de la réalité de sa perception : la femme ne possède pas de pénis. Non, ce ne peut être vrai car si la femme est châtrée, une menace pèse sur la possession de son propre pénis à lui, ce contre quoi se hérisse ce morceau de narcissisme ». Dans ce sens, le fétichiste n'aurait pas pu, enfant, tolérer cette découverte de la différence des sexes car celle-ci vient marquer la contestation de la non-existence, donc du manque, de pénis chez la femme.

2.2.2.2. Le compromis : le substitut

2.2.2.2.1. Un conflit intra-psychique : tentative de résolution

Nous pouvons parler de réponse inadéquate en ce point : le fétiche court-circuiterait l'adaptation à la réalité. Freud S. (1927, p. 134) dit à ce propos que le fétiche ne serait pas le « substitut de n'importe quel pénis mais d'un certain pénis tout à fait particulier qui a une grande signification pour le début de l'enfance et disparaît ensuite. C'est-à-dire qu'il aurait dû être normalement abandonné mais que le fétiche est justement là pour le garantir contre la disparition ». Ceci vient donc signifier du caractère pathologique du fétiche. La Nouvelle Revue de Psychanalyse (1970, pp. 20/21) cite Freud S. (1927, p. 134/135) expliquant qu'« il n'est pas juste de dire que l'enfant ayant observé une femme a sauvé, sans la modifier, sa croyance que la femme a un phallus. Il a conservé cette croyance mais il l'a aussi abandonnée ; dans le conflit entre le poids de la perception non souhaitée et la force du contre-désir ». Cela sous-entend donc que le fétichiste aurait tenté de résoudre cette découverte si problématique et inacceptable pour lui via ce compromis entre l'effectif et son désir ; entre les exigences du Moi (principe de réalité) et celles du Ça (principe de plaisir). Dans ce sens, Freud S. (1927, p. 135) insiste sur le fait que « l'horreur de la castration s'est érigé un monument en créant ce substitut » et que le fétiche « demeure le signe d'un triomphe sur la menace de castration et une protection contre cette menace ». Le fétiche viendrait alors créer ce pénis nécessaire à son adepte pour lui permettre de supporter la réalité génitale féminine, mais en même temps, il permet au fétichiste de lui rappeler ce manque qu'il a réussi à dépassé en le comblant.

Le fétichiste ne renierait la réalité que partiellement, puisque par le fétiche il resterait conscient que ce pénis chez la femme n'existe pas. Mais le fétiche vient satisfaire le désir, celui de voir la femme pourvue de cet attribut corporel et de ce qu'il représente. La Nouvelle Revue de Psychanalyse (1970, p. 26) parle d'une réponse au conflit « par deux réactions opposées, (...). D'une part, à l'aide de mécanismes déterminés, il déroute la réalité et ne laisse rien interdire ; d'autre part, dans le même temps, il reconnaît le danger de la réalité, assume, sous forme d'un symptôme morbide, l'angoisse face à cette réalité (...). La pulsion peut conserver sa satisfaction ; quant à la réalité, le respect dû lui a été payé ». Ce mécanisme dont il est question ici est appelé par Freud S. (1927) le « clivage du Moi ». Une partie du Moi reconnaît la réalité et l'accepte, une autre reste ancrée dans l'illusion, le fantasme. Or, ce mécanisme ne permettrait pas une adaptation satisfaisante à la réalité. Car en effet, le Moi s'est ainsi déformé (il serait devenu clivé) et déformerait la perception du monde extérieur (le déni partiel). Cela ne pourrait, selon les spéculations psychanalytiques, qu'engendrer des conséquences dommageables sur la structure interne de tout individu réalisant ce type de compromis : « Le succès a été atteint au prix d'une déchirure ans le moi, déchirure qui ne guérira jamais plus, mais grandira avec le temps. Les deux réactions au conflit, réactions opposées, se maintiennent comme noyau d'un clivage du moi. (...) Cette fonction synthétique du moi, (...) se trouve soumise à toute une série de perturbations » (Nouvelle Revue de Psychanalyse, 1970, p. 26).

2.2.2.2.2. Compromis : bénéfices et pertes

La tentative de résolution de ce conflit Moi/Ça, provoqué par la découverte de la différence des sexes, viendrait compromettre la structure psychique du fétichiste. On pourrait penser qu'il y trouve certains bénéfices, comme celui de ne pas basculer vers l'homosexualité. En effet, l'intérêt particulier porté par lui sur le pénis et ce qu'il vient représenter fantasmatiquement, aurait pu amener le fétichiste à « l'inversion sexuelle », comme Freud S. (1905, pp. 49/52) définit l'homosexualité. En continuant à croire que a femme peut être dotée de ce pénis, le fétichiste la rend alors supportable pour lui en tant qu'objet sexuel avec lequel il pourra satisfaire ses pulsions sexuelles. Masud M. et Khan R. (1970, p. 70) : « On traite le fétiche exclusivement comme un objet ou un auxiliaire propre à procurer une gratification de type hétérosexuel et comme une défense contre la perversion proprement dite, en particulier contre l'homosexualité ». Mais si le fétichiste échappe à cette perversion, il entre dans un autre processus considéré comme pervers, le fétichisme, puisque celui-ci vient substituer le pénis et le phallus manquant à la femme devient une condition nécessaire pour obtenir l'orgasme sexuel : « Le cas pathologique se présente seulement lorsque l'aspiration [à la possession] du fétiche se détache d'une personne pour devenir l'unique objet sexuel » (Freud S., 1905, p. 63).

Enfin, là où le fétiche ne serait pas non plus un compromis permettant au Moi de s'épanouir correctement, est dans le fait que celui-ci court-circuite l'activité symbolique nécessaire au travail de deuil, de renoncement. Le fétiche viendrait donner la croyance du pouvoir sur le manque de pénis chez la femme. Parce que le fétiche viendrait remplacer cet attribut corporel manquant, alors il est question du concept de factice, concept duquel découle le terme « fétiche ». La Nouvelle Revue de Psychanalyse (1970, p. 66) se basent sur les travaux de C. Bak R. qui postulent que le Moi du fétichiste se voit affaibli par le clivage dont il est l'objet. De ce fait, il ne pourrait être capable de réaliser le travail de deuil nécessaire à l'acceptation du manque de pénis chez la femme : « Une faiblesse de la structure du moi, (...). Ainsi peut s'expliquer une angoisse de séparation excessive, se manifestant par un attachement accru, soit à la personne totale de la mère, soit à une partie de la mère (...) ». Ainsi, ce qui doit être élaboré, le manque, ne l'est pas puisque l'objet fétiche vise à éviter ce travail de deuil. Il substituerait, comblerait, laisserait dans l'illusion d'une fusion avec Autrui, mais ne viendrait en aucun cas résoudre cette lourde tâche de séparation et d'individuation. Le fétichiste trouverait donc le moyen de se détourner de cette phase importante du développement psycho-affectif, qui est celle de l'acceptation de la différence des sexes. Donc, le travail de tolérance de la frustration et de la capacité à rester seul serait court-circuitée, n'amenant pas le fétichiste à cette maturité affective nécessaire pour s'assumer en tant qu'être à part entière et indépendant affectivement, mais aussi, dans une certaine mesure, à accepter son orientation homosexuelle.

2.3. LA RELATION D'OBJET : ALCOOL ET FETICHE

2.3.1. LES RELATIONS D'OBJET : APPROCHE PSYCHANALYTIQUE

Laplanche J. et Pontalis J.B. (1967, p. 404) présentent le concept de relation d'objet de la manière suivante : « le mode de relation du sujet avec son monde, relation qui est le résultat complexe et total d'une certaine organisation de la personnalité, d'une appréhension plus ou moins fantasmatique des objets et de tels types de défense ». Le concept de relation d'objet désigne alors un interaction entre un individu donné e l'environnement dans lequel il évolue. Cette relation est présentée comme sensible à la vie subjective de cet individu, c'est à dire à son monde interne (personnalité, imaginaire et défenses, qui lui sont propres). Dans ce sens, ce concept renvoie à cette influence que le monde interne exerce sur ses objets externes.

2.3.1.1. Une « relation » ?

Laplanche J. et Pontalis J.B. (1967, p. 405) disent de cette relation qu'il « s'agit en fait d'une interrelation, c'est à dire non seulement de la façon dont le sujet se constitue ses objets, mais aussi de la façon dont ceux-ci modèlent son activité ». Nous parlions, plus haut, du rôle joué par la subjectivité du sujet dans cette interaction avec l'environnement. Mais parler d'interaction sous-entend que l'environnement joue lui aussi une certaine fonction, autant que la subjectivité en joue une. Donc, nous pourrions décrire ce processus interactionnel comme suit : l'objet extérieur, une fois perçu, est mis en pensée (mentalisé, psychisé ou encore élaboré) afin que le sujet puisse évaluer les qualités et défauts de cet objet en question. De cette façon, le sujet décide si cet objet est suffisamment « bon » pour lui ou non ; ce qui va déterminer son action (ou défense) en retour. Pensons ici à Klein M. (1934) qui décrit très bien ce processus chez l'enfant : sur la base de cette élaboration psychique, l'enfant va décider soit de mettre ce « bon » objet en lui (introjection) soit de rejeter ce « mauvais » objet en dehors de lui (projection). Donc, l'interaction dont il est question dans la définition des auteurs, est bien à comprendre comme étant une interrelation entre le monde interne singulier de tout individu et son environnement. Ce qui en résulte est une action réactionnelle spécifique en fonction de ce qui est considéré par l'individu comme étant introjectable et non introjectable. Ce concept de relation, on le comprend, dépasse les visées théoriques béhavioristes : le schéma pavlovien ou encore skinnerien « stimulus/réponse » renforce est ici mis hors de cause. La Psychanalyse prône l'importance de cette activité psychique que constitue l'élaboration psychique.

Faisons ici référence à De Mijolla A. & Shentoub S.A. (1973, pp. 300/301) qui nous expose les aspects économiques et dynamiques de l'alcoolisation transitoire : « L'alcoolisation transitoire est bien souvent le moyen que nous trouvons pour nous donner du coeur à l'ouvrage et nous aider à entreprendre une tâche estimée difficile». Le patient alcoolo dépendant perçoit le bénéfices que son toxique va lui apporter : celui-ci a un effet psycho stimulant et renarcissisant sur lui. Ainsi, l'objet alcool devient cet outil nécessaire pour affronter les objets internes (ressentis) et externes (environnement).

2.3.1.2. Un « objet » ?

Par le terme « objet », Laplanche J. et Pontalis J.B. (1967, pp. 404/405) entendent « une personne en tant qu'elle est visée par les pulsions (...) ; il n'y a rien là de péjoratif, rien de particulier qui implique que la qualité du sujet soit de ce fait refusée à la personne en question ». Est dit « objet » tout objet matériel mais également tout individu qui fait l'objet (le lieu) d'une pulsion. Il peut s'agir « d'une personne ou d'un objet partiel, d'un objet réel ou d'un objet fantasmatique » (Laplanche J. et Pontalis J.B., 1967, p. 290). Par « personne », on entend tout individu capable de penser et qui est singulier de par ses qualités et défauts propres ; on parle de sujet dans sa totalité. Par « objet partiel », on entend par exemple, le sein maternel, le boudin fécal, etc., c'est à dire d'un objet considéré que dans un seul aspect de son ensemble. Par « objet réel », on entend un objet existant de façon effective dans l'environnement : il est ainsi perceptible par Autrui. A l'inverse, un « objet fantasmé » n'existe que dans le monde imaginaire du sujet, ce qui le rend moins accessible et moins perceptible par Autrui.

Laplanche J. et Pontalis J.B. (1967, p. 405) se réfèrent à Freud S. qui présente l'objet sexuel comme étant « la personne qui exerce l'attirance sexuelle » et présente la but sexuel comme étant « l'action à laquelle pousse la pulsion sexuelle ». Dans ce sens, une personne dite « objet sexuel » est une personne comportant en elle des caractéristiques physiques et/ou psychiques attisant l'énergie sexuelle d'Autrui. Ainsi cette quantité d'énergie psychique (la libido) croît de façon tellement intense qu'elle appelle à la réalisation d'un but sexuel : la satisfaction d'une zone érogène ou génitale qui est jusque là chargée en libido. Parler d' « objet » pour un individu n'a donc rien de péjoratif, pour en revenir aux auteurs, puisqu'il ne s'agit pas, ici, d'une instrumentalisation de l'Autre : l'individu n'est pas manipulé, ni même utilisé, c'est à dire qu'il n'est pas réduit à un état inanimé. Si cela était le cas, comme nous l'expliquions pour le fétichisme, on parlerait de perversion sexuelle.

Laplanche J. et Pontalis J.B. (1967, pp. 404/405) poursuivent en montrant que le concept d'objet peut être abordé sous trois aspects principaux, du moins, si l'on se réfère à la Psychanalyse contemporaine : « A) En tant que corrélatif de la pulsion (...) ; B) En tant que corrélatif de l'amour (ou de la haine) (...) , C) (...) en tant que corrélatif du sujet percevant et connaissant ». Le troisième aspect nous intéresse moins car il s'ancre sur les théories de la philosophie et de la psychologie de la connaissance. Il est question ici de l'objectivité, c'est à dire ce qui s'offre avec des caractères fixes et permanents, indépendamment des désirs et des opinions des individus. Dans le premier aspect, l'objet est ce en quoi et par quoi la pulsion cherche à se voir satisfaite. La pulsion, au sens psychanalytique du terme, désigne un processus dynamique constitué d'une charge énergétique, d'un facteur de motricité, qui fait tendre l'organisme vers un but. Il s'agit donc d'une excitation à laquelle l'organisme est soumis et qu'il doit décharger, conformément au principe de constance. Principe redéfini par Laplanche J. et Pontalis J.B. (1967, p. 325) selon lequel l'appareil psychique tend à maintenir à un niveau aussi faible et constant que possible, la quantité d'excitation qu'il contient. Cette constance est obtenue par la décharge énergétique de cette quantité d'excitation déjà présente et par l'évitement de ce qui pourrait accroître la quantité d'excitation. Les auteurs poursuivent : « selon Freud, une pulsion a sa source dans une excitation corporelle (état de tension) ; son but est de supprimer l'état de tension qui règne à la source pulsionnelle ; c'est dans l'objet ou grâce à lui que la pulsion peut atteindre son but » (1965, p. 360). Donc, l'objet qui est corrélé à une pulsion renvoie au fait que celui-ci comporte des conditions nécessaires à la décharge énergétique d'une quantité importante d'excitation qu'il faisait jusqu'ici accroître chez l'Autre. Dans le second aspect, il s'agit de l'objet corrélé aux affects tant tendres (amour) qu'hostiles (haine). Laplanche J. et Pontalis J.B. (1967, p. 12) définissent l'affect comme suit : « l'affect est l'expression qualitative de la quantité d'énergie pulsionnelle et de ses variations ». L'objet corrélé à l'énergie libidinale, il amène le sujet à se charger en énergies positives et/ou négatives ; ce qui conditionne la tonalité affective et émotionnelle de la relation entre le sujet et son environnement.

2.3.2. PERTE D'OBJET ET SÉPARATION : APPROCHE PSYCHANALYTIQUE

2.3.2.1. Les liens précoces

Weil-Barais A. et Cupa D. (1999, p. 112) décrivent la manière dont se construit la capacité de solitude et de séparation comme suit : « c'est dans la qualité de l'accompagnement que se construit l'autonomie. La possibilité pour le petit enfant d'être séparé momentanément des personnes auxquelles il est attaché, sans qu'il éprouve un effondrement psychique, est le témoignage d'une « base de sécurité suffisante ». Les premières expériences de socialisation, notamment l'entrée à l'école maternelle, éprouvent la plasticité des liens établis entre l'enfant et ses objets d'attachement, en particulier la mère ou son substitut ». On comprend ainsi que la capacité d'appréhender la solitude et la séparation dépend des liens tissés avec l'objet d'amour maternel durant l'enfance. Winnicott D.W. (1958/1971) met en exergue l'importance des premières relations mère-bébé dans le bon développement psycho-affectif de l'enfant.

Pour comprendre ce que cet auteur entend par là, revenons à Freud S. (1905) qui expose le concept de relation d'objet partiel : l'enfant, durant tous premiers mois de son existence, vit dans le prolongement du corps maternel. L'expérience sensorielle entretenue avec le sein maternel possède une importance particulière : si le bébé s'agrippe à cet objet, c'est parce qu'il lui permet de trouver une certaine consistance, ou unité, à la fois physique et psychique. La mère apporterait à son enfant le sentiment d'exister et d'être. Or, Winnicott D.W. (1958) explique qu'une rupture de cette liaison sensorielle est vécue, par ce petit être encore peu mature, comme étant une véritable expérience de frustration et d'angoisse. Un décrochage du sein maternel trop frustre et réitéré dans le temps ou encore un ratage de maternage (« holding » ou encore « mothering ») seraient alors des situations véritablement anxiogènes et dépressiogènes dans la mesure où l'enfant se verrait arraché du seul objet lui permettant de subsister en tant qu'unité. Ceci provoquerait non seulement une déchirure interne mais également un véritable éparpillement psychique et physique. On parle ici d'angoisse de morcellement, ou plus précisément « les agonies primitives », pour parler comme Winnicott D.W. (1958), contre laquelle l'enfant cherchera à lutter par des stratégies d'adaptation aux exigences à Autrui. Winnicott D.W. (1958) parle de « contrat narcissique » ou encore de « Faux Self » : l'enfant adopte une conduite labile et suggestible en négligeant et en sacrifiant une partie de son Moi au service du lien à Autrui. On comprend bien, dès lors, combien les liens précoces tissés avec la mère sont importants. Winnicott D.W. (1958) présente le concept de « mère suffisamment bonne », c'est-à-dire d'un objet d'amour maternel capable de répondre aux besoins de son nourrisson et ce, dans un lapse de temps supportable pour lui. Le cas inverse, l'enfant se verra blessé narcissiquement et plongé dans une angoisse liée à cette perte et cette séparation brutales. Weil-Barais A. et Cupa D. (1999, p. 112) reprennent cette idée : «  « la bonne mère » que l'on garde en Soi « autorise la mise entre parenthèses, sans risque de la perdre, pour jouir de la solitude » (Winnicott, La capacité d'être seul) ».

Les liens précoces sont associés au concept d' « infantile ». Il est vrai que ceux-ci se tissent durant l'enfance. Ils sont d'ailleurs associés aux premières relations objectales. Cependant, il est indéniable qu'ils marquent d'une empreinte atemporelle et indélébile le psychisme de tout sujet. Weil-Barais A. et Cupa D. (1999, p. 113) d'une « intériorisation progressive d'une image maternelle suffisamment sécurisante. (...) Ceci suppose que l'enfant puisse être séparé physiquement de ses parents, c'est-à-dire qu'il ait une confiance de base en lui-même suffisante pour savoir qu'il peut faire cesser cette solitude lorsqu'elle devient lourde à supporter (...). Certains enfants, selon le mode de garde antérieur, notamment, éprouvent, lorsqu'ils arrivent à l'école, non pas un vécu de séparation, mais de perte ». Mais au-delà d'avoir une répercussion sur l'évolution durant l'enfance, cette qualité intériorisation d'une image maternelle sécurisante joue également à l'âge adulte. Pensons ici aux situations thérapeutiques où le patient rejoue avec son thérapeute ce qui lui reste de ces liens précoces aux objets d'amour primaires (situation transférentielle). Au long du chemin de vie, tout sujet est ainsi amené à rejouer, dans la relation à l'Autre, ce qu'il lui reste de son enfance. Les premières interactions mère-bébé sont donc d'autant plus importantes qu'elles déterminent et conditionnent les interactions sociales ultérieures.

2.3.2.2. L'activité symbolique

Weil-Barais A. et Cupa D. (1999, p. 113) affirment que « l'activité symbolique implique la possibilité de se représenter un objet absent (...). L'enfant ne peut y avoir accès que lorsqu'il a acquis une représentation claire de lui-même et de l'objet d'amour privilégié comme différent, séparé de lui, et existant même lorsqu'il ne le perçoit pas directement. Mais il faut aussi qu'il puisse supporter l'absence de cet objet d'amour sans que sa continuité narcissique soit mise en cause, sans qu'il se sente "détruit" par cette absence, vécue comme une perte ». Ainsi, pour que l'absence de l'objet aimé ne soit pas source d'angoisse, c'est-à-dire acceptable pour le Moi, il faut que l'enfant soit apte à se « représenter » celle-ci. Dans ce sens, la figuration, ou la symbolisation, est primordiale puisque cette activité particulière de l'acte de penser permet de « mettre en sens ».

Bion W.R. (années 1960) souligne à ce propos l'importance de l'adulte, notamment de la mère ou son substitut. L'enfant, peu mature au niveau de la capacité à penser à proprement parler, nécessite de la présence d'une tierce personne davantage douée de cette capacité de figuration. Il lui faut en effet pouvoir remettre à cette mère ce qui semble angoissant dans les explorations de l'environnement. La mère, si elle est « suffisamment bonne » au sens de Winnicott D.W. (1958/1971), sera en mesure d'identifier les éléments angoissants présents dans le vécu de son enfant. De ce fait, elle met en elle-même (introjecte) ces données et les met en pensée. Elle élabore un travail psychique, celui justement que son bébé ne parvient pas à réaliser encore de par sa maturité psychique : elle met en sens, elle symbolise, les éléments angoissants. Une fois traités et symbolisés, la mère retourne ceux-ci à son enfant (elle les projette en lui) sous une forme moins angoissante, puisque mis en sens. Ce processus de transformation des éléments angoissants (données â) en éléments plus acceptables (données á) via le mécanisme d'identification projective, c'est ce que Bion W.R. ( ) nomme « la capacité de rêverie de la mère ».

Dans ce sens, parvenir à se représenter l'absence d'un objet, sans la ressentir comme étant une perte, est une tâche que l'enfant ne parviendrait pas vraiment à réaliser seul : il lui faudrait une tierce personne. Bion W.R. parle de la mère, mais Weil-Barais A. et Cupa D. (1999, p. 113) parlent du corps enseignant : « il convient alors que l'équipe enseignante puisse les aider à élaborer ce sentiment de séparation, afin que l'école puisse être perçue comme un lieu d'investissement possible agréable, parce qu'intermédiaire ». Quelque soit cette tierce personne, il faut donc qu'elle soit en mesure de réaliser un travail que l'enfant ne peut apparemment pas faire de lui-même. Cependant, Winnicott D.W. (1971) montre que cette tierce personne n'est pas essentiellement un objet animé, une mère ou un intermédiaire. En effet, il parle « d'espace potentiel » ou encore « d'objet transitionnel » au sens large du terme. Citons Weil-Barais A. et Cupa D. (1999, p. 112) qui résument le point de vue de ce psychanalyste contemporain : « cette activité [symbolique] est facilitée par des phénomènes transitionnels. Winnicott remarque que (...) la tâche de l'enfant est facilitée lorsqu'il a à sa disposition quelque chose à propos de quoi ne se pose pas la question de savoir si elle fait partie de lui ou si elle appartient au monde extérieur. Il s'agit de « l'objet transitionnel » (...), objet auquel le petit enfant s'attache particulièrement (...). [Il] est à la fois "une partie presque inséparable de l'enfant", mais aussi « la première possession de quelque chose qui n'est pas à [lui] ». (...) Un début de symbolisation ».

Cette relation dyadique peut alors être mise en place autant avec un objet animé qu'avec un objet inanimé, mais le plus important reste la mise en place d'une relation à la fois interactionnelle et asymétrique : le tiers doit apporter ce qu'on ne possède pas encore. Ces tiers sont essentiels pour l'acquisition de la capacité à subsister correctement en l'absence de l'Autre et sans éprouver des sentiments relatifs à la menace ou encore à l'angoisse. Si cette capacité s'acquière au cours de l'enfance, nous montrions plus haut que ce qui s'installe durant l'enfance détermine et conditionne les expériences ultérieures. Ainsi, "la capacité de rêverie" ou encore « l'objet transitionnel » seront recherchés sans cesse tout au long du chemin de vie. Weil-Barais A. et Cupa D. (1999, p. 112) disent à ce propos : « ces activités transitionnelles (...) se poursuivront dans la vie adulte par le plaisir dans la poésie, musique ou toute activité culturelle se situant à mi-chemin entre la réalité interne et le monde extérieur ».

2.4. L'ANGOISSE DANS L'ALCOOLISME ET LE FETICHISME

2.4.1. L'angoisse au sens psychanalytique

Laplanche J. (1980, p. 7) reprend la théorie Freudienne pour définir cela : « une conclusion provisoire de ce chemin était que l'angoisse peut être définie; dans une certaine optique, comme la façon subjective d'appréhender une certaine modalité de l'attaque interne de l'individu par sa propre pulsion ». Dans ce sens, l'angoisse semble dépendre de l'éprouvé interne du sujet. Ce qui est source d'angoisse pour une personne ne le sera pas forcément pour une autre : c'est donc la perception (interne) du danger extérieur réel mais aussi du danger de la pulsion de mort (interne). C'est parce que le sujet élabore le danger d'une situation externe et au sein même de son monde interne (pouvant mener son organisme à l'autodestruction et à l'état anorganique), qu'il se sent menacé de l'intérieur et de l'extérieur. L'angoisse est définie par Laplanche J. et Pontalis J.B. (1967, p. 28) comme étant relative à un sujet « soumis à un afflux d'excitations, d'origine externe ou interne, qu'il est incapable de maîtriser ». Par cette notion d' « afflux d'excitations », nous comprenons le rôle des pulsions. Quelque soit la source interne ou externe de cette quantité d'excitations, on voit combien l'activité d'élaboration psychique est importante. En effet, c'est parce que le sujet se représente ces excitations comme étant trop intenses qu'elles lui deviennent intolérables, et donc, source d'éprouvés internes désagréables.

Nous parlions plus haut du principe de constance, principe visant à réduire la quantité d'excitations présente au sein de l'appareil psychique et de l'organisme. Ici, nous pourrions dire qu'il s'agirait d'une menace de ce processus : ce système d'autorégulation interne se verrait dans l'incapacité de maintenir à un niveau aussi bas et constant que possible cette menace interne. Donc, en bref, nous pourrions penser que l'angoisse serait le résultat d'une tension libidinale accumulée et non déchargée. Et puisque le principe échoue là où il devrait réussir, des défenses psychiques vont se mettre en place chez et par le sujet.

2.4.2. L'angoisse de castration : intolérance du manque

2.4.2.1. Le monisme sexuel

Bergeret J. (2004, p. 19) explique que l'angoisse de castration trouve son origine au stade phallique ; troisième phase du développement psycho-sexuel par laquelle passe l'enfant. Vers sa quatrième année, « il n'y a pour l'enfant qu'un seul sexe, celui qui est représenté par les êtres pourvus d'un pénis (...). L'enfant va petit à petit prendre conscience de la réalité anatomique du pénis ; et commencer à se poser des questions sur l'existence ou la non- existence de cet attribut corporel chez lui ou chez les autres ». Ainsi, l'angoisse de castration trouve son origine dans ce que l'on nomme le « monisme sexuel » : les êtres étant dotés d'un pénis sont des êtres animés et sexués. L'angoisse de castration trouve son origine au stade phallique, phase du développement psycho-sexuel durant laquelle l'enfant se questionne sur les organes génitaux et leurs fonctions. L'enfant cherche alors des explications sur la différence anatomique des sexes qu'il découvre, ce qui l'amène à fantasmer. De cette fantasmatisation naît un autre concept important : le phallus.

2.4.2.2. Angoisse de castration phallique

Bergeret J. (2004, p. 21) dit « qu'il importe d'être ici très rigoureux et précis : le pénis est l'organe mâle dans sa réalité anatomique, alors que le phallus souligne la fonction symbolique ». Ainsi, il est nécessaire de distinguer ce qui appartient au corps (le pénis) et ce qui constitue une représentation de cet organe corporel (le phallus). « Du fait, donc, de se savoir possesseur d'un pénis qui manque aux filles, le garçon surinvestit ce pénis : (...) symbole de valorisation narcissique de Soi. (...) On dit alors que le garçon s'est identifié à son pénis » (Bergeret J. 2004, p. 22). Le garçon crée alors son estime de lui-même sur la base d'une constatation perceptive : il possède quelque chose que la fille n'a pas. De là, naît un sentiment de toute-puissance. Mais celui-ci est rapidement rattrapé par une crainte, une angoisse : on pourrait causer du tort ou quelque dommage à son pénis. En effet, dans son imaginaire, il « attribue le manque féminin [de pénis], non à une condition fondamentale, mais à une mutilation subie, comme sanction imaginaire, infligée par les parents pour punir certains désirs (...) qu'il ressent lui-même comme interdits » (Bergeret J. 2004, p. 22).

La curiosité sexuelle amène à prendre conscience de la différence des sexes. Mais cette découverte est traumatique pour l'enfant : tout être n'étant pas pourvu de pénis a été castré volontairement par les parents. De cette fantasmatisation naît donc l'angoisse de castration. Bergeret J. (2004, p. 21) distingue deux formes d'angoisse de castration selon le stade de développement psycho-sexuel dans lequel elle s'exprime. Il parle en effet « d'une angoisse de castration narcissique, prégénitale et phallique, développée par définition autour du phallus et de ce qu'il représente (...) ; une angoisse de castration génitale, oedipienne (...), où cette fois c'est le pénis qui est en cause, organe apte à procurer du plaisir (à soi-même et à l'autre) ». Ainsi, l'angoisse de castration trouverait son origine dans l'appréhension de perdre un attribut corporel.

Or, pour Bailly D. (2004, pp. 70/71), l'angoisse de castration et l'angoisse de séparation sont en effet liées : « Freud développe l'idée que si les dangers varient aux différentes époques de la vie, ils impliquent tous une séparation ou une perte. L'angoisse de séparation doit être considérée comme la toile de fond de toutes les angoisses ultérieures. (...) La castration de la phase phallique peut être aussi comprise comme une séparation, "séparation de l'organe génital", hautement investi narcissiquement ». Toute situation traumatique est répétée dans le temps : c'est une façon de trouver une restriction de l'angoisse relative à celle-ci. Face à ce trauma, les patients alcooliques et fétichistes semblent avoir trouvé une possibilité de dégagement via leurs objets d'addiction.

2.4.2.3. Alcoolisme, fétichisme et angoisse de castration

Selon Jeammet P (2005), quelque soit l'addiction concernée, il y a originairement un défaut d'intériorisation des figures parentales. Il rejoint donc ce que nous avancions plus haut. Cependant, Jeammet P. (2005) va plus loin en introduisant le concept du narcissisme. Si l'identité ne parvient pas à se bâtir correctement, c'est bien parce que l'estime de Soi n'a pu trouver des « Assises Narcissiques » satisfaisantes (Bergeret, 2004). Citons Jeammet P. (2005, p. 49) : « la référence au fonctionnement mental permet d'inférer des failles dans des processus précoces d'intériorisation et du narcissisme. L'aménagement psychique de celles-ci se fait de façon manifeste par des modes opposés pour chaque cas, mais avec en commun le fait que les objets d'attachement de la réalité servent à contre-investir une réalité interne anxiogène. Ainsi (...) la dépendance peut-être décrite comme l'utilisation à des fins défensives (...) comme un contre-investissement d'une réalité psychique interne défaillante ou menaçante ». Pour lui, il y a donc bien un défaut d'intériorisation : les personnes ne possédant pas une réalité interne suffisamment sécurisante sont celles vouées à devenir plus tard des personnes dépendantes à un objet. Jeammet et Corcos (2001) soutiennent en effet que « les sujets dépendants ne disposent pas, pour de multiples raisons, de cette base suffisamment sécurisante au niveau de leur réalité interne ». Ainsi, on peut comprendre l'importance d'une relation dite « secure » avec l'environnement : plus la dimension relationnelle se perd, plus il y aurait recours à un investissement supplétif se réalisant via le corps, et ce, de manière mécanique et désaffectivisée. Bergeret J. (2004) soutient que la violence que l'enfant projette sur la réalité externe est proportionnelle à la violence fantasmée de la scène primitive : plus la scène originaire est fantasmée comme étant chargée de sadisme entre les deux partenaires, plus l'enfant projettera de l'agressivité dans son environnement. De la même façon, Jeammet P. (2005, p. 50) avance l'hypothèse que « la violence de cet investissement et son caractère destructeur [sur le corps] sont proportionnels à la perte de la qualité relationnelle du lien [à l'environnement] ».

Une conduite addictive (l'alcoolisme) ou encore perverse (fétichiste) peut être considérée comme la recherche d'un soutien extérieur face à cette faible estime de Soi, face à cette défaillance narcissique. Ce serait une façon de retrouver un équilibre interne, impossible à atteindre autrement. Jeammet P. (2005, pp. 53/54) parle d'une nécessaire « sauvegarde de l'identité ». Tout se passe comme si, ce qui est difficilement vécu à l'intérieur de Soi, était projeté au dehors de ce corps : « ce nouvel équilibre est le résultat d'un mouvement en miroir de renversement en son contraire - de bascule du dedans au dehors ». L'objet alcool est un représentant d'un déséquilibre narcissique interne. L'objet fétiche est un représentant du manque de pénis chez la femme, vécu de façon insupportable pour le fétichiste. Fétichiste et alcoolique vont ainsi agir sur leurs objets extérieurs (fétiche et alcool) comme ils auraient voulu pouvoir le faire dans leur monde interne.

Les patients alcooliques et fétichistes vont ainsi chercher à se venger, « un triomphe maniaque », comme diraient Freud S. (1927) et, plus tard, De Mijolla A. et Shentoub S.A. (1981). En effet, ils vont se venger contre leur souffrance interne en faisant subir à l'objet choisi ce qu'ils ont vécu, ou vivent encore, eux-mêmes psychiquement. Jeammet P. (2005, pp 53/54) dit que « le sujet fait vivre à l'objet visé par le comportement ce qu'il a pu avoir le sentiment d'avoir subi dans son enfance et de continuer subir [à l'intérieur de Soi] ». C'est ainsi que l'on peut parler de sadisme envers l'objet extérieur choisi. Les patients trouvent une économie dans cette logique défensive : au lieu de réaliser un travail interne, psychiquement plus élaboré via des mécanismes défensifs recherchés, tel le refoulement, ils ont recours au déplacement. Le mal être interne va être projeté au dehors de Soi pour pouvoir le traiter à l'extérieur du psychisme et du corps propres.

Jeammet P. (2005, p. 54) poursuit en notant que « le sujet peut aisément ignorer ainsi la nature de ce lien et développer au contraire le fantasme d'une maîtrise de ce néo-objet qu'est le comportement, alors qu'en fait il est devenu un objet de dépendance de type toxicomaniaque ». En effet, à force de reproduire ce schéma économique, les patients sombrent dans un comportement addictif. Ils deviennent non seulement dépendants des bénéfices apportés par l'objet (restreindre l'angoisse), mais également dépendants de l'objet lui-même (dépendance physique). Cette dépendance « au rôle fonctionnel et économique » de l'objet constitue une relation perverse. Jeammet P. (2005, p. 54) dit à ce propos : « la dimension perverse est essentiellement celle qui régit le comportement lui-même et l'utilisation que le sujet fait de ce comportement à des fins de substitut relationnel (...) : être un des supports du sentiment de continuité du sujet garant de son identité ». Ainsi, on reconnaît dans l'alcoolisme une orientation perverse : l'objet est utilisé et instrumentalisé pour tirer un certain profit, au-delà de celui du plaisir physiologique et gustatif. Il s'agit davantage de trouver en lui une forme d'assurance et de confiance en Soi. L'objet alcool est donc le moyen par lequel le malade alcoolique pourra réinstaurer une bonne estime de Soi-même et renchérir son narcissisme. Les patients alcooliques soutiennent souvent, en effet, que l'alcool est une béquille, le moyen par lequel ils peuvent trouver suffisamment d'assurance afin d'affronter la réalité interne et externe.

L'objet alcool et l'objet fétiche ne seraient pas investis pour permettre la mise en place d'une relation d'échange : ils sont choisis pour procurer un sentiment de protection. Jeammet P. (2005, p. 54) dit à ce propos qu' « il y a en effet un déni total de l'altérité de l'objet qui est investi non pas à des fins d'échange, mais uniquement comme protection contre une perte possible (...). Il est nécessaire au maintien de la cohésion du Moi mais n'a pas d'autre fonction que celle-ci. L'aménagement pervers sauvegarde en effet le lien objectal mais en le réduisant à un lien de contact, en surface, qui évite les dangers de l'intériorisation comme ceux de la perte, offrant par l'emprise qu'il autorise un contrepoids efficace à la destructivité. La contrepartie c'est que la source d'excitation demeure elle aussi externe et doit ans cesse être renouvelée ». Dans ce sens, l'alcoolique et le fétichiste gagnent en travail d'élaboration psychique. Au lieu, en effet, de traiter l'information insupportable qui est en Soi, il déplace celle-ci à l'extérieur. Le mécanisme utilisé par les névroses, le refoulement, semble trop difficile car il est demandeur d'un travail coûteux en formations réactionnelles. C'est ainsi qu'ils vont avoir recours à des mécanismes plus « archaïques » : la projection (Klein M., 1934) par laquelle les patients vont placer l'insupportable dans les objets choisis. Le lien entretenu dans la réalité avec ces objets porteurs de la souffrance interne va rester localisé dehors, dans l'objet externe. En manipulant l'alcool ou le fétiche, ils vont en même temps manipuler leur mal-être interne projeté hors de Soi.

CHAPITRE 3 : METHODOLOGIE

3.1 METHODOLOGIE DU RECUEIL DE DONNEES

3.1.1. Choix de la méthode qualitative

Soumettre une passation de tests, échelles, etc., à un patient sous-entend que le clinicien lui suggère un thème particulier sur lequel il doit projeter son monde interne. Cette démarche m'apparaît comme étant un biais sur la spontanéité et l'authenticité du patient : « Le patient qui accepte de participer à une recherche peut être plus impliqué que nous le pensons : les phénomènes de suggestibilité, de majoration des résultats, de recherche de « désirabilité », peuvent avoir un effet et concourir au maintien ou à l'extension d'une symptomatologie faisant l'objet d'une recherche ou interagissant avec son objet » (Pédinielli J.L., 2005, p. 118). Ainsi, la clinique « armée » me semble trop peu appropriée pour atteindre mon objectif principal.

Mon but n'est pas l'objectivation et la recherche de la validité d'un résultat obtenu par le suivi rigoureux d'un protocole. Au contraire, j'aspire à me rapprocher autant que possible de la subjectivité et de la singularité du patient. Et il me semble que la clinique « à mains nues » est adaptée, puisqu'elle consiste à recueillir un faisceau d'éléments permettant l'étude de la dynamique, de la genèse et de la totalité de l'individu. Il ne s'agit donc en aucun cas d'une recherche expérimentale, au protocole rigidement construit dans le but d'obtenir un résultat valide, mais d'une recherche planifiée et non-objectivante.

3.1.2. Technique de recueil : l'entretien clinique

3.1.2.1. Types d'entretiens : semi-directivité et non-directivité

Recueil d'informations générales sur les patients : orientation semi-directive

Afin d'obtenir une vue d'ensemble sur le patient dès le début du suivi, j'opte pour un entretien structuré sur un mode semi-directif. Cette vue d'ensemble me paraît essentielle pour l'orientation du suivi psychothérapeutique que je vise lors de mes entretiens. Les données émanant de cette première phase permettent de structurer la présentation globale du cas et de saisir la demande de celui-ci, demande importante pour déterminer le suivi du patient. Etablir une liste préalable de thèmes devant être abordés par les patients devient alors importante et nécessaire pour mener à bien les entretiens d'entrée.

Je résumerai cette liste sous la forme d'un tableau et j'illustrerai par des exemples d'interventions de ma part, sachant que celles-ci sont variables et modifiables en fonction du climat de confiance établi durant l'entretien et les résistances du patient.

Thème

Intervention

Motivations

Qu'est-ce qui vous amené à réaliser cette cure ?

Circonstances de l'hospitalisation

Qui a été à l'initiative de cette hospitalisation ?

Qui a demandé cette hospitalisation ?

Durée du trouble addictif

Depuis combien de temps pensez-vous être concerné par ce problème d'alcool ?

Organisation du trouble dans le quotidien

Pouvez-vous me décrire votre consommation d'alcool (durée, fréquence, etc.) ?

Théorie personnelle du patient concernant son trouble

Comment avez-vous compris que votre consommation d'alcool est pathologique ?

Quel est, selon vous, la nature de votre dépendance (physique, psychologique, etc.) ?

Avec quoi mettez-vous en lien votre consommation régulière d'alcool ?

Antécédents psychiatriques, familiaux, sociaux, etc.

S'agit-il de votre première cure ou tentative de sevrage ?

D'autres personnes (amis, famille, par exemple) sont-elles concernées par un problème d'alcool ?

Situation actuelle

Où en êtes-vous aujourd'hui, dans votre vie (affective, professionnelle, sociale, médicale, etc.) ?

Appréhension du regard d'Autrui

Votre entourage est-il informé de votre hospitalisation ?

Que pensez-vous du regard des autres sur votre consommation ?

Demande et attentes

Qu'attendez-vous de cette cure et du suivi qui vous est proposé ?

Recueil d'informations singulières sur les patients : orientation non-directive

Comme je l'expliquais plus haut, mon objectif est de me rapprocher tant que possible se peut de la singularité du patient. Pour cela, il me semble nécessaire d'être au plus proche de la spontanéité et de l'authenticité de ce dernier. Le climat de confiance présente alors une importance particulière, d'autant plus qu'il est le principe fondamental de l'orientation non-directive d'un entretien clinique.

De cette manière, j'ai été amenée à réfléchir longuement sur les attitudes étant les plus favorables à l'introduction de ce climat ; réflexion orientée par la définition de Abric J.C. (2004, p. 44) : « Fondamentalement, la non-directivité repose sur l'instauration d'un climat particulier à quatre dimensions : acceptation inconditionnelle de l'autre, neutralité bienveillante, authenticité et empathie ». Devant accueillir le discours du patient dans sa totalité, je dois accepter de n'émettre aucun jugement de valeur sur ce que le patient exprime et n'exprime pas. Une activité d'écoute active est également essentielle pour témoigner au patient mon intérêt désintéressé que je lui porte. Le soutien empathique prend donc ici toute sa valeur puisque mes interventions verbales et non-verbales permettront de manifester ma présence attentive et active et permettront également d'amener le patient à enrichir son élaboration discursive.

3.1.2.2. Apports psychanalytiques dans l'entretien avec un patient alcoolique

Sensation de paralysie psychique

Comme le souligne Descombey J.P. (2005, pp. 50/59), les patients communiquent au clinicien l'impression d'une « stagnation de tout processus psychique, d'immobilisation, de mort interne, qui passe du discours du patient au ressenti de l'analyste en perte de vitalité et atteint dans son narcissisme de thérapeute qui ressent douloureusement une perte de la capacité-même à associer ». Axée sur le discours du patient, il a été parfois difficile d'en saisir le sens in vivo. L'attention flottante n'a pas été une attitude rare de ma part face au processus alexithymique, ni même le sentiment d'ennui face à des discours souvent emplis de banalités, d'éléments factuels semblant dénués de signification et d'affect. Prendre du recul en me positionnant dans une reprise après-coup de ce qui a été recueilli est resté la meilleure stratégie pour que je parvienne à trouver une quelconque signification au matériel verbal et non-verbal. Garder en conscience que, derrière cette apparente banalité, se cache un matériel riche pour accéder à l'organisation psychopathologique du patient, est resté mon outil principal pour lutter contre ces phénomènes d'attention flottante et d'ennui.

Acceptation inconditionnelle de l'autre : les silences

L'orientation non-directive d'un entretien sous-entend que le clinicien accepte ce que le patient lui dit, mais aussi et surtout, ce qu'il ne lui dit pas (les silences). Cette tâche n'a pas toujours été chose aisée puisque certains silences, vides ou pleins, résonnait souvent, en ma propre personne, sous une forme négative : impression de vide intense. Sentiment massif d'angoisse, donc, émanant de ces silences et rendant ces moments potentiellement mortifères et traducteurs d'une détresse psychique liée à l'émergence accrue d'angoisses archaïques. Afin de lutter contre ce transfert diffracté, j'ai chaque fois tenté de prendre sur moi, en me convainquant moi-même que ces ruptures du processus discursif constituent un retour introspectif sur soi.

Acceptation inconditionnelle de la maladie alcoolique : les rechutes

Mes entretiens visant en premier lieu la clinique, mon objectif se centrait donc sur le soulagement du patient en souffrance et sur l'amélioration de son état. Or, un sentiment d'impuissance vis-à-vis de la maladie alcoolique persistait de façon omniprésente : quelque soit le suivi et les stratégies mises en place, la rechute était chose presque récurrente. Pour illustrer au mieux cette difficulté, je citerai Descombey J.P. (2005, pp. 50/59) : « Il [le thérapeute] souffre d'un sentiment d'incapacité à aider son patient à être « plus vivant ». Culpabilité, parfois même, de ne percevoir aucun progrès, aucun enrichissement dans le contenu des séances, (...). Au pire, c'est une impression d'impasse : faut-il vraiment continuer ? ». Faire le deuil de mes attentes (la guérison du patient et ma capacité à l'y amener) en acceptant les réalités du trouble addictif.

3.1.3. Réflexion sur l'éthique de la clinique

3.1.3.1. Ethique et recherche

Il m'apparaît nécessaire de réfléchir à l'éthique puisque je m'inscris dans la recherche sur le comportement humain et dans l'exercice professionnel du psychologue clinicien. En tant que chercheur, il m'a fallu accepter les enjeux de ma « contribution à l'amélioration de la condition humaine, individuelle et sociale ». C'est de cette acceptation des responsabilités que je devais endosser que j'ai veillé à adopter un comportement éthiquement, moralement et déontologiquement admis : consentement libre, éclairé et révocable du patient ; recherche intelligible par le patient et lui étant utile. En tant que praticienne en milieu clinique, au-delà de ma fonction thérapeutique, la protection du patient : le secret professionnel concernant l'intimité des patients. « Le respect de la personne humaine dans sa dimension psychique, (...) [est] un droit inaliénable », mais en même temps, il reste complexe. Ne pas bafouer ce point du code de déontologie, il me faut en effet veiller au « respect absolu de l'anonymat » afin qu'aucune identification directe ne soit possible. Cependant, le secret professionnel que j'ai pu partager avec la psychologue responsable de mon stage pratique va interférer sur l'anonymat des cas traités ici dans cette étude.

3.1.3.2. But des entretiens et du recueil de données

Entretiens cliniques et entretiens de recherche ne me paraissent pas incompatibles puisque tous deux visent l'instauration d'un cadre favorable à l'émergence de phénomènes inconscients. Là où clinique et recherche divergent, c'est dans le traitement des données : dans un objectif de recherche, l'analyse porte sur l'entretien clinique. Le recueil de données ne vise en aucun cas la satisfaction d'une curiosité personnelle sur un point particulier me concernant ou concernant un proche ni, non plus, de réduire mes patients à des objets d'étude. Je ma place dans l'objectif d'apporter un ensemble de connaissances et de produire un savoir « nouveau » avec un champ d'application (possible et limité).

3.1.4. Méthodologie du recueil de données concernant mes hypothèses de recherche

3.1.4.1. Données issues du patient

Le matériel sur lequel je me suis concentrée est le suivant :

- Récit d'évènements de vie (but : anamnèse)

- Ce que le patient dit de sa relation de dépendance (but : relation d'objet)

- Les bénéfices verbalisés par le patient concernant sa consommation (but : rôle de l'objet)

- Ce que le patient dit sur son état interne actuel, passé et futur (but : la nature des angoisses et dynamique intra-psychique)

3.1.4.2. Données issues des observations de l'équipe soignante et de mes propres observations

Les observations recueillies auprès de l'équipe soignante ont souvent été utiles pour orienter mon suivi. En fonction du dossier de suivi infirmier, psychiatrique et médical au sens large, j'ai pu trouver quelques pistes pour orienter mon appréhension du cas. Cependant, je préférais garder du recul par rapport à ces données, sachant que le point de vue subjectif et les réactions contre-transférentielles de chacun les déterminent beaucoup.

Ainsi, je ne garde ces éléments qu'à but informatif sur l'évolution du patient entre deux entretiens. Mes observations directes portent sur ce que le patient exprime et n'exprime pas : pourquoi, comment et dans quel but parle-t-il de cette chose en particulier ? Je reste également attentive à l'émergence des résistances durant les rencontres car elles constituent, selon moi, un matériel riche vis-à-vis de la nature des angoisses et des processus psycho-dynamiques en jeu. Portant mon regard clinique sur la problématique du vide et sur les angoisses liées aux menaces narcissiques, je cherche à repérer les éléments suivants :

- L'alcool en tant que substitut d'un objet absent

- La relation entretenue entre le patient et l'alcool en tant que possible reproduction d'un lien primordial rompu

- L'alcool en tant qu'objet de réparation narcissique

- La faille narcissique et le conflit topique à la source de l'angoisse

3.1.5. Biais méthodologiques

Absence de recueil in vivo des données

La psychologue référente de ma pratique clinique n'a autorisé ni prise de notes ni enregistrement vocal des entretiens, ce qui aurait pu facilité la retranscription exacte des données. L'absence de ces outils a joué favorablement dans la relation thérapeutique en elle-même, le climat de confiance ayant pu être protégé de cette façon. Cependant, elle a rendu la retranscription difficile car j'ai été contrainte à faire appel à ma mémoire à court et moyen termes. La restitution du matériel comporte donc certaines lacunes, oublis d'éléments renforcés par la sélection inconsciente des données durant le face à face.

Biais clinique de la recherche

Au fur et à mesure que se formulaient ma problématique et mes hypothèses, j'ai été confrontée au biais clinique de la recherche. J'ai conscience que mes observations directes et leur restitution sont orientées inconsciemment dans la direction de ma recherche. De plus, la problématique du vide comblé par l'alcool et l'apparition du trouble addictif chaque fois qu'il y a menace narcissique, restent deux axes-clé autour desquels le clinicien travaille déjà en entretien classique avec le patient alcoolique.

