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Les rapports juridiques entre les droits interne et communautaire dans le contentieux des contrats de la commande publique


par Steeve BATOT
Université Robert Schuman Strasbourg 3 - Master 2 "droit public fondamental" 2008
  

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2. Une improbable restriction des moyens opérants

On l'a dit, le droit communautaire ne semble pas autoriser les Etats à personnaliser l'intérêt à agir du requérant pour lui refuser l'accès au juge en exigeant la preuve d'un dommage. Cela ne signifie pas pour autant que toute analyse subjective soit écartée. Celle-ci ne s'opère pas au stade de la recevabilité de la requête, mais à celui de son bien-fondé.

A titre liminaire, la Cour a jugé qu'une personne ayant été ou risquant d'être lésée par l'illégalité alléguée ne saurait être privée « non seulement de son droit de recours [...] mais également du droit de contester le bien-fondé du motif d'exclusion »128(*). La formulation employée conduit donc à dissocier l'accès au juge proprement dit de la possibilité de contester ce motif. Or, c'est au moment où le soumissionnaire est « admis à contester le bien-fondé du motif d'exclusion » que « l'instance responsable des procédures de recours envisage de conclure qu'il n'a pas été ou ne risque pas d'être lésé par la décision dont il allègue l'illégalité »129(*). Il apparaît donc qu'un raisonnement subjectif peut intervenir à un stade ultérieur à la recevabilité de la requête. La méthode est d'ailleurs reprise par l'Avocat général KOKOTT affirmant que si la démonstration d'un préjudice ne conditionne pas, en principe, la recevabilité, elle « relève toutefois de la question du bien-fondé du recours »130(*).

Si la Cour de Justice entendait faire du recours précontractuel un contentieux purement objectif, elle imposerait sans doute aux Etats que les instances nationales soient dotées du pouvoir de relever d'office les irrégularités au nom de la dynamique attachée au droit à un recours effectif. Pourtant, il s'agit là d'une simple faculté131(*) que le juge interne ne semble pas exercer132(*). Le juge des référés précontractuels peut donc voler au secours du requérant peu diligent en relevant une irrégularité d'office. Or, la logique et la cohérence pourraient néanmoins laisser penser que si ce requérant n'invoque pas l'irrégularité par lui même, c'est parce qu'elle ne lui est pas vraiment préjudiciable...

La nouvelle directive « recours » participe également à l'intégration d'un raisonnement subjectif dans le contentieux contractuel. Ce texte prévoit que le contrat est privé d'effets lorsque le pouvoir adjudicateur méconnaît l'obligation d'abstention ou la suspension de la procédure de passation liée à l'exercice d'un recours. Encore faut-il que cette violation ait « privé le soumissionnaire intentant un recours de la possibilité d'engager un recours précontractuel lorsqu'une telle violation est accompagnée d'une violation des directives 2004/17/CE, si cette violation a compromis les chances du soumissionnaire intentant le recours d'obtenir le marché » 133(*).

Il s'avère cependant que transposée en droit interne, cette condition sera particulièrement difficile à remplir. Elle impliquera en effet de déterminer laquelle des offres était la meilleure entre celle de l'entreprise requérante et celle du soumissionnaire finalement retenu. Cette recherche est identique à celle effectuée dans le contentieux indemnitaire, lorsqu'il est question de réparer le préjudice subi par une entreprise irrégulièrement évincée. Cette dernière doit apporter la preuve qu'elle avait une chance sérieuse d'obtenir le marché. Mais force est de constater que la condition est très rarement remplie, « le juge ne consacrant cette indemnisation que dans des circonstances d'une particulière évidence, généralement peu fréquente »134(*). A titre d'exemple, le Conseil d'Etat accorde une indemnité dès lors que l'entreprise établit qu'elle avait « une chance très sérieuse d'obtenir le marché »135(*). La sévérité du juge s'explique par l'appréciation complexe qu'il porte sur l'approche qualitative et l'examen approfondi du raisonnement suivit par l'administration pour désigner l'attributaire du marché. Si la jurisprudence fait ici preuve de rigueur, elle le fera davantage dans le contentieux précontractuel car l'office du juge des référés est difficilement compatible avec une telle appréciation. Comme l'écrit Madame BERGEAL, « la procédure de l'article L 551-1 est une procédure d'urgence, le juge ne peut que s'en tenir à l'apparence » 136(*). Par conséquent, si le droit communautaire autorise le juge interne à faire usage d'un raisonnement subjectif dans la recevabilité des moyens, l'office du juge des référés précontractuels représente un obstacle à l'introduction d'une telle méthode de raisonnement.

Les règles gouvernant la recevabilité des moyens devant le juge des référés précontractuels se situent au-delà de ce qu'implique le droit communautaire. Cet excès pourrait néanmoins être contrebalancé par la restriction de la qualité pour agir ambitionnée par les juridictions du fond. Encore faudra t-il que le Conseil d'Etat généralise ces solutions isolées. Pour l'heure, il en résulte que le droit interne surestime les exigences issues des directives « recours » dans la recherche de l'irrégularité. Cet excès se manifeste encore avec évidence dans son traitement par le juge, c'est à dire dans la détermination de ses conséquences juridiques.

* 128 CJCE, 19 juin 2003 : Werner Hackermüller, aff. C-249/01, préc., point 26.

* 129 CJCE, 19 juin 2003 : Werner Hackermüller, aff. C-249/01, préc., point 29.

* 130 . J. KOKOTT, point 150, sur CJCE, 19 juin 2008 : Pressetext Nachrichtenagentur GmbH, aff. C-454/06, préc.

* 131 CJCE, 19 juin 2003 : GAT GmbH, aff. C-315/01, préc., point 50 : Au nom du principe d'autonomie procédurale, la Cour a jugé que « [...] la directive 89/665 ne s'oppose pas à ce que, dans le cadre d'une demande introduite par un soumissionnaire, en vue de faire constater [...] l'illégalité de la décision d'attribution d'un marché public, l'instance responsable de la procédure de recours soulève d'office l'illégalité d'une décision du pouvoir adjudicateur autre que celle attaquée par le soumissionnaire ».

* 132 Le pouvoir de relever d'office des irrégularités existe, mais les exemples ne sont pas légion. Voir CE, 2 octobre 1996 : SARL Entreprise générale électricité Noël Béranger, Rec., p. 371. Dans le même sens CE, 20 octobre 2006, Commune d'Andeville, Rec., p. 434, in DA, février 2007, n° 2, comm. 21, note A. MENEMENIS. Dans un récent arrêt, le juge cultive cependant le doute par le silence : CE, 23 mai 2008 : Musée Rodin, Juris-Data n° 2008-073609, in JCPA, n° 2184, note F. LINDITCH.

* 133 Directives 89/665 et 92/13 modifiées, art. 2 quinquies 1. b).

* 134 F. DIEU : « L'indemnisation d'une chance sérieuse de remporter un marché », in AJDA, 2006, p. 877.

* 135 Concl. I. DASILVA, sur CE, 7 novembre 2001 : Sté Anonyme Quillery, n° 218221, in BJCP, 2002, p. 189 : en l'espèce, la requérante avait démontré que « dans le contexte particulier de l'affaire », elle avait présenté « la meilleure offre tous critères confondus ».

* 136 Concl C. BERGEAL sur CE, 8 février 1999 : Sté Campenon Bernard SGE, Rec., p. 890, in BJCP, 1999, p. 361.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote