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Evolution des politiques environnementales françaises sur quarante ans

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par Valérie Lacroix
Université Libre de Bruxelles - Institut de Gestion de l'Environnement et d'Aménagement du Territoire - Master en Sciences et Gestion de l'Environnement 2008
  

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IV - Etude thématique: l'eau

Une première lecture des évaluations d'experts sur les politiques de l'eau durant ces quarante dernières années fait grossièrement ressortir trois paradoxes:

· Dans un Etat traditionnellement centralisé, ce sont principalement les acteurs décentralisés qui contrôlent l'eau. Au niveau de la gestion publique, le ME joue ainsi un rôle modeste tandis que les Agences de l'eau, établis par bassin hydrographique, jouent un rôle prépondérant. Au niveau de la gestion technique, c'est le secteur privé qui assure une mainmise dominante.

· Toujours au niveau national, de nombreux experts dénoncent le décalage entre les moyens mis en oeuvre et les résultats constatés au regard de l'état des eaux.

· Au niveau supranational, la popularité du modèle français de gestion de l'eau présente un contraste surprenant par rapport aux multiples manquements face au droit européen.

Nous tenterons de présenter les rapports de force entre les trois protagonistes en charge de la gestion de l'eau en France, et de clarifier le paradoxe apparent de leur coexistence, dans les points 1 et 2. Au travers de deux techniques d'analyse particulières, le modèle Pressions - Etat - Réponses (PER) et l'évaluation des politiques, les points 3 et 4 nous donneront l'occasion de préciser les deux dernières contradictions.

Nous commencerons cette étude en confrontant le thème de l'eau aux deux premiers chapitres de notre recherche. Les tableaux synthétiques 1 (p. 11) et 2 (p. 30) nous serviront de fils conducteurs pour présenter les grandes lignes des contextes de l'institutionnalisation de l'eau en France et des mutations de la problématique.

L'application du modèle PER78 à l'évolution de la problématique de l'eau en France délimitera les pressions et les réponses en fonction des principaux acteurs/secteurs de l'eau - industrie, collectivités locales et agriculture.

Notre évaluation finale des politiques de l'eau nous permettra enfin d'aborder les questions posées à l'introduction de notre recherche, concernant les objectifs, leur mise en oeuvre et l'efficacité de la réponse publique.

Nous basons notre étude générale sur des analyses spécifiques d'experts, tels que Barraqué ou Meublat, ainsi que sur des rapports d'information du Sénat ou des revues spécialisées, comme un Sciences & Vie sur le Bilan de l'eau en France. L'analyse PER est construite à partir de données provenant des rapports sur l'état de l'environnement en France.

1. Contextes d'institutionnalisation

Nous tenterons de définir l'évolution des rapports entre les thématiques de l'eau et de l'environnement au sein des contextes globaux de l'institutionnalisation de l'environnement. Nous définirons par après les principales phases de l'institutionnalisation de l'eau.

1.1. L'eau construit l'environnement

Comme la plupart des politiques que l'environnement a regroupées, la politique française de l'eau existe bien avant la création du ME et constitue une activité majeure des administrations publiques:

78 Le modèle PER de l'OCDE présente l'avantage d'être plus succinct que le modèle DPSIR (Driving Force, Pressure, State, Impact, Response) développé par l'AEE.

«Qu'il s'agisse des grands travaux hydrauliques ou hydroélectriques, des adductions, de l'alimentation en eau et de l'assainissement des villes, des canaux, des barrages, etc., elles s'y consacraient avec méthode et disposaient de moyens nécessaires. En revanche, elles ne s'intéressaient guère aux ressources en eau, c'est-à-dire aux rivières et aux nappes souterraines, sinon pour les employer. Des réseaux d'observation éparses et disparates pour les débits, les niveaux et la qualité, pas de plan de gestion collectif, pas d'objectifs à long terme dans les bassins hydrographiques, une police des eaux, c'est-à-dire un dispositif d'ensemble d'autorisations de prises et de rejets, incohérente et complexe, faite de règlements et de droits anciens (divers dataient de Charles V), superposés avec le temps et au demeurant, peu respectés. Les résultats étaient déplorables... » (Saglio 2007 : 34)

La DATAR, l'administration qui organisera l'élaboration du premier programme pour l'environnement en 1969 (voir supra), se charge de la coordination de la politique de l'eau (traditionnellement traitée par une demi-douzaine de ministères, résultant à un chevauchement des compétences), notamment au travers d'une mission interministérielle. Ainsi, si l'eau et l'environnement ont une matrice commune (la DATAR), l'eau représente l'un des enjeux justifiant l'invention de l'environnement.

Des problèmes, tels que des conflits entre l'amont et l'aval (voir infra) ou le coût de la dépollution des eaux, créent le besoin d'une gestion localisée faisant intervenir les divers acteurs. En 1964, la loi-cadre sur l'eau réorganise la juridiction et instaure les Agences Financières de Bassin - rebaptisées Agences de l'eau par la suite - selon la logique originale des circonscriptions écologiques (Prieur 1991 : 252). Les Agences se développent et sont vite considérées comme un modèle institutionnel. D'aucuns affirment qu'il serait souhaitable d'étendre le système aux déchets industriels et à la pollution de l'air (Garnier-Expert 1973 : 272 ; Barraqué 1999: 116).

