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Ethique déontologie et régulation de la presse écrite au Sénégal

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par Moussa MBOW
Université Bordeaux 3 - Sciences de l'Information et de la Communication 2004
  

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CONCLUSION

Cette étude se voulait une analyse critique de la presse écrite sénégalaise. Trois points essentiels que nous avons déjà relevés dans l'introduction en sont le point de départ. Il s'agit, d'abord du changement de régime intervenu en 2000 avec l'avènement d'un nouveau Président. Ensuite, l'apparition d'une nouvelle presse qui semble faire fi des règles de bienséance d'une société profondément conservatrice. Enfin, l'existence depuis une vingtaine d'années d'un contexte plus ou moins favorable à la liberté de la presse, ce qui peut produire un effet contraire si l'on y prend garde. Ce dernier point est le plus important car il nous paraît très difficile d'admettre qu'on parle d'éthique et de déontologie pour une presse dont le premier combat est celui de son affranchissement au monopole étatique et aux foudres de la censure. La liberté d'expression, celle du journaliste et celle du média sont donc le préalable pour l'épanouissement des médias en démocratie. Et c'est en démocratie qu'on parle de pouvoir, de contre pouvoir et parfois de dérives ou de dérapages médiatiques.

Le Sénégal est l'une des premières colonies où s'implantèrent les premiers journaux d'expression française248(*). A cette époque, l'histoire politique du pays fut marquée par la reconnaissance des ressortissants des quatre communes (Saint-Louis, Gorée, Rufisque, Dakar) comme des citoyens français. Ce qui a accru l'intérêt des Sénégalais pour la chose politique très tôt. En 1914, Blaise DIAGNE fut élu le premier député du pays. Sur le plan local, ces élections ont instauré une certaine diversité médiatique, presque chaque parti possédait un organe de presse. C'est de cette période que datent les premiers journaux privés. Aujourd'hui, ces organes idéologiques ont cédé la place à des journaux d'informations générales. Vestige de la période du parti unique, Le Soleil reste toujours un quotidien gouvernemental, tandis que de nouveaux journaux ne cessent de grossir le rang de la presse privée. Ces médias jouissent d'une certaine liberté de presse. La constitution sénégalaise, en son article 8, garantit la liberté d'expression, celles du journaliste et du média sont affirmées dans la loi sur la presse de 1996.

C'est donc dans ce contexte que les journaux sénégalais tentent de jouer le rôle qui leur sied, c'est-à-dire contribuer à consolider la démocratie sénégalaise en informant la population sur tout sujet digne d'intérêt national. Nous avons remarqué que cette mission ne se fait pas sans difficulté pour la presse. Qu'elles concernent le quotidien gouvernemental, la presse indépendante dite sérieuse ou la presse people, les dérives notées montrent qu'il y a un malaise. Pour ce qui est du Soleil, les atteintes aux principes éthiques découlent du statut même de ce journal. En effet, comment un journaliste peut-il être objectif, impartial, honnête, mû par la recherche de la simple vérité si l'objet de ses investigations est son employeur, son patron ? L'autocensure sur tous les sujets sensibles, la soumission et la compromission par rapport au pouvoir étatique, tel est le lot quotidien des journalistes du quotidien national. Quant à la presse indépendante, c'est tout à fait le contraire, il faut d'abord noter que contrairement au Soleil, elle accorde beaucoup plus de place à l'opposition. Mais en voulant jouer les équilibristes, les journalistes de cette presse ont parfois, nous semble-t-il, travesti le rôle de « sentinelles de la démocratie »249(*) qu'ils revendiquent. L'acharnement à critiquer l'Etat et aux hommes qui lui sont proches nous le montre. Même s'il est hasardeux de généraliser ces pratiques, il y a une évidence qui est qu'il est très fréquent de voir dans cette presse des articles qui fustigent le gouvernement. La presse people est comme nous l'avons montré celle qui s'est le plus illustrée en matière d'atteinte aux principes déontologiques de la profession. Condamnée à moult reprises par la justice et par une partie des professionnels eux-mêmes, la presse à scandale a-t-elle encore de beaux jours devant-elle ? La question mérite d'être posée car plusieurs organes de cette presse ont disparu, certains quelques mois après leur création. En revanche, l'intérêt que lui porte une frange de la population finira peut-être par prendre le dessus sur la réticence de celle qui est contre « la nouveauté ». L'avenir nous le dira.

Quoique leur existence témoigne d'un environnement libéral, les dérives des journalistes ne doivent pas rester impunies sous prétexte de préservation de la démocratie. Cette liberté doit s'exercer par un encadrement juridique, on parle alors de régulation extérieure ou par une régulation par la profession elle-même, il s'agira dans ce cas d'autorégulation. La régulation extérieure est essentiellement assurée par la loi sur la presse de février 1996. Celle-ci se caractérise par son aspect libéral. Inspirée des plus grands textes internationaux comme la charte de Munich, elle fixe un certain nombre de droits tout en instaurant des devoirs dont la déviance est réprimée par la justice. D'autres dispositions éparpillées ça et là dans le code pénal et le code de procédure pénale fixent également des garde-fous. Mais ces textes datent des années 1960, 1970, 1980 ; c'est-à-dire à l'époque du parti unique lorsque les journalistes étaient considérés comme des « bandits de grands chemin »250(*) alors que « l'activité des médias repose sur le principe de la liberté expression qui ne se divise pas, s'encadre difficilement et s'affaiblit vite devant des limites trop rigoureuses »251(*) selon Henri PIGEAT. Ces dispositions gagneraient donc à être dépoussiérées car elles ont un caractère répressif, anachronique à la démocratie sénégalaise. L'autorégulation se caractérise par l'existence de syndicats de journalisme dont le principal est le SYNPICS mais aussi par le CRED qui fut créé par la profession en 1998. Fort de son code de déontologie, ce « tribunal interne » statue et inflige des sanctions symboliques aux journalistes dont la preuve de la culpabilité a été établie. La régulation interne aussi serait plus crédible si elle se dotait de moyens de dissuasion plus coercitifs au lieu de se contenter de sanctions qui n'ont aucune valeur juridique. L'organe de régulation béninois peut servir d'exemple puisqu'il peut priver à tout journal fautif de l'aide de l'Etat à la presse dont il gère l'attribution.

En définitive, il faut tout simplement retenir que l'étude des médias sénégalais sous le prisme de l'éthique et de la déontologie est un terrain prometteur. Les textes `liberticides' contenus dans le code pénal sont en cours de révision. De toute évidence, les peines privatives de liberté ne seront plus prononcées à l'encontre des journalistes. La liberté du journaliste étant protégée, il y a une crainte que les dérives se propagent et prennent des proportions très dommageables aux médias eux-mêmes. Toutefois, il n'est pas question de faire un retour en arrière, ce qui serait un sacrifice de la liberté individuelle. On se rappelle cette polémique qui a opposé ROUSSEAU à VOLTAIRE: l'un déplorant le fait que « l'homme est devenu un loup pour l'homme » et l'autre taxant son contradicteur de vouloir ramener la civilisation à l'âge de la pierre. Les dérapages et les dérives semblent être le résultat de la liberté acquise au fil des années. Maintenant, il revient aux journalistes de montrer qu'ils sont en mesure de faire usage de cette liberté tout en instaurant des médias de qualité. L'exemple donné par Henri PIGEAT252(*) constitue à ce propos une image qui montre l'importance de la responsabilité des médias et des journalistes vis à vis à du public qui les fait confiance. Cet auteur fait référence à un tableau de Picher BREUGHEL, un peintre du 16e siècle qui met en scène un aveugle guidant d'autres aveugles, les entraînant dans un fossé. Ce qui serait pour lui l'exemple d'un média n'accordant pas assez d'importance aux principes éthiques et déontologiques qui lui sont nécessaires pour aider le peuple à y voir plus clair.

Nous voudrions, avant de terminer cette étude, montrer que toute conclusion ne peut être que partielle. Pour mieux apprécier les dérives et les dérapages, il aurait été plus bénéfique d'être en possession de tous les articles incriminés. Ce qui n'a pas toujours été le cas car tous les journaux ne sont pas mis en ligne ou alors les articles qui datent d'une certaine époque ont déjà disparu du site au moment de leur consultation. Le résultat de ce manque est que la plupart des affaires dont nous ne disposions pas d'éléments nécessaires à leur exploitation ont été écartées de cette étude. De même, nous déplorons le fait de n'avoir pas pu obtenir beaucoup plus d'entretiens avec les instigateurs. Mais comme nous le disions plus haut, nous envisageons de toute manière, si l'occasion nous en été offerte, de compléter ce travail. L'objectif sera alors de faire un choix des journaux dignes d'intérêt pour notre sujet, et pourquoi pas intégrer les médias audiovisuels. Il sera aussi question d'enquêter beaucoup plus sur l'organisation syndicale le SYNPICS et surtout sur le CRED. Pour ce faire, nous comptons prendre connaissance des statuts de ces organisations, examiner de manière plus approfondie leur mode de fonctionnement, et évaluer leur influence réelle sur les sujets qui nous préoccupent. Concernant les organes de presse, les procédés que nous avons relevés comme participant de l'autorégulation seront abordés avec profondeur. Quelle est l'importance des `encadrés de correction', des `droits de réponses', ou du `courrier des lecteurs' aussi bien pour le journal que pour le lecteur ? Qui sont ces médiateurs dont la présence dans les rédactions est devenue de plus en plus vitale, sont-ils plus au service du média que du public ? Voilà autant d'interrogations et de pistes de réflexion qui vont nécessiter une investigation sur le terrain et des rencontres avec les professionnels et les spécialistes des médias sénégalais.

* 248 Cf. André-Jean TUDESQ, L'espoir et l'illusion : actions positives et effets pervers des médias en Afrique subsaharienne, MSHA, Talence 1998, p.68

* 249 Cf. « Médias et élections au Sénégal », NEAS, Dakar, 2002

* 250 Expression utilisée par Alpha SALL, secrétaire général du SYNPICS, Site Internet Médiafrique, www.mediafrique.com

* 251 Henri PIGEAT, Médias et déontologie : règles du jeu ou jeu sans règle, PUF, Vendôme, 1997

* 252 Cf. Henri PIGEAT, op.cit, p. 4

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe