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maroc-Union européenne: vers un statut avancé

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par Karim BOUZALGHA
Université de Cergy pontoise - Master II droit des relations économiques internationales 2008
  

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CHAPITRE I :

LE CONTENU DU STATUT AVANCE

Le contenu du statut avance porte sur le renforcement du dialogue politique euro-marocain (Section I) et sur le renforcement des relations économiques (Section II)

Section I : Le renforcement du dialogue politique euro-marocain

Le dialogue politique euro-marocain, dans le cadre du statut avancé, se caractérise par une institutionnalisation (I) et par la participation du Maroc à certaines politiques européennes (II).

I/ L'institutionnalisation du dialogue bilatéral

L'institutionnalisation du dialogue politique se caractérise par la mise en place d'instances de promotion de l'Etat de droit (A) et par un soutien aux réformes politiques du Maroc (B).

A) La mise en place d'instances de promotion de l'Etat de droit

Le dialogue politique euro-marocain porte sur la promotion des droits de l'homme (1) et le prévoit une convergence politique (2).

1) Le dialogue euro-marocain en matière de droits de l'homme

Le titre Ier de l'accord d'association est consacré au dialogue politique (article 3, 4 et 5). Il permet la mise en place d'instances de dialogue politique renforcé, afin de promouvoir des valeurs communes: droits de l'homme, démocratie, bonne gouvernance, Etat de droit ...

Dans le passé, les droits de l'homme étaient l'un des principaux sujets de discorde entre l'UE et le Maroc. En effet, le programme MEDA était fondé sur « le respect des principes démocratiques et de l'Etat de droit ainsi que des droits de l'homme et des libertés fondamentales » (Appelé « clause droits de l'homme »). Cette clause est une condition politique pour l'aide financière, dont la violation est susceptible d'entrainer la  suspension du programme22(*).

Cette clause figure dans tous les accords d'association entre L'UE et les PTM. De même, on retrouve des clauses similaires dans les accords de l'UE avec les PECO et avec les ACP23(*). L'article 2 de l'accord d'association euro-marocain dispose:

 

« Le respect des principes démocratiques et des droits fondamentaux de l'homme, tels qu'énoncés dans la déclaration universelle des droits de l'homme, inspire les politiques internes et internationales de la Communauté et du Maroc et constitue un élément essentiel du présent accord ».

L'article 90 de la déclaration annexée à l'accord d'association explicite l'expression « élément essentiel ». Selon cette déclaration, la partie qui considère que l'autre a violé ses obligations peut prendre des mesures appropriées sans en référer au conseil d'association lorsqu'il s'agit d'une « urgence spéciale ». L'adoption de l'Acte unique européen en 1986 renforce les pouvoirs du Parlement Européen, l'article 237§2 instaure une procédure d'avis conforme en matière de traité d'adhésion et de protocole financier. En vertu de l'article 238§2, ces accords sont conclus à l'unanimité par le conseil après avis conforme du parlement, qui se prononce à la majorité absolue. Or, le 15 janvier 1992 le Parlement européen refuse de donner un avis conforme au 4ème protocole conclu entre la Communauté et le Maroc. Le Parlement critiquait ainsi les violations des droits de l'homme au Maroc.

Considérant ce refus du PE comme une ingérence dans ses affaires intérieures, le Maroc décide de geler les négociations relatives au renouvellement de l'accord de pêche et renonce au bénéfice dudit protocole. Cette crise s'est résolue par l'approbation du parlement le 28 octobre 1992 des négociations euro-marocaines pour un accord de 3ème génération, prévoyant une ZLE.

 

La mise en place de plusieurs instances de dialogue politique vise à éviter les incidents de ce genre, mais aussi, à rapprocher les deux partenaires autour de valeurs communes. Ainsi le Maroc est le premier pays du Sud Méditerranée à avoir un comité droits de l'homme dans le cadre du plan d'action, adopté en juillet 2005. Et depuis novembre 2006, le Maroc et l'UE ont eu deux rencontres du sous-comité Droits de l'Homme, démocratie et gouvernance.

Cependant, le sous comité droits de l'homme apparait comme une instance politique de dialogue, qui ne dispose pas d'un pouvoir propre de décision. Le but de cette instance est de promouvoir les droits de l'homme au Maroc par le dialogue et l'incitation. En effet, les articles 80 et 81 de l'accord d'association donnent le pouvoir de décision et de recommandation au Conseil d'association pour tous les domaines relevant de l'accord. Le conseil peut déléguer tout ou partie de ses pouvoirs au comité. Les sous comités comme le groupe de travail ah hoc sont crées sur la base de l'article 84 de l'accord, qui dispose que le Conseil peut créer tout groupe de travail ou organe nécessaire à la mise en ouvre de l'accord.

2) La convergence politique euro-marocaine

Pour les deux partenaires, le statut avancé se caractérise par une convergence politique. Le gouvernement marocain a proposé à la Commission Européenne plusieurs pistes dans lesquelles cette convergence peut être institutionnalisée. Il existe déjà une concertation au niveau gouvernemental, avec les réunions annuelles des ministres des affaires étrangères au conseil d'association et le dialogue politique renforcé au niveau des hauts fonctionnaires. Le statut avancé prévoit de mettre en place une commission parlementaire mixte Maroc-UE, afin d'ouvrir un forum d'échange entre les élus. L'institutionnalisation parlementaire fait partie de la convergence politique entre l'Union et le Maroc. A cet égard, l'article 190 du règlement intérieur du PE dispose:

« Le PE peut constituer des commissions parlementaires mixtes avec des parlementaires d'Etats associés à la Communauté ou d'Etats avec lesquels des négociations ont été engagées en vue d'une adhésion... Ces commissions peuvent formuler des recommandations à l'intention des parlementaires participants. En ce qui concerne le PE, celles-ci sont renvoyées à la commission compétente qui présente des propositions quant aux suites à leur donner ».

 

Un tel rapprochement institutionnalisé, entre le PE et le parlement marocain vise à promouvoir les échanges humains et politiques, et à favoriser la convergence des législations.  En effet, les relations interparlementaires, les contacts impliquant les parties politiques marocains et européens et les contacts personnels entre membres des parlements contribuent à une meilleure compréhension mutuelle et constituent une dimension essentielle du partenariat privilégié entre l'Union et le Maroc. Les partenaires envisagent des échanges entre élus et des programmes renforcés de stage pour les assistants parlementaires marocains tant dans les parlements des Etats membres qu'au PE. De plus, le statut avancé est un cadre approprié à la rencontre entre les partis politiques marocains et leurs homologues européens, pour faire converger leurs points de vue sur des thématiques d'intérêt commun. A terme, ces contacts peuvent aboutir à l'institutionnalisation d'une assemblée parlementaire euro-marocaine. Un tel parlement euro-marocain serait susceptible de faire des recommandations tant au gouvernement marocain qu'aux institutions communautaires et aussi de formuler des positions communes sur les problématiques couvertes par l'accord d'association.

 

B) Le soutien de l'UE aux réformes politiques du Maroc

L'UE soutient la transition démographique du Maroc (1) et soutient la modernisation de l'administration marocaine (2).

1) Le soutien à la transition démocratique du Maroc

Depuis la mort du roi Hassan II en juillet 1999, le Maroc a entrepris un important processus de démocratisation, avec notamment, le soutien politique et financier de l'Union Européenne. Lors de sa visite officielle au Maroc les 5 et 6 mai 2008, le président du parlement européen Hans Gert Pottering a déclaré que le statut avancé était « une réponse au rythme soutenu des réformes entreprise par le Royaume ». Cependant, plus qu'une réponse, la démocratisation du Maroc est un élément essentiel du statut avancé. Dans cette optique, le roi Mohamed VI a crée le 7 janvier 2004 l'Instance Equité et réconciliation, dirigée par l'ancien prisonnier politique Driss Ben Zekri. Cette commission, chargée d'enquêter sur les disparitions et détention arbitraires a distribué environ 800 millions de dirhams24(*) aux victimes des « années de plomb ». Mais, les coupables ne sont pas poursuivis en justice.

Dans son rapport intitulé « mise en oeuvre de la PEV en 2007, rapport de suivi du Maroc »25(*), la Commission Européenne note les progrès et lacunes du Maroc. L'Union se félicite de la réforme du code de la famille (« Moudawana ») adoptée en janvier 200426(*), de la réforme du code de la presse, du degré de transparence lors des élections législatives de septembre 2007, et des mesures de lutte contre la corruption. Sur le plan des conventions internationales, le rapport relève les progrès dans l'adoption des conventions des Nations Unies27(*) et la levée de certaines réserves28(*). Mais le rapport constate les dysfonctionnements persistants du système judiciaire, les sérieuses entraves à la liberté de la presse, les insuffisances dans la lutte contre le travail des enfants, et la situation dans les prisons (l'observatoire marocain des prisons fait état de violences et de tortures)29(*). De même la FIDH reconnait les avancées démocratiques du Maroc, mais souligne les importantes déclarations interprétatives (art. 2 et 15) et réserves (art. 9, 15, 16, 29) qui ont accompagnées la ratification de la Convention de lutte contre toutes formes de discrimination à l'égard des femmes30(*). La FIDH et les associations marocaines de droits de l'homme mettent aussi en avant le traitement des migrants subsahariens au Maroc (violences, pas d'accès aux soins, discriminations), le maintien formel de la peine mort (Depuis 1993, le Maroc a instauré un moratoire sur les exécutions), les discriminations à l'égard de la minorité  berbère, le manque d'indépendance de la justice et les violences commises dans la lutte contre le terrorisme31(*).

2) Le soutien de l'UE à l'administration marocaine

Comme en matière de droits de l'homme, Le Maroc aspire à se rapprocher des standards européens en matière de bonne gouvernance. Le programme d'appui à la mise en oeuvre de l'accord d'association (PAAA) a pour objectif spécifique d'appuyer l'administration et toutes les institutions publiques marocaines en apportant à celles-ci l'expertise, l'assistance technique et les outils de travail nécessaires à la réalisation des objectifs et au respect des obligations fixées dans l'accord d'association.

Le programme est « à la demande », c'est-à-dire que l'Administration marocaine formule ses besoins dans le cadre de plan opérationnels annuels. Il introduit le jumelage institutionnel consistant en l'envoi d'experts de l'administration européenne pour des missions de longue durée (jusqu'à 24 mois) au sein des administrations publiques marocaines. Ce programme vise notamment à aider le Maroc dans les domaines critiqués par le rapport32(*) (Administration pénitentiaire, fiscale, douanière33(*), système judicaire, administration policière...). Le statut avancé permettra la mise en place d'un système d'aide à l'appareil judicaire marocain, condition indispensable au renforcement de relations bilatérales. En effet, l'objectif est d'améliorer les conditions de détention, de développer les détentions alternatives, et les mesures de réinsertion pour lutter contre la surpopulation carcérale. Cette aide vise aussi à la formation des magistrats, notamment dans le domaine des affaires familiales (les pensions alimentaires, mesures éducatives, l'aide sociale aux familles...). Dans les domaines de moindre importance, il existe aussi des jumelages « courts » d'une durée de huit mois.

Le PAAA au Maroc s'articule en deux phases, avec un budget initial de 5 millions d'euros, auxquels s'ajoutent 15 millions additionnels. La gestion du programme est assurée, avec l'appui de la Délégation de la Commission Européenne, par une Unité de Gestion du Projet (UGP) mise en place par le Ministère des Affaires Etrangères et de la Coopération du Maroc. Toute proposition de projet, en particulier émanant des Ministères et autres Administrations publiques marocaines ainsi que toute demande d'information doit être adressée à l'UGP. Il existe actuellement 25 opérations de jumelages. L'UGP finance aussi des projets ruraux, comme par exemple le projet « Appui à l'amélioration de la situation de l'emploi de la femme rurale et gestion durable de l'Arganeraie dans le Sud-ouest du Maroc » (projet Arganier). Ce projet  a pour objectifs globaux de contribuer au développement d'une participation active des femmes rurales en tant qu'acteur de développement économique et social de la région de l'Arganeraie et de contribuer à un regain d'intérêt des populations locales à la gestion et au développement durable de l'Arganeraie.

 

Tandis que l'accord d'association actuel organise le jumelage institutionnel, le statut avancé prévoit des opérations de jumelage au niveau décentralisé34(*). La coopération décentralisée consiste à développer des jumelages entre villes marocaines et villes européennes. L'exemple à suivre est celui du jumelage en Casablanca et Bordeaux, qui a donné lieu à de vastes échanges culturels, institutionnels et économiques. Il est vrai que la coopération décentralisée connait un succès particulier avec la France, principalement, pour des raisons historiques. Parmi les exemples récents, on peut citer la coopération décentralisée maroco-espagnole entre la région Tanger-Tétouan et celle d'Andalousie. Une convention de coopération portant sur la formation et le renforcement des capacités de bonne gouvernance locale a été signée en octobre 2007 à Tanger.

Le jumelage décentralisé est cependant caractérisé par des limites structurelles qui empêchent les villes marocaines de construire des partenariats et de profiter d'échanges avec les villes européennes. Le renforcement de la coopération décentralisée dans le cadre du statut avancé prévoit notamment de pallier à l'absence d'organisme spécifique chargé de la coopération internationale des collectivités locales. Car, en l'absence d'une telle structure, les villes marocaines s'engagent seules, avec des moyens modestes, en s'appuyant sur des liens personnels qu'ils entretiennent avec leurs homologues étrangers. Les partenariats se font alors au hasard des rencontres et les projets tantôt aboutissent, tantôt échouent.

De plus, la tutelle de l'Etat et les oppositions administratives entre pilotage locale ou étatique bloquent certaines initiatives. Surtout que les collectivités locales ont besoin d'un apport financier adapté, car elles n'ont pas de ressources suffisantes et sont dépendantes des subventions de l'Etat. Puis, de nombreux élus locaux marocains ne parlent pas de langues étrangères, et ont peu de capacité pour mobiliser les milieux d'affaires. Dans ce contexte, les partenariats conclus sont inégaux, et souvent, les villes du nord ne trouvent pas d'interlocuteurs crédibles au Sud. Ainsi, la mise en place d'une structure euro-marocaine de jumelage décentralisé et un soutien financier permettra de résoudre ses problèmes structurels qui limitent l'essor de la coopération décentralisée. Car pour le moment, seules les grandes villes peuvent conclure des partenariats. A cet égard, le comité des régions de l'UE pourrait promouvoir le dialogue entre les collectivités territoriales, et un statut d'observateur pourrait être accordé à l'Association Marocaine des Collectivités Locales au sein du comité.

II/ La participation du Maroc à certaines politiques européennes

Le statut avancé comprend une participation croissante du Maroc à la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et à la politique étrangère de sécurité et de défense (PESD) (A) et un renforcement de la coopération sectorielle (B).

A) La participation du Maroc en matière de sécurité et de défense

Le Maroc joue un rôle stratégique dans le lutte de l'UE contre « tous les fléaux » (1), il est aussi un allier pour le maintien de la paix dans la région (2).

1) Le rôle stratégique du Maroc dans la lutte européenne contre « tous les fléaux »

La région Méditerranée est un foyer de crises et d'instabilité. La sécurité régionale doit donc être gérée au niveau euro-méditerranéen, car les défis sont communs aux deux rives. C'est pourquoi la dimension sécurité et défense est un élément essentiel du processus de Barcelone, mais aussi de la PEV (Terrorisme, immigration clandestine, prolifération nucléaire, trafic de drogue...). Dans ce domaine, la position géographique du Maroc lui donne un rôle majeur. En effet, le détroit de Gibraltar (qui sépare Tanger de l'Espagne de seulement 14 km) est un point stratégique en matière de trafic et d'émigration clandestine. La question de l'immigration clandestine a changé de nature entre le Maroc et l'UE. Certes, le Maroc reste imprégné par la « culture de l'émigration ». Mais, de plus en plus, le Maroc se retrouve à gérer le flux migratoire en provenance de l'Afrique subsaharienne. Si bien que l'émigration passant par le Maroc à destination de l'Europe devient une préoccupation commune du Maroc et de l'UE. L'article 4 de l'accord d'association dispose :

« Le  dialogue politique porte sur tous les sujets présentant un intérêt commun pour les parties, en particulier, sur les conditions propres à garantir la paix, la sécurité et de développement régional en appuyant les efforts de coopération ».

Lors de la 6ème session du conseil d'association, l'Union s'est félicitée dans une déclaration, de l'intérêt marqué par le Maroc pour la PESC et PESD. Dans ce cadre, un dialogue politique est institué au mois de décembre de chaque année35(*). Malgré tout, le Maroc reste un pays d'émigration car 29% des hommes entre 18 et 65 ans, soit 4 millions de marocains ont déclaré en 2000 qu'ils voulaient émigrer36(*). La coopération en matière de sécurité existe dans le cadre de divers instruments méditerranéens, dont le « groupe 5+5 »37(*). Mais le Maroc souhaite renforcer la coopération sur la voie du statut avancé. D'abord, il s'agit de faire participer le Maroc aux travaux du Conseil en matière de PESC, notamment les questions qui touchent à « l'étanchéité, la sécurité  et à la surveillance » du détroit de Gibraltar.

Puis, il est nécessaire de faire aboutir les négociations sur un accord de réadmission entre les Etas membres l'UE et le Maroc. En septembre 2000, des mandats ont été donnés à la Commission pour négocier des accords avec le Maroc, mais les négociations n'ont pas encore abouti. A ce jour, quatre accords de réadmission ont été conclu par le Maroc avec la France (1993), l'Italie (1998), l'Espagne (1992) et l'Allemagne (1998)38(*). Dans ce domaine, l'article 69 de l'accord d'association entre le Maroc et l'UE se veut « Un instrument [pour répondre] à l'immigration clandestine et aux conditions de retour des personnes en situation irrégulière au regard de la législation relative au séjour et à l'établissement applicable dans le pays hôte ».

Dans l'acte final annexé à l'accord, une déclaration commune des parties relative à la réadmission affirme « les parties conviennent d'adopter bilatéralement des dispositions et mesures appropriées pour la réadmission des ressortissants... »39(*).

De paire avec l'aspect juridique, le Maroc demande aussi un renforcement du soutien financier pour faire face aux flux migratoires. Car le Maroc manque de moyens techniques et humains pour surveiller le détroit, les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, les longues côtes maritimes et la frontière avec l'Algérie. (Au-delà de l'immigration clandestine, il y a aussi les problèmes de trafic de drogue40(*), de la contrebande et du terrorisme, qui profitent aussi de la porosité des frontières). En matière de PESC et de PESD, le Maroc et l'Union envisagent, dans le cadre du statut avancé, de développer leur coordination au sein des instances multilatérales telles que l'OTAN, l'UMA, le groupe 5+5, le Conseil de l'Europe ou les Nations Unies. L'objectif est de définir, lors de sommet Maroc-UE,  les grandes orientations par des positions communes, des actions communes, ou des stratégies communes sur le modèle de la PESC. Cette coordination permet au Maroc de renforcer sa position sur la scène internationale et régionale. Pour l'Union, il s'agit de profiter des atouts géostratégiques du Maroc afin de développer son influence sur les régions Afrique et Méditerranée.

Compte tenu de l'écart de puissance sur la scène internationale, la convergence politique consiste en réalité en l'alignement « au cas par cas du Maroc sur les déclarations, démarches et positions de l'UE en matière de PESC ». Le Maroc a marqué son accord de principe pour s'aligner au « cas par cas » sur les décisions PESC de l'UE mais n'a pas encore définit les procédures de mise en oeuvre de ces décisions. 

En ce qui concerne la valeur juridique des normes édictées dans le cadre de la coopération en matière de sécurité et défense,  il est important de rappeler que ces actes ont une valeur obligatoire pour les parties, elles doivent mettre en oeuvre les positions communes adoptées par consensus et s'abstenir de tout acte contraire, sous peine d'engager leur responsabilité internationale.  Par ailleurs, la lutte contre le terrorisme est aussi un défi commun (Le Maroc a subi plusieurs attentats en mai 2003, puis, en mars et avril 2007) qui nécessite un renforcement de la coopération en matière judicaire (extradition, coopération des services de police et des agences de renseignements, coopération des magistrats). A cet égard, les parties ont conclu un code de conduite dans la lutte contre le terrorisme.

2) La participation du Maroc aux opérations de maintien de la paix

La stabilité de la région et le maintien de la paix sont des préoccupations partagées par les deux rives de la Méditerranée, notamment, en matière de prévention et gestion de crises.

Ainsi, suite aux hostilités ethniques entre les communautés serbes, croates et bosniaques, en 2004, l'UE a décidé de prendre le relai des forces de l'OTAN41(*) pour faire respecter l'accord de Dayton/Paris (Accord-cadre général pour la paix en Bosnie-Herzégovine) : C'est l'opération ALTHEA. Le Maroc et l'UE citent l'exemple réussi de l'opération ALTHEA pour envisager le rôle accru du Royaume dans les opérations de l'UE de maintien de la paix. En effet, un contingent de 150 hommes issus des Forces Armées Royales (FAR) a participé dès le début (en décembre 2004) à l'opération de maintien de la paix en Bosnie-Herzégovine jusqu'à l'automne 2007. Lors du 6ème conseil d'association, les parties ont affirmé que cette participation était un précédent annonçant d'autres coopérations similaires, dans l'optique du partenariat privilégié demandé par Rabat.

Le statut avancé consiste à mettre en place une coopération structurée en matière de PESD, en tirant les enseignements de cette opération. Il est utile de préciser que le Maroc n'est pas leu seul pays tiers à l'Union à participer à l'opération  ALTHEA ; elle était soutenue par 7 000 hommes issus des 33 pays participants (dont 22 membres de l'UE et 11 non-membres) parmi lesquels la Turquie (345 hommes), le Canada (85 hommes), l'Albanie (71 hommes), le Chili (20 hommes), la Norvège (17 hommes). Le Maroc est quand même le deuxième pays de la Méditerranée (après la Turquie) en termes de participation à cette mission42(*). D'ailleurs, l'UE a entamé un processus de réévaluation de l'opération ALTHEA. Il est prévu que cette réévaluation soit élaborée en concertation avec le gouvernement marocain.

Cependant, il demeure que le Maroc est une puissance militaire modeste, dont le poids en matière de PESD est limité. De plus, la PESD elle-même est critiquée pour sa « timidité » et son inefficacité pour résoudre les crises de la région, notamment celle du Sahara occidental43(*). En effet, dans son article, Sven BISCOP constate que l'Union s'est contentée de faire « des déclarations exprimant son soutien aux efforts des Nations Unies [afin de] ne pas perturber ses bonnes relations avec le Maroc »44(*).

B) Le développement de programmes de coopération sectoriels

Le statut avancé vise à développer la coopération dans les domaines du transport et de l'énergie (1), mais aussi en matière culturelle, sociale et humain (2).

1) Le développement de la coopération dans les domaines du transport et énergie

Dans le cadre du credo « tous sauf les institutions » le Maroc et l'UE envisagent de renforcer leurs relations dans une série de secteurs, notamment, en matière de transport et d'énergie. A cet égard, l'accord dit « open sky » (« ciel ouvert ») a été signé le 12 décembre 2006 par Jacques Barrot, commissaire européen aux Transports, et Karim Ghellab, ministre marocain de l'Equipement et du Transport. Cet accord est le premier du genre entre l'UE et un pays non européen, il crée un espace aérien ouvert, ce qui permet d'accroitre les vols entre le Maroc et l'UE, à des prix raisonnables45(*).

L'accord prévoit aussi une « convergence réglementaire » en plusieurs phases. L'accord comporte une première phase de deux ans et une seconde, plus large, qui ne sera ouverte que lorsque le Maroc aura appliqué entièrement les « 28 législations pertinentes de l'UE ». Cette législation comprend l'ensemble des règlements et directives concernant notamment, la sécurité du trafic aérien, le contrôle aérien, les formalités administratives, l'environnement ou l'indemnisation en cas de refus d'embarquement. Cet accord soumet la compagnie Royal Air Maroc, aux mêmes contraintes règlementaires que celles en vigueur dans l'Union, ce qui lui permet d'augmenter le nombre de vol à destination des Etats membres46(*). L'accord open sky met en place un comité mixte chargé de faire évoluer l'accord, de traiter les enjeux sociaux, et les questions économiques relatives à la propriété et au contrôle des compagnies aériennes.

Par ailleurs, le Maroc est un pays à la pointe de la coopération dans le domaine technologique, avec l'accord de coopération sur Galileo conclu le 12 novembre 2006. Galileo est le programme européen de radionavigation par satellite. C'est un projet civil alternatif au système de positionnement global (GPS) américain.

Galileo est un projet ambitieux, qui nécessite un investissement de près de trois milliards d'euros d'ici à 2020. Les bénéfices attendus sont énormes : 150 000 créations d'emploi, et un marché de 300 milliards d'euros dans les secteurs du transport maritime et aérien, du transport routier, la lutte contre la fraude, les télécommunications, l'aide aux handicapés... Galileo est aussi une opportunité majeure pour le Maroc. En effet, il rehausse le niveau des sociétés marocaines dans le domaine des nouvelles technologies et comporte un impact économique important, notamment en matière d'emploi.

L'accord comprend une coopération multilatérale, industrielle et scientifique, portant sur les applications du système Galileo, notamment, sur des actions de standardisation et de surveillance de l'intégrité régionale et des investissements financiers. De plus, les entreprises européennes et marocaines entretiennent des liens de coopération industrielle dans le domaine spatial. La coopération Maroc-UE vise aussi à soutenir le Maroc dans l'amélioration de ses réseaux de transport, notamment, le port Tanger-Med, ou le projet de tunnel ferroviaire sous le détroit de Gibraltar47(*). Rabat propose aussi d'intégrer le réseau maritime marocain à celui de l'UE, afin que les « autoroutes européennes de la mer » incluent les ports marocains.

Puis, le partenariat privilégié entre le Maroc et l'Union inclus aussi le domaine de l'énergie. En effet, le Maroc et l'UE ont conclu un accord de coopération énergétique le 23 juillet 2007. Cet accord doit permettre au Maroc d'améliorer ses standards de sécurité et d'efficacité énergétique. A cet égard, Rabat bénéficie d'une aide de 40 millions d'euros pour financer des mesures de mise à niveau sur la période 2007-2009, notamment, pour développer les énergies propres et soutenir le Maroc dans ses investissements. En 2007, une déclaration commune Maroc-UE fixe trois objectifs dans le domaine de l'énergie : La convergence politique en matière énergétique, un politique commune de développement durable et le renforcement de la sécurité des installations.

2) Le renforcement de la coopération en matière sociale, culturelle et humain

Le statut avancé ne peut se faire sans la société civile et les ONG. Ainsi, le Maroc souhaite inclure la dimension sociale, culturelle et humaine dans son partenariat privilégié avec la Communauté. Il participe à un ensemble de programmes européens pour la formation et la mobilité des étudiants. Parmi ces programmes, il y a SOCRATES (mobilité des étudiants), LEONARDO DA VINCI (pour la formation professionnelle), MEDIA (pour la formation destinée à l'audiovisuel) et JEAN MONNET (pour l'octroi de bourses aux étudiants pour des études sur l'intégration européenne). Le Maroc, qui a repris le système Licence-Master-Doctorat (LMD) prévoit de développer les réseaux avec les universités européennes pour promouvoir les échanges d'étudiants.

Mais ce volet social, culturel et humain connait deux blocages majeurs : D'une part, le déficit d'image et de communication, car les populations ignorent souvent l'existence de partenariats renforcé entre le Maroc et l'Union Européenne. Et d'autre part, la dimension sécuritaire limite les échanges d'étudiants. La question des visas est le problème principal. Pour le Maroc comme pour l'UE, il est nécessaire de trouver un équilibre entre ces deux dimensions du statut avancé, et aussi d'éviter la « fuite des cerveaux ». La seule solution est de développer des partenariats de mobilité temporaire avec en parallèle des accords de réadmission. Car, c'est le seul moyen pour « construire la confiance et vaincre la méfiance ».

* 22 Lire à se propos MEKAOUI (A.), Partenariat économique euro-marocain, L'Harmattan, 2000, pp. 237-256.

* 23 Un mécanisme de suspension à été ajouté lors de la révision mi-parcours de la convention de Lomé IV.

* 24 1 dirham équivaut à 11 Euros.

* 25 SEC(2008)398, Bruxelles le 3 avril 2008.

* 26 Pour en savoir plus, lire DAOUD (Z.) « Maroc : une transition périlleuse », Questions internationales, n°9, septembre-octobre 2004, pp. 94-102. Dorénavant, la famille est placée sous la responsabilité conjointe des époux, l'âge du mariage est portée à 18 ans pour les deux sexes, le divorce à la demande de l'épouse est admis, et la polygamie est strictement encadrée.

* 27 Retrouver le rapport sur http://ec.europa.eu/world/enp/pdf/progress2008/sec08_398_fr.pdf.

* 28Notons la levée de la réserve à l'article 20 de la convention de lutte contre la torture reconnaissant la compétence du Comité contre la torture.

* 29 Le Maroc n'a pas ratifié la Convention de l'OIT sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical.

* 30Le texte de la Convention de lutte contre toutes formes de discrimination à l'égard des femmes est disponible sur http://www.un.org/womenwatch/daw/cedaw/text/fconvention.htm.

* 31 Lire les recommandations de la FIDH, sur http://www.fidh.org/spip.php?article5410.

* 32 Ibid.

* 33 Une opération de jumelage existe pour aider les douanes marocaines dans la lutte contre le trafic de drogue.

* 34 Pour plus de détails au sujet du jumelage des collectivités locales, voir http://www.gemdev.org/publications/etatdessavoirs/pdf/abouhani.pdf

* 35 Les réunions entre le Maroc et la Troïka (PE, Commission et conseil) de décembre 2006 et de décembre 2007 se sont poursuivies par des échanges au niveau du comité politique et sécurité (COPS).

* 36 KHACHANI (M.) « Pourquoi les jeunes marocains émigrent-ils », Afkar/Idées, n°3, été 2004, p.25.

* 37 Dialogue informel entre le Maroc, l'Algérie, la Mauritanie, la Tunisie, la Lybie et l'Espagne, Portugal, France, Italie, Malte. Lire, Le Matin, 17 janvier 2008, « Le groupe 5+5 se réunit à Rabat pour décider une nouvelle politique de sécurité ».

* 38 Le 27 février 2004, le Maroc a accepté, pour la première fois, le rapatriement de trente immigrés clandestins subsahariens arrêtés par la Guarda civile espagnole dans les îles Canaries.

* 39 Cf. supra Accord d'association Maroc-UE, pp. 10-11.

* 40 Le Maroc est le premier producteur mondial de résine de cannabis, et subi l'arrivée de drogues dures en provenance d'Amérique latine.

* 41 Voir Résolution du conseil de sécurité des Nations Unies N°1551, du 9 juillet 2004.

* 42 Pour en savoir plus sur ALTHEA voir la recommandation n° 773 sur « L'Union européenne dans les Balkans : «Althea et autres opérations » du 7 décembre 2005. Ainsi que : http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/CAGRE_ALTHEA.pdf.

* 43 BISCOP (S.), « Ouvrir l`Europe au Sud, la PESD et la sécurité euro-méditerranéenne », R.M.C.U.E, n°465, février 2003, pp. 101-105.

* 44 Ibid.

* 45 Le 16 novembre 2006, la compagnie irlandaise Ryan air a différé ses vols vers le Maroc au départ de Marseille et Francfort en raison du délai de ratification de l'accord « ciel ouvert » entre le Maroc et l'UE.

* 46Consulter http://www.mtpnet.gov.ma/Bruxelles12122006/bruxelles12122006.htm.

* 47 Voir http://www.secegsa.com/

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