La compétence de l'eau représente un enjeu de taille, comme le souligne Robert Poujade dans ses mémoires sur le Ministère de l'impossible (1975). L'impossible se réalise pourtant: d'une politique uniquement centrée sur la gestion de la ressource, l'eau devient une politique environnementale.

1.2. L'environnement reconstruit l'eau

L'intégration des diverses thématiques dans la politique environnementale en 1971 s'opère par «recyclage» des politiques des administrations anciennes. (Lascoumes 1994: 16) Si la loi de 1964 et les Agences de l'eau sont certes maintenues, nous soutenons qu'une nouvelle politique de l'eau advient rapidement de l'intégration à l'environnement. Comme point de départ à notre démonstration, citons ce court témoignage d'un ancien haut fonctionnaire du ME: «Les rejets de rivières régressaient à partir de 1974 »... (Saglio 2007 : 39) ...soit trois ans après la naissance du ministère!

Au-delà de son avance naturelle de thématique précédent l'environnement, comment la politique de l'eau intègre-t-elle le contexte évolutif de la politique environnementale?

Les années 1971 à 1978 sont fastes pour l'environnement (voir supra) ainsi que pour la politique de l'eau. Pour ne citer que deux exemples: les contrats de branche (dès 1972) et la loi relative aux installations classées et le contrôle intégré de la pollution (1976).

La crise de l'environnement qui fait suite aux chocs pétroliers est également d'application dans le domaine de l'eau: «les prix de l'eau et les redevances ont été bloqués de 1978 à l'arrivée de Michel Rocard et de Brice Lalonde» (Barraqué 2007: 78). De plus, «La crise économique a conduit les forces politiques a privilegier les mesures les plus efficaces à court terme et à différer le traitement de problèmes moins visibles ou à long terme, comme la contamination des nappes phréatiques. » (Theys 1998: 26) Ce dernier point influera sur l'enchaînement des priorités d'action, allant des points noirs ponctuels de la pollution industrielle aux émissions diffuses de la pollution agricole.

Le lancement du PNE en 1991 inscrit des objectifs ambitieux pour les divers domaines de l'environnement, dont l'eau (voir infra), et propulse la loi sur l'eau de 1992 (voir infra).

Par contre, force est de constater que l'eau représente l'un des enjeux délaissés par le Grenelle, qui ne lui consacre pas de table ronde mais juste un petit programme. Parmi les mesures annoncées, les trois premières concernent soit l'application de directives européennes pour lesquelles la France a du retard - mise aux normes totales des stations d'épuration d'ici 2009; protection des 500 captages d'eau

potable les plus menacés d'ici 2012 -, soit l'achèvement des plans définis par la loi sur l'eau de 1992 - achèvement des Schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) en 2009. Rien de vraiment révolutionnaire. L'annonce, sous le programme Agriculture, de réduire de moitié les pesticides d'ici dix ans, semblerait plus engageante si elle n'avait été édulcorée par les lobbies agricoles FNSEA et UIPP, avec la réserve de la mise au point d'alternatives (Boy 2007: 12, 14). La thématique locale de l'eau (au niveau national) semble s'effacer devant l'enjeu mondial que représente le changement climatique au sein d'un processus certes national, mais affichant un leadership international conséquent.

1.3. Principales étapes de l'institutionnalisation de l'eau

Face aux conflits de type amont/aval, «le SPEPE [Secrétariat permanent pour l'étude des problèmes de l'eau], localisé à la DATAR, a répondu d'une part en important, ou en réimportant, d'Angleterre la gestion systématique par bassins (les River boards), et d'Allemagne le syndicat coopératif de la Ruhr (Genossenschaft), avec les comités d'usagers composés d'industriels et d'élus des villes; et d'autre part en inventant la notion de travaux d'intérêt commun... ». (Barraqué 1999: 110)

La loi-cadre de 1 964 79 sur le régime, la répartition des eaux et la lutte contre leur pollution crée une gestion de l'eau «par bassin, partenariale et utilisant les instruments économiques (redevances de prélèvement et de pollution) ». (OCDE 1997: 63) Chacun des six grands bassins hydrographiques est géré par une Agence Financière de Bassin - rebaptisée ultérieurement Agence de l'eau. Le Comité de bassin, qui regroupe les représentants de l'Etat, des collectivités locales et des usagers de l'eau, précisent les orientations de la politique de l'eau et le niveau des redevances.

«Avec la loi de 1992, les missions des agences dépassent celles de simples instruments financiers, incitatifs et redistributeurs. En effet, les agences et comités vont devoir systématiquement établir une planification des ressources en eau par bassin.» Les principaux documents de planification sont le Schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) et le Schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE). «Le rôle des comités va être considérablement accentué puisque ce sont ces comités qui vont élaborer les schémas. » (Brouin 1994-95 : 10 1-102)

Troisième grand texte législatif, la loi sur l'Eau et les Milieux Aquatiques (LEMA) de 2006 reprend les objectifs de la directive-cadre européenne sur l'eau.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery