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Evolution des politiques environnementales françaises sur quarante ans

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par Valérie Lacroix
Université Libre de Bruxelles - Institut de Gestion de l'Environnement et d'Aménagement du Territoire - Master en Sciences et Gestion de l'Environnement 2008
  
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Université Libre de Bruxelles

Institut de Gestion de l'Environnement et d'Aménagement du Territoire

Faculté des Sciences

Master en Sciences et Gestion de l'Environnement

Evolution des politiques environnementales françaises sur quarante ans

Mémoire de Fin d'Etudes (version corrigée) présenté par

LACROIX Valérie

en vue de l'obtention du grade académique de

Master en Sciences et Gestion de l'Environnement

Année Académique : 2007-2008

Directeur : Prof. ZACCAÏ Edwin

Résumé

Dans l'optique de dégager les grandes tendances de la politique française de l'environnement sur quarante ans, une multitude de variables environnementales, politiques et économiques sont mises en équation. Une vision internationale de ces variables permet de faire ressortir les particularités françaises. Deux études de cas, traitées selon des méthodes différentes, servent de supports aux résultats : l'air et l'eau.

L'analyse des phases d'impulsion institutionnelle en France démontre que la politique environnementale est propulsée de façon cyclique par une combinaison de contextes spécifiques et globaux. Reflet immédiat de l'institutionnalisation de l'environnement, le ministère de l'environnement étale un parcours instable, caractérisé par la faiblesse des moyens.

L'intégration des problématiques environnementales par l'édifice institutionnel s'opère dans le cadre d'une évolution globale de la perception, du développement des secteurs économiques impactant l'environnement, et des réponses technologiques à disposition. L'étude du cas de l'air illustre parfaitement ces dynamiques. Les politiques de lutte contre la pollution atmosphérique se sont ainsi focalisées contre différentes générations de polluants (SO2, NOx, CO2, ...) en fonction de la perception des problématiques (des pluies acides au changement climatique), des pressions (des sources fixes de l'industrie et de l'énergie aux sources mobiles des transports), ainsi que des technologies disponibles (désulfuration, pot catalytique, voitures à moindre consommation de carburant, ...). Tandis que les politiques de l'air axées sur les secteurs de la production (industrie et énergie pour les émissions de SO2) ont obtenu un énorme succès - quoique relatif si l'on considère le rôle des politiques non-environnementales, ainsi que les seuils de tolérance du milieu (toujours dépassés) - la croissance de la consommation a pour l'instant largement contrecarré les réductions des émissions de NOx et de CO2 du secteur des transports.

Egalement en évolution, les instruments politiques agissent à l'image de la représentation du rôle de l'Etat, tout en structurant les rapports de force entre acteurs périphériques. Un flux d'échanges continu avec les acteurs extérieurs, en particulier l'Europe, nourrit les politiques réciproques. Au regard des évaluations des politiques environnementales françaises, les positions actuelles ne semblent que partiellement en phase avec les défis du développement durable.

L'étude thématique révèle que si la politique environnementale émerge notamment à partir de l'enjeu que représente l'eau, la politique de l'eau change d'orientation et de niveau en intégrant l'environnement et ses contextes d'institutionnalisation. Dans le cadre de mutations de l'eau globalement semblables à celles décelées pour l'environnement, l'implantation du secteur privé dans la gestion technique de la ressource en France introduit un rapport précoce d'intégration avec l'économie. La tension qui ressort d'une gestion publique centrale et d'une gestion privée puissante construit une perception anthropocentrique de l'eau et installe un troisième protagoniste, l'Agence de l'eau, qui intègre et transcende le rapport de force. Une analyse Pressions - Etat - Réponses de l'évolution de la problématique sur quarante ans fait ressortir plusieurs grandes tendances : un renversement de la responsabilité imputée aux secteurs impactant la ressource (de l'industrie et des collectivités locales à l'agriculture), en parallèle à un renversement des milieux pollués (des grandes rivières aux petits cours d'eau) et des types de pollutions (des matières toxiques aux nitrates, par exemple). Une évaluation de la réponse publique dévoile des paradoxes et des effets pervers, eux-mêmes révélateurs d'une politique environnementale essentiellement curative et fondée sur le consensus.

Table des matières

Introduction..........................................................................................................1

Méthodologie générale..............................................................................................3

1. Terminologie.................................................................................................3

2. Documentation..............................................................................................4

3. Schémas d'analyse..........................................................................................4

4. Difficultés rencontrées.....................................................................................5

I Institutionnalisation de l'environnement.............................................................7

1. Les grandes phases d'impulsion institutionnelle.......................................................7

1.1. La phase de fondation.................................................................................... .8

1.2. La phase de consolidation..................................................................................8

1.3. La phase d'ouverture........................................................................................9

2. Contextes d'émergence des phases d'impulsion institutionnelle....................................10

2.1. Le contexte socio-économique..........................................................................12

2.2. Le contexte des militants.................................................................................12

2.3. Le contexte médiatique...................................................................................15

2.4. Le contexte de l'opinion publique......................................................................17

2.4.1. Influence des crises écologiques sur les priorités environnementales..............................18

2.4.2. Importance accordée à l'environnement dans la société..............................................18

2.4.3. Emergence de la sensibilité environnementale au tournant des années 70........................19

2.5. Le contexte mondial.......................................................................................20

2.6. Le contexte étatique.......................................................................................21

2.7. Dynamiques contextuelles et voies de canalisation...................................................22

3. Evolution des compétences du ministère de l'Environnement......................................23

3.1 Les prémices institutionnelles...........................................................................23

3.2. D'une administration de mission à une administration de gestion.................................24

3.3. Découpages ministériels et instabilité..................................................................25

3.4. Evolution du budget.......................................................................................26

3.5. Evolution des ressources humaines.....................................................................27

II Evolution des problématiques environnementales................................................29

1. Mutations de la perception des problématiques.......................................................29

1.1. Les enjeux..................................................................................................31

1.1.1. Institutionnalisation des enjeux..........................................................................31

1.1.2. Thématiques en mutation.................................................................................32

1.1.2.1. Croissance démographique : une thématique en décroissance......................................32

1.1.2.2. Changement climatique et nucléaire : des thématiques en valorisation...........................32

1.1.3. La mondialisation des enjeux............................................................................35

1.2. Les valeurs.................................................................................................36

1.3. Les pressions...............................................................................................37

1.4. Les réponses................................................................................................38

2. Evolution des sources d'impact et des politiques.....................................................40

2.1. Croissance économique et environnement : considérations générales.............................40

2.2. Production et consommation.............................................................................41

2.3. Applications sectorielles.................................................................................42

2.3.1. Energie......................................................................................................42

2.3.2. Agriculture.................................................................................................44

2.3.3. Déchets......................................................................................................45

2.3.4. Tourisme...................................................................................................45

2.3.5. Transport...................................................................................................46

3. Incidence du progrès technologique....................................................................50

3.1. Forces motrices.............................................................................................50

3.2. Application à la lutte contre la pollution atmosphérique.............................................51

III Evolution des instruments de gestion de l'environnement........................................54

1. Des instruments de contrainte aux instruments de conciliation.....................................54

1.1. Questions de typologie....................................................................................54

1.2. Evolution des instruments en France...................................................................55

1.3. Le cas de la lutte contre la pollution atmosphérique..................................................55

2. De l'Etat dirigiste à l'Etat coordonnateur..............................................................56

3. Influence de la réglementation internationale et européenne.......................................57

3.1. Influence de l'Europe sur la politique française de l'environnement..............................58

3.2. Influences croisées........................................................................................59

4. Evaluations et défis.......................................................................................60

4.1 Evaluations de la politique environnementale française.............................................60

4.2. Les défis globaux..........................................................................................62

IV Etude thématique : l'eau................................................................................63

1. Contextes d'institutionnalisation..................................................................... ..63

1.1. L'eau construit l'environnement........................................................................63

1.2. L'environnement reconstruit l'eau......................................................................64

1.3. Principales étapes de l'institutionnalisation de l'eau.................................................65

2. Mutations de la problématique de l'eau................................................................65

2.1. Primauté de l'enjeu géographique.......................................................................65

2.2. Rapports entre eau et économie.........................................................................66

2.3. Fondements de la perception de l'eau..................................................................66

3. Application du modèle PER à l'évolution de la problématique de l'eau...........................67

3.1. Pressions....................................................................................................67

3.2. Etat..........................................................................................................69

3.3. Réponses...................................................................................................70

4. Evaluation des politiques de l'eau......................................................................72

4.1. La politique de l'eau......................................................................................72

4.2. Les politiques de l'eau....................................................................................74

4.3. Politique curative versus mesures préventives........................................................75

4.4. Evaluation de l'efficacité des politiques de l'eau.....................................................76

Conclusion..........................................................................................................78

Bibliographie

Annexes

Schémas, tableaux et graphiques (hors annexes)

Schéma 1 : Politique, problématiques et politiques.........................................................3

Tableau 1 : Facteurs contextuels liés à l'émergence de phases d'impulsion de la politique française de l'environnement..............................................................................11

Tableau 2 : Mutations de la perception des problématiques environnementales......................30

Graphique 1 : Evolution de la sensibilité environnementale en France....................................19

Graphique 2 : Evolution du budget du ministère de l'Environnement....................................27

Graphique 3 : Evolution de la production d'électricité, France.............................................34

Graphique 4 : Evolution du PIB.................................................................................40

Graphique 5 : Evolution des consommations finales énergétiques par secteur énergétique (corrigées du climat).........................................................................................43

Graphique 6 : Evolution de la consommation de produits pétroliers relatifs au secteur des transports (hormis GPL)....................................................................................47

Graphique 7 : Evolution de la longueur du réseau d'autoroutes...........................................49

Graphique 8 : Evolution des rejets industriels dans l'eau...................................................68

Graphique 9 : Evolution de la population française desservie par une station de traitement des eaux usées...............................................................................................68

Graphique 10 : Les concentrations en nitrates en aval des bassins versants agricoles......................70

Graphique 11 : Aides publiques agricoles......................................................................71

Introduction

Lorsque l'idée de nous pencher sur les politiques environnementales françaises a émergé dans notre esprit, les candidats à la présidence de la France faisaient une cour assidue à un animateur de télévision, qui constatait haut et fort ce que scientifiques et experts s'évertuaient à faire entendre depuis des décennies. A savoir que les politiques françaises n'ont été et ne sont toujours pas à la mesure de l'urgence et des enjeux environnementaux. Promesses obtenues, l'animateur de télévision a délaissé - pour le moment - le devant de la scène politique pour accompagner les ONG sur la place publique. Le temps d'une consécration, les vedettes sont apparues, les media se sont installés à leurs places assignées, et les Français ont applaudi : super-Grenelle est arrivé !

La mémoire historique semble bien courte. En effet, cette impulsion politique n'est pas sans rappeler, pour les érudits, un Plan national pour l'environnement du début des années 90, qui avançait un changement « d'échelle et de méthode » (Chabason et Theys 1990 : 10). Ce genre d'action relève-t-il davantage du symbole, avec comme principal effet positif de sensibiliser les citoyens, ou projette-t-il concrètement les espoirs d'une époque ?

Quant au MEEDDAT1(*), ce géant technocrate à la main verte, inventé de toute pièce pour transcender la faiblesse historique du ministère de l'Environnement (ME)2(*), est-il vraiment apte à animer une révolution écologique ? Il nous faut pourtant résister à la tentation de se projeter dans le futur, car c'est bien plus dans le passé que les réponses se profilent.

En tant qu'observateurs extérieurs, nous nous devons d'applaudir avec les Français ! En effet, ce remous environnemental nous permet d'ajouter un niveau à notre rétrospective des politiques, des institutions, des problématiques, de la perception, des sources d'impact, de la technologie et des instruments de gestion que nous nous proposons d'étudier.

Quelles sont les grandes tendances sur quarante ans ? Comment s'articulent-elles ? Quelles sont les dynamiques d'influence ? Quelles sont les améliorations et quels sont les échecs ? Comment se mettent en place les leviers d'action ou les blocages ? Quelle est la position particulière de la France dans le contexte européen ? Enfin, nous autorisant à épier dans le futur - tout en gardant les pieds bien ancrés dans le présent - quels sont les défis à relever ? Au travers de photos instantanées de la situation au tournant des années 70 et aujourd'hui, et au travers d'évolutions plus complètes lorsque les données compilées existent, nous tenterons d'esquisser des réponses à ces questions.

Notre recherche sera guidée par trois hypothèses, qui relèvent simultanément de trois perspectives : la dynamique socio-économique, la dimension temporelle et la question de l'efficacité des politiques.

1) Notre première hypothèse stipule que la réussite ou l'échec d'une politique environnementale s'installe selon une dynamique spécifique, résultant de la place des acteurs/secteurs dans un contexte socio-économique particulier. Les rapports de force entre acteurs produisent ainsi des blocages qui ralentissent le processus d'intégration politique des préoccupations environnementales - ceci dans un engrenage global de croissance qui tend déjà vers la direction opposée.

2) Notre deuxième hypothèse propose la notion de « seuil d'intervention optimal », qui devrait idéalement être établi en fonction de la capacité d'absorption et du seuil de tolérance du milieu (santé humaine incluse). Or, nous pressentons que la gestion intégrée des problématiques s'opère généralement à posteriori de ces seuils.

Notons que ces notions sont déjà implicites en 1973, dans une note sur la prospective de l'eau : « Le problème essentiel consiste à prendre des mesures avant qu'une partie trop importante des cours d'eau et des lacs n'ait atteint un stade de dégradation irréversible. » (GIEE 1973 : 229)

3) Notre troisième hypothèse soutient que les améliorations suscitées par les politiques (mais, plus précisément, quelles politiques ?) sont globalement compensées, voir dépassées, par la poursuite du modèle business as usual.

La vérification de nos hypothèses se concrétisera notamment au travers de questions relevées dans un chapitre dédié à l'analyse des interventions des pouvoirs publics du rapport GEO3 (PNUE 2002) :

· Les problèmes environnementaux ont-ils été définis ?

· Des objectifs chiffrés ont-ils été formulés ?

· Les intentions exprimées ont-elles eu une suite ?

· Cette suite a-t-elle eu des effets positifs sur l'environnement ?

· Ces effets sont-ils suffisants ?

Les deux dernières questions semblent particulièrement difficiles à trancher : « il n'existe pas de mécanisme, de méthode ou de critère qui permette véritablement de déterminer quelle politique contribue à quel changement de l'état de l'environnement. Il est généralement impossible d'assigner tel impact particulier à telle mesure ou politique précise ; les liens entre les actions humaines et les résultats environnementaux sont encore mal élucidés. » (PNUE 2002 : 198)

Nous tenterons donc différentes approches méthodologiques, introduites dans nos schémas d'analyse, afin de parvenir à une image globale de l'évolution des problématiques et des politiques environnementales françaises sur quarante ans, plus particulièrement celles de l'air et de l'eau.

Méthodologie générale

Nous traitons ci-dessous d'aspects terminologiques, du choix de la documentation et du schéma d'analyse global. Nous poursuivons par une réflexion sur les effets pervers de la méthode de comparaison des indicateurs au PIB, et terminons par la définition des difficultés rencontrées en cours de route.

1. Terminologie

Il convient de préciser ce que l'on entend par le terme politique(s). Lascoumes (1994 : 10) souligne que les anglo-saxons disposent de deux mots là où nous n'en avons qu'un seul. La traduction la plus proche en français serait d'user du singulier et du pluriel pour différencier la politique (politics), des politiques (policies) qui en découlent. Ainsi, le rapprochement sémantique entre les deux formules, en anglais comme en français, est la résultante de leur lien intrinsèque. En d'autres termes, la politique est l'action des décideurs, tandis que les politiques sont la concrétisation des décisions de ces mêmes décideurs. C'est au niveau des moyens que les formules se distinguent, et que la sémantique française devient incommode. En effet, la politique repose sur une structure institutionnelle, tandis que les politiques deviennent opérationnelles au travers des instruments de gestion. Si on ajoute à l'équation la dimension centrale des problématiques, ou matière à traiter par les décideurs, on obtient la dynamique suivante :

Schéma 1 : Politique, problématiques et politiques

Politique (politics) ? Décideurs ? (moyens) = Institutions

? ? ?

PROBLEMATIQUES

? ? ?

Politiques (policies) ? Décisions ? (moyens) = Instruments

Nous inscrivons cette dynamique interactive dans la structure de notre recherche :

1) Institutions :

Les politiques étant les produits d'une institution, en connaître l'organisation et l'évolution permet d'éclairer la définition des objectifs, le choix des instruments, et le succès de la mise en oeuvre.

« La structure institutionnelle peut être aussi importante que l'élaboration de la politique elle-même ». (AEE 2005 : 22)

2) Problématiques :

Les problématiques sont liées à leur perception, à l'intensité avec laquelle les secteurs économiques impactent l'environnement, et aux solutions disponibles pour réduire cet impact. Au travers de ces trois points, les problématiques déterminent les politiques.

3) Instruments :

La complexification des problématiques exige une complexification des instruments qui, à leur tour, altèrent les deux premiers niveaux.

Comme nous l'avons mentionné plus tôt, chaque niveau correspond à une approche méthodologique qui offre une vision particulière du problème.

2. Documentation

Nous présentons ci-dessous les composantes prépondérantes et structurantes de notre bibliographie, et préciserons certains titres au fil des chapitres :

· des évaluations d'experts sur les politiques environnementales françaises, notamment de Lascoumes, Theys, Chabason et Larrue, ainsi que des revues spécialisées, publiées entre le début des années 90 et 2007 ;

· des analyses d'experts sur le thème de l'eau, notamment de Bernard Barraqué, référence en la matière, et de rapports d'information provenant du Sénat ;

· des rapports sur l'état de l'environnement en France provenant du ministère de l'Environnement (ME 1976 (le premier en date), 1989, 1990, 1991) puis de l'Institut français de l'environnement (Ifen 1996-97, 1999 et 2006), ainsi que deux des examens environnementaux de la France par l'OCDE (1997 et 2005) ;

· des rapports sur l'état de l'environnement mondial ou régional par l'Agence européenne de l'environnement (AEE 2005), l'OCDE (1997) et le PNUE (2002 et 2007).

Les rapports internationaux nous serviront d'entrée en matière et fourniront un cadre général des changements sur quarante ans. Les rapports sur l'état de l'environnement en France nous pourvoiront de données brutes, ainsi que, pour certains (Ifen 1996-97 et 2006 ; OCDE 1997 et 2005), d'évaluations de politiques. Les analyses d'experts nous ouvriront plus particulièrement la porte vers une approche critique des politiques.

Il est intéressant de noter que depuis la naissance des rapports sur l'état de l'environnement au tournant des années 70, leur contenu a évolué en parallèle à la perception de l'environnement (voir infra). Ainsi, « On a mis d'abord l'accent sur l'état de l'environnement biophysique - les terres, les eaux douces, les forêts, la flore et la faune sauvages (...) ; on prend désormais en compte les interactions complexes entre l'homme et la nature. » (PNUE 2002)

3. Schémas d'analyse

Nous avons choisi l'étude rétrospective sur le moyen terme car elle offre une perspective plus large des problématiques et des politiques environnementales que l'étude récente, ainsi qu'un regard sur l'évolution de la société en général.

Nous axerons notre recherche selon trois formules différentes : l'approche institutionnelle, l'approche par les problématiques et l'approche par les instruments. Chacune d'entre-elles fournira un cadre d'analyse propre qui révèlera des changements particuliers sur la période étudiée. Nous préciserons leur particularité et leur intérêt au moment opportun.

Au travers de ces analyses, nous tenterons de parcourir de nombreuses disciplines liées à l'environnement, telles que l'économie, la communication ou l'histoire, ainsi que de nombreux secteurs, tels que l'agriculture, l'énergie, le tourisme ou les transports, et enfin de nombreuses thématiques, telles que les déchets ou la santé. Cependant, nous porterons plus particulièrement notre attention sur les thèmes de l'air et de l'eau, ceci selon deux méthodes complémentaires :

· en filigrane pour le cas de la pollution atmosphérique ;

· au travers d'un chapitre particulier pour le cas de l'eau.

L'eau tient une place pionnière et singulière dans l'histoire de l'institutionnalisation et des politiques environnementales françaises. L'eau représente également un secteur dynamique et porteur d'enjeux économiques et sociaux.

D'un point de vue plus pratique, les thématiques de l'eau et de l'air sont intéressantes car il existe de nombreux indicateurs s'y référant sur le moyen terme.

A ce sujet, nous proposons une réflexion sur les indicateurs de découplage d'environnement (IDE), outils qui mesurent le niveau de découplage entre les pressions environnementales et la croissance économique (OCDE 2004 : 35). (voir annexe n° 2)

Au cours de nos recherches, nous avons constaté une croissance de l'usage des IDE dans les rapports français3(*). Cet outil a été développé par l'OCDE à une époque charnière où l'ambition d'intégrer économie et environnement s'exprime au plus haut niveau politique4(*). Le rapport Indicateurs d'environnement : une étude pilote (OCDE 1991) constitue une référence en la matière. Or, tout comme il est justifiable, et de plus en plus pratiqué5(*), de remettre en cause les indicateurs économiques traditionnels - dont le PIB constitue le principal paramètre - il nous semble qu'il y a lieu de peser l'efficacité (en terme de perception du changement) ainsi que les effets pervers des IDE.

Au niveau de l'efficacité, si le rapprochement est intéressant pour mesurer le maintien d'un problème ou son aggravation en cas de couplage, il mène souvent à des conclusions erronées en cas de découplage. Par exemple, malgré un découplage prononcé entre les émissions de SO2 et le PIB, l'industrie maintient une place prépondérante par rapport aux autres secteurs émetteurs. De plus, les immissions sont toujours considérées comme trop importantes pour garantir le bon état écologique des écosystèmes. (AEE 2005)

Au niveau des effets pervers, si la comparaison d'indicateurs environnementaux au PIB est une expression de l'économisation de l'environnement - comme, par ailleurs, la réalisation d'Examens environnementaux par un organisme comme l'OCDE - nous estimons que l'emploi de cet outil conduit à accentuer cette tendance.

En effet, « La sociologie des organisations industrielles et autres a développé en parallèle des approches reposant sur le même schéma d'analyse intellectuel (...) dans les nombreux travaux menés sur les outils de gestion (indicateurs, tableaux de bord, système d'analyse des coûts, modèles de prévision, etc.). Ils montrent cette double dynamique d'exploration (prélèvement d'information) et de conformation (diffusion de modèles de comportements, bonnes pratiques, etc.), ainsi que les processus d'appropriation-adaptation des instruments, mais aussi les diverses formes de contournement et de résistance développées par les acteurs. » (Lascoumes 2008 : 3)

Souhaitant nous distancier de cette approche économico-centrée, nous avons évité d'employer les IDE dans nos graphiques. Par contraste, la comparaison au seuil de tolérance du milieu, certes difficile à mettre en oeuvre, nous semble bien plus conforme à une véritable optique de développement durable.

4. Difficultés rencontrées

Nous relevons la complexité de notre démarche au regard de l'intrication des thématiques environnementales, des schémas d'analyse et du vaste champ spatial et temporel étudié. Devant l'ampleur de la tâche, nous avons également éprouvé les limitations exigées par la synthèse.

Le manque de données au début de la période étudiée, ainsi que le manque d'homogénéité des données sur le moyen terme, sont d'autres difficultés auxquelles il a fallu faire face.

Concernant les données scientifiques, nous citerons le cas de l'eau : il y a un siècle, il suffisait de quatre à cinq critères pour définir la qualité de l'eau. Maintenant, il en faut près d'une centaine!

Concernant les sciences sociales, Daniel Boy expose le problème ainsi que la solution qu'il applique aux sondages d'opinion : « Il n'existe pas (...) de baromètre d'opinion français mesurant régulièrement l'impact du thème environnemental dans les vingt dernières années. En revanche, ce même instrument a été développé au niveau européen par les services d'étude de la CEE. L'Eurobaromètre réalise à intervalles réguliers des études dans les pays appartenant à la Communauté. » (Boy 1999 : 213) Malgré l'utilité de cet outil, nous nous sommes aperçu que les interrogations sont souvent formulées différemment. Or, l'écart d'un mot peut susciter une perception différente de la question qui se répercute dans la réponse et risque de fausser la comparaison temporelle. Nous avons donc tenté d'évaluer subjectivement le sens des interrogations et indiqué le risque d'erreur lorsqu'il eut été dommage d'écarter la question.

I - Institutionnalisation de l'environnement

Bien qu'en 1971, la France ait été parmi les premiers pays à se doter d'un ME - après les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, qui venaient de créer des structures aux compétences similaires - cette institution est relativement jeune en comparaison à celles d'autres domaines publics. Ceci explique en partie l'instabilité et la complexité qui caractérise l'institutionnalisation de l'environnement en France. L'approche institutionnelle permet notamment de faire ressortir les rapports de force entre acteurs et de présenter le substrat d'où émergent les politiques.

Synthétiser une évolution sur quarante ans exige de se focaliser sur les grands axes. Ainsi, nous définirons en premier lieu les grandes phases d'impulsion de la politique environnementale française. Nous nous pencherons ensuite sur les circonstances de leur émergence. En dernier lieu, nous analyserons l'évolution des compétences du ME.

1. Les grandes phases d'impulsion institutionnelle

Une première lecture d'ouvrages de synthèse et de revues spécialisées consacrant des dossiers à des périodes ou des dates clé nous a permis d'établir trois grandes phases institutionnelles.

· Principaux ouvrages :

o Barraqué et Theys (1998), Les politiques d'environnement : évaluation de la première génération, 1971-1995,

o Lascoumes (dir.) et all. (1999), Instituer l'environnement : vingt-cinq ans d'administration de l'environnement,

o Chabason et Theys (1990), Plan national pour l'environnement : rapport préliminaire en vue du débat d'orientation.

· Principales revues :

o Trente ans d'environnement in Aménagement et nature (1994-95),

o 1970, l'invention de l'environnement ? in Responsabilité & environnement (2007),

o Le Grenelle de l'environnement in Regards sur l'actualité (2007).

Cherchant à condenser l'histoire de la politique française de l'environnement, nous nous sommes penchés sur l'analyse de Roger Cans, qui décline Les trois âges de la politique française de l'environnement dans la revue Aménagement et nature (1994-95) :

· L'ère gaullienne, durant laquelle l'Etat affirme son autorité, se traduit par des mesures novatrices : le premier parc national de la Vanoise (1963), la création des Agences financières de bassin (1964) et du Conservatoire du littoral (1974) et la loi sur la protection de la nature (1976).

· La loi de décentralisation (1982) marque une rupture en transférant l'autorité aux élus locaux. Les lois montagne et littoral (1985) sont interprétées dans le sens du développement économique et le bétonnage se poursuit.

· L'investiture du militant écologiste Brice Lalonde à fin des années 80 amorce un retour de balancier. Les lois déchets (1992) et eau (1993) imposent de nouvelles contraintes aux industriels et aux collectivités locales, suivies par les lois paysage, bruit et carrières.

(Cans 1994-95 : 23-26)

Nous inscrivons notre analyse dans ce sillage historique sur une échéance plus longue, en intégrant les multiples visions de cycle de l'intervention publique par Pierre Lascoumes :

« ... cycle de ce qui est perçu comme faisant problèmes, cycle des dissonances, mais aussi cycle des techniques d'intervention et cycle des buts poursuivis. Sur le long terme on observe souvent que la palette des possibles (celle des catégorisations, des moyens et des buts de l'action) est limitée. Et que tel sous secteur de l'action publique oscille entre deux ou trois polarités qui ressurgissent et sont reprises à intervalles plus ou moins réguliers. » (Lascoumes 2008 : 2)

En recherchant comme trames préalables les dissonances au niveau de la gestion de l'environnement ainsi que l'intensité au niveau des préoccupations (voir infra) et comme trame subséquente les buts globalement poursuivis, nous délimitons trois cycles. Chaque cycle s'installe par l'émergence d'une technique d'intervention particulière mais provoquant dans les trois cas une forte impulsion, suivie par une phase que nous définissons par la maturité institutionnelle :

· la création du ME en 1971 entame la phase de fondation (Theys 1998 : 40) ;

· la lancée du Plan national pour l'environnement (PNE) en 1990 représente le point culminant de la phase de consolidation (Lavoux 1999 : 92) ;

· l'amorce du Grenelle de l'environnement en 2007 pourrait être considérée comme la phase d'ouverture.

Il est évident que d'autres initiatives institutionnelles ont également marqué la politique environnementale française. Pour n'en citer que quelques unes : le Programme des cent mesures pour l'environnement en 1970, la création du Conseil National du Développement Durable (CNDD) ou la Stratégie Nationale du Développement Durable (SNDD) en 2003. Le programme de 1970 avait certes le mérite de rassembler les énergies de divers ministères autour du thème de l'environnement, mais il avançait pour l'essentiel des mesures locales détachées les unes des autres. Les auteurs d'un dossier sur le Grenelle soulignent diverses raisons pour lesquelles le processus a un impact bien supérieur au CNDD et à la SNDD. (Boy 2007 : 10-11 ; Bourg 2007 : 62)

De manière générale, nous avons dirigé notre choix vers des initiatives politiques (politics) globales qui inscrivent - potentiellement pour le Grenelle - une série de politiques (policies) sectorielles dans leurs sillages.

1.1. La phase de fondation

A sa création en 1971, le ME est doté d'une structure et de moyens financiers et humains maigres (voir infra). Pourtant, cette phase constitue une étape décisive :

· en institutionnalisant et popularisant la notion d'environnement (voir infra) ;

· en rassemblant les politiques, jusque-là gérées de façon hétérogène et discontinue par plusieurs ministères ;

· en enclenchant un travail de création ou de remise en ordre législatif ou réglementaire (Saglio 2007 : 35) ;

· en stimulant les autres ministères à ranimer leurs départements environnementaux par crainte de les voir transférés au nouvel arrivant (Bess 2003 : 198).

1.2. La phase de consolidation

Adopté en 1990, le PNE constate que la France cumule « quinze ans de retard » et propose une réorganisation institutionnelle majeure :

· en créant les DIREN, ou directions régionales de l'environnement ;

· en créant de nouveaux établissements publics, tels l'IFEN, l'ADEME et l'INERIS ;

· en augmentant de manière substantielle le budget du ME ;

· en posant des objectifs sectoriels chiffrés ;

· en intégrant l'environnement dans les activités économiques.

(Chabason et Theys 1990)

1.3. La phase d'ouverture

Avec un programme politique pourtant peu centré sur les enjeux environnementaux, le Président Nicolas Sarkozy émet un signal fort en annonçant le Grenelle de l'Environnement et en convoquant les associations à l'Elisée au tout début son mandat, en mai 2007.

L'avant-projet de loi relatif a la mise en oeuvre du Grenelle est présenté par le ME le 30 avril 2008. Grenelle 1 est un texte d'orientation, qui décline en 47 articles les conclusions arrêtées fin octobre 2007. Dépassant les oppositions gauche-droite, il est adopté par le Parlement à une majorité écrasante (526 voix pour, 4 contre et 17 abstentions) en octobre 2008. Les modalités techniques d'application seront détaillées dans deux autres textes (Grenelle 2 et 3).

S'il est encore trop tôt pour juger de l'efficacité du processus, nous pouvons d'ores et déjà souligner que le Grenelle est novateur :

· en intégrant l'environnement au coeur de la décision publique, notamment au travers de deux principes forts : l'intégration des coûts pour le climat et la biodiversité, et l'inversion de la charge de la preuve pour l'aménagement du territoire6(*) ;

· en instaurant une procédure participative7(*) incluant cinq collèges : Etat, collectivités territoriales, patronat, syndicats et associations écologistes (notons qu'en 1970, le Programme des cent mesures pour l'environnement, quoique d'ampleur bien plus restreinte que le Grenelle, avait été élaboré en large concertation avec la société civile) ; à ce sujet, le PNUE insiste sur « la nécessité d'obtenir le concours de toutes les parties concernées » (2002 : XXIX) ; cependant, certains acteurs-clé n'ont pas été conviés : les parlementaires et certains hauts fonctionnaires (Lascoumes 2007 : 56-57) ;

· en instaurant en avance un dispositif de suivi (évaluation ex-post) (Lascoumes 2007 : 52) ;

· en traitant les questions environnementales de façon systémique ;

· et en avançant certaines mesures structurantes, par exemple la taxe carbone ou la trame verte et bleue (Bourg 2007 : 59-60).8(*)

Précédant le processus du Grenelle, la création du MEEDDAT est en soi une nouveauté. Le méga-ministère d'Etat crée un terrain propice à la coordination (position élevée dans la structure gouvernementale) et à l'intégration de l'environnement dans d'autres politiques (couplage avec plusieurs grandes administrations) (voir infra). Notons à ce sujet que le rapport GEO4 (PNUE 2007) préconise de déplacer l'environnement depuis la périphérie vers le centre du processus de prise de décision.

Ces trois phases ont été enclenchées par un engrenage de pressions externes fortes, que nous tenterons maintenant d'identifier.

2. Contextes d'émergence des phases d'impulsion institutionnelle

En étudiant les circonstances de l'émergence des grandes phases d'impulsion, nous avons perçu des similitudes au niveau des leviers d'action. Le tableau 1 représente une tentative de déboucher sur une trame commune aux trois temps et sert de fil conducteur à la lecture de ce chapitre.

Nous proposons la métaphore mathématique pour décrire la logique de construction de notre cadre d'analyse :

· L'équation du tableau se compose des phases d'impulsion relevées au point 1 et des contextes sociétaux liés à l'émergence de ces phases, subdivisés en niveaux d'influence.

· Les niveaux représentent les hypothèses de l'équation, basées sur une première recherche historique qui permet d'instaurer un lien avec les phases d'impulsion au travers d'au moins une composante dans le temps.

· Les cases à remplir représentent les inconnues, définies suite à une seconde recherche historique.

Certains niveaux d'influence recoupent différents contextes. Afin de structurer l'analyse, nous avons opté d'assembler les niveaux multidimensionnels en fonction des acteurs (militants versus gouvernement) et du mode de sensibilisation du public (media versus manifestation associative).

La vérification de l'adéquation d'un niveau d'influence dans les trois phases d'impulsion s'établit lorsque les trois composantes ou leur typologie commune s'égalisent. Ces niveaux sont signalés en vert dans le tableau. Ainsi, cette équation nous conduit à percevoir un noyau d'influence, constitué des hypothèses confirmées (contexte socio-économique, opinion publique, influence mondiale et discours d'orientation du gouvernement), entouré de niveaux périphériques (contexte des militants, médiatique) dont le pouvoir d'impulsion n'est pas systématique.

Notons que ce genre d'exercice multicritère a déjà été entrepris au niveau de l'évolution de la préoccupation environnementale en France. Daniel Boy dégage en effets deux pics de sensibilité au travers de l'analyse de divers indices du début des années 70 à la moitié des années 90 (mesures d'opinion, degré d'activisme environnemental, résultats électoraux des écologistes politiques) : « une naissance et un début de croissance au cours des années 1970, un freinage au début des années 1980 suivi d'une sorte de traversée du désert au milieu des années 1980, enfin un nouveau décollage à la fin des années 1980 » (Boy 1999 : 212, 217) (voir infra). Ces pics de sensibilité correspondent grosso modo aux temps des deux premières phases d'impulsion que nous avons délimitées.

Notre approche rétrospective a été principalement guidée par les ouvrages suivants :

· Lascoumes (dir.) (1999), Instituer l'environnement ; Vingt-cinq ans d'administration de l'environnement,

· Bess (2003), The Light-Green Society: Ecology and Technological Modernity in France, 1960-2000.

Tableau 1

FACTEURS CONTEXTUELS LIÉS À L'ÉMERGENCE DE PHASES D'IMPULSION

DE LA POLITIQUE FrançAISE DE L'Environnement

PHASES

D'IMPULSION

CONTEXTES

Avant 1971

(Création du Ministère de l'Environnement)

Avant 1990

(Plan National pour l'Environnement)

Avant 2007

(Grenelle de l'Environnement)

SOCIO-ÉCONOMIQUE

Chômage et

tendance

bas

= bas

haut

= en baisse

haut

= en baisse

Croissance et pouvoir d'achat

ralentissement

= stabilité

relance

= stabilité

ralentissement

= stabilité

MILITANTS

Politiques :

Scores électoraux

-

forts

faibles

Secteur associatif :

· Organisation

· Mobilisation

FFSPN

= regroupement

défense de la Vanoise

= succès

FFSPN ? FNE

= repositionnement

affaire du Rainbow Warrior

= flop

Alliance pour la planète

= regroupement

Pacte écologique de Hulot

= succès

MEDIATIQUE

Diffusion :

· Emetteurs

· Message

scientifiques

sonnette d'alarme

sciences sociales

alternative au système

personnalités, scientifiques

intégration au système

Crises écologiques

émergence

pétrolières et industrielles

? amplification

+ accidents nucléaires

? régression / industrielles

+ crises climatiques

OPINION PUBLIQUE

Sensibilité environnementale

émergente

forte

forte

MONDIAL

Influence européenne et internationale

forte

forte

forte

ETATIQUE

· Famille politique

· Discours général

droite

rupture

= différentiation

gauche

ouverture

= différentiation

droite

rupture et ouverture

= différentiation

Légende :  = corrélations dans le temps

2.1. Le contexte socio-économique

Parmi les nombreux indicateurs conjoncturels publiés par l'Insee, nous avons sélectionné ceux qui nous semblent résumer le climat social et économique, à savoir le taux de chômage, la croissance et le pouvoir d'achat. L'évolution de ces trois indicateurs depuis les années 60 jusqu'en 2007 (voir annexe n° 3) nous permet de définir des orientations conjoncturelles basées sur un intervalle de cinq à dix ans (en fonction des grandes tendances) précédant les trois phases.

Nous constatons sans étonnement qu'un taux de chômage bas ou dont la tendance est en baisse favorise l'émergence d'une impulsion environnementale. Par contre, les orientations de la croissance et du pouvoir d'achat (nous couplons ces indicateurs en raison des similitudes de leurs courbes) ne convergent pas, à première vue, vers une trame commune aux trois temps. Comment expliquer ce décalage apparent entre des situations sociales et économiques pourtant globalement imbriquées ? Examinons de près l'évolution de la conjoncture économique.

A l'époque de la création du ME, l'effort de reconstruction et de rattrapage technologique des Trente glorieuses9(*) s'essouffle : la croissance du PIB passe de 8,1 % en 1960 à 6,1 % en 1970. Mais en parallèle apparaît le phénomène de post-modernisme, décrit par le sociologue Ronald Inglehart dans La révolution silencieuse (1977), et résumé par l'Eurobaromètre de 1988 (Bonnaffe : 82) : « Les pays occidentaux ont connu, depuis la deuxième guerre mondiale, la paix et une prospérité économique sans précédent. Cet environnement favorable s'est accompagné d'un formidable essor des moyens d'éducation et d'information et d'une transformation rapide des emplois. De ces mutations découle, une évolution des systèmes de valeurs, qui se traduit par l'émergence de mouvements tels que le pacifisme ou le mouvement Vert. » (voir infra). Les chocs pétroliers de 1973 et 1979 et les résultantes chutes de la croissance - plus que 1,7 % en 1980 ! - et du pouvoir d'achat viennent temporairement ébranler cet acquis ; l'environnement est disgracié de l'agenda politique.

Il faut attendre le contre-choc pétrolier de 1986 et la relance économique - croissance de 4,2 % en 1989 - pour que la question reprenne de l'ampleur. C'est dans ce contexte qu'est lancé le PNE.

Par opposition, le Grenelle est lancé dans un climat de ralentissement économique : 1,9 % de croissance en 2007 en comparaison avec les 3,9 % de 2000. Mais comme en 1971, les besoins de base sont globalement disponibles.

Nous concluons de cette évolution que les niveaux et les orientations de la croissance et du pouvoir d'achat ne sont pas déterminants dans l'émergence des grandes impulsions de la politique environnementale. Le facteur de stabilité économique nous semble par contre primordial.

2.2. Le contexte des militants

Depuis les années 70, les domaines d'intervention privilégiés des militants de l'écologie politique demeurent le secteur associatif et les partis politiques. L'évolution de ces terrains d'action nous éclaire quant à leur influence, par le biais de l'opinion publique, sur la politique gouvernementale, mais aussi réciproquement quant à leur adaptation au mainstream institutionnel. Nous traiterons en premier lieu du secteur associatif du fait de son influence sur la première phase d'impulsion institutionnelle.

Au niveau associatif, tandis que l'organisation structurelle tend à canaliser et orienter la dynamique contestataire, l'action de mobilisation/médiatisation a la faculté de générer un climat de tension propice à une réaction institutionnelle. Par ailleurs, nous notons que la conjonction de ces facteurs - organisation et mobilisation/médiatisation - amplifie leur impact spécifique.

C'est le cas au tournant des années 70 : le regroupement de la Fédération française des sociétés de protection de la nature (FFSPN)10(*) en 1968 est suivi de près par leur mobilisation pour la défense du Parc national de la Vanoise entre 1969 et 1971. Saisi par la forte médiatisation autour de la polémique, le Président Pompidou finit par annuler le projet d'aménagement touristique qui menaçait le parc. Mais si cet évènement a certes notablement contribué à l'émergence d'une phase d'impulsion, établir un lien de causalité unilatéral entre l'affaire de la Vanoise et la création du ME, comme le font la fédération victorieuse (FNE) - et l'auteur américain Michael Bess (2003 : 83) - nous apparaît comme un raccourci simpliste.

C'est également le cas en 2006 : la constitution de l'Alliance pour la planète, lobby vert beaucoup plus large que FNE11(*), est suivie la même année par le lancement du Pacte écologique de Nicolas Hulot. Ce dernier menace de se présenter à la présidentielle de 200712(*) si les impératifs écologiques, notamment la mise en place d'un ME haut placé13(*), ne sont pas pris en compte par les candidats. Remarquons cependant que le succès du Pacte, signé par pratiquement tous les candidats à l'élection présidentielle et par plus de 700.000 citoyens, est surtout dû à la notoriété de l'animateur de télévision. En effet, en plus de sa popularité liée à 20 ans d'émissions Ushuaia (et compagnie), Hulot apparaît médiatiquement comme le leader d'opinion en matière d'écologie en France. Ni l'adhésion de la Fondation Nicolas Hulot à l'Alliance, ni son départ du groupement après le lancement du Grenelle, n'ont fait grand bruit. Il s'agit pourtant de choix stratégiquement intéressants... mais dont l'analyse dépasserait notre cadre d'étude.

Inversement à ces cas de figure, les agissements du secteur associatif ne nous semblent pas contribuer à la phase d'impulsion que représente le PNE.

Attribuée en 1990, la nouvelle dénomination de la FFSPN, France Nature Environnement (FNE) évoque curieusement la première appellation du ministère de la Protection de la Nature et de l'Environnement ! Si le repositionnement conceptuel de la nature sensu stricto à l'intégration de l'environnement semble tardif, notons cependant que la fédération se dédie aux thématiques environnementales depuis 1972 (FNE).

Quant à l'affaire du Rainbow Warrior en 1985, Bess démontre que l'incident est en partie responsable de la mauvaise image environnementale de la France à l'étranger. Si l'affaire secoue certes le gouvernement Fabius, les sondages d'opinion de l'époque indiquent que les Français supportent majoritairement l'Etat et le maintien des essais nucléaires. Pour Greenpeace c'est un véritable flop : faute de membres et de financements, l'ONG se voit contraint de fermer son bureau de Paris en 1987. (Bess 2003 : 33-37)

Né d'une fusion en 1984, le parti Les Verts adopte une attitude globalement passive face à la crise du Rainbow Warrior. Cette stratégie low profile s'avère sage si l'on considère leur forte progression électorale à peine cinq ans plus tard. ...

Mais avant d'entamer l'analyse contextuelle de l'écologie politique, précisons que nous porterons notre attention sur les résultats électoraux des Verts (principal parti écologiste) à divers niveaux territoriaux, en fonction de leur proximité temporelle aux phases d'impulsion institutionnelle. Ce vaste cadre d'analyse nous semble d'autant plus intéressant que le système français de l'élection présidentielle, désavantageant les partis minoritaires, est relativement peu représentatif de la popularité des écologistes.

... Au tournant des années 90, une véritable « vague verte »14(*) politique submerge la France. La ligne puriste et inflexible d'Antoine Waechter, caractérisée par le slogan « ni droite, ni gauche », attire un électorat déçu par les manigances des partis traditionnels. En 1989, Les Verts obtiennent entre 9 et 15 % aux élections municipales et 10,6 % aux élections européennes. C'est dans ce contexte favorable que l'écologiste Brice Lalonde, à la tête du secrétariat d'Etat chargé de l'Environnement depuis 1988, présente le PNE.

L'influence des scores électoraux des écologistes sur les impulsions institutionnelles des années 1971 et 2007 nous semble par contre bien plus réduite.

Au tournant des années 70, l'écologie politique se forme par la constitution des Amis de la Terre et l'amorce de la lutte antinucléaire. (Bennahmias 1992 : 24) Bien que ces actes émanent de marges éparpillées de la société, ils convergent pour former un contre-courant - dans l'esprit de Mai 68. « Cette politisation a été en l'espèce suffisante pour forcer l'accès au champ politique et constituer le problème en enjeu politique : d'abord pris à contre-pied, les autres acteurs politiques ont été conduits à intégrer dans leurs programmes, voire à surenchérir sur elle, la revendication écologique, afin de tenter de désamorcer un mouvement social tendant à s'organiser de manière autonome sur le plan politique ; la création d'un ministère s'inscrit alors pleinement dans cette perspective de canalisation et de récupération. » (Chevallier 1999 : 30) Nous nuançons cependant cette analyse ; soulignons en effet que la première apparition médiatique des écologistes politiques est la candidature à l'élection présidentielle de 1974 de l'agronome tiers-mondiste René Dumont - qui n'obtient que 1,32 % des suffrages. Si la politisation du tournant des années 70 contribue certes à créer un climat propice à l'émergence d'une phase d'impulsion, elle n'en est pas l'élément central.

Avec Dominique Voynet à leur tête, Les Verts opèrent un virage à gauche à partir de 1994. L'alliance avec les socialistes permet certes de placer des ministres à l'Environnement (D. Voynet en 1997, Y. Cochet en 2001)15(*), et par ce biais de générer de nouvelles politiques environnementales. Mais ce virement de cap divise également Les Verts et entraîne le parti dans la chute de la gauche. Ainsi, alors que Noël Mamère recueille 5,25 % des suffrages à l'élection présidentielle de 2002 - le meilleur score obtenu par un candidat écologiste au premier tour - les choses se gâtent après la défaite du socialiste Lionel Jospin au second tour. Les législatives de 2002 sont désastreuses ... quant aux élections présidentielles de 2007, Les Verts retombe à un score presque aussi bas que celui de Dumont en 1974 : 1,57 % !16(*)

En guise de conclusion à notre analyse du rapport entre contextes de militants et institutionnalisation de l'environnement, notons que le processus d'adaptation est bilatéral.

Ainsi, après de longues tergiversations, Les Verts a entrepris la normalisation des modalités internes de pouvoir à partir des années 90 (Bess 2003 : 104). De nombreux auteurs soulignent les processus d'intégration et d'institutionnalisation des associations, notamment par l'acquisition d'une contre-expertise pour tenir tête à la technocratie. (Micoud 1999 : 156 ; Lascoumes 1994)

Mais au-delà du fonctionnement des organismes, nous proposons d'illustrer la mutation militante par le positionnement des écologistes face au ME, ceci approximativement aux trois phases de notre cadre d'analyse :

· 1974 : contestation et solutions radicales par le candidat René Dumont : « Le ministère de l'environnement, c'est de la poudre aux yeux ! » (Dumont 1974);

· 1988 : première intégration au pouvoir d'un écologiste : Brice Lalonde17(*) investit la fonction de secrétaire d'Etat chargé de l'Environnement (gouvernement de gauche) ;

· 2007 : participation du secteur associatif aux tables rondes du Grenelle (gouvernement de droite).

Or, en intégrant davantage le processus de prise de décision, les écologistes accroissent en parallèle le risque de perte de légitimité. Nous avons vu, au travers du cas de l'alliance des Verts avec les socialistes, à quels soubresauts cela peut mener. Nous ne pouvons encore évaluer le feedback définitif du public par rapport à la participation des associations au Grenelle. Cependant, la comparaison des Eurobaromètres spéciaux de 2002 et de 2008 révèle déjà une baisse de la confiance accordée aux associations environnementales (de 44 à 39 %) par les Français - en parallèle à une hausse de la confiance accordée aux scientifiques (de 45 à 52 %).18(*)

En effet, l'assimilation au mainstream implique insidieusement une réaction en chaîne qui remet en question la notion même de militantisme :

Codécision ? compromis ? intégration des contraintes socio-économiques ? affaiblissement des revendications ? défection de l'opinion publique.

2.3. Le contexte médiatique

Bien que la diffusion du message écologiste puisse être considérée comme un acte militant, nous traiterons ce niveau séparément compte tenu de la multiplicité des acteurs et de la spécificité de l'outil médiatique. Nous présenterons ensuite un second niveau de sensibilisation véhiculé par les media : les crises écologiques.

La description du processus de diffusion de la conscience écologique par Jean-Paul Bozonnet dévoile que l'évolution des acteurs influe sur la progression du discours écologiste au sein de la société.

« L'écologisme mêle énoncés scientifiques et discours militants, et bourgeonne à la lisière des communautés épistémiques, notamment des biologistes. De là, il diffuse dans les médias, l'école ou l'université qui agissent eux-mêmes sur les leaders d'opinion, enseignants, responsables associatifs..., lesquels alimentent la conscience écologique des citoyens ordinaires. Ceux-ci ne sont pas mus par un déterminisme à sens unique, mais forment des groupes de pression, élisent des représentants politiques et influencent la puissance publique. » (Bozonnet 2003)

Ainsi, à l'inverse du modèle linéaire de communication de Shannon et Weaver19(*) (émetteur ? message ? récepteur), la communication de l'environnement s'établit dans le temps au travers de boucles de rétroaction par lesquelles s'opère la progression du récepteur en émetteur.

Une rétrospective des principaux auteurs et ouvrages (au sens large) médiatisés depuis quarante ans révèle que l'évolution des ambassadeurs de l'écologisme influe également largement sur le contenu du message intégré. OEuvres symboliques à l'appui, nous présentons ci-dessous les grands courants d'émetteurs/messages précédant les phases d'impulsion institutionnelle.

· Dès les années 50, mais surtout à partir des années 60, les scientifiques tirent la sonnette d'alarme.

o Roger Heim (1952), Destruction et protection de la nature,

o Rachel Carson (1962, traduit en Français en 1968), Printemps silencieux,

o Jean Dorst (1964), Avant que nature meure.

· Au cours des années 70 et 80, de grands penseurs des sciences sociales s'emparent du message écologiste. Ils critiquent le modernisme industriel et théorisent des alternatives au système en place.

o Ivan Illich (1973), La Convivialité,

o André Gorz (1975), Ecologie et politique,

o Jacques Ellul (1988), Le bluff technologique.

· Au cours des années 90 et 2000, le développement massif des media audiovisuels20(*) permet à des personnalités médiatiques de se positionner comme de véritables leaders d'opinion en matière d'environnement. Pragmatiques, ils soutiennent et proposent des solutions win-win intégrées au système.

Les années 2000 connaissent également un retour de l'expertise scientifique, lié à la dominance de l'enjeu climatique. Hulot arme stratégiquement sa Fondation d'un Comité de veille écologique, composé de scientifiques de renommée aptes à intervenir sur toutes les thématiques environnementales. Ils co-rédigent plusieurs ouvrages, signés Nicolas Hulot en police large afin d'attirer le public.

o Nicolas Hulot (2002), Combien de catastrophes avant d'agir?,

o Documentaire avec Al Gore (2005), Une vérité qui dérange,

o Nicolas Hulot (2007), Pour un Pacte écologique.

Notons qu'en parallèle à ces grands courants de diffusion, une sensibilisation en filigrane ressort des émissions de Jacques-Yves Cousteau et de Nicolas Hulot. Océanographe, Cousteau réalise films et documentaires - notamment, le Monde du Silence, Palme d'or au Festival de Cannes en 1956, et les multiples aventures à bord de la Calypso -, ce qui lui permet de mesurer l'ampleur des bouleversements environnementaux de 1942 à 1997 ! Journaliste, Hulot fait voyager les Français au bout du monde dès 1987, au travers des émissions successives Ushuaïa, le magazine de l'extrême, Opération Okavango et Ushuaïa Nature. Cousteau et Hulot, que rien ne relie au départ, ont développé des traits communs :

· de conquérants de la nature, ils deviennent écologistes au fil de leurs voyages ;

· ils sensibilisent le public par le biais de l'aventure et de l'émerveillement ;

· ils font pression pour la cause environnementale au travers de l'associatif et de l'international (Cousteau à Rio, Hulot à Johannesburg) mais préfèrent, en définitive, ne pas s'engager en politique ;

· leurs positions sont largement controversées : Cousteau pour son soutien aux essais nucléaires dans le Pacifique Sud et pour son déni de la gravité du trou dans la couche d'ozone ; Hulot - l'« hélico-logiste » selon les adeptes de la décroissance - pour ses collaborations avec le secteur privé (TF1, EDF, ...) ; mais ils demeurent extrêmement populaires.

Ainsi, ils agissent comme des capteurs/retransmetteurs de l'évolution de leur époque. Leur emprise sur l'inconscient collectif des Français a largement contribué à dépasser la perception anthropocentrique de la nature, encore très présente au début des années 70.

Le titre de l'ouvrage Combien de catastrophes avant d'agir de Nicolas Hulot, choisi à la suite de l'explosion de l'usine AZF à Toulouse en 2001, est symbolique de la portée médiatique du thème de la catastrophe. Dans le cadre de notre recherche, nous lui préférons le terme moins sensationnel de « crise » car il implique la notion de gestion.

Nous avons basé notre typologie des crises écologiques sur la Chronologie des problèmes environnementaux à retentissement international par le Centre International de Recherche sur l'Environnement et le Développement (CIRED).

La fin des années 60 est marquée par l'émergence des crises écologiques perçues comme telles par l'opinion publique suite à leur médiatisation. La catastrophe à la raffinerie de pétrole de Feyzin en 1966 est considérée comme le premier accident industriel en France. « Il marque un tournant en France car il met brutalement en lumière les risques inhérents aux grandes installations industrielles, en plein développement à l'époque, et ses conséquences sont considérables dans bien des domaines. » (Wolpin 2007 : 60) Cet accident est suivi de près par le naufrage du pétrolier Torrey Canyon en 1967. Diffusées par la télévision, les images de la marée noire souillant les côtes britanniques et françaises choquent la France et l'Europe.

Les décennies 70 et 80 connaissent une amplification des accidents pétroliers - Amoco Cadiz (1978), Exxon Valdez (1989) - et industriels - Bhopal (1984), Sandoz (1986) -, mais aussi l'avènement d'accidents nucléaires - Three Mile Island (1979), Tchernobyl (1986). Avec la maîtrise des risques, les accidents industriels et nucléaires sont en régression à partir des années 90. Par contre, les accidents pétroliers se maintiennent - Erika (1999), Prestige (2002).

A partir de la fin des années 90, les évènements climatiques extrêmes prennent le dessus : tempête (1999), canicule (2003), inondations en Europe (2005), ouragan Katrina dévastant la Nouvelle-Orléans (2005).

Nous montrerons comment se décline l'influence des crises écologiques sur l'opinion publique dans le point suivant.

Pour conclure sur le contexte médiatique, notons que malgré la corrélation de l'outil, les deux niveaux étudiés intègrent l'opinion publique par un rythme opposé : progressif et en profondeur pour la diffusion du message écologiste, brusque et réactif pour les crises écologiques.

2.4. Le contexte de l'opinion publique

Un survol des Eurobaromètres spéciaux, en particulier ceux publiés en 1983, 1988 et 2008, permet de tracer les grandes lignes de la perception de l'environnement par l'opinion publique. L'Eurobaromètre de 1983 - premier en date disponible sur le site de la Commission Européenne - pose un regard rétrospectif sur l'année 1973. N'ayant pas accès à des données statistiques antérieures à la création du ME (voir supra), nous éclairerons cette période par les témoignages d'acteurs de l'époque et les évaluations d'experts.

Nous traiterons en premier lieu des résultats des sondages, sélectionnés en fonction de deux critères : l'influence marquante du contexte, au travers des crises écologiques, sur les priorités environnementales et l'importance accordée à l'environnement dans la société. Nous terminerons par une description du contexte d'émergence de la sensibilité environnementale au tournant des années 70.

2.4.1. Influence des crises écologiques sur les priorités environnementales

La comparaison des atteintes et problèmes d'environnement considérés comme prioritaires à l'échelon national ou planétaire souligne l'influence des crises écologiques.

Au niveau méthodologique, la variation des thématiques au fil des années ne risque pas de fausser nos conclusions étant donné que nous nous penchons uniquement sur les deux premiers problèmes cités. Nous sommes par contre surpris de constater que le trou dans la couche d'ozone, enjeu dominant de la fin des années 80, est totalement absent des sondages des Eurobaromètres de 1983, 1987, 1989, 1992 et 2008 !

En 1982, soit quatre ans après la marée noire occasionnée par l'Amoco Cadiz sur les côtes du Finistère, « les dommages causés à la faune marine et aux plages par les accidents ou les dégazages de pétroliers » viennent en tête de liste pour les Français et les Européens. (Riffault 1983 : 21)

En 1988, soit deux ans après Tchernobyl et Sandoz, ce sont les pollutions nucléaire et chimique qui préoccupent le plus l'opinion publique nationale et européenne. (Bonnaffe 1988 : 28)

En 2007, le changement climatique est le premier thème d'inquiétude des Français avec 59 %, soit 12 points de plus par rapport à 2004 ! Par comparaison, les Européens optent pour la pollution de l'eau et les catastrophes naturelles avant le changement climatique, qui vaut 45 % des réponses. Cette différence peut s'expliquer par le caractère particulièrement aigu des crises climatiques depuis 1999 en France.

Les résultats ci-dessus indiquent que les crises écologiques participent à l'émergence d'enjeux dominants, comme par exemple le nucléaire dans les années 80 ou le changement climatique dans les années 2000 (voir infra). Ces cristallisations rapides de préoccupations sont bien entendu accompagnées de mouvements beaucoup plus lents, mis en branle par la somme des pressions à taille humaine.

Les enjeux suscitent une réaction politique, ne serait-ce que symbolique. Mais, comme le fait remarquer Boy, « une fois passée la crise, une fois oubliées les bonnes résolutions, revient l'ordinaire de la politique : sécurité publique, chômage, croissance, retraites, etc. Depuis trente ans, environ, qu'il a fait irruption sur la scène médiatique et politique l'environnement est donc un thème à éclipse. » (Boy 2007 : 1)

Pour conclure, il nous semble intéressant de noter que les enjeux peuvent également conditionner la perception des crises écologiques. Ainsi, la liste du CIRED répertorie les tempêtes, canicules et inondations des années 2000, mais pas la canicule de 1976 ! Notons que l'incertitude scientifique ne permet pas de lier un évènement météorologique particulier au changement climatique, même s'il se situe dans une séquence d'évènements similaires.

2.4.2. Importance accordée à l'environnement dans la société

Nous avons sélectionné les sondages en fonction des points de vue complémentaires suivants :

· l'importance - ou l'urgence - de l'environnement en soi

· l'importance de l'environnement parmi d'autres problèmes de société

D. Boy ayant rassemblé les mesures d'opinion sur le caractère « très important » de « protéger la nature et combattre la pollution » de 1976 à 1989 (Boy 1999 : 213) (voir supra), nous avons cherché à compléter son analyse. Bien que la formulation ne soit pas tout à fait la même de 1992 à 1999 - on interroge alors sur « l'urgence » à accorder au problème - l'écart sémantique entre les deux types de questions ne nous semble pas fausser la mesure de l'évolution. Par prudence, nous construisons le graphique 1 avec des points de couleurs différentes selon le type de question. La combinaison des résultats produit une courbe en W, comprenant trois pics de sensibilité. Les deux derniers pics calquent précisément les phases d'impulsion de 1990 et de 2007. Avant de nous pencher sur la période précédant 1971, poursuivons notre analyse des sondages.

Graphique 1

Sources des données :

- BOY Daniel (1999), L'évolution de la préoccupation environnementale en France dans les vingt-cinq dernières années, p. 213.

- Eurobaromètres spéciaux, 1992, 1995, 1999 et 2008.

Si l'environnement évoque une importance semblable aux citoyens français aujourd'hui et au début des années 70, il est loin d'occuper le même rang parmi les autres grands problèmes de société. Ainsi, l'Eurobaromètre de 1982 rappelle les résultats d'une étude de 1973 : « A l'époque - quelques semaines avant le choc pétrolier - consultés sur l'importance relative d'une dizaine de problèmes d'intérêt national ou mondial, les Européens plaçaient au premier rang la pollution de l'environnement, avant la hausse des prix et avant la pauvreté et le chômage. » (Riffault 1983) En comparaison, en 2006, les résultats du Baromètre Politique Français du Cevipof situent le thème environnemental au 9ème rang parmi les 11 proposés au choix des personnes interrogées. (Boy 2007 : 2-3)

Le contexte de la société a certes beaucoup changé, surtout si l'on considère les thèmes perçus comme prioritaires aujourd'hui : emploi, inégalités, hausse des prix, ...

Par contre, en 2007, 75 % des Français estiment que la protection de l'environnement doit être prioritaire à la compétitivité de l'économie. (TNS Opinion & Social 2008 : 116)

Il ressort de ces sondages que l'environnement est davantage porteur de sens lorsqu'il est présenté seul ou face à une thématique froide de sens comme la compétitivité. Par contre, en conjonction avec d'autres problèmes socialement inquiétants, l'environnement est aujourd'hui relégué en queue de file.

Si notre analyse confirme la forte influence de l'opinion publique sur la politique gouvernementale de 1990 et de 2007, nous devons nuancer son impact sur la phase d'impulsion de 1971.

2.4.3. Emergence de la sensibilité environnementale au tournant des années 70

Au tournant des années 70, la mobilisation pour la défense du parc de la Vanoise a bénéficié de l'appui d'une population globalement sensible au thème de la protection de la nature (voir supra).

Par contre, le témoignage de Serge Antoine - l'un des premiers fonctionnaires à promouvoir le terme global d'environnement - révèle que « dans l'opinion publique, il y a eu une indifférence et même une opposition farouche au mot environnement ». (Antoine 1992, publié en 2007 : 21) En effet, la notion d'environnement n'est à ce stade qu'un concept flou, disputé par une poignée d'intellectuels. (Charvolin 2003) (voir infra)

Nous basant sur l'analyse de Michael Bess, nous soutenons l'hypothèse d'une émergence de la sensibilité environnementale au tournant des années 70, bien que le terme ne soit pas encore approprié - dans le sens appropriation comme dans le sens adéquat.

L'auteur américain souligne « trois transformations culturelles qui ont marqué la génération des années 60 : une large ambivalence envers la modernité technologique ; un sens accru du militantisme chez les scientifiques ; et une nouvelle forme de dissidence radicale qui se manifeste au travers de la contreculture. » Détaillons ces trois points :

L'ambivalence envers la modernité s'explique par le développement technologique et industriel rapide de la France - qui doit rattraper son retard par rapport à ses voisins européens - et la résultante perception d'une altération du cadre de vie.

Le militantisme chez les scientifiques se manifeste au travers de la diffusion d'ouvrages qui dénoncent les atteintes à l'environnement (voir supra).

Enfin, la contreculture a trait à Mai 68, point qui mérite d'être développé. S'il est communément admis que Mai 68 représente le terreau de l'écologisme, Bess rappelle que les revendications du mouvement estudiantin n'ont rien d'écologistes. L'héritage pour le mouvement écologiste se résumerait à la culture néo-rurale Baba cool, aux procédés politiques alternatifs calqués par Les Verts - et le plus important - à la remise en cause du système établi. (Bess 2002 : 80-81)

Ces mutations se ressentent dans la sémantique du langage : « le mot nature est devenu un mot-code pour quelque chose de plus que les forêts et les rivières : il signifiait l'antithèse de la société urbaine et technologique (...) ». (Bess 2002 : 12) L'avènement d'un nouveau terme répond ainsi à la nécessité de définir la notion de contrepoids au modernisme industriel.

En définitive, la mutation du domaine de sensibilisation de l'opinion publique, de la nature à l'environnement, se subdivise en deux mouvements imbriqués :

· un passage idéologique, découlant des transformations culturelles de la société ;

· un passage terminologique, suivant la création du ME et la résultante assise institutionnelle de la notion d'environnement. La suppression du libellé « protection de la nature » de l'intitulé du ministère en 1974, laissant supposer son inclusion dans la gestion de l'environnement, en représente l'aboutissement.

Si la Conférence de Stockholm en 1972 amplifie cette mutation de l'opinion publique, la participation à l'Année européenne de la conservation de la nature en 1969 représente un facteur de pression sur le gouvernement pour se positionner en tant que leader d'une thématique en émergence mondiale.

2.5. Le contexte mondial

Déterminer de quelle façon chaque évènement international représente un levier d'action de la politique nationale de l'environnement exigerait une analyse complexe. Nous ne ferons donc que citer les épisodes majeurs précédant les phases d'impulsion institutionnelle et illustrerons la situation en 2007. Un entretien avec un diplomate21(*) de la Représentation Permanente de la France auprès de l'UE et siégeant au COREPER I, nous permettra de commenter les incidences sur la politique environnementale française de l'exercice de la présidence de l'UE - de juillet à décembre 2008 -, et vice-versa de l'influence de la France sur la politique de l'UE (voir infra).

· Le tournant des années 70 : émergence de la notion d'environnement

? Au niveau international :

o Convocation en 1968 du premier sommet des Nations Unies pour l'environnement : la Conférence de Stockholm (1972)

o Création d'un Comité de l'environnement à l'OCDE (1970)

o Année européenne de la conservation de la nature (1970) ; afin de s'y associer, les pouvoirs publics français décident en octobre 1969 (voir infra) d'entreprendre une politique du milieu environnant pendant l'année 1970. (Bazin 1973 : 33)

? Aux niveaux nationaux :

o Création du Environmental Protection Agency (EU, 1970)

o Création du Secretary of State for the Environment (GB, 1970)

Selon le témoigne de Serge Antoine, les exemples américain et britannique ont largement influé sur le choix français. (Antoine 1992, publié en 2007 : 19-20) Notons que les bureaucrates ont joué un rôle important dans les prémisses du processus d'institutionnalisation de l'environnement en France.

· Le tournant des années 90 : résurgence de la préoccupation environnementale

? Au niveau international :

o Année européenne de l'environnement (1987)

o Rapport Meadows (1987)

o Convocation du Sommet de Rio (1992)

· 2007 : focalisation sur le changement climatique

? Au niveau international :

o Préparation par la France de la présidence de l'UE (juillet 2008)

Selon l'interviewé, les échanges d'influence entre la France et l'UE vont dans les deux sens. Pour être crédible lors de la présidence, la France se doit au préalable de montrer l'exemple sur un sujet incontournable au niveau européen : le changement climatique. Nous notons cependant que la loi d'orientation Grenelle 1 ne fait que réitérer les objectifs de division par quatre des émissions de CO2, fixés en 2005. Inversement, l'importance accordée aux problématiques environnementales au niveau national s'est traduite dans les priorités définies pour la présidence de l'UE. Des cinq domaines d'action mis en avant, trois concernent l'environnement : l'énergie, l'environnement et la PAC. Le changement climatique est défini comme la priorité n° 1 pour laquelle le gouvernement garantit une « obligation de résultats ». (Représentation Permanente de la France auprès de l'UE, septembre 2007, février et mai 2008)

o Convocation de la Conférence sur le changement climatique (COP15) à Copenhague (décembre 2009)

Selon l'interviewé, la pression de parvenir rapidement à un accord européen sur le changement climatique repose sur deux raisons. Il s'agit de présenter un front uni pour faire pression à la COP15 en 2009. Et il s'agit d'y parvenir avant la fin du mandat français, car le prochain Etat membre à assurer la présidence, la Tchéquie, est le seul des 27 à ne pas adhérer au consensus sur le changement climatique.

2.6. Le contexte étatique

Le tableau 1 indique que les phases d'impulsion émergent aussi bien sous des gouvernements de droite que de gauche. Le trait qui semble davantage influer est l'annonce publique de la distanciation du nouveau gouvernement par rapport à la politique du précédent gouvernement, qu'il s'agisse de rupture, d'ouverture, ou des deux à la fois. Le caractère et l'orientation donnée par le chef de l'Etat sont en ce sens primordiaux.

Par ailleurs, les contextes décrits ci-dessus exercent également des pressions sur l'Etat, et tout particulièrement le contexte des militants par sa constitution en ressources humaines. Par le terme récupération, nous qualifions ci-dessous la l'appropriation par un gouvernement de revendications devenant dangereusement populaires et émanant d'associations ou de partis politiques.

La création du ministère de la Protection de la Nature et de l'Environnement en 1971 relève en partie d'une récupération associative pour le thème de la protection de la nature - en référence au succès de la défense du parc de la Vanoise. Par contre, il s'agirait surtout de flair politique pour le thème de l'environnement, la notion n'étant pas encore à la mode. En fonction à partir de juin 1969, le Président Georges Pompidou - « premier universitaire à accéder à la plus haute charge de la République » - prend le pouls aux niveaux national et international et intègre progressivement l'environnement dans son projet politique. Ne perdons cependant pas de vue que l'impulsion fondamentale transmise par Pompidou à son gouvernement est l'industrialisation22(*). « Aussi, dans un souci d'équilibre et pour assigner une finalité humaniste à cette politique, conçoit-il une action d'accompagnement d'ordre qualitatif : l'environnement offre le contrepoids de l'industrialisation. » (Bazin 1973 : 28) Charvolin évoque également « les raisons politiques d'affichage symbolique » de la politique environnementale, « dans la lignée de la doctrine de la nouvelle société » du gouvernement de droite de Jacques Chaban-Delmas. (Charvolin 2003 : 68) Il nous semble important d'insister sur ce point pour en mesurer les conséquences sur le peu de moyens alloués au nouveau ministère (voir infra).

Au tournant des années 90, la nomination de Brice Lalonde et l'affichage d'une rupture au niveau de la politique environnementale s'inscrivent dans un effort de récupération politique de l'électorat écologiste par les socialistes.

De même, le lancement par Brice Lalonde de Génération Ecologie en mai 1990 serait « une entreprise téléguidée par les plus hauts responsables du gouvernement socialiste » afin de diviser les écologistes et de briser l'élan des Verts. (Rumpala 1999 : 257-260)

En 2007 comme en 1971, il s'agit d'une récupération associative - en référence au Pacte écologique. Obtenir un 18/20 comme note de politique environnementale par un Nicolas Hulot lors d'un JT de 20h, ça compte ! L'importance de l'image qu'accorde le Président Sarkozy à la politique environnementale se vérifie lors de la grande messe du Grenelle, qui réunit des acteurs internationaux d'envergure : les Prix Nobels de la paix Al Gore et Wangari Mathai, ainsi que le Président de la Commisson européenne José Manuel Barroso.

Si ces phases ont en commun une récupération idéologique, elles divergent considérablement au niveau du mode de gouvernance (voir infra).

2.7. Dynamiques contextuelles et voies de canalisation

En plus d'une trame commune aux trois phases d'impulsion - présentée lors de l'introduction du tableau 1 - nous percevons au terme de cette analyse deux types de contextes et deux voies de canalisation des influences :

En usant de l'image du moteur, les contextes globaux - stabilité socio-économique, influence mondiale, dynamique étatique - constituent le carburant injecté, tandis que les contextes spécifiques - actions militantes, diffusion médiatique des préoccupations et des crises - interviennent comme des étincelles qui propulsent le mouvement. L'opinion publique se place à ces deux niveaux contextuels en canalisant les énergies vers les décideurs. Deux voies d'influence interviennent ainsi :

· La voie directe par le biais des décideurs politiques ;

s'y greffent le contexte socio-économique, le contexte de l'opinion publique, le contexte mondial, et le contexte étatique.

· La voie indirecte par le biais de l'opinion publique ;

s'y rattachent le contexte socio-économique, le contexte des militants et le contexte médiatique.

Pour en revenir à l'idée des cycles de l'intervention publique par Lascoumes (voir p. 8), notons qu'elle implique que l'on revienne à la case de départ. Mais si les phases d'impulsion ont en effet tendance à s'essouffler, elles génèrent également des dynamiques qui s'auto-perpétuent. Au début des années 80, une conjonction de facteurs mène à une réduction du développement des politiques environnementales (voir infra). Mais alors que vers le milieu des années 90, les facteurs externes ne sont à nouveau pas fastes, les politiques environnementales ne faiblissent pas. Cette stabilisation peut partiellement être expliquée par le poids des engagements internationaux et des directives de la Communauté européenne. (Chabason et Larrue 1998 : 63-65) Il est à espérer que cette tendance permettra de dépasser la crise économique qui se profile aujourd'hui.

En conclusion, relatons cette considération de Serge Antoine sur la naissance du ME, qui peut rétrospectivement s'appliquer aux multiples émergences de la politique environnementale :

« Nous ne sommes que des éléments du destin à un moment donné où les choses éclosent. (...) C'était une éclosion parce que les choses étaient en train de naître. (...) C'est venu comme un phénomène de société. » (Antoine 1992 : 23)

3. Evolution des compétences du ministère de l'environnement

Un paradoxe se dessine lorsque l'on compare l'enjeu sociopolitique que représente l'environnement et la faiblesse des moyens consacrés à son administration. « Ministère fragile, balancé historiquement entre les ministères de l'Equipement, de la Culture, quand ce n'était pas de l'Agriculture, il est en permanence en déficit de moyens, de projets et de ressources humaines. » (Charvolin 2003 : 9) C'est précisément l'évolution de ces découpages, budgets et ressources humaines que nous développerons, après en avoir révélé les origines institutionnelles.

Deux ouvrages ont documenté l'historique de la création du ME :

· Charvolin (2003), L'invention de l'environnement en France : Chronique anthropologique d'une institutionnalisation ;

· Bazin (1973), La création du ministère de la protection de la nature et de l'environnement : essai sur l'adaptation de la structure gouvernementale à une mission nouvelle.

Concernant l'évolution des compétences du ME, nous avons à nouveau puisé dans l'ouvrage de référence sur l'évolution des institutions environnementales en France :

· (Lascoumes (dir.) 1999), Instituer l'environnement : vingt-cinq ans d'administration de l'environnement.

3.1. Les prémices institutionnelles

L'intégration de la notion d'environnement dans la politique étatique française relève pour une large part de l'influence de quelques hauts fonctionnaires de la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR).

Forte de son expérience au niveau de l'harmonisation23(*) des politiques relatives à l'environnement, la DATAR24(*) est chargée de coordonner l'élaboration d'un premier programme en octobre 1969. Adopté en juin 1970, le Programme des cent mesures pour l'environnement est le résultat d'une méthode de travail particulièrement innovante de par le large degré de concertation (14 départements ministériels et secrétariats d'Etat, régions) et de consultations (autorités scientifiques et techniques, experts et organismes internationaux, associations, préfets et corps préfectoral, grand public). (Bazin 1973 : 88-93). Nous verrons qu'il aura un impact sur la construction du domaine de l'environnement.

L'année 1970 est également marquée par la création et la réforme de structures administratives de gestion de l'environnement au sein de plusieurs ministères25(*), ainsi que par l'intégration au sein de la DATAR d'un Haut comité de l'environnement chargé de préparer les programmes interministériels d'action. (Bazin 1973)

Il apparaît cependant que les ressources financières et humaines de la DATAR ne suffiront pas pour assurer la mise en oeuvre des cent mesures. Certaines voix, dont celles de parlementaires, s'élèvent également contre une gestion orchestrée par les ministères pollueurs26(*).

3.2. D'une administration de mission à une administration de gestion

A sa création, le ministère de la Protection de la Nature et de l'Environnement est partagé entre une fonction de gestion directe avec comme structure centrale et verticale la Direction générale de la protection de la nature (obtenue du ministère de l'Agriculture), et une fonction prépondérante de mission pour assurer la coordination intersectorielle de l'environnement avec une structure horizontale (héritée de la DATAR).

Dans un premier temps, la complémentarité entre ces deux fonctions engendre une stratégie de conquête de nouvelles compétences : « l'administration de mission se charge le plus souvent de la reconnaissance et de l'offensive, tandis que l'administration de gestion occupe ensuite le terrain ». (Bazin 1973 : 351-352) Mais avec plus de recul, « Cette conception s'est révélée assez rapidement peu opérationnelle dans la mesure où le ministère n'avait pas réellement de moyens de coordination ni d'action, l'une et l'autre se confondant dans la pratique. Des secteurs de compétence cruciaux pour la pratique de l'environnement lui échappaient. La concurrence d'autres ministères traditionnels était forte... » (Kessler 1999 : 72)

En conséquence, maintes problématiques sont gérées en comités interministériels, constitués de représentants des ministères concernés, d'experts indépendants mais aussi, dans certains cas, de représentants des intérêts en jeu. (Chabason et Larrue 1998 : 68) Nous voyons dans ces structures une base à la prise de décision par conciliation, caractéristique des politiques environnementales françaises (voir infra).

Les compétences de gestion du ME ce sont néanmoins étoffées au fil du temps en parallèle à diverses évolutions au niveau de son administration : l'augmentation du nombre de Directions centrales, la mise en place de services déconcentrés aux niveaux régional et départemental et la tutelle ou cotutelle d'établissements publics. L'élaboration de législations fondatrices et d'autres instruments de politiques sectorielles a étayé cette autonomisation.

Mais la voie vers l'indépendance n'a pas été de tout repos : les compétences du ME ont ainsi maintes fois virevolté en fonction des découpages ministériels, eux-mêmes fonction de l'orientation politique du gouvernement et des pressions extérieures plus ou moins fortes.

3.3. Découpages ministériels et instabilité

La fonction d'un découpage ministériel est double : d'ordre pratique par la localisation de l'autorité, la structuration des circuits de communication et de décision au sein de l'Etat et le jeu des relations de proximité ou de distanciation au sein de l'administration ; d'ordre symbolique par la représentation sur laquelle s'appuiera l'action publique. (Chevallier 1999 : 22) Nous appliquons cette vision à l'analyse des découpages du ME, dont témoignent les persistants changements de titres des ministres et secrétaires d'Etat (voir annexe n° 1).

Les statuts de ministère délégué auprès du Premier ministre, ministère à part entière, secrétariat d'Etat ou ministère d'Etat ne confèrent pas le même pouvoir aux fonctionnaires.

La fonction de coordination intersectorielle justifie le rattachement du ME, à divers moments de son histoire, aux services du Premier ministre. (Lascoumes 1999 : 15-16) Ce rattachement nous semble particulièrement opportun lors de la création du ME27(*) et lors du lancement du PNE, soit à des phases d'impulsion où le ministre nécessite un appui hiérarchique face aux résistances des autres administrations.

En effet, si « l'institution d'un ministère autonome paraît être à première vue une garantie d'émancipation et un moyen d'affirmation (...), en coupant le lien avec Matignon, elle a pour effet négatif de priver le ministère d'une capacité d'action transversale sur les autres ministères ». (Lascoumes 1999 : 39)

Cette capacité d'action interministérielle réapparaît avec le ministère d'Etat créé en 2007, qui jouit d'une position hiérarchique forte pour lancer les mesures du Grenelle.

Une autre question d'ordre pratique est celle du rattachement ou non de l'administration de l'environnement à d'autres domaines administratifs. Là aussi, les modèles les plus divers ont été mis en oeuvre, en allant et venant de l'indépendance à l'union avec des administrations tantôt marginales (Jeunesse et Sports, Tourisme, Culture), tantôt colossales (Equipement, Aménagement du Territoire, Transports).

L'expérience du ministère de l'Environnement et du Cadre de Vie de 1978 à 1981 nous apprend que le rattachement à un grand ministère (en l'occurrence l'Equipement) peut contribuer à renforcer l'administration aux niveaux territorial et budgétaire tout en favorisant l'insertion territoriale et l'intégration sectorielle de l'environnement. Mais après cette expérience tronquée, le modèle de ministère sectoriel s'installe pour une quinzaine d'années, et ceci malgré l'ouverture dont aurait bénéficié la mise en oeuvre du PNE. « On sait que l'expérience du ministère de l'Environnement et de l'Aménagement du Territoire (1997-2002) n'a pas fondamentalement réussi à inverser cette évolution ; les deux champs étant de fait restés plus juxtaposés que réellement intégrés... » (Theys 2007 : 19-20)

En ce sens, le ministère de l'Écologie, de l'Energie, du Développement Durable et de l'Aménagement du Territoire, créé en 2007, offre de larges possibilités d'arbitrages. Mais cette alliance mènera-t-elle à une convergence ou à une dilution des intérêts environnementaux face à ceux, souvent divergents, des autres administrations qui ont été incorporées à ce méga-ministère28(*) ? Notons que le choix des alliés (transport, énergie) est symptomatique de l'importance consentie à l'enjeu climatique. Ainsi, l'Agriculture demeure séparée de l'Environnement alors que ce secteur est largement en cause au niveau des impacts infligés à l'eau et à la biodiversité.29(*)

L'indépendance ou le rattachement à d'autres administrations énonce en parallèle la représentation du champ de l'environnement.

Lavoux décrit le parcours du ministère « de la protection de la nature à l'émergence de la qualité de vie » : « Au total, durant ces dix premières années, la France aura inventé ou bricolé une conception de l'environnement originale s'étendant à la qualité de la vie, les paysages, l'écodéveloppement, les nuisances urbaines et qui, ainsi, se distingue du modèle classique de politique sectorielle. » (1999 : 90)

Le thème plutôt social de qualité de vie perdure de 1974 à 1983, phase de ralentissement du taux de croissance économique (suivant les chocs pétroliers) et d'aboutissement de la période d'urbanisation intensive30(*) de la France. Le thème de prévention des risques technologiques et naturels majeurs s'installe de 1984 à 1990, période d'accidents et d'enjeux mondiaux fortement médiatisés (voir supra). Par contraste, le thème moins accessible de développement durable31(*) n'intègre l'intitulé du ME qu'à partir de 2002 - et toujours accompagné de la mention à la mode d'écologie.

L'instabilité de l'administration de l'environnement au sein du gouvernement symbolise la recherche d'une juste place à une thématique hétérogène. Si elle lui confère une certaine richesse par le contact avec diverses administrations, elle nécessite également un effort d'adaptation continu et ralentissant. Ainsi, plusieurs experts se sont exprimés sur ce point lors d'une journée d'étude sur « l'expérience du ministère de l'Environnement et du Cadre de Vie » : « Les ministères protéiformes changent avec chaque gouvernement, ce qui est très mauvais pour l'efficacité de l'appareil institutionnel et pour l'image de la France. » (Comité d'histoire du ministère 2007 : 39, 82)

Les changements symboliques de la structure ministérielle évoquent en ce sens le « tout changer pour que rien ne change » de certains jeux successifs de substitution d'instruments. (Lascoumes et Le Galès 2004 : 364)

3.4. Evolution du budget32(*)

L'ancrage du ME au sein du gouvernement s'accompagne de la croissance de son budget, comme en témoigne le graphique 2.

Cependant, « L'évolution du budget du ministère chargé de l'Environnement au fil du temps reflète (...) aussi les divers transferts institutionnels de compétences entre les ministères et l'intégration dans le budget du ministère d'une partie des dépenses concernant les établissements publics. » (Ifen 2006 : 464) Ceci est particulièrement reflété par l'apparente augmentation de 100 % en 1999, due en réalité à l'inclusion de la budgétisation de l'ADEME. De même, afin de ne pas fausser l'image de l'évolution, nous avons exclu du graphique les 10 milliards d'euros du budget 2008 comprenant les larges dotations d'administrations précédemment séparées de l'Environnement.

Graphique 2

Source des données : divers rapports émanant du ME.

Les évaluations des vingt-cinq premières années d'administration et de politiques environnementales en France s'accordent pour constater l'inconséquence des moyens budgétaires :

« Dès le programme des cent mesures en 1970, les limitations budgétaires ont pesé de façon considérable sur l'action environnementale. Déjà il fallait innover à moyens constants, c'est-à-dire sans engager de nouvelles dépenses publiques. Le même principe a prévalu en 1991 dans la mesure où la création des DIREN a été davantage accompagnée de redéploiements budgétaires que d'investissements nouveaux. » (Lascoumes 1999 : 18)

Or, si le manque de moyens financiers spécifiques33(*) du ME peut être justifié à ses débuts par sa mission de coordination, cet argument ne tient plus la route au début des années 90 lors de sa consolidation. Par comparaison, après les années de crise économique, « le budget affecté à l'environnement a continué à subir des mesures de régulation au moment où l'investissement redémarrait sensiblement dans les pays voisins (milieu des années 80) ». (Theys 1998 : 26)

La courbe du graphique indique que le budget du ME a connu une croissance plus importante à partir des années 2000. Mais en 2006, avec un budget équivalant à 0,4 % du budget civil de l'Etat, le ME est placé en avant-dernière position de l'échelon gouvernemental.

3.5. Evolution des ressources humaines

Une évolution similaire à celle du budget peut être constatée au niveau des effectifs du ME : de 257 agents (+ 388 mis à disposition par les autres ministères) en 1971 à 3600 en 2004. Mais la croissance en ressources humaines s'est opérée sans aboutir à la formation d'un corps homogène de fonctionnaires.

Marie-Christine Kessler analyse les causes de ce manquement. On retrouve un enchaînement lié à l'hétérogénéité de la thématique environnementale et à la fonction première d'administration de mission. En effet, à sa création, le ME hérite des ressources humaines de la DGPN et de fonctionnaires ayant travaillé au niveau de l'environnement au sein de la DATAR et d'autres administrations. Or, « L'hétérogénéité de personnels est peu propice à l'éclosion d'une culture propre, à caractère environnementaliste, c'est-à-dire proche de la nature, de l'écologie, respectant les finalités du bien public, de la santé, de l'équilibre naturel plus que celles des professions impliquées. » (1999 : 73)

De nombreux auteurs, souvent d'anciens fonctionnaires, soulignent les incidences de la gestion du ME par les grands corps techniques traditionnels - c'est-à-dire par les ingénieurs des Mines, les ingénieurs des Ponts et Chaussées et les ingénieurs du Génie Rural des Eaux et des Forêts (GREF). En effet, « Chaque partenaire important [les ministères sectoriels qui détiennent des compétences en rapport avec l'environnement] du ME dispose de son homologue corporatif au sein du ME (sauf le ministère de la Santé Publique). » (Chabasaon et Larrue 1998 : 69) :

· Incidences au niveau des études d'impact :

« L'élaboration des documents d'urbanisme a d'abord été confiée à la tutelle des architectes puis à celle du Corps des Ponts et Chaussées. Ni les uns, ni les autres n'ont, par leurs formations, une sensibilité particulière à l'environnement. » (Falque 1998 : 40)

· Incidences au niveau de la politique agricole :

« Les ingénieurs du GREF étaient un peu préparés aux problèmes d'environnement et aux problèmes biologiques, mais étaient quand même influencés par le système intensif plutôt qu'extensif. Par conséquent, ils avaient eux aussi du mal à concilier les exigences d'environnement avec les exigences de l'agriculture. » (Chambolle 1994-95 : 8)

Chambolle fait également ressortir les incidences de la gestion par le corps des Mines sur la politique de l'air. Nous intégrons son témoignage dans le chapitre sur les instruments car il résume les mutations de cette politique au cours des quarante dernières années.

Si la structure du ME a propulsé l'emprise des technocrates sur les politiques environnementales, nous soutenons qu'inversement, les grands corps pèsent comme des lobbies sur l'échafaudage gouvernemental. Ainsi, lors de l'allocution de clôture d'une journée d'études stratégique34(*), le vice-président du conseil général des Ponts et Chaussées, Claude Martinand, promeut la construction d'un ministère associant environnement, aménagement du territoire, énergie et transports (Comité d'histoire du ministère 2007 : 84) - soit précisément la structure pour laquelle opte le gouvernement de Nicolas Sarkozy en juin 2007 ! Lorsque l'environnement est porteur d'enjeux importants, notamment économiques avec les politiques de lutte contre le changement climatique, il est opportun d'y être institutionnellement associé. Si le secteur associatif a certes insufflé une phase d'impulsion (voir supra), force est de constater que les technocrates en dirigent l'orientation.

En effet, par comparaison, le Pacte écologique de Nicolas Hulot écarte la voie d'un grand ministère du Développement Durable regroupant l'environnement, l'aménagement du territoire, l'équipement et les transports. « L'environnement doit rester l'objet d'un ministère spécifique avec ses missions traditionnelles (gestion des espaces et des ressources naturelles, protection de la faune et de la flore, risques majeurs, pollutions et nuisances). (...) il faut que la mer et la pêche, l'aménagement rural, les rivières et les eaux souterraines, les forêts lui soient également confiées. » (Hulot 2007 : 199-208) On voit quel cas il sera fait de ces recommandations. De plus, l'eau et la mer, dont la gestion économique est entre les mains de lobbies à profil environnemental bas, seront deux thématiques occultées par le Grenelle (voir infra).

II - Evolution des problématiques environnementales

Une approche par les problématiques est une approche globalisante. En effet, placer le problème au centre de l'analyse en fait ressortir les principaux points d'ancrage : la perception, ou manière de concevoir le problème ; les sources d'impact, ou causes du problème ; le progrès technologique, ou solution au problème.

Une lecture des grands rapports internationaux (AEE 2005, OCDE 1997, PNUE 2002 et 2007) offre une vision mondiale des changements, sur laquelle nous nous sommes basés pour vérifier la spécificité de la situation française au travers des rapports sur l'état de l'environnement national (ME, OCDE, Ifen). Certains points ont nécessité l'usage intensif d'ouvrages spécifiques, auquel cas ils seront précisés.

1. Mutations de la perception des problématiques

L'évolution des politiques environnementales en France s'intègre dans un schéma plus large, européen et mondial, de mutations de la perception des problématiques. Notre analyse au niveau mondial (voir annexe n° 4) montre que les grands sommets des Nations Unies (Stockholm en 1972, Rio en 1992 et Johannesbourg en 2002) propulsent et accompagnent ces changements. Nous synthétisons les principaux paradigmes en mouvement dans le tableau 2, ci-dessous, et déclinons les différents niveaux de perception ci-après. Les constatations aux niveaux des pressions et des réponses sont approfondies au fil de ce chapitre, sauf les instruments auxquels nous consacrons le chapitre 3.

Notons que dans ce cadre, l'analyse du second niveau du schéma Pressions - Etat - Réponses (schéma PER de l'OCDE) (voir supra) ne nous semble pas approprié, en effet, « Les conséquences des actes destructeurs sont la plupart du temps peu perceptibles ou apparaissent longtemps après. (...) Le milieu du XXe siècle s'est illustré par la folie des grandeurs des planificateurs et les bombes nucléaires dans l'atmosphère. Pourtant, ni les mouvements ni la conscience écologiques n'ont vu le jour à cette époque. Il y a déconnexion historique entre les deux phénomènes. » (Bozonnet 2003)

Tableau 2

MUTATIONS DE LA PERCEPTION des problÉmATIQUEs environnementALES

NIVEAUX DE PERCEPTION

Décennie 70 - début 80

Fin 80 - décennie 2000

ENJEUX

Dimension philosophique

institutionnalisation

mondialisation

Niveaux géographiques

local à régional

mondial

Thématiques

compartiments biophysiques :

flore et faune, air, eau, ...

pluies acides

couche d'ozone

changement climatique

biodiversité

OGM

VALEURS

Rapport social

conflictuel

consensuel

Appropriation

minoritaire

majoritaire

Cohérence du discours

forte

faible

PRESSIONS

Responsabilité

production

consommation

Sources

ponctuelles

fixes

diffuses

mobiles

RÉPONSES

Rapport entre économie et environnement

environnement > < économie

Club de Rome (1972) :

Halte à la croissance ?

intégration

(développement durable)

CMED (1987) :

Notre avenir à tous

Technologie

recherche

processus

recherche et application

produits

Instruments

législatifs et réglementaires

économiques et fiscaux

législatifs et réglementaires

économiques et fiscaux conventionnels et incitatifs

informatifs et communicationnels

normes et standards

méta-instruments de coordination

1.1. Les enjeux

Notion hétérogène et complexe, l'environnement englobe différentes thématiques et approches selon les époques et les acteurs qui se l'approprient. Nous proposons une lecture en deux temps de la construction de la dimension philosophique : l'institutionnalisation du domaine de l'environnement, qui prend place au cours des années 70 et début 80, suivi du processus de mondialisation des enjeux à partir de la fin des années 80 (voir infra).

Nous traiterons le processus d'institutionnalisation en présentant les prémices et l'émergence du concept d'environnement ainsi que les divergences de points de vue au tournant des années 70. L'ouvrage de Florian Charvolin (2003), L'invention de l'environnement en France, nous guidera dans cette étude. Nous présenterons ensuite les mutations des enjeux résultant du processus d'institutionnalisation au travers de l'analyse d'un rapport prospectif de 1970, Pour une politique de l'environnement (Cousin et Garnier).

Comme transition au processus de mondialisation des enjeux, nous analyserons en profondeur la mutation perceptuelle de deux thématiques en l'espace de quarante ans : la croissance démographique et le changement climatique, inéluctablement lié au thème du nucléaire en France. Nous comparerons les positions de Jean Dorst, l'un des premiers scientifiques à adresser ce type de problématiques, à celles recensées dans plusieurs rapports administratifs au fil du temps.

Nous décrirons enfin le processus de mondialisation des enjeux au travers du parallèle entre les niveaux géographiques et les thématiques.

1.1.1. Institutionnalisation des enjeux

Une première tentative d'assemblage des connaissances hétérogènes en matière de pollution démarre en 1964 sous la direction de Jean-Antoine Ternisien. Commandé par la Direction Générale de la Recherche Scientifique et Technique (DGRST), Les pollutions et nuisances d'origine industrielle et urbaine (deux tomes : 1966 et 1967) ne se penche que sur quatre compartiments au niveau local : l'air, l'eau, l'hygiène alimentaire et le bruit. Le rapport de Ternisien reflète une approche anthropocentrique - il qualifie les compartiments de « milieux inhalés, ingérés et acoustiques » - et « une philosophie industrialiste du progrès ». « Politiquement, l'option industrialiste va rapidement être concurrencée par une dénonciation du technocratisme par certains milieux naturalistes puis écologistes ». (Charvolin 2003)

C'est véritablement au tournant des années '70 que la notion d'environnement émerge et se stabilise : « Globalement, une homogénéité de contenu se dégage des ouvrages de synthèse de cette période. On dispose des mêmes thèmes dans 2000 que dans les ouvrages d'Edouard Bonnefous, de Jean Dorst ou de Philippe Saint-Marc. » Mais si les thèmes nature et environnement disposent à peu près des mêmes compartiments, « des systèmes s'affrontent sur des positions morales différentes dont témoignent les engagements politiques d'une partie des auteurs des ouvrages cités. » (Charvolin 2003) Aujourd'hui, le terme écologie, plus usité que celui d'environnement en France, sert de trait d'union entre ces affrontements idéologiques.

Si la notion globale d'environnement n'a pas fondamentalement changé depuis sa stabilisation au tournant des années 70, certaines de ses composantes se sont effacées et d'autres ont gagné du terrain. De manière schématique, différencions comme Serge Antoine la dimension philosophique de l'environnement et le cadre de la gestion de l'environnement. (Antoine 1992 : 26) L'évolution des compétences du ME nous apprend que le cadre de la gestion, largement marqué par la politique, demeure instable (voir supra). Nous tenterons ci-dessous de présenter l'évolution de la dimension philosophique de l'environnement, telle que se l'est appropriée le domaine politico-administratif. Pour ce faire, nous proposons d'analyser le rapport Pour une politique de l'environnement, réalisé en préparation d'un Livre Blanc sur l'environnement et publié dans 2000, la revue de l'aménagement du territoire. (Cousin et Garnier 1970 : 10-26) Précisons que notre démarche n'est pas exhaustive mais globalisante.

La première impression que laisse la lecture du rapport Pour une politique de l'environnement est celle de la lucidité des auteurs, à la fois au niveau des problèmes soulevés, de l'exercice de prospective sur 20 ou 30 ans (pronostiques démographiques mis à part) et des solutions avancées. Nous rapportons l'exemple le plus frappant, où l'on retrouve les trois bases du développement durable : « Mettre en oeuvre une politique de l'environnement, c'est faire en sorte que le progrès économique continue d'engendrer le progrès social et que la croissance économique ne soit pas un leurre. » (Cousin et Garnier 1970 : 26) Cette conscience reflète l'effervescence intellectuelle autour de la question de l'environnement, qui caractérise le tournant des années 70.

La seconde impression est celle d'une dimension environnementale bien plus large qu'aujourd'hui, si l'on exclut les enjeux mondiaux émergeant vers la fin des années 80 (voir infra). On retrouve les compartiments de base (sols, eaux, air, espèces et habitats, déchets, bruit) et les secteurs classiques (tourisme, transports ou « encombrements », santé ou « effets pathogènes », mais aussi agriculture au travers de la pollution par les engrais et les pesticides ainsi que de la nécessité de planter des haies !). Au-delà, on est surpris de constater l'inclusion du « paysage urbain », notamment au travers de la matière architecturale des « formes et couleurs », du thème aujourd'hui éminemment social de la « reconquête des banlieues » et du concept philosophique de « milieu psychique ». Sur ce point, nous rapportons une citation extraordinaire qui semblerait mieux s'insérer dans Le meilleur des mondes de Aldous Huxley que dans un rapport administratif :

« Monde de l'asphalte et du béton, la ville est à l'homme, qui s'en échappe de plus en plus difficilement, une prison. Enfermé dans les murs, celui-ci ne perçoit plus le rythme des saisons, à peine l'alternance du jour et de la nuit. L'espace dévolu à chacun, dans les habitations, les lieux de travail et les transports, ne suffit plus à cette liberté de mouvement et d'allure au travers de laquelle s'expriment physiquement l'autonomie et la personnalité. » (Cousin et Garnier 1970 : 14)

La largesse de la perception de la dimension environnementale peut être connectée à l'influence des fonctionnaires de la DATAR sur l'émergence du concept en France (voir supra). Le rapport prétend clairement que « l'aménagement du territoire est inséparable, pour l'Etat, d'une politique de l'environnement ». Cette influence se ressent au niveau des solutions préconisées : la planification au travers de « l'étude des vocations » des espaces, des « densités » de population, la « maîtrise des techniques » (notamment : les techniques de pêche pour éviter de détruire les fonds marins !), mais aussi les instruments réglementaires et incitatifs (« nouvelle affectation de certaines subventions », « octroi de conditions d'emprunt préférentielles »).

Si administrer l'ensemble de ces facteurs sociétaux exigerait, soit une gestion interministérielle optimale (solution envisagée en 1970), soit un ME encore plus étendu que celui créé en 2007 (voir supra), la réalité politique conduit à une nette réduction des ambitions affichées par ce rapport. L'analyse par Charvolin de la construction du Programme des cent mesures pour l'environnement - introduit en mai 1970, à quelques jours d'intervalle du rapport prospectif, et approuvé en juin - met en lumière l'invention du domaine institutionnel de l'environnement au travers du « recyclage » des politiques publiques et des jeux de pouvoirs institutionnels (voir annexe n° 5). En ce sens, l'outil pratique que représente le programme domine l'outil intellectuel que représente la prospective. Mais de manière plus étendue au cours des années 70 et début 80, le domaine de l'environnement subit une refonte de son contenu au travers de l'évolution des compétences administratives du ME (voir supra).

En définitive, la conceptualisation façonnée par l'Etat s'opère à différents rythmes et selon différents modes d'institutionnalisation.

« Cette façon, toute administrative, de sommer des composantes dans une totalité, est également au principe même de l'acception actuelle de sens commun de l'environnement. L'environnement se définit comme un domaine abstrait, à la manière dont la puissance publique met en forme ses champs d'intervention, ce qui tend à confirmer l'hypothèse selon laquelle il désigne essentiellement la Nature saisie par l'État. » (Charvolin 2005)

1.1.2. Thématiques en mutation

1.1.2.1. Croissance démographique : une thématique en décroissance

Il est essentiel de replacer l'enjeu que représente la croissance démographique dans les contextes respectifs de chaque époque. En quarante ans, la diminution de la fécondité et l'augmentation de l'espérance de vie ont entraîné une baisse du taux de croissance ainsi que des changements dans la structure d'âge de la population. La France, comme la plupart des pays industrialisés, est ainsi passée du baby-boom au papy-boom.

Dans Avant que nature ne meure, le biologiste Jean Dorst estime que « le problème de la surpopulation est le plus angoissant de tous ceux auxquels nous avons à faire face dans les temps modernes ». (1964 : 169) Ces préoccupations malthusiennes se retrouvent au niveau international, notamment dans La bombe P de l'entomologiste américain Paul R. Ehrlich (1968), et dans Halte à la croissance ? du Club de Rome (1972). Les prévisions alarmistes ne s'étant pas confirmées, les grandes organisations internationales s'accordent de nos jours pour nuancer les effets sur l'environnement de la croissance démographique et à souligner ceux de la consommation.

Au niveau gouvernemental, le rapport Pour une politique de l'environnement de 1970 pronostique également une évolution démographique qui dépasse largement le constat actuel (59 millions de Français en l'an 2000, en comparaison à la prévision de 65 à 75 millions). Le rapport souligne les répercussions de l'entassement (terme plus aménagiste) sur l'augmentation des impacts provenant des loisirs et du tourisme. (Cousin et Garnier 1970 : 11-12) Le dernier rapport de l'Ifen sur l'Environnement en France aborde également conjointement les thèmes de la démographie et du tourisme mais sous un autre angle, à savoir celui du vieillissement de la population et « le double tropisme du rivage et du soleil » qui en résulte. (2006 : 28-29)

1.1.2.2. Changement climatique et nucléaire : des thématiques en valorisation

De nouveau, précisons le contexte en regard des émissions de CO2, lié à la particularité de la situation énergétique française. Suite essentiellement au développement massif de l'énergie nucléaire dans les années 80 (graphique 3), la France est parvenue à stabiliser ses émissions de C02 au niveau de 1985 (annexe n° 6 a).

Si Dorst aborde la question du changement climatique35(*), il ne la place pas parmi « les grands dangers qui menacent l'homme et la nature dans le monde moderne ». Notons au passage qu'il aborde également la question de la destruction de la couche d'ozone. Nous restituons un passage qui, sans le nommer, invoque le principe de précaution : « Nous n'avons aucune certitude scientifique à leur [les perturbations de l'atmosphère] sujet ; mais nous n'avons pas le droit de courir ce risque avant d'avoir procédé à de méticuleuses vérifications précédant la mise en oeuvre de processus aussi potentiellement destructeurs. » (Dorst 1964 : 352) Notons que le principe de précaution, de même que les autres grands principes (action préventive, pollueur-payeur, participation) ne sont réglementés qu'en 1995, au travers de la loi Barnier.

Le rapport Pour une politique de l'environnement n'évoque pas le changement climatique, mais nous avons par contre trouvé mention du sujet dans l'Evaluation de l'environnement ; rapport provisoire du Groupe interministériel d'évaluation de l'environnement (GIEE) de 1973. Il en ressort principalement des interrogations, notamment concernant les risques liés au greenhouse effect - le fait qu'effet de serre soit écrit en anglais dans le texte en dit long. A l'inverse de Dorst, le GIEE voit dans l'incertitude scientifique un laissez-passer à la poursuite du développement énergétique. De plus, on avance déjà l'argument de la substitution des combustibles fossiles par le nucléaire. En résulterait « une moindre croissance, voire une diminution absolue [(sic !)] des rejets de SOx, NOx, poussières, hydrocarbones... » Quant aux préoccupations face à la pollution radioactive, le GIEE avance les progrès escomptés de la technologie nucléaire. (GIEE 1973 : 250-251) On sent là les travers de la gestion interministérielle, quoique le soutien majoritaire de la population au nucléaire (armement et énergie) disculpe partiellement le GIEE.

Graphique 3

(1) Y compris le pompage. Par convention, les productions éolienne et photovoltaïque sont ajoutées à la production hydraulique.

(p) Données provisoires.

Source des données : Insee, Tableaux de l'Économie Française - Édition 2007.

En effet, « le nucléaire est mis en avant depuis de nombreuses années, notamment pour accroître l'indépendance énergétique du pays, pourtant dépourvu de ressources d'énergies fossiles. Ainsi, le taux d'indépendance énergétique de la France est passé de 26% en 1973 à 50% aujourd'hui, et sans le nucléaire, cette indépendance serait de 7%. » (EurActiv 07/02/08) Alors que vers la fin des années 70, le mouvement écologiste se rassemble autour de la lutte antinucléaire, c'est véritablement après l'accident de Tchernobyl (1986) et l'occultation par les pouvoirs publics français des risques encourus au niveau national que l'opinion publique se crispe face à l'enjeu du nucléaire - au-delà de contestations localisées de type NIMBY (centrales et déchets). EDF change alors de stratégie et entame une communication plus transparente qui apaise les esprits et réamorce un soutien majoritaire pour le nucléaire au début des années 90. (Bess 2003 : 107-109) Les pouvoirs publics mettent alors à profit les négociations autour de la CCNUCC pour positiver l'image de l'énergie nucléaire. D'un mal nécessaire, le nucléaire devient un allié de la lutte contre le changement climatique36(*), voir même de la croissance. « Non seulement le nucléaire est déclaré propre mais il permet d'économiser, voire de revendre des droits à polluer. L'enjeu, au travers de ce verdissement, est de faire du nucléaire un élément banalisé de la politique énergétique. Peut-être même un peu plus : le nucléaire étant déclaré non polluant au regard des GES, il a toute sa place dans le cadre du développement durable. » (Rymarski 2003) Le nucléaire devient également un alibi pour maintenir la part d'énergie nucléaire produite et accessoirement réduire les dépenses en matière d'énergie renouvelable. Ainsi, dans le cadre de la présidence de l'UE de juillet à décembre 2008, le gouvernement français se mobilise pour que les objectifs assignés à chaque Etat membre en matière d'énergie renouvelable intègrent le bilan non carboné. Or le bilan de la France est particulièrement bon en raison de l'origine de la production d'énergie nucléaire. (Représentation Permanente de la France auprès de l'UE, 05/02/08) Par contre, en matière de politique environnementale nationale, le Grenelle néglige magistralement le thème du nucléaire, sur lequel Sarkozy n'a aucune intention de négocier.

Le lien entre transports et émissions de CO2 est en revanche moins volontiers souligné. Il ne l'est pas dans le rapport du GIEE de 1973, et il ne l'est toujours pas dans l'Etat de l'environnement de 1990. Ainsi, le tableau sur les « effets des principaux modes de transports sur l'environnement » ne mentionne nullement les émissions des CO2 ou le changement climatique. Si deux pages sont pourtant consacrées au réchauffement de l'atmosphère, les réponses nécessaires au niveau sectoriel ne sont pas incorporées. (ME 1991 : 47, 162-163)

Au niveau des émissions de CO2, cette différence de politique sectorielle conduit à une multiplication par 5 de la part de responsabilité des transports routiers entre 1960 et 2005, tandis que la part du secteur de la transformation d'énergie diminue de 22 à 13 % (voir annexe n° 6 b).

De manière générale, Knoepfel note la quasi-absence de politique publique pour réduire les sources mobiles d'émissions dans l'air, à contrario des sources fixes. (1998 : 167) Dix ans plus tard, le Grenelle prétend verdir les transports (voir infra) pour répondre au défi climatique qui est placé au premier plan des préoccupations environnementales. Nous verrons que cette évolution fait également partie d'une mutation globale de la perception des pressions et des réponses.

En conclusion à l'évolution de la thématique du changement climatique, nous rapportons la remarque de Lascoumes : « Ce qui apparaissait comme l'utopie catastrophiste de quelques écologistes à la fin des années 1960 s'est ainsi transformée dans un temps record (moins de trente ans) en une menace de mieux en mieux objectivisée et qui suscite une mobilisation internationale sans précédent. » (2007 : 48)

1.1.3. La mondialisation des enjeux

Au début des années 70, les préoccupations se focalisent sur des problèmes ponctuels de conservation et de pollution, au niveau essentiellement local, voir régional avec les pluies acides. A la fin des années 80, le trou dans la couche d'ozone représente le premier problème environnemental à susciter l'action de la communauté internationale. Au début des années 90, des problèmes de plus en plus complexes prennent le devant de la scène : le changement climatique, la biodiversité, les OGM. Caractérisées par la globalité, l'incertitude scientifique, la variété et la multiplication des sources de pression, ces thématiques nécessitent une gestion plus élaborée.

Ainsi, le PNUE note le contraste entre la rapidité de la réaction de la communauté internationale face au problème des émissions portant atteinte à la couche d'ozone (application du principe de précaution), et le manque d'urgence dans la réponse face au changement climatique.

« Les négociations sur le protocole de Montréal tombèrent à point nommé. Pendant les années 1980, le public était devenu de plus en plus préoccupé par l'état de l'environnement naturel, et les illustrations spectaculaires du trou de l'ozone au-dessus de l'Antarctique avaient démontré les effets des activités humaines. Le nombre d'acteurs clés impliqués dans les négociations étant petit, un accord put être obtenu plus facilement. D'autre part, un rôle clair de leader fut exercé, d'abord par les États-Unis, puis par l'Union européenne. (...) Après la CCNUCC en 1992, le protocole de Kyoto s'est déroulé à un moment moins opportun puisqu'il coïncidait avec un affaiblissement de l'intérêt public et politique pour les questions environnementales mondiales, au milieu des années 1990. Les principales parties prenantes étaient nombreuses et une opposition puissante dans certains secteurs rendit l'entente difficile. » (PNUE 2007 : 74)

En France, l'évolution parallèle des niveaux géographique et thématique ainsi que la complexification des enjeux peut être illustrée par les exemples des émissions polluantes dans l'air et de la protection de la nature.

Peter Knoepfel (1998) délimite la lutte française contre la pollution atmosphérique de la façon suivante :

· première génération : les poussières et les fumées noires (années 60 et début 80)

· deuxième génération : le dioxyde de souffre (années 70 et 80)

· troisième génération : l'oxyde d'azote (années 80 et 90)

(Knoepfel 1998 :168)

Nous pourrions compléter ainsi cette classification :

· quatrième génération : les particules et l'ozone (années 90 et 2000)

· cinquième génération : le dioxyde de carbone (années 90, 2000 et au-delà)

Nous retrouvons les mutations géographiques et thématiques des enjeux, de plus en plus difficiles à gérer : d'exclusivement locaux (fumées noires) à régionaux (pluies acides) et enfin mondiaux (changement climatique).

De la conservation locale de la faune et des paysages, on est passé au concept régional de maillage ou de réseau d'écosystèmes à celui, mondial, de biodiversité (néologisme qui date d'ailleurs seulement des années 80). (OCDE 1997 : 136) Or, rétrospectivement, nous devons constater que malgré une conservation réussie des espaces37(*), la perte de la biodiversité se poursuit plus rapidement que dans le passé. Outre la complexité de l'enjeu, les pressions de la croissance et de l'urbanisation ainsi que le manque d'intérêt économique pour adopter des politiques fortes expliquent entre autres ce paradoxe. Nous souhaitons souligner un problème majeur : l'opinion publique ne s'approprie plus la thématique.

Au travers des Eurobaromètres spéciaux relatifs à des enquêtes en 1982 (premier en date disponible sur internet), 1988 et 2007, nous avons tenté de définir les fluctuations de la préoccupation de l'opinion publique française pour la disparition des espèces au cours des 30 dernières années. Malheureusement, les données ne sont pas comparables car la question en 2007 est très différente de celle posée en 1982 et 1988. On peut malgré tout définir deux tendances : une hausse de la préoccupation en 1988, suivie d'une baisse de la préoccupation en 2007. Nous relions la hausse de la fin des années 80 à une forte médiatisation d'espèces charismatiques menacées de disparition et de problèmes tels que la déforestation ou la pollution des mers et des océans. Quant à la baisse de la fin des années 2000, nous l'attachons notamment au changement sémantique qui relègue la thématique au domaine exclusif des scientifiques et d'une minorité d'érudits.

Nous observons ainsi une évolution inverse au niveau de l'appropriation sémantique des concepts de nature et d'environnement. Tandis que les composantes de la nature se complexifient avec l'invention de la biodiversité, l'environnement se popularise avec son institutionnalisation.

1.2. Les valeurs

Nous puisons notre inspiration sur la perception des valeurs environnementales de l'article de Bozonnet sur le « Verdissement de l'opinion publique ». Selon l'auteur, l'appropriation de l'écologisme dans les pays occidentaux se traduit par une « part majoritaire de la population qui accepte du bout des lèvres un environnementalisme minimal : les valeurs écologistes, enjeu consensuel et non plus conflictuel, recueillent désormais l'accord général. Ecologisme élargi mais aussi affadi, sans conséquence sur l'action, adopté du seul fait de la pression sociale et vécu par procuration. » (Bozonnet 2003)

Si nous adhérons à l'analyse globale de l'auteur, nous proposons de nuancer le point de vue sur le manque d'application de l'écologisme. Il nous semble que de nos jours, le problème se pose moins en termes d'action que de consommation. Fournissons l'exemple particulièrement représentatif des déchets, extrait de l'étude de l'Insee sur les Pratiques environnementales des ménages : « Majoritairement soucieux de la gestion des déchets lorsqu'ils sont produits, les ménages semblent en revanche moins concernés par leur réduction à la source : 17 % seulement déclarent faire attention lors de leurs achats à la quantité de déchets qu'ils génèreront. » (Insee 2007) 

Annulant globalement les effets des améliorations pratiques, les pressions suscitées par une consommation croissante engendrent une incohérence du discours majoritaire. En comparaison, durant les décennies 70 et 80 la responsabilité environnementale pèse moins sur le consommateur que sur l'unité de production. Cette mutation multidimensionnelle se traduit dans le tableau 2 par le rapport inverse entre appropriation des valeurs et cohérence du discours.

Au-delà des causalités liées aux pressions des activités humaines, penchons nous sur les causalités liées aux réponses pour élucider le paradoxe relevé ci-dessus.

Une brève observation du tableau 2 permet d'établir une correspondance entre le rapport social et le rapport économique à l'environnement. Aux deux niveaux d'analyse, les conflits deviennent consensus par le biais de l'intégration - sociale au travers de l'appropriation majoritaire des valeurs ; économique au travers de la théorisation du développement durable.38(*) Ces mutations calquent deux tendances antagonistes qui révèlent la complexité du processus d'appropriation des valeurs environnementales :

· Vers la fin des années 60, la disponibilité croissante des besoins de base provoque une transition de valeurs matérielles vers des valeurs post-matérielles (théorie de Ronald Inglehart, voir supra). Avec le recul, il nous semble que cette mutation du système des valeurs est le principal intérêt de l'effervescence des années 70. Ainsi, malgré les fluctuations liées aux aléas conjoncturels, l'écologisme s'est maintenu jusqu'aujourd'hui, et d'aucuns parlent du 21ème siècle comme le siècle de l'écologie.

· En parallèle, la consolidation de la société de consommation a orienté le système de valeurs vers une approbation de la jouissance matérielle, dont nous verrons les débordements au chapitre 2.

Le rapport de force entre ces mouvements contradictoires a mené à une assimilation superficielle des valeurs environnementales - notamment liée à une piètre intégration de l'environnement dans l'éducation. Dans ce contexte, l'ambition affichée par le Président Pompidou en 1970 de « créer et répandre une sorte de morale de l'environnement »39(*) n'a été qu'à moitié accomplie.

1.3. Les pressions

Les rapports des grandes organisations internationales (AEE 2005, OCDE 1997, PNUE 2002 et 2007) soulignent les basculements nécessaires pour parvenir à construire le développement durable.

Au niveau des pressions, une gestion prioritairement axée sur les problèmes les plus flagrants a conduit à une réduction de la part de pollution provenant de ces sources, tout en révélant la part de pollution provenant de problèmes moins visibles. Cette évolution se traduit par la mutation perceptuelle des urgences à gérer. Ainsi, pour la pollution de l'air on passe des sources fixes (industrie et énergie) aux sources mobiles (transports). Pour la pollution de l'eau, on passe des sources ponctuelles (industrie et collectivités locales) aux sources diffuses (agriculture). Or, les nouvelles préoccupations paraissent plus complexes à gérer : les sources mobiles en raison de leur multiplicité et de leur lien direct avec les consommateurs ; les sources diffuses en raison du renversement perceptuel à opérer, de l'agriculture productiviste à l'agriculture raisonnée, voir durable (voir infra).

D'un point de vue plus global, la responsabilité passe des producteurs aux consommateurs en raison de l'évolution inverse de leurs pressions respectives sur l'environnement (voir infra). Cela débute au début des années 90 avec l'initiation au recyclage des déchets ménagers, et se poursuit de nos jours avec la sensibilisation des citoyens aux gestes pour économiser l'énergie.

Notons que dans l'esprit de Mai 68, la société de consommation est remise en cause pour l'aliénation qu'elle impose à l'individu, et non pour l'impact qu'elle induit à la planète. On peut cependant y voir le terreau de la critique écologiste. (Bess 2003 : 79-80)

En avance sur son temps, la déclaration de Cocoyac40(*) préconise en 1974 la nécessité « de nouveaux modes de vie, et notamment, parmi les riches, de modes plus modestes de consommation ». En plus de la dimension matérielle, les organisations internationales se penchent de nos jours sur la dimension philosophique du problème. Ainsi, le PNUE constate que la consommation de ressources est la cause principale de dégradation de l'environnement. Pour y remédier, il faudrait « par un changement de valeurs, que l'on renonce à privilégier la consommation matérielle. Sans un tel changement, les politiques de l'environnement ne donneront que des améliorations minimes. » (PNUE 2002 : XXIX) Ayant commenté la dimension philosophique au point 1.2, penchons-nous un instant sur la dimension matérielle.

Si la tertiarisation des économies des pays industrialisés permettrait certes de réduire la note d'une dématérialisation de la consommation, il n'en est pas de même pour les pays en voie de développement qui ont repris une part substantielle de nos efforts de production et dont les économies dépendent largement de la consommation mondiale de biens matériels. Face à ce constat, on imagine difficilement comment dématérialiser la consommation sans remettre en question le soubassement économique de la société, à moins d'attendre que les PVD aient connu une évolution similaire à la notre - ce qui ne serait pas viable pour la planète en terme de ressources.

Jusqu'ici largement ignorée par les pouvoirs publics, la problématique a obtenu une place privilégiée lors du Grenelle (phase 1 : dialogue et élaboration des propositions). Un des six groupes de travail thématiques avait en effet comme sujet adopter des modes de production et de consommation durables - bien qu'en considérant essentiellement l'application au secteur agricole. Cependant, si « le Grenelle prend acte de la finitude de la biosphère », « dans le même temps, il a du mal à tirer toutes les leçons de ce constat et à envisager les changements radicaux de modes de vie et de société que cela implique. » (Bourg 2007 : 67)

1.4. Les réponses

La mutation de la perception du rapport entre économie et environnement ressort au travers des rapports Meadows (1972) et Brundtland (1987). De manière synthétique, alors qu'en 1972 les sphères économie et environnement sont opposées, elles s'intègrent mutuellement en 1987, ce qui se traduit notamment par l'essor des éco-industries. Nous développons au point 2.1 la vision subséquente des grandes organisations internationales au tournant du 21ième siècle.

Notons que la perception de l'ampleur de l'intersection entre les deux sphères, voir de la domination de l'une sur l'autre, varie largement selon les auteurs. Nous soutenons globalement l'idée selon laquelle « ce double réajustement irait dans le sens d'une remise en ordre permettant de poursuivre l'orientation générale du système, largement subordonnée aux objectifs de croissance économique, mais au surplus accommodée avec les principes d'un développement durable. » (Rumpala 1999 : 51)

L'application de ce constat se dessine au travers des choix pour réduire les pressions. Ainsi, si la définition du domaine de l'environnement a évolué depuis Ternisien, force est de constater que les solutions apportées demeurent essentiellement de type industrialiste (technologie) et technocratique (instruments), par opposition, par exemple à l'innovation de type sociale et organisationnelle.

Au demeurant, nous verrons au point 3 que l'établissement de normes se fait souvent à posteriori de la découverte de la technologie permettant de réduire les pressions environnementales sans affecter la croissance du secteur concerné. De plus, l'application de la technologie est souvent différée par de nombreux blocages socio-économiques. Ainsi, « Les résultats [d'études] confirment qu'en principe les connaissances et la base technologique permettant de résoudre les problèmes environnementaux existent bien et que si des politiques différentes étaient appliquées immédiatement avec la vigueur voulue elles permettraient effectivement de se placer sur une trajectoire mondiale compatible avec la notion de durabilité. » (PNUE 2002 : XXVIII)

2. Evolution des sources d'impact et des politiques

Nous tenterons de définir si les tendances de ces quarante dernières années présentent une augmentation ou une diminution des principales sources de pressions sur l'environnement. Notre approche de la question est pyramidale. Le sommet est représenté par le moteur du système, soit la croissance ; le milieu accueille les principaux protagonistes, à savoir la production et la consommation ; la base est constituée des divers secteurs économiques. La pression sur l'environnement peut être évaluée plus ou moins précisément selon ces trois niveaux d'analyse.

En plus des rapports internationaux et nationaux sur l'état de l'environnement (voir supra) des recherches rapides sur internet nous ont souvent permis de présenter des évolutions complètes sur quarante ans.

2.1. Croissance économique et environnement : considérations générales

De 1970 à 2005, la croissance du PIB français a atteint 87 %, dont 60 % entre 1970 et 1990 et 27 % entre 1990 et 2005 (calculs à partir de données de l'OCDE).

Le graphique 4 illustre une évolution qui est d'ailleurs propre aux pays industrialisés.

Graphique 4

Source des données : OCDE, Comptes nationaux des pays de l'OCDE - Edition 2006.

Les rétrospectives récentes qui analysent le rapport entre croissance et environnement convergent autour du constat que le modèle économique actuel, en termes de grandeurs et de substrats, n'est pas viable. Ainsi, « c'est la vitesse et l'ampleur de ce développement économique qui menacent l'intégrité des services écologiques qui sous-tendent l'activité économique. L'existence de limites physiques à la poursuite de la croissance économique basée sur l'utilisation des ressources est désormais généralement admise. » (AEE 2005 : 216)

Mais alors que le Club de Rome ne considérait que les tendances néfastes de la croissance économique, de nos jours les grandes organisations internationales soulignent les aspects positifs, par exemple au travers de l'émergence des éco-industries, et privilégient l'intégration de l'environnement dans les divers secteurs économiques (voir infra). La responsabilité est également passée des mains des producteurs à celles des consommateurs.

2.2. Production et consommation

Le dernier Etat de l'environnement confirme au niveau national une tendance constatée au niveau européen par l'AEE et au niveau international par l'OCDE : le découplage entre production et pressions sur l'environnement se confirme, tandis que les pressions liées à la consommation s'intensifient. (Ifen 2006 : 19-20)

Les racines du découplage entre production et pressions remontent au rapport au premier choc pétrolier. En 1974, le rapport Gruson dénonce le gaspillage et avance la nécessité de développer l'efficacité énergétique et le recyclage. Le premier Etat de l'environnement (1976) met clairement en avant le moteur économique des nouvelles mesures d'économie d'énergie et de ressources, en vue de réduire la dépendance de la France en matières premières : « La crise économique, loin de remettre en cause les politiques en faveur de l'environnement, souligne leur utilité et leur nécessité. C'est désormais dans l'intérêt même du développement économique qu'il convient de ménager les ressources naturelles et de les prendre en compte à leur juste valeur. » (ME 1976 : 134) Ce « désormais » traduit une rupture avec les modes de production du passé.

La réduction des pressions s'applique en premier lieu dès le début des années 70 sur les sites de production (énergie et industrie), par le biais de progrès technologiques qui réduisent les consommations d'énergie, de matières et d'eau (éco-efficience), les déchets et les émissions dans l'air et dans l'eau (pressions directes). Elle s'applique en second lieu aux produits (pressions indirectes), avec l'apparition des éco-bilans et des éco-labels vers le début des années 90 (ME 1991-1992 : 69-71). Le tableau 2 synthétise la mutation de la perception des types de réponses technologiques à apporter par le glissement des processus vers les produits.

Ces évolutions, propres aux pays industrialisés, conduisent l'OCDE à percevoir, fin des années 90, trois tendances au sein des pays membres :

· un recul des produits et/ou facteurs de production pesant lourdement sur l'environnement

· une moindre utilisation de certaines ressources environnementales par unité de PIB

· la baisse des niveaux de pollution par unité de PIB

(OCDE 1997 : 59-72)

Nous tempérons cette évaluation globale de la réduction des pressions émanant de la production par deux remarques :

· De grandes évolutions qui ne sont pas liées à la politique environnementale expliquent pour une grande part la réduction des pressions : les restructurations au niveau de l'industrie (sidérurgie) et de l'énergie (centrales thermiques), les délocalisations (les pressions sont elles-mêmes délocalisées), et la tertiarisation progressive de l'économie (essentiellement centrée sur le secteur secondaire au début des années 70, l'économie repose de nos jours pour les trois quarts sur le secteur tertiaire).41(*)

· Le découplage n'apparaît pas simultanément dans tous les secteurs de production. Ainsi, au niveau des intrants agricoles (engrais azotés et pesticides), le découplage apparaît plus tard, entre 1985 et 1994 (voir infra). (OCDE 1997 : 137)

· Au niveau des produits, un accroissement des quantités, lié à l'augmentation du niveau de vie et à l'accélération de la consommation, contrebalance fortement les améliorations qualitatives.

L'intensification des pressions liées à la consommation se constate dans pratiquement tous les domaines. L'Ifen synthétise l'influence du mode de vie des ménages sur l'environnement depuis les années 60 pour trois postes essentiels: le logement, la mobilité et l'alimentation (voir annexe n° 7). La forte augmentation du nombre des ménages et la diminution de leur taille42(*), l'augmentation du niveau de vie et du temps libre, l'offre plus large de produits et de choix43(*) sont quelques unes des causalités de l'intensification des pressions liées à la consommation. Nous en déclinons d'autres au niveau des applications sectorielles ci-après.

2.3. Applications sectorielles

Nous proposons de différencier les secteurs que nous analysons ci-dessous en fonction de leurs impacts en termes de production et de consommation. Nous commencerons par traiter d'un secteur dont l'impact est double : l'énergie. Nous nous pencherons ensuite sur un secteur lié à la production : l'agriculture (le secteur correspondant au niveau de la consommation étant l'alimentation). Nous terminerons par trois secteurs davantage liés à la consommation : les déchets, le tourisme et le transport (routier et de passagers).

2.3.1. Energie

La tendance inverse entre réduction des pressions de production et augmentation des pressions de consommation se manifeste clairement au travers des graphiques relatifs à l'énergie (voir annexe n° 8 et graphique 5 ci-dessous). Nous observons un découplage absolu entre l'intensité énergétique et le PIB et un décalage relatif entre la consommation finale d'énergie et le PIB (graphique 7 a). Or, le premier indicateur dépend essentiellement de l'évolution au niveau des secteurs de production, tandis que le second est également tributaire des évolutions au niveau de la consommation.44(*) Ainsi, l'évolution de la consommation finale d'énergie est très variable en fonction des secteurs économiques (graphique 5) : tandis que celle de l'industrie (au sens global, en incluant les données relatives à la sidérurgie) est en baisse, celles du résidentiel - tertiaire45(*) et des transports tout particulièrement sont en forte hausse. Nous constatons une interversion quantitative de la consommation finale d'énergie de l'industrie et de celle des transports46(*), caractérisée par le croisement des courbes. Les fortes hausses provenant des transports et du résidentiel - tertiaire ont conduit au quasi-doublement de la consommation finale d'électricité, tous secteurs confondus.

Nous constatons également une multi-causalité au niveau de l'évolution de l'intensité énergétique :

· Les fluctuations du marché du pétrole influent largement sur l'évolution de l'intensité énergétique. Ainsi, les courbes de tous les secteurs tendent à baisser suite aux deux chocs pétroliers, soit durant les périodes 1974-75 et 1980-82, tandis que vers la fin des années 80, l'effet du contre-choc pétrolier sur les prix stabilise la baisse pour l'industrie, et infléchit la tendance pour le résidentiel - tertiaire et les transports (graphique 7 b). Les secteurs où le volume de consommation par unité consommatrice (industrie/centrale/logement - commerce/véhicule) est important, et qui par conséquent subissent le plus de pertes avec l'augmentation des prix du pétrole, présentent les meilleurs résultats au niveau de l'efficacité énergétique (voir infra).

· La chute de l'intensité énergétique du secteur de la sidérurgie (graphique 7 b) est liée à la mutation structurelle du secteur industriel.47(*)

· La relance de la politique de l'énergie mise en oeuvre par les pouvoirs publics a favorisé le maintien d'une nouvelle tendance globale à l'amélioration de l'efficacité énergétique, qui se dessine à partir de 1996 (graphique 7 a).48(*) La tension sur les prix en 1999-2000 a également contribué à réactiver les efforts de maîtrise de l'énergie.

Graphique 5

Source des données : Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie.

2.3.2. Agriculture

La France se distingue des pays voisins par un basculement plus tardif de la société rurale à la société urbaine et industrielle. Nous décelons ici une cause du poids des intérêts agricoles, mais aussi de la structuration très forte de l'Etat d'après-guerre autour de l'idéal « modernisateur et reconstructeur » (Barraqué et Theys 1998 : 21-22) et, par évolution, de la centralisation institutionnelle.

En transition depuis la fin des années 50, l'agriculture accélère son évolution au tournant des années 70, notamment avec l'instauration d'une Politique agricole commune (PAC) en Europe. Nous résumons ci-dessous les principales tendances des quarante dernières années, réparties selon trois niveaux :

· Au niveau socio-économique :

o la diminution de la part des emplois agricoles : de 22% en 1960 à 5,2 en 2001 (Insee) ;

o la diminution de la part du PIB provenant de l'agriculture : de 7 % en 1980 à 3,5 % aujourd'hui (Ministère de l'agriculture et de la pêche) ;

o la formation d'un lobby soudé et influant, la Fédération Nationale des Exploitants Agricoles (FNSEA), par ailleurs secondé par un lobby aux intérêts croisés, l'Union des Industries de la Protection des Plantes (UIPP) [via l'utilisation de pesticides].

· Au niveau du système de production :

o la mécanisation et l'intensification, suivie d'une augmentation du rendement ; ainsi,

« si l'on estime qu'un agriculteur français nourrissait 7 personnes en 1960 et 44 en 1985, il en nourrit 90 aujourd'hui » ! (Science & Vie 2000 : 60)

o la diminution de la surface agricole utilisée (SAU), de 65 000 ha par an depuis 1970 (Ifen 2006 : 64) ;

o la concentration des exploitations : leur nombre diminue tandis que leur surface augmente (Ifen 2006 : 64) ;

o l'augmentation de l'irrigation, qui se poursuit encore aujourd'hui (Science & Vie 2000 : 63) ;

o l'augmentation de l'utilisation des intrants durant les années 70 et 80, liée au faible coût relatif des fertilisants et produits phytosanitaires par rapport au gain de récolte correspondant (Ifen 2006 : 66) ;

o la diminution de l'utilisation des fertilisants azotés (-9 %) et surtout des pesticides

(-24 %) à partir du début des années 90 (OCDE 2005 : 116), liée à la baisse des prix des denrées alimentaires, au renforcement de la réglementation environnementale et à la conditionnalité de la deuxième PAC (Ifen 2006 : 20).

· Au niveau de la perception :

o une mutation de l'image de l'agriculteur : de celle de héros de l'autosuffisance alimentaire d'après-guerre à celle, vers la fin des années 90, de coupable des dommages causés à l'environnement et des crises alimentaires ;

o un changement de rapport entre les acteurs : la crise de confiance de la société conduit à une crise d'identité du monde agricole, qui se traduit par un renfermement du groupe mais aussi, à un niveau certes minoritaire, par un début de modification des pratiques.

Ajoutons deux remarques à ces grandes tendances :

Tout d'abord, il est intéressant de percevoir que l'avènement de la modernité signifie la disparition d'un équilibre essentiel du monde agricole traditionnel : l'épandage du lisier pour fertiliser les champs. Une situation aberrante en découle, par laquelle les agriculteurs achètent des engrais synthétisés à partir de pétrole - une ressource onéreuse, non-renouvelable et sous dépendance extérieure - tandis que de leur côté, les éleveurs ne savent que faire du lisier de leurs élevages. Or la pollution agricole des eaux provient précisément de ces deux niveaux : diffusion (culture) et problèmes d'assainissement (élevage). Mais le modèle dominant - concentration des exploitations, éloignement des cultures et des élevages - créé des obstacles organisationnels - stockage, transport - à la revalorisation d'une ressource qui, rappelons-le, sert jusqu'à construire les murs des maisons dans les pays défavorisés !

Deuxièmement, il ressort un paradoxe entre la diminution de la position socio-économique (emploi et PIB) occupée par les agriculteurs et l'influence de leur lobby. Un élément de réponse est certes identifié au travers du développement tardif de la France. Mais au-delà de cet aspect culturel, l'importance des moyens accordés au pays par la PAC - un cinquième des subventions - constitue certainement un enjeu de taille. La France a d'ailleurs placé la réforme de la PAC après 2013 (troisième PAC) comme une des priorités de la Présidence de l'UE, de juillet à décembre 2008. Et sous le signe de l'environnement, SVP ! En façade du moins... car de manière plus discrète, le Président Sarkozy assure à la FNSEA qu'il croit en une « agriculture de production ». Le terme productivisme n'est pas employé, mais sa signification est sous-entendue. (Représentation permanente de la France auprès de l'UE, 02/04/08)

2.3.3. Déchets

La hausse de la consommation va de pair avec une augmentation des rebuts à traiter. Nous mettons à contribution les graphiques de l'ADEME (voir annexe n° 9) pour rendre compte de l'évolution sur le moyen terme.

La croissance des déchets ménagers sur quarante ans (graphique 8 a) est exponentielle, quoiqu'en baisse depuis 2002. Depuis le début des années 70, les volumes de déchets augmentent parallèlement à la croissance du PIB.

En réponse, les collectivités locales ont poursuivi un colossal effort de collecte et d'équipement. Le parc d'installations de traitement des déchets (graphique 8 b) a augmenté en nombre jusqu'au début des années 90 environ. Par la suite, « la montée de l'intercommunalité et les contraintes technico-économiques ont eu pour effet de concentrer les installations. » (ADEME 2007 : 7) Ainsi, le nombre d'installations diminue mais les conditions environnementales et la capacité unitaire augmentent.

Face aux limites du système pour absorber les volumes croissants de déchets, le tri pour recyclage se met timidement en place vers le début des années 90 mais atteint des taux inférieurs à ceux des pays voisins. La part importante de l'incinération (graphique 8 c) place la France en tête de ce mode de traitement, en 1990, par rapport aux autres pays européens (ME 1990 : 171).

Cette tendance vers une gestion curative plutôt que préventive reflète schématiquement deux intérêts contradictoires à ceux de la protection de l'environnement. Premièrement, la croissance de la consommation est considérée par les pouvoirs publics comme un indice de la santé économique d'un pays. Or, pour l'instant, une réduction des volumes de déchets devrait passer par une réduction parallèle de la consommation matérielle. Deuxièmement, toute une économie des déchets dépend, si ce n'est de la croissance, tout au moins du maintien des volumes, que ce soit au niveau de la collecte que du traitement des déchets. Ceci rejoint notre remarque concernant le développement relativement rapide des améliorations technologiques au sein de secteurs proposant des services de dépollution (voir supra).

2.3.4. Tourisme

Dans un contexte d'augmentation des revenus, de généralisation des congés payés, de dégagement du temps libre et de développement des modes et des infrastructures de transport, le tourisme et les loisirs ont connu un essor fulgurant. En France, au niveau international (flux de touristes non-résidents) comme au niveau national (flux des touristes résidents), la croissance du tourisme dépasse celle du PIB, quoiqu'elle maintienne une progression similaire : très rapide jusqu'à la fin des années 80, elle progresse lentement par après.49(*)

La France maintient sa place de premier pays récepteur mondial depuis 1990. Entre 1975 et 2006, le nombre d'arrivées de touristes aux frontières a été multiplié par trois (passant de 25 à 79 millions).50(*)

Au niveau du tourisme national, entre 1975 et 2004, le nombre de séjours a été multiplié par quatre. Le taux de départ (voyages de quatre nuitées et plus pour motif personnel) est passé de 45 % en 1969 à 64 % en 2007 (voir annexe n° 10 a).

Hormis les pressions croissantes liées à l'augmentation et à la concentration des flux dans les zones touristiques (eau, déchets, nature, ...) certaines tendances sociétales amplifient l'impact du tourisme et des loisirs sur l'environnement.

Le tableau 10 b (en annexe) résume l'évolution des comportements de tourisme et fait ressortir le fractionnement des vacances (augmentation du nombre et décroissance de la durée moyenne de séjours51(*), développement des excursions et des loisirs de proximité). Or, ce facteur augmente largement le nombre de déplacements (lié au nombre de départs) par jour de vacances.52(*) D'autres causes de l'augmentation de la mobilité loisir-tourisme sont fournies dans le tableau 10 c (en annexe).

Autre tendance ayant cette fois un impact sur les sites préservés : « Le tourisme s'est massifié et n'est plus réservé à une élite. Un phénomène géographique a vu le jour qui perdure : l'abandon par les plus riches de sites (à la mode) et d'habitudes touristiques trop démocratisées et encombrés. Les élites lancent sans arrêt de nouvelles pratiques en des lieux toujours plus protégés, ... souvent plus lointains. » (Potier 2006 : 7)

En France, le tourisme représente un enjeu de taille au niveau social - environ 43% des emplois des régions côtières (AEE 2005 : 149) - et économique - 6,4 % du PIB en 2005 -, ce qui laisse peu de place pour le niveau environnemental.

2.3.5. Transport

Nous focaliserons notre attention sur le transport routier car il absorbe les 4/5 de la consommation finale d'énergie par la mobilité et produit la majeure partie des polluants atmosphériques émanant du secteur.

Nous avons déjà constaté un accroissement important de la part de responsabilité provenant du transport routier par rapport aux autres secteurs économiques quant aux niveaux des émissions de CO2, des émissions acidifiantes et de la consommation finale d'énergie. Ces développements au niveau des pressions sur l'environnement s'expliquent par les évolutions au niveau de la croissance du secteur.

Les graphiques de l'OCDE (voir annexes n° 11 et n° 12) témoignent en effet de la croissance soutenue du trafic du transport routier (marchandises et voitures particulières). Globalement couplé à la croissance économique pendant les années 70 et 80, le trafic routier dépasse clairement le PIB à partir des années 90. Une note d'espoir cependant : « Depuis 1999, la croissance du PIB est légèrement plus forte que celle des transports intérieurs.53(*) » (Ifen 2006 : 134)

En parallèle à l'augmentation du trafic, le graphique 6 témoigne du doublement de la consommation de produits pétroliers entre 1973 et 2006. Si les chocs pétroliers de 1973 et 1979 ont légèrement atténué sa croissance, le contre-choc pétrolier et la résultante baisse des prix du carburant l'ont fortement relancée. On assiste cependant depuis 2000 à la stagnation de la consommation de produits pétroliers suite à l'augmentation des prix, au ralentissement de la hausse de la circulation routière et à l'accentuation de la baisse de la consommation unitaire moyenne (Ifen 2006 : 141).

Le transfert de l'essence vers le gazole à partir des années 90 est une particularité du parc automobile français, reflétant une différence de taxation54(*). Plus économes en carburant, les moteurs diesel contribuent à la réduction de la consommation kilométrique. Au niveau des émissions polluantes, les moteurs diesel produisent moins de CO2 et de CO, mais plus de particules fines et de NOx.

Graphique 6

Source des données : Insee, Bilan de l'énergie en France.

Après avoir tracé les tendances du transport routier depuis 1970, nous présentons brièvement les causes de la croissance selon l'origine de la mobilité (passagers ou marchandises), et développons les causes générales.

Causes liées au transport routier de véhicules particuliers :

· augmentation du nombre de ménages et du nombre de voitures par ménage55(*), liée à l'individualisation, à l'élévation du niveau de revenu et à l'augmentation de l'emploi féminin56(*)

· augmentation du nombre de déplacements, liée au phénomène d'acculturation et à l'accélération des modes de vie

· allongement du parcours moyen57(*), lié à l'étalement urbain et à la structure spatiale des infrastructures (bureaux58(*), écoles, centres commerciaux, ...)

· développement du tourisme et des loisirs59(*)

Causes liées au transport routier de marchandises :

· développement du marché européen

· situation géographique qui fait de la France un pays de transit de marchandises

· stratégies d'approvisionnement et de distribution des sociétés

· spécialisation des véhicules

· chute des autres modes de transport intérieur (rail, voies navigables)

Causes générales :

1) intérêts économiques et sociaux en jeu (secteurs de l'automobile, de la construction, du pétrole, du fret, ...)

2) développement des infrastructures routières

3) prix n'intégrant pas les coûts pour l'environnement

4) au niveau de la surconsommation kilométrique de carburant : augmentation de la taille et du poids des véhicules

1) Knoepfel fait ressortir le poids des intérêts économiques dans la politique française des transports :

« La négligence des sources mobiles de pollution a des racines plus profondes que l'on doit chercher dans la promotion, poussée par l'Etat français, de la mobilité individuelle et de la production automobile. En dehors de quelques initiatives urbaines par le gouvernement français, l'observateur étranger cherche en vain des mesures efficaces dans le domaine des sources mobiles, reflets d'une véritable politique de lutte contre la pollution atmosphérique. La voiture individuelle reste un véritable Veau d'or, et le manque de mesures sur la circulation routière (...) semble être une des lacunes les plus importantes de la politique de lutte contre la pollution atmosphérique de la France depuis les années 80 et jusqu'à aujourd'hui. » (1998 : 167)

2) Face à l'augmentation du parc et du trafic automobile, la politique de la plupart des pays industrialisés a été de répondre par une offre massive en infrastructures routières. C'est tout particulièrement le cas pour la France, qui occupait le troisième rang mondial pour le réseau autoroutier dans les années 90 (OCDE 1995 : 172). Le graphique 7 témoigne d'une augmentation d'environ 700 % de la longueur du réseau autoroutier entre 1970 et 2003 ! Or, « sans un retour directement donné par les prix, la demande rattrape et absorbe souvent rapidement la nouvelle capacité » (OCDE 1997 : 113).

3) Les prix à divers niveaux n'intègrent globalement pas les coûts pour l'environnement : « L'évolution des prix correspondant aux différents modes du transport de voyageurs a été plutôt favorable aux modes les plus polluants. Entre 1990 et 2004, le prix des automobiles et du carburant a augmenté moins vite que l'indice des prix à la consommation. » (Ifen 2006 : 137)

4) Les effets des améliorations technologiques acquises au niveau de la réduction de la consommation kilométrique de carburant ont globalement été atténués par les perfectionnements technologiques au niveau de la sécurité, du confort et de l'équipement, qui ont conduit à une augmentation de la taille et du poids des véhicules.60(*)

Graphique 7

Sources des données :

- OCDE (1995), Examens des performances environnementales, p.171,

- Ifen (2006), L'environnement en France, p.136.

En guise d'évaluation :

Législations et améliorations technologiques ont permis de réduire les émissions polluantes par véhicule et les problèmes de smog et de pluies acides d'il y a trente ans (voir infra). Cependant, compte tenu de l'accroissement du volume des transports, les concentrations de polluants restent élevées et sont souvent supérieures aux objectifs fixés. (AEE 2005 : 18)

Les problèmes de particules et d'ozone troposphérique61(*) sont deux problèmes soulignés par les rapports internationaux. Depuis 1990, législations et améliorations technologiques ont conduit à des réductions substantielles des émissions de particules et d'un tiers des précurseurs d'ozone. Mais, suite essentiellement à l'augmentation du trafic routier, les réductions des émissions et les portées de la technologie stagnent. Ainsi, « Une innovation technologique en fin de cycle consistant par exemple à installer des filtres à particules sur les véhicules diesel ne suffit pas à suivre cette croissance de la demande. »

Cependant, l'inquiétude face à ces pollutions, qui vont du spectre local à régional, a largement laissé place à l'inquiétude face aux émissions de CO2 et à leurs conséquences globales sur le climat. En effet, les transports représentent le secteur où la demande d'énergie et les émissions de gaz à effets de serre augmentent le plus rapidement (en Europe, et plus particulièrement en France étant donné la part relativement faible de la production d'énergie dans les émissions) et où les changements sont les plus difficiles à mettre en oeuvre.

Ainsi, les efforts engagés par l'industrie automobile pour réduire les émissions moyennes de CO2 générées par les voitures particulières neuves à 140 grammes/kilomètre d'ici à 2008/2009 ont été plus que compensés par l'augmentation des volumes de trafic et le nombre croissant de véhicules plus grands, plus lourds et plus puissants. (AEE 2005 : 221)

Cette difficulté a gérer la croissance du trafic est propre aux pays de l'OCDE en général : « Il ressort de la première série de communications nationales soumises au titre de la CCCC, que c'est le secteur des transports qui pose l'un des problèmes les plus ardus aux gouvernements qui étudient des politiques en vue de réduire les émissions de GES au plan national. » (OCDE 1997 : 159)

3. Incidence du progrès technologique

Au tournant des années 70, une foie quasi-religieuse anime les technocrates, qui croient principalement en deux solutions pour résoudre le gros des problèmes d'environnement : la réglementation et le progrès technologique. Nous présenterons les principales forces motrices qui ont porté les avancées technologiques, après quoi nous nous pencherons sur les applications technologiques aux problèmes de pollution atmosphérique par les émissions acidifiantes.

De nouveau, les rapports sur l'état de l'environnement ont guidé nos recherches. Concernant la pollution de l'air, deux articles d'experts ont été consultés :

· Knoepfel (1998), Remarques d'un observateur étranger sur la lutte contre la pollution atmosphérique en France ;

· Larrue (1998), La lutte contre la pollution de l'air en France.

3.1. Forces motrices

Trois forces motrices majeures nous semblent avoir progressivement motivé le secteur privé à investir dans la recherche de solutions viables aux problèmes d'environnement :

· De nouvelles législations, notamment suite à la retranscription de directives européennes, ont favorisé une hausse des normes de santé. Ainsi, au début des années 90, l'UE a instauré des normes concernant l'essence sans plomb, résultant à des améliorations conséquentes au niveau de la santé. De façon générale, « Une voiture commercialisée aujourd'hui émet dix fois moins de polluants qu'une voiture commercialisée dans les années 70. » (Ifen 1999 : 369)

· L'augmentation des prix des matières premières et de l'énergie primaire a également motivé les entreprises à diminuer l'intensité de leur consommation. « À la fin de la décennie 80, la notion d'éco-efficacité a été introduite dans l'industrie, comme moyen de réduire l'impact sur l'environnement tout en accroissant la rentabilité. » (PNUE 2002)

· L'investissement de l'Etat dans les procédés de dépollution (eau, déchets) représentait - et représente toujours - une manne économique susceptible de mener à de nouvelles techniques. Ainsi, une évaluation sur 20 ans d'environnement en France constate que « c'est essentiellement dans les domaines où l'environnement réussira à acquérir un certain poids économique que les progrès réalisés seront les plus rapides ». (Theys 1998 : 29)

Le fruit de cette évolution sur 20 ans - au niveau technologique ainsi qu'au niveau de la perception - et l'inclusion de l'économie dans la notion de développement durable par le rapport Brundtland mènent à l'acceptation publique de la sphère environnement par le secteur privé.62(*) Cependant, malgré la disponibilité de technologies propres, celles-ci prennent parfois des années à outrepasser les multiples obstacles économiques, politiques ou sociaux63(*). Par exemple, les petites et moyennes entreprises mettront globalement plus de temps que les grandes entreprises à moderniser leurs installations du fait des coûts élevés et/ou de législations moins contraignantes à leur égard.

Autre exemple : « Les technologies disponibles permettent d'envisager la construction de voitures consommant entre un quart et un tiers de carburant en moins. Ces voitures pourraient coûter moins cher à l'automobiliste sur la durée de vie complète du véhicule (frais de carburant compris), mais seraient un peu plus chères à l'achat, si bien que les constructeurs y voient un risque excessif. » (Ifen 1999 : 21)

3.2. Application à la lutte contre la pollution atmosphérique

Nous tenterons de déterminer le rôle des avancées technologiques dans la diminution des émissions atmosphériques de SO2 et de NOx, principaux composés acidifiants. Décelé vers la fin des années 60 par l'acidification des lacs scandinaves, le problème des pluies acides est intéressant en cela qu'il représente le premier cas de pollution transfrontalière et qu'il a abouti à une gestion globalement efficace.

Nous avons choisi de mettre à profit les graphiques 13 a et 13 b (en annexe) émis par le Centre Interprofessionnel Technique d'Etudes de la Pollution Atmosphérique (CITEPA) car ils mettent en lumière le poids marqué de certains secteurs sur les émissions, à savoir l'énergie et l'industrie pour le SO2 et le transport pour le NOx.

En France, les émissions de SO2 croissent jusque vers le milieu des années 70 ; se stabilisent et se découplent du PIB entre 1975 et 1980 ; plongent de manière spectaculaire entre 1980 et 1985 et continuent à baisser par après. Les émissions ont ainsi diminué de 60 % entre 1980 et 1990 et de 65 % entre 1990 et 2005.

Les émissions de NOx diminuent et se découplent temporairement du PIB vers le milieu des années 80, mais la baisse prononcée débute véritablement vers le milieu des années 90. La réduction se chiffre à 38 % entre 1980 et 2005 (dont 35 % entre 1990 et 2005), soit environ quatre fois moins que la réduction des émissions de SO2 sur la même période.

En Europe de l'ouest comme en France, les émissions de SO2 et de NOx présentent aujourd'hui un net découplage par rapport à la croissance du PIB. Les progrès technologiques ont joué un rôle majeur dans cette évolution. La mise en place d'équipements de désulfuration des gaz de combustion et le recours à des combustibles à teneur en soufre moindre représentent les principales améliorations technologiques qui ont permis de réduire les émissions de SO2. Concernant la baisse des émissions de NOx, l'équipement progressif du pot d'échappement à convertisseur catalytique a éliminé près de 90 % des rejets de NOx par véhicule. De manière générale, le développement des économies d'énergie a également largement contribué à la réduction des émissions des secteurs énergétique et industriel.

La France se distingue de la moyenne européenne principalement au niveau de l'évolution des émissions de SO2. Débutant avec un léger retard par rapport à plusieurs pays qui affichaient une baisse des émissions dès le milieu des années 70 (OCDE 1991 : 21), la France s'est rapidement rattrapée par la combinaison de trois facteurs primordiaux :

· les économies d'énergie

· le développement rapide du programme électronucléaire

· la mise en place d'équipements de désulfuration des gaz de combustion au sein des centrales thermiques maintenues

Entre 1974 et 1985, les économies de combustibles liquides ont en effet contribué pour environ 25 % aux réductions totales de SO2 (ME 1990 : 145).

Quant à la substitution énergétique, le graphique 3 témoigne d'une multiplication par trois du pourcentage d'énergie nucléaire en parallèle à une division par deux du pourcentage d'énergie thermique entre 1980 et 1990. Ainsi, en 1994, les centrales thermiques ne contribuaient plus qu'à 19 % des émissions nationales de SO2 comparé à 55 % pour l'UE-12 en 1993 (Ifen 1997 : 25).

Propres à l'Europe en général, « les progrès les plus récents résultent des actions développées par les exploitants industriels favorisant l'usage de combustibles moins soufrés. » Il est intéressant de noter que le PNE appréhendait une stabilisation des émissions de SO2 autour de 1,4MT au cours des années 1990-95. (ME 1990 : 27) Or le développement de la technologie a permis à la France de maintenir la baisse des émissions et de continuer à figurer parmi les bons élèves. En 2000, les émissions de SO2 de la France étaient ainsi de 0,4 kg/1000 unités de PIB comparé à une moyenne de 1 pour les pays de l'OCDE Europe (OCDE 2005 : 43). Notons qu'en France, la principale réglementation appliquée au niveau de la pollution industrielle est le BATNEC, ou meilleures technologies disponibles n'entraînant pas de coûts excessifs. (Chabason et Larrue 1998 : 76)

Le développement du programme électronucléaire explique la légère baisse des émissions de NOx en France vers le milieu des années 80. Cependant, dans l'ensemble, la France ne se démarque pas de la moyenne européenne. Compte tenu du poids important du transport routier dans la provenance des émissions de NOx, l'intensification du trafic routier et l'augmentation du parc de véhicules fonctionnant au diesel (particulièrement important en France, puisqu'il a triplé au cours des années 90) ont largement modéré les effets des progrès technologiques (pot catalytique pour le cas du NOx).

L'exemple des émissions de SO2 et de NOx met en lumière une corrélation plus forte entre la disponibilité de techniques plus propres et la prise d'action pour réduire la pollution, qu'entre l'urgence environnementale et la prise d'action. Ainsi, « le NOx est plus agressif et plus dangereux [que le SO2] pour la santé du fait de sa transformation en ozone sous l'influence de la lumière du soleil ». (Knoepfel 1998 : 167) Or les efforts se sont d'abord concentrés sur les émissions de SO2, pour lesquelles des technologies plus propres étaient disponibles dès les années 70.

Ces cas d'étude nous apprennent également que, si les avancées technologiques mènent à un début de réduction de la pollution, l'évolution sur le moyen terme dépend largement de politiques dont la finalité n'est pas essentiellement environnementale (développement du nucléaire et efficacité énergétique dans le cas du SO2) ou d'évolutions structurelles profondément ancrées (augmentation du trafic routier dans le cas du NOx).

La réduction des émissions de SO2 représente le succès le plus notable de coopération internationale en vue de réduire la pollution de l'air dans les pays industrialisés. Combinée aux réductions de NOx, elles ont permis d'éliminer la majeure partie du smog et des pluies acides.

Cependant, malgré une diminution des gaz acidifiants de plus de 40 % dans l'UE-15, des problèmes persistent suite à l'effet retard des polluants. Ainsi, quarante ans après avoir suscité l'attention de la communauté internationale, bon nombre de lacs suédois demeurent affectés par l'acidification du passé. De même, plus d'un cinquième des forêts sont toujours considérées comme endommagées. Et conséquence des émissions récentes, quelque 10 % des écosystèmes européens ont dépassé leur seuil critique de dépôts acides en 2004.64(*) (AEE 2005 : 97)

Au niveau des réponses à ces problèmes de pollution, nous constatons que les secteurs économiques n'ont pas contribué de manière homogène à réduire leurs parts d'Aeq65(*). Alors que les secteurs de la transformation d'énergie et de l'industrie manufacturière y ont largement contribué par la baisse des émissions de SO2, les actions entreprises par le secteur des transports pour diminuer les émissions de NOx n'ont pas suffi à contrecarrer l'augmentation du trafic routier, et enfin, le secteur agricole66(*) n'a pratiquement pas contribué à réduire ses émissions de NH4. Cette hétérogénéité des actions explique l'évolution dépeinte par le graphique 13 c (en annexe) : entre 1980 et 2005, la part des émissions de SO2 contribuant à l'Aeq baisse de 36 %, tandis que celles des émissions de NOx et de NH4 augmentent respectivement de 9 % et 27 %.

« Si jusque-là la pollution de l'air était essentiellement considérée par les pouvoirs publics comme une pollution d'origine industrielle, la loi sur l'air de 96 introduit une nouvelle perspective en recentrant l'action de prévention de la pollution atmosphérique sur la pollution des véhicules automobiles. » (Larrue 1998 : 137)

Notons cependant que, dans le cas du S02, la pollution industrielle est encore dominante aujourd'hui ! Ainsi, Lascoumes et Le Galès appliquent leur hypothèse selon laquelle « l'instrument induit une problématisation particulière de l'enjeu » au cas de la pollution de l'air : « L'orientation principale vers l'information grand public a progressivement orienté l'essentiel du contenu des messages diffusés vers la question des seuls effets de la circulation automobile. (...) Par contrecoup, l'autre dimension plus ancienne, celle de la pollution industrielle qui continue à constituer le fond de la pollution atmosphérique tend à disparaître de l'information. » (Lascoumes et Le Galès 2004 : 33-34)

En guise de conclusion, citons le dernier rapport du PNUE :

« L'attention de la politique environnementale de l'UE s'est déplacée de l'utilisation de mesures correctives dans les années 70, à des solutions de réduction de la pollution en fin de chaîne dans les années 80 puis, dans les années 90, à une prévention et un contrôle de la pollution intégrés, tirant profit des meilleures techniques disponibles. Aujourd'hui, les politiques vont au-delà de ces solutions techniques afin d'agir également sur les modèles et moteurs d'une consommation et d'une demande non durables, et se dirigent vers une approche intégrée de ces questions se concentrant sur la prévention. » (PNUE 2007 : 227)

III - Evolution des instruments de gestion de l'environnement

La particularité et la complexité des problèmes d'environnement suscitent en soi un degré élevé d'expérimentation des politiques d'action publique. (Lascoumes 2008) En regard de l'évolution sur quarante ans, la multiplication des sources d'impact, des stakeholders et la globalisation des enjeux conduit à une complexification des instruments d'intervention. Cette complexité/complexification des problèmes et des réponses justifie une approche des politiques publiques par les instruments.

Nous commencerons par décrire les grandes tendances de changement des instruments sur quarante ans, puis nous nous pencherons sur le changement du rôle de l'Etat qui en résulte. Nous nous intéresserons ensuite à l'influence extérieure, plus particulièrement européenne, sur les politiques environnementales françaises, et nous terminerons par un regard sur les évaluations des experts et sur les défis à relever.

Les publications d'experts, notamment Lascoumes, Halpern (2007), Szarka (2001), Larrue (1999), Theys (1998), Chabason et Larrue (1998) et les grands rapports internationaux (AEE 2005, OCDE 1997, PNUE 2002 et 2007) représentent nos principales sources. Nous regrettons de ne fournir le point de vue que d'un seul expert étranger (Szarka, 2001) sur la situation française. Notons cependant que l'analyse de Chabason et Larrue est publiée en anglais dans un ouvrage sur les politiques européennes.

1. Des instruments de contrainte aux instruments de concertation

Nous commencerons par préciser la typologie employée pour étudier les instruments, puis nous nous pencherons sur l'évolution française, et nous terminerons par une présentation nuancée de l'analyse par Lascoumes de la lutte contre la pollution atmosphérique.

1.1. Questions de typologie

Depuis le milieu des années 80, les publications sur les instruments d'intervention publique proposent de nombreuses classifications et typologies. Inspirée de l'ouvrage de Christopher Hood, The Tools of Government (1986), la typologie de Lascoumes et Le Galès (2004 : 361 ; tableau récapitulatif en annexe n° 14) présente l'avantage de différencier les instruments en fonction de leur ancienneté. Tandis que les instruments de première génération (législatif et réglementaire, économique et fiscal) sont caractérisés par leur parcours d'élaboration légale, les instruments de deuxième génération (conventionnel et incitatif, informatif et communicationnel, normes et standards) présentent des formes de régulation moins dirigistes. Enfin, les instruments de troisième génération ou méta-instruments (planification, schéma d'organisation, convention cadre) servent à coordonner les instruments traditionnels. (Lascoumes et Le Galès 2004 : 359-362)

Notons que c'est sous cette dernière catégorie que nous rangeons le PNE et les textes législatifs émanant du Grenelle (voir supra) - le Grenelle étant en soi considéré comme un processus. Ainsi, un méta-instrument répond à ce que Rumpala nomme un méta-problème, « autrement dit un problème qui vient englober et dépasser des situations problématiques déjà installées tout en contribuant à les redéfinir par rapport à cette perspective élargie. » (Rumpala 1999 :188-189) Les méta-instruments perpétuent l'innovation au travers de la particularité des modalités d'intervention qu'ils coordonnent. De plus, ils s'intègrent parfaitement dans les justifications qui accompagnent généralement l'annonce d'une « nouveauté instrumentale » : un geste politique cherchant à produire un effet de rupture ; une solution à l'échec des instruments d'action antérieurs ; l'introduction de valeurs censée renouveler ou enrichir l'action publique, par exemple l'ouverture au marché [cas du PNE] et la participation [cas du Grenelle]. (Lascoumes et Le Galès 2004 : 358)

1.2. Evolution des instruments en France

Nous basant sur la « liste des instruments de la politique française de l'environnement depuis 1971 classés en fonction des types d'instruments identifiés par Lascoumes et Le Galès » par Charlotte Halpern (2007 : 26-27) (voir annexe n° 15), nous présentons ci-dessous les principales tendances. Notons que les méta-instruments ne sont pas pris en compte dans ce tableau.

· L'émergence des instruments de première génération ou de contrainte, en particulier de type législatif et réglementaire, essentiellement de 1975 à 1977.

Cette constatation est confortée par le témoignage d'un ancien haut fonctionnaire : « Le travail de création ou de remise en ordre législatives et réglementaires des premières années du ministère fut inouï. A peu près tout y passa : en 1978, tout était fait. (...) Nous avons bénéficié d'une arme puissante : l'article 6 du décret de création du ministère nous permettait d'intervenir dans toute matière ayant des effets sur l'environnement. » (Saglio 2007 : 35)

Ainsi, le décret de création du ME peut être considéré comme un instrument de conquête de pouvoir (voir supra), mais il ouvre également la voie au « recyclage67(*) » des politiques des administrations anciennes (Lascoumes 1994 : 16).

· Une période de creux de la fin des années 70 à la fin des années 80, liée à des facteurs économique (suites des crises pétrolières) et politique.

· L'essor des instruments de deuxième génération ou de concertation, vers le début des années 90.

La recherche de nouveaux outils68(*) découle notamment de la perception des limites des instruments réglementaires. « Pour certains observateurs, le droit relatif à l'environnement apparaît alors hétéroclite et morcelé. De fait, les règles produites sur ce sujet croisent dans l'ordre juridique plusieurs codes (Code rural, Code de l'urbanisme...) avec lesquels elles peuvent entre en contradiction, et ce d'autant plus facilement que derrière ces codes se profilent des territoires administratifs jalousement gardés. Le volume croissant de textes est également mis en cause, même si certains aspects paraissent encore lacunaires. Tous ces symptômes sont combinés de telle sorte qu'ils tendent à produire une vision dans laquelle le caractère problématique de la situation tient pour une part non négligeable aux embarras rencontrés pour appliquer les mesures disponibles. (Rumpala 1999 : 185-186)

Notons cependant que la France a expérimenté très tôt les instruments de type contractuel. Ainsi, les contrats de branche se mettent en place dès 1972. « Cette voie concertée, abandonné à la fin des années 70 [la Commission européenne y voit les germes de distorsion de concurrence], renaîtra de ses cendres une dizaine d'années plus tard, sous une forme différente, et ce, avec la bénédiction ex-post de la Commission européenne qui, dans le cinquième programme communautaire environnement, reconnaît la nécessité de ce type d'accords. » (Lavoux 1999 : 87-88)

1.3. Le cas de la lutte contre la pollution atmosphérique

Pierre Lascoumes applique l'approche par les instruments aux « transformations de la lutte contre la pollution atmosphérique en France » de 1961 à 2003. (2007 : 73-90) Son postulat est qu' « En une dizaine d'années (du début des années 90 au début des années 2000) l'enjeu de la pollution atmosphérique a ainsi été radicalement reconfiguré par la prise en compte de son impact sanitaire. Les dimensions de l'enjeu, les instruments de sa mesure, le champ des acteurs concernés et le type de décision publique ont connu des déplacements majeurs. » Précisons synthétiquement ces déplacements :

· les dimensions de l'enjeu :

des risques industriels et de la recherche de technologie propre ? santé publique

· les instruments de sa mesure :

loi sur l'air (1961) ? taxe fiscale (1985) ? directives information et valeurs limites ou guides + indices de qualité de l'air (début 90) ? évaluations d'impact sanitaire (mi 90)

· le champ des acteurs concernés :

coalition bureaucratico-économique (années 60) ? réseaux de surveillance constitués d'environnementalistes et de scientifiques (épidémiologistes) (1973) ? inter-réseau, puis fédération

· le type de décision publique :

hiérarchie ? concertation

Nous proposons de nuancer les conclusions de cette analyse au travers de quelques remarques :

Premièrement, notons que le ministère de la Santé Publique était chargé de la pollution atmosphérique depuis la loi de 1961. Ce lien institutionnel entre problème et niveau d'impact signifie que l'enjeu sanitaire de la pollution de l'air existait bien avant la reconfiguration des années 90. L'action restreinte, pour ne pas dire inopérante, du ministère de la Santé Publique a permis au ME de conquérir cette compétence entre 1971 et 1972. (Bazin 1973 : 349-352) Dès lors, l'appropriation de l'enjeu par la société civile n'est-elle pas plutôt liée à des facteurs contextuels, tels que la mutation de la perception de la problématique et la montée des préoccupations environnementales (voir supra) ?

Deuxièmement, il nous semble intéressant d'observer un renversement de tendances au niveau des types de risques sanitaires. Depuis les années 70, les risques à court terme sont en régression tandis que les impacts à long terme ont aujourd'hui pris le devant de la scène. (Ifen 2006 : 393-394) Cette constatation conduit à se pencher sur la cause des améliorations : la réduction des pics de pollution. Mais cette réduction de la pollution est-elle liée aux mesures environnementales ou à d'autres évolutions socio-économiques ? Analyser cet aspect permettrait d'évaluer l'efficacité de tel ou tel instrument. Subséquemment, quels sont les blocages à la résolution des impacts sanitaires à long terme? L'approche sectorielle - pour mettre en lumière l'impact des transports - nous parait primordiale, ou tout au moins complémentaire, par rapport à l'approche par les instruments.

Troisièmement, si l'acteur-réseau - ou association de groupes distincts partageant un intérêt en commun - agit certes sur la définition des instruments, inversement, la mutation des instruments fait également intervenir de nouveaux acteurs. Notons que la place de chaque acteur - proche du centre de décision ou en périphérie - dépend notamment des dimensions économique et sociale de l'enjeu. Le rôle de l'Etat, quant à lui, demeure central.

2. De l'Etat dirigiste à l'Etat coordonnateur

En définitive, le glissement des types d'instruments provoque un glissement de mode de gouvernance : « L'Etat dirigiste est dès lors censé faire place à un Etat animateur ou coordonnateur, non-interventionniste et menant principalement des actions de mobilisation, d'intégration et de mise en cohérence. » (Lascoumes et Le Galès 2004 : 362-363)

Un dossier sur la politique industrielle entre 1945 et 2006 décrit l'évolution de « l'Etat entrepreneur » vers « l'Etat facilitateur » au travers de quatre phases :

· 1945-1973 : mise en place d'instruments d'intervention active de l'Etat ;

· 1974-1985 : inflexion de l'action de l'Etat ;

· 1985-2000 : adoption de mesures pour le respect du fonctionnement du marché

· 2000-2006 : actions ciblées en faveur de l'innovation (R&D, haute technologie)

(La Documentation française 2006)

Cependant, le glissement du rôle de l'Etat ne signifie pas la disparition, mais plutôt la complexification de l'action publique. (Bauler 2008)

Ainsi, le modèle français69(*) de l'Etat-providence semble toujours d'actualité. Si le processus de décentralisation du début des années 80 accroît certes les compétences environnementales des régions et des collectivités locales, elle a surtout pour effet de réorganiser le mode de pouvoir en intégrant ces nouveaux stakeholders. Et si les mutations des enjeux modifient les types d'instruments utilisés et uniformisent la politique nationale, force est de constater que les technocrates maintiennent les rênes du pouvoir (voir supra).

Ainsi, « le corps des Mines et le corps des Ponts - surtout le corps des Mines, avaient, au départ, comme priorité de protéger et de développer l'industrie. Et, lorsqu'ils se sont mis à aborder les problèmes d'environnement, c'est notamment à travers l'industrie et la Recherche. Ils l'ont fait toujours dans des conditions qui ne puissent pas gêner l'Industrie. Par exemple, la politique de l'air, qu'ils étaient les seuls à maîtriser, a été très adaptée. On s'est gardé de pousser les industries à aller ailleurs. On a plutôt travaillé par zones spéciales, en agglomération et sur des interdictions temporaires d'utiliser tel ou tel produit, tel ou tel procédé, au lieu de fixer des normes catégoriques générales sur les émissions comme cela a été fait davantage en Allemagne et aux Pays-Bas. Il y a eu, pendant des années, une politique très respectueuse de l'industrie. Cette politique est restée valable tant que les phénomènes de pollution atmosphérique restaient des phénomènes de proximité. Dans ce cas, la cheminée permet de régler la question. Mais quand on dérive vers des problèmes tels que ceux de l'ozone, des pluies acides, du réchauffement de l'atmosphère, ou autres, on ne peut plus combattre la pollution par des interdictions temporaires. On est obligé de prendre des mesures plus énergétiques, de fixer des normes, de supprimer des produits. Il y a eu un tournant dans la politique gouvernementale en matière d'air avec la globalisation et l'internalisation de cette politique. » (Chambolle 1994-95 : 8)

En définitive, la spécificité étatique de la France influe sur la façon d'appliquer les normes environnementales : « le style français est toujours dominé par le rôle prégnant de l'administration et plus précisément de ses découpages, ses tensions internes et ses grands corps. Ce poids institutionnel filtre et reformate de façon décisive les impulsions extérieures. » (Szarka 2001, repris par Lascoumes 2008 : 9-10)

3. Influence de la réglementation internationale et européenne

L'influence internationale, et plus particulièrement européenne, sur les politiques environnementales françaises est édifiante. De nos jours, environ 80 % des textes émanant du ME sont la retranscription en droit français des directives européennes et des traités régionaux ou internationaux (Hulot 2007 : 199), et environ 70 % sont d'origine européenne (OCDE 2005 : 136).

Illustrons ce double phénomène au travers du cas de la pollution de l'air par les émissions acides, entamé dans le dernier chapitre. L'AEE cite les principales réglementations extérieures qui ont eu un impact décisif sur les politiques intérieures en Europe :

· Au niveau international :

o la Convention CEE/NU sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance (1979) et ses Protocoles ;

· Au niveau européen :

o la directive sur les grandes installations de combustion (1988, révisée en 2001) ;

o le Protocole relatif à la réduction de l'acidification, de l'eutrophisation et de l'ozone troposphérique (1999) ;

o la directive concernant les plafonds d'émission nationaux (2001).

(AEE 2005 : 94)

Sans rentrer dans le détail des limites du droit international, nous nous devons de souligner l'influence prééminente du droit européen sur l'élaboration, la modification et la mise en oeuvre des politiques environnementales françaises. Les réglementations européennes se distinguent en effet des réglementations internationales par leur caractère plus contraignant, notamment au travers de deux facteurs : le transfert de la souveraineté70(*) des Etats membres de l'UE en ce qui concerne certaines politiques et le recours en sanction pécuniaire71(*) pour non-exécution, exécution incorrecte ou incomplète d'un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE). De plus, les engagements internationaux concernent en général des problèmes mondiaux ou transfrontaliers (Ifen 1996-97 : 11), laissant les problèmes locaux au droit national et européen.

Rappelons brièvement les épisodes clés de la construction européenne en rapport à l'environnement, de la naissance d'une préoccupation au Sommet de Paris (1972), à celle d'une véritable politique avec l'Acte Unique (1987), à l'inscription du principe de précaution avec le Traité de Maastricht (1993), à l'instauration d'une approche horizontale de la politique de l'environnement avec le processus de Cardiff (1998), à celle du développement durable avec le Traité d'Amsterdam (1999).

En poussant la rétrospective jusqu'à la création de la première instance supranationale européenne, à savoir la Communauté économique du charbon et de l'acier en 1952, nous observons que les préoccupations glissent de l'instauration d'un marché commun pour la ressource (le charbon) à l'intégration d'un marché commun pour les émissions polluantes provenant notamment de cette même ressource (le dioxyde de carbone).

Après ces considérations générales, penchons-nous sur l'influence des réglementations européennes sur la politique française de l'environnement, et vice-versa.

3.1. Influence de l'Europe sur la politique française de l'environnement

Corrine Larrue (1999 : 187-188) démontre que la politique européenne de l'environnement affecte la mise sur l'agenda politique des problèmes et le contenu des politiques, contribue à définir les moyens spécifiques pour protéger l'environnement et modifie profondément le jeu institutionnel interne et la place des acteurs dans la décision publique. Reprenons ces différents niveaux d'influence :

Dans le cas de la pollution acide, c'est la Conférence de Stockholm qui a placé le problème sur l'agenda politique européen. Ultérieurement, le passage du niveau supranational au niveau national a modifié le contenu des politiques en fixant des valeurs limites d'immission. « A ce titre, c'est sans aucun doute dans le domaine de la pollution de l'air que la politique de la CEE a le plus bouleversé la politique française. En effet, l'introduction de ces valeurs limites s'opposait à la philosophie d'intervention développée jusque là par l'administration française. »72(*)

La fixation de normes au niveau européen ne lie généralement pas les Etats membres à l'usage d'un type d'instrument spécifique. Notons cependant que la France a été le premier Etat à imposer une taxe directe sur la pollution en mai 1990, au travers de la taxe sur le SO2. (WRI 1992-93 : 201) Au niveau des moyens, « L'introduction de la voiture propre, c'est-à-dire l'imposition de normes sévères d'émission pour les véhicules automobiles, conduisant à équiper ces véhicules de pots catalytiques (...), constitue l'exemple même de la politique française qui n'aurait pas eu lieu (ou plus tardivement) sans l'intervention du niveau européen. » (Larrue 1999 : 188-189)

Nous observons que le thème de la voiture propre illustre bien la théorie sur les reconversions-adaptations d'instruments. (Lascoumes et Le Galès 2004 : 359) En effet, si le « Programme voiture propre » du début des années 90 était censé résoudre le problème des émissions de NOx,  le « Plan véhicule propre » de 2003 doit pourvoir la France avec la technologie adaptée pour réduire les émissions de CO2. Rappelons que l'augmentation du trafic routier a largement compensé la réduction des émissions de NOx résultant des progrès technologiques. Face à cet échec, on est en droit de se demander si les 40 millions d'euros, octroyés par le plan de 2003 aux programmes de R&D des constructeurs automobiles français73(*), n'auraient pas mieux servi à l'essai d'autres types d'instruments, intégrant la dimension d'aménagement durable du territoire. (ME 1991-1992 : 164 et Ifen 2006 : 149)

Enfin, « les directives européennes apportent un soutien à l'administration de l'Environnement, tant vis-à-vis des acteurs extérieurs représentant les intérêts touchés, que vis-à-vis des autres ministères concernés. (...) Les ministres français successifs de l'Environnement ont d'ailleurs bien compris cet enjeu, et ont généralement intégré cet échelon international, comptant sur ce niveau pour renforcer leurs propres positions. (...) A ce titre, la politique de Brice Lalonde à la tête du ME fut exemplaire. » (Larrue 1999, 189)

Notons enfin que la transposition des directives européennes met souvent la France en situation de manquement, voir exposée à des sanctions financières, notamment en ce qui concerne les directives nitrates, eaux usées urbaines, habitats et oiseaux. (OCDE 2005 : 136) Il s'agit souvent de domaines où des groupes traditionnels influents (agriculteurs, chasseurs) émettent de la résistance au changement (voir infra).

3.2. Influences croisées

Il convient de souligner que « les influences entre politique européenne et politique française de l'environnement sont croisées74(*) ». (Larrue 1999 : 185) Aux débuts des années 70, la CEE prend exemple sur les expériences de certains pays européens pour élaborer ses politiques naissantes en matière d'environnement. Ainsi, selon un ancien fonctionnaire - certes très franco-français -, « Le premier programme d'action des Communautés pour l'environnement fut la transposition du nôtre. » (Saglio 2007 : 41) Le droit communautaire s'étoffant, l'intégration s'opère davantage au niveau des Etats membres. Mais le croisement d'influence demeure.

Ainsi, dans le cadre des négociations post-Kyoto, le gouvernement français soumet l'idée d'instaurer une taxe carbone, aussi bien au niveau national par l'intermédiaire du Grenelle, qu'au niveau supranational par l'intermédiaire de la présidence de l'UE par la France de juillet à décembre 2008 (voir supra). Notons que la taxe carbone avait été avancée au début des années 90 et, n'ayant pas suscité de consensus européen, avait fini par être délaissée au profit du Système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre. On peut cependant déceler un aspect novateur dans l'initiative française, comme le souligne un diplomate75(*) de la Représentation Permanente de la France auprès de l'UE.

En effet, affirmant son souci de lutter contre les « fuites de carbone »76(*) liées à une telle taxe, la France propose la mise en place d'un « mécanisme d'ajustement aux frontières » à l'égard des importations en provenance des pays qui refuseraient de contribuer à l'effort mondial de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les Etats-Unis sont évidemment les premiers visés, de même que la Chine ou l'Inde. Si la Commission européenne refuse que le mécanisme soit actuellement intégré au « paquet énergie-climat », elle laisse la porte ouverte pour la période post-2012. Ainsi, le « mécanisme d'ajustement aux frontières » représente à la fois un instrument financier, un instrument de pression sur les partenaires de l'Europe pour qu'ils adhèrent pleinement à un accord mondial de lutte contre le réchauffement climatique, un instrument de crédibilité à l'égard des entreprises européennes, et un instrument d'accession à une position de leadership économique dans les domaines de la technologie et des instruments de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

En vue de l'hostilité face à la proposition française, provenant de pays extérieurs mais aussi de l'OMC et de certains Etats membres, l'enjeu est de former un front européen commun avant la conférence de Copenhague (décembre 2009).

De manière plus globale, tandis que Sarkozy souhaite placer la France « à la tête de la politique environnementale européenne »77(*), force est de constater que la loi d'orientation Grenelle 1 représente pour une large part une mise à niveau aux textes européens.

Au-delà des influences, la France n'en conserve pas moins une politique environnementale qui lui est propre, avec ses qualités et ses défauts. Le point suivant nous permettra d'en ébaucher les contours, et de voir à quels niveaux elle répond aux défis environnementaux de demain.

4. Evaluations et défis

Nous proposons une lecture simultanée de l'évaluation et des défis de la politique environnementale française afin de mettre grossièrement en lumière l'écart entre ce qui a été fait et ce qui devrait l'être.

4.1 Evaluations de la politique environnementale française

Nous récapitulons ci-dessous les points qui ressortent de deux évaluations de la politique environnementale française : celle de Theys (1998) sur la politique (politics) et les politiques (policies) qui couvre la période 1970-1990 et celle de Chabason et Larrue (1998) sur la mise en oeuvre qui se poursuit jusqu'à la fin des années 90.

· La politique (politics)

o une construction politique en creux

o la modestie des ambitions

o un droit d'ingénieurs, sans principes généraux et sans moyens réels de contrôle

o conservatisme institutionnel et innovations périphériques

o une politique de compromis économique

o les paradoxes de la centralisation : un système de gestion sans normes [nationales]

o une politique de rattrapage plus que de prévention

o des préoccupations trop longtemps hexagonales

· Les politiques (policies) :

o des politiques globalement coût efficace à court terme

o un traitement très inégal des problèmes

o une faible attention portée aux aspects sociaux des politiques

o un modèle de politique trop fragile pour assurer sa reproduction à long terme

(Theys 1998 : 24-40)

· La mise en oeuvre :

o une mise en oeuvre basée sur le consensus, le partenariat et la négociation

o une mise en oeuvre variable au niveau local

o une compétition croissante entre les gouvernements central et décentralisé

(Chabason et Larrue 1998 : 72-79)

Trois impressions ressortent globalement de cette lecture :

o une résistance à l'élaboration de politiques (politics et policies)

o une souplesse - voir un laxisme, selon le point de vue - dans la mise en oeuvre

o une forte centralisation conduisant à une tension entre les différents acteurs (entre niveaux gouvernementaux ; étatique/associatif ; économiques/associatif)

Au travers de l'analyse de la loi de la protection de la nature (1976), de la loi montagne (1985), de la loi littoral (1986) et de la loi sur l'eau (1992), Lascoumes démontre que les politiques d'environnement sont souvent des « politiques de compromis non résolus ». Ainsi, « en matière d'environnement plus que dans les autres domaines, les choix politiques effectués instaurent davantage un ajustement inégalitaire des différents objectifs qu'une véritable conciliation ou mise en équilibre stable. En fait, les dispositifs qui cadrent les interventions publiques combinent, avec plus ou moins d'équité, la défense de ces intérêts et valeurs environnementaux avec d'autres, radicalement distincts voire contraires (défense de la propriété individuelle, du développement industriel, agricole, scientifique ou touristique, de l'aménagement du territoire, etc.). » (Lascoumes 1994)

Notons que la politique de mise en oeuvre n'est pas intrinsèquement liée au type d'instrument utilisé. Ainsi, le début des années 70 est le théâtre d'une politique de consensus malgré l'usage d'instruments globalement contraignants. La même remarque peut être faite au niveau des formes d'élaboration des politiques, avec de nos jours une permanence de sous-systèmes de type corporatiste malgré l'usage d'instruments de type informatif et communicationnel. (Halpern 2007 : 12, 20) Nous en concluons que l'évolution des instruments en France s'inscrit dans le cadre global des mutations constatées au niveau des pays de l'OCDE (voir supra), tandis que le caractère de ses politiques est davantage lié à son héritage institutionnel.

Ainsi, « L'introduction de nouveaux instruments n'aurait pas donné lieu à un changement de la politique française de l'environnement. Leur diffusion serait moins rapide, leur institutionnalisation plus faible et leurs effets sur les formes de production de l'action publique seraient limités. » (Szarka 2001, cité par Halpern 2007 : 7)

4.2. Les défis globaux

« La panoplie de moyens d'action la plus efficace pour des secteurs et problèmes particuliers n'a pas encore été identifiée. » (OCDE 1997 : 70)

Par contre, les grands rapports internationaux (AEE 2005, OCDE 1997, PNUE 2002 et 2007) s'accordent globalement sur les défis et les clés pour s'orienter vers un développement durable. Nous en avons extrait les principaux éléments :

· nécessité d'une volonté politique et d'une structure institutionnelle fortes

· davantage intégrer économie et environnement

· agir sur les secteurs clé : énergie, transports, agriculture

· agir sur les facteurs socio-économiques (aménagement du territoire)

· combiner et articuler les différents instruments (méta-instruments)

· optimiser les mécanismes du marché

o internalisation des externalités

o suppression des aides financières défavorables

· sensibiliser et informer les consommateurs ? valeurs !

Commentons brièvement les domaines où la France marque de bons points :

· Le Grenelle de l'environnement affiche une volonté politique forte et le nouveau méga-ministère est une structure institutionnelle édifiante.

· Le secteur de l'énergie émet proportionnellement peu d'émissions atmosphériques par rapport aux autres pays européens en raison du choix du nucléaire (voir supra).

· La combinaison des différents instruments s'est faite très tôt en France. « Ce qui est peut-être le plus original dans la politique française de l'environnement, c'est le couple réglementation-incitation. » (Chambolle 1994-1995 : 9) Il en est de même pour les instruments contractuels (voir supra) et les méta-instruments (PNE de 1991, Grenelle de 2007) permettant d'articuler les instruments sectoriels (voir supra).

· Les procédures d'information, tels que les consultations pour l'élaboration de la Charte de l'environnement (2002) et de multiples débats nationaux et locaux, ont été largement développées depuis les années 2000. (Boy 2007 : 10)

C'est déjà un début, mais le chantier semble encore immense ! Notons que si les intentions exprimées avaient toujours été réalisées, la France serait un exemple de développement durable. Mais entre la théorie et la pratique, le pas à faire est gigantesque.

IV - Etude thématique : l'eau

Une première lecture des évaluations d'experts sur les politiques de l'eau durant ces quarante dernières années fait grossièrement ressortir trois paradoxes :

· Dans un Etat traditionnellement centralisé, ce sont principalement les acteurs décentralisés qui contrôlent l'eau. Au niveau de la gestion publique, le ME joue ainsi un rôle modeste tandis que les Agences de l'eau, établis par bassin hydrographique, jouent un rôle prépondérant. Au niveau de la gestion technique, c'est le secteur privé qui assure une mainmise dominante.

· Toujours au niveau national, de nombreux experts dénoncent le décalage entre les moyens mis en oeuvre et les résultats constatés au regard de l'état des eaux.

· Au niveau supranational, la popularité du modèle français de gestion de l'eau présente un contraste surprenant par rapport aux multiples manquements face au droit européen.

Nous tenterons de présenter les rapports de force entre les trois protagonistes en charge de la gestion de l'eau en France, et de clarifier le paradoxe apparent de leur coexistence, dans les points 1 et 2. Au travers de deux techniques d'analyse particulières, le modèle Pressions - Etat - Réponses (PER) et l'évaluation des politiques, les points 3 et 4 nous donneront l'occasion de préciser les deux dernières contradictions.

Nous commencerons cette étude en confrontant le thème de l'eau aux deux premiers chapitres de notre recherche. Les tableaux synthétiques 1 (p. 11) et 2 (p. 30) nous serviront de fils conducteurs pour présenter les grandes lignes des contextes de l'institutionnalisation de l'eau en France et des mutations de la problématique.

L'application du modèle PER78(*) à l'évolution de la problématique de l'eau en France délimitera les pressions et les réponses en fonction des principaux acteurs/secteurs de l'eau - industrie, collectivités locales et agriculture.

Notre évaluation finale des politiques de l'eau nous permettra enfin d'aborder les questions posées à l'introduction de notre recherche, concernant les objectifs, leur mise en oeuvre et l'efficacité de la réponse publique.

Nous basons notre étude générale sur des analyses spécifiques d'experts, tels que Barraqué ou Meublat, ainsi que sur des rapports d'information du Sénat ou des revues spécialisées, comme un Sciences & Vie sur le Bilan de l'eau en France. L'analyse PER est construite à partir de données provenant des rapports sur l'état de l'environnement en France.

1. Contextes d'institutionnalisation

Nous tenterons de définir l'évolution des rapports entre les thématiques de l'eau et de l'environnement au sein des contextes globaux de l'institutionnalisation de l'environnement. Nous définirons par après les principales phases de l'institutionnalisation de l'eau.

1.1. L'eau construit l'environnement

Comme la plupart des politiques que l'environnement a regroupées, la politique française de l'eau existe bien avant la création du ME et constitue une activité majeure des administrations publiques :

« Qu'il s'agisse des grands travaux hydrauliques ou hydroélectriques, des adductions, de l'alimentation en eau et de l'assainissement des villes, des canaux, des barrages, etc., elles s'y consacraient avec méthode et disposaient de moyens nécessaires. En revanche, elles ne s'intéressaient guère aux ressources en eau, c'est-à-dire aux rivières et aux nappes souterraines, sinon pour les employer. Des réseaux d'observation éparses et disparates pour les débits, les niveaux et la qualité, pas de plan de gestion collectif, pas d'objectifs à long terme dans les bassins hydrographiques, une police des eaux, c'est-à-dire un dispositif d'ensemble d'autorisations de prises et de rejets, incohérente et complexe, faite de règlements et de droits anciens (divers dataient de Charles V), superposés avec le temps et au demeurant, peu respectés. Les résultats étaient déplorables... » (Saglio 2007 : 34)

La DATAR, l'administration qui organisera l'élaboration du premier programme pour l'environnement en 1969 (voir supra), se charge de la coordination de la politique de l'eau (traditionnellement traitée par une demi-douzaine de ministères, résultant à un chevauchement des compétences), notamment au travers d'une mission interministérielle. Ainsi, si l'eau et l'environnement ont une matrice commune (la DATAR), l'eau représente l'un des enjeux justifiant l'invention de l'environnement.

Des problèmes, tels que des conflits entre l'amont et l'aval (voir infra) ou le coût de la dépollution des eaux, créent le besoin d'une gestion localisée faisant intervenir les divers acteurs. En 1964, la loi-cadre sur l'eau réorganise la juridiction et instaure les Agences Financières de Bassin - rebaptisées Agences de l'eau par la suite - selon la logique originale des circonscriptions écologiques (Prieur 1991 : 252). Les Agences se développent et sont vite considérées comme un modèle institutionnel. D'aucuns affirment qu'il serait souhaitable d'étendre le système aux déchets industriels et à la pollution de l'air (Garnier-Expert 1973 : 272 ; Barraqué 1999 : 116).

La compétence de l'eau représente un enjeu de taille, comme le souligne Robert Poujade dans ses mémoires sur le Ministère de l'impossible (1975). L'impossible se réalise pourtant : d'une politique uniquement centrée sur la gestion de la ressource, l'eau devient une politique environnementale.

1.2. L'environnement reconstruit l'eau

L'intégration des diverses thématiques dans la politique environnementale en 1971 s'opère par « recyclage » des politiques des administrations anciennes. (Lascoumes 1994 : 16) Si la loi de 1964 et les Agences de l'eau sont certes maintenues, nous soutenons qu'une nouvelle politique de l'eau advient rapidement de l'intégration à l'environnement. Comme point de départ à notre démonstration, citons ce court témoignage d'un ancien haut fonctionnaire du ME : « Les rejets de rivières régressaient à partir de 1974 »... (Saglio 2007 : 39) ...soit trois ans après la naissance du ministère !

Au-delà de son avance naturelle de thématique précédant l'environnement, comment la politique de l'eau intègre-t-elle le contexte évolutif de la politique environnementale ?

Les années 1971 à 1978 sont fastes pour l'environnement (voir supra) ainsi que pour la politique de l'eau. Pour ne citer que deux exemples : les contrats de branche (dès 1972) et la loi relative aux installations classées et le contrôle intégré de la pollution (1976).

La crise de l'environnement qui fait suite aux chocs pétroliers est également d'application dans le domaine de l'eau : « les prix de l'eau et les redevances ont été bloqués de 1978 à l'arrivée de Michel Rocard et de Brice Lalonde » (Barraqué 2007 : 78). De plus, « La crise économique a conduit les forces politiques a privilegier les mesures les plus efficaces à court terme et à différer le traitement de problèmes moins visibles ou à long terme, comme la contamination des nappes phréatiques. » (Theys 1998 : 26) Ce dernier point influera sur l'enchaînement des priorités d'action, allant des points noirs ponctuels de la pollution industrielle aux émissions diffuses de la pollution agricole.

Le lancement du PNE en 1991 inscrit des objectifs ambitieux pour les divers domaines de l'environnement, dont l'eau (voir infra), et propulse la loi sur l'eau de 1992 (voir infra).

Par contre, force est de constater que l'eau représente l'un des enjeux délaissés par le Grenelle, qui ne lui consacre pas de table ronde mais juste un petit programme. Parmi les mesures annoncées, les trois premières concernent soit l'application de directives européennes pour lesquelles la France a du retard - mise aux normes totales des stations d'épuration d'ici 2009 ; protection des 500 captages d'eau potable les plus menacés d'ici 2012 -, soit l'achèvement des plans définis par la loi sur l'eau de 1992 - achèvement des Schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) en 2009. Rien de vraiment révolutionnaire. L'annonce, sous le programme Agriculture, de réduire de moitié les pesticides d'ici dix ans, semblerait plus engageante si elle n'avait été édulcorée par les lobbies agricoles FNSEA et UIPP, avec la réserve de la mise au point d'alternatives (Boy 2007 : 12, 14). La thématique locale de l'eau (au niveau national) semble s'effacer devant l'enjeu mondial que représente le changement climatique au sein d'un processus certes national, mais affichant un leadership international conséquent.

1.3. Principales étapes de l'institutionnalisation de l'eau

Face aux conflits de type amont/aval, « le SPEPE [Secrétariat permanent pour l'étude des problèmes de l'eau], localisé à la DATAR, a répondu d'une part en important, ou en réimportant, d'Angleterre la gestion systématique par bassins (les River boards), et d'Allemagne le syndicat coopératif de la Ruhr (Genossenschaft), avec les comités d'usagers composés d'industriels et d'élus des villes ; et d'autre part en inventant la notion de travaux d'intérêt commun... ». (Barraqué 1999 : 110)

La loi-cadre de 196479(*) sur le régime, la répartition des eaux et la lutte contre leur pollution crée une gestion de l'eau « par bassin, partenariale et utilisant les instruments économiques (redevances de prélèvement et de pollution) ». (OCDE 1997: 63) Chacun des six grands bassins hydrographiques est géré par une Agence Financière de Bassin - rebaptisée ultérieurement Agence de l'eau. Le Comité de bassin, qui regroupe les représentants de l'Etat, des collectivités locales et des usagers de l'eau, précisent les orientations de la politique de l'eau et le niveau des redevances.

« Avec la loi de 1992, les missions des agences dépassent celles de simples instruments financiers, incitatifs et redistributeurs. En effet, les agences et comités vont devoir systématiquement établir une planification des ressources en eau par bassin. » Les principaux documents de planification sont le Schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) et le Schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE). « Le rôle des comités va être considérablement accentué puisque ce sont ces comités qui vont élaborer les schémas. » (Brouin 1994-95 : 101-102)

Troisième grand texte législatif, la loi sur l'Eau et les Milieux Aquatiques (LEMA) de 2006 reprend les objectifs de la directive-cadre européenne sur l'eau.

2. Mutations de la problématique de l'eau

Nous adapterons certaines des mutations constatées dans le domaine de l'environnement (voir ch. 2) au cas de l'eau : l'évolution du niveau géographique des enjeux, le rapport entre eau et économie, et les origines de la perception de l'eau.

2.1. Primauté de l'enjeu géographique

Au tournant des années 70, l'avance de la thématique de l'eau sur celle de l'environnement peut être justifiée par sa primauté en tant qu'enjeu à dimension régionale. « Considéré comme une découverte en 1968, au moment de l'adoption de la Charte européenne de l'eau, aujourd'hui, le fait que, comme l'eau, l'environnement ne connait pas de frontière est une banalité. » (Kiss 1999 : 57) La géographie des fleuves, charriant les polluants ou exposant des niveaux d'eau bas résultant de prélèvements extra-frontaliers, n'est pas absente de ce phénomène. Notons que la thématique de l'eau partage cette particularité avec celle de la pollution atmosphérique. De nos jours, l'eau est souvent perçue comme un enjeu mondial au regard de la pénurie de la ressource - cf. références à « l'or bleu ». Notons cependant que le thème de l'environnement, par la multiplication des enjeux internationaux qu'il renferme, dépasse aujourd'hui largement le thème de l'eau en tant qu'enjeu mondial.

2.2. Rapports entre eau et économie

De manière schématique, avant les années 90, environnement et économie sont antinomiques, l'environnement représentant une contrainte pour l'économie et l'économie constituant une menace pour l'environnement. Les années 90 voient émerger une double prise de conscience : d'un côté, les répercussions négatives d'une croissance sans limite sur les ressources, et finalement sur l'économie, sont pointées du doigt ; de l'autre, le bénéfice économique de la gestion des problèmes environnementaux est apprécié. (voir supra) L'eau s'intègre-t-elle dans ce cadre d'analyse ? La réponse nous parait contrastée, en raison de l'historicité de la gestion privée de l'eau.

Ainsi, l'eau représente une source de revenus dès le XIX° siècle, époque où la Générale des Eaux et la Lyonnaise des Eaux débutent leur implantation sur les marchés de la distribution et de l'assainissement des eaux. Leur expertise technique et gestionnaire en feront de véritables empires mondiaux (dénomination courante : Veolia et Suez), leaders dans le domaine de l'eau, mais aussi globalement dans le domaine de l'environnement - ce qui est révélateur de l'influence de la problématique eau sur celle de l'environnement dans le domaine de l'économie en France. Au niveau national en l'an 2000, le secteur privé dessert en eau environ 77 % de la population ! (Science & Vie : 56) Notons que les contrats signés avec les collectivités locales - concession, affermage, gérance - représentent des outils particulièrement puissants.

Par contre, en dehors du secteur économique spécifique de l'eau, la prise de conscience du bénéfice lié à une gestion propre de la ressource s'installe conjointement à celle du bénéfice lié à la gestion de l'environnement. Le facteur décisif de perception semble davantage s'axer autour des acteurs/secteurs. (voir supra) Pionnière en la matière, l'industrie est suivie par les collectivités locales, et en dernier lieu par l'agriculture - dont la mutation de la perception est toujours en cours. (voir infra)

Ainsi, selon le témoignage d'un cadre d'une grande industrie, « les industriels qui avaient envisagé le recyclage [de l'eau] d'un point de vue environnemental, l'adoptent pour les économies qu'il génère ». « Tout à la fois des économies d'eau, de peinture et de redevance à la pollution. Le recyclage s'avère très rentable dès lors que la molécule à récupérer est chère. C'est le cas pour les solvants en chimie, les teintures dans le textile, les métaux lourds de l'industrie électrique ou encore le lactosérum produit dans l'industrie laitière. » (Science & Vie 2000 : 74)

2.3. Fondements de la perception de l'eau

C'est également autour de ces deux niveaux d'influence - privé et public - que l'on retrouve les racines de la perception de la ressource eau : l'hygiénisme du milieu du XIX° siècle et la planification des Trente glorieuses.

Edifiées à l'époque de Pasteur, la Générale des Eaux et la Lyonnaise des Eaux répondent aux nouvelles attentes en termes de santé publique : la distribution et l'assainissement de l'eau. (voir supra)

Synonyme de reconstruction et de rattrapage industriel (voir supra), la période d'après-guerre est orchestrée par un Etat gaullien central et dirigiste (voir supra). Dès 1946, le Commissariat Général au Plan (CGP), organe rattaché au chef du gouvernement, élabore des plans quinquennaux80(*) au sein desquels sont notamment tracées les grandes orientations de la gestion nationale de l'eau. Vingt ans plus tard, « le lancement du programme nucléaire symbolisait une industrialisation qui nécessitait une gestion plus poussée de l'eau, et de grands investissements dans les barrages et dans les stations d'épuration » (Barraqué 2007 : 77).

Ces perceptions anthropocentriques de la ressource se vérifient par la nature des premiers investissements consentis : « les communes et les industriels non raccordés aux réseaux publics ont obtenu des aides pour s'équiper en réseaux d'assainissement, et ainsi protéger les conditions de santé publique sur place, mais ce faisant ils ont multiplié les points de rejets de pollution concentrée dans les rivières, avec des conséquences de plus en plus graves pour l'aval. Mais ils ne voulaient pas réaliser des investissements qui bénéficieraient à l'aval. » (Barraqué 1999 : 110)

Même si la loi-cadre sur l'eau de 1964 définira des objectifs de qualité par tronçon de rivière, le problème se pose davantage en termes de solidarité des usagers qu'en termes de viabilité écologique - si ce n'est pour les pêcheurs, parmi les premiers usagers à alerter la société concernant les problèmes de dégradation des milieux aquatiques. Il faut cependant attendre la loi sur l'eau de 1992 pour que soit affirmée la priorité à accorder à la protection écologique des milieux aquatiques au même titre qu'à la satisfaction des usagers. (OCDE 1997 : 63) A ce titre, la directive-cadre sur l'eau (2000/60/CE) fixe un objectif ambitieux de bon état de l'ensemble des eaux de l'UE en 2015.

Notons que les structures institutionnelles des usagers de l'eau, à savoir les Agences de bassin, sont elles-mêmes portées par les deux particularités françaises exprimées ci-dessus : le modèle de l'Etat centralisateur (voir supra) et la gestion technique privée de l'eau. Ainsi, « la dichotomie public/privé tend à faire place à un jeu triangulaire dans lequel intervient un tiers qui n'est ni public, ni privé, mais quelques chose de l'ordre du communitas (plutôt que du societas), c'est-à-dire de la communauté d'usages de l'eau organisée localement autour d'une même ressource. » (Barraqué 2007 : 77)

3. Application du modèle PER à l'évolution de la problématique de l'eau

L'analyse ci-dessous représente une synthèse d'un document de travail (non-inclus dans ce mémoire) que nous avons construit selon les échelons suivants : par décennie, par pressions, état et réponses, par type d'acteur impactant (divisé en fonction des impacts qualitatifs ou quantitatifs sur la ressource en eau), type de milieu impacté et type de mesure prise.

3.1. Pressions

Au niveau des impacts sur la qualité de l'eau, « Si l'industrie a depuis 1971 divisé ses rejets polluants par plus de dix (en cinq ans ses rejets étaient déjà divisés par deux), si les communes les ont divisés par trois, l'agriculture a largement augmenté les siens, directs ou indirects. » (Saglio 2007 : 39)

Industrie

Trois paramètres généraux, suivis de longue date, montrent que les rejets industriels dans l'eau après épuration81(*) ont nettement baissé : les matières en suspension (MES), les matières oxydables (MO) et les matières inhibitrices (MI). « Entre 1974 et 1991, les rejets nets de l'industrie ont chuté de 46% pour les MES, 44,6% pour les MO et 55% pour les MI. » (Ifen, 1996-97 : 52) Sur une échéance plus proche, entre 1980 et 2000, les rejets ont diminué de 56 % pour les MES, 47 % pour les MO et 70 % pour les MI. (Ifen 2006 : 103) (voir graphique 8)

L'industrie a également diminué ses prélèvements à usage industriel de 39 % depuis 1970 (Ifen 2006 : 203).

Graphique 8

Collectivités locales

Ne disposant que de peu de données concernant les rejets des collectivités locales, nous présentons l'évolution du taux de raccordement à une station de traitement des eaux usées (voir graphique 9). L'augmentation progressive du taux de raccordement depuis 1970 s'accélère brutalement au début des années 90, avec une montée en flèche de 25 % de la population raccordée en 5 ans, et se stabilise par après.

Il faut cependant tenir à l'esprit que le taux de dépollution (taux de collecte x rendement des stations) est bien inférieur au taux de raccordement. Ainsi, au début des années 90, « la mauvaise collecte des effluents se traduit par le non-acheminement vers les stations d'épuration de la moitié de la pollution domestique brute (en MO). (...). En ajoutant à cela les limites dues au fonctionnement des stations elles-mêmes, c'est bien les 2/3 de la pollution domestique qui se retrouvent directement dans les cours d'eau. » (Meublat 1991 : 34)

Quant aux prélèvements à usage domestique, ils croissent jusqu'en 1989 et se stabilisent par la suite. (Ifen 2006 : 46 et OCDE 1997 : 60)

Graphique 9

Sources des données :

- OCDE (1991), Indicateurs d'environnement, une étude pilote,

- OCDE (1997), Examens des performances environnementales ; France,

- OCDE (2005), Examens environnementaux ; France.

Agriculture

Nous avons vu que l'utilisation des intrants agricoles a augmenté de 1970 à 1990 pour se stabiliser et diminuer légèrement par la suite. Par comparaison, « L'utilisation d'engrais azotés et de pesticides, ramenée au km², reste largement supérieure à la moyenne de l'OCDE et de l'OCDE Europe. Le bilan de l'azote à la surface du sol présente un excédent de 21 kg/hectare en moyenne nationale. » (OCDE 2005 : 80)

En comparant les données de 1986 et de 2006, on constate que les prélèvements bruts pour l'irrigation on été multipliés par 1,7 pour les eaux superficielles et par 5,1 pour les eaux souterraines. Après une croissance de 66 % des surfaces irriguées entre 1988 et 1997, l'utilisation de l'eau d'irrigation82(*) semble actuellement se stabiliser (Ifen 2006).

3.2. Etat

L'amorce d'un renversement de tendances apparaît vers la fin des années 80 et se confirme aujourd'hui : les grands fleuves s'assainissent suite à la réduction des points noirs de pollution industrielle, tandis que les petits cours d'eau se dégradent sous l'impact combiné de la sécheresse et de l'agriculture intensive. Globalement, « les dégradations, bien que moins spectaculaires qu'autrefois, ont pris un caractère chronique et les améliorations ont atteint une phase asymptotique qui n'est pas le bon état des milieux aquatiques. » (Ifen 2006 : 193)

Les données du système d'évaluation de la qualité des eaux en France (SEQ-Eau) rendent compte de l'évolution constatée au niveau des pressions :

« Depuis une vingtaine d'années, la qualité des cours d'eau s'est nettement améliorée pour toutes les pollutions ponctuelles de type organique liées aux rejets des stations d'épuration des collectivités et pour les phosphates d'origine urbaine mais aussi agricole. Les eaux rejetées sont beaucoup moins consommatrices d'oxygène. (...) Les apports diffus d'origine agricole, nitrates et pesticides, polluent de façon significative une grande partie des cours d'eau et des nappes. Même si rien ne permet encore de constater une décroissance des nitrates, il semble que la tendance de ces dernières années soit à la stabilisation des concentrations trouvées dans les eaux de surface.83(*) » (voir graphique 10).

Par contre, les concentrations en nitrates et en pesticides continuent d'augmenter dans les nappes phréatiques, en raison du temps de percolation des produits présents dans les sols.

« La qualité des eaux distribuées en France s'est globalement améliorée ces dernières années, grâce à la mise en place de traitements de l'eau plus poussés et une meilleure sélection des sources d'approvisionnement en eau potable.» (OCDE 2005 : 65)

Cependant, le dépassement du seuil de 50 mg/l de nitrates dans les captages ont maintes fois placé la France en situation de manquement face une directive des années 70 (!) : la Directive « Qualité des eaux superficielles » (75/440/CEE). Ce problème est propre à la Bretagne, qui rassemble 50 % des porcs, 50 % des volailles et 30 % des bovins sur 7 % de la surface agricole française.

Enfin, signe de la résorption des points noirs, la qualité des eaux de baignade s'est beaucoup améliorée, passant d'environ 70 % de points conformes au début des années 80 à environ 90 % à la fin des années 90.

Graphique 10

3.3. Réponses

Industrie

Les améliorations au niveau de la pollution et des prélèvements d'eau par l'industrie s'expliquent par la combinaison d'instruments conventionnels (contrats de branche84(*)), économiques (redevances et aides à l'investissement) et législatifs (loi relative aux installations classées et le contrôle intégré de la pollution en 1976), ainsi que par le développement de technologies propres et l'effet de la crise industrielle (faisant disparaître bon nombre d'unités de production qui employaient un capital productif ancien, utilisant les techniques les plus polluantes).

En fonctionnant par branche d'activité, la distorsion de concurrence, résultant des coûts d'investissements en technologies propres, est évitée (au niveau national). La double incitation économique - qui pollue paie et qui dépollue est aidé - permet d'annuler les frais de l'Etat ainsi que de l'industrie (les aides étant puisées dans les recettes des redevances), voir même de procurer à l'industrie un avantage concurrentiel par rapport à ses voisins européens. (Barraqué 2007 : 78) Nous verrons cependant que des effets pervers ressortent de l'emploi de ces instruments de type économique.

L'objectif de la loi de 1976 relative aux installations classées et le contrôle intégré de la pollution (1976) est de mettre en place les meilleures technologies disponibles à un coût économiquement acceptable. » (Theys 1998 : 29)

Au niveau des prélèvements l'augmentation du prix de l'eau contribue, avec les redevances, à instaurer le recyclage des effluents dans les processus de production. (voir infra)

Collectivités locales

La combinaison d'instruments conventionnels (contrats d'agglomération85(*)) et d'instruments économiques (doublement des redevances) résultant de l'application de la législation européenne (directive « Eaux Résiduaires Urbaines » (91/271/CEE)) propulse le taux de raccordement des collectivités locales au début des années 90.

Au début des années 90, l'application de la directive européenne « Eaux Résiduaires Urbaines » pousse les agences à doubler les montants des redevances, afin de pouvoir réinvestir ces revenus en technologies de dépollution (même principe que pour l'industrie).

Venant contrer les effets de l'augmentation de la population et du niveau de confort, une synergie de causes (Ifen 2006) explique la stabilisation des prélèvements à usage domestique.

Agriculture

« Suite au rapport Hénin86(*) de 1980 une stratégie commune des Ministères de l'agriculture et de l'environnement a été mise en oeuvre [en 1984] » (Prieur 1991 : 477). Notons cependant que les priorités d'intervention définies par le V° programme des agences de bassin (1987-1991) ne concernent pas l'agriculture. (Secrétariat d'Etat 1990 : 99)

Les politiques d'intervention au niveau agricole se mettent surtout en place à partir des années 90. Le Programme de Maîtrise des Pollutions d'Origine Agricole (PMPOA) (1993) fournit des aides aux investissements (stockage du fumier et du lisier). L'OCDE note ainsi une réorientation des dépenses agricoles, consacrées pour l'essentiel dans les années 80 au développement des irrigations, en faveur des PMPOA. (OCDE 1997 : 68) Créée en 2000, la taxe sur les pesticides (TGAP-pesticides) est transformée en redevance par la loi sur l'eau de 2006 (LEMA), au lieu d'instaurer un double dividende selon l'idée formulée par Alain Lipietz et d'autres économistes de l'environnement (Commission des affaires économiques du Sénat). Quant à l'idée d'instaurer une redevance azote spécifique aux cultures intensives, elle est finalement abandonnée par la LEMA suite aux pressions du lobby agricole.

Au-delà de la politique nationale, la PAC et l'impact minoritaire de ses réformes sont remises en cause : « la faible part des aides agro-environnementales dans les budgets, la dispersion des mesures sur le territoire et l'utilisation au sein d'une même politique d'instruments aux objectifs et effets antagonistes n'ont finalement pas permis d'inverser significativement les tendances par rapport à l'environnement » (ME 2006). (voir graphique 11)

Graphique 11

Au niveau de la stabilisation des prélèvements d'eau par l'agriculture, « d'une part, les charges financières correspondantes sont de plus en plus élevées par rapport au gain obtenu sur la vente des récoltes ; d'autre part, les outils de pilotage se développent pour optimiser les apports d'eau. Enfin, les restrictions de plus en plus fréquentes par arrêté préfectoral limitant, voir interdisant les prélèvements pour l'irrigation incitent les agriculteurs à modifier leurs assolements pour mieux tenir compte du risque de crise » (Ifen 2006 : 68).

4. Evaluation des politiques de l'eau

Nous différencierons l'évaluation de la politique globale de l'eau (politics) de celle des politiques spécifiques (policies), suite à quoi nous nous pencherons sur les questions du PNUE, soulevées à l'introduction.

4.1. La politique de l'eau

Deux critiques de la politique française de l'eau que l'on retrouve de façon persistante dans les évaluations d'experts ont trait aux deux paradoxes soulevés à l'introduction, et que nous développons ci-dessous.

· Le décalage entre les moyens mis en oeuvre et les résultats constatés au regard de l'état des eaux :

o Ce paradoxe peut être exprimé en termes de protagonistes de la gestion de l'eau :

« Cela fait plusieurs décennies que nos responsables prétendent que nous avons le meilleur système de gestion de l'eau au monde, comprenant les agences de l'eau pour la programmation, le financement et l'incitation, et la délégation des services publics incombant aux collectivités territoriales à des entreprises qui sont les leaders mondiaux des services liés à la fourniture et à l'assainissement des eaux. Pourtant, le diagnostic de l'état des eaux dans le milieu naturel est mauvais : une fois de plus, la France ne sera vraisemblablement pas au rendez-vous, en 2015, des objectifs de restauration de la qualité des eaux de surface définis par la directive européenne sur l'eau d'octobre 2000. » (Godard 2007 : 42)

o Ce paradoxe peut également être exprimé en termes de moyens financiers :

Au cours de la période étudiée, les politiques de l'eau représentent environ la moitié des dépenses en matière de politiques environnementales ! (Theys, 1998 et Ifen 2006 : 436). A titre indicatif, pour la période 1992-1996, le budget des Agences de l'eau représentait 35 milliards de francs, par rapport à 1,65 milliards pour le budget du ME ! (Bouin 1994-95 : 101) L'Ifen prend acte de l'écart entre moyens et résultats : « Malgré les investissements considérables réalisés dans le domaine de l'eau, près de deux millions de personnes reçoivent une eau dépassant les valeurs limites en nitrate, près de sept une eau non conforme pour les pesticides. La qualité de la plupart des grandes rivières reste médiocre et on reste très souvent dans l'incertitude quant aux performances réalisées dans l'assainissement collectif faute d'indicateurs fiables. » (1999 : 10)

o Enfin, ce paradoxe peut être exprimé en termes d'instruments (voir infra) :

La liste des instruments de la politique française de l'environnement par Halpern (voir annexe n° 15) révèle l'usage d'instruments de troisième génération (voir supra) dans le domaine de l'eau dès la fin des années 50. Il s'agit d'instruments de type informatif et communicationnel (comités consultatifs en 1959 et 1964) et de type conventionnel et incitatif (accords de branche en 1971).

· Le contraste entre la popularité du modèle français de gestion de l'eau et les multiples manquements face au droit européen :

Soulignons en premier lieu le caractère pionnier de la loi-cadre sur l'eau de 1964 sur le régime, la répartition des eaux et la lutte contre leur pollution :

o Par cette loi, « la France est le premier pays de l'OCDE à avoir adopté un système décentralisé de gestion intégrée de la ressource au niveau du bassin hydrographique, système dont s'inspire la directive-cadre européenne sur l'eau » (OCDE 2005 : 71) ;

o elle repose sur l'application de la responsabilité, assortie de deux principes complémentaires, « qui pollue, paye » (redevances) et « qui dépollue est aidé » (aides) (Bazin, 1973 : 304 et OCDE, 1997 : 73) ; de la sorte, elle préfigure le principe du pollueur-payeur avant qu'il ne soit formulé par l'OCDE (1970) ;

o elle introduit le concept de qualité des eaux par type d'usage, qui sera repris dans les premières directives européennes sur l'eau.

Notons que « La lutte contre la pollution des eaux est le domaine le plus ancien et le plus développé de la politique communautaire de l'environnement. » (Prieur 1991 : 462) « A l'origine, la législation communautaire sur l'eau s'est focalisée sur la protection des masses d'eau utilisées par l'homme (eau potable, eaux de baignade...). Puis une série de directives a été adoptée dans les années 1990 pour réglementer les sources de pollution (rejets d'origine urbaine, agricole et industrielle). » (Commission des affaires économiques du Sénat 2000)

Si l'UE a certes notamment puisé son inspiration dans l'exemple français, les influences croisées (voir supra) sont d'application dans le domaine de l'eau. Pour ne citer que les directives les plus influentes :

o la directive « Qualité des eaux superficielles » (75/440/CEE),

o la directive « Eaux Résiduaires Urbaines » (91/271/CEE),

o la directive « Nitrates » (91/676/CEE),

o la directive-cadre sur l'Eau (2000/60/CE).

Hors, les trois directives citées ci-dessus, qui auraient dû être d'application nationale depuis des dizaines d'années, ont suscité des recours en manquement envers la France par la CJCE. De manière plus globale, Betina Laville, Conseiller pour l'aménagement du territoire et l'environnement au cabinet du Premier Ministre, constate que « par rapport à la qualité de l'eau, nous ne satisfaisons pas à nos obligations internationales tant sur le plan européen que sur le plan des conventions de l'ONU issues de Rio. Et si la France devait être condamnée dans une juridiction internationale, nous n'aurions plus aucune arme pour défendre notre point de vue par rapport à la directive-cadre et l'objectif de 2010. » (Commission des affaires économiques du Sénat 1998)

En plus de ces deux grands paradoxes, les principales critiques adressées à la politique de l'eau par les experts sont les suivantes :

· selon Betina Laville, « Le principe pollueur-payeur n'a jamais été parfaitement appliqué par les agences de l'eau, simplement parce que des domaines entiers sont restés non traités. » (Commission des affaires économiques du Sénat 1998) Ainsi, l'élargissement du système au domaine agricole se fait à tous petits pas. Depuis la loi sur l'eau de 2006, la taxe sur les pesticides est devenu une redevance, mais il n'y a toujours pas eu d'accord concernant une redevance nitrate (voir infra) ;

· « un déséquilibre entre les moyens consacrés à la pollution chimique traditionnelle et ceux consacrés aux autres problématiques, notamment les inondations et les pesticides » (OCDE 2005 : 77) ;

· l'insuffisante implication des agences et de l'incitation économique dans le domaine des prélèvements d'eaux souterraines (Barraqué 1999 : 119) ;

· la subsidiarité des Agences/Etat : « Aujourd'hui, par exemple, les Agences de l'eau peuvent répondre à leurs détracteurs que leur inefficacité vient de leur manque de pouvoir, notamment en ce qui concerne l'élargissement du champ des redevances qui conditionne leur action ». (Barraqué 2007 : 74)

4.3. Les politiques de l'eau

Nous regroupons ci-dessous les principales critiques adressées par les experts aux politiques environnementales de types réglementaire, économique et contractuel.

Au niveau des limites du droit de l'eau et de son application, selon Meublat :

« Il n'existe pas en France (...) d'obligation juridique à ne pas polluer (...) et notre droit continue à se fonder sur la propriété plus que sur l'usage, un penchant dont les juristes de l'environnement ont montré les implications négatives. La notion de responsabilité est, d'autre part, inopérante dans le cas de la pollution diffuse où le pollueur ne peut être clairement identifié. (...) La police de l'eau est presque unanimement dénoncée comme la faiblesse la plus marquante du système français (...) et, conséquence logique, les poursuites sont peu nombreuses et leur rendement faible. Tous ces éléments négatifs mettent en cause le caractère incitatif (même s'il s'agit d'une incitation à ne pas faire) des dispositions réglementaires à vocation large. »

Meublat confère par contre une évaluation plus positive à la loi de 1976 sur les installations classées :

« La réussite de la législation sur les installations classées (comme dangereuses pour la sécurité, la santé des populations ou pour l'environnement) tient peut-être justement de sa spécificité : elle ne s'applique, en fait, qu'à une population restreinte et bien définie (les industriels de certaines branches, principalement) et recourt à un corps particulier de contrôleurs - les inspecteurs des installations classées - qui dépend des DRIR et du ministère de l'Industrie. » (Meublat 1991 : 39-40)

Sur ce plan, l'OCDE loue également les résultats remarquables de cette loi, malgré la recherche au plan local d'un accord et d'un consensus dans toute la mesure du possible. (OCDE 1997 : 74)

Au niveau des incitations économiques, Meublat critique la base du système des redevances ainsi que son évolution :

« L'application en France du système des redevances s'est accompagné de l'énoncé d'un autre principe, assez étrange, celui de la mutualité entre pollueurs : les ressources collectées doivent servir exclusivement à subventionner les investissements de dépollution de ceux qui ont payé la redevance - c'est pour cela que l'on parlera de redevance nette - et non dédommager les victimes (...). Cette pratique est tellement entrée dans les moeurs, que personne ne semble s'apercevoir que ce principe n'a d'autre légitimité que celle de son pragmatisme initial. (...) Le système n'a donc pas, au bout de 20 ans environ, atteint le niveau d'incitation prévu (ou plutôt espéré) par ses pères et recommandé par la théorie économique. » (Meublat 1991 : 43)

De plus, les taux des redevances ne sont pas assez dissuasifs : « Il peut être moins cher pour un pollueur de rejeter ses effluents, de payer la redevance, puis de recevoir l'aide pour investir dans la dépollution plutôt que de faire seul l'effort de ne pas polluer. » (Science & Vie 2000 : 59)

Les instruments économiques engagent Alain Lipietz à « une réflexion sur le sens qu'il fallait donner au principe pollueur-payeur. Il y a derrière trois conceptions assez différentes - on paye la réparation, la remise en état, et c'est l'idée de la redevance ; on paye le dommage, et c'est plutôt une indemnisation ;- et enfin le signal prix : il est adressé à l'éventuel pollueur pour que, si possible, il ne pollue pas et c'est plutôt l'idée de la pollutaxe. (...) C'est un peu ce problème du hasard moral qui amène aujourd'hui à tempérer la première conception du principe pollueur-payeur, que certains appellent payeur-pollueur, c'est-à-dire : j'ai payé une cotisation et j'ai le droit de polluer comme je l'entends. (...) Il faut donc ajouter, à une taxe de remise en état (la redevance, qui continuera à exister), une pollutaxe. » (Commission des affaires économiques du Sénat 1998)

Venant compléter les mesures réglementaires et économiques, toute une série de mesures contractuelles voient le jour : contrats de branche, de rivières, d'agglomérations.

Ces contrats sont généralement loués pour leur caractère volontaire et spécifique : Ainsi, « à l'échec de la démarche rationnelle des objectifs de qualité inscrite dans la loi de 1964 a répondu le succès des contrats de rivière, qui s'inscrivent davantage dans la logique mutualiste des agences. » (Barraqué 1999 : 104)

Le rapport Agriculture et Environnement du ME résume l'exploitation des diverses mesures et leurs limites dans le domaine agricole :

« La réglementation est nécessaire mais elle a montré certaines limites dans le domaine agricole : sa mise en oeuvre butte souvent sur une insuffisance des contrôles (par exemple pour l'épandage d'azote organique) ; elle n'affecte pas les activités proportionnellement à leurs impacts, et de par sa manière de répartir les efforts entre les agents, elle n'assure pas une efficacité optimum d'un point de vue économique. Ses contournements possibles limitent aussi son efficacité ; ainsi dans certains bassins versants aux productions d'effluents d'élevages particulièrement importantes, des extensions d'élevages ont été constatées, alors même qu'elles venaient contrecarrer les actions engagées. La réglementation peut enfin s'avérer peu adaptée pour prévenir l'apparition de situations de crise, en matière de ressources en eau par exemple.

Il existe aussi des instruments économiques tels que les taxes ou redevances environnementales qui peuvent inciter les agriculteurs à modifier leurs comportements. Mais ces taxes sont pour l'instant limitées aux produits phytosanitaires et aux prélèvements d'eau et leurs taux sont faibles au regard des dommages occasionnés, ce qui limite leur impact sur les comportements.

Par ailleurs, des mesures contractuelles basées sur une coordination des agriculteurs et sur des contrats d'adoption volontaire de modification des pratiques ont dans certains cas donné des résultats encourageants sur le plan environnemental : pouvant être plus facilement adaptées aux problématiques locales, elles nécessitent toutefois pour être efficaces qu'un nombre suffisant d'agriculteurs adhère à la démarche. »

(ME 2005)

4.3. Politique curative versus mesures préventives

La prépondérance d'une politique curative, qui traite les conséquences indésirables d'une activité humaine sur l'environnement, sur la voie préventive, qui remonte dans la chaîne des causalités, est une tendance qui se maintient jusqu'aujourd'hui. Elle se confirme au niveau des moyens consentis : « 40 % des investissements des agences de l'eau concernent des mises en place de technologies propres et 60 % de la dépollution » (Science & Vie 2000 : 74). Force est de constater que la technologie propre est le domaine exclusif de l'industrie.

La politique curative se répercute au niveau de la perception des principaux usagers - les industriels, les collectivités locales et les agriculteurs - en les déresponsabilisant dès lors qu'ils auront payé pour avoir pollué ou prélevé l'eau. (voir infra) Ainsi, l'une des principales critiques formulées envers l'agriculture est qu'elle ne participe pas aux frais alors qu'elle contribue largement aux problèmes.

Le premier rapport sur l'état de l'environnement de 1976 préconisait pourtant la mise en place de mesures préventives et non plus seulement curatives, orientation à nouveau annoncée par le PNE en 1991. Mais en 2002, François Guérold, hydrobiologiste membre du Comité de veille écologique de la Fondation Nicolas Hulot, critique encore l'insuffisance de la prévention. (Hulot 2002 : 63-64)

Meublat met en cause la culture technique ainsi que les intérêts économiques liés à une dépollution synonyme de profits :

« La lutte contre la pollution de l'eau est avant tout une affaire d'ingénieurs, d'installateurs de tuyaux et de bâtisseurs de stations d'épuration, de béton87(*) pour simplifier. Cette culture technique (...) n'évolue que très lentement. On peut pourtant s'interroger sur l'intérêt qu'il y a à développer des procédés coûteux de dénitrification ou de déphosphoration, alors qu'une politique de taxation (les engrais) ou de normalisation (les lessives) permettrait probablement de freiner l'émission des polluants en question. Mais il est aussi vrai que la prévention ne rapporte pas grand-chose à l'exportation... » (Meublat 1991 : 48)

Derrière les profits du secteur privé, se profile toute la batterie des enjeux socio-économiques - installation de nouvelles entreprises, emploi, croissance, ... - à laquelle les décideurs sont particulièrement sensibles :

« La composante éco-industrielle des programmes d'action publics destinés à prendre en charge les problèmes environnementaux n'est pas sans ambigüités. Dans la sphère politico-administrative comme dans le monde des affaires, il n'est pas rare de voir les préoccupations environnementales s'effacer derrière la possibilité de développer de nouveaux secteurs susceptibles de soutenir ou de relancer la dynamique économique. » (Rumpala 1999 : 394)

Notons que cette tendance semble se vérifier au niveau des domaines de l'environnement dont la gestion technique est mise entre les mains du secteur privé : eau, mais aussi déchets ou énergie. Ainsi, le choix de la voie curative semble être étroitement lié à son intégration dans la logique socio-économique.

4.4. Evaluation de l'efficacité des politiques de l'eau

Confrontons les politiques de l'eau aux questions élaborées par le PNUE et que nous avons présentées à l'introduction :

1) Les problèmes environnementaux ont-ils été définis ?

Sur une rétrospective de quarante ans, force est de constater que les pressions causant les problèmes de l'eau n'ont pas été définies en même temps. Dans les années 70, les pouvoirs publics se sont concentrés sur les points noirs de pollution, causés par les industriels et par les collectivités locales. Le problème de la pollution par l'agriculture a été défini plus tard, au début des années 80 par le rapport Hénin.

2) Des objectifs chiffrés ont-ils été formulés ?

Les premiers objectifs ne sont pas très ambitieux. « Il est significatif, par exemple, que les objectifs fixés en 1969 par le premier programme des agences de bassin (retour en 1985 à une qualité de l'eau considerée comme acceptable, avec une élimination de 80% des pollutions classiques) sont les même que ceux (...) proposés pour 2005-2010 » ! (Theys, 1998 : 26)

Même en 1991, les objectifs du PNE pour l'an 2000 n'incluent pas l'agriculture :

- rendre toutes les eaux utilisées par le public conformes aux normes européennes

- inciter au rejet zéro des toxiques dans l'eau et poursuivre l'effort de dépollution industrielle

- faire passer de 1/3 à 2/3 le taux effectif de dépollution des eaux domestiques

- faire évoluer de 15 à 80 % le taux de traitement de la pollution azotée ou phosphatée dans les zones les plus vulnérables (Chabason et Theys 1990 : 86)

La directive « Nitrates » (91/676/CEE) posera les premiers objectifs en la matière. Même aujourd'hui, l'objectif de réduction de la moitié des pesticides d'ici 10 ans, annoncée dans le cadre du Grenelle, est édulcorée par la réserve de la mise au point d'alternatives (voir supra).

3) Les intentions exprimées ont-elles eu une suite ?

Au niveau des rejets industriels, certainement. Au niveau des collectivités locales, cela dépend de quels objectifs. Ainsi, « l'objectif fixé par le PNE de réduire de 60 % les rejets domestiques avant 2000 devrait être atteint » (OCDE 1997 : 69). Par contre, l'objectif de la directive « Eaux Résiduaires Urbaines », transcrit en droit français, n'est toujours pas atteint.

4) Cette suite a-t-elle eu des effets positifs sur l'environnement ?

Globalement, les points noirs de pollution ont été éliminés, ce qui a permis d'assainir les grands fleuves.

5) Ces effets sont-ils suffisants ?

C'est à ce niveau d'interrogation que l'on découvre les véritables obstacles de la politique française de concertation et de consensus. Ainsi, le renversement de tendances constaté à la fin des années 80, à savoir l'assainissement des grands fleuves en parallèle à la dégradation des eaux les plus pures, relève-t-il l'incapacité de la France à réagir au niveau des pressions provenant de l'agriculture.

Notons qu'au niveau des secteurs où les mesures ont été appliquées, la situation n'est malgré tout pas idéale. L'assainissement effectivement mis en place par les collectivités locales est encore insuffisant en raison des fuites des réseaux et des dysfonctionnements des stations d'épuration. La dangerosité de la pollution nette d'origine industrielle est également mise en cause. « Après avoir diminué pendant plusieurs années, le niveau de pollution industrielle a tendance à se stabiliser. Pour progresser et réduire ce seuil, il faut agir sur la performance et la sécurité de fonctionnement des installations. » (Science & Vie 2000 : 68) L'industrie idéale au niveau de l'eau serait bien entendu celle qui fonctionnerait en cycle fermé !

Conclusion

Nous proposons d'apprécier nos hypothèses de départ, soulignées au travers de l'étude, au regard de l'optique globale que nous avons dégagée lors de notre recherche. Les politiques environnementales inscrivent ainsi leur réussite ou échec relatifs dans l'évolution de trois niveaux interactifs : les institutions, le type de problématique et les instruments publics.

Confrontons notre première hypothèse, à savoir l'impact du contexte socio-économique porté par des acteurs/secteurs sur la réussite d'une politique, à l'analyse détaillée que nous venons de parcourir. Le point commun entre les secteurs étudiés qui présentent une multiplication ou une intensification de leurs sources d'impact semble être leur place dans le circuit de la consommation. L'acteur-consommateur exerce une pression trop forte par rapport à la disponibilité en ressources et à la capacité d'absorption de la planète. Alors que certains pays européens ont commencé à découpler leur empreinte écologique de leur croissance économique, celle de la France continue à croître. (AEE 2005 : 205) Agir au niveau de la consommation est compliqué car cela implique une remise en question des modes de vie et, en définitive, des valeurs des citoyens. En tant que secteur prioritairement producteur, l'agriculture se place à part. L'agriculteur, acteur-producteur, s'est par contre organisé au sein d'un groupe de pression particulièrement puissant. Intervenir à ce niveau exige une volonté politique forte et une Europe unie dans ses intentions. Les instruments de communication et d'information semblent particulièrement utiles pour dépasser le rapport de force hostile avec le monde agricole (voir supra).

Notre deuxième hypothèse sous-entend la nécessité d'une gestion intégrée des politiques environnementales, d'une politique préventive versus curative et d'une vision à long terme des politiques, par opposition à la vision à court terme - en fonction des mandats - des politiciens. La notion de seuil optimal d'intervention implique la notion de seuil de tolérance du milieu récepteur, souvent mal connu.

Notre troisième hypothèse prend acte de la multiplication et de l'intensification de la majorité des sources d'impact liées à la poursuite d'un modèle de croissance fondé sur la consommation. Outre la constatation que les améliorations au niveau de l'environnement résultent souvent davantage du contexte global (chocs pétroliers pour les économies d'énergie) et de politiques sectorielles (choix du nucléaire/diminution des émissions de gaz à effet de serre), force est de constater que ces améliorations sont généralement soit compensées par l'augmentation des sources d'impact, soit remplacées par un autre problème d'ampleur et de gestion encore plus complexe.

L'exemple de la pollution atmosphérique soutient nos trois hypothèses : passage de la responsabilité des secteurs de la production (industrie et énergie) au domaine de la consommation (transports) ; intervention postérieure au seuil de tolérance du milieu récepteur (impacts sanitaires, pluies acides, changement climatique) ; compensation, voir dépassement des améliorations (diminution des émissions unitaires de NOx résultant des améliorations de la technologie automobile, globalement dépassées par la croissance du trafic routier).

L'eau présente le même type d'évolution sur quarante ans : mutation de la responsabilité imputée au secteur industriel à celui de l'agriculture; interventions des pouvoirs publics postérieures à l'altération de la ressource par les pollutions ponctuelles provenant de l'industrie, puis par les pollutions diffuses provenant de l'agriculture ; uniformisation de la qualité médiocre des eaux les plus pures par la multiplication des sources d'impact provenant du secteur agricole.

Pour garder une note d'optimisme, notons que la combinaison de mesures choisies par la France a tout de même conduit à un assainissement relatif des eaux dans les domaines visés, à savoir l'industrie en premier lieu, suivie des collectivités locales. Les manquements, et par conséquent les principaux défis à aborder à ce stade de l'évolution de la politique de l'eau, sont à traquer aux niveaux de l'application du droit de l'environnement et des redevances, de la performance des ouvrages d'assainissement (réseaux et stations) et des pressions provenant de l'agriculture.

Les problématiques d'environnement d'il y a quarante ans semblent fondamentalement différentes de celles d'aujourd'hui. Au niveau des sources d'impact : facilement identifiables à l'époque, elles sont beaucoup plus nombreuses et plus diversifiées aujourd'hui. Au niveau des enjeux : touchant alors principalement l'environnement immédiat, ils s'étendent aujourd'hui à la planète, voire à l'espace (cas des déchets satellites). Au niveau des solutions : la foi dans la technologie et les instruments de gestion traditionnels ne suffisent plus aujourd'hui, et il s'agit d'inventer de nouveaux outils, de les combiner avec les anciens, de créer de nouveaux rapports de force, etc. Au niveau de la responsabilité, avec le passage de la production à la consommation, et par conséquent à la nécessité de modifier les valeurs...

Ces changements d'échelle ont pris place tandis qu'en parallèle, la confrontation de l'environnement à l'économie s'est mutée en intégration réciproque. Mais à y regarder de plus près, l'économie ne se plie vraiment à l'environnement qu'en cas de bénéfices avérés. En usant de l'image de cellules, l'économie semble plutôt avoir phagocyté l'environnement.

Dans ce contexte de Croissance à tout prix, un processus ouvert comme le Grenelle aura-t-il la force d'impulsion pour ne serait-ce que faire dévier la machine infernale de sa trajectoire ? D'autant plus que la menace d'une crise économique mondiale risque de focaliser l'attention et de faire passer aux oubliettes les promesses de changement. Pour éviter que ne s'essouffle à nouveau une phase institutionnelle inscrite dans le temps politique court, l'Enjeu doit maintenant être approprié par le citoyen.

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Annexes

1. Intitulés des ministres et secrétaires d'Etat

2. Indicateurs de découplage d'environnement (IDE)

3. Conjoncture socio-économique

4. Evolution des problématiques environnementales au niveau mondial

5. Le Programme des cent mesures pour l'environnement

6. Graphiques relatifs aux émissions de CO2

7. Influence du mode de vie des ménages sur l'environnement

8. Graphiques relatifs à l'énergie

9. Graphiques relatifs aux déchets

10. Graphiques et tableaux relatifs au tourisme

11. Graphiques relatifs aux transports (1970 - 1995)

12. Graphiques relatifs aux transports (1990 - 2002)

13. Graphiques relatifs à la pollution acide de l'air

14. Typologie des instruments

15. Liste des instruments de la politique française de l'environnement

1. Intitulés des ministres et secrétaires d'Etat

7 janvier 1971

Ministre délégué chargé de la Protection de la Nature et de l'Environnement

Robert Poujade

1er mars 1974

Ministre des Affaires Culturelles et de l'Environnement
Secrétaire d'Etat chargé des Affaires Culturelles et de l'Environnement

Alain Peyrefitte
Paul Dijoud

28 mai 1974

8 juin 1974

Ministre de la Qualité de la Vie
Secrétaire d'Etat chargé de la Qualité de la Vie
Secrétaire d'Etat chargé de la Qualité de la Vie

André Jarrot
Gabriel Perronet
Paul Granet

12 janvier 1976

Ministre de la Qualité de la Vie
Secrétaire d'Etat chargé de la Qualité de la Vie

André Fosset
Paul Granet

27 août 1976

Ministre de la Qualité de la Vie

Vincent Ansquer

30 mars 1977

Ministre de la Culture et de l'Environnement

Michel d'Ornano

5 avril 1978

Ministre de l'Environnement et du Cadre de Vie
Secrétaire d'Etat chargé de l'Environnement et du Cadre de Vie

Michel d'Ornano
François Delmas

22 mai -
24 juin 1981

Ministre de l'Environnement
Secrétaire d'Etat chargé de l'Environnement

Michel Crépeau
Alain Bombard

24 mars 1983

Secrétaire d'Etat chargé de l'Environnement et de la Qualité de la Vie

Huguette Bouchardeau

19 juillet 1984

Ministre de l'Environnement

Huguette Bouchardeau

1984 - 1986

Secrétaire d'Etat chargé de la Prévention des Risques Technologiques et Naturels Majeurs

Haroun Tazieff

20 mars 1986

Ministre délégué chargé de l'Environnement

Alain Carignon

13 mai 1988

Secrétaire d'Etat chargé de l'Environnement

Brice Lalonde

29 mars 1989

Secrétaire d'Etat chargé de l'Environnement et de la Prévention des Risques Technologiques et Naturels Majeurs

Brice Lalonde

2 octobre 1990

Ministre délégué chargé de l'Environnement et de la Prévention des Risques Technologiques et Naturels Majeurs

Brice Lalonde

1991

Ministre de l'Environnement

Brice Lalonde

2 avril 1992

Ministre de l'Environnement

Ségolène Royal

30 mars 1993

Ministre de l'Environnement

Michel Barnier

18 mai 1995 -
7 novembre 1995

Ministre de l'Environnement

Corinne Lepage

4 juin 1997

Ministre de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement

Dominique Voynet

11 juillet 2001

Ministre de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement

Yves Cochet

15 mai 2002

Ministre de l'Ecologie et du Développement Durable

Secrétaire d'Etat au Développement Durable

Roselyne Bachelot-Narquin
Tokia Saïfi

31 mars 2004 -
3 juin 2005

Ministre de l'Ecologie et du Développement Durable

Serge Lepeltier

4 juin 2005 -
16 mai 2007

Ministre de l'Ecologie et du Développement Durable

Nelly Olin

18 mai 2007 -
18 juin 2007 

Ministre d'Etat chargé de l'Ecologie, de l'Aménagement et du Développement Durables
Secrétaire d'Etat chargé des Transports

Alain Juppé

Dominique Bussereau

19 juin 2007

Ministre d'Etat chargé de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement Durable et de l'Aménagement du Territoire
Secrétaire d'Etat chargé du Développement de la Région Capitale
Secrétaire d'Etat chargé des Transports
Secrétaire d'Etat chargé de l'Aménagement du Territoire
Secrétaire d'Etat chargée de l'Ecologie

Jean-Louis Borloo

Christian Blanc
Dominique Bussereau
Hubert Falco
Nathalie Kosciusko-Morizet

Source : Ministère de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement Durable et de l'Aménagement du Territoire, http://www.ecologie.gouv.fr/Liste-des-ministres-ou-secretaires.html

2. Indicateurs de découplage d'environnement (IDE)

« On parle de découplage relatif lorsqu'une pression sur l'environnement (émissions de CO2, artificialisation, consommation d'eau...) croît moins vite qu'une variable représentant une force motrice (croissance, production, démographie...).

On parle de découplage absolu lorsque la pression décroît alors que la variable représentant une force motrice augmente.

On parle de couplage lorsque la pression évolue au même rythme ou plus vite que la force motrice. »

Source : Ifen (2006), L'environnement en France, p. 168.

3. Conjoncture socio-économique

a)

b)

Source des données : INSEE, Indicateurs de conjoncture,

http://www.insee.fr/fr/indicateur/indic_conj/liste_indice.asp

c)

4. Evolution des problématiques environnementales au niveau mondial88(*)

Vers la fin des années 60, l'impact sur l'environnement du boom économique d'après-guerre, couplé à un niveau de vie élevé, créent un climat propice à l'émergence des préoccupations environnementales dans le monde occidental. La Conférence de Stockholm en 1972 marque leur internationalisation, et il semble emblématique que cette conférence ait été accueillie par la Suède, « qui venait de constater les graves dommages causés aux milliers de lacs du pays par la pluie acide, résultat d'une grave pollution de l'air en Europe de l'Ouest » (PNUE 2002). Ce premier constat de pollution transfrontalière dévoilait en effet l'ampleur que pourraient prendre les problèmes environnementaux et la nécessité d'une coopération internationale pour les gérer. L'impulsion de la Conférence de Stockholm engendre rapidement des avancées significatives aux niveaux législatif et institutionnel (voir partie I).

Cependant, suite aux chocs pétroliers et au ralentissement de la croissance économique, les questions d'ordre social supplantent les questions environnementales.

Vers le milieu des années 80, une série d'accidents catastrophiques (Bhopal, Tchernobyl, Exxon Valdez) replace l'environnement à l'ordre du jour. La Commission Brundtland met en avant « des problèmes d'environnement tels que le réchauffement mondial et l'épuisement de la couche d'ozone, des problèmes qui à l'époque étaient tout à fait nouveaux » (PNUE 2002) et conçoit la notion de développement durable. Si le Sommet de Rio en 1992 réitère les principes énoncés à Stockholm vingt ans plus tôt, l'environnement a cependant changé de paradigme.

« Il est désormais admis que la réduction de la pauvreté, le développement économique et la stabilité de l'environnement sont des objectifs qui doivent se soutenir mutuellement. Cela constitue une révision déchirante par rapport aux conceptions qui prévalaient durant les années 70 et 80, qui considéraient la protection de l'environnement et le développement économique comme des objectifs contradictoires. » (PNUE 2002)

Cette évolution est notable au travers de l'analyse des rapports d'experts au niveau international. Alors qu'en 1972 le Club de Rome dénonce Les limites de la croissance, en 1987 le rapport Brundtland Notre avenir à tous intègre la sphère économique à la résolution des problèmes environnementaux (et inversement).

« C'est également au cours des années 90 que, pour la première fois, des sociétés mondiales ont pris sérieusement en compte, et de concert, l'agenda environnemental émergent, comme le montre le rapport du Conseil mondial des entreprises pour le développement durable de 199289(*). » (AEE 2005 : 32)

L'intégration de la sphère économique dans la gestion des problèmes environnementaux aura un impact au niveau des instruments utilisés pour solutionner ces mêmes problèmes (voir partie I).

Alors que la mondialisation s'accélère durant les années '90, l'environnement n'est à nouveau plus considéré comme une priorité.

Les années 2000 voient renaître l'intérêt porté à l'environnement. Le Sommet de Johannesbourg (2002) sert par exemple de théâtre à la consécration du Président français Jacques Chirac sur la scène internationale environnementale avec sa fameuse tirade « La maison brûle et nous, nous regardons ailleurs ».

Comme cela aura été le cas avec la couche d'ozone pendant les années 80, le changement climatique catalyse et médiatise les problématiques environnementales. Le succès du film Une vérité qui dérange avec Al Gore (2006) en témoigne et amplifie le phénomène.

Pour résumer l'impact des sommets des Nations Unies, si Stockholm représente une prise de conscience de l'ampleur des problèmes, Rio consacre l'intégration de l'économie dans la sphère environnementale, et Johannesbourg est un cuisant rappel de l'inaction des gouvernements sur des thématiques majeures.

5. Le Programme des cent mesures pour l'environnement

Dans son ouvrage L'invention de l'environnement en France : Chronique anthropologique d'une institutionnalisation (2003), F. Charvolin analyse la construction du premier programme pour l'environnement. Nous exposons les points qui dévoilent les origines du domaine politico-administratif impartie au ministère en 1971 - soit l'année suivant l'adoption du programme. Pour rappel, le Premier ministre charge la DATAR de coordonner l'élaboration du programme en octobre 1969.

Charvolin applique le concept de transcodage90(*) des politiques publiques, défini par P. Lascoumes, à l'examen de la lettre de mission du Premier ministre, qui présente l'environnement, encastré d'une « énumération de formules » hétérogènes, comme un « terrain d'exploration ».

« Protection des sites et des paysages renvoie à la loi du 2 mai 1930 sur les sites naturels et les monuments historiques ; destruction des déchets réfère au décret du 13 avril 1962 relatif aux épaves automobiles et aux déchets ; ou encore protection des parcs naturels renvoie à la loi de 1963 sur les parcs nationaux, etc. Par ces labels, la lettre de mission va contribuer à orienter l'enquête uniquement en signalant les domaines administratifs qui devront être inclus et en conséquence les audiences administratives qui devront être consultées, montrant que derrière le discours de la nouveauté se glisse en fait le recyclage des politiques publiques existantes. »

Serge Antoine constitue son équipe principalement au sein de la DATAR mais également au sein des autres domaines administratifs d'intérêt pour la mission. Fort de son « réseau relationnel », « elle contacte les ministères qui avaient déjà acquis une légitimité dans des champs qui semblaient concerner l'environnement. »

Les premières ébauches de mesures subissent les négociations interministérielles d'attributions de compétences. « L'environnement n'était pas spécifié au départ, il le devient uniquement à la fin, en fonction des impératifs de la mise en oeuvre (...) notamment l'estimation chiffrée du coût de chaque mesure, son affectation à une ligne budgétaire ministérielle et par suite une réflexion sur la façon dont elle prend place dans la politique des ministères concernés. (...) Chacune des sept premières rubriques de la liste finale de juin 1970 renvoie implicitement à une administration différente. »

6. Graphiques relatifs aux émissions de CO2

a)

b)

Source : Centre Interprofessionnel Technique d'Etudes de la Pollution Atmosphérique (CITEPA), Emissions dans l'air en France métropole ; Substances relatives à l'accroissement de l'effet de serre (mise à jour 2007), http://www.citepa.org/emissions/nationale/index.htm

7. Influence du mode de vie des ménages sur l'environnement

Les modes de vie des ménages ont des incidences directes et indirectes sur la qualité de l'environnement, et donc sur la qualité de leur cadre de vie (air, eaux, sols...). Les ménages sont partie prenante de la stratégie nationale de développement durable. Ils peuvent agir pour la résolution des problèmes environnementaux, soit de manière directe par leurs pratiques domestiques et l'usage de leur voiture par exemple, soit par leur choix de consommation.

On entend par ménage l'ensemble des occupants d'une résidence principale. En 2004, on compte 25 millions de ménages en France, c'est-à-dire 78% de plus qu'en 1960. En comparaison, la croissance démographique n'est que de 32% sur la même période. La structure des ménages a également évolué : un ménage était constitué de 3,2 personnes en moyenne en 1960, contre 2,4 en 2004. Sur la même période, la moyenne d'âge de la population a augmenté et le partage de l'emploi entre hommes et femmes s'est modifié. Ces évolutions ont influencé les changements de modes d'habitat, de mobilité, de consommation courante des ménages.

L'habitat est devenu l'un des premiers postes de dépenses des ménages : il représente 24% des dépenses totales en 2004 (soit 8 650 € courants/ménage), contre 11% en 1960. L'acquisition de biens et équipements de la maison a de plus été multipliée par 3,6 en 40 ans (prix constants). L'accès à la propriété, l'individualisation de l'habitat, l'agrandissement des surfaces habitées, l'amélioration du confort, contribuent à l'accroissement des émissions de gaz à effet de serre et sont en partie responsables de l'artificialisation des sols.

La mobilité quotidienne motorisée concerne plus de ménages qu'auparavant et les dépenses qui lui correspondent ont été multipliées par 5 (prix constants) pour l'ensemble des ménages. Cependant, la part des dépenses consacrées au transport (achat du véhicule, entretien, carburant) a peu évolué dans la structure de consommation d'un ménage : elle est de 9% en 1960 contre 13% en 2004. Les distances parcourues globales se sont considérablement accrues (+49% entre 1988 et 2004) et sont synonymes de pollution de l'air et d'émissions de gaz à effet de serre. 

Les dépenses de consommation alimentaire des ménages ont doublé à prix constants sur 40 ans et se sont accompagnées d'un changement des modes alimentaires : plus de produits "prêts à l'emploi", de produits laitiers et carnés... Cependant, la part du budget consacrée à l'alimentation par les ménages a diminué par rapport à celle consacrée à l'habitat, notamment du fait de l'industrialisation de la chaîne de production alimentaire. Les impacts environnementaux directs, comme la production de déchets, s'accentuent. Les impacts indirects, tels que la production de gaz à effet de serre, sont liés à l'assujettissement de la chaîne de production alimentaire à la consommation d'énergie et à sa dépendance vis-à-vis des transports.

Source : Ifen, http://www.ifen.fr/acces-thematique/societe/menages/menages.html?taille

8. Graphiques relatifs à l'énergie

a) Croissance économique et consommation d'énergie par habitant

Source : Observatoire de l'énergie

b) Evolution de l'intensité énergétique91(*) par secteur

Source : Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, Tableaux des consommations d'énergie en France - Édition 2000, http://www.industrie.gouv.fr/energie/statisti/tcef2000.htm

9. Graphiques relatifs aux déchets

a) Progression de la production de déchets en provenance stricte des ménages

b) Le parc des installations de traitement

c) Le devenir des ordures ménagères

Source : ADEME, Les déchets en chiffres - Edition 2007, pp. 5-7,

http://www2.ademe.fr/servlet/getDoc?cid=96&m=3&id=45128&p1=00&p2=05&ref=17597

10. Graphiques et tableaux relatifs au tourisme

a) Evolution du taux de départ des personnes résidant en France

Source : Ministère du Tourisme, Vacances des Français ; les générations se suivent et se ressemblent... de plus en plus, In Tourisme Infos Stat n° 2007 - 6,

http://www.tourisme.gouv.fr/fr/z2/stat/tis/att00015987/TIS_2007-6.pdf

b) Evolution des comportements de tourisme

1- Avant 1984 : forte augmentation des départs en vacances. Le modèle de vacances : « un mois entier à la même place » ;

2- 1984-1990 : fragmentation des séjours avec décroissance de la durée moyenne de séjours. Le modèle : « plus souvent, plus loin, moins longtemps » ;

3 - Après 1990 : développement des courts séjours et du tourisme urbain, diversification des destinations. Le modèle : « plus souvent, plus diversifié, plus culturel » ;

4 - Depuis 2000 : développement des excursions et des loisirs de « proximité » tout au long de l'année. Certains Français deviennent des zappeurs du tourisme.

c) Pourquoi l'augmentation de la mobilité loisir-tourisme ?

- des plages plus larges et plus fréquentes de temps libérés ;

- une augmentation du nombre de célibataires et des couples sans enfant surtout dans les grandes agglomérations, avec des revenus plus élevés;

- des retraités plus jeunes, plus urbains et éduqués à la culture des loisirs pendant leur vie active ;

- une diminution importante du pourcentage d'actifs depuis 20 ans

- une offre marchande de loisir et de culture qui se développe rapidement et qui tente de capter une clientèle de proximité. Notamment, la politique des promoteurs et des aménageurs des grands centres commerciaux est orientée dans cette direction en remplaçant la locomotive « hyper marché » par le multiplexe, le parc de loisir ou la reconstitution du terroir.

Source b et c : Potier Françoise (2006), « Problématique des flux de transport : Mobilité Loisir-Tourisme », in Démarche prospective transports 2050, pp. 7 et 17,

http://64.233.183.104/search?q=cache:__kpMRz2IHIJ:www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/prosp.tr.2050_-_rapp.tourisme.31.mars.06_cle792d62.pdf+Probl%C3%A9matique+des+flux+de+transport+:+Mobilit%C3%A9+Loisir-Tourisme&hl=fr&ct=clnk&cd=1&gl=fr

11. Graphiques relatifs aux transports (1970 - 1995)

Source : OCDE (1997), Examens des performances environnementales ; France, OCDE, Paris.

12. Graphiques relatifs aux transports (1990 - 2002)

Source : OCDE (2005), Examens environnementaux ; France, OCDE, Paris.

13. Graphiques relatifs à la pollution acide de l'air

a)

b)

c)

Source : Centre Interprofessionnel Technique d'Etudes de la Pollution Atmosphérique (CITEPA), Emissions dans l'air en France métropole ; Substances relatives à l'acidification, l'eutrophisation et à la pollution photochimique (mise à jour 2007), http://www.citepa.org/emissions/nationale/index.htm

14. Typologie des instruments

Type d'instrument

Type de rapport politique

Type de légitimité

Législatif et réglementaire

Etat tuteur du social

Imposition d'un intérêt général par des représentants mandatés élus ou des hauts fonctionnaires

Economique et social

Etat producteur de richesse,

Etat redistributeur

Recherche d'une utilité collective

Efficacité sociale et économique

Conventionnel et incitatif

Etat mobilisateur

Recherche d'engagement direct

Informatif et communicationnel

Démocratie du public

Explicitation des décisions et responsabilisation des acteurs

Normes et standards

Best practices

Ajustements au sein de la société civile

Mécanismes de concurrence

Mixte : scientifico-technique et démocratiquement négociée et/ou concurrence, pression des mécanismes de marché

Source : Lascoumes Pierre et Le Galès Patrick (dir.) (2004), Gouverner par les instruments, Presses de la Fondation nationale des Sciences Politiques, Paris, p. 361.

15. Liste des instruments de la politique française de l'environnement

(classés en fonction des types d'instruments identifiés par Lascoumes et Le Galès)

Source : Halpern Charlotte (2007), La politique de l'environnement : comparaison et transferts. Les effets limités de l'innovation instrumentale pour analyser le changement de l'action publique en France et dans l'UE, sous la dir. de Le Gales Patrick, in NEWGOV, New Modes of Governance, Integrated Project, Priority 7 : Citizens and Governance in the Knowledge-based Society, Project 9 : Choice and Combination of Policy Instruments, pp. 26-27.

* 1 Ministère de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement Durable et de l'Aménagement du Territoire, créé en 2007.

* 2 Parmi les multiples appellations qu'aura connues le ministère de l'Environnement (voir annexe n° 1) depuis sa création en 1971, nous utiliserons cette formule générique, raccourcie par les initiales ME, lorsque le contexte ne nécessite pas plus de précision.

* 3 Ainsi, le rapport français sur l'Etat de l'environnement pour l'année 1989 ne compare que les émissions de SO2 au PIB (ME 1990 : 132) - choix par ailleurs significatif vu qu'il s'agit sans doute du découplage le plus spectaculaire.

* 4 Extrait de la Déclaration du G7 à l'issue du Sommet de Houston, 1990 : « Il est particulièrement important de mettre au point rapidement des indicateurs en matière d'environnement et de concevoir des approches tenant compte du marché, qui puissent être utilisés pour réaliser les objectifs en matière d'environnement. » (OCDE 1991 : 11)

* 5 Selon l'Eurobaromètre 2008, 74 % des Français estiment que le progrès national devrait être évalué sur base d'indicateurs sociaux, environnementaux et économiques, contre 11 % qui n'optent que pour les indicateurs économiques. (TNS Opinion & Social 2008 : 111)

* 6 « Premier principe : tous les grands projets publics, toutes les décisions publiques seront désormais arbitrées en intégrant leur coût pour le climat, leur coût en carbone. Toutes les décisions publiques seront arbitrées en intégrant leur coût pour la biodiversité. Très clairement, un projet dont le coût environnemental est trop lourd sera refusé.

Deuxième principe, nous allons renverser la charge de la preuve. Ce ne sera plus aux solutions écologiques de prouver leur intérêt. Ce sera aux projets non écologiques de prouver qu'il n'était pas possible de faire autrement. Les décisions dites non écologiques devront être motivées et justifiées comme ultime et dernier recours. »

(Discours du Président de la République à l'issue des premières conclusions du Grenelle, 25 octobre 2007)

* 7 La référence aux Accords de Grenelle de mai 1968 souligne cette intention d'ouverture aux différents acteurs.

* 8 A son adoption en octobre 2008, la loi d'orientation Grenelle 1 comprend la mise en place d'une trame verte et bleue mais retarde par contre l'instauration de la taxe carbone, qui demeure à l'étude.

* 9 Les Trente Glorieuses est une expression inventée en 1979 par l'économiste français Jean Fourastié pour désigner la période d'expansion économique continue de 1945 à 1973. (Wikipédia)

* 10 La FFSPN regroupe la Société nationale de protection de la nature, la Ligue de protection des oiseaux et des dizaines d'autres associations à vocation locale ou régionale.

* 11 L'Alliance pour la planète rassemble environ 80 organisations membres, dont France nature environnement, Les Amis de la Terre, Greenpeace, WWF, Réseau Action Climat et, à sa fondation, la Fondation Nicolas-Hulot pour la nature et l'homme et le Réseau Sortir du Nucléaire.

* 12 Hulot obtient 10 % d'intention de vote, dans un contexte de voix serrées entre le candidat de droite Nicolas Sarkozy et la candidate de gauche Ségolène Royal.

* 13 Le Pacte écologique dénonce l'évolution de l'inter-ministérialité : « Ce qui pouvait être la force de ce ministère, à savoir sa transversalité, est devenu sa faiblesse. » Afin de dépasser le rapport de force inégal avec les ministères plus puissants, Pour Nicolas Hulot et le Comité de veille écologique proposent de placer l'environnement sous la direction d'un vice-Premier ministre chargé du Développement durable qui serait responsable de l'insertion de l'impératif écologique dans l'ensemble des politiques de l'Etat. (Hulot 2007 : 199-208)

* 14 En 1981, Brice Lalonde publie un livre intitulé Sur la vague verte. Mais l'expression, qui s'applique mieux à l'époque où Lalonde est secrétaire d'Etat chargé de l'Environnement, sera reprise par les commentateurs de 1989.

* 15 Les investitures précédentes de candidats écologistes comprennent celle de Brice Lalonde dans le gouvernement de gauche de Michel Rocard (1988-1992) et celle de Corine Lepage (CAP 21) dans le gouvernement de droite d'Alain Juppé (1995-1997).

* 16 Certains critiques blâment l'intervention politique de Nicolas Hulot, qui aurait fait de l'ombre aux Verts. Hulot a certes prôné une écologie au delà des clivages politiques, symboliquement cautionnée par les candidats au travers de la signature du Pacte écologique. Cependant, il ne faut pas perdre de vue la forte polarité de l'élection présidentielle de 2007 : les deux principaux candidats sont des primo-accédants, ce qui les oblige à défendre leurs programmes respectifs avec plus de puissance. Cette particularité a sans doute conduit, dès le premier tour, à une polarisation parallèle de l'électorat. De plus, l'expérience de ministre de l'Environnement de la candidate socialiste Ségolène Royal (1992-1993) avait le potentiel d'attirer l'électorat hésitant entre le vert et le rose.

* 17 Le cheminement de Brice Lalonde est symptomatique de ce processus d'intégration. Soixante-huitard, il débute sa carrière d'écologiste au sein des Amis de la Terre ; vingt ans plus tard, il intègre le gouvernement ; en 2007, il est nommé Ambassadeur chargé des négociations sur le changement climatique. (Le Monde, 26/09/07). Notons que son retour sur la scène politique est lié à la nomination au ME de Jean-Louis Borloo, avec qui il avait fondé Génération Ecologie au début des années 90.

* 18 Notons par ailleurs que les associations de consommateurs bénéficient en France d'une confiance presque aussi importante que les associations environnementales ! (Eurobaromètres 2002 et 2008)

* 19 Apparu en 1948 dans Théorie mathématique de la communication.

* 20 Un sondage de l'Eurobaromètre 2008 sur les principales sources d'information environnementale indique qu'en France, les films et les reportages à la télévision en représentent pas moins de 45 %, arrivant en deuxième position derrière le JT, contre seulement 6 % pour les livres ! (TNS Opinion & Social 2008 : 109)

* 21 Par prudence en regard du thème actuellement très politisé, l'interviewé a préféré que nous n'enregistrions pas l'entretien. Construit sur base de notes et d'articles provenant du site de la Représentation Permanente de la France auprès de l'UE, le texte ne constitue par conséquent pas les propos exacts du diplomate.

* 22 Crée en juillet 1969, « Le ministère du développement industriel et scientifique, dont le seul nom porte témoignage d'une volonté politique précise, étend considérablement les attributions du département de l'industrie tel qu'il existait au cours du premier semestre de 1969, et il doit animer une triple politique de l'industrie et du commerce, de la technologie et de la recherche. » (Bazin 1973 : 427)

* 23 Si les premières expériences de parcs naturels régionaux en offrent l'illustration, l'effort le plus achevé d'harmonisation par la DATAR concerne la politique de l'eau (voir infra).

En avril 1969 se forme au sein de la DATAR un groupe de travail informel « pour explorer les perspectives d'une action interministérielle dans le domaine de l'environnement ». (Bazin 1973 : 53-55, 68)

* 24 « La DATAR présente enfin l'avantage de ne pas être rattachée à l'un ou à l'autre des divers ministères mais, par l'intermédiaire d'un ministre délégué, au Premier ministre. Cette situation évite d'accorder à un département ministériel en particulier un rôle privilégié qui pourrait être difficilement reconnu par les autres ministères - ce qui paralyse souvent la coordination interministérielle. » (Bazin 1973 : 69)

* 25 Direction générale de la protection de la nature au sein du ministère de l'Agriculture, direction de la technologie, de l'environnement industriel et des mines au sein du ministère du Développement Industriel et Scientifique, mission permanente de l'environnement au sein du ministère de l'Equipement et du Logement.

* 26 Voir dernière note.

* 27 F. Charvolin relate l'analyse de Jacques Belle, premier directeur de cabinet de Robert Poujade : « Ministre délégué, ça dénote à la fois subordination mais également vocation interministérielle, puisque placé auprès du Premier ministre. Cette vocation était très importante au départ. Il fallait démarrer sur la base interministérielle, puisqu'il fallait rassembler les éléments, les compétences, liés à certaines administrations. » (Charvolin 2003 : 87)

* 28 « Dire que l'on met dans le même ministère, voire dans la même direction, à la fois les intérêts de ceux qui pèsent quelques milliards et ceux qui défendent des impératifs moins matériels, c'est possible mais ce n'est pas facile... » (Comité d'histoire du ministère 2007 : 82)

* 29 Notons cependant que le nouveau ministre de l'Agriculture, Michel Barnier, a rempli avec efficacité le poste de ministre de l'Environnement de 1993 à 1995.

* 30 « L'urbanisation de la France, qui a eu lieu beaucoup plus tardivement que celle de ses voisins européens, s'est achevée à la fin des années 70. A cette époque, une aspiration à la qualité commençait à naître après une période consacrée essentiellement à la quantité. » (Comité d'histoire du ministère 2007 : 74)

* 31 De façon plus générale, la problématique du développement durable a été intégrée tardivement dans la politique française. A peine évoquée par le PNE, il faut attendre la loi Barnier relative au renforcement de la protection de l'environnement (1995) pour que l'Etat intègre cette perspective comme objectif directeur. (Rumpala 1999 : 274-276)

* 32 Bien que le budget du ME représente une part minoritaire (environ 30 % en 2005) des dépenses publiques pour l'environnement, nous nous limitons à l'analyse de son évolution car il est représentatif de l'engagement du gouvernement.

* 33 « Le véritable budget de l'environnement provient de crédits dégagés par les autres ministères. » (Chevallier 1999 : 41)

* 34 Organisée de manière opportune le 15 février 2007, la journée d'étude sur « l'expérience du ministère de l'Environnement et du Cadre de vie » peut être comparée à une agora pour les fonctionnaires en période de débats sur la réorganisation du ME. Ce ministère, sous la direction de Michel d'Ornano de 1978 à 1981, est globalement considéré comme un exemple de grand ME. Notons que ce n'est pas le ME mais le ministère des Transports, de l'Equipement, du Tourisme et de la Mer qui organise cette journée d'étude !

* 35 Notons que la première théorisation sur le changement climatique date de 1896 ! Le chimiste suédois Svante A. Arrhenius publie l'article De l'influence de l'acide carbonique dans l'air ... Sur la température de la terre, dans lequel il estime qu'un doublement du taux de CO2 causerait un réchauffement d'environ 5° C. (Wikipédia)

* 36 « De plus, les projets de surgénérateurs se sont développés sur la base de leur capacité supposée à réutiliser le plutonium, sous-produit des centrales classiques. (...) L'impasse est faite tant sur les activités plus discrètes, mais continues, du nucléaire militaire que sur les risques qui demeurent non maîtrisés [la sécurité et les déchets]. » (Lascoumes 1994 : 304)

* 37 Concernant la part de l'espace protégé en France, « En trente ans, on est passé de 0,1 % à près de 10 % ». (Antoine 1994-95 : 16)

* 38 Nous entendons le terme « social » par le rapport aux individus de la société et non à la dimension du travail. Dans notre analyse, le pilier social du développement durable est intrinsèquement lié à la perspective économique.

* 39 Extrait du discours du Président Georges Pompidou à Chicago en 1970.

* 40 « Organisé par le PNUE et par la Commission des Nations Unies pour le commerce et le développement (CNUCED), le colloque de Cocoyac a dressé la liste des facteurs économiques et sociaux qui entraînaient une détérioration de l'environnement. » (PNUE 2002)

* 41 « Du fait du caractère immatériel de sa production, le développement du tertiaire est présenté comme une dématérialisation de l'économie qui n'est pas censée engendrer de nuisances importantes. La croissance des activités de services est supposée réduire l'impact relatif de la croissance économique sur l'environnement. » « Cependant, les connaissances manquent pour dresser un bilan des pressions réellement exercées par les services. » Ainsi, « ce constat en faveur des économies tertiarisées est moins évident si l'on prend en compte l'ensemble des flux indirects associés. » (Ifen 2006 : 153, 168)

* 42 « Cette tendance résulte de l'individualisation des modes de vie, de l'accroissement des divorces, du vieillissement, de l'effritement des modes traditionnels de cohabitation et de la fécondité réduite. » (Ifen 2006 : 31)

* 43 « Après le boom des années soixante et soixante-dix, la consommation pour l'équipement des ménages s'est ralentie. La quasi-totalité des ménages, même les plus modestes, possède aujourd'hui un lave-linge, un réfrigérateur, un four à micro-ondes ou une télévision. En outre, le multi-équipement, c'est-à-dire le fait de détenir plusieurs exemplaires d'un même équipement, progresse que ce soit pour la voiture, la télévision ou le micro-ordinateur. » (Ifen 2006 : 32)

* 44 Nous observons une évolution similaire au niveau des ressources : un découplage absolu entre l'intensité ressources (DCM/PIB) et le PIB et un découplage relatif entre la consommation de ressources par habitant et le PIB. Néanmoins, les valeurs de ce dernier indicateur restent globalement stables depuis 1970, ce qui s'explique par une relative maîtrise de la consommation des produits pétroliers liée au développement de l'électronucléaire. (Ifen 2006 : 167)

* 45 « La consommation totale du secteur se subdivise dans des proportions voisines de 2/3 pour les bâtiments d'habitation et 1/3 pour le tertiaire (bureau, commerces, hôpitaux, établissement d'enseignement, hôtels). » (Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie 2006)

* 46 La part du secteur des transports dans les consommations énergétiques est passée d'un cinquième en 1970 à presque un tiers en 2005. (Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie 2006)

* 47 L'OCDE constate au niveau de ses pays membres la même corrélation entre baisse de l'intensité énergétique et aléas économiques. D'une part, au niveau des conséquences des chocs pétroliers. Et d'autre part, au niveau de la délocalisation des activités industrielles à forte intensité énergétique : « La croissance de la production industrielle totale a été très forte dans les pays de l'OCDE (...), mais s'est concentrée dans l'industrie légère et dans les secteurs de haute technologie. Nombre de branches d'activité à forte intensité énergétique, comme la sidérurgie, ont en fait connu une baisse. » (OCDE 1997 : 97)

* 48 « On enregistre en effet une amélioration moyenne annuelle de 1,2 % entre 1996 et 2005. Une telle décroissance n'avait pas été enregistrée depuis plus de 20 ans. » (Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie 2006)

* 49 Au niveau national, la forte croissance jusqu'à la fin des années 80 est « essentiellement due au comportement générationnel, les nouvelles générations partant systématiquement plus que leurs aînées au même âge. Ainsi, la génération née entre 1940 et 1944 est la première à connaître un taux de départ moyen supérieur à 60 % sur l'ensemble de sa vie. Toutes les générations suivantes ont un taux de départ moyen au cours de leur vie compris entre 60 % et 65 %. (...) Avec la fin du rattrapage générationnel, le taux de départ se stabiliserait structurellement autour de 65 %. » (Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Emploi 2007 : 2)

* 50 « A ces séjours touristiques, il faut aussi ajouter les flux des étrangers qui viennent en France sans passer de nuit, soit ils transitent, soit ils viennent faire une excursion touristique. On estime que ces flux sont au nombre de 100 millions en 2002, plus de 5 fois plus qu'il y a 30 ans. » (Potier 2006 : 10)

* 51 « En 1964, les séjours duraient en moyenne 19,6 jours contre 11,7 jours en 1999. » (Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Emploi 2007 : 4)

* 52 De nos jours, l'automobile est le moyen de transport de 80 % des séjours touristiques en France.

* 53 « À l'échelle européenne, le volume de transport de passagers augmenterait moins vite que le PIB depuis 1998. » (Ifen 2006 : 134)

* 54 « L'écart de prix entre le diesel et l'essence en France est parmi les plus élevés de l'UE. » (OCDE 2005 : 48)

* 55 Le taux de motorisation a pratiquement doublé entre 1970 et 2005, passant de 25 à 49 voitures particulières pour 100 habitants.

* 56 « Le nombre de couples bi-actifs est devenu supérieur au nombre de couples mono-actifs en 1973. Aujourd'hui, 80% des femmes en âge de travailler, travaillent. » (Potier 2006 : 15)

* 57 A ce sujet, il nous semble intéressant de noter que « l'accroissement du trafic constaté dans les pays de l'OCDE au cours des cinquante dernières années peut être attribué davantage à l'allongement des trajets qu'à l'augmentation du nombre de déplacements ». (OCDE 1997 : 115)

* 58 De 1970 à 1990, les distances domicile-travail ont été multipliées par deux. (ME 1990 : 162)

* 59 Potier développe cette corrélation dans Problématique des flux de transport : Mobilité Loisir-Tourisme : « Le tourisme s'inscrit dans le mouvement général d'accroissement de la mobilité. Il en est même le moteur principal. (...) En 2003, la mobilité loisir-tourisme des Français représente 55 % de l'ensemble des kilomètres parcourus en France. » Ainsi, en 30 ans, le moteur prépondérant de la mobilité locale quotidienne est passé de la mobilité liée au travail à celle liée aux loisirs. (2006 : 4)

* 60 « Entre 1996 et 2002, le poids moyen des petites voitures citadines s'est accru d'environ 100 kg. Par ailleurs, la structure du parc a évolué et la part des véhicules tout terrain, très lourds, n'a pas cessé d'augmenter dans les ventes de véhicules particuliers (VP) : de 1,3 % du marché VP en 1996, elle est passée à 5,1 % en 2004. » (Ifen 2006 : 142) Ceci a également un impact au niveau de la consommation de ressources - matières.

* 61 Les impacts de ces pollutions sur la santé et sur les écosystèmes sont graves. Les particules sont les principaux polluants à l'origine des décès actuels en Europe, et environ un quart de la population européenne est aujourd'hui exposée à des niveaux au dessus des valeurs limites pour les deux problématiques. L'ozone dans l'air retarde la croissance des cultures et nuit au feuillage des arbres. (AEE 2005 : 98-103)

* 62 A titre d'exemples :

- la création du Conseil mondial des entreprises pour le développement durable en 1995

- la création d'ISO 14000, norme volontaire pour les systèmes de gestion environnementale dans l'industrie, en 1996

- la tendance auprès des grandes entreprises de présenter des rapports sur leur action environnementale

(PNUE 2002)

* 63 « L'Union européenne adopte un plan d'action pour promouvoir les écotechnologies (technologies ayant moins d'effets négatifs sur l'environnement que d'autres techniques appropriées) afin de réduire la pression sur les ressources naturelles, d'améliorer la qualité de vie des européens et de favoriser la croissance économique. Ce plan d'action cherche à éliminer les obstacles à l'exploitation de tout le potentiel des écotechnologies, à faire en sorte que l'Union joue un rôle dominant dans leur application et à mobiliser toutes les parties concernées dans la poursuite de ces objectifs. » (UE)

* 64 Nous avons choisi de traiter des impacts des pluies acides au niveau européen étant donné qu'il s'agit d'un enjeu régional. De plus, le territoire français n'est que partiellement affecté par les pluies acides (essentiellement le nord-ouest).

* 65 « L'indicateur "acide équivalent" (Aeq) vise à caractériser la quantité globale de substances rejetées dans l'atmosphère qui contribuent, à des échelles géographiques et temporelles variables, aux phénomènes d'acidification des milieux terrestres, aqueux et aériens. » (CITEPA)

* 66 « Les émissions d'ammoniac [NH4] de l'agriculture sont difficiles à calculer et encore plus compliquées à contrôler. Elles devraient s'être largement stabilisées en même temps que le nombre de têtes de bétail des exploitations agricoles européennes. » (AEE 2005 : 93-97)

* 67 « La notion a souvent été entendue négativement (faire du neuf avec du vieux...) alors qu'il faut l'entendre positivement dans un sens économique comme « la création de nouvelle valeur ». (Lascoumes 2008 : 2)

* 68 Cette tendance s'exprime également aux niveaux de l'Europe et de l'OCDE.

* 69 L'expression est notamment employée par Pascal Gauchon dans son ouvrage Le modèle français depuis 1945 (2006) pour décrire le fonctionnement du modèle économique dans lequel l'État joue un rôle très important. (Wikipédia)

* 70 Notons que le Conseil constitutionnel français réaffirme que la France est pleinement souveraine, distinguant transferts de compétences et transferts de souveraineté. (Wikipédia)

* 71 À l'origine, existait seulement la constatation en manquement mais sans sanction. Du fait de la multiplication des manquements sur manquement, la CJCE a appelé à une réforme du recours en manquement ; réforme qu'elle a obtenu lors de l'adoption du Traité de Maastricht (1993) qui a institué cette procédure de l'article 228§2. (Wikipédia)

* 72 Ainsi, en France, « pour ce qui concerne le programme de réduction du SO2, jusqu'à la mise en oeuvre de la directive 80/779 CEE, il n'y avait pas vraiment d'objectif de qualité en termes de milligrammes de SO2 par mètre cube d'air ». (Chabason et Larrue 1998 : 73)

* 73 Notons qu'en d'octobre 2008, le gouvernement annonce un budget de 400 millions d'euros pour favoriser la R&D des « véhicules propres », soit dix fois plus qu'en 2003. Cette large augmentation est à lier à la place grandissante de l'enjeu climatique sur la scène politique.

* 74 Il existe également une « osmose entre les différents ordres juridiques dans le domaine de l'environnement ». Si l'influence extérieure sur la France est évidente, l'inverse l'est moins. Ainsi, la législation française sur les installations classées, dont l'origine remonte à 1810, a pénétré dans le droit international, puis dans le droit européen. (Kiss 1999 : 58-59)

* 75 Par prudence en regard du thème actuellement très politisé, l'interviewé a préféré que nous n'enregistrions pas l'entretien. Construit sur base de notes et d'un article d'EurActiv, le texte ne constitue par conséquent pas les propos exacts du diplomate.

* 76 « Les menaces de « fuite de carbone », c'est-à-dire la délocalisation des industries européennes les plus polluantes vers des pays tiers, n'auraient pas seulement des conséquences néfastes en terme de compétitivité et d'emploi. Elles pourraient également rendre totalement inefficace le plan européen de lutte contre le réchauffement climatique, puisque les émissions de gaz à effet de serre, simplement déplacées, continueraient à être nocives au niveau mondial. » (EurActiv, 29/01/08)

* 77 Extrait du discours du Président de la République à l'issue des premières conclusions du Grenelle, 25 octobre 2007.

* 78 Le modèle PER de l'OCDE présente l'avantage d'être plus succinct que le modèle DPSIR (Driving Force, Pressure, State, Impact, Response) développé par l'AEE.

* 79 Le système ne devient opérationnel qu'à partir de 1970 car, dix ans après le vote de la loi, un certain nombre de décrets d'application n'ont pas vu le jour. (Poujade 1975 : 74 ; Vallet 1975 : 197-198 ; Prieur 1991 : 463)

* 80 L'intégration des concepts d'environnement et de développement durable devra attendre le plan quinquennal de 1993-1997 !

* 81 La majorité de la dépollution est prise en charge par les établissements industriels, même si une progression importante du taux de raccordement aux stations d'épuration assure une dépollution supplémentaire non négligeable pour les MO et les MES. (Ifen 1996 : 52-53)

* 82 « Les volumes destinés à l'irrigation n'étant pas mesurés de façon exhaustive, il est difficile d'en dégager des tendances. » (Ifen 2006 : 199)

* 83 Cette tendance s'observe de manière globale sur l'ensemble de l'Europe. (AEE 2005 : 127)

* 84 « Par ces contrats, passés entre l'Etat et une branche industrielle, la profession s'engage à réaliser un programme de réduction de pollution selon un échéancier et des modalités précises. En contrepartie, des aides exceptionnelles sont consenties, sans que le total du financement puisse dépasser 80 % du montant des investissements. » (Vallet 1975 : 197-198)

* 85 Créés au milieu des années 80, les contrats d'agglomération s'adressent principalement aux grandes communes présentant de faibles taux de dépollution. « Par ces contrats, les villes s'engagent sur des programmes pluriannuels de dépollution bénéficiant de garanties de financement des agences de bassin. Le succès enregistré par cet outil de programmation tient au fait que, adaptée à la décentralisation, cette formule laisse aux collectivités locales l'entière responsabilité des choix, garantit une cohérence technique globale et permet détaler les engagements et les paiements sur plusieurs périodes. » (Secrétariat d'Etat 1990 : 101)

* 86 Le rapport Hénin, du nom d'un chercheur à l'INRA, démontre la pollution des eaux par l'agriculture en s'appuyant sur les relevés de teneur en nitrate dans les cours d'eau.

* 87 Souligné dans le texte.

* 88 Les rapports du PNUE (2002 et 2007), de l'OCDE (1997) et de l'AEE (2005) ont servi de base à cette analyse.

* 89 Changement de cap : point de vue des entreprises mondiales sur le développement et l'environnement, rédigé par 46 sociétés de premier plan, ce rapport introduisait également le concept d'éco-efficacité que les sociétés jugeaient essentiel dans la communication sur le développement durable.

* 90 Emprunté au vocabulaire de l'électronique, le terme « transcodage » désigne ici « l'ensemble de ces activités de regroupement et de traduction d'informations et de pratiques dans un code différent » (Lascoumes 1994 : 22).

* 91 L'intensité énergétique par secteur est définie comme le ratio de la consommation d'énergie finale du secteur sur le PIB total, elle est exprimée en indice base 100 en 1973.






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