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Ménages Gécamines, précarité et économie populaire

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par Didier Kilondo Nguya
Université Catholique de Louvain - Diplôme d'Etudes Approfondies 2004
  

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3.2.3. La gestion des coüts de production a la Gécamines

La province du Katanga qui abrite la Gécamines, est une région défavorisée par son isolement au milieu du continent africain, éloignée de tout port maritime. En outre, elle dispose des sols lessivés, pauvres en chaux, en potasse et en phosphore, non propices pour l'agriculture et pour l'élevage. C'est ainsi que pour l'alimentation de la population ouvrière des mines, l'entreprise devait se tourner vers des provinces dotées des possibilités agricoles et disposant des voies d'évacuation moins pondéreuses telle que les provinces du Kasal ou vers les pays limitrophes. Du fait qu'une partie des salaires était représentée par la ration comme vu au chapitre 2, les denrées alimentaires de base pouvaient être considérées comme des inputs marchandises et donc, des éléments constitutifs du salaire. C'est donc là des coüts d'exploitation que l'Union Minière du Haut-Katanga avait déjà a incorporer dans sa politique sociale.

La gestion publique de la Gécamines depuis la nationalisation de l'Union Minière du Haut-Katanga a induit a son tour une augmentation des coüts d'exploitation. Si pour Mulumba L, cité par Dibwe, la Gécamines a inauguré sa politique d'incorporation en son sein des anciennes sociétés filiales de l'U.M.H.K. a partir de 1972, pour L. Bosekota par contre," La Gécamines avait été amenée - par des contraintes sociales, politiques et régionales - a élargir ses activités dans des domaines étrangers a son objet social en intégrant, voire en absorbant des activités commerciales et industrielles telles des minoteries, des projets agro-industriels, l'Hôtel Karavia, etc. ainsi que des activités sociales et scolaires qui auraient plutôt dü relever du secteur public."137 Il est évident que ces activités annexées a la Gécamines accroissent ses coüts d'exploitation. La pléthore du personnel dont a souffert la Gécamines est aussi expliquée par ces annexions. Toutes ces charges indirectes et hors-exploitation sont a incorporer dans le coüt unitaire de production du cuivre. Or, la Gécamines est une "price taker" dans le marché des matières premières. Le prix du cuivre est

137 Leopold BOSSEKOTA W'ATSHIA, Rebâtir le Congo démocratique. De la bonne gouvernance étatique et du role clé des PME-PMI, Tome 1, Presses universitaires <<Bel campus >>, Kinshasa, 1999, p. 59; MULUMBA Lukoji, "La Gécamines: Programme d'expansion 1975-1979", Zaire-Afrique, no 93, 1975,p. 151.

une donnée du marché mondial pour laquelle elle n'a aucune prise. L'idéal serait que la Gécamines fixe le prix de vente de son cuivre en fonction des coüts supportés. La division internationale du travail est encore loin de lui offrir cette aubaine.

A l'aube de la décennie 1980, sur le volet stabilisation du programme gouvernemental s'articulait un programme des réformes économiques et de restructurations de l'ensemble du secteur public. Avec l'appui des facilités d'ajustements structurels du F.M.I. et des prêts d'ajustement structurel octroyés par la Banque mondiale, la Gécamines, dispositif central de l'économie congolaise, alors zaIroise, fut soumise a toute une série d'importantes mesures dont l'objectif annoncé était d'améliorer la rentabilité et le renforcement de ses structures industrielles et financières. La stratégie du gouvernement a consisté a dissocier l'exploitation minière de la Gécamines des autres activités ne rentrant pas dans son objet social. C'est dans cette logique qu'il faut, par ailleurs, lire les mesures de restructuration de la Gécamines dans les années 1980138. A moyen terme, la réalisation du plan d'investissement devait assurer l'abaissement permanent des coüts unitaires de la Gécamines et l'accroissement de sa production.

Durant la même décennie 1980, le prix du cuivre commence a fléchir, et la Gécamines apparaIt paradoxalement moins solide. A partir de 1987 par exemple, la hausse sensible du prix du cuivre et du cobalt aurait dü très largement améliorer la rentabilité de l'entreprise. Des avis des experts congolais de Belgique, des anomalies sont constatées dans la gestion de la Gécamines dans la deuxième moitié de la décennie 1980. "De 1984 a 1986, la GécaminesExploitation produit a sa capacité maximale de production et même au-delà, malgré un outil vieilli. En revanche, de 1987 a 1989, au moment même oü devait se faire sentir les premiers effets bénéfiques des investissements de remplacement projetés, la production de cuivre diminue de 13 %, celle de cobalt de 35 %. La rentabilité diminue sensiblement alors que s'envolent les prix du cuivre et du cobalt."139 Pour Maton et Solignac, des rapports confidentiels, connus de la Banque Mondiale, parlent de <<fuites >> des actifs et des ressources, qui seraient distribués parmi la cour de

Mobutu140.

La gestion des coüts unitaires de production explique pour une large part les contreperformances de la Gécamines qui se répercutent sur tout son environnement tant interne qu'externe. C'est ce qui entre autre explique la suspension par la Banque mondiale au mois de mai 1990 du prêt a décaissement rapide de 100 millions de dollars destiné a la Gécamines, en raison des dépenses inexpliquées141.

138 Dans cette restructuration, on retirait a la Société zaIroise de commercialisation (SOZACOM) le pouvoir de commercialiser librement les produits de la Gécamines, laquelle devenait un holding.

139 Rapport du groupe d'expertise congolaise de Belgique, op. cit., p. 29.

140 Joseph MATON et Henri-Bernard S. LECOMTE, op. cit.

141 Rapport du groupe d'expertise congolaise de Belgique, op. cit., p. 30.

Les logiques des acteurs nationaux ainsi que les stratégies qu'ils mettent en place dans la lutte effrénée des gains privés au détriment de la chose publique, justifient pour une très large part la crise de l'accumulation a la Gécamines et par voie de conséquence, le blocage du développement du Katanga. Quels que soient les griefs que l'on peut brandir en défaveur du système de l'économie internationale, sa responsabilité n'arrive pas a la cheville de la destruction systématique dont les nationaux ont été acteurs. Les implications de la prédation par le pouvoir étatique sur la Gécamines ont exacerbé la mauvaise gestion de l'entreprise par des acteurs locaux. En conséquence de ces actions, les outils vieillissent, les achats opérés par l'entreprise sont surfacturés, ses ressources sont détournées, son organisation devient défaillante et l'entreprise n'est plus en mesure de respecter ses engagements.

En moins d'un quart de siècle, les acteurs nationaux ont démantelé l'investissement que l'U.M.H.K. a accumulé pendant près de 65 ans. Au passif de cet effondrement de l'industrie minière du Katanga, il faut mentionner l'appauvrissement de la masse ouvrière qui a concouru pourtant au progrès dont a joui l'économie nationale et l'enrichissement de quelques acteurs dominants du système.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault