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Les français face au changement climatique : paradoxe entre sensibilité avouée et pratiques

( Télécharger le fichier original )
par Chloé Zambeaux
Institut Universitaire d'Etude du Développement - Master en Etudes du Developpement 2006
  

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    Université de Genève

    Mémoire de Master en études du développement
    Année académique 2006/0 7

    Les Français face au changement climatique :
    Paradoxe entre sensibilité avouée et pratiques

    Présenté par :Chloé Zambeaux

    Directeur de mémoire : Pascal van Griethuysen Juré : Francine Pellaud

    "To know what is right and not to do it is the worst cowardice".

    Confucius

    remerciements

    Je tenais à remercier :
    Pascal- van Griethuysen pour m'avoir guidé dans mon travail-
    Francine Pel-l-audpour son intérêt porté sur ma recherche
    Jean Guy Vail-l-ancourt pour m'avoir reçu et fourni des documents bien util-es
    Les personnes interviewées qui m'ont accordé un peu de l-eur temps
    5frla famil-l-e, mes amies et Jonathan pour l-eur soutien
    En fin, toute l-'équipe de l-'IVED pour ces deux années riches en enseignements

    1 Présentation du sujet 3

    1.1 Problème de départ 3

    1.2 Question de départ 3

    2 Problématique 4

    2.1 Problème de recherche 4

    2.2 Question de recherche 4

    2.3 Cadre d'analyse 5

    2.4 Cadre méthodologique 11

    PARTIE I : ETAT DES LIEUX

    3 CHAPITRE I : Etat des lieux sur le changement climatique (définitions, émissions de
    gaz à effet de serre, politiques) 18

    3.1 Qu'est ce que le changement climatique ? 18

    3.2 Changement climatique et pratiques individuelles 21

    3.3 Quelles sont les conséquences du changement climatique en France ? 25

    3.4 Face aux conséquences annoncées quelle politique de lutte contre le changement climatique

    envisage-t-on en France ? 27

    4 CHAPITRE II : Les français face au changement climatique 29

    4.1 Perception des problèmes d'environnement : le changement climatique 29

    4.2 Intentions de comportements/comportements déjà mis en oeuvre : cas du changement climatique_ 35

    PARTIE II : ANALYSE DE L'ECART ENTRE SENSIBILITE ET PRATIQUES

    5 CHAPITRE III : L'information et la connaissance comme moyen de lutte contre le changement climatique? Apport de l'approche évolutive 41

    5.1 La nature complexe de la problématique du changement climatique : approche évolutive 41

    5.2 Le traitement du changement climatique par les médias 45

    5.3 Information, connaissance et action 51

    6 CHAPITRE IV : Théories du changement de comportement et de la motivation _____ 55

    6.1 Théories du comportement 55

    6.2 Théories de la motivation 56

    6.3 Théories du changement de comportement et des résistances 62

    7 CHAPITRE V : Analyse des résistances aux changements de pratiques 65

    7.1 Contraintes propres à la nature du phénomène 65

    7.2 Contraintes propres aux contextes 76

    7.3 Contraintes propres à l'individu 83

    7.4 Comment gère-t-on la dissonance cognitive provoquée par l'écart sensibilité/pratiques ? 91

    7.5 Conclusion du chapitre V 94

    CONCLUSION

    8 Synthèse de l'analyse et pistes de réponse à la question : comment favoriser les pratiques

    de lutte contre l'effet de serre chez les français. 97

    8.1 Quelles conclusions tirer de notre analyse ? 97

    8.2 Comment favoriser les pratiques de lutte contre le changement climatique 100

    BIBLIOGRAPHIE 105

    ANNEXES

    ANNEXE 1 : Emissions mondiales des différents gaz à effet de serre 110

    ANNEXE 2 : Emissions de CO2 suivant le type d'énergie primaire utilisée 110

    ANNEXE 3 : Emission de CO2 selon le type d'alimentation 112

    ANNEXE 4 : Exemple d'entretien 113

    ANNEXE 5 : Principaux résultats des entretiens 122

    INTRODUCTION

    C'est au dernier siècle que l'Homme des sociétés industrielles est devenu, selon l'expression de Verdnasky une « force géologique planétaire » capable de se détruire elle-même en altérant les conditions nécessaires à sa survie. En effet, les humains procèdent aujourd'hui à une expérience géophysique à grande échelle en renvoyant chaque année 6 milliards de tonnes équivalent carbone1 dans l'atmosphère et dans l'océan : l'équivalent, en quelques siècles, du carbone organique concentré et accumulé sur des dizaines de millions d'années dans les couches sédimentaires de la lithosphère. Ainsi, le changement climatique est en passe de devenir la priorité du siècle, si l'on en croit le discours des dirigeants, qu'ils soient hommes politiques ou chefs d'entreprises. Les réunions internationales sur le sujet se multiplient, les investissements dans la recherche pour faire face aux conséquences du problème connaissent d'importantes croissances (séquestration du carbone...) et les médias s'emparent de plus en plus du sujet. Le changement climatique devient une affaire d'Etat, une question de responsabilité collective. L'opinion publique se saisit peu à peu du sujet faisant naître une conscience collective. C'est parce que nous pensons que chaque individu a sa part de responsabilité dans le problème global qu'est le changement climatique que nous avons décidé de nous intéresser aux comportements individuels. Ce positionnement n'exclu pas le fait que nous ayons conscience de l'importance d'autres acteurs dans la lutte contre le changement climatique (gouvernements, entreprises...). Ces derniers exercent en effet bien souvent des contraintes sur les comportements individuels. Cependant, nous pensons que la lutte contre l'effet de serre doit passer obligatoirement par une modification des comportements individuels.

    1 Jean Marc Jancovici, « Que pouvons nous émettre comme CO2 si nous voulons lutter efficacement contre le réchauffement climatique ? » visualisé le 17/09/07 sur :

    http://www.manicore.com/documentation/serre/quota_GES.html

    1 Présentation du sujet 1.1 Problème de départ

    Depuis quelques années, les médias de masse (télévision, presse grand public, radio, Internet) relaient largement les thématiques des problèmes environnementaux globaux : la question du changement climatique est devenu un sujet « à la mode ». Il ne se passe plus une semaine sans que l'on parle du changement climatique dans les journaux télévisés. La presse grand public se met aussi au « vert » : les sujets sur le changement climatique, la consommation bio/équitable, les constructions écologiques... fleurissent dans la presse. Les sites Internet contenant l'expression « changement climatique » se comptent en millions ! Cela est sans compter les campagnes d'information et de sensibilisation menées par des associations de protection de l'environnement toujours plus nombreuses (notamment Greenpeace au niveau mondial, la Fondation Nicolas Hulot au niveau de la France).

    Cependant, nous émettons l'hypothèse que la généralisation de l'accès à l'information sur le problème du changement climatique n'entraîne pas un changement radical des pratiques quotidiennes1 des Français en faveur de la lutte contre l'effet de serre. Les Français serait-ils indifférents aux questions environnementales ?

    1.2 Question de départ

    Notre question de départ sera donc la suivante :

    Comment peut-on expliquer le fait que les Français ne s'engagent pas, à travers un changement drastique des pratiques quotidiennes, dans la lutte contre le problème du changement climatique ?

    1 Nous employons le terme de « pratiques individuelles » au sens des agrégations d'actes et de gestes accomplis par un individu dans son quotidien.

    2 Problématique

    2.1 Problème de recherche

    Un premier élément de réponse à cette question de départ peut résider dans l'affirmation suivante : non, les Français ne sont pas indifférents aux questions environnementales. En effet, plusieurs enquêtes (IFEN 2000; IFEN 2002 ; ADEME 2005...) menées au cours de ces dernières années sur la sensibilité écologique des Français font apparaître que, très majoritairement, ces derniers se disent très préoccupés par les questions environnementales. Comment expliquer alors que cette sensibilité ne se traduise pas dans les pratiques quotidiennes des français ? C'est cette piste que nous allons explorer dans ce travail de recherche. Si, comme le soulignent les auteurs de L'équivoque écologique « aujourd'hui [...] en France comme dans bien d'autres pays, tout le monde ou presque se prétend écologiste » (Alphaandery, Bitoun et al., 1991, p.24), ce qui nous intéresse est alors de comprendre les raisons de cet écart entre sensibilité et pratiques. La compréhension de ce décalage ou « hiatus » si on reprend l'expression utilisée par le sociologue Jean Paul Bozonnet1, constitue, selon nous, un moyen de mettre en lumière les rigidités ou contraintes qui s'opposent aux changements de pratiques. Dans une perspective de recherche action, nous pouvons même penser que les résultats de ce travail pourraient constituer des éléments utiles dans l'orientation de la politique publique pour la lutte contre le changement climatique. En effet, le fait de connaître les mécanismes de résistance des pratiques individuelles face à la lutte contre le changement climatique, pourrait être intéressant par exemple, dans le cadre de l'élaboration d'une campagne de sensibilisation. C'est donc cette perspective qui nous a motivés dans le choix de ce sujet.

    2.2 Question de recherche

    Cette réflexion générale nous amène donc à nous poser la question suivante qui sera à la base de ce mémoire :

    1 Jean Paul Bozonnet a notamment écrit un article sur cet écart entre la conscience écologique des français et leurs pratiques (« De la conscience écologique aux pratiques. Pratiques domestiques et politiques environnementales à la lumière des théories du choix rationnel et des valeurs », Toulouse, Actes du colloque Environnement et Politiques, CR23 AISL et CERTOP-CNRS, 279-287).

    Comment peut-on expliquer l'écart entre la sensibilité et les pratiques des Français face au changement climatique ?

    2.3 Cadre d'analyse

    En réponse provisoire à cette question nous émettons l'hypothèse suivante : il existe un ensemble complexe de facteurs qui influencent les pratiques individuelles face au changement climatique. Ces facteurs peuvent provoquer des résistances face au changement de pratiques, et donc constituer des obstacles à la lutte contre le changement climatique.

    Quelles sont les contraintes qui expliquent que la préoccupation vis-à-vis du changement climatique ne se traduise pas dans les pratiques individuelles? Quelles sont ces rigidités qui empêchent l'émergence de nouveaux types d'action ? Qu'est ce qui, au contraire, peut motiver les individus à s'engager dans la lutte contre l'effet de serre ?

    2.3.1 Plan de travail

    Il est nécessaire pour répondre à ces questions que nous rappelions dans un premier temps des éléments qui nous semblent importants pour comprendre dans quel contexte physique, et institutionnel, le problème du changement climatique évolue en France (Chapitre 1). Nous pourrons voir ensuite, comment dans ce contexte les Français réagissent au problème qui est soulevé. L'analyse de plusieurs études quantitatives1 nous permettra de mettre en évidence quelles sont leurs sensibilités et leurs pratiques face au changement climatique (Chapitre 2). Cette analyse nous amènera à nous demander comment on peut expliquer l'absence de changements profond dans les pratiques des Français, malgré le fait que les médias se saisissent du problème et permettent donc, au plus grand nombre, d'avoir accès à des informations à ce sujet (Chapitre 3). Nous tenterons ainsi d'expliquer en quoi l'absence d'une vision complexe du problème entrave la compréhension des individus du phénomène. Nous verrons aussi que la connaissance est un facteur nécessaire mais non suffisant pour l'action. Nous ferons donc appel aux théories du comportement et de la motivation afin de mettre en évidence les autres facteurs, internes ou externes à l'individu qui influent sur son comportements (Chapitre 4). Ces théories constitueront la base de la « grille de lecture » grâce à laquelle nous procèderons à l'analyse de la série d'entretiens que nous avons réalisés (Chapitre 5). C'est à partir de cette analyse que nous pourrons mettre en évidence les facteurs

    1

    qui, selon nous, constituent autant de contraintes empêchant le changement de certaines pratiques quotidiennes. Nous avions identifié au début de notre analyse (après quelques lectures et la réalisation des premiers entretiens), différents types de facteurs, internes où externes aux individus qui avaient une influence sur leurs comportements face au changement climatique : les valeurs et perception des normes sociales, la perception de l'efficacité de l'action, les « contextes » (institutionnel, législatif, économique, physique), les habitudes, la perception du risque et la connaissance. Nous expliquerons donc en quoi ces facteurs constituent, selon nous, des obstacles dans la lutte contre le changement climatique au niveau individuel. Le schéma suivant propose une représentation synthétique de ces facteurs.

    Connaissance

    Valeurs/ perception des normes sociales

    Perception du risque

    Type de pratiques face au
    changement climatique

    SOCIETE

    Perception de l'efficacité de l'action

    Habitudes

    Variables situationnelles/ Cadre
    institutionnel/Contextes

    2.3.2 Cadre théorique et conceptuel :

    Nous allons maintenant expliquer dans quel cadre théorique s'inscrit notre travail, quelle sera notre approche pour le réaliser.

    2.3.2.1 L'environnement un objet nouveau pour les sciences sociales

    L'écologie et les questions environnementales sont traditionnellement l'affaire des spécialistes en sciences naturelles. C'est seulement depuis quelques décennies, que les sciences sociales ont commencé à s'emparer de cette thématique. Si la sociologie n'était jusque là pas considérée comme discipline fondamentale pour l'étude des questions environnementales, la prise de conscience de l'origine anthropique de bon nombre de problèmes environnementaux a légitimé l'importance des analyses de type sociologique dans la compréhension de ces problèmes. Le sociologue Jean Guy Vaillancourt (Vaillancourt, 2007) nous propose de distinguer trois grandes étapes dans la constitution de la sociologie de l'environnement dans le contexte Nord Américain. C'est avec l'écologie humaine qui se développe dans les années 20 à l'université de Chicago que l'environnement commence à faire l'objet d'une approche humaine et sociale. Les chercheurs étant à l'origine de cette nouvelle discipline (Robert Park, Roderick MacKenzie et Ernest Burgess) appliquent les principes de l'écologie végétale et animale aux communautés humaines vivant en milieu urbain. Ce courant sera critiqué pour son déterminisme du milieu urbain sur les milieux sociaux, ce qui favorisera dans les années 30 l'apparition de l'écologie sociale dont l'objet sera à l'inverse : l'influence des phénomènes sociaux sur l'environnement. Il faudra attendre le tournant des années 70 pour qu'un groupe de sociologues qui étaient particulièrement sensible aux problématique environnementales (Catton, Dunlap, Schnaiberg et Buttel) créent, aux Etat-Unis, une nouvelle branche de la sociologie : la sociologie de l'environnement. Il s'agit alors de remettre en cause le paradigme de l'exceptionnalisme humain qui dominait jusque là les sciences sociales, et de montrer la dépendance des sociétés humaines vis-à-vis des écosystèmes. La troisième étape que distingue Jean-Guy Vaillancourt, l'« écosociologie », naît à la fin des années 80 (dans le sillage du rapport Bruntland) suite à la prise de conscience internationale de problèmes environnementaux globaux tels que le trou de la couche d'ozone, le réchauffement climatique ou la perte de biodiversité. Cependant, la sociologie de l'environnement à tendance à rester principalement une affaire des chercheurs Nord Américain, elle a du mal à se diffuser notamment en Europe et en France. La connaissance des « valeurs » et des représentations mais aussi des pratiques environnementales et des attitudes écologiques est encore très marginales en France ce qui n'est pas sans rapport avec

    une certaine défiance de la sociologie à l'égard des domaines de la psychologie sociale, dont semblent plutôt relever ces objets. (Dobré, 2002, p.1 70).