3.2. METHODOLOGIE DU TRAITEMENT DES DONNEES

3.2.1. Mise en forme sous trois colonnes

Il va de soi que le traitement des données recueillies dépend de ma manière de retranscrire ce que les patients ont exprimé durant les entretiens et ce qui s'est joué dans la relation intersubjective. Pour parvenir à produire des éléments intelligibles, il est nécessaire de se baser sur des faits bruts. J'utilise la technique de prise de notes proposée par Gimenez G., technique consistant à répartir les données en trois catégories : éléments verbaux et non-verbaux, réactions contre-transférentielles et hypothèses. J'ai pris l'initiative d'ajouter une quatrième colonne : les thématiques du discours. Quant à la relation intersubjective, je pense que mes retranscriptions d'entretiens en diront beaucoup par elles-mêmes. Ma prise de notes se réalisant dans l'après-coup, elle est donc modulée en fonction de mes sélections mnésiques et inconscientes.

Colonne 1 : matériel verbal / non-verbal

Les données verbales rassemblent les dires des patients, et les données non-verbales, les actes, les mimiques, les gestes, etc., de ces derniers. La mise en lien de ces deux types de matériel clinique permet de rendre compte de ce qui est observable, dans son ensemble, à un moment donné d'un entretien. Recueil du discours du patient dans sa totalité, donc, mais également du mien pour mettre en relief la dynamique de la rencontre intersubjective.

Colonne 2 : Réactions contre-transférentielles

La question du contre-transfert se pose dès lors que l'on parle d'entretien, qu'il soit clinique ou autre. Les réactions contre-transférentielles désignent les émotions, l'angoisse, les questionnements, etc., qui envahissent le clinicien durant son entretien avec un patient. Mes réactions sont retranscrites sous la forme la plus spontanée et authentique que possible afin de rendre compte de ce que j'ai pu renvoyer à certains patients à un moment donné d'une rencontre, et ce qui a déterminé mon rapport à ceux-ci.

Colonne 3 : hypothèses

Ici, il s'agit de problématiser ce qui émane des données recueillies et de mon ressenti par rapport à celles-ci. Cette colonne porte donc sur la mise en hypothèse d'éléments psychopathologiques, de processus psychiques et de sémiologie observable in vivo via mes observations ou celles de l'équipe soignante.

3.2.2. Procédure de dépouillement : le repérage psychopathologique à travers...

3.2.2.1. L'analyse thématique du discours

« L'analyse thématique est avant tout descriptive et peut-être associée à d'autres modes de dépouillement. Elle correspond à une complexification de la question simple : de quoi parle le sujet ? » (Pédinielli J.L., 2005, p. 115). Suite au découpage du matériel verbal / non-verbal en thèmes, je procède par une analyse des relations qu'ils entretiennent entre eux. Cette démarche me permet de mettre en lien la signification de ces données avec mes hypothèses de travail : la hantise du manque et le substitut ; la menace narcissique et le recours à l'alcool comme moyen défensif contre celle-ci.

3.2.2.2. L'anamnèse du patient et ses résistances actuelles

« L'anamnèse (...) permet le recueil des informations sur l'existence antérieure du patient » (Pédinielli J.L. & Fernandez L., 2005, p. 85). Ces données sont utiles pour obtenir une vue d'ensemble sur le cas mais également pour voir dans quelle mesure la situation actuelle du patient est ou non en lien avec certaines périodes de sa vie. De plus, en fonction de ce qu'il rapporte sur ses évènements de vie et sur la manière dont il pense les avoir vécu, les mécanismes défensifs observables et les thématiques récurrentes du discours émergeant en entretien peuvent prendre sens grâce aux données anamnéstiques. Ce matériel est recueilli tant in vivo durant les rencontres que par les dossiers de suivi des patients, que par les données rapportées par l'équipe soignante à ce sujet.

3.2.2.3. Transfert et contre-transfert

« Toute relation repose sur l'attribution à l'autre d'éléments de ce que l'on est, de ce que l'on a été, de ce que l'on voudrait être (et ne pas être)... mais aussi des propriétés, d'attributs qui peuvent refléter quelque chose du sujet » (Pédinielli J.L. & Fernandez L., 2005, p. 114). Il semble que l'entretien clinique prenne sa signification dans l'étude de ce que le patient déplace vers le thérapeute et vice versa. Ce matériel est riche en informations concernant la nature des relations d'objet entretenue par le patient avec son environnement et également concernant l'usage qu'il fait du monde extérieur pour lutter contre certaines de ses angoisses.

CHAPITRE 4 : MISE A L'EPREUVE DES HYPOTHESES

4.1. CRITERES DE MISE A L'EPREUVE

La méthode de traitement étant explicitée, il faut maintenant que je propose des critères qui se retrouveront ou non dans le produit du traitement des données, essentiels pour la mise à l'épreuve des hypothèses. J'ai choisi des critères permettant de repérer les mécanismes et processus en jeu dans mes hypothèses. Il faut par la suite observer leur présence ou leur absence dans le produit du traitement des données pour valiser ou invalider mes hypothèses. Je ne m'attacherai pas au nombre de critère mais bien plus à la qualité validante ou invalidante du critère.

4.1.1. Hypothèse 1

L'alcoolique est dans l'incapacité d'élaborer la perte d'un objet car celle-ci vient créer une frustration insupportable.

Deux niveaux de repérage me paraissent pertinents pour la mise à l'épreuve de cette hypothèse : la tolérance à la frustration (critère 1) et la capacité de deuil et de séparation (critère 2). Le premier critère permet de voir dans quelle mesure le patient est capable de tolérer une frustration (manque, jugement d'autrui, changement). L'analyse des mécanismes défensifs sera donc utile pour analyser l'agencement de la structure défensive vis-à-vis de cette frustration. Le second critère permet d'apprécier la capacité à élaborer la perte et la solitude. Mon regard se portera également sur les émotions ravivées lors de l'évocation des souvenirs liés à la problématique de la perte et de la solitude.

4.1.2. Hypothèse 2

L'alcoolique cherche à dénier la réalité d'une perte pour se protéger d'une angoisse de castration phallique.

Deux niveaux de repérage peuvent permettre la mise à l'épreuve de cette hypothèse : l'angoisse de castration phallique (critère 3) et le déni partiel (critère 4). Le critère 3 sera essentiellement axé sur l'analyse de l'OEdipe et des problématiques qui y sont liées. Ainsi, mon regard se portera sur le dépassement ou non, la résolution ou non, etc., de la problématique oedipienne et ses répercussions sur l'état actuel du patient. Le critère 4 va consister au repérage des bénéfices et pertes apportés par l'alcool au patient.

4.2. PRESENTATION DES PATIENTS

4.2.1. Mr B

Mr B, âgé de 42 ans, est adressé au service par son médecin généraliste. Il s'agit de sa première cure de sevrage alcoolique en milieu psychiatrique et hospitalier. Le patient semble en bonne santé. Cependant des examens médicaux approfondis révèlent l'existence de nombreuses fractures à la face causées par un grave accident de la route, dont il parle très peu. De plus, la Psychologue stagiaire du service met en évidence des troubles cognitifs, au vu des scores obtenus par le patient au test du T.M.T. : mémorisation à court terme et reconnaissance de lettres familières défaillantes. L'hypothèse d'une lésion cérébrale est dès lors posée par l'équipe soignante.

Mr B est maçon de profession depuis son arrivée en France (1989). D'origine Algérienne, il a longtemps vécu dans le Maghreb, où réside encore actuellement sa famille (parents et fratrie de six enfants dont il est l'aîné). Le climat familial est décrit comme perturbé par des violences conjugales au sein du couple parental. Le patient parle également de l'assassinat de son oncle, lorsqu'il était enfant, suite à l'enlèvement de ce dernier.

A sa majorité, Mr B réalise son service militaire dans le Maghreb, période de deux ans et six mois durant laquelle il découvrait les effets psychotropes et renarcissisants de l'alcool. Le patient décrit son trouble addictif comme étant un alcoolisme d'entraînement (contexte festif des week-ends). Cependant, il est noté dans son dossier d'entrée que son trouble addictif alcoolique serait apparu peu de temps après son arrivée en France (1993) : le patient aurait éprouvé des difficultés pour trouver un emploi et pour assumer l'éloignement familial. Ce point n'est pas abordé par le patient durant nos rencontres, tout comme son épisode dépressif majeur persistant durant deux ans (2002/2004) en réponse au conflit familial autour de son homosexualité notoire (pacsé durant dix ans).

Suite à une vaine tentative d'abstinence (février 2006), le patient a rechuté depuis quinze jours (fin mars 2006). Les derniers épisodes d'alcoolisation sont décrits comme aigus et accompagnés de troubles du comportement (passages à l'acte auto et hétéro agressifs). Cette agressivité inquiète le patient, certainement car il craint de ne ressembler à son propre père, lui-même alcoolique et violent.

Mr B veut retrouver une vie normale, c'est-à-dire un quotidien sans alcoolisation afin de mener à bien ses projets. En effet, le patient projette de construire sa propre famille, et c'est pourquoi aujourd'hui il est investi dans une relation hétérosexuelle.

Malgré le fait que le patient s'estime parfaitement guéri au bout de quinze jours de sevrage, il demande une prolongation de cure, au total, huit semaines. C'est ainsi que le patient semble peu à peu avoir pris conscience des réalités de la maladie alcoolique. Malgré cette démarche, le patient estime que le suivi psychologique ne lui est plus nécessaire (trois entretiens au final).

4.2.2. Mme E

Mme E, âgée de 60 ans, est adressée par son médecin généraliste. Elle présente un trouble addictif alcoolique persistant depuis 19 ans (1987). Mariée, elle est mère de trois garçons (40 ans, 35 ans et 26 ans). Le deuxième fils est jugée par elle alcoolique, addiction à laquelle nous pourrions ajouter la toxicomanie (tabac et cannabis). Infirmière retraitée, elle s'occupe de sa mère adoptive, invalidée d'une neuropathie des membres inférieurs.

La patiente a été adoptée à l'âge de 18 mois. Ses parents adoptifs sont décrits comme étant « de la vieille école ». Ainsi, son éducation aurait été marquée par le tabou de la sexualité, rendant ainsi l'accès à sa propre féminité difficile. Le père adoptif est jugé par la patiente « grand maniaque » et la mère adoptive « grande rangée ». Mariée à 18 ans sur la volonté de ses parents adoptifs à un homme plus âgé (son mari actuel), le climat conjugal se serait rapidement dégradé. En effet, les relations extra-conjugales distanciaient peu à peu le couple.

Mme E a entretenu une relation extra conjugale durant dix ans (1987/1997)avec un homme présentant un trouble alcoolique, décédé en 1997 d'un cancer de l'oesophage. La patiente parle peu, voire pas, de cet amant durant les entretiens. Pourtant ce dernier est présenté par elle à son arrivée comme étant le déclencheur de son alcoolisme actuel. Elle pensait que l'abandon dont elle a été victime enfant pouvait expliquer son trouble actuel, mais elle dit avoir repris contact avec sa mère biologique (2003) ; retrouvailles n'ayant pas influencé sa consommation chronique d'alcool. La patiente n'a connu sa mère biologique que durant trois mois, cette dernière étant décédée d'un cancer du pancréas. La problématique de la perte semble être au coeur des préoccupations de la patiente, celle-ci ne buvant de façon compulsive que lorsqu'elle se retrouve seule à son domicile. En public, elle ne ressent ni le besoin ni même l'envie de s'alcooliser.

Mme E a tenté une première cure de sevrage alcoolique (2002), démarche accompagnée d'un échec dans sa capacité d'abstinence sur court et long terme. Depuis cette hospitalisation, elle est suivie régulièrement au C.C.A.A. par un Psychiatre et une Psychologue. Ce suivi est jugé comme bénéfique pour elle : elle serait parvenue à soigner ses tendances à l'achat compulsif et ses troubles obsessionnels (collectionnisme, planification anxieuse des tâches quotidiennes, prise de note systématique des évènements passés et à venir, etc.).

La patiente cherche à comprendre ce qui la pousse à boire. Elle est en effet incapable de verbaliser les effets recherchés chez le produit ni même ce qui la motive à s'alcooliser. Au fur et à mesure des entretiens (au total, trois), elle parvient à prendre conscience de la souffrance émanant de son trouble addictif. Il semble que son instance surmoïque s'affirmait davantage vis-à-vis du toxique. Malgré cela, les envies de boire continuaient à émerger sous une forme latente et incontrôlée (les rêves). Mme E avoue être encore fragile face à l'alcool, mais cela ne la motive pas à demander un prolongement de cure. Je l'oriente vers la poursuite de ces démarches entamées avec le C.C.A.A. depuis 2002 pour son suivi post-cure.

4.2. TABLEAU RECAPITULATIF : CORRESPONDANCES ENTRE LES HYPOTHESES ET LES PATIENTS

 

Hypothèse 1

Hypothèse 2

 

Critère 1 : Intolérance de la frustration

Critère 2 : Incapacité de deuil et de séparation

Critère 3 : L'angoisse de castration narcissique

Critère 4 : Le déni partiel

Mr B

Incomplétude narcissique

Boire pour oublier

L'injustice masculine

L'agressivité

Mme E

Perte de contrôle et d'emprise

Boire pour oublier

L'enfant du père

La réalisation de l'interdit de l'inceste

4.3. MISE A L'EPREUVE DE L'HYPOTHESE 1

4.3.1. Rappel de l'hypothèse 1

L'alcoolique poursuivrait le même but que le fétichiste : lutter contre une menace de castration narcissique en déniant partiellement la réalité.

4.3.2. Mise à l'épreuve de l'hypothèse 1

4.3.2.1. Critère 1 : la tolérance de la frustration

- La tolérance du manque

Mr B

Le manque d'alcool est présenté par le patient comme étant supportable. Cependant, cette tolérance de la frustration liée au sevrage semble être le résultat d'une dénégation : le patient semble se défendre contre cette envie consciente de boire et contre cette frustration liée au sevrage en se refusant de l'admettre.

Entretien n°3 : -Avez-vous ressenti des difficultés par rapport à l'alcool ? -Non, non. Rien. (Je laisse un silence s'installer). -Vous est-il arrivé d'y repenser ? -Non, pas du tout. -La nuit, dans vos rêves, ou la journée ? -Non, rien. C'est fini.

Cette dénégation échoue, et se confirme par cet échec, lorsque le patient verbalise à demi-mots son sentiment de fragilité vis-à-vis du désir de boire.

Entretien n°2 : -Je veux prolonger ma cure. Pour être sûr que ça marche. -Vous n'en êtes pas sûr ? -Ba un mois... c'est court, j'aimerai un mois de plus ! (...) -Oui, même 10 ans après, y en a qui rechutent !

La question de cette prolongation a fait l'objet d'hésitation de la part du patient, voir d'ambivalence affective. En effet, au deuxième entretien, la patient verbalise son désir de prolonger la cure et au troisième, il recule face à cette décision. Il me semble que cela a varié en fonction de son sentiment de consistance narcissique.

Mme E

La consommation d'alcool est en elle-même source de frustration car elle est présentée comme incontrôlable : la patiente se décrit comme étant victime de son propre corps (les impulsions), ce qui n'accommode que très peu sa tendance à vouloir exercer une emprise sur les évènements ou objets environnants.

Entretien n°2 : Oh ! Ba comme d'habitude. Toujours le même problème : je ne comprends pas pourquoi je bois. (...) Il y a des moments où je m'arrête pour aller de boire. Comme ça, sans raison, sans rien. (...) Une impulsion, c'est comme ça. (...) En plus, j'aime pas ne pas comprendre (...) Voyez, je suis toujours en train de tout noter ! (elle me montre son cahier de textes).

Cependant, l'aspect incontrôlable de sa consommation est le résultat d'un échec de refoulement, duquel elle doit certainement avoir conscience car elle a tendance à isoler ses représentations (boire) de leurs affects (amour, envie, ... de boire) car ce lien entre eux ne peut-être supportable pour elle. Durant le premier entretien, elle verbalise sa quête masochiste via son trouble addictif.

Entretien n°1 : « Je ne comprends pas pourquoi je bois. C'est un vrai problème pour moi, ça me cause un souci, un réel souci (elle hoche de la tête pour affirmer le caractère « réel » de ce souci). -Pourquoi cela vous pose autant souci ? -Ba parce que je ne comprends pas. -Quelles bénéfices trouvez-vous dans l'alcool ? -Mais aucun justement ! Je sais que je ne fais que me détruire (silence plein). Vous voyez, je ne vais qu'à ma perte avec l'alcool ?! »

Conserver ce lien entre son désir masochiste de boire et l'acte de boire constitue donc une connexion associative menaçante pour sa structure psychique. Ainsi, elle isole la représentation de son affect pour protéger son Moi d'une angoisse insupportable.

Entretien n°2 : Oh ! Ba comme d'habitude. Toujours le même problème : je ne comprends pas pourquoi je bois. (...) Une impulsion, c'est comme ça. (...)

De cette façon, elle serait en mesure de se déculpabiliser de cette tendance à l'automutilation en renversant et en retournant contre elle cette pulsion mortifère : ce n'est plus elle-même qui veut se mutiler, mais le produit qui vient la détruire malgré elle. D'une position active (sujet), elle se positionne dans une place passive (objet).

Entretien n°2 : Mais l'alcool, ça reste un mystère ! -Je pense qu'il est nécessaire que vous fassiez un travail sur vous-même pour parvenir à comprendre votre dépendance. Les causes ne sont pas l'objet de notre travail. -Oui, mais je ne comprends pas... C'est pas ma faute, c'est plus fort que moi : c'est impulsif !

Ce renversement lui permet de rendre plus supportable sa consommation puisqu'elle écarte de sa conscience sa tendance autodestructrice. Cette stratégie défensive contamine tous les domaines de sa vie, plus précisément sa vie affective. Face aux infidélités du mari, elle se pose en tant qu'objet, en tant que victime passive : ce n'est pas elle qui aurait pu amener le mari à ces infidélités, mais c'est l'état psychologique de ce dernier (ce qui la place ainsi dans une position passive).

-Ba, comme je vous l'ai dit, « Mr E » a eu une autre vie à côté. Il faisait sa vie et quand j'ai compris, moi aussi j'ai fait ma vie. -Comment avez-vous réagi face à ses infidélités ? -J'ai été blessée. Oui. Très blessée. Parce que je ne comprends pas pourquoi il a fait ça, je comprends pas pourquoi. -Vous êtes vous sentie coupable de ses infidélités ? -Non. Parce que c'est lui, il est complètement « schizo », vous savez...

Toute frustration qu'elle ne peut contrôler (donc de laquelle elle n'est pas à l'initiative) l'amène à renverser et à retourner la pulsion contre elle-même, de façon à se protéger d'une menace narcissique.

De plus, comme je l'expliquais plus haut concernant sa tendance à isoler la représentation de son affect, le refoulement reste échoué. L'échec du refoulé est également source de frustration, donc, puisque la représentation boire reste à la conscience et l'affect mis à l'écart menace toujours de ré-émerger. Cela a été le cas durant son hospitalisation : le refoulé est revenu de plus belle, tyrannisant ainsi la structure de son Moi.

Entretien n°3 : Mais c'est vrai que j'ai fait des rêves où je buvais. C'était horrible ! -Ah ? Racontez-moi. -Et bien hier soir, par exemple, j'ai rêvé que j'étais chez moi, en bas. Je buvais. Je voulais boire. Et je culpabilisais, je me suis rendu compte que ce n'était pas bien. -Ah, c'est intéressant... Et que concluez-vous sur ce rêve ? -Que boire c'est mal et que je ne dois plus boire. C'est pas bien.

L'échec du refoulé crée une frustration interne intense. Le conflit intra psychique se réactive : le Ça vient s'élever devant les exigences du Moi. Le Surmoi, trop faible, laisse le Ça se satisfaire, mais non sans culpabilité.

- La tolérance du changement

Mr B

La tolérance du changement semble bonne puisque le patient ne m'a pas paru être affecté par les aléas institutionnels du cadre.

Entretien n°3 : On marche en direction de sa chambre. J'entame le dialogue une seconde fois : -Désolée pour le retard. On devait se voir à 10h30 mais la réunion a duré plus longtemps que prévu (il me sourit, comme pour me dire que « ce n'est pas grave ») (Il s'arrête devant le bureau de l'infirmerie). -Non, nous allons faire l'entretien dans votre chambre aujourd'hui. Les infirmiers ont besoin du bureau. -Ah, oui. D'accord.

Mme E

La patiente éprouve des difficultés à tolérer les changements institutionnels (les imprévus) car sa structure obsessionnelle ne supporte pas la perte de contrôle sur son environnement.

Entretien n°3 : D'ailleurs les groupes de parole, on parle toujours de la même chose ! Et puis y'en a pas beaucoup, pas régulièrement ! -Comment ça ? Il y a un groupe de parole tous les jours ? -Oui, normalement, mais regardez (elle me montre son cahier de textes). J'ai tout noté. Et on en a eu que très peu des groupes de parole. Alors une fois c'est parce que l'infirmier peut pas ou a pas le droit, une fois, je sais pas quoi !

Cette intolérance du changement est surtout liée au fait que la position désirante est vécue comme insupportable, d'autant plus lorsqu'elle ne peut obtenir satisfaction.

Entretien n°3 : -Oui, mais c'est qu'on attend, vous voyez ! Et que jamais on est prévenu ! Toujours au dernier moment. (...) Et on attend pendant au moins 10 minutes ou ¼ d'heure ! C'est fatiguant, non ?...(J'acquiesce). Alors voilà, on nous laisse comme ça pendant 10 minutes, ¼ d'heure, attendre, attendre. Alors, quand on nous a dit qu'il y avait pas de groupe de parole, l'autre fois, ça m'a énervée. Et je ne me suis pas manquée de le dire ! Haut et fort !

Son comportement est totalement différent lorsqu'elle est à l'initiative du changement : réorganiser son quotidien selon ses propres attentes narcissiques ne créent pas de frustration.

Entretien n°4 : J'ai décidé de réfléchir à mon prochain emploi du temps. Je veux, en fait, réorganiser mes journées. Le matin, au lieu de prendre mon café chez ma mère, je le prendrai chez moi. Et je lirai mon journal chez moi...

- La tolérance du jugement d'autrui

L'avis objectif apporté par autrui vient souvent se poser en contradiction avec l'avis subjectif, ce qui le rend dès lors, selon moi, source de frustration. C'est pour cela que j'inclus ici les capacités du patient à les tolérer ou non.

Mr B

Dans le dossier de suivi du patient, le dernier épisode d'alcoolisation aiguë est mis en lien avec les discordes familiales autour de son homosexualité. Cela vient donc témoigner d'une faible tolérance du jugement d'autrui puisqu'il semble être vecteur d'une frustration interne (angoisse) que l'alcool viendrait résoudre en l'atténuant. Cette sensibilité au regard de l'altérité l'amène à réorienter le but interdit (l'homosexualité) vers un nouveau but davantage tolérable pour les autres et pour le Soi (l'hétérosexualité). Ce qui ressemble ici à un mécanisme de sublimation n'est en fait qu'une formation réactionnelle et qu'une inhibition quant au but sexuel d'origine car l'objet de son désir homosexuel et, le désir lui-même, paraissent rester conservés malgré son contre-investissement.

Entretien n°2 : -Mes amis, autour de moi, ils ont une vie de famille. Des femmes, des enfants. Une maison, et tout quoi ! Moi aussi, je veux regarder devant : une femme, des enfants, une vie normale... (Silence vide). -Et cela n'aurait pas été possible avec un homme ? -Non, non. (Silence vide). Non, je pense pas. (Silence plein)

D'un point de vue contre-transférentiel, ce silence plein m'est apparu comme étant le témoin de la persistance de ce désir homosexuel. Il m'a semblé vouloir brimer ce désir et cette attirance pour satisfaire le point de vue collectif sur la question de la normalité sexuelle. Je montrerai en quoi (critère 2) cette démarche peut être mise en lien avec une angoisse de perte d'objet.

Mme E

La patiente reste très sensible au regard d'autrui puisqu'elle est affectée dans son propre narcissisme lorsque l'altérité lui émet son avis concernant sa personne.

Entretien n°4 : Et un patient, un monsieur, m'a dit que j'étais une « rabat-joie » ! Et que je n'étais jamais contente !...Alors, vous voyez ? (...) -Qu'avez-vous ressenti lorsque ce patient vous a fait ce reproche ? -Ba j'ai été déçue de voir, non, énervée, de voir qu'il dise ça de moi. Parce que c'est pas vrai. Moi, je suis généreuse et agréable...

Elle semble en quête d'affirmation narcissique (image positive d'elle-même) dans une sorte de jeu de séduction mais surtout dans un certain don de l'échange ; ce qui témoigne de sa régression (fixation) libidinal au stade anal : le don est là pour faire valoir son narcissisme.

Entretien n°4 : Et je suis généreuse aujourd'hui ! Je rends service à TOUT le monde ! (Silence vide, elle fouille dans un tiroir) Tenez, un chocolat ! -Non merci. -Mais si, prenez, c'est pour Pâques ! -Merci (je le mange). -Tenez, j'ai un bonbon aussi... -Vous êtes gentille. Vous tenez à me prouver votre générosité ? -Oui, vous voyez ? Bon, généreuse mais pas concernant l'argent !!

La consommation d'alcool solitaire m'a semblé être en lien avec le fait que boire en société reviendrait à ternir son image sociale. En effet, la patiente, attachée à son narcissisme, redouterait que son image sociale soit souillée par le tabou social concernant l'alcoolique. C'est pourquoi seul le mari est informé de son trouble, le reste de l'entourage n'étant qu'implicitement informé. Cela pourrait expliquer sa tendance voyeuriste : parce qu'elle n'ose exhiber cette vraie part de son identité (celle de l'alcoolique), elle inverse la pulsion en regardant l'entourage social boire.

Entretien n°3 : Vous savez, j'ai remarqué, sur les tables, les gens boivent ou du vin ou de l'eau, c'est drôle vous avouerez...-Vous me semblez observatrice... -Oui, beaucoup ! Mais bon, ça les regarde, hein ?... (Je ne réagis pas). -Moi, je ne fais qu'observer. C'est tout...

4.3.2.2. Critère 2 : La capacité de deuil et de séparation

- La capacité à élaborer la perte

Mr B

La capacité à élaborer la perte d'un objet est verbalisée comme laborieuse et est mise en lien avec une identification primaire à celui-ci. Son comportement auto-agressif est justifié par cette difficulté à réaliser le deuil de l'objet perdu.

Entretien n°1 : [25] -Et vous est-il arrivé de vous faire du mal à vous même ? -Oui. (Silence plein). Intentionnellement oui. ... [26] ...Mais c'est parce que je n'arrive pas à faire le deuil de certaines choses. [27] (...) -Ba, en fait, c'est la mort de mon oncle... [28] On était très proche, presque le même âge. (J'acquiesce)...

Le choix homosexuel de l'objet et ses tendances suicidaires peuvent, peut-être, s'expliquer par une certaine identification à l'objet perdu, comme si le patient voulait, de façon plus ou moins latente, répéter ce que l'objet investi à vécu avant son décès.

[29] ...Et quand il était petit, il s'est fait enlever par des hommes. Ils lui ont fait vivre plein de choses affreuses, des sévices sexuels, physiques. Et ils l'ont assassiné.

Plus loin, je montrerai (critère 4) en quoi cet événement pourrait avoir alimenté la problématique de la castration dans laquelle le patient semble être ancré.

- L'évocation des souvenirs : émergence d'une émotion vive et intense

Lorsque le patient évoque les souvenirs qualifiés par lui-même douloureux, le discours est rompu par des silences pleins et l'émergence d'émotions intenses et vives. D'un point de vue contre-transférentiel, cela m'est apparu comme étant le résultat d'une difficile élaboration des souffrances et conflits passés, comme si le patient n'avait pu trouver un moyen pour les élaborer et les rendre plus supportables pour son Moi.

A propos du décès de son oncle :

Entretien n°1 : [29] ...Et quand il était petit, il s'est fait enlever par des hommes. Ils lui ont fait vivre plein de choses affreuses, des sévices sexuels, physiques. Et ils l'ont assassiné. [30] -Oui, effectivement, ce n'est pas évident à vivre, ce genre de choses. -Oui... Surtout que c'est pas comme si il avait eu quelque chose ou... (Silence plein et larmes aux yeux).

A propos de l'armée :

Entretien n°1 : -Quel rôle a joué l'alcool à ce moment là ? -Oublier, à oublier, ...l'injustice...(Silence plein. Larmes aux yeux).

A propos des problèmes conjugaux présents dans le couple parental :

Entretien n°2 : -Ca a du être marquant. -Oui... Traumatisant même (il se replace sur sa chaise, comme s'il était mal assis). Un vrai traumatisme ! (Silence plein, larmes aux yeux)

Mme E

La patiente n'aborde que très peu la question de la perte d'objet. Lorsqu'elle évoque le décès de sa mère biologique, elle minimalise la souffrance que cet événement aurait pu susciter en elle et elle tend à la banaliser, c'est-à-dire, une fois de plus à la désaffectiser.

-Vous l'avez rencontré ? -Oui, en 2003. Mais pas longtemps, elle est décédée 3 mois après d'un cancer du pancréas la pauvre...-Vous avez été attristé par ce décès ? -Oh... c'était mieux pour elle ! Vous savez, elle souffrait...

Dans le dossier de suivi de la patiente, le début de son alcoolisme est dit « d'entraînement » : son amant, lui-même alcoolique et décédé des complications médicales engendrées par son addiction, lui aurait fait rencontrer l'alcool. Cependant, la patiente ne me parle pas de cet amant investi pourtant durant dix ans (jusqu'au décès de ce dernier).

-Et vous avez commencé dans un contexte particulier ? -Un ami...-Que vous fréquentez toujours ? -Non, non. On ne se fréquente plus. (silence vide)

Au vu de l'aménagement défensif de la patiente concernant le thème de la perte, je peux émettre l'hypothèse que la perte n'a pu être élaborée de façon satisfaisante. La banalisation et l'évitement de ce qui touche à ce thème viennent témoigner que cette représentation et cet affect sont peu supportables pour elle. La fonction paternelle n'a jamais été abordée, voire très peu. Le seul matériel qu'elle me fournit est l'absence de cette fonction réelle du père, mais celle-ci est remplacée par le mari de fonction symbolique (point que je développerai plus bas, cf. critère 3).

- La capacité à élaborer la solitude

Mr B

Le cercle amical occupe une place importante dans le quotidien du patient, ce qui vient mettre en exergue son besoin d'être entouré. Les épisodes d'alcoolisation peuvent se faire dans un contexte solitaire, mais il préfère cependant lorsqu'ils ont lieu dans un contexte festif.

Entretien n°1 : Et lorsque vous ne sortez pas en soirées, que se passe-t-il ? -Je bois chez moi ou je rejoins les amis : les cafés, les bars ou les repas,... tout ça. (Silence plein)...

Autrui reste souvent une base sur laquelle il va pouvoir se comparer pour trouver son identité propre et son amour de soi propre. En effet, le Moi semble parvenir à se maintenir consistant que lorsqu'il s'appuie sur l'altérité : relation anaclitique à l'objet, donc.

A propos de son alcoolisme :

Entretien n°1 : [5] -Vos amis boivent aussi ? -Oui, mais eux ils savent se contrôler. Ils boivent quelques verres. [6] -Et vous ? -Moi... Moi c'est différent : je bois un verre, je m'arrête plus après !

A propos du service militaire :

Entretien n°1 : -Comme lorsque vous ne buvez pas ? -Oui. Mais pire ! (Silence plein. Larmes aux yeux). Vous savez, c'est un vrai traumatisme ! Y en a qui s'en sont pas sortis, y en a qui sont devenus fous ! -Et vous ? -Moi, j'ai essayé de tenir le coup avec l'alcool. Ca aura été dur. Mais j'ai tenu le coup. (Il sourit).

A propos de son sevrage alcoolique et de ses motivations à l'abstinence :

Entretien n°2 : Mais en même temps, j'avais pas envie. Je n'ai pas envie. Quand je vois les autres ici, des loques ! (Silence vide). Enfin... ils sont vraiment très mal. Moi, ça va, physiquement et tout !... Moralement...Je suis bien.

Le patient verbalise son angoisse de perte et/ou de séparation à l'objet. Le conflit avec un objet fortement investi affectivement semble être source de malaise interne, puisque la résolution semble devoir se réaliser rapidement. Une fois résolu, l'angoisse liée disparaît, comme de façon un peu magique.

A propos de l'angoisse de séparation (ou du moins sa crainte) :

Entretien n°1 : -Retrouver une vie normale. -Normale ? -Oui, sans alcool. Sans agressivité. Etre normal. Mes amis, ma copine, je veux pas les perdre. Je me suis disputé avec elle, je veux plus tout ça !

A propos de l'angoisse provoquée par le conflit :

Entretien n°2 : -Et votre vie affective ? Vous me parliez d'une dispute la dernière fois ? -Oh, ba ça y est... C'est arrangé ! C'est résolu. -Que ressentiez-vous face à cette dispute ? -Je me sentais coupable (silence vide).

A propos de l'atténuation « magique » de l'angoisse une fois le conflit résolu :

Entretien n°2 : -Et cette culpabilité aujourd'hui ? -Je me sents plus coupable. C'est résolu. C'est fini.

Mes observations m'ont amenée à voir combien le patient a changé de comportement et d'estime de soi dès lors qu'il est parvenu à tisser des liens avec les autres patients du service. En effet, le patient adoptait un comportement plus extraverti et dynamique. Un sentiment de tout-puissance a émergé dès lors, venant confirmer le besoin anaclitique de la relation entretenue avec les objets. Lui-même verbalise l'effet positif de cette relation à l'autre sur son humeur et sur sa capacité à lutter contre le manque d'alcool.

Entretien n°2 : -Super bien. Plus envie de boire. Une vraie leçon de vie. Avec les autres, ça se passe très bien. (Silence vide, j'acquiesce). Au départ, c'est difficile. Je connaissais personne, je restais en retrait. Puis là, je sors avec les autres en ballade, je discute avec eux. On rigole bien.

D'un point de vue contre-transférentielle, je me suis surprise à le renarcissiser (entretien 1), pensant le soutenir à travers cette stratégie. Cependant, avec du recul, je me rends compte que j'ai répondu à une de ses attentes narcissiques, ne l'amenant pas à élaborer les angoisses et conflits intra-psychiques sous-jacents. Le patient verbalise son épanouissement dès lors que ses attentes narcissiques ont été satisfaites.

Entretien n°2 : -Donc, finalement, vous avez fait preuve de force : vous même le dîtes, d'autres sont devenus « fous », vous, vous avez tenu le coup... -Ouais, j'ai été fort... (Il sourit). -L'alcool est apparu à ce moment. Mais je pense que la force de caractère a beaucoup plus joué que l'alcool lui-même, dans cette lutte contre la « folie », comme vous dites... -Je pensais que c'était grâce à l'alcool... (Silence vide). Mais peut-être...(Silence vide). -Donc, alors, j'ai été fort... (Il sourit). Oui, peut-être que j'étais pas faible... (Silence plein).

Mme E

La solitude est peu supportable pour la patiente dans la mesure où les épisodes d'alcoolisations compulsives apparaissant lorsqu'elle se retrouve seule, c'est-à-dire lorsqu'elle quitte sa mère adoptive ou son mari.

Entretien n°1 : -Oui, ba le matin, comme je vous ai dit, je descends boire le café avec ma pauvre mère : elle a une neuropathie des membres inférieurs, vous savez... -Oui, vous me le disiez déjà l'autre fois. -(Elle hoche la tête et fait un bruit avec sa langue) : Ensuite, je remonte chez moi pour faire mon petit ménage. Et quand je fais mon repassage, il y a des moments où je m'arrête pour aller de boire. Comme ça, sans raison, sans rien...

Entretien n°3 : Mais le plus dur, c'est de pas acheter d'alcool quand je suis toute seule...Et c'est quand je reviens de la piscine, moi j'adore nager, « Mr E » pas du tout...

Il apparaît assez clairement que la solitude est pour elle source de frustration car elle lui demande d'accepter un retour de libido vers elle-même. Ainsi, le seul objet envers lequel elle peut diriger de l'intérêt reste sa propre personne. L'activité du repassage me fait écho au travail psychique du remaniement qui a lieu lorsque tout individu se trouve seul. Et je peux donc émettre l'hypothèse que la solitude est intolérable pour elle dans la mesure où elle lui demande de s'approprier son monde interne (représentations/affects) ; c'est-à-dire ce contre quoi elle lutte en ayant recours au mécanisme d'isolation. De ce fait, l'alcool viendrait résoudre l'échec de cette défense en anesthésiant le corps propre et en créant une rupture de pensée (effet psychotrope).

4.4. MISE A L'EPREUVE DE L'HYPOTHESE 2

L'alcoolique cherche à dénier la réalité d'une perte pour se protéger d'une angoisse de castration phallique.

4.4.1. Rappel de l'hypothèse 2

4.4.2. Mise à l'épreuve de l'hypothèse 2

4.4.2.1. Critère 3 : L'angoisse de castration narcissique

Mr B

L'asymétrie entre un autre de même sexe et lui-même semble être difficile à intégrer et à supporter, surtout lorsqu'il est placé en position passive. Le service militaire devient donc une souffrance puisqu'il est dans l'obligation de se soumettre au pouvoir hiérarchique.

Entretien n°1 : [43] -Et qu'est-ce que vous conservez de douloureux, dans ces souvenirs ? -Ba, c'est l'injustice. Parce que les chefs étaient... (Silence). [44] ...Ils profitaient beaucoup. Ils volaient tout, la nourriture et tout. On avait plus rien à manger. [45] -C'était des abus de pouvoir, si je comprends bien... -Oui, complètement...

Face à cette problématique, le patient tente de s'affirmer en tant que sujet actif, ce qui lui a valu un prolongement de service militaire, sanction qui aurait selon lui participé à la consolidation de son Surmoi.

Entretien n°1 : [49] Et comme je faisais pas ce qu'ils voulaient, ils m'ont ajouté 6 mois de plus. Donc, en tout 2 ans et demi. [50] -Et comment avez-vous vécu cela ? -Ba... ça m `a... mais c'était une leçon de vie. -Leçon de vie ? -Oui, sur ce qui se fait et se fait pas. Faut être honnête, généreux... (Silence vide). Pas faire de mal, tout ça. (Silence vide). C'était très dur... Ouais, pas facile.

Durant le dernier entretien (entretien n°3), le patient tente d'inverser l'asymétrie thérapeutique en me signifiant mon rôle de dépôt et en me verbalisant le fait qu'il n'avait plus rien à me dire.

Entretien n°3 : Le patient me rapproche une chaise près de son lit et me dit : -Voilà, asseyez-vous. -Disons que ça me dérange de faire l'entretien pendant que la femme de ménage est là. -Oh ! C'est pas grave. Rien de personnel à dire.

D'un point de vue contre-transférentiel, je n'ai pas supporté que le patient m'attribue cette place et encore moins qu'il me signifie le fait qu'il n'ait plus rien de « personnel » à me dire. Cela renforçait mon sentiment d'impuissance face au matériel qu'il me livrait et mon sentiment d'inutilité auprès de sa personne.

Entretien n°3 : -Donc vous êtes guéri... -Oui... -Et pourtant, vous souhaitiez me revoir... -Oui, parce que ça fait du bien de parler. De dire les choses. Ne pas garder en soi. --Vous avez des choses particulières à me dire ? Des choses qui vous préoccupent ? -Non. Plus rien. Je vous ai tout dit. D'important... J'ai tout dit... (Il sourit). Mais c'est vous raconter ce qui se passe dans mes journées.

Blessure narcissique, donc, pour ma part, qui se cautionna par une sanction de ma part (que je ne réalise qu'après-coup) puisque j'ai mis un terme à l'entretien plus tôt que prévu et que je lui propose d'être le seul à investir la prise de rendez-vous pour le prochain entretien. Ainsi, j'aspirais à rétablir l'asymétrie « normale » de tout entretien : je voulais qu'il se place dans la demande car seule celle-ci venait témoigner, pour moi, d'un réel investissement du suivi que je lui offrais. Aujourd'hui, dans l'après-coup, je me rends compte qu'il y a eu répétition de cette sanction qu'il a vécu lors de son service militaire.

-Bon, et bien puisque tout semble aller, je vous propose de ne pas vous donner de rendez-vous moi-même. Ce sera à vous de choisir le prochain entretien. Je vous laisse la semaine pour y réfléchir : soit mardi, soit jeudi matin. -Oui, d'accord (il se lève). -Vous viendrez me voir dès 9h00 pour fixer votre entretien. On inverse les rôles cette fois-ci (je sourit, l'air un peu ironique). D'accord ? -Oui.

Ici, il ne s'agit plus d'une problématique entre deux personnes, mais entre trois : l'enfant, l'objet naturel (la mère) et le porteur de la loi (le père). Cette situation oedipienne est mise en lien, par le patient lui-même, avec le sentiment d'inconsistance narcissique.

Entretien n°2 : -Etiez-vous témoin de ces disputes ? -Oui. -Et donc... que faisiez-vous ? -Je ne pouvais rien faire. Un vrai traumatisme (Silence vide). -C'est peut-être ici que votre sentiment de faiblesse trouve son origine, qu'en pensez-vous ? -Oui... (Long silence plein). Je me sentais impuissant. (Long silence plein). Alors voilà.... (Silence vide). -Je comprends combien cela a du être dur pour vous. -(Il acquiesce et ne dit rien, il me regarde). -Pouviez-vous faire quelque chose ? -Non... (il soupire). J'étais trop petit.

La relation triangulaire est marquée par une hostilité assez nette puisqu'elle est le générateur du sentiment de castration phallique et prégénitale : le patient prend conscience du fait qu'il ne peut posséder sa mère de façon exclusive car celui-ci est resté impuissant face au pouvoir écrasant du père ; le plaçant ainsi dans un sentiment de faiblesse narcissique. Le complexe d'OEdipe ne semble pas résolu puisque le patient ne semble pas avoir réussi à dépasser ses sentiments hostiles envers son père : il reste ce rival à supplanter. Pour se faire, le patient tente alors de lui dérober ses qualités (boire comme lui, pour introjecter sa toute-puissance) et faire preuve d'autant de force que lui. L'agressivité du père qu'il a toujours fantasmé de détenir et de contenir devient donc satisfaite.

Mme E

L'état de santé de la mère adoptive (neuropathie des membres inférieurs) marque le début d'une régression de cette dernière : régression au niveau physique (diminution de la capacité d'autonomie physique) et régression affective (l'handicap la rendant dépendante des soins d'autrui). Ainsi, la patiente a endossé une fonction maternelle vis-à-vis de sa propre mère.

Entretien n°1 : Oui, ba le matin, comme je vous ai dit, je descends boire le café avec ma pauvre mère : elle a une neuropathie des membres inférieurs, vous savez...

Cette fonction maternelle semble être endossée avec un certain plaisir puisqu'elle m'est apparue, d'un point de vue contre-transférentiel, attendrie par l'état de santé de sa mère. De plus, la patiente a toujours endossé une fonction maternelle : d'abord avec ses propres fils, puis ensuite avec sa profession d'infirmière et, aujourd'hui, avec sa propre mère. Le soin détient donc un intérêt car il vient en effet rendre compte de sa problématique oedipienne. A la lumière de Klein M. (1934, p. 186), la patiente se voit dans la possibilité de reproduire avec sa mère ce qu'elle a elle-même vécu avec cette dernière. Ainsi, elle peut la materner autant que sa mère l'a fait.

Entretien n°3 : Bon, elle restera sur la terrasse, mais si j'y ne suis pas, elle reste pas. Elle ne veut pas que je la laisse seule sur la terrasse, elle veut que je sois tout le temps là...

La triangulation oedipienne est recrée : la mère adoptive/la patiente/le mari de la patiente. Les deux femmes sont en rivalité l'une et l'autre pour cet unique objet d'amour.

Entretien n°1 : Alors après, je fais à manger pour ma mère. « Mr E. » mange avec nous. Mais ma mère et lui ne sont jamais contents de ce que je fais à manger : ma mère dit que je les nourris mal...-Vous avez perdu confiance en lui ? -Oui, totalement. Mais il faut dire qu'il est spécial et qu'il m'aide pas à ne pas être méfiante !

Le mari endosse la symbolique paternelle puisqu'il représente l'instance de l'interdit, vis-à-vis duquel la patiente se complait à le défier.

Entretien n°1 : -Et vous pensez que l'alcool aurait pu joué dans votre couple ? -Oui, quand même, il s'inquiétait beaucoup... Il voulait jeter toutes mes bouteilles, les vider et tout ça, vous savez... Puis voilà... Comme vous me l'avez dit la dernière fois, il est devenu mon gendarme, plus mon mari. -Et cela vous accommode ? -Oh... quelque part oui. Mais en même temps, non. (Silence vide)

Il semble que la patiente s'imagine que les désirs oedipiens se sont réalisés. En effet, elle serait parvenue à supplanter la mère pour prendre sa place auprès du père. Lorsqu'elle met en lien le début de son alcoolisme avec la naissance de ses enfants, je pense avoir trouvé ici la réactivation de l'angoisse de castration, les enfants du mari pouvant représenter pour elle les enfants tant désirés du père.

Entretien n°2 : Et puis, au début je ne voyais rien : il était normal, du moins. Puis après on a eu trois enfants. Puis je me suis mise à boire. Et il a commencé à contrôler mes planques. Et il trouvait toujours ! (elle rigole).

Ainsi, d'un point de vue fantasmatique, la patiente culpabiliserait de la réalisation des désirs oedipiens et de l'interdit de l'inceste, déclenchant des actes obsessionnels en guise de défense contre la castration génitale : elle se mettrait en quête de réparation. Je peux donc émettre l'hypothèse que l'amant a joué un rôle de réparation dans la mesure où il marque la (pseudo)-réparation de l'oedipe : la patiente a abandonné ce père symbolique pour investir un autre homme. Afin de conserver ce lien tissé avec cet objet secondaire, je peux émettre l'hypothèse qu'elle ait voulu incorporer un attribut de ce dernier pour se rappeler qu'il y a eu (ou qu'il y aura) réparation de la réalisation des désirs oedipiens.

4.4.2.2. Critère 4 : Le déni partiel de la menace narcissique

Mr B :

L'alcoolisme du père est répété par le patient, alors que celui-ci est à l'origine de son sentiment de faiblesse narcissique. Comme je le présentais plus haut, le patient tente d'incorporer les qualités du père qu'il désirait tant dérober durant son enfance en buvant à son tour. De cette façon, il chercherait à obtenir une vengeance sadique contre son rival en satisfaisant un fantasme archaïque d'incorporation. En même temps qu'il triomphe sur ce rival en le « mangeant », et donc en devenant comme/aussi fort que lui, une frustration intense naît : la toute-puissance écrasante et castratrice incorporée vient de nouveau menacer la consistance narcissique du Moi. En effet, l'agressivité du père est rappelée.

Entretien n°1 : [10] -Et quand est-ce que vous avez compris qu'il y avait un problème ? Qu'est-ce qui vous a permis de juger que votre consommation est pathologique ? -Ba quand je bois, je suis très agressif....

Entretien n°2 : Je le laisse poursuivre : -...Et quand il buvait, il devenait violent, très agressif ... -Comme vous lorsque vous buvez ? -Oui, comme moi. (Silence vide).

Cela explique son sentiment de « dépersonnalisation » : le patient a tenté de supplanter son rival en s'appropriant ses qualités. Une fois celles-ci obtenues, le patient n'est plus en mesure de distinguer ce qui lui appartient et ce qui est à l'autre, ce qui le motiverait à se sevrer de l'alcool. Le patient situe ses premiers épisodes d'alcoolisation durant le service militaire et explique avoir été à la recherche des effets psychotropes du produit : boire pour obtenir une rupture de pensée, mais acte de boire rappelant la souffrance contre laquelle il lutte.

Entretien n°1 : -Et comment avez-vous fait pour supporter tout ça ? -L'alcool. (Silence vide. J'acquiesce). Oui, j'ai commencé là. A ce moment. -Quel rôle a joué l'alcool à ce moment là ? -Oublier, à oublier, ...l'injustice...(Silence plein. Larmes aux yeux). -Je peux constater une émotion intense, encore aujourd'hui. -Oui. (Silence plein). Ca m'a beaucoup marqué... Je n'oublierai jamais.

Mme E :

Klein M. (1934, p. 186) met en lien la compulsion de succion aux fantasmes sadiques oraux (morsure, succion, destruction) du pénis et du sein de la mère) et c'est sans doute en ce point que nous pouvons mieux comprendre la tendance à isoler la représentation de son affect chez la patiente : la représentation « boire de l'alcool » viendrait rappeler ce fantasme oedipien intolérable pour le Moi, donc il faut écarter de la conscience cet affect originaire. Cependant, le désir oedipien réémerge, lors de l'échec du refoulé, et ce, sous une forme assez symbolique : les détails du rêve traduiraient parfaitement ce désir interdit de dérober le pénis du père.

Entretien n°2 : -Et bien hier soir, par exemple, j'ai rêvé que j'étais chez moi, en bas, je buvais. Je voulais boire. Mais le bouchon de la bouteille était mal fait, l'alcool coulait pas, il coulait mal, vous voyez (elle mime le geste : bouteille renversée à la main). Alors au bout d'un moment, j'ai dit : « Bon tu vois bien, rien n'est fait pour que tu puisses boire ! ». Alors j'ai laissé tomber et j'ai essayé de ranger la bouteille dans ma planque habituelle, dans un des tiroirs... Mais elle ne rentrait pas, toujours quelque chose qui dépassait de la bouteille et je culpabilisais, je me suis rendu compte que ce n'était pas bien.

La patiente, de manière consciente, cherche à se dédommager de cette faute intolérable en voulant aujourd'hui la corriger et se faire pardonner. De ce fait, elle endosse la fonction maternelle pour soigner cette mère qu'elle est parvenue à tuer symboliquement et en désexualisant complètement sa relation au père symbolique (le mari).

Entretien n°1 :  « Mr E » me dit tout le temps que je ne lui fais jamais plaisir ! Mais ça dure depuis longtemps... depuis qu'on fait chambre à part. Alors... (Silence vide, elle me regarde)

CHAPITRE 5 : DISCUSSION ET REFORMULATION DES HYPOTHESES

5.1. DISCUSSION ET REFORMULATION DE L'HYPOTHESE 1

L'hypothèse de départ est la suivante : L'alcoolique est dans l'incapacité d'élaborer la perte d'un objet car celle-ci vient créer une frustration insupportable

Cette hypothèse se vérifie au vu des données recueillies puisque les deux patients sont en effet dans l'incapacité à élaborer la perte d'un objet car celle-ci viendrait créer une frustration interne intense. En effet, la perte du bon objet les inscrit dans une quête insatiable de restauration narcissique : la renarcissisation est essentielle pour retrouver une complétude narcissique. Mr B présente un manque narcissique et Mme E un manque du sein maternel et de ce qu'il représente au niveau identitaire. La quête de comblage et de substitution est donc prégnante chez les patients puisqu'ils sont en quête de réparation narcissique pour éviter l'angoisse dépressive.

La perte n'est que très peu élaborable, il leur faut donc substituer cette perte au plus vite : l'alcool leur a permis d'accéder à ces buts dans la mesure où Mr B y trouvait l'effet renarcissisant du toxique et Mme E les sensations liées à la relation au sein maternel. Cette liquide substance viendrait alors atténuer l'angoisse liée à la frustration du manque et de la séparation.

Cependant, la particularité de Mme E est également la frustration liée à sa problématique oedipienne : la réalisation fantasmée des désirs oedipiens. Ainsi, la patiente ne chercherait pas à combler un vide, mais à réparer ce qui est en défaut dans son monde interne : son but serait également d'obtenir réparation de cette transgression imaginée de l'inceste en annulant celle-ci à l'aide des effets anesthésiants et psychotropes de l'alcool. Dans ce sens, elle ne chercherait pas seulement à substituer l'alcool au sein perdu, mais aussi à faire disparaître cette part défaillante du Soi. Il en va de même pour Mr B, puisque l'alcool se substitue lui aussi à cette part défaillante du Moi pour permettre de faire disparaître celle-ci.

Dans ce sens, l'alcool viendrait donc bien se substituer à la perte d'un objet, mais cet objet n'est pas nécessairement réel, il peut également être fantasmé. Le fétiche, lui, s'édifierait face à la réalité perceptive de la frustration, alors que les données recueillies montrent que cette réalité peut également être subjective (imaginée).

Je peux donc proposer la reformulation suivante : L'alcoolique est dans l'incapacité d'élaborer la perte réelle ou fantasmée d'un objet car celle-ci vient créer une frustration insupportable

5.2. DISCUSSION ET REFORMULATION DE L'HYPOTHESE 2

L'hypothèse de départ est la suivante : L'alcoolique poursuivrait le même but que le fétichiste : lutter contre une menace de castration narcissique en déniant partiellement la réalité.

Les deux patients sont tous deux ancrés dans une angoisse de castration : ils se sentent en effet menacés dans leur intégrité narcissique. Mr B dit souffrir d'un sentiment de faiblesse et Mme E est en quête de l'amour d'autrui. Cependant, comme j'ai pu le repérer dans l'analyse qualitative des données, la nature de l'angoisse est différente chez nos deux patients.

En effet, Mr B est tyrannisé par une angoisse de castration narcissique : durant l'enfance, il n'a pu construire une image de lui-même positive. Le père agressif et buveur lui a renvoyé une image négative de lui-même, ne permettant pas une unification satisfaisante de son Moi. Ecrasé par la toute-puissance du père, le patient s'est englouti dans un sentiment de faiblesse et d'impuissance qu'il n'a jamais pu élaborer et dépasser. Ainsi, la symbolique de la fonction paternelle est castratrice : le Nom-du-Père (Lacan) n'est pas intégré mais forclos et dénié de façon partielle. Le patient cherche à se venger de ce père tout-puissant en tentant de lui dérober cette qualité par introjection : il boit comme lui et devient agressif comme lui (donc aussi fort que lui). Cependant, ces qualités incorporées sont insupportables pour lui puisqu'elles lui rappellent le traumatisme originaire duquel il souffre. Mr B est ancré dans une angoisse de castration phallique contre laquelle il tente de triompher, mais en vain car cette vengeance même lui rappelle que ce triomphe est impossible.

Mme E, quant à elle, est ancrée dans une angoisse de castration génitale car l'accès à la fonction maternelle lui donnerait l'impression d'avoir supplanter la mère et obtenu du père un enfant. Les désirs oedipiens sont donc conçus par elle comme réalisés et l'interdit de l'inceste comme transgressé. Ceci crée alors une angoisse intolérable puisqu'elle est tyrannisée par la sentence sous-jacente à cette réalisation fantasmée de l'inceste : la castration génitale, puis phallique (ce que représente symboliquement le pénis pour son narcissisme). Elle tente de se dédommager de cette faute imaginée en réinvestissant un nouvel objet (l'amant) et pour se donner l'illusion d'avoir réparé cette faute, elle aurait introjecté un attribut de cet amant : en devenant alcoolique comme ce dernier, elle continue à conserver ce lien à lui, comme pour prouver que son amour n'est plus dirigé vers le père, mais vers cet autre homme. Cependant, cela ne semble pas suffisant pour atténuer son angoisse. En effet, l'acte de boire rappelle à lui seul cette transgression de l'inceste vis-à-vis de laquelle elle tente de se dédommager.

Mr B et Mme E sont donc bien ancrés dans une angoisse de castration mais celles-ci sont de nature différentes : elles sont en lien avec les problématiques qui leur sont spécifiques (Mr B, l'homosexualité, Mme E, névrose obsessionnelle compulsive). Tous deux, cependant, tentent de se dédommager des menaces sous-jacentes à leurs structures. Dans ce sens, la nature de l'angoisse est différente mais la stratégie défensive est la même, du moins, du point de vue du déni partiel : une partie du Moi oeuvre à triompher de cette menace en tentant de faire comme si elle n'avait pas lieu tandis que l'autre la reconnaît.

Ainsi, j'apporterai le remaniement suivant concernant la première hypothèse : L'alcoolique et le fétichiste poursuivent le même but : dénier partiellement la réalité pour lutter contre les angoisses qui leur sont propres.

5.4. TABLEAU RECAPITULATIF DE LA DISCUSSION DES HYPOTHESES

 

Hypothèse 1

Hypothèse 2

 

Critère 1 : Intolérance de la frustration

Critère 2 : Incapacité de deuil et de séparation

Critère 3 : L'angoisse de castration

Critère 4 : Le déni partiel

Mr B

Le fantasme

Le Nom-du-Père

Angoisse de castration narcissique

La réalité

Mme E

La réalité

L'enfant du père et la mère rivale

Angoisse de castration génitale

Le fantasme

CONCLUSION

L'alcoolisme peut être comparé au fétichisme dans la mesure où l'alcool vient, comme le fétiche, se substituer à la perte d'un objet. La position mélancolique se retrouve tant chez le fétichiste que chez l'alcoolique puisque tous deux présentent une capacité de deuil et de séparation défaillante. Tout comme le fétiche, l'alcool permettrait de dénier partiellement la réalité : une partie du Moi la reconnaîtrait tandis que l'autre continuerait à faire comme si elle n'existait pas. De ce fait, l'alcool possèderait les mêmes pouvoirs magiques que le fétiche : il permettrait de faire exister ce qui est pourtant réellement perdu. L'angoisse dépressive est ainsi évincée dans les deux cas.

Cependant, l'objet à la source de la frustration chez le fétichiste (le sexe féminin) n'est pas le même chez l'alcoolique puisque l'alcoolisme est un trouble du comportement. Il n'est donc pas spécifique à un type précis de structure psychologique : les structures psychotique, limite, névrotique ou encore perverse peuvent être concernées par l'alcoolisme. Pour Mr B (perversion sexuelle), la frustration est celle de l'identification primaire à la symbolique d'une fonction paternelle peu structurante, tandis que Mme E (névrose obsessionnelle) est frustrée par la réalité qu'elle ne peut contrôler et les objets d'amour oedipiens. Mes rencontres avec les patients alcooliques m'ont permis de vérifier encore et encore ce lien entre structure psychique et objet de frustration spécifique. Et il est dommage que le temps imparti pour la réalisation de ce travail n'ait pu me permettre d'exposer cela.

Il en va de même concernant l'angoisse contre laquelle lutte l'alcoolique : elle dépend de la structure qui caractérise le patient en question. Ainsi, Mme E est-elle hantée par une angoisse de castration génitale et Mr B par une angoisse de castration phallique. Le déni partiel est donc lui aussi dépendant de la structure singulière au patient alcoolique : Mr B dénie partiellement la réalité d'un père castrateur et Mme E contre la réalité fantasmée de la transgression de l'interdit de l'inceste.

Quoiqu'il en soit, cette recherche clinique a pu me montrer en quoi l'objet ou la spécificité de l'addiction en question justifie sa singularité sémiologique et nosographique. Mais elle a pu également montrer qu'au-delà de ces objets et spécificités, des liens peuvent être réalisés entre deux formes d'addiction du point de vue des processus de pensée : l'alcoolique et le fétichiste chercheraient à luter contre une frustration menaçant leur intégrité narcissique et identitaire.

Cependant, neuf mois d'étude n'on pas suffit à satisfaire ma curiosité sur ce point car je pourrais interroger le lien entre l'alcoolisme et d'autres formes de perversions sexuelles ou avec d'autres addictions (boulimie avec vomissements par exemple).

Je ne peux donc prétendre avoir achevé cette étude, ni même l'achever un jour, tant les questionnements en appellent d'autres... Cette étude comparative entre l'alcoolisme et le fétichisme, ou d'autres perversions sexuelles, pourrait faire l'objet d'un projet de doctorat, que j'envisage d'entamer à la fin de cette formation professionnelle.

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ANNEXES

ANNEXE 1 : Mr B

Mr B : ENTRETIEN N° 1

Verbal / non-verbal

Eléments contre-transférentiels

Hypothèses

Je présente mon cadre au patient et m'assure de son consentement libre et éclairé.

-Oui, oui. J'accepte. Non, je n'ai pas de question à poser. Sans problème (il me sourit). Non, aucune question.

Je tiens à présenter mon cadre pour veiller à poser les limites et pour obtenir un consentement libre et éclairé

Suggestibilité ?

-Très bien. Alors racontez-moi : qu'est-ce qui vous amène à réaliser cette cure ?

-Ba je bois trop. (Silence, j'acquiesce)....

 

Caractère pathologique : l'excès

...En fait, mon problème, c'est que je bois que le week-end : la semaine je travaille, le week-end je bois. A partir du vendredi soir, je bois.

-Vous ne buvez que le week-end de façon régulière alors ?

-Oui, c'est ça.

J'ai du mal à croire qu'il ne boit que dans ce contexte

Alcoolisation chronique dans un contexte festif

-Dans un cadre particulier ou chez vous ?

-Beaucoup avec les amis. En boîte, on danse, on boit...

 

Alcoolisation dans un contexte festif (alcoolisme d'entraînement ?)

-Vos amis boivent aussi ?

-Oui, mais eux ils savent se contrôler. Ils boivent quelques verres.

 

Autrui : base de comparaison

-Et vous ?

-Moi... Moi c'est différent : je bois un verre, je m'arrête plus après !

 

Perte de contrôle de la consommation

-Vous buvez beaucoup ?

-Oui. (Silence vide). Oui, beaucoup...

-C'est-à-dire ?

-Ba, en soirée... heu... ça peut aller jusqu'à une bouteille ou deux...

 

Quantité d'alcool ingérée estimée comme excessive.

Excès

-Oui, quand-même...Et lorsque vous ne sortez pas en soirées, que se passe-t-il ?

-Je bois chez moi ou je rejoins les amis : les cafés, les bars ou les repas,... tout ça. (Silence plein)...

Ma réaction me surprend... Est-ce une attitude neutre ?

La consommation peut être solitaire, mais préférence pour le contexte festif. Alcool en tant que code social ou autrui en tant que prétexte pour boire ?

... Je bois des litres et des litres aussi, c'est pareil. C'est le premier verre, puis l'engrenage.

 
 

-Et quand est-ce que vous avez compris qu'il y avait un problème ? Qu'est-ce qui vous a permis de juger que votre consommation est pathologique ?

-Ba quand je bois, je suis très agressif....

 

Agressivité quand alcoolisé

...Je fais n'importe quoi. Une autre personne....

 

Sentiment de perte d'identité

...Le matin je ne me souviens même pas de la soirée

Cela me rappelle certains lendemains de fête où on ne se rappelle pas tout à fait.

Perte de mémoire

...Et de suite, quand je me lève, je téléphone à mes amis : « Alors, qu'est-ce que j'ai fait hier soir ?...

 

Le cercle amical : garant

- Ba tu t'es battu... encore ! ».

 

Caractère permanent/régulier du comportement hétéro-agressif

-Vous ne vous reconnaissiez pas ?

-Non, c'est ça : pas du tout.

 
 

-Mais, même sous alcool, vous restez la même personne. L'alcool a un effet désinhibant donc ce que vous tenter de contrôler en vous quand vous êtes lucide se libère quand vous êtes alcoolisé.

-Oui, mais je suis pas comme ça d'habitude. Je suis de nature calme, sympa et tout.

Je tente de faire prendre conscience au patient que l'alcool joue sur une part de lui-même.

Décalage entre la personnalité quand lucidité et alcoolisation

-Peut-être cherchez-vous à contrôler cette part d'agressivité en vous même lorsque vous êtes lucide ?

-Je sais pas. (Silence). Je fais beaucoup de sport ici. De la musculation.

 

Activités sportives : besoin de dépense physique ou modelage de l'image corporelle ?

-Cela peut être un moyen pour la contrôler.

-Je sais pas.

 
 

-A quoi vous permettait l'alcool ?

-A me sentir plus fort, moins faible. (Silence vide, j'acquiesce). Oui, je me sens faible quand je bois pas.

 

Effet renarcissisant du toxique

-Mais en même temps, lorsque vous êtes plus fort, vous vous battez...

-Oui... mais bon...

 

Force et agressivité

-Vous est-il arrivé d'avoir des soucis avec la loi à cause de ces bagarres ?

-Oui. (Silence vide).

 

Comportement hétéro-agressif et problèmes avec les forces de police

-Vous faisiez donc du mal aux autres...

-Oui. (Silence plein). Oui, c'est ça.

Je ne sais pas sur quoi enchaîner...

Culpabilité ?

-Toujours de la même façon ?

-Oui, avec un couteau. J'ai toujours un couteau sur moi : je suis maçon...

Je ne sais pas vraiment pourquoi je pose cette question...

Goût pour les armes blanches ?

Symbole phallique ?

... Donc je l'ai toujours sur moi : un canif.

 
 

-Et vous est-il arrivé de vous faire du mal à vous même ?

-Oui. (Silence plein). Intentionnellement oui. ...

 

Comportement auto-agressif

...Mais c'est parce que je n'arrive pas à faire le deuil de certaines choses.

 

Comportement auto-agressif mis en lien avec des deuils non-résolus

-Voulez-vous en parler ou préférez-vous en parler une autre fois ?

-Ba, en fait, c'est la mort de mon oncle...

Je n'ai pas envie de le bousculer pour le 1er entretien

Problème de la perte

On était très proche, presque le même âge. (J'acquiesce)...

 

Forte identification à l'Autre

...Et quand il était petit, il s'est fait enlevé par des hommes. Ils lui ont fait vivre plein de choses affreuses, des sévices sexuels, physiques. Et ils l'ont assassiné.

Effectivement, ce n'est pas évident !

Problème du décalage entre enfant/adultes

Sexualité et agressivité

-Oui, effectivement, ce n'est pas évident à vivre, ce genre de choses.

-Oui... Surtout que c'est pas comme si il avait eu quelque chose ou... (Silence plein et larmes aux yeux).

Je suis touchée par son émotion

Aucune préparation au deuil

Emotions passées encore d'actualité

-Et votre famille ?

-Elle en A....

Je veux savoir comment la famille l'a vécu mais le patient évite le sujet

Eloignement familial

...J'ai vécu longtemps là-bas : jusqu'à mes 25 ans.

 

Origine étrangère & vie à l'étranger

...Après je suis venu ici.

L'adaptation dont a du faire preuve ce patient me rappelle la mienne, Tunisie/France

Départ à 25 ans pour la France

-Vous ne la voyez pas souvent alors ?

-Bon... ça va... La dernière fois... J'y suis allé à Noël, pour le nouvel an. Mais ça faisait longtemps, oui.

 

Eloignement familial : déni partiel de la difficulté de séparation

-Cela a du être un moment émouvant alors ?

-Oui, ça s'est très bien passé : j'ai revu le pays. (Silence plein).

Pays d'origine : source pensée

 

-Votre arrivée en France ? Comment s'est-elle passée ?

-Oh, très bien. Très très bien. Pourquoi ?

Première question qu'il me pose... cela me surprend

Adaptation en France décrite comme facile / idéalisation +++

-Moi aussi, j'ai vécu dans le Maghreb. Et je ne suis en France que depuis quelques années. Et ce n'est pas toujours facile, au niveau de l'adaptation. Qu'en pensez-vous ?

-Oui, des fois... Les mentalités. C'est pas pareil...

Débordement de ma part ? Ou moyen pour lui signifier que je ne suis pas « dupe » ?

 

...Mais les amis, les sorties, tout ça... : ça a été facile. Pas trop dur.

 
 

-Vous avez quitté l'Algérie alors ?

-Oui. (Silence plein). Des mauvais souvenirs.

Pourquoi cet éloignement ?

Eloignement familial en lien avec souffrance

-Des mauvais ?

-J'ai fait mon service militaire là-bas. Pendant 2 ans. Enfin... 2 ans et demi.

-Oui, les hommes font le service militaire à 20 ans, dans le Maghreb, ou 21 ans, à la majorité...

On y forme les « hommes » !

Service militaire : 2 ans et demi

-Oui, les « hommes » (il mime les guillemets). Au cas où...

Sa dérision me surprend...

Accès masculinité perturbé ?

-Au cas où... ?

-(Silence vide)

-... Une guerre ?

-Je pense. Ouais, une guerre... L'Algérie, c'était difficile. (Silence plein).

Je suis intriguée par ce qu'il me semble être en train de ma cacher

Souffrance vis-à-vis de la situation politique algérienne ?

-Et qu'est-ce que vous conservez de douloureux, dans ces souvenirs ?

-Ba, c'est l'injustice. Parce que les chefs étaient... (Silence).

 

Problème lié à l'acceptation de la hiérarchie

...Ils profitaient beaucoup. Ils volaient tout, la nourriture et tout. On avait plus rien à manger.

 

Problématique dominant/dominé

-C'était des abus de pouvoir, si je comprends bien...

-Oui, complètement...

Aller à l'encontre des décisions hiérarchiques aurait pu lui coûter plus cher dans ces circonstances...

Problématique dominant/dominé

...Moi, j'étais dans les papiers. Je devais tout noter, et je le marquais ça : untel a pris ça, lui, il a pris ça, ça et ça...

 

Relevé régulier des abus de pouvoir

... Ils ne voulaient pas,...

 

Désobéissance des ordres émanant des supérieurs

... mais moi, je suis juste. Je notais tout... (Silence plein).

 

Décalage entre ses valeurs et celles des supérieurs

-Vous trouviez leur comportement injuste ?

-Oui, oui. Et comme je faisais pas ce qu'ils voulaient, ils m'ont ajouté 6 mois de plus. Donc, en tout 2 ans et demi.

 

Prolongement du service militaire car désobéissance (punition, castration ?)

[-Et comment avez-vous vécu cela ?

-Ba... ça m `a... mais c'était une leçon de vie.

 
 

-Leçon de vie ?

-Oui, sur ce qui se fait et se fait pas. Faut être honnête, généreux... (Silence vide). Pas faire de mal, tout ça. (Silence vide). C'était très dur... Ouais, pas facile.

 

Service militaire : apprentissage du bien et du mal (Surmoi ?)

Service militaire : expérience douloureuse

-Et comment avez-vous fait pour supporter tout ça ?

-L'alcool. (Silence vide. J'acquiesce). Oui, j'ai commencé là. A ce moment.

 

Alcool : début en Algérie (service)

Alcool aide à lutter contre la problématique dominant/dominé

-Quel rôle a joué l'alcool à ce moment là ?

-Oublier, à oublier, ...l'injustice...(Silence plein. Larmes aux yeux).

Comment expliquer cette émotion ? Dois-je l'amener à élaborer plus ?

Alcool : effet psychotrope

-Je peux constater une émotion intense, encore aujourd'hui.

-Oui. (Silence plein). Ca m'a beaucoup marqué... Je n'oublierai jamais.

 

Relation dominant/dominé : traumatisme ?

-Comment vous sentiez-vous face à ces abus d'autorité ?

-Impuissant, faible.

 

Service militaire : origine du sentiment de faiblesse actuel ?

Alcool : effet renarcissisant (se sentir moins faible) ?

-Comme lorsque vous ne buvez pas ?

-Oui. Mais pire ! (Silence plein. Larmes aux yeux). Vous savez, c'est un vrai traumatisme ! Y en a qui s'en sont pas sortis, y en a qui sont devenus fous !

Je veux lui faire mettre en lien

Service militaire : traumatisme car Moi et narcissisme primaire trop faibles

-Et vous ?

-Moi, j'ai essayé de tenir le coup avec l'alcool. Ca aura été dur. Mais j'ai tenu le coup. (Il sourit).

 

Alcool : échappatoire de la folie (médication)

-Donc, finalement, vous avez fait preuve de force : vous même le dîtes, d'autres sont devenus « fous », vous, vous avez tenu le coup...

-Ouais, j'ai été fort... (Il sourit).

Je veux dissocier force interne/alcool

Renarcissisation : effet positif ?

-L'alcool est apparu à ce moment. Mais je pense que la force de caractère a beaucoup plus joué que l'alcool lui-même, dans cette lutte contre la « folie », comme vous dites...

-Je pensais que c'était grâce à l'alcool... (Silence vide). Mais peut-être...(Silence vide).

Recherche-t-il une autre renarcissisation ?

Alcool : effet renarcissisant (se sentir moins faible)

-Donc, alors, j'ai été fort... (Il sourit). Oui, peut-être que j'étais pas faible... (Silence plein).

L'ai-je poussé dans ses retranchements ?

Effet thérapeutique de la renarcissisation mais le doute persiste encore

-C'est à vous d'y réfléchir et de vous faire votre propre opinion sur ce sujet. (Il acquiesce). Nous allons nous arrêter là pour aujourd'hui. (Il acquiesce). Nous avons anordé pas mal de choses aujourd'hui (Il acquiesce, les larmes aux yeux).

-Oui, des choses pas faciles. J'arrive pas à oublier tout ça. C'est dur...

 

Sensibilité, émotivité ?

Echec du refoulement (Descombey JP, 2004)

-Le mieux est d'accepter les choses telles qu'elles se sont présentées. Le terme « oublier » me gêne : dans l'oubli, il y a aussi le souvenir.

-Oui, accepter alors ?

 
 

-Pour arriver à dépasser ces choses difficiles et pour en faire quelque chose de moins négatif dans votre vie. Souhaitez-vous d'autres entretiens ?

-Oui, oui. Je veux bien.

 

Demande un suivi psychologique

-Qu'attendez-vous de cette cure ?

-Retrouver une vie normale.

 

Motivation : retour cers la norme

-Normale ?

-Oui, sans alcool. Sans agressivité. Etre normal. Mes amis, ma copine, je veux pas les perdre. Je me suis disputé avec elle, je veux plus tout ça !

Je cherche à évaluer sa demande et ses motivations

Norme : pas d'addiction, pas de violence

Dispute avec compagne

-Je suis là pour vous accompagner dans cette démarche. L'évolution de votre cure dépend d'abord de vous : votre investissement et votre motivation.

-Oui, oui, je sais.

Je tente de lui faire comprendre qu'il doit investir sa démarche de sevrage

 

-Bien, nous nous revoyons jeudi prochain à la même heure ?

-10h30 ?

-C'est ça.

-Très bien, juste après la muscu.

 

Sport : occupation ou entretien de la musculature ?

Mr B : ENTRETIEN N°2

Verbal/non-verbal

Eléments contre-transférentiels

Hypothèses

Alors, comment se déroule votre cure ?

-Super bien. Plus envie de boire...

 

Cure positive : aucune envie de boire

Une vraie leçon de vie...

 

Leçon de vie, comme service militaire ?

...Avec les autres, ça se passe très bien. (Silence vide, j'acquiesce)...

 

Importance du lien social

...Au départ, c'est difficile. Je connaissais personne, je restais en retrait. Puis là, je sors avec les autres en ballade, je discute avec eux. On rigole bien.

Son enthousiasme m'inquiète un peu et me rappelle les dangers de la 1ère cure, toujours idéalisée et source d'espoir...

Lien social en deux temps : timidité/ sociabilité

-Oui, donc, au début, c'est toujours un peu difficile de trouver confiance et vous êtes plus timide ?

-Oui, voilà. Maintenant, ça va...

 
 

...La dernière fois, je suis sorti en permission. Je suis allé au bar ou je vais d'habitude. On m'a dit : « Tu veux boire ? - Non, un café ! ». (Il sourit)...

Il me semble défier de sa démarche... alors qu'elle me semble encore dangereuse au bout de 15 jours de cure

Défiance du toxique : problématique dominant/dominé

Besoin de contrôle du toxique pour renarcissisation

...Mes amis buvaient une bière, moi, un café. J'ai pas eu envie...

 

Contexte amical et festif important

...Puis je savais qu'ici, j'aurais été contrôlé.

 

Importance du cadre institutionnel

-C'est donc ce contrôle éthylotest qui vous freiné ?

-Aussi. (Silence vide). Mais en même temps, j'avais pas envie. Je n'ai pas envie. Quand je vois les autres ici, des loques ! (Silence vide). Enfin... ils sont vraiment très mal. Moi, ça va, physiquement et tout !... Moralement...Je suis bien.

Il me semble avoir un Ego surdimensionné et ça m'irrite un peu

Cadre de la cure contient les rechutes

Comparaison à autrui différente du 1e entretien : valorisation de Soi

-Finalement, vous avez pu vous comparer aux autres patients. Vous vous n'êtes pas reconnu dans ce groupe, puisque vous trouver que vous êtes différent. Mais de les voir vous a renvoyé à ce que vous pourriez devenir...

-Ah oui, complètement. Voilà, c'est tout à fait ça.

Je tente de lui faire prendre conscience qu'il n'est pas tant différent, petit à petit...

Ses réponses me semblent toujours être les mêmes... ça me fatigue...

Identification secondaire à Autrui

-C'est vrai que c'est différent : vous n'êtes pas dans le même état. (Je lui fais un geste de haut en bas pour lui montrer que je parle de son apparence). Vous êtes peu marqué par l'alcool, voire pas du tout (il acquiesce). Cependant, là où vous êtes comme les autres, c'est que vous ne pouvez pas vous empêcher de boire...

-... (Il me coupe la parole). Oui, mais je bois pas tous les jours du matin au soir... !

Je le recentre petit à petit vers son problème addictif et la réalité de son trouble

Une réaction de révolte ? Tenterait-il de s'affirmer ?

S'évalue différent de part le fait qu'il boive que le week-end

-Oui, c'est vrai. Vous ne buvez que les week-end. Tous les week-end. Et vous-même parliez d'un « engrenage » l'autre fois. Donc, le caractère cyclique, régulier permanent vous concerne également. Qu'en pensez-vous ?

-(Il ne répond presque pas, comme inquiété)

Je culpabilise, mais en même temps, n'est-il pas important de le confronter à cette réalité ?

La consistance du Moi semble assez sensible au jugement d'autrui

-Vous êtes donc retourné au bar, celui où vous aviez l'habitude d'aller ?

-Oui, pour voir si avec l'alcool c'est fini.

 

Défi des limites des instances psychiques (Moi/ça/Surmoi)

-Ne trouvez-vous pas cette situation un peu dangereuse ?

-Non, puisque j'ai tenu. Quand je veux pas boire, je bois pas.

 

Déni du risque ?

Alcool : question de volonté ?

-Je peux comprendre votre démarche, mais je la trouve tout de même risquée : vous vous êtes mis dans une situation à risque de rechute, de tentation...

-...(Il me coupe la parole) Oui, mais bon, j'ai tenu.

 

Déni partiel de la situation à risque

-C'est bien, parce que vous avez réussi à vous poser un interdit face à l'alcool. Mais il faut que vous soyez prudent.

-De toutes les façons, il faut que j'arrête tout ! Je veux pas... (Silence vide).

 
 

-Vous ne voulez pas... ?

-Pas devenir comme les autres. Là, ... je suis bien. Je ne veux leur ressembler.

 

Abstinence motivée par identification secondaire

-Oui, comme vous disiez, c'est ce qui peut vous arriver demain qui vous motive.

-Oui, c'est ça. (Silence vide).

 

Appréhension (anxieuse ?) vis-à-vis de la réalité du trouble sur long terme

-Et votre vie affective ? Vous me parliez d'une dispute la dernière fois ?

-Oh, ba ça y est... C'est arrangé ! C'est résolu.

 

Conflit sur le plan affectif (rapidement ?) résolu et minimalisé

-Que ressentiez-vous face à cette dispute ?

-Je me sentais coupable (silence vide).

 

Minimalisation contradictoire avec affect de départ

-Coupable ? Pour quelles raisons ?

-Ba... en fait, c'est moi qui aie cherché la petite bête. C'est moi qui ait voulu ça.

 

Tension interne dans le couple recherché consciemment (sado-masochisme moral ?)

-Comment ça ?

-Ba, j'ai cherché un prétexte pour boire ce soir-là.

 

Alcoolisme où tout devient prétexte pour boire... (Descombey JP)

-Et cette culpabilité aujourd'hui ?

-Je me sents plus coupable. C'est résolu. C'est fini.

 

Culpabilité disparaissant face à la résolution du conflit

Donc vous recherchiez un prétexte pour boire ?

-Oui, c'est devenu comme ça, maintenant...

 

Caractère permanent du prétexte à boire

...Et je veux plus. Je voulais boire, alors fallait une cause. Maintenant, je veux arrêter ça. Avec ma copine, je veux que ça dure ! Arrêter mes bêtises !

 

Nouvel investissement : engagement dans la durée sur le plan affectif

-(Silence, j'acquiesce et le laisse poursuivre)

-En fait, je veux aller au devant...

 

Projection vers l'avenir (nouveaux investissements)

Avant, j'étais entre les hommes et les femmes : une fois les hommes, une fois les femmes. (Silence vide)

Evalue-t-il mon ouverture d'esprit sur la question ?

Orientation sexuelle troublée (bisexualité)

-Vous aviez des difficultés à trouver votre orientation sexuelle, si je comprends bien... ?

-Oui. J'ai eu des relations avec des hommes. Je veux arrêter ça. Aujourd'hui, j'ai une copine...

Pourquoi ce changement de choix d'objet ?

Antécédents : homosexualité

Aujourd'hui : hétérosexualité

-Vous avez eu des relations longues et sérieuses avec des hommes ?

-Oui. (Silence plein). Ba 2 ans. (Silence plein)

 

2 ans de relation homosexuelle stable encore source de « pensée » aujourd'hui

-Quel souvenir en gardez-vous ?

-C'était très bien. Une bonne expérience (silence vide). Puis ça s'est fini du jour au lendemain.

Cela me semble paradoxal

Rupture affective (imprévue ?) malgré les bons rapports affectifs

-Du jour au lendemain ?

-Oui (silence plein).

-Qui a voulu cette rupture ?

-Moi. C'est moi (silence plein).

 

Il brime sa pulsion homosexuelle

-Cela a été un moment difficile ?

-Oui (silence plein)

Je ne comprends pas bien

Rupture certainement forcée par des facteurs sociaux

-Quelles ont été vos motivations pour rompre à cette époque ?

-Mes amis, autour de moi, ils ont une vie de famille. Des femmes, des enfants. Une maison, et tout quoi ! ...

 

Rupture du choix homosexuel : étayage sur la norme sociale : vie familiale avec couple hétérosexuelle

...Moi aussi, je veux regarder devant : une femme, des enfants, une vie normale... (Silence vide).

 

Désir de parentalité car identification primaire

-Et cela n'aurait pas été possible avec un homme ?

-Non, non. (Silence vide). Non, je pense pas. (Silence plein)

 

Dénégation de la possible vie familiale avec un couple homosexuel mais source de retranchement vers soi

-Silence plein que je soutiens sans intervenir.

Ce silence commence à peser mais il faut que je « tienne », que je respecte ce moment de repli sur soi

Remise en cause de sa théorie personnelle sur la norme familiale ?

-Silence vide, il me regarde, je lui souris et lui dis : « Que pensez-vous de ce silence ? »

-Pardon ? J'ai pas entendu ?

Son regard me donne l'impression d'avoir son « accord » pour intervenir

Processus de pensée où autrui trouve difficilement sa place ?

-Que pensez-vous de ce silence ? 

-Heu... (Silence plein). Je ne sais pas quoi répondre à cette question.

 

Rétrécissement du dialogue ?

-Que ressentiez-vous face à ce silence ?

-Ba, j'aime bien quand je suis seul, comme ça. Je peux réfléchir, penser. Mais pourquoi cette question ?

Je cherche à voir si l'e vide est une situation anxiogène pour lui mais c'est absurde puisque je suis encore présente physiquement donc où est le vide ?

Je comprends sa question : où vais-je par cette piste ?

Le repli sur soi équivaut à introspection

-Parce que les silences peuvent parfois être source de malaise...

-Non, non. Moi non. (Alternance silences plein/vide durant 1 ou 2 minutes). Donc voilà. (Il rit).

J'ai du mal à comprendre ce silence et ce rire...

 

-Donc, oui, voilà... Vous vous sentez guéri...

-Oui, plus fort. Je me suis rendu compte que sans alcool, je suis pas faible.

 

Guérison : retrouvaille d'un Moi plus consistant ?

-Donc finalement vous vous êtes retrouvé, c'est ça ?

-Je fais plein de choses le matin, le Dr... m'a laissé la permission de sortir un peu. Puis je vais faire du sport, puis avec les autres, je suis moins timide...

Serait-il un privilégié du service ?

Auto-médication : occupations et relations sociales

...Je vois que je n'ai plus besoin d'alcool.

 

Alcool : substance primaire (besoin)

-C'est bien, vous avez fait du chemin depuis votre arrivée. Vous semblez avoir fait un travail sur vous. Vous semblez avoir retrouvé confiance en vous.

-Oui... (silence vide, il me sourit).

Il aime les compliments

Regard de l'autre : influence estime de Soi (renarcissisation)

-Mais il est important que vous vous questionnez sur l'origine de ce sentiment de faiblesse que vous ressentiez. Pour être capable de la mettre en lien avec quelque chose, pour la comprendre et en faire quelque chose...

-... (Il me coupe la parole). C'est mon père. Il buvait, en fait...

Il m' « impose » un souvenir ? ou sait-il où je veux en venir ?

Antécédents familiaux (père) mis en lien avec son sentiment de faiblesse

...(silence plein)

 

Emotions passées encore d'actualité

Je le laisse poursuivre :

-...Et quand il buvait, il devenait violent, très agressif ...

Le lien identificatoire me rend davantage alerte

Identification primaire au père (agressivité quand alcool)

-Comme vous lorsque vous buvez ?

-Oui, comme moi.

 

Identification primaire au père (agressivité quand alcool)

(Silence vide). Il frappait ma mère, il la battait.

Cela me semble un peu trop proche des scénarios classiques

Agressivité dans le couple parental

-Ca a du être marquant.

-Oui... Traumatisant même (il se replace sur sa chaise, comme s'il était mal assis). Un vrai traumatisme ! (Silence plein, larmes aux yeux)

 

Tonalité du souvenir dramatisée

Emotions passées encore d'actualité

-(Je reste silencieuse)

-Et ma mère restait avec lui quand même ! Comme quoi... (il baisse les yeux au sol, puis me regarde). C'est n'importe quoi !

 

Incompréhension du comportement de la mère

Jugement négatif de la mère (car passive) ?

Il poursuit : Ils sont encore ensemble aujourd'hui... (il sourit). Comme quoi ! Mais mon père boit moins aujourd'hui...

Effectivement, malgré la violence conjugale, la mère reste... Paradoxe, mais en même temps, la mère a-t-elle le choix ?

Couple parental jamais séparé

Actuellement : alcoolisme du père en baisse ( ?)

-Et vous, vous étiez où durant ces disputes ?

-Comment ? Je n'ai pas entendu (il rapproche une de ses oreilles)

Aurai-je touché un point sensible ?

Problème d'audition ou repli sur soi le rendant un peu « hermétique » ou acte manqué ?

-Etiez-vous témoin de ces disputes ?

-Oui.

 
 

-Et donc... que faisiez-vous ?

-Je ne pouvais rien faire. Un vrai traumatisme (Silence vide).

 
 

-C'est peut-être ici que votre sentiment de faiblesse trouve son origine, qu'en pensez-vous ?

-Oui... (Long silence plein). Je me sentais impuissant. (Long silence plein). Alors voilà.... (Silence vide).

Le patient ayant déjà mis en lien faiblesse propre/force paternelle, je me permets d'interpréter...

Me demande-t-il de faire fonction méta ?

Moi écrasé par la toute-puissance phallique du père

-Je comprends combien cela a du être dur pour vous.

-(Il acquiesce et ne dit rien, il me regarde).

-Pouviez-vous faire quelque chose ?

-Non... (il soupire). J'étais trop petit.

 

Angoisse castration (génitale/ phallique ?)

-Vous l'avez sans doute fait : par l'amour de ses enfants, elle s'est sentie protégée.

-Elle me disait la même chose. Mais bon...

-Vous sentez-vous coupable ?

-Je n'ai pas l'impression de l'avoir...

-Comme vous le disiez, vous étiez trop petit. Alors vous avez fait ce que vous pouviez avec vos moyens. Non ?

-Je sais pas... (Silence vide).

Je tente de le déculpabiliser. Je ne veux pas laisser le patient repartir avec un tel point d'angoisse ?

Incertitude concernant sa capacité à protéger l'objet d'amour maternel (idem pour objets féminins secondaires ?)

-Bien. Nous allons nous arrêter là pour aujourd'hui. Je vous laisse y réfléchir à tête reposée.

-Oui (il me sourit brièvement).

-Vous avez fait du chemin, il faut poursuivre dans cette optique. Il faut que vous réfléchissiez aux situations à risques de rechute et aux moyens que vous allez mettre en oeuvre.

-Je veux prolonger ma cure. Pour être sûr que ça marche.

Il m'avoue une faiblesse

Défi du toxique car persistance du sentiment de fragilité vis-à-vis du toxique ?

-Vous n'en êtes pas sûr ?

-Ba un mois... c'est court, j'aimerai un mois de plus !

 

Appréhension du temps imparti pour la cure de sevrage

-Oui, vous avez raison. Un prolongement de cure peut vous aider à atteindre une meilleure garantie d'abstinence sur long terme (Il hoche la tête). En avez-vous parlé au Dr... ?

-Non, pas encore.

 

Faible degré de la motivation du prolongement ?

-Il faut le faire, pour une raison de réservation de votre place.

-Ah, d'accord (je le regarde un peu soigneusement, son air me semble indifférent)

-En attendant, il faut réfléchir aux situations pouvant vous placer dans une tentation de reboire. Ca vous permettra de penser aux stratégies pour ne pas rechuter.

-Oui, même 10 ans après, y en a qui rechutent !

-Oui, cela peut arriver.

Il me semble peu « convaincu », comme détaché de ce que je lui dis

« Bon élève » ?

La maladie en tant que fatalité ?

Je lui demande s'il souhaite un autre entretien, il répond que oui.

Je me demande pourquoi il souhaite un autre entretien puisqu'il se considère guéri...

 

Mr B : ENTRETIEN N°3

Verbal / non-verbal

Eléments contre-transférentiels

Hypothèses

Je vais chercher le patient dans le salon fumeur : On y va ?

-Oui, oui, allez, on y va.

 
 

On marche en direction de sa chambre. J'entame le dialogue une seconde fois :

-Désolée pour le retard. On devait se voir à 10h30 mais la réunion a duré plus longtemps que prévu (il me sourit, comme pour me dire que « ce n'est pas grave »)

(Il s'arrête devant le bureau de l'infirmerie).

Cela me gène de devoir changer de cadre, mais je n'ai pas le choix : le bureau n'est pas libre.

Le patient et le cadre : l'habitude

-Non, nous allons faire l'entretien dans votre chambre aujourd'hui. Les infirmiers ont besoin du bureau.

-Ah, oui. D'accord.

 

Le patient et le cadre : tolérance du changement

Arrivés dans la chambre, l'agent de service fait son ménage. Je lui demande :

-Vous en avez pour longtemps ?

-Ah oui ! Ce matin, c'est la folie !

Elle semble affectée par ce matin : la Psychologue lui avait demandé de remettre le ménage de la salle à manger plus tard (réunion staff)

Femme de ménage : aucune coopération

Le patient me rapproche une chaise près de son lit et me dit :

-Voilà, asseyez-vous.

-Disons que ça me dérange de faire l'entretien pendant que la femme de ménage est là.

-Oh ! C'est pas grave. Rien de personnel à dire.

Je me sents dépassée par la situation : comment poser un cadre ?

Désinvesti du suivi psychologique ?

Je m'assoie et laisse un silence passer. J'attends que la femme de ménage finisse de passer la serpillière.

Je me sents vraiment dépassée : j'ai l'impression d'empiéter sur son espace de travail.

 

Le patient interrompt cette attente :

-Voilà. (Il me sourit). Tout va très bien.

J'attends un peu avant de répondre, occupée par la présence de la femme de ménage qui quitte (enfin) la chambre. Je réponds au patient :

-Votre cure se déroule donc sans bémol ?

Impatience ou silence anxiogène ?

Patient s'estimant guéri

-Ah oui, très très bien. Je fais du sport, les permissions se passent très bien...

Mais à quoi puis-je servir dans ce cas ? Pourquoi voulait-il prolonger sa cure ? Où m'amène-t-il ?

Déroulement de la cure idéalisé

...Les autres, avec eux, je suis bien. On rigole bien.

 

Activités : sport, sorties, relations sociales

-Avez-vous ressenti des difficultés par rapport à l'alcool ?

-Non, non. Rien.

(Je laisse un silence s'installer).

A quoi rime cette rencontre : sur quoi vais-je pouvoir travailler ?

Dénégation ou réalité ?

-Vous est-il arrivé d'y repenser ?

-Non, pas du tout.

-La nuit, dans vos rêves, ou la journée ?

-Non, rien. C'est fini.

Il me semble peu coopératif, mais c'est peut-être là-dessus que je vais me baser pour travailler

Alcool écarté de toute pensée conscience : tentative de refoulement ?

-Vous vous considérez comme totalement guéri alors ?

-Oui, complètement guéri. (Il me sourit).

Sa réponse en miroir m'irrite un peu

Suggestibilité ? Séduction ?

Comment expliquez-vous cette rémission totale et sans difficulté ?

-Par l'envie d'avancer dans la vie (il sourit). Je n'ai pas envie de retoucher à l'alcool.

 

Abstinence et projets 

-Qu'est-ce qui aurait motivé cette perte d'envie de boire ?

-Ne pas regarder en arrière. Je vais m'occuper une fois dehors. Comme ici. Et puis je vais vite reprendre mon travail.

Pourquoi est-ce que je pose cette question, puisqu'il m'a déjà répondu ? Le patient me désoriente...

Maintien abstinence par la substitution/étayage : le travail et le sport

-Donc, votre clé contre l'alcool, ce serait des occupations ?

-Oui, c'est ça. (Silence vide).

 

Toute puissance narcissique retrouvée ?

-En effet, ça peut être un bon moyen.

-Voilà. (Il sourit. Silence vide).

 

Introspection semble impossible aujourd'hui

-Donc vous êtes guéri...

-Oui...

-Et pourtant, vous souhaitiez me revoir...

-Oui, parce que ça fait du bien de parler. De dire les choses. Ne pas garder en soi.

Il me remet à ma place de dépôt... Ce qui me blesse un peu, mais en même temps, c'est aussi mon rôle

S'estime guéri de son addiction

Inverse l'asymétrie (dépôt)

--Vous avez des choses particulières à me dire ? Des choses qui vous préoccupent ?

-Non. Plus rien. Je vous ai tout dit. D'important... J'ai tout dit... (Il sourit). Mais c'est vous raconter ce qui se passe dans mes journées.

Je suis dans l'attente... mais en même temps, il me livre déjà du matériel sur lequel travailler...

Le factuel... n'est-ce pas à ses amis qu'il doit le livrer ?

Considère avoir fait le tour de la question de son trouble

Nouveau matériel à livrer : le factuel

-Avec cet entourage, en avez-vous la possibilité ?

-Oui, oui. J'ai de très bons amis. Ils m'aident beaucoup. Je peux parler avec eux.

-Même de votre problème d'alcool ?

-Oui, oui. (Silence vide).

Je refuse d'exercer la même fonction que ses amis

Cercle amical fortement idéalisé

Alcool&amis : matière à penser

-Bon, et bien puisque tout semble aller, je vous propose de ne pas vous donner de rendez-vous moi-même. Ce sera à vous de choisir le prochain entretien. Je vous laisse la semaine pour y réfléchir : soit mardi, soit jeudi matin.

-Oui, d'accord (il se lève).

-Vous viendrez me voir dès 9h00 pour fixer votre entretien. On inverse les rôles cette fois-ci (je sourit, l'air un peu ironique). D'accord ?

-Oui.

Etant perdue, je préfère écourter l'entretien et lui donner la tâche de fixer le prochain entretien : le but étant qu'il investisse plus le suivi

Cette ironie laisse parler ma volonté de réintégrer l'asymétrie dans le bon sens

Répercussion sur autrui de son envie/tendance à vouloir contrôler le toxique/l'environnement

Indifférence face au nouveau cadre ? Suggestibilité ?

-Votre prolongement de cure : où en êtes vous ?

-Non, non. Je ne veux plus prolonger.

Le risque de la 1è cure est souvent ce cas de figure

Sentiment de toute-puissance narcissique ?

-Et que vaut ce changement de décision ? Vous vouliez prolonger l'autre fois, il me semble ?

-Non, maintenant, je veux plus : je suis très bien, tout va très bien.

 

Idéalisation de Soi

-Donc la semaine prochaine vous sortez...

-Oui (il sourit).

-Bon, et bien, j'attends votre demande de rendez-vous. A la semaine prochaine.

-Oui, la semaine prochaine. Bon week-end.

-Merci, vous aussi.(Je sors de la chambre)

 

Impatience face à la sortie ?

Séduction ?

Le patient n'est jamais venu demandé d'autres entretiens. Lorsque je le relançais, il me disait aller pour le mieux : « Je sais que je peux venir vous voir quand je veux, quand ça va pas. Mais là ça va très bien ». L'asymétrie clinicien/patient me semble biaisée puisque le patient me laisse dans une place d'attente.

ANNEXE 2 : Mme E

Mme E : entretien n° 1 :

Matériel verbal/non-verbal

Eléments contre-transférentiels

Hypothèses

-Alors, Qu'est-ce qui vous amène à réaliser cette cure  ?

-Oh ! Ba comme d'habitude. Toujours le même problème : je ne comprends pas pourquoi je bois.

 

Position passive face à la dépendance (la perte de contrôle)

-Vous ne comprenez pas ?

-Oui. C'est étrange, vous avouerez, cette façon que j'ai de boire seule et de ne pas boire quand il y a du monde...

Elle tente de me faire partager son avis

Consommation solitaire inexpliquée puisque l'alcool festif ou « social » ne l'intéresse pas

... même quand je sors en ville, à A., le Cours M., je sais pas si vous connaissez...

-Oui, je connais cette ville.

Elle porte un intérêt sur ma compréhension de son discours

 

-Et bien vous avez vu tous ces bars et cafés ?

-Oui... (lui dis-je d'un ton un interrogatif).

Pourquoi dépense-t-elle tant d'énergie à me rallier à son opinion ?

 

-Et bien, je ne prends pas d'alcool. Je commande une orange pressée... pas d'alcool. Alors, c'est toujours la même question : pourquoi je bois ?

Cette question me fatigue car la patiente me semble y trouver les bénéfices d'un contre-investissement de sa culpabilité

Importance de la boisson : si pas alcool alors autre liquide

Recherche de l'étiologie : quête de déculpabilisation ?

Je tiens à canaliser la patiente sur le réel travail possible durant cette cure :

Oui, je comprends que c'est important pour vous de comprendre pourquoi. Mais il me semble que comprendre ce qui vous motive à boire et ce que vous apporte l'alcool est le plus important. Peut-être arriverons-nous à comprendre les causes de cette façon, peut-être pas. Mais dans l'immédiat, l'essentiel est de comprendre comment s'organise votre trouble.

 
 

-Votre mère adoptive ?

-Oui, j'ai été abandonnée par ma mère biologique à l'âge de 18 mois...

 

1er geste du matin : acte de boire

Mère adoptive et neuropathie

...Enfin abandonnée... elle ne pouvait pas m'assumer...

 

Remâchage du terme "abandon" de la mère

...Ensuite, je remonte chez moi pour faire mon petit ménage...

Semble rassurée de voir que j'ai retenu certaines choses

Les visites chez la mère : une régression

Les moments d'indépendance : une remontée

Et quand je fais mon repassage, il y a des moments où je m'arrête pour aller de boire. Comme ça, sans raison, sans rien...

Elle me donne du matériel mais non-traitable, non-élaborable

Moments d'indépendance : consommation d'alcool compulsive

... Je m'arrête et je vais boire quelques gorgées. C'est grave quand même !?

-Pourriez-vous me dire ce que vous ressentiez : que se passe-t-il à ce moment (une image particulière, une sensation...) ?

J'ai l'impression qu'elle cherche à ce qu'autrui la plaigne ou la qualifie de grande malade malgré elle, je m'y refuse

 

-Non. Rien. (Silence vide). Une impulsion, c'est comme ça.

-Quelque chose de plus fort que vous, d'incontrôlé ?

-Oui, voilà...

 

Compulsion permet de ne pas se responsabiliser face à la consommation.

Tendance à banaliser cette souffrance issue de la compulsion

... Alors après, je fais à manger pour ma mère...

 

Fonction maternelle inversée par l'handicap de la mère

« Mr E. » mange avec nous...

Je suis surprise par ce recul face au conjoint

Triangulation oedipienne Mme E/mari/mère

... Mais ma mère et lui ne sont jamais contents de ce que je fais à manger : ma mère dit que je les nourris mal...

Je m'imagine le sale caractère de la mère...

Fonction maternelle de la patiente mise en échec par la mère

Culpabilisation de la mère

... que je fais pas ce qu'ils aiment. Alors je me demande toujours ce qu'ils veulent...

 

Jugement de la mère : effet négatif sur la patiente

... mais elle n'est jamais contente : elle préfère ce que lui fait la jeune fille qui s'occupe d'elle ou ce que « Mr E » veut.

 

Culpabilisation et rivalité avec les autres

-Donc, finalement, elle vous reproche de ne pas bien vous occuper de vos proches ?

-Oui, c'est ça. Alors moi, ça m'énerve ! C'est pas juste !...

 

Mère culpabilisante d'où sentiment d'injustice et colère

... « Mr E » me dit tout le temps que je ne lui fais jamais plaisir !...

 

Le mari comparé à la mère

... Mais ça dure depuis longtemps... depuis qu'on fait chambre à part. Alors... (Silence vide, elle me regarde)

 

Rupture dans la vie sentimentale (changement de mode de vie)

Idem pour la mère ?

-Votre relation de couple est devenue difficile ?

-Oh oui ! (elle rigole)

-Et comment pouvez-vous expliquer ce changement ?

J'ai du mal à trouver son rire approprié à ce changement que j'estime majeur dans une relation de couple

Changement pris à la dérision ?

-Ba, « Mr E » a eu une autre vie à côté. Il faisait sa vie et quand j'ai compris, moi aussi j'ai fait ma vie.

 

Le don de l'échange : un donné pour un rendu (la dette et la vengeance)

-Comment avez-vous réagi face à ses infidélités ?

-J'ai été blessée. Oui. Très blessée. Parce que je ne comprends pas pourquoi il a fait ça, je comprends pas pourquoi.

 

Infidélités mari : souffrance dramatisée chez la patiente relative à un sentiment d'injustice

Difficultés de remise en cause ?

-Vous êtes vous sentie coupable de ses infidélités ?

-Non. Parce que c'est lui...

 

Aucune remise en cause : explication exogène

... Il est complètement « schizo », vous savez...

Tente de me rallier à son diagnostic

Cause des infidélités : la maladie mentale du mari

... Un jour c'est blanc, un jour c'est noir. Et il a toujours peur de ce qu'on peut dire sur lui...

 

Cause des infidélités : la instabilité mentale et manque de confiance du mari

... Toujours en train de tout surveiller et tout ça ! oufa ! je ne vous raconte pas, c'était insupportable !

 

Lassitude chez la patiente ou description d'un rituel chez le mari ?

Dramatisation du trouble du mari

-Qui vous a parlé de schizophrénie à son égard ?

-Ba c'est moi... qui ai conclu ça. Mais il est allé voir un psychiatre pendant longtemps, parce qu'il était zinzin (signe de la main près de la tempe) dans sa tête !...

 

Séduction : trouver les outils donnant la crédibilité

... Et donc voilà, avec « Mr E » c'est plus du tout pareil depuis longtemps !

 

Perte et changement

-Vous avez perdu confiance en lui ?

-Oui, totalement. Mais il faut dire qu'il est spécial et qu'il m'aide pas à ne pas être méfiante !

 

Justifie ses actes par des causes exogènes : perte de confiance dans le couple à accuse du mari

-Comment ça ?

-Ba, l'autre fois quand il devait aller à M. pour faire des courses et qu'il est revenu 10 minutes après sans courses, sans rien m'expliquer ?

(Je la regarde sans répondre, j'acquiesce)

 

Incompréhension : menace & source de l'activité fantasmatique

-Oui, et bien, si mon amie ne me ment pas, mais elle me ment pas, j'ai confiance en elle, elle m'a dit qu'il y avait des embouteillages de A. à M.. Il aurait pu me le dire quand même ? Vous voyez ?

Cherche à me convaincre ou à obtenir un avis extérieur ?

Confiance aux autres (amie) mais pas au mari

(Je ne réponds pas, j'acquiesce de la tête, simplement)

-Alors voilà : entre ses infidélités et tout ça ! Je ne lui fais plus confiance.

 

Jalousie pathologique ?

-Et autrefois ? Vous ne m'avez pas parlé de votre rencontre...

-Oh ! (elle sourit). J'étais jeune ! J'avais 18 ans...

L'air me paraît un peu nostalgique

Rencontre du mari lorsque jeune

... Mes parents ont voulu que je me marie vite. Il était plus âgé...

Comment a-t-elle pu supporter ?

Mariage sur la volonté parentale avec un homme plus âgé (mari) Passivité ? ou éducation ?

... Sa famille me l'avait dit avant le mariage : « T'es sûre ? Tu veux l'épouser ? Tu sais, il est un peu toc-toc ! »...

 

La belle-famille prise à témoin de la folie du mari

... Alors bon, moi, j'y croyais pas, vous savez, j'étais jeune, la naïveté du début...

 

Causes exogènes à toute erreur de sa part

...Et puis, au début je ne voyais rien : il était normal, du moins...

Se poserait-elle en tant que sujet ?

 

... Puis après on a eu trois enfants. Puis je me suis mise à boire...

Le lien me frappe

Maternité / alcool

... et il a commencé à contrôler mes planques. Et il trouvait toujours ! (elle rigole).

Je ne trouve pas ce qu'il y a de drôle dans cette attitude, mais je souris

Alcool : défi du mari, jeu ?

Mari : instance surmoïque vis-à-vis du toxique

-Et vous pensez que l'alcool aurait pu joué dans votre couple ?

-Oui, quand même, il s'inquiétait beaucoup... Il voulait jeter toutes mes bouteilles,...

 

Alcool : attirer l'attention du mari

...les vider et tout ça, vous savez... Puis voilà...

Quelle signification peut avoir ce mot pour elle ?

 

-Il serait alors devenu votre gendarme...

-Comme vous dites... il est devenu mon gendarme, plus mon mari.

Me signifie qu'elle retient des choses (effet gratifiant sur moi)

Mari représente interdit (Surmoi ou interdit paternel ?)

-Et cela vous accommode ?

-Oh... quelque part oui. Mais en même temps, non. (Silence vide)

 

Ambivalence affective vis-à-vis de sa propre culpabilité : perversion ?

-Vous vous sentez au centre de son attention lorsqu'il cherche vos cachettes ?

-Oui, je le mets à l'épreuve...

 

Défiance du mari : test de ses limites affectives ?

...Je l'emprisonne...

 

Défiance mari : alcool comme moyen de l'accaparer

... Je sais que c'est pas bien (Elle se met en arrière sur la chaise. Silence plein).

 

Reconnaissance de la notion déviante de son acte

-Vous m'avez l'air touchée par ce constat...

-(Elle me coupe la parole) Oui, complètement !

 

Culpabilité et Surmoi rigide ?

-N'y aurait-il pas d'autres moyens pour qu'il vous témoigne son affection ?

-Oui. Mais on ne sort plus beaucoup. Avant, on faisait plein de choses...

 

Perte des loisirs au sein du couple

...Même au niveau intime...

 

Changement dans la vie sexuelle du couple

... Bon, au niveau intime, ça a toujours été un peu difficile les 1er temps...

 

Vie sexuelle dans le couple décrite comme difficile durant les 1er temps (1er rapports sexuels de la patiente ?)

...Vous savez, mes parents sont très vieille école : il faut coucher qu'après le mariage !

 

Vie sexuelle tardive (mariage) car éducation parentale conventionnelle

-Vous avez du découvrir la sexualité par vous-même ?

-Oui, mais j'ai eu une amie qui m'a aidée...

 

Cercle amical permet la découverte sexuelle

...Elle était plus dégourdie, moins sous la pression de ses parents...

 

Cercle amical / patiente : décalage d'éducation sexuelle

...Elle m'a montré certaines choses, vous savez, les bisous et tout ça...

Elle me semble gênée, mais ne s'agit-il pas d'un passage normal de l'adolescence ?

Passage par des tendances homosexuelles pendant l'adolescence

...Bon, j'étais un peu perturbée et puis à 14 ans, j'étais naïve, je ne savais pas que c'était mal.

 

Culpabilité donc recours à la naïveté et à l'immaturité pour se déculpabiliser

Surmoi rigide ?

-Perturbée ?

-Perdue... (Silence vide, elle me regarde).

 

Importance du regard de l'autre ?

-Dans la difficulté de trouver votre orientation sexuelle ?

-Oui, c'est ça. Puis c'est elle qui m'a fait comprendre les choses...

 

Tendance homosexuelles dans l'adolescence : découverte de la génitalité

...Elle m'a sorti ces bêtises de la tête ! Vous savez, ces histoires que les parents racontent à leurs enfants ? ! ...

 

14 ans : théories sexuelles infantiles ?

... Ce sont des parents frustrés, ça ! ...

 

Education sexuelle reçue justifiée par la sexualité frustrée (imaginaire ?) des parents

...Elle m'a expliqué comment on faisait les enfants, comment ils naissaient. Vous imaginez ? ! ...

 

Cercle amical permet la découverte de la sexualité génitale

...A 14 ans, je pensais encore que les enfants naissaient dans des boutons de roses ou de choux !...

Effectivement, je trouve ça aberrent...

14 ans : théories sexuelles infantiles

... A l'école, en classe, une fois, on s'est moqué de moi quand on m'a demandé où j'étais née : j'ai répondu : dans un chou ! ! (Elle écarquille les yeux et hoche la tête, comme pour dire)

 

Décalage entre éducation sexuelle du cercle amical / patiente menant à des difficultés sociales au lycée

-Donc, finalement, vous avez mis du temps pour accéder à votre féminité ?

-Oooh oui ! Ma mère adoptive, elle ne l'a jamais fait ! ...

 

Féminité difficile d'accès car la mère absente dans cette tâche

... Elle a toujours eu un problème avec ça ! Alors j'ai découvert toute seule ! (Elle lève le bras)

 

Mère distante sur le sujet de la sexualité donc la fille apprend seule

-Et comment cela s'est passé pour vos 1er rapports sexuels alors ?

-Oh, ba, je me suis laissée porter...

 

1er rapports sexuels : passivité ?

... Et puis je connaissais quelques petites choses...

 

1er rapports décrits comme peu perturbants

... Mais moi, j'ai toujours été contre cette éducation vieille école ! Mes enfants, je les ai pas éduqué comme ça ! ...

 

Education sexuelle parentale reniée d'où son éducation sexuelle parentale propre faite sur un autre mode

... Et aujourd'hui, ils vont très bien !

 

Se gratifie de sa conception propre de l'éducation sexuelle parentale

-Et vous ?

-Je bois (Elle soupire, comme usée)

Ce lien me frappe : est-ce un vrai lien ou une déculpabilisation de son alcoolisme ? Je ne sais pas trop...

Lien éducation sexuelle parentale / alcoolisme

-Pensez-vous que l'alcool soit lié à votre éducation reçue ?

-Oh.. Je ne sais pas... (Silence plein)...

Ai-je touché un point sensible ?

Mise en lien partielle éducation sexuelle parentale / alcoolisme

... Moi, je veux comprendre pourquoi !...

Cette question m'use

Psychorigidité ?

...Alors moi je pensais que c'était à cause de ma mère biologique,...

 

Théorie personnelle : alcoolisme/abandon maternel

...Mais même pas, puisque je l'ai rencontré ! et que ça n'a rien changé !

 

Théorie personnelle échouée

-Vous l'avez rencontré ?

-Oui, en 2003. Mais pas longtemps, elle est décédée 3 mois après d'un cancer du pancréas la pauvre...

 

Courtes retrouvailles avec la mère

-Vous avez été attristé par ce décès ?

-Oh... c'était mieux pour elle ! Vous savez, elle souffrait...

 

Minimalisation de la perte malgré l'identification de la souffrance de l'autre

...Moi j'ai travaillé en tant qu'infirmière en cardio, et je sais ce que c'est les cancers !

 

Infirmière de profession (le soin)

(Je la regarde avec un air interrogatif)

...Eh oui ! Ils sont sous traitement chimio et tout ça, ils se soignent mais ils savent qu'ils vont mourir !...

 

La fatalité du trouble : banalisation du décès de la mère

...Alors, vous voyez, ma mère restait la seule explication, et il s'avère que non puisque je bois encore !

 

Théorie personnelle : la nostalgie de la mère biologique échouée

-Avant de comprendre les causes, il faut comprendre les bénéfices et les motivations de votre consommation.

Je lui réexpose nos axes de travail, mais j'ai l'impression qu'elle ne les entend pas

 

-Oui, mon suivi avec la psychologue au CCAA m'ont pas permis de comprendre pourquoi je bois...

 

Echec de son suivi psychothérapeutique à l'extérieur concernant les causes de son addiction à l'alcool

...Mais, en fait, avec Mme..., on a réussi à traiter le fait que j'ai toujours le besoin de stocker chez moi.

Un autre trouble addictif ?

Collectionnisme ou achats compulsifs ou les deux ?

Point de fixation : anal ?

-Stocker ?

-Oui, j'achète tout le temps, tout le temps !...

 

Achats compulsifs

Dramatisation du trouble

...Pour stocker, garder en réserve...

L'image me semble intéressante

Achats compulsifs liés à angoisse de vidage ? de perte ? Instinct auto-conservation ?

... Là, maintenant, ça va mieux, j'achète moins...

 

Evalue une évolution positive du trouble

...Je vais faire les courses qu'une fois par semaine...

 

Evolution positive du trouble car caractère cyclique du trouble en baisse

... Mais l'alcool, ça reste un mystère !

-Je pense qu'il est nécessaire que vous fassiez un travail sur vous-même pour parvenir à comprendre votre dépendance. Les causes ne sont pas l'objet de notre travail.

Elle m'irrite de plus en plus

Hermétisme ?

-Oui, mais je ne comprends pas...

 

Acceptation partielle du travail que je lui propose : hermétisme et psychorigidité

... C'est pas ma faute, c'est plus fort que moi : c'est impulsif !

Cherche à me manipuler ?

Compulsion la dédouane de toute responsabilité vis-à-vis de sa consommation d'alcool : victime

-Oui, je comprends, mais en même temps, nous ne pourrons travailler ensemble si vous ne faites pas un effort sur vous-même pour m'expliquer ce que sont ces pulsions incontrôlables...

-Oui, oui. C'est sûr !...

Son hermétisme me met en colère, impression de tourner en rond.

Comprend-elle ? Accepte-t-elle ?

 

...En plus, j'aime pas ne pas comprendre...

 

Besoin de contrôle et d'emprise sur l'environnement (fixation libidinale anale)

... Voyez, je suis toujours en train de tout noter ! (elle me montre son cahier de textes).

 
 

-Ecrire est important pour vous ?

-Oui, ça laisse une trace.

 

Besoin de preuves ?

(Silence qui vient rompre la logorrhée de la patiente).

-Votre consommation d'alcool date de combien de temps ?

-Oh...Je sais pas trop...depuis un moment quand-même... !

Ce sujet semble la gêner

Parler de son alcoolisme : restriction du discours

-Approximativement ?

-Oh...(elle lève les yeux au plafonds pour réfléchir). Environ 20 ans.

 

Alcoolisme persistant depuis 20 ans

-Et vous avez commencé dans un contexte particulier ?

-Un ami...

 

L'amant est déguisé en ami

-Que vous fréquentez toujours ?

-Non, non. On ne se fréquente plus. (silence vide)

 

Le deuil de cet amant n'est pas verbalisé

-Quelles sont vos motivations concernant cette cure ?

-Comprendre, comprendre pourquoi je bois !

Cette question m'irrite, nous tournons en rond !

Idée fixe ?

-Bon, très bien, nous allons en rester là pour aujourd'hui...

-D'accord. On se voit quand, à quelle heure ?

 

Demande RDV

-Le même jour, à la même heure. Cela vous convient ?

-Non, le matin. Parce que l'animatrice de la piscine n'est pas là, elle est en congé.

Me place-t-elle au même rang que l'animatrice ou besoin de substituer son absence ?

Pose elle-même RDV et horaire

Substitut ?

-Très bien, le matin : 10h30.

-Très bien, voyez, je note pour pas oublier !

 

Prise de notes : lutte contre angoisse, celle de manquer quelque chose de prévu... à creuser

-Très bien, si cela vous rassure...

-Oui.

-Bien, à la semaine prochaine.

(Je lui tends la main, elle répond à ma salutation en me souriant)

 
 

Mme E :entretien n° 2

Matériel verbal/non-verbal

Réactions contre-tranférentielles

Hypothèses

Après avoir toqué à sa porte, elle me propose d'entrer. Elle me prépare la chaise à côté de son lit.

-Alors, depuis le dernier entretien ?

-Et bien, pas envie de boire. Plus rien...

 

Evolution du trouble : aucune envie de boire

... Je suis vraiment contente...

 

Regard positif sur Soi : aucune envie de boire

... Mais c'est vrai que j'ai fait des rêves où je buvais...

 

Déni partiel de l'envie de se réalcooliser (rêves)

Rêves : les envies de boire encore sous forme incontrôlée

... C'était horrible !

 

Souffrance liée à la rechute ?

-Ah ? Racontez-moi...

-Et bien hier soir, par exemple, j'ai rêvé que j'étais chez moi, en bas...

 

Rêve : Bas : descente : alcool ?

... Je buvais. Je voulais boire...

 

Rêve : Réalisation du souhait ou pas ?

...Mais le bouchon de la bouteille était mal fait...

 

Rêve : Défaillance de la bouteille

...L'alcool coulait pas, il coulait mal, vous voyez (elle mime le geste : bouteille renversée à la main)...

 

Rêve : Le liquide difficile d'accès

... Alors au bout d'un moment, j'ai dit : « Bon tu vois bien, rien n'est fait pour que tu puisses boire ! »...

 

Rêve : la bouteille ne se laisse pas faire face à l'envie

... Alors j'ai laissé tomber...

 

Rêve : passivité face à la bouteille

... Et j'ai essayé de ranger la bouteille dans ma planque habituelle, dans un des tiroirs...

 

Rêve : tentative de contrôler le produit (comme d'habitude)

...Mais elle ne rentrait pas, toujours quelque chose qui dépassait de la bouteille...

 

Rêve : échec de la tentative de contrôle du produit

...Et je culpabilisais, je me suis rendu compte que ce n'était pas bien.

J'ai l'impression qu'il y a une évolution depuis la dernière fois : capable de verbaliser le ressenti

Culpabilité vis-à-vis de l'envie de boire ? Ou parce qu'impuissance ?

-Ah, c'est intéressant... Et que concluez-vous sur ce rêve ?

-Que boire c'est mal et que je ne dois plus boire. C'est pas bien.

Le côté puéril me frappe : l'interdit me semble perçu avec un regard d'enfant

Surmoi ?

-Ce qui est intéressant, c'est de voir que vous vous le dîtes à vous-même.

-Oui (elle sourit). Le gendarme

-Oui, votre (je la pointe du doigt) gendarme

Serait-elle renarcissisée ?

 

-Et donc, dans vos journées, vos envies de boire...

-(Elle me coupe la parole) Non, pas du tout.

 

Dénégation de l'envie de boire ?

-Et les permissions ?

-Ba très bien. Je suis sortie au restaurant avec « Mr E ». (Silence vide, j'acquiesce). Et bon, pas envie de boire, mais comme d'habitude vous savez...Je ne bois que seule...

 

Le couple partage des sorties

Envie de boire en public : aucune

Envie de boire seule

...Vous savez, j'ai remarqué, sur les tables, les gens boivent ou du vin ou de l'eau, c'est drôle vous avouerez...

 

Lien entre alcool/nourriture

Lien entre alcool/convivialité

-Vous me semblez observatrice...

-Oui, beaucoup ! Mais bon, ça les regarde, hein ?... (Je ne réagis pas)

 

Déni partiel de son envie de boire en public ?

...Moi, je ne fais qu'observer. C'est tout...

 

Tendance voyeuriste ou comparaison à autrui ?

...Il faut dire ce qui est : il y a beaucoup de français qui boivent !...

 

Banalisation & généralisation pour se déculpabiliser

... La France ! Hein... Il ne faut pas se leurrer !... Et l'alcool il y en a de partout !

 

Banalisation & généralisation pour se déculpabiliser

-Oui, la France... Mais en quoi cela vous concerne ?

-Non, pas du tout ! Moi, j'observe c'est tout !...

 

Dénégation de sa quête de déculpabilisation ?

...Beaucoup de gens boivent...

 

Banalisation de la consommation d'alcool

...Même la société, elle fait rien pour que ça s'arrête !

Elle me paraît se positionner dans une position de victime, ce qui m'irrite car elle se démet de ses responsabilités

Victime de la société de consommation ?

-Oui, peut-être pourrions-nous être amenés à critiquer la législation concernant la vente d'alcool. Mais il me semble que beaucoup de prévention est faite, non ?

-Oh ! La publicité ! (Lève les yeux en l'air). Je ne sais pas... Non, je pense que pas grand chose est fait (elle hoche la tête pour renforcer son opinion).

 

La prévention confondue avec consommation et pas santé

-Pensez-vous être victime de cette société ?

-Victime... Non ! Mais en tout cas elle nous aide pas !...

 

Déni partiel de sa passivité

Attente d'une aide extérieure

...Avec cette vente libre, ces gens qui boivent du vin au restaurant...

 

Le monde extérieur est source de tentation

...Avec « Mr E » on y va plus...

 

Tentation du monde extérieur menant à une réorganisation du quotidien (plus de sortie au restaurant)

... Avant on sortait mais bon !

 

Déni partiel de la cause (tentation alcool à l'extérieur) du changement de loisirs dans le couple

-Donc, quelque part, vous êtes sollicitée, tentée de boire en société ?

-Non, non. Moi, je bois toute seule...

 

Dénégation de la tentation extérieure

Alcool en société : gêne ?

... Vous savez, je vous l'ai dit !...

Me semble contrariée

 

... Mais j'observe, c'est tout ! Vous voyez, je regarde les gens... !

 

Tendance voyeuriste ?

-Oui, vous me semblez attentive...

-(Elle me coupe la parole). Oui, tout à fait. Des fois, je me mets sur la terrasse d'un café, juste pour ça !...

 

Plaisir scopique intense

... Regarder la mode, regarder les gens...

 

Plaisir scopique intense

...Pas pour moi, parce qu'à mon âge...heu... je ne peux plus changer de style vestimentaire !

J'ai du mal à comprendre pourquoi, alors...

 

-Et que voyez-vous, alors, en observant les passants ?

-Ba ils sont mal habillés...

 

Autrui idéalisé négativement

...Et ils sont un peu étrange, quand même, vous avouerez !...

Cherche-t-elle à me rallier à sa cause ?

Autrui idéalisé négativement

...La dernière fois, je suis sortie en permission...

Quelle transition ?

Transition car situation anxiogène ?

...En fait, je ne m'en souvenais plus, mais oui, je suis allée en permission...

Je ne comprends pas le rapport !

Transition car situation anxiogène ?

...En fait, « Mr E » voulait qu'on se voit, je n'avais pas envie...

 

Pas envie de boire : pas envie de voir le mari ?

...Je lui ai dit que j'étais fatiguée...

 

Faux prétexte pour ne pas voir le mari (manipulation ?)

...Mais ensuite, ma voisine d'en face m'a proposé de sortir...

 

Motivation pour sortir est supérieure quand il s'agit d'une amie

...Elle avait des places de cinéma en trop : quatre en tout...

 

Sortie au cinéma est plus attrayante qu'une rencontre avec le mari

...Alors elle nous a proposé à moi, et une autre patiente, une copine...

 

Lieu de cure : lieu de nouvelles amitiés ?

...Alors on y est allé. C'est gentil, hein ?

Pourquoi me retourne-t-elle la question ?

Patiente touchée par la générosité d'autrui

-Oui, tout à fait... Et comment s'est déroulé votre sortie ?

-Ba on a d'abord bu quelque chose avant d'aller voir le film...

 

Sortie entre mais commence par acte de boire

...Moi un café, ma copine a bu un café aussi. Celle qui nous a invité a bu un Orangina...

Elle me montre qu'elles n'ont pas rechuté

Enumération & bonne mémorisation... (les chiffres, les détails)

...Par contre, son mari, a bu une bière...

 

Mari de la voisine de chambre : alcoolique&aucun respect de la cure des patientes

...J'ai trouvé ça ! J'ai trouvé ça déplacé (elle écarquille les yeux)...

 

Patiente révoltée par cette attitude du mari de la voisine

...Je lui ai demandé : `Mais ça ne te gêne pas qu'il boive devant toi, comme ça ? » et elle m'a dit : « Non, moi, c'est que le vin », « Ma foi ! » je lui ai dit !......Mais vous me direz, son mari...heu...c'est pas...

Elle veut détailler pour me replonger dans ce contexte

Mise en dialogue : investissement de la scène

Incompréhension de sa voisine ?

-Pas de coopération vis-à-vis de sa femme ?

-Ah oui ! Tout à fait ! J'ai trouvé ça déplacé !...Et lui aussi il a un problème d'alcool ! C'est sûr !

 

Juge le mari de la voisine alcoolique

-Cela vous a donc dérangé alors ?

-Non... Moi ? non...

 

Dénégation de la tentation de boire dans milieu social

...De toutes les façons, je ne bois pas en société, je vous l'ai dit !

Elle me semble se répéter sans cesse cette phrase pour y croire...

Elle se convint de son alcoolisme solitaire ?

-Pourtant, vous m'avez paru sensible à la bière de ce monsieur, au vin des gens à tables, ...

-Oui, mais là c'était parce qu'il ne respecte pas sa cure...

 

Déni partiel de la tentation extérieure

... Et « Mr E », j'ai eu peur qu'il téléphone pendant que j'étais sortie !...

Pourquoi ne pas avoir dit au mari qu'elle ne voulait pas ou qu'elle avait autre chose de prévu ?

Changement de thème car situation anxiogène

Refus sortie avec mari d'où mensonge (manipulation)

... Alors j'ai demandé à ma voisine de chambre de me couvrir : « Dis, tu pourras lui dire que je dors ? Ou que je suis descendue à une activité ? »...

 

Objet extérieur au couple venant cacher le mensonge et ce à quoi le désir aspire

...Elle m'a dit qu'il n'y avait pas de souci. Et il appelé 5 minutes après que je sois rentrée (éclats de rires)...

 

Situation avec éventuels conflits dans le couple : source de satisfaction

...Ouf ! J'ai eu chaud ! (éclats de rires)

 

Infantilisme

-Donc, même durant votre cure, vous continuez à lui cacher des choses ?

-Non, mais c'est pas ça !...

 

Déni partiel de sa tendance à manipuler le mari

...Je ne voulais pas qu'il se vexe ou quoique ce soit ! Vous voyez ?...

 

Manipulation (mensonge) pour protéger le mari dans son narcissisme

...Il aurait été déçu, si j'étais sortie sans lui.

 

Manipulation (mensonge) pour protéger le mari dans son narcissisme

Mari jaloux ou dans problème abandonnique ?

-Vous n'auriez pas pu lui expliquer les raisons pour...

-(Elle me coupe la parole) Non, il n'aurait pas... Non, je n'avais pas envie.

Me laisse peu de place

Hermétisme ?

Difficultés à s'imposer en tant que sujet face au mari ?

-Et donc, avec les autres patients... Vous entretenez de bons rapports ?

-Oh, ba disons que je ne fréquente pas beaucoup les autres ici...

 

Peu de liens avec les patients

...Vous voyez, ils sont bêtes et méchants...

 

Patients décrits sous forme négative

...C'est comme la dernière fois : on devait aller au groupe de parole. D'ailleurs les groupes de parole, on parle toujours de la même chose !...

 

Groupe de parole : plainte sur les thèmes récurrents

...Et puis y'en a pas beaucoup, pas régulièrement !

 

Groupes de parole : frustration ?

-Comment ça ? Il y a un groupe de parole tous les jours ?

-Oui, normalement, mais regardez (elle me montre son cahier de textes)...

Elle me prend à témoin

 

...J'ai tout noté. Et on en a eu que très peu des groupes de parole...

 

Persistance du collectionnisme ?

Prise de notes régulière des éléments passés (importance du chiffre)

...Alors une fois c'est parce que l'infirmier peut pas ou a pas le droit, une fois, je sais pas quoi !...

 

Intolérance face à la frustration

Enumération importante

...Enfin, bref ! Il y a toujours une bonne raison !

-Vous faites bien de ma le dire, je le signalerai à l'équipe soignante.

 

Intolérance face au changement

-Oui, mais c'est qu'on attend, vous voyez ! Et que jamais on est prévenu ! Toujours au dernier moment...

 

Frustration liée à l'attente

Intolérance face à la perte de contrôle & à l'imprévu

...Il y a un manque d'information ! Je ne vous dit même pas !...

 

Comme éducation parentale ?

...Et on attend pendant au moins 10 minutes ou ¼ d'heure ! C'est fatiguant, non ?...(J'acquiesce)

Cherche à ce que je rejoigne son opinion ?

Frustration liée à l'attente

...Alors voilà, on nous laisse comme ça pendant 10 minutes, ¼ d'heure, attendre, attendre...

 

Frustration liée à l'attente

...Alors, quand on nous a dit qu'il y avait pas de groupe de parole, l'autre fois, ça m'a énervée...

 

Intolérance face à la perte de contrôle & à l'imprévu

...Et je ne me suis pas manquée de le dire ! Haut et fort !...

 

Affirmation de sa colère, verbalisation

... Vous savez, je suis honnête, je suis les choses comme elles viennent ! Honnête et spontanée !...

Cherche à me dévoiler une part d'elle-même enfouie... ?

Se revendique honnête et spontanée

...Et un patient, un monsieur, m'a dit que j'étais une « rabat-joie » ! Et que je n'étais jamais contente !...Alors, vous voyez ?

 

Importance du jugement de l'autre

Décalage image de Soi/regard de l'autre

-Vous étiez déçue de ne pouvoir assister à ce groupe, vous l'avez signalé et un patient vous a reproché de le dire... Et qu'avez-vous...

-(Elle me coupe la parole) Oui, il me l'a reproché ! Mais c'est normal que je le dise, ça, non ?

Elle me laisse peu de place, ce qui est frustrant car j'ai l'impression de ne pas pouvoir l'amener vers mes axes de travail

Cherche mon consentement

Importance du jugement d'autrui

-Qu'avez-vous ressenti lorsque ce patient vous a fait ce reproche ?

-Ba j'ai été déçue de voir, non, énervée, de voir qu'il dise ça de moi...

 

Jugement autrui : blessure narcissique

...Parce que c'est pas vrai. Moi, je suis généreuse et agréable...

 

Décalage image de soi/regard d'aurtui

...Petite, j'étais une rabat-joie, jamais contente...

 

Refus jugement car estime ne plus être dans position infantile

...D'ailleurs, oulà ! Ca me fait penser à mon enfance...

Pourquoi l'enfance est-elle réactivée par cet épisode ?

 

...Il y avait un Mr qui faisait des photos sur un cheval. Vous savez, les décors pour enfants ? (J'acquiesce)...

 
 

...(Elle rigole) Et bien jamais ma mère n'a pu me convaincre de faire cette photo : rien à faire ! je ne voulais pas !...

 

Bons souvenirs d'enfance

Enfant : hermétisme

...Je pleurais, je boudais ! Comme une fois ! Oh, ça aussi !...

Le roman photo m'use un peu : c'est bientôt la fin de l'entretien

Enfant : capricieuse (intolérance frustration)

...(Elle rigole) Sur le Cours B., il y avait un Mr qui avait un manège. Vous savez, les manèges avec les grosses bouées dans l'eau ?

-Oui, je pense (je réponds, un peu désintéressée)

Attention flottante

 

-Voilà. Et bien moi, je voulais en faire. Têtue comme j'étais, je pleurais...

Je m'imagine l'enfant insupportable...

Enfant : hermétique et intolérance frustration

... « Maman ! Je veux faire du manège ! » (Elle mime la voix de petite fille boudeuse). Alors ma mère est allée voir le Mr et lui a demandé s'il pouvait ouvrir son manège...

La mère cède...La guerre d'usure ! Un petit qui crie comme ça ! Forcément, il faut faire quelque chose !

Appel à la mère pour réalisation des souhaits

Mère passive face au caractère exigeant de l'enfant

...Alors il a ouvert son manège. Je ne me rappelle pas, c'est ma mère qui m'a dit ça...

 

Tout le monde est passif face à l'enfant qu'elle était mais doute ?

...Et moi, caguette comme j'étais ! J'ai eu peur, j'ai pleuré ! « Maman, je veux descendre ! » (Elle mime le cri de détresse)...

La sale gosse !

Appel à la mère quand détresse

...Et ma mère : « S'il vous plait, Mr, laissez-là descendre ! »...

 

Forte identification de la mère aux affects de sa fille

...Et il lui aurait dit : « Laissez-là, au moins elle ne vous refera pas la même scène ! ». Et il avait raison, plus jamais !

 

Interdit émanant de l'homme (fonction paternelle) déterminant

-Vous étiez capricieuse alors ?

-Oui. Et tête dure aussi !

-Et aujourd'hui ?

-Aujourd'hui ? Oh non ! Plus capricieuse !...

Heureusement, mais pas à sa manière ?

Enfant : hermétisme

Se considère changée (adulte)

...Et je suis généreuse aujourd'hui ! Je rends service à TOUT le monde ! (Silence vide, elle fouille dans un tiroir) Tenez, un chocolat !

Le « tout » me marque, elle insiste

Elle me prouve sa générosité, dois-je accepter ?

Actuellement : généreuse

Besoin de mettre en acte pour obtenir crédibilité (le don)

-Non merci.

-Mais si, prenez, c'est pour Pâques !

-Merci (je le mange).

Elle insiste, pourquoi pas ? Quelle limite dépasserai-je ?

 

-Tenez, j'ai un bonbon aussi...

-Vous êtes gentille. Vous tenez à me prouver votre générosité ?

-Oui, vous voyez ? Bon, généreuse mais pas concernant l'argent !!

Elle me donne l'impression de m'envahir

Cherche à prouver sa générosité

Limites générosité : argent

-Ah... (Je lui souris). C'est intéressant, mais nous devons en rester là pour aujourd'hui.

-Oui, je parle beaucoup, hein ?

-C'est la fin de la séance, j'ai d'autres RDV...

-Oui, je comprends. On se revoit quand ?

Je ne veux pas répondre à sa question, vu la fragilité du Moi face au regard de l'Autre

La patiente demande un rendez-vous

-La semaine prochaine, même jour, même heure ?

-D'accord. Je le note, voyez (elle sort son cahier)

 
 

Mme E : entretien n° 3 :

Matériel verbal / non-verbal

Eléments contre-transférentiels

Hypothèses

Je reçois la patiente dans le bureau de l'infirmerie. Nous changeons de cadre. J'inities l'entretien :

-Alors ?

-Alors ? Et bien voilà, très bien...

N'aurait-elle donc pas de plainte à formuler aujourd'hui ? Je suis étonnée

Cure et état actuel qualifiés en fonction positifs

...J'ai décidé de réfléchir à mon prochain emploi du temps...

Je suis étonnée

Réinvestissement de nouveaux objets possible & quête de changement

...Je veux, en fait, réorganiser mes journées...

 

Contrôle de son environnement

...Le matin, au lieu de prendre mon café chez ma mère, je le prendrai chez moi...

 

1er geste du matin : acte de boire chez la mère ; changement : chez elle

...Et je lirai mon journal chez moi...

 

Quête autonomie et indépendance

...Vous savez, elle est handicapée (J'acquiesce)...

Elle me répète les mêmes choses, mais cela traduit ses craintes

Quête de changement entravé par la culpabilité

...Je viendrai juste pour lui faire sa vaisselle, et à manger aussi...

 

Réduit sa fonction maternelle inversée la fonction nutritionnelle

...Vous savez, avec sa chaise roulante, elle peut pas accéder à l'évier pour faire sa vaisselle, du moins, j'ai peur qu'elle se fasse mal...

 

Culpabilité liée à l'état d'invalidité de la mère qui appelle au holding maternel

...J'ai demandé à « Mr E » s'il pouvait lui faire la vaisselle, là...

 

Quête d'anaclitisme sur le mari pour partager cette fonction maternelle

...Et il m'a dit que non : « Moi, je ne fais pas la vaisselle ! » (Elle lève les yeux au ciel pour témoigner son découragement)...

 

Déception dans sa quête d'anaclitisme sur le mari (refus de ce dernier)

...Alors vous voyez, il n'y a que moi qui m'occupe d'elle !

En effet, elle m'a convaincu

Elle devient une mère élevant seule son enfant

-Personne ne peut vous aider ?

-Non, vous voyez bien la réaction de « Mr E »...

Elle tente de me convaincre

Elle se sent seule

...Bon, il y a la jeune aide-soignante...

 
 

...Mais elle n'est pas là toute la journée, alors voilà...

Est-ce que cela aurait changé quelque chose ?

Culpabilité liée à la solitude de sa mère

...Je vais faire comme ça...

 
 

...Le matin, je descendrai après mon café...

 

Aspire à faire passer sa mère après elle-même (quête indépendance)

...Puis, l'après-midi, je regarderai mes films sur la 6 à la maison...

Elle me fait penser à ces vieilles dames suivant de façon coriace toutes les séries B

Réorganisation de l'emploi du temps, journée très rythmée

...Bon, elle restera sur la terrasse, mais si j'y ne suis pas, elle reste pas...

 

Mère envahissante : régression de la mère vers l'infantile

...Elle ne veut pas que je la laisse seule sur la terrasse, elle veut que je sois tout le temps là...

J'aurais eu une mère comme la sienne, je crois que je l'aurais autant mal vécu... (identification)

Mère envahissante

-Et donc, aujourd'hui, vous avez décidé de mettre une distance entre votre mère et vous, c'est ça ?

-Oui, vraiment, c'est fatiguant !...

Je veux bien le croire...

Pas la 1ère tentative de distance avec la mère ? Relation à la mère : usure

...Elle me reproche toujours quelque chose, il y a toujours quelque chose qui ne va pas.

 

Récurrence du thème de la mère culpabilisante

-L'éternelle insatisfaite ?

-Ah oui, même avec « Mr E »...

Comment peut-elle supporter que sa mère s'introduise dans son couple ?

La mère entre le couple Mme et Mr E

...Quand je vais avec lui à Casino et que j'achète une pompe, vous savez, ces gâteaux ?

-Oui...

 
 

-Et bien je coupe une petite part pour « Mr E » parce qu'il est pré-diabétique...

 

Inquiétude ou sensibilité à l'état de santé du mari

...alors, il faut faire attention avec le sucre, vous voyez... (J'acquiesce)

 

Vigilance face à l'état de santé de ses proches, elle est celle qui prévient et soigne (infirmière)

...Et bien non ! Ma mère m'accuse de ne pas bien m'occuper de lui !...

 

Mère culpabilisante

...Alors j'essaie de lui expliquer mais elle comprend pas !...

 

Tentative vaine de s'imposer face à la mère (hermétique)

...Alors je cède !

 

Résignation face aux reproches de la mère

-Oui, je comprends, elle vous fait culpabiliser souvent...

-...(Elle me coupe la parole) Ah oui, j'en ai assez. Je veux mette de la distance, prendre du recul...

Sujet trop anxiogène ?

Quête de changement liée à un sentiment d'usure

-En effet, cela pourra certainement dans votre quotidien : vous aurez moins de responsabilité à assumer

- Oui, c'est pour ça...

 

Quête d'indépendance

...Je serai moins fatiguée... (silence plein qui coupe sa logorrhée, je n'interviens pas)

Je suis moi-même reposée par ce moment d'introspection

Quête de repos (physique et psychique)

Elle poursuit :

...J'ai mal dormi hier soir...

 

Sommeil perturbé la veille

...Déjà que d'habitude je ne dors bien qu'un soir sur deux !...

 

Sommeil régulièrement perturbé

...Ma nouvelle voisine de chambre a beaucoup ronflé !...

Je repense à la rechute intra-cure de sa voisine de chambre et du débat qui a été soulevé dans l'équipe par rapport à son renvoi immédiat par le médecin chef

Nouvelle voisine de chambre durant la cure

...Alors j'ai essayé de prendre sur moi, mais au bout d'un moment...

Sa patience a des limites...

Faible tolérance à la frustration

...Je l'ai appelé, je lui ai tiré un peu le drap (elle s'enroule dans sa couette)... (Elle me mime la position)

 

Tentative de contrôle des évènements

...J'ai essayé de la lever, mais rien à faire, elle se réveillait pas !...

 

Echec de la tentative de contrôle, donc frustration

...J'en ai parlé à l'infirmier et l'aide-soignante, mais bon, toutes les chambres seules sont réservées !...

 

Echec donc cherche une aide extérieure, elle-même décevante...

...Et en plus elle dort avec la télé allumée !...

Le discours plaintif commence...Je suis un peu fatiguée, sensation de psychasthénie

Accumulation des évènements frustrants : idéalisation négative de la voisine avec tendance à intellectualiser

...Je suis sûre qu'elle a pris la télé juste pour pouvoir s'endormir avec, vous voyez un peu !...

Elle tente de me convaincre

Intellectualisation et tonalité paranoïde dans le récit

...Alors, bon, moi, des fois, je me lève dans la nuit pour aller faire mon pipi, vous savez...

L'expression me semble puérile

 

...Alors vous voyez, c`est moi qui doit l'éteindre...

 

La contrainte de la voisine : entrave à son indépendance

...Enfin, bref, avec l'autre voisine, c'était mieux ! En plus, avec elle, on se parle pas !

 

Difficile réinvestissement de nouveaux objets

-Donc, vous avez une nouvelle voisine...

-Eh, oui ! L'ancienne, elle a fait une grosse bêtise !

Je joue sur la carte de la naïveté pour voir comment elle a vécu cette séparation et le comportement de sa voisine

L'expression me semble puérile

 

-Ah, que s'est-il passé ?

-Ba, en fait...heu...Elle a ramené de l'alcool dans le service (air un peu désolée par son pincement de lèvres). Elle a bu. De l'alcool à 90. Alors on l'a renvoyée.

Elle me semble culpabiliser pour elle

 

-Et qu'en avez-vous pensé ?

-Et bien que c'est une bêtise...

Je cherche à voir sa relation avec le cadre

Reconnaît le comportement hors norme de son ancienne voisine

...On le sait quand on arrive...

 

Intégration du cadre de la cure

...Mais je me doutais ce jour-là qu'elle avait bu...

 
 

...Elle est venue me voir à midi, à table, pour me dire : « j'ai retiré de l'argent, 100 euros, tu crois que ça suffit pour 15 jours ? »...

Le thème de l'argent... Il faut que je pense à la relancer dessus après...

L'ancienne voisine lui demande conseille pour la gestion de son argent

...Elle a mis 50 euros dans une enveloppe, pour ses enfants. J'ai vu les billets : 2 de 20, 1 de 10...

 

Attentive à l'argent

...Elle a laissé l'enveloppe dans ses baskets, sous la table, dans la chambre puis elle est allée fumer dans le salon, là-bas (elle dirige son bras vers le lieu)...

 

Attentive aux moindres faits et gestes de sa voisine

... « Ca me suffit si j'ai 45 euros pour la fin de la cure ? », je lui ai dit : « oui, si tu prends un café, que tu achètes, je sais pas moi... des bonbons... », vous voyez... (J'acquiesce)

Je suis surprise par son puérilisme

L'ancienne voisine lui demande conseille pour la gestion de son argent

Régression de la patiente ?

...Mais sur 100 euros, ça ne faisait que 95, alors où sont passés les autres 5 euros ?...

 

Le calcul

...Et puis, elle est rentrée avec une bouteille d'Ice Tea, vous savez (j'acquiesce) et c'est bizarre parce qu'elle l'avait mise dans la salle de bains avec les shampoings...

Serait-elle complice ?

 

...Et quand elle a perdu son enveloppe d'argent, elle est devenue folle, elle a tout démonté dans la chambre !...

 

Perte d'argent de la voisine

...Et j'avais peur qu'elle m'accuse, comme je fume pas, je reste tout le temps dans la chambre ! Et j'étais la seule personne à savoir où était son argent...

Culpabilité justifiée ?

Perte d'argent de la voisine et culpabilité de la patiente

...Et je me rappelais qu'en groupe de parole elle disait qu'elle faisait n'importe quoi quand elle boit et là, j'ai compris : elle avait rebu...

 

Réaction de détresse de la voisine face à la perte de son argent jugée inappropriée, donc lien avec la rechute

...Et l'infirmier a compris aussi, alors il a fait souffler tout le monde...

Elle savait donc avant tout le monde ?

Se positionne au même niveau que l'infirmier mais tente d'être un peu au-dessus...

...Et ils l'ont renvoyée, elle a tout avoué.

 

Renvoi de l'ancienne voisine suite à des aveux

-Qu'en avez-vous pensé ?

-Ba disons que j'ai trouvé que c'était trop strict.

 

Perception du cadre : rigidité

-Ce sont les mêmes règles pour tout le monde, non ?

-Oui, mais bon, ils auraient pu attendre, une nouvelle chance...Elle est malade et elle a des enfants...

Je me rappelle que la patiente a été hospitalisée à Montperrin pendant plus de 2 ans et la psychologue référente tenait le même discours que la patiente

Déni partiel du cadre en tant que limite protectrice

Compassion pour la patiente

-Les règes sont les mêmes pour tout le monde : toute rechute vaut une exclusion

-Oui, mais bon... (silence vide, je hoche la tête pour lui montrer ma persévérance)

 

Tolérance partielle du cadre

...Enfin voilà, je sors bientôt.

-Oui, c'est bientôt. Comment vous sentez-vous face à cette sortie ?

 
 

-Ba ça va être difficile, mais bon...

 

Reconnaissance partielle de la difficulté liée à l'abstinence

...En fait, ici, on est protégé, alors j'ai pas ressenti le manque...

 
 

...Moi qui m'imaginais que j'allais faire un délire tremens pendant la cure !...

 

Représentation préalable négative de la cure

...Et finalement ça s'est bien passé, c'est dans la tête tout ça !...L'alcool aussi c'est dans la tête !

 

Vécu de la cure désenclave appréhension de départ, alcool : question de volonté

-Et donc, par rapport à votre sortie, qu'en concluez-vous ?

-Ba qu'il faut que je me contrôle, c'est tout !...

 

Comprend que l'alcool est un objet à contrôler : position active désormais ?

...Enfin, c'et facile à dire, ça ! parce qu'ici, je suis contrôlée, alors c'est facile !

 

Surmoi extérieur (le cadre)

-Peut-être qu'il serait bon de vous servir du cadre d'ici pour vous contrôler vous-mêmes ?

_Oui, je crois que je vais faire mon propre gendarme...

 

Confiance faible en son surmoi

...Et puis bon, il y a encore « Mr E »... (elle lève les yeux au ciel)

 

Réassurance par la présence du mari-interdit

-Votre interdit à vous, c'est plus important, je pense

-Oui, même pour le couple...

 

Distance posée envers le mari

...Mais le plus dur, c'est de pas acheter d'alcool quand je suis toute seule...

 

Alcool et solitude

...Et c'est quand je reviens de la piscine, moi j'adore nager, « Mr E » pas du tout...

 

Alcool, solitude et piscine : rappel de la perte du monde intra-utérin ?

...Quand je fais les courses pour la maison, je sais qu'il m'aide à tout remonter donc, j'achète pas d'alcool.

 

Quand cadre extérieur : aucun achat d'alcool

-Pensez-vous parvenir à rester abstinente ?

-Ba justement, mes autres cures n'ont pas marché, alors bon...

 

Hésitation face à sa capacité d'abstinence car alcool a toujours été le dominant

...Mais bon, maintenant je n'achète plus rien...

 

Alcool & achats compulsifs

...D'ailleurs je vais faire un tri en rentrant : trop de bibelots, trop de petites choses...

 

Quête de libération vis-à-vis de son collectionnisme

...Figurez-vous, mes bijoux, je les range en fonction des couleurs : la boîte bleue pour les perles bleues, le rouge pour le rouge, ... Vous voyez ? (J'acquiesce)

J'imagine !

Description du collectionnisme : TOC ou minutie ?

-En tous les cas, il est important que vous continuiez à aller au CCAA, une fois rentrée chez vous...

-Oui, oui, c'est ce que je voulais faire

 
 

-Vous avez repris RDV déjà ?

-Non, pas encore

 

Faible investissement d'un suivi post-cure

-Il faut que vous le fassiez avant votre sortie pour avoir la garantie de trouver de l'aide en cas de besoin à votre sortie et pour continuer ce que nous avons commencé.

-Oui, c'est vrai. Je sais, je dois continuer. Je vais téléphoner.

 

Investissement du suivi post-cure ?

-Bon, et bien, notre suivi s'arrête là. (Je me lève) Alors je vous souhaite un bon retour chez vous

-Ba merci pour tout ce que vous avez fait...

-Il ne faut pas me remercier, c'est normal

-Oui. Aurevoir (elle me tend la main)

-Aurevoir (je réponds à sa salutation)

Elle initie elle-même la fin définitive du suivi

Séduction ? ou dette ?

RESUME

« L'alcoolique et son fétiche » est le fruit d'une longue réflexion sur le lien possible entre deux formes d'addiction distinctes de par leurs sémiologies respectives et de par le domaine de la vie instinctuelle qu'elles concernent. Cependant, mon regard de clinicienne porte peu d'intérêt à la nature de l'objet, mais bien plus à ce qui amène un individu à le choisir. Ainsi, en me questionnant sur les processus de pensée de ces deux types d'addiction, j'ai pu y voir quelques convergences. Ainsi, au-delà des divergences nosographiques, je me suis mise en quête des possibles convergences entre l'alcoolique et le fétichiste : l'alcool peut-il être comparable à un fétiche et poursuivrait-il les mêmes buts ?

SUMMARY

« The alcoholic and his fetish» are the fruit of a long reflexion on the possible place between two forms of addiction distinct from their respective semiologies and the field from the instinctual life which they relate to. However, my glance of clinician carries little interest to the nature of the object, but much more with what leads an individual to choose it. There thus, by questioning me on the processes of thought of these two types of addiction, I could see some convergences. Thus, beyond the nosographic divergences, I put myself in search of possible convergences between the alcoholic and the fetishist: alcohol with a fetish and can would work towards be comparable the same aims?






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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon