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Impacts de la pression du cout de la vie sur les principaux indicateurs de la production nationale

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par Moïse Ramces
Faculte de Droit - Licence 2000
  

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Avant-propos

De nos jours, les mécanismes ne sont plus appropriés aux résultats satisfaisants auxquels témoignait le comportement de l'économie haïtienne du temps jadis plus précisément la décennie des années soixante dix (70). Les réponses apportées jusqu'ici à travers la mise en oeuvre de différentes stratégies, programmes et projets de développement n'ont pas permis d'améliorer les conditions de vie de la population, constituée en partie de paysans. L'expérience haïtienne révèle donc que les programmes de développement réalisés grâce à l'aide internationale n'ont jamais profité à la majorité de la population. Nombreuses que puissent être les causes explicatives, elles apparaissent, d'un coté, à la fois partielles et insuffisantes et, d'un autre coté, semblent se compléter. Le marasme est tel que chaque secteur pris séparément représente une priorité en soi, qui, justement, rend difficile l'adoption de choix cohérents résultant des contraintes observées.

L'handicap majeur des branches d'activités du secteur réel, conduisant au net ralentissement du système des finances publiques, est entretenu par la valeur grandissante du déficit budgétaire et commercial, le faible contrôle des prix, le développement sans précédent du secteur informel, le manque de contrôle des structures tarifaires, alimentant ainsi la contrebande et renforçant le manque à gagner des recettes fiscales. S'ajoutent, à tous ceux là, les difficultés découlant de l'instabilité politique chronique, durant plus de deux décennies, qui assombrissent encore davantage les tableaux économiques tout en encourageant les bailleurs de fonds et investisseurs étrangers et locaux à tourner le dos au pays.

Dans un tel contexte, la problématique de la montée du coût de la vie a atteint des proportions inégalées et continue à créer beaucoup de remous dans la société. Classée régulièrement parmi les priorités des décideurs étatiques, cette problématique révèle un contraste où il semblerait n'exister, dans le cas d'Haïti, aucun mécanisme de contrôle des prix de la part des décideurs étatiques. En témoigne directement la faiblesse figurante de la production nationale.

Pour citer l'Economiste Fritz DESHOMMES, introduisant son livre « Vie Chère et Politique Economique en Haïti », « le hic est que dans tous les cas, ou presque, les résultats obtenus se sont révélés si maigres et/ou si éphémères que l'on se croirait en présence d'un problème insurmontable, d'un véritable casse-tête, pour lequel n'existe aucune solution viable et qu'il faut se résigner à subir avec courage et abnégation ». Un constat qu'une enquête sur les conditions de vie en Haïti (ECVH), réalisée en 2001 par l'IHSI, allait confirmer quand elle a révélé que 73.8% des ménages s'en remettent à Dieu en ce qui a trait à l'évolution future de la situation économique du ménage.

Ce mémoire s'attelle, par rapport au cas haïtien, à soulever quelques interrogations, à identifier quelques éléments de blocage interne* et à proposer, le cas échéant, quelques pistes opérationnels, parmi tant d'autres, dans le cadre de l'élaboration d'une politique alternative de développement.

Telles sont les diverses raisons traduisant l'intérêt personnel porté à l'égard de ce choix de sujet.

Introduction.-

La récession mondiale de la fin des années soixante-dix (70) s'est considérablement répercutée sur les pays en développement au chevet desquels les Institutions de Bretton Wood (IBW), FMI et Banque mondiale (BM) ont été appelées à la rescousse. Leurs interventions remettront en cause les modèles de développement jusque là adoptés par ces pays, initieront de nouvelles conditionnalités pour accéder au financement international et bénéficier de la coopération au développement. De concert avec d'autres bailleurs bilatéraux, ces institutions imposeront aux pays en retard de développement des réformes économiques concoctées dans le cadre du Consensus de Washington mieux connus sous le nom de Plans d' Ajustement Structurels (PAS). Fondamentalement, ce programme vise à instaurer une relation étroite et stable entre l'économie domestique d'un pays et l'économie internationale. Il est fondé sur une restructuration de la demande, une libéralisation interne et une ouverture maximale au marché mondial. Dans la perspective de ces Institutions de Bretton Woods (IBW), il est question d'établir un contexte propre à favoriser le dynamisme et l'expansion de l'économie mondiale. Ainsi, ces programmes ont pour finalité de transformer les structures économiques de ces pays de manière à ce qu'ils puissent s'intégrer dans l'économie mondiale et bénéficier des vertus de la globalisation en marche.

A l'instar des autres pays en développement, Haïti n'a pas échappé à ces programmes qui ont facilité les interventions des institutions financières internationales et agences de coopération bilatérale particulièrement l'USAID dans la définition et l'élaboration de ses politiques économiques sur ces vingt dernières années. Après avoir connu une croissance relativement élevée durant la décennie soixante-dix, le pays a subi dès le début des années 80 les effets de la crise mondiale qui s'est transformée au niveau national en crise économico financières. La crise qui les a affecté est expliquée en partie par la dégradation de l'environnement international à partir de 1979. L'augmentation des prix du pétrole et des importations, accompagnée d'une chute des prix des matières premières et d'une hausse spectaculaire des taux d'intérêt, a créé des déséquilibres insoutenables des balances des paiements induisant une envolée de la dette, cette fois directement pour financer les déficits de bon nombre de ces pays Cf. Gilles DURUFLE, L'Ajustement Structurel en Afrique p. 13.que, Karthala, Paris, 1988,p.13.

Cette crise s'est manifestée, entre autres, par le déséquilibre de la balance des paiements, la chute de la croissance globale et la baisse des recettes d'exportation. A propos, le tableau dressé en 1981 est assez révélateur. Estimé à 7,5% du PIB de 1976 à 1980, le déficit budgétaire est passé à 13% du PIB, le taux de déficit de la balance commerciale a triplé passant de 7,7% du PIB en 1977-80 à 20,1%. Les différents secteurs de l'économie tels l'agriculture, l'industrie manufacturière, l'industrie extractive, l'industrie touristique et les services, se sont tous retrouvés en difficulté.

Le pays s'est engagé de très tôt dans des programmes de réformes économiques en signant à la faveur de cette crise un premier accord de stand by avec le FMI. Par la suite, d'autres accords seront signés et détermineront le cadre de référence pour faire face à la détérioration de la situation socio-économique. Dans un intervalle de moins d'une dizaine d'années, les autorités gouvernementales ont mis en oeuvre deux programmes de réformes économiques conclus dans le cadre de la Facilité d'Ajustement Structurel (FAS) et de la Facilité d'Ajustement Structurel Renforcé (FASR) respectivement en 1987 et 1996. Aussi bien par leurs orientations de fonds que par les mesures adoptées, ces programmes appliqués en Haïti ne diffèrent pas de la thérapeutique administrée à l'ensemble des pays en développement qui vise la croissance économique et l'ouverture de leur économie aux échanges internationaux. De manière générale, les programmes FAS/FASR ont tenté de répondre à ces deux objectifs fondamentaux : (i) Stimuler la croissance et élever le niveau de vie et (ii) faire progresser la viabilité externe, c'est-à-dire créer une situation dans laquelle le déficit courant pourrait être financé par des flux de capitaux normaux et viables. Les principales mesures administrées ont concerné l'ajustement du taux de change et la réduction des dépenses publiques, la libéralisation du commerce extérieur, la libération des prix et la réduction du rôle de l'Etat, la libéralisation du secteur financier, la privatisation/modernisation des entreprises publiques et la réforme de la fonction publique.

Les résultats enregistrés n'ont pas été à la hauteur des espoirs suscités et des efforts déployés. Plus d'une vingtaine d'années après l'entrée en exécution des premiers accords de stabilisation et d'ajustement économique les indicateurs sociaux et de développement humain révèlent une amélioration insignifiante voire une situation d'appauvrissement général et continuel, comme l'attestent les différentes places occupées par le pays dans les différents rapports de développement humain du PNUD. La lecture tirée de ce rapport en 2002, il est classé 146ème sur 173 pays avec un score de 0,471 et plus de quatre personnes sur dix sont affectées par la pauvreté humaine. La croissance économique n'a pas été relancée ; les exportations ont fortement décliné ; les importations ont explosé accentuant le déficit de la balance commerciale ; les investissements déjà très faibles ont eux aussi décliné. Sur la période 1986-1997, le taux moyen de croissance a décru au rythme moyen de 1,05% pendant que le ratio d'investissement moyen était d'environ 12%. De 3,0% de moyenne pour les décennies soixante dix et quatre vingt le PIB par habitant a drastiquement chuté. Sur les vingt dernières années, il a respectivement reculé en moyenne de 2,0% et de 3,2% durant la période 1979-1989 et 1989-1999. La pauvreté et l'insécurité alimentaire consécutive à l'infléchissement des revenus et à la permanence du déficit vivrier ont atteint un nombre croissant de gens. Aujourd'hui, il est constaté une économie nationale désarticulée, inefficiente, marginalisée et maintenue sous perfusion de la manne financière provenant de l'extérieur - aide publique au développement, transferts des migrés - qui varie suivant la conjoncture locale et internationale. Comment expliquer cet échec?

Nonobstant certains cas de pays qualifiés de réussite, les politiques d'ajustement structurels mis en oeuvre par l'ensemble des pays en développement à partir des années 1980 ont brillé par leur insuccès général. Maintes explications sont offertes aussi bien par les détracteurs que par les partisans de ces réformes: certains privilégient les causes techniques en avançant l'inadaptation et l'inefficacité des mesures ; d'autres soulignent des causes politiques et idéologiques qui n'ont pas permis d'établir un environnement favorable. Dans leur analyse, le FMI et la Banque mondiale attribueront en partie l'insuccès des réformes économiques au manque de volonté politique, d'implication et d'engagement des acteurs nationaux, couplé à des problèmes institutionnels de gouvernance. Ces manquements ont joué en leur défaveur notamment à leur appropriation. En 1999, ces institutions ont lancé les Cadres Stratégiques de Réduction de la pauvreté (CSRP / en anglais PRSP : Poverty Reduction Strategy Papers), auxquels doivent souscrire tous les pays aspirant à bénéficier des financements concessionnels des institutions multilatérales. En introduisant cette nouvelle démarche, elles ont choisi de transformer le mode d'élaboration et de mise en oeuvre de leurs politiques, reconnaissant, de facto, qu'une des raisons qui ont prévalu à l'échec des politiques d'ajustement structurel réside dans la manière dont celles-ci ont été imposées sans prises en compte des réalités locales. Ainsi la question de la pauvreté est revenue au coeur des nouvelles réformes à mettre en oeuvre et sa réduction l'objectif premier affiché par ces institutions. Les éventuels pays bénéficiaires ont-ils la capacité de s'y souscrire en bonne et due forme et d'en tirer avantage ? Au niveau national comment peut se faire la traduction de cette nouvelle approche et quels peuvent être les obstacles à cette traduction ? Ces cadres stratégiques constituent-ils une alternative valable pour impulser dans les pays pauvres une dynamique de développement durable ?

En Haïti, la problématique de la montée du coût atteint toutes les catégories de la société quelle que soit leur position dans les rapports économiques. Car, celui-ci est une réponse directe aux comportements des principaux déterminants de la production nationale eu égard aux principales denrées d'exploitation devenant totalement non compétitives sur le marché international. C'est dans un contexte de grande « désolation » et de « blocage de la société haïtienne dans le domaine de la production » tel que défini par A. Corten caractérisé, entre autres, par la persistance de l'instabilité socio- politique, la faiblesse de l'Etat, la destruction du tissu organisationnel de la population, sa marginalisation et sa polarisation que se réalise (doit être réalisée) l'élaboration des stratégies de lutte contre la pauvreté à laquelle doit participer l'ensemble des acteurs de la société civile. Que peut-on attendre de ces stratégies anti-pauvreté dans un pays où « l'appauvrissement systématique de la population est le plus ancien » et « un état général des choses »s et espérer en terme de développement endogène quand la démarche est le fait d'une rationalité imposée de l'extérieur et non d'une volonté nationale ?

De l'avis d'autres analystes, la décennie des années 90 est constituée d'énormes chocs qu'a connus le pays. A titre d'exemple, l'embargo a stimulé davantage la montée pertinente du coût de la vie qui a atteint en 1994 un taux d'inflation de plus de 50%. (Jean Claude Paulvin, dans le Bulletin Economique de l'AHE, volume 1, page 23,année 2003).

La crise politique normalisée, particulièrement en août 1995, le taux d'inflation est redevenu acceptable, oscillant dans une fourchette de 15 à 17%. Cependant, les perspectives de descendre ce taux en dessous des 15% sont difficilement réalisables, à cause, notamment, des inquiétudes résultant des produits pétroliers (produit complémentaire) contribuant grandement au problème du croit rythmique du coût de la vie dans le pays.

Les informations tirées du bulletin annuel de la Banque Centrale (BRH), 1998 et 2000, corroborent nettement cette situation. En effet :

· Toute la période allant de 1990 à 2000 montre que l'économie nationale est en état de forte régression (se référer au tableau I : structure du PIB par branche d'activités du secteur réel).

· Les résultats donnés pour l'ensemble des agrégats macroéconomiques, tels que : la structures des exportations et des importations puis le solde budgétaire, peuvent expliquer la faiblesse continuelle de la production nationale.

· Le secteur primaire, autrefois moteur du développement économique du pays, étant paralysé, est écarté au profit du secteur tertiaire qui, lui-même, ne semble pas en mesure de promouvoir la relance des activités économiques.

D'un autre coté, les situations ayant succédé aux deux décennies (80 et 90) n'allaient pas être mieux. En effet, durant la période allant de 2000 à 2004 :

· La diminution subséquente de l'offre du dollar sur le marché haïtien s'est traduite par une forte dépréciation de la gourde, d'Octobre à Novembre 2002, avec évidemment comme corollaire un accroissement considérable des prix à la consommation. La gourde a en effet perdue durant ces deux mois plus de 16% de sa valeur, une chute nettement plus importante que celle enregistrée durant toute l'année fiscale 2002, soit 13%. Cette forte appréciation du dollar, en novembre 2002, allait avoir des répercutions sur les prix, occasionnant ainsi une hausse en glissement annuel de près de 15% de l'inflation, en décembre 2002. Ce phénomène allait s'accentuer au cours de l'année subséquente qui a vu la décote continuelle de la monnaie nationale, soit une perte de change de plus de 50% de sa valeur, en Septembre 2003. (Ce facteur aidant peut favoriser pendant longtemps le niveau élevé des prix des biens et des services).

· La vie chère renvoie à une dure réalité : la frustration des citoyens à revenu modeste, qui voient leur argent perdre de son pouvoir d'achat à vue d'oeil, à chaque fois qu'ils veulent se procurer un bien. En effet, la marmite de riz de 2.7 kilos, achetée à environ 9 gourdes en 1987, se vend autour de 75 gourdes en 2003. Cette évolution est notable pour tous les autres biens. Les informations publiées par l'IHSI estiment que les prix ont été multipliées par 8, entre 1986 et 2002. L'indice des prix fixé à 100 en 1986 est passé à 792 en 2001.

· Dans le même temps, le salaire minimum traîne par rapport à la hausse des prix : 15 gourdes en 1986 ; 36 gourdes en 1995 ; 70 gourdes en 2003. Ce quadruplement du salaire nominal n'a pas réussi à compenser la hausse du coût de la vie.

· La continuation du contexte politico-économique difficile qui a prévalu en 2004 n'a pas été favorable non plus à la relance de l'investissement. Elle a, au contraire, inversé la tendance avec une chute de 3.1% contre une augmentation de 3.3% en 2003.

· Mis à mal par les perturbations sociopolitiques occasionnant la faiblesse des indicateurs macroéconomiques, les entrepreneurs se sont montrés très réticents à faire de nouveaux investissements en 2004. De même, cette situation a réduit davantage le nombre de touristes et fait croître la migration massive forcée des agents économiques vers l'extérieur. Enfin, la baisse significative du rythme de croissance de crédits alloués par le système bancaire aux différentes branches d'activité qui était de 31% en 2003, n'a augmenté que de 2.8% en 2004. Compte tenu du ralentissement des recettes fiscales qui ont augmenté seulement de 16% en 2004, contre 37% en 2003, l'investissement public qui, au cours de l'exercice fiscal précédent, avait cru de 106%, a enregistré cette année (2004) une chute de 9.2%. (Cf. : Bulletin de l'Association Haïtienne des Economistes, Volume I, #5, décembre 2003, p.52).

Tels sont les divers problèmes qu'a connus l'économie haïtienne durant la période qui fait objet de cette étude. D'ailleurs, aujourd'hui encore, ces mêmes problèmes persistent. La situation est telle que la montée du coût de la vie est un phénomène très peu maîtrisé en Haïti et les difficultés d'appréhension commencent à partir de sa définition même.

Par exemple, n'assimile-t-on pas la vie chère à l'inflation et la lutte contre la cherté de la vie à la baisse des prix des produits de consommation courante ? Même si la réduction du rythme de progression des prix constitue un important volet dans le combat contre la vie chère, elle ne saurait y être assimilée. Car, pour quelqu'un qui n'a pas de revenu la vie demeure chère même quand l'indice des prix baisserait de 50% du jour au lendemain (Cf. Fritz DESHOMMES Vie chère et Politique Economique en Haïti).

Dans cette perspective, la pression du coût de la vie n'a-t-elle pas des conséquences néfastes sur les différentes composantes de la production nationale (la consommation globale des ménages, l'investissement global, et le solde du déficit commercial) et de l'émission excessive de la quantité de monnaie en circulation ?

La hausse des prix des produits de première nécessité a-t-elle un impact très significatif sur le pouvoir d'achat des ménages haïtien ?

D'ailleurs, la réflexion sur les prix eux-mêmes ne semble pas très au point. Quels sont les principaux agrégats macroéconomiques qui peuvent être intervenus dans leur formation ? Obéissent-ils toujours à la spontanéité naturelle du libre jeu des forces du marché ? Ou, sont-ils maîtrisés, orientés, imposés à la faveur des distorsions ?

S'évertuant à fournir des données susceptibles de contribuer à répondre à ces questionnements ce travail réunit-il les objectifs suivants :

· Expliquer à travers d'un modèle économétrique les différents agrégats macro-économiques traduisant de façon claire les divers effets que peuvent poser le niveau du coût de la vie au travers des principaux paramètres expliqués le comportement de la production nationale.

· Démontrer que le phénomène de la montée du coût de la vie en Haïti résulte, non seulement, de l'altération des principaux agrégats macroéconomiques, mais aussi, de la fixation arbitraire du prix des produits de première nécessité sur le marché haïtien.

· De formuler des propositions permettant d'articuler les exigences du rééquilibrage macroéconomique et de la maîtrise de l'inflation d'une part, la nécessité d'une croissance forte riche en emplois et réductrice d'inégalités d'autre part ;

· De présenter, enfin un tableau synoptique de suivi principaux indicateurs macroéconomiques et financiers pour le futur observatoire de la pauvreté et des inégalités.

Au regard de la poursuite de ces objectifs et à la lumière de l'évolution récente de l'économie haïtienne, l'hypothèse suivante a été retenue :

H1: Dans  le cas d'Haïti, l'augmentation du coût de la vie a un impact défavorable sur les différentes composantes de la production national (la consommation globale des ménages, l'investissement global, les exportations nettes) et au croit rythmique du déficit chronique du budget de l'Etat.

H2 : La faiblesse de la production nationale résulte de l'utilisation excessive de la planche à billet pour financer le déficit budgétaire, du niveau du taux de change de la monnaie locale stimule aussi la cherté de la vie en Haïti.

Pour pouvoir réaliser ce travail, nous avons recueilli les informations à partir des sources primaires par exemple, dans des journaux, des bulletins économiques, des revues et bulletins économiques et enfin tous les ouvrages ayant rapport avec le sujet traite.Ainsi, après avoir entrepris d'annoncer le sujet traité et poser la problématique de recherche, on s'évertuera à dresser au niveau du :

Chapitre I : Cadre sommaire des idées théoriques du coût et de la production nationale ;

Chapitre II : Un cadre macroéconomique d'Haïti pour la période allant de 1975 à 2005 ;

Chapitre III : Listing des principaux facteurs explicatifs liés au niveau du coût de la vie et de la production nationale ;

Chapitre IV : l'élaboration d'un modèle économétrique, qui constitue le fondement réel de ce travail, en vue d'expliquer de façon concrète la véracité de notre première hypothèse, par le biais des tendances des différentes variables sélectionnées. A cette fin, le logiciel de support « Eviews, version 5.0 » a été utilisé pour arriver aux résultats du modèle.

D'autre part, pour réaliser ce travail, des sources importantes d'informations comme des bulletins, des journaux, des rapports, des publications nationales (disponibles dans les bibliothèques, sur l'Internet et bureaux d'études) ont été utilisées.

Enfin, au regard de l'importance du sujet, des recherches réalisées et les résultats obtenus dans ce domaine, ce travail peut être considéré comme un outil mis à la disposition de tous ceux voulant entreprendre une étude approfondie sur les facteurs du coût de la vie et les déterminants de la production nationale. Car, la problématique du coût de la vie en Haïti liée à la production nationale, en plus d'être un sujet d'actualité, reste et demeure l'un des problèmes majeurs auxquels les décideurs économiques n'arrivent toujours pas à trouver une solution rationnelle.

I.) Cadre sommaire des idées théoriques du coût et de la production nationale

La problématique du niveau du coût de la vie s'explique de manière directe dont les prix des biens et produits évoluent à chaque instant donné. Toutefois, ceux-ci peuvent expliquer soit par la décote de la monnaie locale, du faible rendement de la production nationale et du questionnement au type d'orientation stratégique de la politique économique émise par les secteurs concernés d'un pays, (par exemples les décideurs publics). 

Généralement, dans tous les pays les prix des biens et produits se font toujours expliquer par les principaux mécanismes définis sur le marché où seulement l'Etat joue le rôle d'arbitre et, à l'exception du secteur informel qui semble être totalement contrôlables par ces principaux décideurs publics à cause de ses ambiguïtés ; cela ne peut mettre en question la fébrilité du jeu de l'offre et de la demande.

Dans un contexte économétrique, la relation mise en exergue les effets du niveau du coût de la vie et les principaux paramètres de la production nationale dans la modélisation d'un système économique ouvert seraient listées par une liste de variables suivantes  :La consommation globale des ménages (Cgm),l'Investissement global (Ig), le poids du déficit commercial ou Balance commerciale (Bc), le déficit chronique du budget de l'Etat (Sb) et la pertinence de l'émission continue de la quantité de monnaie en circulation (Mc), toutes, peuvent expliquer par une variation relative en terme du PIB communément appelé le taux de croissance du Produit Intérieur Brut (%PIB) ou niveau de la croissance économique.

Ce travail de recherche s'étendra autour des thèmes :'' Coût et la Production Nationale `' est un sujet pluridimensionnel. L'idée est de commencer par présenter en premier lieu les diverses idées théoriques relatives au déroulement de ce sujet.

I.1) Coût de la vie, présentation

Une augmentation répétée des prix érode le pouvoir d'achat de la monnaie et des autres actifs financiers à valeur fixe provoquant ainsi de graves distorsions et incertitudes économiques. La montée du coût de la vie apparaît lorsque les pressions économiques et l'anticipation de certains événements font monter la demande de biens et services au-delà de l'offre disponible aux prix existants, ou lorsque la production disponible est réduite par une productivité défaillante ou par les contraintes du marché.

Les problèmes qui sont dus au secteur touristique, à l'instabilité politique, la gestion arbitraire du secteur étatique, parfois une décote rigide de la monnaie locale vis-à-vis de l'Étalon Monétaire, un taux de chômage élevé et une fixation arbitraire des prix du secteur informel conduisent à un résultat significatif du croît rythmique du coût de la vie.

Paradoxalement à ce qui vient d'être mentionné permet décrire sous le nom de la déflation caractérisée par une baisse généralisée des prix dans le cas où la politique de la relance de la production nationale serait appliquée dans toutes ses dimensions stratégiques et uniformes.

Ce phénomène, considéré actuellement comme phénomène très rare parce que la problématique de la cherté de la vie reste et demeure la principale variable macroéconomique, affecte tous les niveaux d'un système qu'il soit à la fois politique, économique ou sociale.

I.1.1) Présentation de quelques types de coût

I.1.1.1) Coût salarial unitaire

Salaire total (y compris les cotisations sociales à la charge des salariés et des employeurs) divisé par la quantité produite. Son évolution dépend de celles du salaire et de la productivité.

I.1.1.2) Coût marginal (Cm)

Coût de la dernière unité produite (accroissement du coût total du à la production d'une unité supplémentaire). Lorsqu'il augmente avec la quantité produite, on dit que les rendements sont décroissants ; ceux-ci sont croissants si le coût marginal est décroissant.

I.1.1.3) Coût marginal à long terme (Cml)

Variation du coût total à long terme, c'est-à-dire lorsqu'une firme peut construire tout établissement qu'elle désire, quelle que soit son échelle. Indique le montant minimal d'accroissement du coût lorsque l'output augmente et le montant maximal d'économies réalisables lorsque l'output diminue.

I.1.1.4) Coûts implicites

Valeurs estimées (à leur meilleur emploi extérieur possible) des facteurs de production dont une firme est propriétaire et qu'elle utilise dans son propre processus de fabrication.

I.1.1.5) Coûts explicites

Débours effectifs d'une firme pour acheter ou louer les services des facteurs de production dont elle a besoin.

I.1.1.6) Coût d'opportunité (Coût alternatif)

Volume d'un bien à la production duquel une société doit renoncer afin que soient dégagées assez de ressources (des ressources non inépuisables) pour produire une unité supplémentaire d'un autre bien.

I .2) Facteurs explicatifs du coût de la vie

Selon l'Encyclopédie du « Microsoft Encarta, version 2006 », l'évolution des prix est expliquée par les facteurs constitutifs de l'offre et de la demande. En effet, la montée1(*) du coût de la vie apparaît lorsque les pressions économiques et l'anticipation de certains événements font monter la demande de biens et services au-delà de l'offre disponible par rapport aux prix existants, ou encore lorsque la production disponible est réduite par une productivité défaillante ou par les contraintes du marché.

Ainsi, les problèmes qui sont dus, par exemple, au secteur touristique, à l'instabilité politique, à la décote de la monnaie locale, au chômage élevé et à la fixation arbitraire des prix, au secteur informel conduisent à un croit rythmique du coût de la vie dans un pays.

Les gouvernements se sont toujours efforcés d'influencer l'évolution du coût de la vie dans l'économie. Leurs actions s'inscrivent souvent dans une politique des prix et des salaires visant à maîtriser l'inflation2(*). Toutefois, la théorie économique n'a pas encore dégagé une position définitive sur l'inflation et les moyens de s'en sortir3(*).

Pour certains économistes, les causes de l'inflation résident dans une émission monétaire trop importante et/ou dans l'interventionnisme étatique. Pour d'autres au contraire, les véritables causes de l'inflation se situent dans les conflits entre les groupes sociaux pour le partage des richesses et dans les rigidités de l'appareil de production. Pour une dernière catégorie, enfin, l'inflation peut résulter des mutations sociales provoquant à la fois une transformation du « patron » de consommation et la hausse des prix dans l'économie4(*).

I.2.1) Approche de Fritz DESHOMMES

Pour parler du cas de l'économie haïtienne, l'Economiste Fritz DESHOMMES, dans son ouvrage intitulé « Vie Chère et Politique Economique en Haïti », affirme que « le deuxième type d'explication s'accorde mieux à la réalité nationale ». Selon lui, l'échec de la lutte contre la vie chère vient du fait que « le premier type d'explication, d'essence néolibérale, semble avoir été privilégié par la pensée économique dominante en Haïti »5(*).

En effet, dans cet ouvrage, qui constitue le véritable cadre de référence du présent travail de recherche, l'auteur a plaidé pour une intervention de l'Etat avec la rigueur nécessaire pour corriger les distorsions du marché haïtien. Distorsions expliquées notamment par les situations de monopole, de marché noir de protectionnisme étatique, qui contrarient le libre jeu du marché.

Le présent travail de recherche se situe en droite ligne avec la réflexion exprimée par l'auteur, mais la démarque quelque peu. En effet, en plus des imperfections du marché haïtien conduisant à la fixation arbitraire des prix, le surplus de monnaie en circulation et la faiblesse de l'appareil productif semblent avoir aussi une grande influence sur l'évolution du coût de la vie en Haïti.

I.2.2) Approche de Frédéric-Gérald Chéry

Notre travail de recherche trouve également sa source dans un article publié par l'Economiste Frédéric-Gérald CHERY6(*) pour qui « l'inflation peut résulter d'un phénomène social ».

En effet, dans cet article paru en décembre 2003 dans les colonnes du bulletin de l'AHE du cinquième paragraphe page 22, l'auteur soutient que : « l'inflation en Haïti est due ces dernières années à une extension en variété et en quantité des besoins de la population, non suivie par un accroissement de la productivité locale. La tension entre demande en évolution et offre rigide de biens et services s'est traduite à la fois par une croissance des importations de biens courants et par une hausse des prix... Les changements sociaux à l'oeuvre en Haïti, associés à de nouvelles possibilités de circulation de la monnaie, sont de nature à entraîner une recomposition de la demande. Ces changements, qu'il faudra relever au niveau du panier de la ménagère, peuvent induire des mécanismes de hausse des prix ».

Ainsi, cette analyse de l'évolution du coût de la vie en Haïti mettant l'emphase sur l'excédant de demande qui est comblé par les importations de biens courants, partage bien notre point de vue. Toutefois, il n'y a pas lieu ici de débattre de cette question, celle-ci faisant l'objet des chapitres III et IV de ce travail. Mais en attendant, poursuivons la revue du paysage littéraire sur la problématique du coût de la vie face au comportement de la production nationale dans le cas d'un pays donné.

I.3) Analyse de l'offre et de la demande globale

L'explication des composantes de base de l'offre et de la demande globale varie en fonction des divers courants de pensées. Les analystes ont résumé toutes les explications qui ont été fournies en la matière selon les trois théories suivantes :

A) La première théorie baptisée sous le nom de la 'Théorie quantitative de monnaie'' se repose sur les deux hypothèses suivantes :

Hypothèse 1 : l'offre de monnaie est une donnée exogène qui est à la discrétion de la banque centrale.

Hypothèse 2 : la demande de monnaie est en relation étroite avec le niveau du PNB, soit :

M : la demande de monnaie

P : le niveau moyen des prix (indice moyen)

Y : le niveau du revenu réel (PNB réel)

V : vitesse de circulation de la monnaie qui est le nombre de fois qu'une unité monétaire passe de mains pendant une certaine période de temps (en général une année) .Cette hypothèse pourra réécrire comme suit :

MV= PY (1)

Ou encore :

M=1/V*PY (2)

Ou encore :

M= k* PY avec k=1/V (3)

Et finalement :

M/P= k*Y (4)

La relation (4) signifie que la valeur réelle de la monnaie désirée par le public (M/P) est un multiple k du PNB réel Y.

Donc, lorsque la demande de monnaie est donnée, le volume des transactions(Y) est aussi donné. Si Y augmente, P doit diminuer pour que l'équation (4) tienne.

Considérant qu'il s'agit d'une question liée au problème du croit rythmique de la masse monétaire émise par l'Etat. La réponse est simple : les agents économiques auront plus d'argents qu'ils ne souhaitaient conserver et par conséquent ils vont dépenser le surplus. Dès lors, deux éventualités doivent tenir compte :

A1) Y est à un niveau de sous-emploi ; dans ce cas il y aura une forte expansion de la demande de production.

A2) Y est au niveau de plein-emploi ; dans ce cas P augmentera

Les partisans de cette théorie s'affirment encore plus claire et soutiennent que les modifications du niveau des prix des biens et services reflètent les fluctuations de la monnaie disponible. Cette dernière se définit traditionnellement par l'argent en numéraire de la monnaie et les comptes de dépôts à vue. Selon eux, pour qu'il y ait stabilité au niveau des prix, la masse monétaire doit s'accroître à un rythme stable adapté à la capacité de production effective de l'économie.

Pour arriver à la conclusion logique de cette théorie : la monnaie ne peut pas influencer les grandeurs réelles. En fait, elle n'affecte que des grandeurs nominales.

B) La seconde théorie est l'oeuvre de Jhon Maynard KEYNES où la demande de monnaie est expliquée de deux façons suivantes :

B1) La demande de monnaie pour des fins de transactions et précautions. Cette demande varie directement avec le niveau de revenu et ce, pour deux raisons :

B11) les agents économiques ont besoin de monnaie pour leurs transactions.

B12) Les sorties et entrées de fonds, chez les agents économiques, ne sont pas parfaitement synchronisés.

B2) Les agents économiques peuvent garder leur monnaie soit sous forme liquide, soit sous forme d'actifs financiers soit une combinaison des deux.

Finalement, plus la richesse est détenue sous forme liquide et moins le risque de la perdre est grand. Il est aussi clair que plus le taux d'intérêt est élevé moins grande sera la quantité de monnaie gardée sous forme liquide. A l'inverse, plus le taux d'intérêt est faible et plus grande sera la quantité de monnaie gardée sous forme liquide attendue à ce que les taux augmentent.

La relation inverse entre la demande de monnaie et le taux d'intérêt prouve à chaque fois qu'il y a augmentation au niveau de l'offre les taux d'intérêt baissent et vice versa. C'est parce qu'une augmentation de la masse monétaire entraîne du coté des agents économiques, des stocks de monnaie indésirables dont les gens veulent se débarrasser en procurant des titres, de propriétés ce qui fera augmenter le prix des biens et donc diminuer le taux d'intérêt.

Ainsi, les budgets de l'Etat et la gestion fiscale d'un gouvernement doivent être utilisées pour maintenir les niveaux de saturation de la production et d'emploi. Une masse monétaire doit être ajustée de manière à investir le niveau désiré de croissance économique et des taux d'intérêt élevés qui décourageraient les éléments de la demande globale. Ainsi, selon cette théorie, les régulations des dépenses des décideurs publiques et la politique fiscale peuvent utiliser pour compenser les effets néfastes de la hausse des indices du coût de la vie et la baisse des produits des biens et services sur le marché par un ajustement de l'offre et de la demande.

C) La troisième théorie se repose sur les liaisons directes de l'offre. Ceux-ci incluent le rythme à long terme de l'investissement en capital, le niveau technologique, le groupement d'âge et le facteur du capital humain, le déplacement des activités industrielles, le niveau de la production nationale, le contrôle des matières premières, les événements politiques et sociaux que peuvent contrôler le niveau de chômage, ainsi que des contraintes économiques diverses telles que les problèmes monétaires et commerciaux, augmentations importantes du prix des biens complémentaires à l'instar du pétrole pouvant donner naissance à la stimulation des prix des autres produits. Ces problèmes relatifs à l'offre peuvent jouer un rôle important dans l'élaboration de politiques monétaires et budgétaires d'un pays donné.

I.4) Cadre structurel de la demande globale 

Lorsqu'on se situe à un degré de généralité suffisante, on peut immerger l'équilibre macroéconomique dans la théorie de l'équilibre général et même présenter la comptabilité nationale dans un cadre microéconomique qui respecte l'articulation des agrégats macroéconomiques.

Il est important de souligner que cette méthodologie ne correspond pas à la philosophie keynésienne qui est foncièrement macroéconomique. Keynes part du principe selon lequel le système capitaliste livré à lui-même a tendance à s'établir en sous-emploi. Comme l'emploi est lié à la production, Keynes recherche comment se forme le niveau de la production. Dans son modèle, la production suit la demande. C'est donc la demande globale qui détermine le montant de la production et par-là indirectement à l'emploi. Cette démarche débouche sur l'analyse « macroéconomique » de la formation de la « demande effective » ; on divise celle-ci selon les catégories d'agents qui lui donnent naissance ; elle est, en économie fermée, la somme de la consommation qui dépend des ménages, des investissements dont la plus grande part est le fait des entreprises et des entreprises publiques. Si l'on parvient à établir des fonctions de comportement telles que la demande globale soit une fonction suffisamment stable de variables réelles, alors on possède un outil « macroéconomique » pour expliquer le niveau de la production et de l'emploi et, éventuellement, pour le modifier.

Les économistes postkeynésiens qui ont réfuté les conclusions keynésiennes concernant le chômage permanent de l'économie capitaliste et les recommandations normatives pour le supprimer n'ont pas pour autant rejeter ce cadre méthodologique keynésien. L'équilibre entre l'offre et la demande globale et la scission de la demande par catégories d'agents qui la font varier sont un instrument d'analyse simple et relativement neutre par rapport à la philosophie du fonctionnement du système capitaliste. Car l'essentiel des divergences porte sur la stabilité des fonctions de comportements macroéconomiques. A partir de fonctions différentes, les économistes anti-keynésiens prouvent que si le fonctionnement du système capitaliste n'est pas contrarié, il a tendance à revenir de lui-même au plein-emploi à plus ou moins long terme, c'est-à-dire à l'équilibre général celui-ci étant entendu comme l'équilibre simultané sur tous les marchés, y compris celui de l'emploi. On voit dans ces conditions pourquoi les économistes anti-keynésiens croyant dans les fonctions macroéconomiques dans les comportements microéconomiques des agents. La démarche keynésienne au contraire n'a pas besoin de justifier ces relations de comportements sur des bases microéconomiques. Le fonctionnement des marchés (en particulier la concurrence) est trop imparfait. L'essentiel est de vérifier empiriquement des relations macroéconomiques stables entre agrégats réels.

Cette dualité dans l'explication des variations des composantes de la demande est d'ailleurs surtout apparente pour la fonction de consommation. La fonction d'investissement a été largement empruntée par Keynes à la théorie microéconomique d'Irving Fisher. Les dépenses publiques ont, quant à elles, une spécificité macroéconomique incontestable. C'est le caractère typiquement « keynésien » de la fonction de consommation qui a été l'objet des critiques les plus synthétiques par les économistes anti-keynésiens.

I.4.1) Analyse de la fonction de Consommation

La fonction de consommation keynésienne ne doit pas être isolée de sa problématique. Les économistes pré-keynésiens n'ont pas utilisé cette relation parce qu'ils n'en avaient pas besoin (7(*)). Dans la théorie néoclassique du court terme, le niveau du revenu global n'est pas une variable intéressante. Car il y a des mécanismes d'équilibre assurant le retour automatique du revenu réel au niveau correspondant aux pleines capacités productives de l'économie. Or, Keynes prétend que le niveau de l'emploi peut s'éloigner durablement du plein-emploi. Pour l'expliquer, il a besoin de connaître comment évolue la demande globale. La consommation est la composante la plus importante de la demande. D'autre part, à court terme, les investissements et les dépenses publiques peuvent être considérés en première approximation comme exogènes à la conjoncture. Aussi grâce à la fonction de consommation c'est-à-dire à la relation entre le revenu (ou la production) et la consommation, on peut obtenir le niveau de la production selon un modèle élémentaire faisant abstraction des comportements individuels et des mécanismes de marché.

Cette démarche a donné naissance à des discussions à trois niveaux :

i) La fonction de consommation keynésienne est une relation macroéconomique.

Certes, Keynes fonde cette relation sur une « loi psychologique » d'ordre microéconomique. Mais il n'approfondit pas les règles microéconomiques de détermination de la consommation à partir du revenu8(*). Il lui suffit une relation très simple qu'il insère dans la formation d'un équilibre macroéconomique. Il est important de noter que les économistes anti-keynésiens ont élaboré « de nouvelles théories de la consommation » sur le comportement microéconomique de l'emploi du revenu.

ii) La fonction de consommation de Keynes est une relation de court terme (9(*))

La théorie keynésienne est une analyse de l'équilibre à un moment donné. Keynes s'intéresse à la formation de l'équilibre statique et à sa modification avec la variation de certains paramètres. Aussi les relations de comportement qu'il emploie sont-elles utilisables à court terme. Les économistes anti-keynésiens ont révoqué en doute la stabilité de la fonction de consommation à court terme. Ils prouvent au contraire que cette fonction est stable uniquement dans le long terme entendu comme le temps nécessaire d'adaptation de l'équilibre à de nouvelles conditions. Cette observation, si elle est exacte, est extrêmement préjudiciable à la théorie keynésienne puisque l'absence de stabilité des fonctions de comportement réel à court terme dénaturerait la notion même « d'équilibre en terme réel » et exclurait la possibilité d'agir efficacement sur le niveau de cet équilibre par le biais de la modification de certains paramètres.

iii) La fonction de consommation pose un problème difficile d'estimation empirique

L'analyse keynésienne de la consommation est introspective. Keynes cherche à expliquer comment varierait la consommation à la suite d'une évolution de revenu. Il s'agit donc d'une relation de comportement ex ante11(*). Lorsque le débat se situe sur le plan statistique, il faut garder présent à l'esprit que les statistiques sont des données ex post ; ce sont des valeurs d'équilibre. Aussi il est difficile d'infirmer ou de confirmer une fonction de ce type par des calculs statistiques. Il y a deux méthodes possibles qui ont chacune leurs avantages et leurs inconvénients. On peut d'abord tester l'évolution simultanée dans le temps de la consommation et du revenu des ménages tels qu'ils sont donnés par exemples dans les comptes nationaux. Ce procédé a pour inconvénient de fournir évidemment des points d'équilibre. Ce qu'on obtient, ce n'est pas la fonction de consommation keynésienne, mais en fait la corrélation ex post entre le revenu et la consommation ; pour s'en rapprocher, il est nécessaire d'avoir des statistiques relativement peu éloignées dans le temps avec des variations de consommations suffisamment fortes. Une deuxième méthode consisterait à tester l'évolution de la consommation en fonction des diverses tranches de revenu de la population. Cette analyse supprime le problème temporel ; mais elle ajoute un défaut plus grave encore. Car la fonction de consommation keynésienne est une relation macroéconomique concernant l'ensemble des ménages.

Keynes émet un certain nombre d'hypothèses sur la forme de la fonction de consommation laquelle pourra être applicable au système économique du pays donné. Par ordre d'importance décroissante les propriétés de la fonction de consommation keynésienne sont les suivantes :

1) La consommation des ménages est une fonction stable du revenu global :

C =f(Y).

2) Si la propension marginale à consommer est la dérivée de la consommation par rapport au revenu, c'est-à-dire le rapport entre la variation de la consommation et la variation du revenu qui l'induit, d'après Keynes celle-ci est positive et inférieure à un :

dC /dY = f `y ; 0 < f `y <1.

Ainsi avec une fonction de consommation linéaire : C = aY + b, a est la propension marginale à consommer ; et on doit avoir : 0 < a < 1.

3) La propension marginale à consommer est inférieure à la propension moyenne.

4) La variable correcte déterminant la consommation est le revenu disponible des ménages (revenu après impôt) et non pas le revenu brut.

5) La propension marginale à consommer diminue lorsque le revenu s'élève.

Ces cinq premières hypothèses sont formalisées mathématiquement par une fonction :

C= f (Yd)

Yd : revenu disponible ;

0 < f 'yd <1 ; f '' yd < 0 .

6) La propension marginale à consommer dans le court terme est inférieure à la propension marginale à consommer dans le long terme.

Cela s'explique par le fait que le niveau de vie est plus flexible à long terme : l'accroissement de consommation s'adapte facilement en longue période à une croissance du revenu, qu'en courte période.

· Les fondements de la théorie de la consommation

La théorie du revenu permanent est une machine de guerre contre la stabilisation à court terme de la fonction de consommation. Friedman voulant prouver que seule la fonction de consommation de long terme est stable fonde sa théorie sur l'analyse microéconomique du comportement de consommation. Il a ouvert la voie aux « nouvelles théories de la consommation » qui envisagent la consommation dans le cadre de l'allocation des revenus de l'individu pour la durée entière de sa vie.

Dans cette section, on va d'abord faire la théorie pure de la répartition microéconomique du revenu entre la consommation et l'épargne puis on montrera comment Friedman a appliqué ce raisonnement de la théorie du revenu permanent.

· La théorie pure de la consommation dans un cadre temporel

A un moment to un agent reçoit un revenu Yto et désire le repartir en consommation et épargne :

Yto = Cto + Eto .

On cherche à connaître selon quelles règles il effectue ce partage. Pour cela, on suppose que l'agent se fait une idée de l'évolution de son revenu dans le temps, par exemple jusqu'à sa mort : (Yt).

Si les agents désirent épargner ou désépargner, c'est-à-dire ne pas consommer exactement à to la quantité de revenu reçu, il doit exister un marché financier, c'est-à-dire un endroit où s'échangent des titres de créance : quelqu'un qui désire consommer plus que son revenu cherche quelqu'un qui désire épargner;il lui vend un titre contre une certaine somme monétaire que l'agent dépensier va utiliser; il est précisé qu'à l'échéance de ce titre une somme monétaire sera rendue à l'épargnant moyennant un intérêt.

Le marché financier permet ainsi à chaque agent de repartir son flux de revenu initial (Yt) en une infinité de flux de consommation (Ct). L'épargne est donc envisagée comme un moyen d'adapter dans le temps un flux de revenu escompté à un flux de consommation désiré.

· Les fondements de la théorie du revenu permanent

L'analyse qui précède est la base des « nouvelles théories de la consommation » (12(*)). Celles-ci se placent dans le cadre temporel de la vie de l'agent et recherchent quelle est la consommation choisie à partir de l'image que l'agent se fait de la répartition de son revenu. On maximise alors un index d'utilité intertemporel sous la « contrainte de richesse » actualisant tous les revenus futurs :

Max U(Co , C1,...,Cn ) = k

Sous la contrainte :

Co + C1/ (1+i1) +.....+Cn / (1+ i1 )....( 1+ in)

= Yo + Y1/ (1+i1) +.....+ Yn / (1+ i1 )....( 1+ in)

La théorie du revenu permanent est une application de cette analyse.

1) Friedman part des définitions théoriques du revenu, de la consommation et de la richesse.

Il constate que le terme usuel de revenu (le revenu courant) est utilisé pour des motifs statistiques. Il ne correspond pas au concept théorique de revenu qui est la part de la richesse qu'un individu pourrait consommer en maintenant sa richesse intacte. Friedman (13(*)) appelle celui-ci le « revenu permanent ».

Friedman fait ensuite la même distinction entre la consommation mesurée sur la période (la consommation courante) et le concept théorique de consommation qui désigne la valeur des biens et services qu'on a décidé de consommer durant la période. Ce concept est différent de la consommation courante parce que celle-ci porte en partie sur des biens durables (appareils ménagers, mobiliers, automobiles, etc.) ; en pure théorie, ce qu'on consomme alors, ce sont les services rendus par ces biens non durables, on peut considérer que la consommation courante et consommation permanente sont statistiquement confondues.

2) Friedman se place ensuite dans le cadre inter temporel précédemment présenté.

Simplifiant l'analyse à deux périodes, le présent et le futur, il constate d'abord que la consommation présente Co est indépendante de la répartition (Yo,Y1) ; elle ne dépend que de la « richesse » de l'individu que représentent ses revenus actualisés : Yo + Y1/1 + i. Toute répartition (Yoi, Y1i) qui a la même valeur présente (qui correspond à la même richesse) donne une répartition finale de consommation (Co, C1). Donc on peut poser :

Co=f (W ,i ), (1)

Avec :

W = Yo + Y1/1+ i .

D'après Friedman cette observation change considérablement la fonction de consommation traditionnelle puisque c'est « la richesse » de l'argent qui détermine sa consommation ; le revenu courant n'a d'influence sur la consommation que par l'intermédiaire de son incidence sur la richesse totale.

Friedman introduit ensuite la définition théorique du revenu : c'est la partie de la richesse qu'on peut consommer tout en gardant son capital intact :

Yp = iW

En remplaçant dans (1), on a:

Co = f ( Yp/i , i ) = Ø (Yp, i)

Si on admet certaines hypothèses sur la structure des choix inter temporels, on obtient la fonction la plus simple possible qui est la relation fondamentale de la théorie du revenu permanent :

Co = Cp = á(i) Yp .

En fondant la théorie de la consommation sur le comportement microéconomique et en cherchant à démontrer que la consommation qui dépend de façon cruciale de la richesse n'est stable qu'à long terme, la théorie du revenu permanent a sérieusement ébranlé la fonction de consommation de Keynes.

Il ne faut pas se dissimuler que la discussion plonge ses racines dans la controverse philosophique sur l'opportunité de l'intervention de l'Etat sur l'activité économique. Car les économistes keynésiens qui font dépendre la consommation du revenu courant sont favorables aux actions de l'Etat pour modifier le niveau de la demande globale, par le budget en particulier : la forme keynésienne de la fonction de consommation de court terme est à la base de la théorie du multiplicateur. Au contraire, la théorie du revenu permanent qui insiste sur l'influence des variables permanentes de long terme comme la richesse conteste implicitement l'efficacité de l'action budgétaire sur la conjoncture.

I.4.2) La fonction d'Investissement

Les variables qui influencent le montant des investissements sont de deux ordres : il y a d'abord le coût des emprunts nécessaires à leur financement : plus le taux d'intérêt i est élevé, plus le montant d'investissements réalisés est faible.

D'autre part, les investissements évoluent avec la variation de production de l'entreprise.

Au niveau macroéconomique, on peut relier le montant agrégé des investissements aux variations de la production totale (Y). La fonction macroéconomique d'investissement dépend donc fondamentalement de deux variables :

I = (i, Y).

On introduit la fonction d'investissement dans le modèle keynésien en termes réels par la répercussion de la variation de la production sur l'investissement : une modification de la demande autonome déclenche un effet multiplicateur sur la production qui le transmet aux investissements et ainsi de suite.

Il est important de souligner cependant que contrairement à la de consommation, la théorie de l'investissement n'est pas spécifiquement keynésienne. La relation entre le taux d'intérêt et les investissements remonte à la Théorie de l'intérêt d'Irving Fisher dont Keynes s'est inspiré dans sa Théorie générale. D'autre part, la liaison entre l'investissement et la variation de la production qu'on appelle le principe d'accélération a été découverte dès 1909 par l'économiste français Aftalion et largement utilisée par l'Américain Clark dès 1917. Dans les deux cas, la fonction d'investissement est fondée sur la théorie microéconomique du comportement des entreprises. C'est pourquoi on présentera d'abord la théorie microéconomique traditionnelle de l'investissement selon l'analyse fishérienne inter temporelle, ensuite on étudiera le principe d'accélération et on présentera à la fin de ce chapitre l'interaction macroéconomique entre le niveau du coût de la vie par l'effet des rendements de la production nationale.

· La théorie fishérienne du comportement d'investissement

L'investissement est une augmentation de la capacité de production. Il y a plusieurs types d'investissements correspondant aux divers aspects du capital. L'investissement en « capital physique » est le propre de l'entreprise et peut prendre la forme de capital circulant (les stocks). L'investissement « en capital humain » permet d'accroître les revenus du travail (l'éducation, la formation professionnelle). Ce dernier est largement à la charge des ménages.

Il y a une analogie entre l'épargne et l'investissement. L'épargne, on l'a vu, est un moyen de transformer dans le temps une répartition de revenu escompté en une répartition de consommation désirée.

L'investissement modifie aussi la répartition initiale du revenu. Car, si avant l'investissement, sous quelque forme que ce soit, transforme cette répartition en diminuant les revenus des premières périodes du montant des sommes inverses et en augmentant les revenus ultérieurs du montant de rendement. Cette observation est à la base de la théorie fishérienne de l'investissement qui a été exposée de façon systématique par J. Hirschleilfer (14(*)).

· Le principe d'accélération

La théorie de l'accélération lie le montant des investissements entrepris au niveau de la production selon l'idée que plus « l'output » est élevé plus le capital nécessaire pour le produire est important.

La théorie élémentaire d'Aftalion qui reliait l'investissement à la production grâce à un coefficient de capital fixe (l'accélérateur simple) a été améliorée à la suite de travaux par la suite de travaux empiriques par l'introduction fondamentale des retards (l'accélérateur simple).

I.4.3) L'Etat

Selon la typologie traditionnelle de Musgrave (15(*)), l'État effectue trois sortes d'opérations : il a des fonctions d'allocation, de régulation et de répartition que l'on va analyser et illustrer brièvement.

· La Fonction d'allocation :

La satisfaction des besoins dans les sociétés occidentales est obtenue d'abord par le marché, c'est-à-dire par l'achat de biens et services en contrepartie d'un prix. Mais certains besoins sont collectifs. La fonction d'allocation de l'Etat est de pourvoir à ces besoins collectifs.

Lorsqu'un besoin n'est pas individualisé et que personne n'est prêt à le payer, on ne laisse pas à l'activité privée le soin de produire ces « biens collectifs ». Parmi ces biens, on trouve l'administration générale, la défense nationale, la justice, etc.

Même lorsqu'un besoin est satisfait par le marché, la prestation peut-être considérée comme non optimum du point de vue du bien-être de la collectivité de l'Etat. Ainsi dans le cas de rendements croissants, les coûts de la production sont décroissants. Si les firmes cherchent à égaliser leur revenu marginal à leur coût marginal, elles maximisent leurs pertes et non pas leurs profits. Les rendements croissants conduisent à une absence d'équilibre du niveau de production et à des situations de monopoles. L'Etat peut alors pratiquer une politique de subvention pour que l'entreprise produise un niveau d'output « optimum » pour la collectivité (chemins de fer, mines, etc.).

· La fonction de stabilisation :

La seconde fonction de l'Etat selon Musgrave est la stabilisation de la conjoncture. Les mouvements alternatifs de récession et d'expansion sont générateurs de chômage et d'inflation. En effet, reprenons la définition de la production potentielle idéale (YPE ) qui correspond au plein-emploi de main-d'oeuvre (NPE) :

YPE = f ( NPE , Ko )

Lorsque la demande globale diminue pour une raison quelconque, on a vu que la production des entreprises tombait au-dessous de la production de plein-emploi et s'accompagnait progressivement de chômage. Au contraire, si la demande globale augmente, alors, comme la production en valeur réelle ne peu pas dépasser la production de plein-emploi (YPE), les excès de demande sur les marchés vont pousser les prix vers le haut. Il y a des pressions inflationnistes.

La fonction de régulation de l'Etat consiste à agir sur le niveau de la demande globale pour atteindre le plein-emploi sans inflation, en la relançant en sous-emploi et en freinant au contraire en situation inflationniste.

Lorsqu'on dissocie la demande globale entre ses principales composantes, on fait apparaître les divers aspects de la régulation »

Y = CM + I + G + (X-M)

L'Etat modifie d'abord le niveau de la demande globale par la politique budgétaire qui agit sur celle-ci directement par les dépenses publiques (G) et indirectement par l'influence des impôts sur la consommation des ménages (CM).

Mais la stabilisation ne se limite pas à la politique budgétaire. L'Etat peut aussi freiner la demande globale en utilisant la politique monétaire. Si par exemple, les Investissements ( I ) diminuent quand le taux d'intérêt s'élève, une politique monétaire de hausse du taux de l'intérêt ralentit la conjoncture.

Enfin lorsqu'on dévalue la monnaie, les biens produits dans le pays sont moins chers pour le reste du monde ; les exportations augmentent et les importations diminuent : (X-M) croît. La dévaluation relance la production : au contraire, la réévaluation freine l'emballement de l'activité.

· Les opérations de redistribution de revenu

L'Etat réalise deux catégories d'opérations de redistribution. On trouve d'abord des redistributions à caractère économique : ce sont les subventions d'exploitation qui ont pour objectif de renflouer le compte d'exploitation des entreprises. A cet effet, les charges d'exploitation de l'entreprise bénéficiaire sont considérées comme trop lourdes par rapport à sa valeur ajoutée. D'autre part, les subventions d'équipement qui ont pour but de faciliter le financement des investissements.

A la faveur de ce tour d'horizon sur les différentes approches littéraires et ces courants de pensées, les plus remarquables en tout cas sur le coût de la vie et la production nationale, il a été permis d'élaborer la base nécessaire permettant de poursuivre le traitement de notre sujet de recherche. Aussi, il vient à présent d'aborder le second chapitre de ce travail qui traite du « Contexte macroéconomique d'Haïti : 1975&2005».

II.) Contexte macroéconomique d'Haïti : 1975 & 2005

L'Economie haïtienne ne connaît que des taux de croissance très faibles depuis la décennie des années 80. En moyenne le PIB a progressé moins vite que la population, ce qui s'est traduit par une baisse du produit par habitant entre 1987 et 2000, baisse qui s'est encore aggravée entre 2000 et 2005. Suite aux différentes tergiversations politiques enregistrées dans le pays durant ces périodes, les investisseurs trouvent assez de raisons valables pour tourner le dos au pays.

En effet, selon les informations tirées du document du CEPALC en date du 12 Août 2005, intitulé :''La Pauvreté en Haïti : Situation, Causes et Politiques de Sortie'', le PIB réel par habitant a été estimé à US$ 457 en 1987, à US$ 352 en 2000 et à US $ 328 en 2003. La production par tête a donc diminué selon un taux moyen annuel d'environ 2% selon les données dont dispose l'Institut Haïtien de Statistique et d'Informatique (IHSI). Cependant, l'offre globale de biens et services a progressé entre 1987 et 2000 avant d'amorcer une nette tendance à la baisse après 2000. L`offre et la demande globale de biens et services par tête est passé de US$ 599 en 1987 à US$ 760 en 2000 (1,9 % de croissance annuelle entre 1987 et 2000) et à US$ 703 en 2003 (-2,6 % de décroissance annuelle entre 2000 et 2003). Quant à la consommation par tête, elle était estimée à US$ 426 en 1987, à US$ 565 en 2000 (2,2 % de croissance annuelle entre 1987 et 2000) et, enfin, à US$ 512 en 2003 (-3,2 % de décroissance annuelle entre 2000 et 2003). Les importations, évaluées en valeurs constantes de 1986/87, dépassent désormais le PIB et jouent un rôle déterminant dans l'économie Haïtienne. Leur poids relatif est passé de 23,6% de l'offre globale en 1987 à 53,5 % de celle-ci en 2003, alors que la valeur des exportations s'est réduite au cours des années 90 et que le poids relatif des exportations ne représente, en valeurs constantes de 1987, que 24% du PIB. Haïti est donc ancré profondément dans une logique économique dominée de plus en plus par la migration internationale et alimentée, en contre partie, essentiellement par l'accroissement des transferts courants. L'existence des transferts renforce, par ailleurs, la migration rurale/ urbaine déjà intense à travers la demande, désormais possible, de nouveaux biens et surtout de services.

Exprimée en volume, la consommation totale de biens et services valait 156 % du PIB en 2003 contre 93% en 1987. Le revenu moyen est donc nettement plus élevé que le PIB par habitant à cause de l'importance des transferts unilatéraux publics et privés. Les transferts privés estimés à US $ 48,54 millions en 1985 ont été évalués à US $ 506,00 millions en 2000 et à 811 millions de dollars en 2003. Quant aux transferts totaux, ils ont progressé passant de US $145,04 à US $ 699,00 millions entre 1985 et 2000 et à US $ 907 millions en 2003. En 2003, les transferts représentent 35% du PIB, 2,2% des exportations brutes de biens et services, 3,3% fois les exportations brutes de marchandises dominées par l'industrie légère de sous-traitance et un peu plus de 6 fois les exportations nettes de marchandises.

Après une contraction de 3,50% l'année dernière, l'économie a affiché en 2005 une croissance de 1,80%, légèrement supérieure à l'objectif révisé du gouvernement haïtien (1,50%) dans le programme signé avec le FMI1. Ce taux de croissance, inférieur à celui de la population (2,08%), s'est toutefois réalisé dans un contexte sociopolitique marqué d'un côté par des épisodes de violence urbaine au cours des trois premiers trimestres et, de l'autre côté, par la flambée des prix du pétrole sur le marché mondial ajoutant à l'inquiétude ambiante.

Sur le plan interne, l'augmentation du crédit au secteur privé a favorisé la reprise des investissements privés et l'accroissement des exportations compensant ainsi la contraction des investissements publics. En effet, ces derniers ont diminué de 48% et leur poids dans le budget est passé de 21% en 2004 à 12% en 2005. En revanche, le crédit au secteur privé s'est accru de 21,27% en terme nominal et de 5,60% en terme réel. Conséquemment, l'expansion du volume des investissements privés (1,44% de croissance en termes réels) et de celui des exportations (3,38%) a, en 2005, concouru à une hausse de 2,22% de la demande globale. La consommation a aussi connu un regain de vigueur (+2,20 en 2005 après -3,72 en 2004) et le volume des importations a pris de l'ampleur (+2,60 % en 2005 contre -1,1% en 2004).

Sur le plan externe, l'économie a affiché un certain dynamisme tant au niveau des exportations qu'au niveau des importations. En effet, en dépit du ralentissement de la croissance du commerce mondial (+7,30% contre + 9% en 2004) et de la croissance du PIB des États-Unis (+3,5% contre +4,2% en 2004), la demande pour les produits haïtiens est restée ferme et a permis de générer une augmentation de 22,76% de la valeur des exportations. Cette performance est attribuable notamment à l'accroissement de la valeur des exportations du café (+ 64,72%), des produits de la petite industrie (+ 31,87 %) et des articles manufacturés (+ 29,35%). Parallèlement, la valeur des importations totales a progressé de 8,66%, principalement sous l'impulsion de celles des produits pétroliers (+41,07%) et des articles manufacturés divers (+ 45,42%).

L'excédent enregistré au niveau de la balance globale a permis une augmentation des réserves nettes de change, lesquelles, cependant, ne suffiraient tout au plus qu'à régler 50% de la facture d'un mois d'importations additionnées au montant des arriérés sur la dette externe.

Les informations tirées du tableau I peuvent donner un exemple de la situation économique du pays.

Ainsi, ce chapitre présente l'analyse du taux de croissance du PIB, le comportement du secteur réel via l'IPC (voir le tableau I), le niveau du revenu national expliqué par le poids de ses composantes telles que la consommation globale des ménages, l'investissement global et le système de la balance commerciale durant la période sous étude.

Tableau I 

Présentation des branches d'activités du secteur réel et de l'IPC

(En millions de gourdes constantes)

(Périodes :  1975&2005.

Périodes

Sp.

Ss.

St.

%PIB

IPC

1975/76

1758633

912591

1538532

-

100

1976/77

1798247

980300

1598974

3.7

100

1977/78

1848840

1056401

1751347

6.2

100

1978/79

1961479

1164520

1883916

7.6

100

1979/80

1976078

1300795

2079740

7.4

132.01

1980/81

1937843

1192232

2066540

-2.9

147.96

1981/82

1877632

1151995

2006867

-3.4

159.95

1982/83

1743382

1215537

2081579

0.7

174.31

1983/84

1804509

1171383

2095864

0.3

188.37

1984/85

1815581

1202101

2111397

0.6

204.06

1985/86

1859166

1168804

2136111

-0.5

221.55

1986/87

1880503

1147513

2118167

0.8

196.87

1987/88

1922512

1149753

2104391

0.2

196.57

1988/89

1920733

1165884

2129735

1.1

210.93

1989/90

1876575

1172131

2167315

-0.1

246.78

1990/91

1939162

1031314

2225489

0.3

295.50

1991/92

1925194

648021

1990777

-13.2

327.98

1992/93

1754341

670066

2007487

-2.4

398.67

1993/94

1557044

616811

1918259

-8.3

628.29

1994/95

1402565

751053

2053784

4.4

623.44

1995/96

1398533

831255

2078415

2.7

652.56

1996/97

1373100

886311

2091136

1.4

736.27

1997/98

1402900

943908

2130449

3.1

830.02

1998/99

1425570

996031

2143252

2.2

889.79

1999/00

1422791

1013380

2173450

1.1

1015.54

2000/01

1435620

1005802

2167966

1.05

576.56

2001/02

1382234

1018936

2194776

-0.25

657.90

2002/03

1385544

1031060

2199650

0.36

723.0

2003/04*

1318915

1008832

2115563

-3.51

1424.53

2004/05**

1353263

1033585

2149684

1.79

2805.53

Source : Institut Haïtien de Statistique et d'Informatique (Division des Synthèses Économiques).

Notes : Semi-Provisoires- ** Provisoires.-

Informations utilisées dans ce tableau :

Les données pour la période allant de 2000 à 2005 ont été raccordées à base de 1975.

IPC : Indice des Prix à la Consommation, %PIB : taux de croissance du PIB, Sp : secteur primaire,

Ss : Secteur secondaire, St : secteur tertiaire

II.1) Analyse comparative du taux de croissance du PIB

Dans tous les pays du monde, il existe toujours un ou des secteurs qui contribue (nt) davantage à la production nationale ou à la richesse d'une nation donnée. En Haïti, le modèle de production nationale est reposé sur l'apport de l'un de ces trois secteurs à savoir le primaire, le secondaire et le tertiaire. Ces trois catégories peuvent se résumer sous le nom de branches d'activité du secteur réel, auxquels pouvant être identifiées de part leurs domaines respectifs au niveau de l'économie.

En effet, le premier secteur regroupe les différentes activités liées à l'agriculture, le second s'intéresse davantage à l'agro-industrie ou secteur manufacturier et le troisième s'engage dans les activités des branches marchandes et non-marchandes notamment le tourisme qui constitue l'un des éléments stimulant le niveau du revenu national.

Selon les informations tirées du tableau I, l'évolution du taux de croissance économique, pour la période allant de 75 à 80, a été satisfaisant. Cet accroissement est dû à la contribution majoritaire du secteur agricole qui constituait l'élan favorable du revenu national jusqu'à la décennie des années (70). La décennie 80 a été la première période de l'économie nationale à connaître des moments de troubles sociopolitiques graves, notamment en 1985, et des successions continuelles de gouvernements résultant de l'instabilité politique du pays.

L'instabilité politique a atteint son point culminant durant la décennie 90 qui a vu le chaos de l'économie nationale. Cette situation résulte des méfaits de l'embargo commercial qui a duré environ trois (3) ans (1991/94) suite au coup d'Etat militaire de Septembre 1991. Durant cette période, le taux d'inflation a donc évolué à plus de 50% (hyperinflation)16(*).

La dernière période, allant de 2000 à 2005, paraît encore pire comparativement aux décennies précédentes. En effet, l'insécurité chronique oblige encore davantage d'investisseurs à tourner le dos au pays. La réduction favorable du niveau du tourisme, la mauvaise gouvernance et bien d'autres méfaits se comptent parmi les principaux facteurs contribuant au problème de la décroissance économique du pays.

Donc, les données fournies dans le Tableau I corroborent en outre parfaitement la situation économique du pays durant la période sous étude.

II.1.1) Analyse du PIB et de l'Indice des Prix à la Consommation (IPC)

II.1.1.1) Secteur primaire

La part du secteur agricole dans la formation du PIB a affiché une tendance à la hausse tout au long de la période allant de 1975 à 1990 pour un résultat signifiant pour le taux de croissance du Produit Intérieur brut et de l'Indice des Prix à la Consommation (IPC) (voir tableau 1). Car, l'agriculture constituait le moteur du développement de l'économie par le biais de la politique de libre échange avec comme partenaires principaux les pays de la Caraïbe. Cette politique allait être rapidement cessée au cours de la décennie des années 80, suite au recul prononcé du secteur agricole expliqué par le manque de compétitivité des produits locaux naissent ensuite les bouleversements politiques, plus particulièrement vers la moitié de cette dite période. L'incapacité de ce secteur s'explique par la devance du tertiaire comparativement aux deux autres où le niveau du revenu des ménages ne fait que décroître, soit de 1859166 contre 1880503 du secteur agricole et 2136111 contre 2118167 du secteur tertiaire, d'un niveau de décroissance du revenu national en terme du PIB et une montée sauvage du coût de la vie soit 204.06 contre 221.55% pour l'ensemble de la période allant de 1984 et 1986 (Cf. tableau I).

Les informations lues dans les comptes économiques pour la période allant de 1996 à 2004 stipulent les faits suivants :

- Entre 1985 et 2003, le pays n'a pas accordé une grande importance au secteur agricole, malgré une demande très forte. Le pouvoir d'achat des agents économiques ne cesse de décroître avec comme corollaire la réduction des prix des produits primaires. Les investissements privés de ce secteur ont été très fortement découragés et la rentabilité économique et financière du secteur public insignifiantes. Le déclin de l'agriculture s'est accentué de même que l'émigration massive vers les villes et les pays d'outre mer (le phénomène de l'exode rurale) comme conséquences néfastes, l'intensification de l'érosion accompagné des catastrophes naturelles de l'agriculture.

- De 1999 à 2003, le déclin du secteur agricole poursuit sa course effrénée en dépit de la dévaluation de la gourde qui rend plus compétitive la production locale sur le marché mondial. Ces investissements n'ont pas eu lieu à cause du contexte politique défavorable aux bailleurs de fonds locaux et étrangers.

La valeur ajoutée des branches : agriculture, sylviculture, élevage et pêche a enregistré en 2004 une chute de plus de 5% contre une légère hausse de 0.3% l'année précédente. Compte tenu de son poids relativement élevé (25%) dans la formation du PIB, cette réduction considérable des activités agricoles a eu évidemment une influence négative sur l'évolution d'ensemble de l'économie (l'agriculture a du faire face à la fois à des périodes de sécheresse et d'inondation au cours de l'année 2004).

Après un recul de 4,80% en 2004, le volume du secteur primaire a progressé de 2,60% en 2005, contribuant ainsi pour 36,73% à la croissance du PIB dont il représente les 27, 58% (Voir le rapport annuel 2005 BRH, paragraphe 2 et 3, page 12). Cette progression est due à un bénéfice enregistré au niveau de la pluviométrie clémente et relativement bien distribuée. Ces conditions climatiques favorables aux activités agricoles sont dues à l'intense activité cyclonique de cette année qui a provoqué de fortes et fréquentes précipitations dans presque toutes les régions agricoles du pays. Cependant, quoique la fréquence des catastrophes naturelles ait augmenté en 2005, les conditions météorologiques ont été plus favorables, contrairement à l'année dernière. Les deux cyclones précédemment mentionnés ont largement affecté les infrastructures de base ainsi que la production agricole. Selon les informations fournies par le Conseil National de la Sécurité Alimentaire (CNSA, Bulletin de Conjoncture # 11), le passage des deux ouragans a occasionné la destruction de 200 hectares de banane, 300 hectares de maïs et des pertes au niveau du bétail estimées à plus de 4,5 millions de gourdes, sans compter des pertes de matériels de pêches et autres.

Selon les résultats de l'Enquête sur les conditions de vie en Haïti (ECVH), enquête réalisée en 2001, les divers facteurs liés à la faiblesse continue de la production ou de l'exportation de certains produits sont les suivants :

· Niveau de technicité très faible, et même le plus bas de l'Amérique Latine et de la Caraïbe ;

· Pratique très rare de la taille, de la fertilisation et ombrage excessif ;

· Nombre très faible de techniciens travaillant dans le sous-secteur ;

· Inexistence de recherches appliquées ;

· Faible degré de fertilité des sols dû aux mauvaises pratiques culturales et au déboisement accéléré ;

· Maladies caféières (pourridiés et scolytes).

Tous ces problèmes ci-dessus mentionnés combinés aux déficiences sinon l'absence des infrastructures agricoles (routes, électricité, canaux d'irrigation) et des outils perfectionnés mettent à mal le gain de productivité et de compétitivité (les coûts de production étant excessivement élevés) dans le secteur primaire.

II.1.1.2) Secteur secondaire

Au niveau de ce secteur, le sous-secteur industrie d'assemblage, supposerait être le plus intéressant en terme de potentialité pour obtenir un avantage compétitif de l'économie nationale. Car, l'analyse des données du tableau I peut donner un exemple de la situation du secteur secondaire.

Le secteur industriel n'arrive pas à dynamiser l'économie haïtienne et à la libérer des contraintes agricoles. Sa contribution au PIB suit, de même que l'agriculture, une tendance continue à la baisse. Elle reste largement en dessous de la moyenne au niveau des pays de la Caraïbe où l'agriculture figure parmi les secteurs qui contribuent le moins au Produit Intérieur Brut et le coût de la vie ne cesse de croître de façon vertigineuse durant la totalité de la période sous étude (Tableau I).

Ce secteur bute sur un ensemble de contraintes. En tout premier lieu, l'un des traits caractéristiques de l'industrie haïtienne est le problème de sous-capitalisation17(*). Elle est dominée par de petites et moyennes entreprises dont le capital productif est faible. Les trois quarts des entreprises industrielles haïtiennes en 1999, soit 73%, ont un capital social ne dépassant pas 500 000 gourdes, quoique ce montant soit trois fois plus élevé qu'il ne l'a été en 1984, date à laquelle l'IHSI (Institut Haïtien de Statistique et d'Informatique) a réalisé une enquête industrielle. En deuxième lieu, l'activité industrielle est totalement orientée vers la production de biens de consommation. Ceci peut être expliqué par le fait que de telles activités ne nécessitent pas un haut niveau de technologie dans le processus de transformation de la matière première de base. Le pourcentage d'entreprises produisant des biens d'équipements et des biens intermédiaires relativement faible : soit respectivement 18% et 16% de l'ensemble des unités. Or, un pays, on l'avait vu dans le tableau ci-dessus, ne peut connaître de croissance significative sans consentir une bonne élaboration de politique économique. Une autre caractéristique de la faiblesse de l'industrie haïtienne est le fait que plus de 70% des entreprises trouvent essentiellement leurs débouchés sur le marché local. Hormis le secteur de la sous-traitance, seulement quatre entreprises déclarent exporter une partie de leur production. Un pays comme Haïti dont l'exportation dépend pour l'essentiel des produits agricoles et où l'industrie est tournée vers la production de biens de consommation, souffre d'un énorme déficit de compétitivité. Les gains de productivité s'obtiennent grâce à l'amélioration continue des capacités technologiques principalement dans le secteur industriel. Les facteurs conjoncturels tels que l'instabilité politique, la mauvaise gestion macroéconomique et les chocs externes conduisent à l'affaiblissement de l'appareil productif.

D'autres facteurs bloquent encore le comportement de ce secteur. L'instabilité et l'insécurité politique et le faible contrôle des prix des produits du coté des décideurs étatiques représente un désavantage compétitif. En outre, La crise pétrolière occasionne également le recul des entreprises. Ce qui constitue une faiblesse pour la production nationale laissant à comprendre aussi le comportement des principaux indicateurs macroéconomiques tels : La consommation, l'investissement et le solde des exportations nettes, le poids du budget de l'Etat et le niveau du financement.

II.1.1.3) Secteur tertiaire

L'analyse des informations du tableau I montre que ce secteur devance les deux autres depuis le commencement des années 80. Selon les informations tirées du document du PNUD intitulé ''Situation économique et sociale d'Haïti en 2004, p.70, paragraphe 1'', le tourisme est une industrie en pleine croissance au niveau de la zone Caraïbe et chaque année plusieurs millions de visiteurs fréquentent la région. Progressant à un rythme d'environ 7% l'an, la croissance régionale et mondiale est à la fois régulière et constante. Les revenus par arrivée de touristes sont de $851 pour la Caraïbe contre $663 pour le reste du monde alors que les revenus tirés de ce sous-secteur ne sont pas inclus dans les chiffres. En 1994, les Caraïbes ont généré des revenus de 11,6 milliards de dollars E.U de revenus touristiques, sur un total mondial de 346 milliards de dollars E.U. Dans ces performances, la part d'Haïti est très nettement insignifiante. Une initiative pour mesurer les recettes collectées de l'activité touristique en 1996 a fait un état de revenu de 24 millions de dollars, dont 75% générés par les haïtiens de la diaspora, ce qui constituait l'inexistence de ce secteur dans le pays.

Le secteur touristique en Haïti ne peut être un facteur de développement à cause de l'instabilité politique et l'insécurité chronique qui y sévissent depuis plus de deux décennies.

C'est encore une raison fondamentale qui explique la décadence pertinente de la balance commerciale traduisant le problème majeur du secteur réel.

Tableau II

Poids de la consommation, de l'Investissement et du PIB

(En millions de gourdes constantes)

Périodes : 1975 /2005.

Périodes

C

I

PIB

C/PIB

I/PIB

1975/76

4101

678

4395

0.9331

0.1542

1976/77

4419

736

4558

0.9695

0.1614

1977/78

4701

770

4841

0.9710

0.1590

1978/79

4809

921

5207

0.9235

0.1768

1979/80

5403

934

5591

0.9663

0.1670

1980/81

5353

941

5432

0.9854

0.1732

1981/82

4772

877

5238

0.9110

0.1674

1982/83

4804

924

5285

0.9089

0.1748

1983/84

4905

967

5301

0.9252

0.1824

1984/85

4915

1078

5333

0.9216

0.2021

1985/86

4991

987

5307

0.9404

0.1859

1986/87

4953

997

5265

0.9407

0.1893

1987/88

5079

955

5275

0.9628

0.1810

1988/89

4778

901

5334

0.8957

0.1689

1989/90

4729

866

5329

0.8874

0.1625

1990/91

4647

835

5342

0.8698

0.1563

1991/92

4675

500

4638

1.0079

0.1078

1992/93

5354

463

4525

1.183

0.1023

1993/94

4921

430

4150

1.1857

0.1036

1994/95

5843

811

4334

1.3481

0.1871

1995/96

5701

799

4451

1.2808

0.1795

1996/97

5832

787

4511

1.2928

0.1744

1997/98

6091

847

4652

1.3093

0.1820

1998/99

6293

902

4755

1.3234

0.1896

1999/00

6403

914

4808

1.3317

0.1900

2000/01

6301

919

4757

1.3245

0.1931

2001/02

6223

973

4744

1.3117

0.2051

2002/03

6276

941

4761

1.3182

0.1976

2003/04

6042

768

4593

1.3154

0.1672

2004/05

6174

758

4675

1.3206

0.1621

Sources : IHSI / MEF /BRH 

Informations utilisées dans le tableau : Cons (Consommation), Inv. (Investissement),

PIB : Produit Intérieur brut

II.2) Analyse des principaux déterminants de la production nationale

II.2.1) Consommation

Cet indicateur regroupe la consommation marchande des ménages et celles dites non marchandes des institutions sans but lucratif et des administrations publiques. Son évolution est non stationnaire pour la période d'étude. En effet, la consommation globale passe de 4101 MG (Million de gourdes) en 1976 à 5403 millions de gourdes en 1980, soit un taux moyen de croissance de 7.15% l'an. Une nette diminution a été constatée à partir de 1981 à 1985 en passant de 5353 à 4915 MG avec un taux de croissance de - 8.7% l'an. De 1986 à 1993, la consommation globale a chuté à un niveau moyen de 0.4% l'an.

Une légère reprise s'est effectuée en 1994 grâce au retour à l'ordre constitutionnel et à la levée de l'embargo. Ce qui a permis à la consommation globale de croître à un taux moyen de 4.8% l'an jusqu'à l'année 2000. Cependant, les bouleversements politiques qui qu'a connu le pays à partir des années 2000 ont causé la régression de la consommation globale à un rythme de 1.1% l'an en moyenne. Dans l'ensemble, la consommation globale a connu une croissance mitigée au cours de la période allant de 1976 à 2004 accusant un taux de croissance annuel moyen de l'ordre de 1.9%. Les chiffrent du tableau suivant témoignent de cette évolution.

De plus, la part des importations dans la consommation globale a augmenté considérablement et représentait 75.62% au cours de l'année 2004 contre 34.86% en 1976. Ce qui représente une augmentation de 40.76% pendant 29 ans. Cette situation signifie que des produits qui, dans le temps, pouvaient nourrir la population haïtienne et dégager des marges supplémentaires pour l'exportation, est passée dans la catégorie des biens d'importation. Donc, nourrir sa population de sa propre production demeure un défi pour Haïti. Et que faire ? La réponse est simple, il s'agit de pourvoir à l'autosuffisance alimentaire de la population. Nous abordons dans le point suivant l'évolution de l'investissement global.

II.2.2) Investissement

L'Investissement est un facteur indispensable à la croissance et au développement économiques. Il marche en parfaite relation avec un climat de paix et de certitude politique. En d'autres termes, la stabilité politique et la bonne infrastructure moderne représentent deux outils indispensables à l'investissement. En Haïti, pendant 24 ans, l'instabilité politique et le manque d'infrastructures constitue deux inconvénients majeurs à l'expansion de l'économie nationale.

Ainsi, l'Investissement en Haïti au cours de l'année 2004, estimé en millions de gourdes de 1975-1976, s'élevait à 923.7 contre 941MG en 1981, affichant pour ainsi dire une baisse de 0.14% l'an. Durant cette période, il a évolué tantôt à la hausse tantôt à la baisse dépendamment de la conjoncture. En effet, le niveau d'accroissement annuel de l'investissement était de 5.3% en 1985 contre -6.8% en 1982. Il était de -8.4% en 1986 contre 11.55% en 1985. En moyenne, l'investissement a régressé de 18.2% au cours des années de vives crises politiques et économiques (1991-1994) et a atteint le niveau de 88.65 % en 1995.

Le résultat constaté en 1995 est lié à une forte expansion des dépenses consenties dans le cadre des grands travaux de réhabilitation des infrastructures routières et autres qui provoquent une augmentation à la Formation Brute de Capital Fixe (FBCF). La situation a été renversée en 1996 ; la suspension de l'aide financière internationale suite à l'arrêt des négociations avec les bailleurs de fonds a eu des conséquences sur le niveau de l'investissement. Ce faisant, une baisse de 1.475 millions de gourdes a été constatée. Soutenu surtout par les dépenses publiques, l'investissement a crû en moyenne de 4.96 % l'an de 1997 à 2000. Mais, encore une fois, les événements politiques ont contraint ce rythme d'évolution positive et contribuent à une diminution de 3.13% de l'investissement en 2004. A cet égard, il est aussi important de souligner que l'investissement est lié à l'épargne nationale laquelle demeure toujours négative. Ce qui nous amène aux développements ultérieurs.

II.2.3) Structure des Exportations Nettes (X-M)

La lecture des données du Tableau III ci-dessous corrobore nettement les informations tirées du bilan du (PNUD) en 2004 et du rapport annuel 2005 BRH (Banque de la République d'Haïti). Le montant des exportations exprime grandement la faiblesse de la production nationale en dépit du rythme des importations qui constitue un résultat non significatif pour l'économie nationale. Le commerce extérieur au cours de la période 2002/2003 confirme les tendances constatées depuis la moitié de la décennie 80. Deux éléments importants caractérisent cette période, d'abord, le niveau de la dépendance externe semble continuellement plus significatif, s'expliquant par l'augmentation pertinente du déficit commercial passant de 571 au cours de la période 1983/84 à environ 1291 MG en 1992/93.

Cette deuxième observation s'explique par une profonde restructuration du commerce extérieur. En effet, si au début des années 80 les produits du secteur d'assemblage, articles manufacturiers comptaient environ 20% en terme de revenus d'exportation et d'un ratio de 80% pour l'année 2003 pour l'importation des biens et services produits dans les pays d'outre mer. Ce résultat est imputable en partie au manque de dynamisme du secteur agricole. Constaté en effet, que ce secteur donne une contribue de 56% au début des années 80 contre 15% en 2003. En réalité, les exportations du pays ont baissé à la fois en volume et en valeur. Ceci pourra être expliqué par la baisse continuelle du revenu des ménages qui constitue un problème similaire à la montée du coût de la vie en Haïti. La baisse a été respectivement de 14%, 7.5% et de 10% au cours des trois dernières années.

Sachant le rôle des exportations dans la croissance économique d'un pays, sa grande dépendance par rapport à un seul partenaire commercial constitue un réel obstacle au développement du pays surtout lorsque les exportations ne sont pas composées de biens en terme de valeur ajoutée très élevée.

Cela allait entraîner une forte baisse de l'emploi dans le secteur, 17800 en 2004, ce qui place très loin des 33607 personnes employées en 1991. Cette crise est à la base de la fermeture d'importantes firmes du secteur manufacturier et de la chute des commandes adressées à l'assemblage dans le pays. La crise politique en Haïti en est aussi une deuxième cause.

Le faible rendement du commerce extérieur se présente par une valeur de plus de 60% des importations affiche entre 2001,2002 et 2003 correspond à un déficit global de 909,62 millions de dollars américains, soit 19% du PIB en 2003 contre 139,4 millions de dollars américains en 1983, soit 9% du PIB.

Encore une fois, grâce à la forte rentrée des transferts de la diaspora haïtienne qui a atteint environ 1 billion de dollars américains en 2003, le poids du déficit du compte des opérations courantes avant dons par rapport au PIB a pu être limité à environ 5%. Enfin, les données du Tableau III ci dessous donne la présomption de la faiblesse de la production nationale via l'incontrôlabilité du niveau du coût de la vie.

Tableau III

Evolution des Exportations et des Importations :1975/2005

(millions de gourdes constantes)

Périodes

(X)

(M)

Bc = X- M

PIB

X/PIB

M/PIB

X+M / PIB

1975/76

1046

1430

-384

4395

23.80

32.54

56.34

1976/77

1003

1600

-597

4558

22.01

35.10

57.11

1977/78

1172

1802

-630

4841

24.21

37.22

61.43

1978/79

1178

1701

-523

5207

22.62

32.67

55.29

1979/80

1435

2181

-746

5591

25.67

39.01

64.68

1980/81

1349

2211

-862

5432

24.83

40.70

65.54

1981/82

1547

1958

-411

5238

29.53

37.38

66.91

1982/83

1598

2041

-443

5285

30.24

38.62

68.86

1983/84

1617

2188

-571

5301

30.50

41.28

71.78

1984/85

1562

2222

-660

5333

29.29

41.67

70.95

1985/86

1259

1930

-671

5307

23.72

36.37

60.09

1986/87

1535

2220

-685

5265

29.15

42.17

71.32

1987/88

1496

2254

-758

5275

28.36

42.73

71.09

1988/89

1186

1531

-345

5334

22.23

28.70

50.94

1989/90

1343

1610

-267

5329

25.20

30.21

55.41

1990/91

1465

1605

-140

5342

27.42

30.04

57.47

1991/92

764

1301

-537

4638

16.47

28.05

44.52

1992/93

796

2087

-1291

4525

17.59

46.12

63.71

1993/94

670

1870

-1200

4150

16.14

45.06

61.20

1994/95

1011

3332

-2321

4334

23.33

76.88

100.21

1995/96

1385

3434

-2049

4451

31.12

77.15

108.27

1996/97

1465

3572

-2107

4511

32.48

79.18

111.66

1997/98

1785

4068

-2283

4652

38.37

87.45

125.82

1998/99

1880

4320

-2440

4755

39.54

90.85

130.39

1999/00

1918

4432

-2514

4808

39.89

92.18

132.07

2000/01

1876

4339

-2463

4757

39.44

91.21

130.65

2001/02

1836

4288

-2452

4744

38.70

90.39

129.09

2002/03

1967

4423

-2456

4761

41.31

92.90

134.22

2003/04

2158

4375

-2217

4593

46.98

95.25

142.24

2004/05

2230

4487

-2257

4675

47.70

95.98

143.68

Sources : AGD / BRH/ IHSI et Calculs de l'auteur

Informations utilisées dans le tableau ( X : Exportations, M : Importations, PIB : Produit Intérieur brut,

Bc =X-M : déficit commercial, [X+M/PIB]*100 : Taux de dépendance externe.

III.)Listing des principaux facteurs explicatifs du coût de la vie et de la production nationale

Dans un article intitulé «  Salaire minimum, épée à double tranchant » publié en date du 09/03/2008 sur le site : '' www.haitiimpact.com''18(*) Yves Osias constate que la hausse des prix des produits de première nécessité particulièrement en Europe et en Amérique a pesé très lourd sur l'économie haïtienne, en chute libre, depuis plusieurs années. La production nationale des denrées agricoles, principales sources de revenus des paysans à côté de l'élevage, a diminué considérablement pour des raisons purement techniques et structurelles. Cette situation provoque un malaise dans les familles haïtiennes qui font face à la cherté de la vie, l'augmentation du loyer et celle du prix du transport en commun. Ce phénomène intervient  généralement à la flambée de la gourde haïtienne face au dollar. Cependant, force est de reconnaître que depuis un certain temps, on constate une stabilité relative de la monnaie locale par rapport à la devise américaine. Alors, pourquoi le panier des ménagères ne contient pas de provisions alimentaires nécessaires  pour nourrir les gens ?

Il n'est un secret pour personne que la population haïtienne n'est pas en mesure d'assurer sa propre survie. Le pays est essentiellement agricole, mais la coupe à outrance des arbres, le manque des intrants agricoles, l'inexistence des banques de développements agricoles qui offrent des prêts aux planteurs à des taux d'intérêt peu élevés et la pénurie d'eau observée dans les saisons sèches qui permet l'arrosage des centaines d'hectares de terre disponibles, constituent les principaux problèmes auxquels font face les paysans. 

La production locale face à cette situation s'est considérablement dégradée. Nous avons eu recours au marché voisin qui nous fournissait de la viande des volailles, des oeufs, du macaroni et d'autres produits dérivés. Le virus H2N5 a fait des vagues en terre voisine et le peuple haïtien a payé les conséquences de ses dépendances économiques (se référer au Tableau III du chapitre II) en s'abstenant d'utiliser des produits en provenance de la république voisine.

Le gouvernement haïtien vient de proposer le nouveau barème du salaire des ouvriers passant de 70 gourdes à 150 gourdes, ce qui fait une augmentation de 114%. Les patrons ripostent contre cette décision en demandant au gouvernement des mesures d'accompagnement pour faire face à cette situation. Ils invitent les responsables de l'Etat à augmenter la production nationale pour permettre à la population de pouvoir vivre de ce qu'elle gagne. Si cette décision tient, la monnaie locale pourra perdre encore sa valeur par rapport au dollar et il y aura des pertes d'emploi, des tensions entre le patronat et le syndicat. 

A titre d'illustration prenons le cas d'une mère de famille qui travaille dans une usine. Elle paye 10 gourdes de transport le matin pour se rendre au travail et le même montant pour rentrer chez elle, ça lui fait 20 gourdes. Elle achète de la nourriture pour 50 gourdes. Les montants dépensés en transport et nourriture dépassent ce qu'elle gagne pendant la journée. Et les dépenses pour la nourriture de ses enfants ? Pour ses vêtements ? et éventuellement pour le loyer si elle vit sans mari ? De toute évidence, elle ne peut pas vivre avec cette pitance somme. Cependant comment y remédier ? 

La solution à ce problème n'est pas forcément une augmentation exponentielle du salaire minimum, même s'il faut avouer que celui-ci doit être revu à la hausse. Tant qu'on n'augmente pas la production nationale et tant qu'on ne fait pas la promotion de la culture des produits locaux : Igname, l'arbre à pin, banane, petit mil, maïs, mamba, cassave.... le pouvoir d'achat du commun des mortels restera un épineux problème qu'aucun gouvernement ne pourra résoudre. 

Si on s'obstine à maintenir un salaire minimum élevé en fonction de la cherté de la vie et du chômage qui sévit dans les foyers, on risque de plonger le pays dans une inflation aigue sans précédent. Les entreprises pourront fermer leurs portes et des pertes d'emplois considérables des ouvriers pourront résulter de cette décision. Cela peut amener le gouvernement à ne pas pouvoir répondre aux attributions mensuelles des employés publics. Le salaire minimum, s'il n'est pas bien calculé de façon concertée par tous les acteurs impliqués dans l'économie du pays,  peut être perçu comme une épée à double tranchant. On peut se retrouver avec une forte somme d'argent en poche, sans pouvoir s'offrir le strict minimum.

III.1) Besoins de consommation et inflation en Haïti

Les données fournies par les Enquêtes de Budget Consommation des Ménages (EBCM) révèlent certaines transformations survenues au niveau de la demande de biens et services des ménages haïtiens. L'examen de ces données montre que ces transformations peuvent être aussi à la base de la hausse des prix dans un contexte où l'offre de biens et services produits localement est rigide.

Un des résultats des EBCM est la détermination du contenu du panier de la ménagère en termes de biens achetés19(*). En effet, en 1971, la ménagère allouait 65.3% de son revenu à l'alimentation, 23% aux biens industriels. Les services comptaient pour 4% de la valeur de ce panier de biens et 15% du revenu allaient au logement. En 1980, 48% du revenu du ménage gagnant moins de 250 gourdes par mois allaient aux biens alimentaires, 36% aux biens manufacturés et 16% aux services. En 1988, comme le montre le Tableau IV, ci-dessous, le panier de la ménagère est rempli à hauteur de 49.4% par des biens alimentaires. Les services comptent pour 28.1% du revenu, et 8.5% de ce dernier vont aux biens manufacturés.

Tableau IV

EBCM 1987-1988 et 1999-2000

Répartition en % des dépenses de consommation des ménages haïtiens

EBCM 1987-1988 %

EBCM 1999-2000 %

Alimentation 47.8

Alimentation 76.2

Boissons et tabacs 3.3

Enseignement 0.2

Habillement 8.7

Habillement 1.1

Logement 4.3

Logement 9.8

Meubles et articles de ménage 9.2

Equipement 5.7

Soins médicaux 2.2

Santé 0.4

Transport et communication 7.6

Transport 2.3

Education et loisirs 5.3

Loisirs et culture 0.2

Services 9.8

Hôtels, bar, restaurant 5.3

Autres produits non classés ailleurs 1.8

Autres dépenses 2.4

Total 100.0

Total 100.0

Sources : IHSI, EBCM 1987-1988 et 1999-2000.

Les données20(*) du Tableau IV suggèrent que la demande est instable dans le temps. Les ménages, en tout cas, devenant de plus en plus pauvres, sont réduits à augmenter la part relative du revenu consacrée aux achats de biens alimentaires, c'est-à-dire à garantir le minimum physiologique. Pourtant, un simple constat montre que les ménages haïtiens achètent et ont accès à plus de services que par le passé. La progression de la scolarité atteste cette réalité. Par contre, les ménages déclarent avoir alloué 0.2% de leur revenu à l'éducation en 1999-2000. L'écart entre les données et ce constat nous pousse à analyser l'évolution de la structure du PIB, afin de démontrer qu'une recomposition du panier de la ménagère peut s'être produite en Haïti.

En fait, la structure du PIB par secteur tend à diverger par rapport à la composition du panier de la ménagère. Notons que le secteur agricole forme 33.4% du PIB en 1988. En revanche, cette même année, les ménages affirment avoir alloué 49.4% de leur revenu à l'alimentation. En 1988 les services représentaient moins de 30% des dépenses des ménages. Ces mêmes services qui comptent pour 20% des dépenses au niveau de l'EBCM de 1996, forment 46% du PIB en 1988 et 48% en 1996.

La divergence entre poids des services au niveau de la demande marchande (EBCM) et du PIB peut être due aux modalités de l'offre des services qui se réalise en grande partie au niveau des institutions, sous la forme de biens non marchands, évolution que les EBCM ne parviennent pas à saisir. Cet écart traduit une évolution de la société mal cernée par les statistiques officielles en terme d'offre et demande globales de biens et de services et également de réorganisation de l'économie nationale21(*).

III.2) Le Poids du budget de l'Etat et du niveau du coût de la vie

La seconde moitié de la décennie des années 80 allait être le contraire de la situation observée durant la période 1975-1979 caractérisée par une relative stabilité du déficit budgétaire. Les années 80 jusqu'à la première tranche des années 90 se caractérisent donc par une politique expansionniste du secteur public haïtien. On assiste en effet à la hausse effrénée des dépenses de l'Etat, alors que parallèlement les recettes se contractent d'un exercice à l'autre. Ce contexte difficile a ainsi amené la déstabilisation des institutions, gravement affecté la production et le commerce avant et après le départ du régime, entraîné la régression économique et amplifié le phénomène de la pauvreté qui n'atteint pas seulement les couches les plus vulnérables, mais s'est étendue également aux couches moyennes de la population. Le déficit budgétaire public devient si courant qu'on semble s'y habituer et n'avoir vraiment aucune volonté de l'enrayer .

Avec la chute de nos exportations et la réduction drastique de l'aide externe, au cours des trois premières phases de la crise, les recettes de l'Etat ont considérablement régressé. Cette régression s'est accentuée avec l'effritement causé par l'exaspération de la contrebande et de la corruption fiscale. A cela, il faut ajouter la situation chaotique des entreprises publiques auxquelles la Banque Nationale s'est vue obligée de prêter main forte en finançant leurs besoins de trésorerie. Et, le fait que l'Etat dépense ou vit même au dessus de ses moyens a davantage compliqué la situation déjà précaire.

III.3) Balance des paiements et taux de change

Selon les informations disponibles sur le site Internet de la BRH, avant les années 1980, Haïti avait rarement connu des problèmes de balance des paiements. Selon cette même source, le gouvernement avait une longue tradition de prudence en matière de politiques monétaires et budgétaires. Ce qui avait permis de garantir la parité fixe de la gourde par rapport au dollar américain établie par la convention du 12 Avril 1919 et de maintenir une stabilité relative des prix (Cf Tableau V de la page suivante, période allant de 1975 à 1978).

Or, à partir de la décennie des années 80, la position extérieure du pays s'est fortement détériorée. Le solde de la balance des paiements s'est traduit, non seulement, par une perte cumulée de 125.4 millions de dollars EU au niveau des réserves nettes que détenait la BRH, mais aussi, il ne suffisait plus à répondre à une demande croissante de devises. Enfin, le marché parallèle de devises se développant rapidement, le régime de parité fixe ne tarda pas à s'effondrer.

Les informations tirées du Tableau V, ci-dessous, montrent en effet, la relation positive existant entre la quantité de monnaie en circulation. Le taux de change et l'indice des prix à la consommation qui n'ont jamais cessé d'évoluer à un rythme croissant , ceux découlent de la véracité de la seconde hypothèse énoncée dans l'introduction du travail (Se référer à la page 10 deuxième paragraphe) .

Tableau V

Evolution de la quantité de monnaie en circulation, du taux de change et de l'indice des prix à la consommation (IPC).

Période : 1975/2005.

Années

Monnaie en

circulation

Taux de change (BRH)

IPC

1975

153.38

5

100

1976

186.63

5

100

1977

211.74

5

100

1978

272.63

5

100

1979

348.36

5

132.01

1980

368.66

5

147.96

1981

399.82

5

159.95

1982

475.73

5

174.31

1983

533.09

5

188.37

1984

581.94

5

204.06

1985

653.51

5

221.55

1986

751.9

5.65

196.87

1987

797.72

5.97

196.57

1988

959.38

6.38

210.93

1989

1070.14

7.49

246.78

1990

1164.52

8.71

295.5

1991

1266.39

9.16

327.98

1992

1497.1

10.17

398.67

1993

2237.7

12.39

628.29

1994

2604.5

15.32

623.44

1995

2930.36

15.04

652.56

1996

3132.09

16.94

736.27

1997

3361.98

16.84

830.02

1998

3513.57

16.97

889.79

1999

3889.08

28.33

1015.54

2000

4932.97

25.49

576.56

2001

5575.97

27.35

657.9

2002

6670.18

29.69

723

2003

8786.09

42.02

1424.53

2004

8970.49

40.17

2805.53

2005

9125.3

40.20

1125.7

Sources : www.brh.net / IHSI

Compte tenu du lien étroit existant à moyen terme entre l'offre de monnaie et l'évolution du niveau des prix, la Banque de la République d'Haïti (BRH) s'est évertuée à mener sa gestion de façon à donner à la monnaie locale une progression lui permettant d'assurer que ni les prix ni le taux de change ne subissent de pressions à la hausse22(*). Toutefois, ces objectifs ne sont pas toujours atteints. Pour des raisons conjoncturelles et politiques, la Banque de la République d'Haïti (BRH) n'a pas toujours été en mesure de réagir à temps face aux fluctuations extrêmes du cours de change ou à de forts mouvements de l'offre ou de la demande de liquidités. C'est notamment ce qui est arrivé durant la période comprise entre 1991 et 1994, temps de crises politique et économique graves. En effet, durant cette période, le taux de change de la monnaie nationale par rapport à la devise américaine s'est détérioré au point de franchir les fourchettes suivantes : 19.33 gourdes entre 1991/92 contre 27.71 gourdes 1993/94, pour 1 dollar EU.

Durant cette même période, le niveau du coût de la vie a augmenté dans les rangs de 726.65 et 1251.73 correspondant à une émission croissante de monnaie, soit des valeurs de 2763.49 MG et 5534.86 MG (Cf tableau V).

En effet, sur la première moitié des années 1990, époque marquée par une progression accélérée du déficit budgétaire, la BRH a augmenté l'offre de monnaie dans des proportions qui dépassaient les besoins réels de l'économie. De fait, la période a enregistré une forte croissance des moyens de paiement alors que depuis 1989 le PIB affichait une croissance négative.

Sur la seconde moitié des années 1990, la banque s'est attachée à adapter son financement du déficit du secteur public aux promesses d'aide des bailleurs de fonds internationaux. Au cours de cette période, le taux d'inflation est passé d'une moyenne de 7,9% entre 1975 et 1980 ; 8,3% entre 1980 et 1985; 7,1% entre 1985 et 1991 à 28,6% entre 1991 et 1994.

Au retour à l'ordre constitutionnel, à la fin de l'année 1994, la Banque Centrale s'est donnée plus de flexibilité dans la conduite de la politique monétaire. Elle accorde désormais une attention soutenue aux fluctuations du cours de change sans pour autant axer sa politique sur des objectifs rigides. Elle ne limite pas sa perspective au court terme et ne réagit pas à chaque fois qu'une fluctuation se produit dans le comportement des indicateurs économiques dont elle suit l'évolution (inflation et taux de change, notamment).

Les résultats de cette politique ont été concluants dans la mesure où le taux d'inflation est revenu en moyenne annuelle de 39,3% pour l'exercice 1994, à 27,6% en 1995, 20,6% en 1996, 16,2% en 1997 et 12,7% en 1998 et proche de 8% en 1999. De même, l'effort de stabilisation du taux de change s'est révélé positif, le prix de la gourde reste la plupart du temps en deçà de la barre de 17 gourdes pour 1 dollar EU.

Cependant, malgré une telle politique, le niveau du coût de la vie (IPC) et celui de la masse monétaire ne cessaient jamais d'augmenter pour tout le reste de la période considérée (1995/2005).

III.4) Conditions de vie des ménages

III.4.1) Dépendance alimentaire

Cette libéralisation des importations, mal inspirée et mal équilibrée, s'est accompagnée d'un déficit au niveau des échanges agricoles qui n'a pas cessé d'augmenter. Les importations alimentaires et les exportations agricoles ont évolué en sens inverse. En moins de vingt ans (1981-1999), ces importations ont plus que triplé pendant que les exportations continuent leur chute (plus de 30%). Ce qui conduit à des déséquilibres de la balance commerciale qui, après avoir connu une période de stabilisation entre 1996 et 1998 pour des déficits moyens de l'ordre de 300 millions de dollars, a subi une accélération particulière pour atteindre un déficit avoisinant les 600 millions de dollars en 1999. Le coefficient de dépendance alimentaire oscille ces jours-ci entre 35 et 40. La production rizicole a significativement décliné de plus de 110 000 tonnes en 1985. La production du riz a chuté de plus du quart en moins de vingt ans (environ 80 000 tonnes aujourd'hui). Les tarifs douaniers appliqués sur le riz importé sont les plus bas de la région. Ils ont été ramenés de 35% à 3% alors que le tarif extérieur commun de la caraïbe pour ce produit ne va pas en deçà des 20%. Ce qui facilite les importations provenant notamment des Etats-Unis au détriment de la production nationale et des producteurs nationaux qui ont été exclus des marchés locaux. Les importations du riz américain sont passées pratiquement de zéro avant la libéralisation des marchés à plus de 200 000 tonnes métriques. Ce qui classe Haïti dans les cinq premiers marchés d'exportation du riz américain après respectivement le Japon, le Mexique et le Canada. Parallèlement, le riz arrivant sous forme d'aide alimentaire a suivi la même tendance. De moins de mille tonnes métriques en 1984, le volume de dons alimentaires dépasse les trente milliers de tonnes métriques (34 000 TM en 2000). La part de cette forme d'importation serait, suivant les années, entre 10 et 15% du total du riz consommé. L'aide alimentaire, véritable arme de pénétration des marchés réticents, a pris une place importante dans la sécurité alimentaire en Haïti et s'est institutionnalisée depuis plus d'une quinzaine d'années.

La production agricole, en raison de sa stagnation, ne couvre qu'environ la moitié des besoins alimentaires aujourd'hui, un recul assez important quand on le compare au 70-75% du début des années 1970. Plus du tiers des besoins alimentaires sont couverts par les importations totales y compris les dons alimentaires. Cette dépendance est de plus en plus importante comme l'indique le Tableau VI.

De 25% en 1995, elle est de 37% en 2001. Toujours est-il que le pays semble devoir compter pour longtemps sur l'extérieur pour assurer ses besoins alimentaires et combler les déficits, ceci pour maintes raisons, telles la faible performance économique, la récurrence des catastrophes naturelles, le rythme d'accroissement de la population et de leur concentration dans la capitale et les villes urbaines secondaires. Cette concentration, particulièrement à Port-au-Prince (plus de 20% de la population) constitue un défi majeur en matière d'approvisionnement alimentaire. De là les difficultés à concilier la nécessité de satisfaire les besoins intérieurs (faciliter les importations) et le désir de promouvoir les exportations (augmenter la production).

Tableau VI

Couverture des besoins alimentaires

 

1995-96

2000-01

Balance alimentaire

TEC

%

TEC

%

Besoins

1 710 000

100%

1 830 000

100%

Offre Nationale Nette (Production -

Exportations)

980 000

57%

1 000 000

55%

Importations Commerciales Nettes

300 000

18%

525 000

29%

Aide alimentaire

140 000

8%

140 615

8%

Déficit alimentaire

290 000

17%

164 385

8%

Source : CNSA, 2002 TEC : Tonnes-Equivalent Céréales

III.4.2) Insécurité alimentaire

Haïti affiche l'un des Indices Globaux de Sécurité Alimentaire (IGSAM) le plus faible du monde (28,60 en 1993). Les récentes estimations de la CNSA indiquent que près de la moitié de la population serait en situation d'insécurité alimentaire. Ainsi, il n'y a pas eu de retournement des niveaux de vie de la population. L'économie nationale est remodelée et la production pour le marché intérieur est détruite. Les revenus ont significativement reculé et les prix des produits de premières nécessités ont renchéri. Les populations à faibles revenus sont les premières victimes de cette hausse des prix. En dépit d'éventuelle amélioration de l'offre alimentaire globale, l'accès à ces disponibilités demeure dans une certaine mesure très problématique, aussi bien pour les catégories vivant en milieu rural que urbain. L'agriculteur se verrait dans l'obligation de tourner vers la caféiculture, la floriculture et les produits maraîchers, parallèlement, le consommateur se procurera d'aliments à de meilleurs prix.

Tableau VII

Evolution comparative de la productivité agricole par région

Valeur ajoutée agricole par travailleur agricole en dollar de 1995

Pays

1988-1990

1998-2000

Haïti

430

334

Honduras

855

979

Bolivie

956

1039

Jamaïque

1027

1559

Nicaragua

1251

1813

République Dominicaine

2010

2769

Source : Banque mondiale (BM), Rapport du développement dans le monde 2003.

III.4.3) Appauvrissement de la population

Reprenant un document de la Banque mondiale daté de 1985, ``Haïti :Comment stimuler la croissance'', Dewind et Kinley ont noté que l'Etat haïtien sur demande de cette institution a été contraint de réduire considérablement les services sociaux déjà précaires dans le but de consacrer le maximum de ressources au profit d'un développement économique axé sur l'exportation : « On devrait soutenir énergiquement des projets privés ayant des taux de rentabilité économique élevés en mettant relativement moins l'accent sur les dépenses publiques consacrées aux secteurs sociaux. Les dépenses publiques de développement devraient se concentrer sur une aide à l'expression de la production dans les domaines et les secteurs les plus prometteurs. Dans l'immédiat, il convient d'accorder moins d'importance aux objectifs sociaux qui causent une augmentation de la consommation, étant donné qu'il est urgent de libérer une part importante de l'accroissement du PIB pour l'exportation ». Les résultats n'ont pas tardé : « Les mesures de libéralisation ont amplifié les inégalités de revenus entre les secteurs urbain et rural en pénalisant beaucoup plus directement les détenteurs des revenus agricoles. La qualité de vie et les services sociaux ne se sont pas améliorés. » « Le programme d'ajustement structurel imposé à Haïti constitue un remède douloureux et n'a pas apporté les résultats escomptés. La pauvreté et les différents maux sociaux (chômage, malnutrition chronique, équipements insuffisants, analphabétisme et absence de soin de santé, etc.) continuent de toucher [la grande majorité] des haïtiens »65 et cette pauvreté ne fait pas exception ni de milieu ni de catégories socioéconomiques. Au phénomène de ''Boat People'' s'est joint celui du Plane People pour les classes moyennes.

III.5) Evolution de la quantité de monnaie en circulation et de la hausse des prix

Les économistes de l'école monétariste expliquent la hausse des prix observée au niveau de l'économie par les excédants de la masse monétaire qui ne sont pas utilisés à des fins de production. Cette théorie est illustrée notamment par l'équation MV=PQ de Fisher. La hausse des prix étant expliquée par les principales composantes de l'Offre et de la Demande Globales23(*), cet excédant monétaire est susceptible de contribuer à stimuler la consommation des ménages créant ainsi des pressions inflationnistes au niveau l'économie.

Ainsi, l'impulsion des prix peut passer par le biais de la monnaie. Toutefois, pour parodier l'économiste Fréderic-Gérald Chéry, il ne s'agit pas toujours d'une augmentation de la masse monétaire en tant que telle qui influe sur la hausse des prix. De nouvelles pratiques monétaires peuvent progressivement se mettre en place dans l'économie. Ainsi, les ménages haïtiens expriment des demandes de biens et services qui vont avec de nouvelles possibilités de circulation de la monnaie. Ils notifient le choix de nouveau « patron » de consommation, non saisi au niveau du panier de la ménagère, en exigeant plus de valeur monétaire pour les biens qu'ils ont produits en cédant de la monnaie pour avoir d'autres biens et services24(*).

En réalité, le ménage haïtien est soumis à de nouvelles contraintes (sociales) de consommation. Par exemple, tout petit détaillant de rues affirme qu'il vend cher afin de pouvoir faire face aux besoins en éducation de ses enfants, en soins médicaux et autres. Le producteur recherche une réévaluation du prix des ses produits afin de satisfaire de nouveaux besoins sociaux mal cernés en Haïti. Il est observé également un phénomène implicite d'indexation du prix d'un bien, en fonction du niveau de consommation visé par le producteur ou le commerçant.

D'où, le phénomène de la fixation arbitraire des prix sur le marché haïtien. Ce phénomène a été largement débattu par l'Economiste Fritz DESHOMMES, dans son livre « Vie Chère et Politique Economique en Haïti », pour qui les circuits de commercialisation ne sont pas aussi clairs, aussi limpides et transparents que le suppose la théorie de la libre concurrence. A la faveur des situations de monopole et l'absence de l'Etat les prix sont donc fixés unilatéralement par un petit groupe de vendeurs sur le marché Haïtien.

Ainsi, dans une situation de stagnation de la production nationale, les demandeurs doivent se concurrencer pour acheter les biens produits localement en quantités réduites ou se reporter sur les marchés étrangers pour utiliser leur pouvoir d'achat. Les chiffres disponibles montrent que la production agricole et l'offre locale de biens manufacturés diminuent depuis 1986. En 2002, ces deux secteurs ont vu leurs productions chuter de 15% et de 36% par rapport à leur niveau de 198025(*).

Il est évident qu'il existe une plus grande volonté de consommer et également un accès aux biens et services plus ouverts à tous. Les transferts d'haïtiens expatriés et l'aide externe permettent de financer l'accès à la consommation ; ils alimentent l'économie nationale en devises converties locale. Ainsi, la quantité de monnaie en circulation augmente et parallèlement la demande croît.

La production nationale étant déficiente, les importations compensent l'offre locale de biens. Elles comptaient pour moins de 23.7% de la demande globale en 1987. Elles en représentent 53.2% en 200226(*). Ainsi par le biais des importations et du financement de ces activités se dessinent d'autres mécanismes de formation et de hausse des prix.

Le chapitre IV de ce travail s'applique alors, à l'aide du modèle économétrique élaboré dans le cas d'Haïti, à quantifier l'évolution du coût de la vie au regard des principaux déterminants d e la production nationale.

IV.) Illustration du modèle économétrique

* 1 A l'opposé du problème de la montée du coût de la vie, les économistes ont identifié un autre phénomène identifié sous le nom de la « déflation » qui, elle-même, est caractérisée par une baisse généralisée des prix.

* 2 Microsoft ® Encarta ® 2006. (c) 1993-2005 Microsoft Corporation.

* 3 Fritz DESHOMMES, Vie Chère et Politique Economique en Haïti, Port-au-Prince, 1992.

* 4 Frédéric-Gérald Chéry, Bulletin économique de l'Association Haïtienne des Economistes (AHE), décembre 2003, vol. 1, p.12.

* 5 Des extraits de l'introduction et de la conclusion de l'ouvrage « Vie chère et Politique Economique en Haïti » de M. DESHOMMES ont été publiés dans le bulletin de l'Association Haïtienne des Economistes (AHE) paru en décembre 2003. Cette oeuvre a été présentée comme l'unique ouvrage traitant spécifiquement du coût de la vie en Haïti.

* 6 Frédéric-Gérald Chéry, Bulletin économique de l'Association Haïtienne des Economistes (AHE), décembre 2003, vol. 1, p.12.

* 7 A quelques exceptions notables près, en particulier A. Marshall et surtout J.M.Clark dans sa théorie des fluctuations.

* 8 Qu'il connaît d'ailleurs parfaitement; car celles-ci se trouvent dans les oeuvres antérieures d'Irving Fisher : The Theory of Interest, Macmillan, New York, 1930 ; et aussi F.P.RAMSEY : « A Mathematical Theory of Saving », Economic Journal, décembre 1928, pp.543-559.

* 910 Dans l'analyse marshallienne qui est le cadre temporal traditionnel de l'équilibre macroéconomique, le court terme se définit comme la période durant laquelle le stock de capital reste constant .dans la théorie des prix qui s'applique à la fonction de consommation, la longueur de la période dépend de la durée prise en compte dans la décision. Par exemple, la demande à court terme représente les quantités demandées ex ante lorsque la décision porte sur courte période. A long terme, ce sont les quantités demandées pour être consommées sur une longue période. Donc la demande est toujours plus élastique à long terme qu'à court terme car il y a alors plus de substituts.

* 11 Au niveau microéconomique, les courbes d'offre ou de demande sont les relations de ce type.

* 12 Voir M.J. FARREL:»The New Theories of the Consumption Function», Economic Journal, December 1959.

* 13 M.FRIEDMAN: A Theory of the Consumption Function, op. cit. Chapter I, II et III.

* 14 J. HIRSCHLEIFER : »On the Theory of Optimal Investment Decision», Journal of Political Economy, Aout 1958.

* 15 R. MUSGRAVE : The Theory of Public Finance, McGraw-Hill, New York, 1959; voir aussi S.C.KOLM: L'Etat et le système des prix, Dunod, Paris 1971, Chapitres VI à IX, pp.169-230 ; et X.GREFFE : Economie publique, Economica, Paris I 1975.

* 16 Harry Salomon, article publié dans le Bulletin de l'Association Haïtienne des Economistes (AHE), décembre 2003, volume I, No. 5, p. 6.

* 17 Politique macroéconomique et Pauvreté en Haïti (1981-2003) : MPCE, PNUD- Haïti. paragraphe 2 et 3, page 39.

* 18 M. Yves Osias, Directeur Adjoint au Ministère de l'Economie et des Finances (MEF).

* 19 Frédéric Gérald Chéry, Bulletin de l'Association Haïtienne des Economistes (AHE), déc. 03, vol. 1, No.1, p. 13.

* 20 Les choix de l'échantillon de biens et services, la strate sociale et la terminologie retenue pour constituer le panier de la ménagère et calculer les prix à la consommation ainsi que les résultats obtenus par l'IHSI sont loin d'être identiques et homogènes d'une enquête à l'autre. Jusqu'en 1980, 34 produits servaient à déterminer l'indice des prix. Ce panier de la ménagère était alors établi à partir d'une enquête menée en 1948. Celui de 1980-1987 comprenait 77 produits. Les paniers de la ménagère retenus en 1988 et 1996 prennent en compte tous les biens qui ont un certain poids dans les dépenses totales des ménages. Mais, les poids des groupes de produits divergent fortement d'une enquête à l'autre. La part des biens alimentaires et des boissons dans les dépenses des ménages est passée de 51.1% en 1988 à 76.2% à 1996. (Cf Bulletin, AHE, déc. 03, vol. 1, p.13).

* 21 Frédéric-Gérald Chéry, Bulletin de l'Association Haïtienne des Economistes (AHE), déc. 03, vol. 1, No.1, p. 14.

* 22 Se référer au site Internet de la BRH : http//www.brh.net

* 23 Microsoft ® Encarta ® 2006. (c) 1993-2005 Microsoft Corporation.

* 24 Frédéric-Gérald Chéry, Bulletin de l'Association Haïtienne des Economistes (AHE), déc. 03, vol. 1, No.1, p. 14.

* 25 Frédéric-Gérald Chéry, Bulletin de l'Association Haïtienne des Economistes (AHE), déc. 03, vol. 1, No.1, p. 15.

* 26 Institut Haïtien de Statistiques et d'Informatique (IHSI).

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