    C'est donc dans ce courant de l' « écosociologie » qui étudie les problèmes globaux que s'inscrira notre recherche, tout en apportant certains éléments de réflexion dans des domaines tels que les représentations, la sensibilité et les pratiques.

    2.3.2.2 Un problème qui nécessite une approche interdisciplinaire et systémique

    Les problèmes environnementaux sont, par nature, des problèmes qui font appel à des approches interdisciplinaires. Par leurs problématiques souvent complexes, ils convoquent à la fois les sciences naturelles et physiques (biologie, écologie, chimie, physique...) pour l'explication à proprement dit des phénomènes, mais aussi les sciences sociales (sociologie, psychologie sociale, économie...) pour l'explication des interactions entre les activités humaines et ces phénomènes. Le recours à des disciplines complémentaires permet donc d'expliquer les différentes facettes des problèmes (théories et méthodes différentes. Etant donné le caractère interdisciplinaire de ce sujet nous ferons donc appel, tout au long de notre travail à des théories et concepts développés pas des sociologues, psychologues sociaux et économistes.

    Le changement climatique constitue un bel exemple de cette nécessité d'interdisciplinarité. Il s'agit de comprendre la complexité des interactions entre les acteurs, et les contraintes d'origines naturelles ou anthropiques qui contrôlent la dynamique des anthroposystèmes (Lévêque, 2003). Une approche systémique étudiant les principales composantes du problème et leurs interactions apparaît donc indispensable. Sur ce point, il nous semble intéressant pour la suite de l'analyse de rappeler les trois principes généraux fondant les propriétés d'un système (Lévêque, 2003, p.1 16):

    - le principe de dépendance interactive : un système est composé par un ensemble d'éléments qui interagissent de telle sorte que le fonctionnement de chacun d'entre eux, voir leur existence, sont conditionnés par les autres5.

    - le principe d'émergence : Les éléments en interaction qui composent le système forment une entité de laquelle « émergent » des propriétés nouvelles par rapport à celles de chacun des éléments. C'est le principe aristotélicien selon lequel « le tout est plus que la somme des parties ».

    5 Il est important de noter que cette dépendance interactive ne se limite pas aux éléments d'un même système. En effet la plupart des systèmes sont des systèmes ouverts, qui dépendent de leur milieu et exerce une pression sur celui-ci. Un système n'est donc pas isolé de son environnement.

    - le principe de rétroaction (feed back) = principe d'effet en retour du tout vers les parties. Boucles permanentes d'interaction. Le comportement et l'évolution d'un élément inséré dans un système dépendent du système.

    La nécessité de considérer les interactions entre plusieurs éléments d'un même système ou bien entre plusieurs systèmes, nous amène donc à réfléchir sur la relation que l'individu peut entretenir avec les autres éléments de la société. Comment faire pour tenir compte dans notre analyse de l'ensemble des ces interaction ?

    2.3.2.3 La nécessité d'un nouveau paradigme pour l'analyse des pratiques individuelles face au changement climatique : le paradigme de la théorie de l'individualisme méthodologique complexe (IMC)

    Quelle est la relation entre individus et structures collectives ? Quelle est la part du social dans la constitution de l'individu ? Quelle est l'influence de l'individu sur les structures collectives ? Dans quel sens et dans quelle mesure sommes-nous influencés à travers les liens sociaux que nous entretenons dans les décisions que nous prenons envers nous-mêmes et envers les autres ? Ayant conscience des limites respectives du holisme et de l'individualisme méthodologique6 pour répondre à ces grandes questions sur la place de l'homme dans la société nous avons choisi un positionnement intermédiaire celui du paradigme de l'individualisme méthodologique complexe :

    « Dire que l'évolution de cette société artificielle est le produit des interactions d'individus déjà constitués hors de la société n'a aucun sens car nous voyons ici que l'identité des individus change au cours du jeu social et que leurs téléologies individuelles se constituent précisément au cours de leur évolution dans un contexte social. Mais dire que l'évolution de cette société est dirigée par des régularités qui préexistent aux interactions des agents n'a pas non plus de sens. [...] L'adoption de nouveaux principes, de nouvelles valeurs, de nouveaux traits sociaux sont conditionnées par la métadynamique définie par l'arrangement des entités sociales existantes, mais chaque individu porte en lui la possibilité d'introduire l'innovation qui un jour modifiera de manière significative cette métadynamique .»

    Ainsi, si nous empruntons aux approches de M. Weber et R. Boudon d'une part, une
    représentation de la société basée sur l'idée que les phénomènes collectifs doivent être décrits

    6 Nous entendons ici les terme « holisme » et « individualisme » dans le sens que la tradition sociologique leur à donné. Ainsi nous pouvons définir le holisme comme un « déterminisme social » (les comportements sont socialement déterminés). A l'opposé le courant de l'individualisme méthodologique part du principe qu'il faut analyser les effets sociaux comme une agrégation d'actions individuelles.

    et expliqués à partir des propriétés et des actions des individus et de leurs interactions mutuelles, et d'autre part une méthode basée sur la compréhension et l'explication du sens donné par les individus à leurs action, nous devons faire attention de ne pas tomber dans un excès de relativisme. « La vie quotidienne ne peut pas émerger comme champ autonome, car elle est enfermée dans la rigidité de l'institution qui tend à reproduire les conditions de l'action, l'application des normes étant garante de l'ordre social » (Juan, 2002, p.1 31).

    Appliquer cette perspective à notre cas d'étude revient tout d'abord à reconnaître que les émissions individuelles de gaz à effet de serre, par leur agrégation, sont responsables du changement climatique (on ne crée pas ainsi une « société » supérieure aux individus qui seraient responsables des émissions, comme c'est bien souvent le cas dans les discours des individus). Il s'agit donc de reconnaître la responsabilité de chaque individu dans le phénomène du changement climatique. Mais adopter le paradigme de l'IMC revient aussi à reconnaître l'existence d'inerties, de contraintes qui pèsent sur l'individu et oriente sa sensibilité et ses pratiques face au changement climatique.

    2.4 Cadre méthodologique

    Pour l'élaboration de ce travail, nous avons procédé en premier lieu à une analyse de sources de type secondaire (ouvrages divers, sites internet, enquêtes. Dans un premier temps, nous avons réutilisé les résultats d'études quantitatives sur la sensibilité et les pratiques des Français vis-à-vis de l'environnement, et d'ouvrages provenant d'une littérature variée qui pouvait nous éclairer dans l'explication du décalage entre sensibilité et pratiques. ...). Nous avons à la fois consulté une littérature provenant des sciences naturelles (pour la compréhension « physique » du changement climatique) et des ouvrages provenant des sciences sociales (principalement : sociologie, psychologie sociale, philosophie). Néanmoins, il nous est apparu utile de compléter ces éléments de compréhension par une analyse qualitative basée sur la réalisation d'entretiens semi directifs. Comme le souligne la sociologue Michelle Dobré « seules les approches qualitatives, observations ou entretiens, permettent de reconstituer une cohérence qui est celle de l'acteur dans l'orientation de son action » (Dobré, 2002, p.241).

    2.4.1 Les enquêtes quantitatives

    Nous avons eu recours, dans la première partie de notre travail (chapitre 2) à l'analyse des résultats de trois enquêtes menées par des organismes spécialisés. Voici une brève description de ces enquêtes:

    > Sondage EUROBAROMETRE Spécial 217 « Attitudes des citoyens européens vis-à- vis de l'environnement ». Ce sondage à été commandité par la Direction générale de l'Environnement de la Commission européenne. Les interviews ont eu lieu dans les 25 pays de l'Union Européenne en novembre 2004. Le rapport présentant les résultats du sondage met en évidence plusieurs points : les perceptions que les citoyens européens ont de l'environnement, la question de l'information en matière d'environnement, l'importance de l'environnement dans le processus décisionnel politique, les solutions aux problèmes d'environnement et les actions individuelles dans ce domaine. Les résultats étant présentés par pays nous avons pu nous servir de ces informations pour étudier l'ensemble de ces points dans le contexte français, ainsi que pour émettre des comparaisons avec les résultats obtenus pour d'autres pays ou pour l'ensemble de l'Union Européene. Ce sondage est intéressant pour ce travail étant donné que certains items de réponse proposés font directement référence au changement climatique.

    > Les français et l'environnement : opinions et attitudes au début 2002. Ce rapport présente l'analyse des réponses aux questions relatives à l'environnement posées par Electricité de France (EDF) et par l'Institut français de l'environnement (IFEN) dans l'enquête permanente du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Credoc) sur les « Conditions de vie et les aspirations des français » (enquête annuelle réalisée depuis 1978). Un grand nombre de sujets sont traités dans cette enquête. Ils sont regroupés autour des thèmes suivants : la dégradation de l'environnement et ses conséquences, les efforts attendus pour préserver l'environnement, les actions collectives ou individuelles dans le but de préserver l'environnement, les déplacements domicile travail. Cette enquête nous a permis de faire ressortir un contexte général quand à la perception et comportements vis-à-vis de l'environnement en France. Cependant la question du changement climatique n'est à aucun moment mentionnée dans les questions ou dans les items proposés, même lorsque les questions portent sur les problèmes environnementaux !

    > L'enquête sur « Les représentations sociales de l'effet de serre ». Cette enquête sondage est effectuée de manière annuelle, elle est commanditée par l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie (ADEME). Nous avons analysé les résultats de la sixième vague d'enquête c'est-à-dire celle réalisée en 2005. Cette enquête aborde différents aspects de la problématique comme la perception du phénomène (définition), de ses causes, de ses conséquences, des solutions pour y remédier... C'est donc les résultats de cette enquête que nous avons le plus exploité à travers ce travail.

    2.4.2 Les entretiens

    Nous avons effectué une série de sept entretiens7 individuels, de façon à saisir quelles pouvaient être pour chaque acteur, les raisons de son immobilisme face au problème du changement climatique. Pour cela, nous avons abordé plusieurs thèmes relatifs aux perceptions, et aux pratiques vis-à-vis de la problématique du changement climatique. Les entretiens ont été effectués par l'intermédiaire de connaissances, ou bien en porte à porte. Nous avons dans la mesure du possible essayé de diversifier les profils (age, sexe, origine socioprofessionnelle, origine géographique...) des interviewés. Cependant, le nombre restreint d'entretiens ne nous permet pas de prétendre avoir un échantillon représentatif de la société française.

    Présentation des personnes interviewées :

    Nom*

    Sexe

    Age

    Profession

    Lieu de résidence

    Caroline

    F

    31

    Femme au foyer

    Genève

    Béatrice

    F

    36

    Gestionnaire pour une centrale d'achat de vêtements

    Paris, 9ème arrondissement

    Julien

    H

    23

    Etudiant

    Genève, originaire du Mans

    Olivier

    H

    49

    Professeur de français en lycée professionnel, psychologue

    Moustier Sainte-Marie

    Myriam

    F

    54

    Professeur des écoles

    Rennes

    Corinne

    F

    42

    Technicienne de surface

    La Bastidonne

    Damien

    H

    25

    Etudiant

    Lyon

    * Dans un souci d'anonymat le nom des personnes interviewées a été modifié

    Les entretiens ont été enregistrés puis retranscrits afin de procéder à leur analyse. Il est important de préciser que toutes les personnes interviewées ont accepté sans réticence que leurs propos soient enregistrés.

    7 Les entretiens ont été réalisés dans une période de temps s'échelonnant du 05/06/07 au 18/08/07

    Les entretiens8 que nous avons réalisés avaient comme principaux objectifs :

    · D'évaluer pour chaque interviewé le degré de connaissance de la problématique du changement climatique (mécanisme, causes, conséquences).

    · De mettre en évidence quelles sont les interactions que l'individu perçoit entre son comportement et le changement climatique (lien entre activité quotidienne et émission de gaz à effet de serre, question de responsabilité).

    · D'essayer d'appréhender dans quel état d'esprit l'individu aborde le problème (gravité, peur, confiance/pessimisme...).

    · De montrer quels sont les efforts que l'individu réalise d'ores et déjà pour limiter ses émissions de GES, et voir si ces changements de comportements représentent des contraintes. Questionner sur ceux auxquels il serait prêt à consentir.

    · De comprendre quelles sont les raisons, selon la personne interviewée, qui expliquent qu'il ou elle n'est pas prêt à modifier son comportement dans le but de lutter contre l'effet de serre (mise en évidence des contraintes internes et externes, des situations de dissonance).

    Ces principaux objectifs nous ont permit de mettre en évidence des thèmes à aborder lors de
    nos entretiens. Nous avons donc formulé pour chacun de ces thèmes une série de questions
    clés. L'ensemble de ces informations est présenté dans la grille d'entretien suivante :

    8 Pour des exemples d'entretiens se référer à l'annexe 4.

    Objectifs Thèmes Questions

    Degré de connaissance de la problématique
    du changement climatique

    Mécanismes
    Causes
    Conséquences

    De manière générale qu'est ce qu'il vous vient à l'esprit quand l'on vous parle de
    changement climatique ?

    Savez-vous ce qu'est l'effet de serre ? Sauriez-vous expliquer son mécanisme ?
    Quelles sont selon vous les causes et les conséquences du changement climatique ?
    Avez-vous entendu parler du GIEC/IPCC ?

    Perception de la relation entre comportement
    individuel et changement climatique

    Lien entre activité quotidienne et émissions de
    GES
    Responsabilité

    Savez vous lesquelles de vos activités quotidiennes participent à l'effet de serre ?
    (thématique du transport, de l'habitat et de l'alimentation)

    Est ce qu'à votre niveau vous vous sentez responsable de ce problème ?

    Etat d'esprit

    Perception de la gravité
    Peur/confiance/pessimisme

    Est ce que ce phénomène vous préoccupe, voire vous fait peur ?

    Vous sentez vous confiant face à l'évolution du phénomène ? Pensez vous que l'on va
    trouver des solutions ?

    Comportements et changement de
    comportements

    Changement de comportements déjà entrepris
    Changement de comportements envisagés
    Question de la « contrainte » de ces
    comportements

    Depuis que vous avez eu connaissance du problème du changement climatique avez-vous
    modifié certaines habitudes, comportements ?

    Seriez-vous prêt à modifier votre consommation alimentaire en mangeant uniquement des
    produits locaux ? (Idem avec thématique des transports et de l'habitat)

    Est ce que ces changements de comportements représentent pour vous des contraintes ?

    Mise en évidence des contraintes

    Contraintes internes
    Contraintes externes
    Situation de dissonance cognitive

    Quelles sont les raisons qui expliquent que vous n'êtes pas prêt à vous passer de votre
    voiture/que vous n'êtes pas prêt à diminuer votre consommation de viande... ?

    Nous avons procédé à des entretiens semi directifs dans le sens où nous avons abordé l'ensemble des thématiques prédéfinies (mises en évidence dans la grille d'entretien) tout en laissant aux interviewés une certaine liberté dans la formulation de leurs réponses. Ces questions sont formulées de façon suffisamment large pour que les interviewés puissent s'exprimer de manière spontanée. Cette liberté dans les réponses permet à notre avis de mieux faire apparaître les représentations. De plus, cette technique d'entretiens moins « dirigé » nous a permit d'adapter l'ordre chronologique proposé dans la grille d'entretien en fonction des réponses des interviewés.

    Nous avons procédé à la reformulation de certaines questions lorsqu'elles nous semblaient avoir mal été comprises, ainsi qu'a certaines relances pour encourager la personne interviewée à nous donner davantage de précisions ou d'explications à propos des réponses formulées. Bien que l'objectif de ces entretiens ne soit pas d'apporter des informations et de sensibiliser les interviewés à la problématique du changement climatique, il nous est apparut nécessaire, dans certains cas, d'apporter dans la discussion certains éléments de clarification afin de pouvoir poursuivre l'échange (par exemple explication de la relation entre les choix d'alimentation et les émissions de gaz à effet de serre).

    Les résultats de ces entretiens sont présentés dans le dernier chapitre sous la forme d'une analyse thématique1.

    1 Chapitre V : analyse des résistances aux changements de pratiques.

    PARTIE I:

    ETAT DES LIEUX

    PARTIE I - CHAPITRE I : Etat des lieux sur le changement climatique (définitions, émissions de gaz à effet de
    serre, politiques)

    3 CHAPITRE I : Etat des lieux sur le changement climatique (définitions, émissions de gaz à effet de serre, politiques)

    3.1 Qu'est ce que le changement climatique ?

    3.1.1 L'Effet de serre

    Voici une explication simplifiée du mécanisme de l'effet de serre1 : Lorsque le rayonnement solaire atteint l'atmosphère terrestre, une partie (environ 28,3 %) est directement réfléchie (renvoyée vers l'espace), par l'air, les nuages blancs et la surface claire de la Terre. Les rayons qui n'ont pas été réfléchis vers l'espace sont absorbés par l'atmosphère (20,7 %) et/ou la surface terrestre (51 %). Cette partie du rayonnement absorbée par la Terre lui apporte de la chaleur (énergie), qu'elle restitue à son tour, la nuit notamment et en hiver, en direction de l'atmosphère sous forme de rayons infrarouges. Ce rayonnement est alors absorbé en partie par les gaz à effet de serre. Puis dans un troisième temps, cette chaleur est réémise dans toutes les directions, notamment vers la Terre. Les rayonnements qui retournent alors vers la Terre créent l'effet de serre. La chaleur produite est donc retenue en partie dans l'atmosphère, comme cela se passe dans une serre. Nous tenons à rappeler que le phénomène de l'effet de serre est un phénomène naturel qui permet de préserver une température moyenne sur Terre d'environ 15 °C, et sans lequel cette température moyenne se situerait aux alentour de - 18 °C.

    1 Cette définition est adaptée de celle proposée sur Wikipédia, consulté le 20/09/07 sur : http://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_de_serre

    PARTIE I - CHAPITRE I : Etat des lieux sur le changement climatique (définitions, émissions de gaz à effet de
    serre, politiques)

    Visualisé le 22/09/2007 sur : http://www.agirr.org/rubrique.php3?id_rubrique=

    On désigne donc par gaz à effet de serre les gaz absorbant le rayonnement infrarouge émis par la surface de la Terre. On peut distinguer les gaz à effet de serre « naturels » : la vapeur d'eau (H2O), le gaz carbonique (CO2), le méthane (CH4), le protoxyde d'azote (N2O), l'ozone (O3) ; et les gaz artificiels ou « industriels » : il sont principalement de la famille des halocarbures (dont les chlorofluocarbures (CFC), aussi responsables de la destruction de l'ozone stratosphérique : « trou de la couche d'ozone »). Il est à noter que la durée de vie dans l'atmosphère (temps de résidence atmosphérique) des gaz à effet de serre varie énormément : douze ans pour le méthane, une centaine d'années pour le gaz carbonique et jusqu'à 50 000 ans pour certains halocarbures. Ceci veut dire que le gaz carbonique produit aujourd'hui fera encore effet dans un siècle. De plus, le pouvoir de réchauffement de ces gaz (PRG) n'est pas le même. Par exemple un kilogramme de méthane produit autant d'effet de serre que vingt-etun kilogrammes de gaz carbonique.

    PARTIE I - CHAPITRE I : Etat des lieux sur le changement climatique (définitions, émissions de gaz à effet de
    serre, politiques)

    Durée de résidence et pouvoir de réchauffement global des différents gaz à effet de serre :

    Gaz

    Durée de résidence (années) PRG

    CO2

    100 à 200

    1

    CH4

    15

    21

    NO2

    120

    310

    HCFC-22 12

    1,300

    CF4

    50 000

    6,500

    SF6

    3 200

    23,900

    CFC-12

    102

    6500

    Source : GIEC 1995 ; visualisé le 20/09/2007 sur : http://www.amisdelaterre.org/1-Qu-est-ce-que-l-effet-de-serre.html

    Si l'on regarde quels sont les gaz à effet de serre qui participent le plus à l'effet de serre d'origine anthropique, on obtient la répartition suivante : l'effet de serre dû à l'Homme est engendré à 55 % par le gaz carbonique, à 15 % par le méthane, à 15 % par les halocarbures, à 15% par l'ozone troposphérique et à 5% par le protoxyde d'azote. En 2005, les émissions françaises de gaz à effet de serre s'élevaient à 554,1 millions de tonnes équivalent CO2 en 2005. Ces émissions étaient constituées dans une grande majorité de CO2 (70,9%) de NO2 (14,6%) et de CH4 (1 1,6%).Nous verrons dans la suite de ce chapitre de quelles activités humaines proviennent ces gaz à effet de serre.

    3.1.2 Le changement climatique

    On peut définir le changement climatique comme « une modification durable (de la décennie au million d'années) des paramètres statistiques (paramètres moyens, variabilité) du climat global de la Terre ou des ses divers climats régionaux. Ces changements peuvent être dus à des processus intrinsèques à la Terre, à des forces extérieures ou, plus récemment, aux activités humaines »1. Nous nous intéresserons à la partie anthropique de ce phénomène, c'est à dire à l'impact des émissions de gaz à effet de serre d'origine humaine dans le changement climatique. Le développement des sociétés occidentales et leur survie sont basés sur la consommation d'énergie fossile. Or, en brûlant du charbon ou du pétrole l'homme émet des quantités de CO2 tellement importantes (6 milliard de tonnes équivalent carbone2) que cela

    1 Définition visualisée le 10/07/2007 sur :

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Changement_climatique

    2 Jean Marc Jancovici, « Que pouvons nous émettre comme CO2 si nous voulons lutter efficacement contre le réchauffement climatique ? » visualisé le 17/09/07 sur :

    http://www.manicore.com/documentation/serre/quota_GES.html

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    provoque un déséquilibre dans le cycle naturel du carbone : les végétaux et les océans qui jouent le rôle de « puits » de carbone ne peuvent pas absorber cet excédant anthropique. De plus le développement intensif d'élevages de ruminants a pour conséquence le rejet d'importantes quantités de méthane. Ce surplus d'émissions se retrouve donc dans l'atmosphère, change sa composition, ce qui entraîne une accélération du phénomène naturel d'effet de serre. Cette accélération a pour conséquence une élévation de la température moyenne à la surface du globe. Enfin nous tenions à insister sur le fait que les dimensions spatiales et temporelles du changement climatique en font un phénomène sans précédant : des actions au niveau local (pratiques individuelles) ont une incidence au niveau global (augmentation de la température moyenne à la surface du globe), et les répercussions de ces actions sont différées dans le temps (comme nous l'avons dit précédemment certains gaz à effet de serre ont une durée de vie allant jusqu'à 50 000 ans). Les conséquences des émissions actuelles (et passées !) de gaz à effet de serre par les pays industriel sont donc différées dans le temps et dans l'espace.

    En résumé, nous pouvons dire que les émissions de gaz à effet de serre d'origine humaine provoquent, via l'augmentation de l'effet de serre, un changement climatique ou réchauffement climatique :

    3.2 Changement climatique et pratiques individuelles

    Nous constatons qu'une très grande partie des pratiques quotidiennes ont une influence sur le changement climatique. Le fonctionnement des sociétés occidentales repose en effet, sur la consommation d'énergies fossiles. Tout au long de la journée un individu va donc consommer certaines quantités d'énergie, de manière directe c'est-à-dire en brûlant directement des combustibles fossiles (par exemple en utilisant une voiture pour se rendre sur son lieu de travail...), ou de manière indirecte c'est-à-dire en consommant des biens et des services dont la production nécessite l'utilisation d'énergie fossile (en utilisant des appareils électriques, en consommant des produits alimentaires ou des biens matériels ...). Cette consommation au

    PARTIE I - CHAPITRE I : Etat des lieux sur le changement climatique (définitions, émissions de gaz à effet de
    serre, politiques)

    quotidien d'énergie fossile a pour corollaire le rejet d'émissions de CO2 dans l'atmosphère. Conformément à l'usage nous avons choisi de classer les différentes pratiques individuelles quotidiennes ayant un impact sur le changement climatique en quatre pôles :

    Consommation de
    biens et de services
    matériels

    Alimentation

    Transport

    Habitat

    Par exemple, selon le mode de transport qu'un individu utilise (voiture/vélo), l'impact sur le changement climatique sera différent. Nous reviendrons dans la suite de ce chapitre sur les représentations de ces différents pôles en France.

    3.2.1 Quelques ordres de grandeurs sur les émissions anthropiques de CO2 :

    Pour nous donner un ordre d'idée Jean-Marc Jancovici1 estime que si nous voulons lutter efficacement contre le réchauffement climatique les émissions mondiales annuelles de CO2 ne devaient pas dépasser 3 Gt par an, soit la quantité de CO2 que les puits peuvent absorber. Si l'on réparti équitablement ces 3 Gt à l'ensemble des 6 milliards d'individus qui peuplent notre planète on obtient un droit d'émission de 500 kg équivalent carbone par personne et par an. Un Français émet en moyenne 2,2 tonnes de CO2 pas an soit environ 4 fois plus que ce quota de 500 kg. Ces chiffres montrent bien qu'une diminution radicale des comportements vis-à- vis de la consommation d'énergie s'avère nécessaire si l'on veut lutter contre le changement climatique.

    1 www.manicore.com

    PARTIE I - CHAPITRE I : Etat des lieux sur le changement climatique (définitions, émissions de gaz à effet de
    serre, politiques)

    3.2.2 D'où viennent les gaz à effet de serre produits par l'Homme ?

    Le gaz carbonique est essentiellement dû à la combustion des énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz) dans l'industrie (fabrication de ciment), et à la déforestation (qui réduit les puis de carbone) ; le méthane provient de l'élevage des ruminants, de la culture du riz, des décharges d'ordures, de la combustion de bois (ex. brûlis) et des exploitations pétrolières et gazières ; le protoxyde d'azote vient des engrais azotés et de divers procédés chimiques ; les halocarbures sont utilisé comme gaz propulseurs dans les bombes aérosols, comme gaz réfrigérants (climatiseurs). Ils sont émis aussi par diverses industries (mousses plastiques, composants d'ordinateurs); enfin, l'ozone provient indirectement de la combustion d'hydrocarbures ou autres polluants : certains polluants locaux (hydrocarbures, oxydes d'azote), réagissent sous l'effet du soleil pour produire l'ozone troposphérique.

    3.2.3 Quels sont en France les secteurs d'activité qui contribuent le plus au changement climatique ?

    Répartition des émissions de gaz à effet de serre en France par secteur d'activité :

    Visualisé le 12/05/07 sur :

    http://www.effet-de-serre.gouv.fr/images/medias/Evolutionsecteur.JPG

    Une première lecture de ce schéma nous montre que, en France, le secteur qui émet le plus de gaz à effet de serre est celui des transports (26%). Il est suivi par trois autres secteurs qui contribuent à peu prêt dans les mêmes proportions aux émissions de gaz à effet de serre. Il s'agit de l'agriculture, des bâtiments, et de l'industrie. Comme dans l'ensemble des pays

    PARTIE I - CHAPITRE I : Etat des lieux sur le changement climatique (définitions, émissions de gaz à effet de
    serre, politiques)

    industrialisés, la part des émissions des transports est supérieure à la moyenne mondiale. Les bâtiments sont aussi de gros consommateur d'énergie (chauffage) mais il est à noter que si la production d'électricité en France n'était pas basée sur le nucléaire ce secteur serait largement supérieur aux 19% qu'il représente aujourd'hui1. En effet avec 78%2 de la production d'électricité d'origine nucléaire, la France est le pays le plus nucléarisé au monde par rapport au nombre d'habitant !

    3.2.4 Quelle est la responsabilité des ménages dans les émissions de gaz à effet de serre en France?

    Un Français émet en moyenne 2,2 tonnes d'équivalent carbone chaque année, tout gaz confondu, et en prenant en compte le puit constitué par la gestion des surfaces forestière en France. Comme nous l'avons dit il serait nécessaire d'arriver à un maximum de 500 kg eqCO2 par personne pour lutter efficacement contre le changement climatique.

    Répartition des émissions de CO2 par ménage :

    Usages privés de l'énergie 7,8 tonnes/ménage

    Fabrication et transport des produits et services 8,6 tonnes/ménage

     
     

    Source : MIES (Mission Interministérielle de l'Effet de Serre), visualisé le 10/06/07 sur : http://www.rac-f.org/article.php3?id_article=463

    1 Cf. Annexe 2 : Emission de CO2 suivant le type d'énergie primaire utilisée

    2 http://www.sortirdunucleaire.org (visualisé le 19/09/07)

    PARTIE I - CHAPITRE I : Etat des lieux sur le changement climatique (définitions, émissions de gaz à effet de
    serre, politiques)

    Nous pouvons résumer le graphique ci-dessus de la manière suivante : lorsqu'il se déplace, qu'il se chauffe, qu'il utilise de l'électricité, qu'il consomme des biens et services, un individu participe au rejet de CO2 dans l'atmosphère.

    Quelques débats ont eu lieu autour de la question : jusqu'où peut on attribuer la responsabilité des émissions indirectes (ex. émissions liés à la fabrication des produits) aux individus ? Etant donné que l'individu est le consommateur final des produits fabriqués, et qu'il à la possibilité de limiter ou choisir entre différents produits ayant nécessité plus ou moins d'émissions de gaz à effet de serre, nous partons du principe qu'il est possible d'imputer aux individus l'ensemble des émissions de gaz à effet de serre qu'ils engendrent de manière directe ou de manière indirecte.

    3.3 Quelles sont les conséquences du changement climatique en France ?

    Avec une augmentation de 0,9 °C/siècle, la France s'est réchauffée plus vite que la moyenne du globe. Cet écart risque de continuer si l'on en croit les simulations faites pour le XXIe siècle par Météo France qui montrent que la hausse des températures dans le pays risque d'être plus importante que la moyenne du globe. Ces simulations concluent à une augmentation de la température en toutes saisons, une augmentation des pluies en hiver, une diminution en été et une réduction du contenu en eau des sols sauf en hiver. Tout cela devrait s'accompagner d'une augmentation des fréquences de canicules (températures supérieures à 35 °C) et des épisodes de chaleur (températures supérieures à 30 °C pendant dix jours consécutifs). Les conséquences attendues sur les différents milieux et sur les secteurs de l'économie seront variables suivant l'ampleur, l'intensité et le rythme du changement climatique : même une faible augmentation de la température peut avoir des impacts sur l'environnement.

    Voici une brève présentation des principaux impacts du changement climatique en France Nous avons identifié ces impacts en nous basant sur une étude de la Mission Interministérielle de l'Effet de Serre1 ainsi que sur un rapport de l'Institut Français de l'Environnement2. Au niveau environnemental le changement climatique aura pour conséquence :

    1 IFEN (Institut Français de l'Environnement), Le changement climatique in L'environnement en France, Les synthèses, Edition 2006, p. 297-309.

    2 MIES (Mission interministérielle de l'Effet de Serre) MATE (Ministère de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement, Impact potentiels du changement climatique en France au XXI siècle, Seconde Ed. 2000, 128 p.

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    serre, politiques)

    > L'avancée de la mer sur les terres : l'élévation du niveau de la mer provoquerait l'inondation permanente des espaces côtiers aujourd'hui à peine ou incomplètement émergés. En Métropole, les régions les plus concernées sont les espaces deltaïques de la Camargue ainsi que les rivages à lagunes du Languedoc et du Nord.

    > La diminution de l'enneigement : L'élévation de la température entraînerait également une nette diminution (de 20 à 30 %) de la durée de l'enneigement dans les Alpes à basse altitude (1 500 m). Les modélisations réalisées par Météo France sur la Métropole montrent qu'un réchauffement de 2 °C par rapport à la période 1980-1990 aurait des effets marqués en moyenne montagne. À 1 500 m d'altitude, la durée d'enneigement passerait de 5 à 4 mois dans les Alpes du Nord et de 3 à 2 mois dans les Alpes du Sud et les Pyrénées. Un réchauffement plus important affecterait aussi les Hautes-Alpes. Dans le cas d'un réchauffement supérieur à 3 °C, la plupart des glaciers français disparaîtraient, à l'exception des plus hauts glaciers du massif du Mont-Blanc qui se réduiraient fortement.

    > Une perte de biodiversité animale et végétale : Outre-mer, la hausse des températures des eaux marines pourrait être néfaste aux coraux, beaucoup d'entre eux ne survivent pas au-delà de 29-30 °C. Sur la forêt, plusieurs impacts sont attendus : modification de la production et disparition de certaines essences, amplification de l'impact des parasites thermophiles, apparition de nouvelles maladies et réduction du stock de carbone de la biomasse.

    > L'accroissement de la fréquence et de l'intensité des événements extrêmes : inondations, canicules, tempêtes, cyclones, sécheresse, feux de forêt, avalanches, mouvements de terrain... Des canicules du type de 2003 sont susceptibles d'être cinq fois plus fréquentes en France au cours du XXIe siècle.

    Les impacts du changement climatique ne se limitent pas à l'environnement naturel. Les populations et les activités humaines ne seront pas épargnées :

    > Impacts sur la santé humaine : En France métropolitaine, les effets dus au stress thermique (ex. mortalité estivale pour cause de canicule) auront plus d'impacts que le développement des maladies à vecteur.

    > De manière indirecte le changement climatique aura un impact sur l'économie française en général. En France, deux secteurs paraissent particulièrement vulnérables aux impacts du changement climatique, il s'agit du secteur agricole et du secteur

    PARTIE I - CHAPITRE I : Etat des lieux sur le changement climatique (définitions, émissions de gaz à effet de
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    touristique. Même si les scénarios d'évolution du climat restent imprécis nous pouvons affirmer que les activités touristiques vont être affectées par les conséquences du changement climatique. Les impacts auront des conséquences variables selon les régions, certaines verront leur pouvoir attractif augmenter (c'est le cas de la façade Ouest et des zones côtières en période hivernale : augmentation des températures) alors que d'autres en subiront les conséquences (stations de ski : diminution de l'enneigement). Il en est de même pour la production agricole : un réchauffement de 2 °C demanderait un déplacement des cultures de 180 km vers le Nord. Les agriculteurs devront donc faire preuve d'une adaptation à ces changements (apprendre à cultiver une espèce différente ne se fait pas du jour au lendemain !)

    A la vue de ces différents points nous pouvons nous rendre compte que les modes de vie de la majorité des français ne sont pas menacés, à court terme, par les conséquences du changement climatique.

    3.4 Face aux conséquences annoncées quelle politique de lutte contre le changement climatique envisage-t-on en France ?

    Au niveau de la politique internationale il faut noter que la France a ratifié la Convention Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (1992) ainsi que le protocole de Kyoto (1997). L'engagement que la France doit respecter dans le cadre du protocole de Kyoto consiste d'ici 2008-2012 à stabiliser les émissions de gaz à effet de serre au niveau des émissions de 1990 (année de base). Cependant la France s'est fixé des objectifs plus ambitieux au niveau national. En effet la mise en place du Plan Climat 2004 prévoit d'aller au-delà d'une stabilisation des émissions : il lance le défi d'une division par quatre des émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2050. Les objectifs phares de ce plan sont : atteindre 5,75 % d'incorporation des biocarburants dans les carburants d'ici 2010, soit une multiplication par 5 ; renforcer le crédit d'impôt sur les équipements performants de 25 à 40 % ; favoriser l'exemplarité de l'État dans le domaine de la construction et de la réhabilitation de logements aidés ; respecter les vitesses autorisées ; utiliser les étiquettes d'énergie pour les véhicules neufs ; utiliser de manière raisonnable la climatisation. Toutes ces actions sont censées s'accompagner de campagnes de sensibilisation de manière continue, dans le but de favoriser les modifications des comportements.

    PARTIE I - CHAPITRE I : Etat des lieux sur le changement climatique (définitions, émissions de gaz à effet de
    serre, politiques)

    Arrivé à ce point, on peut se demander si cette politique a déjà un impact sur l'opinion la sensibilité des Français face au changement climatique. Les préoccupations du grand public vis-à-vis de l'effet de serre sont elles importantes ? Les perceptions ou représentations sociales de l'effet de serre ont-elles connues des évolutions ces dernières années ? Sont-elles influencées par certaines variables sociodémographique (principalement : âge, sexe, niveau d'étude) ? Quel est l'état de la connaissance des français sur le sujet ? Pour répondre à ces questions nous allons dans le chapitre suivant nous intéresser aux comportements des Français face au changement climatique (sensibilité et pratiques individuelles).

    4 CHAPITRE II : Les français face au changement climatique

    Dans un article récent de Natures Sciences et Société, les sociologues Patrick PerettiWattel et Béatrice Hammer soulignent à juste titre qu'une « vraie » compréhension des représentations profanes constitue une condition indispensable à la promotion de la lutte contre l'effet de serre (Peretti-Wattel et Hammer, 2006).

    Dans cette optique et pour tenter de répondre aux questions posées en fin du chapitre précédant nous avons procédé à l'analyse des résultats de trois enquêtes (Sondage EUROBAROMETRE Spécial 217 « Attitudes des citoyens européens vis-à-vis de l'environnement » ; Les Français et l'environnement : opinions et attitudes au début 2002, EDF/IFEN ; « Les représentations sociales de l'effet de serre » ,l'ADEME)1 menées par des organismes spécialisés, afin d'en ressortir les éléments qui nous paraissaient particulièrement intéressants. Ce chapitre sera donc principalement consacré à la description des résultats des enquêtes. Nous avons cependant intégré quelques réflexions qui constitueront les premières pistes d'analyse de notre question de recherche.

    4.1 Perception des problèmes d'environnement : le changement climatique

    4.1.1 Le changement climatique : un phénomène pas si préoccupant... Les problèmes d'environnement ne sont pas ceux qui préoccupent le plus les Français :

    seulement 14% des enquêtés estiment que l'environnement est l'un des deux sujets qui les préoccupe le plus, ce sujet arrive en 7° position après l'insécurité, les maladies graves, le chômage, la drogue, la pauvreté en France et la pauvreté dans le monde (IFEN-EDFCREDOC, 2002). Malgré cela, on peut dire que l'écologie est une préoccupation de l'ensemble de la population : neuf personnes sur dix se disent « assez » ou « très » sensibles aux questions environnementales. 35% des enquêtés se disent très sensible aux problèmes environnementaux. Le recoupement de résultats a montré que cette forte sensibilité n'était pas seulement déclarative, qu'elle s'appuyait sur des engagements concrets de comportements (achat de produits non alimentaire respectant l'environnement, trie des déchets...) surtout chez les personnes se disant très sensibles (IFEN-EDF-CREDOC, 2002).

    1 Cf. p.14 - 15.

    Si l'on s'intéresse maintenant plus particulièrement au problème de l'effet de serre on constate qu'en 2005, seulement 22 % des français le considéraient comme le problème d'environnement le plus préoccupant. L'effet de serre arrivait ainsi en troisième position dans la liste des préoccupations, derrière la pollution de l'eau (23%) et celle de l'air (21%). Il faut cependant noter que parmi les personnes dotées d'un diplôme de l'enseignement supérieur le « problème de l'effet de serre » vient au premier rang des choix (3 0%) avant la pollution de l'air (22%) ou de l'eau (2 1%) (ADEME-RCB-ISL, 2005).

    On observe des résultats plutôt similaires dans le sondage dans le sondage sur les Attitudes des Européens à l'égard de l'environnement (TNS Opinion & Social, 2005). Lorsque les Européens sont invités à citer les cinq principaux problèmes d'environnement qui les préoccupent, on constate alors que le changement climatique fait partie des quatre priorités qui se détachent nettement (45% des personnes interrogées sont préoccupées par le problème du changement climatique) avec la pollution de l'eau (47%), les catastrophes causées par l'Homme (46%) et la pollution de l'air (45%). Mais ces perceptions varient suivant les pays « le changement climatique » est ainsi bien plus souvent mentionné dans les pays de l'Union européenne des 15 (47%) que dans les nouveaux Etats membres (34%). En fait le « changement climatique » est la préoccupation principale des citoyens de l'ancienne UE1 5. Cependant les Français paraissent bien moins préoccupés que d'autres habitants de l'Europe des 15 : seulement 42% des Français interrogés considéraient le problème du changement climatique parmi les cinq problèmes environnementaux les plus préoccupants alors qu'ils sont 68 % des suédois. En France, le problème remportant le pourcentage le plus élevé de préoccupation est celui des catastrophes causées par l'Homme (les marées noires ou les accidents industriels). On voit ici comment certaines catastrophes écologiques au niveau national ont pu marquer les esprits et expliquer en partie le caractère secondaire du réchauffement climatique dans les inquiétudes écologiques des français: par exemple la marée noire de l'Erika en décembre 1999 ou bien la catastrophe de l'usine AZF en septembre 2001.

    On peut noter ici quelques variations des résultats selon certaines variables sociodémographiques : les hommes semblent nettement plus préoccupés que les femmes par la question du « changement climatique » (49% contre 41% des femmes), de même le degré de préoccupation pour le changement climatique augmente avec le niveau d'étude (49% chez

    les personnes qui ont quitté les études après 20 ans contre 39% pour les personnes ayant arrêté les études avant 15 ans (TNS Opinion & Social, 2005).

    Si pour U. Beck, sociologue allemand auteur de La société du risque, s'inquiéter des risques écologiques est un luxe que seules peuvent se permettre les catégories aisées et éduquées, ceci ne se constate pas dans les faits. Ainsi cette thèse est contredite par les études empiriques qui montrent que les craintes à l'égard de toute une gamme de risques sont plus fréquentes parmi ceux dont les niveaux de diplôme et de revenu sont le moins élevés. En ce qui concerne l'effet de serre, on peut se rendre compte que ce sont les plus démunis qui en craignent le plus souvent les conséquences (P. Perreti-Wattel, B.Hammer, 2006).

    De plus en plus de Français semblent être convaincus que l'effet de serre est une certitude pour la plupart des scientifiques, cependant pour un quart, l'effet de serre reste une hypothèse controversée (32% en 2000 contre 25% en 2005) (ADEME-RCB-ISL, 2005).

    4.1.2 ... et mal compris !

    4.1.2.1 Définition de l'effet de serre

    En proposant une question ouverte sur la définition de l'effet de serre, l'enquête annuelle « les représentations sociales de l'effet de serre » (ADEME-RCB-ISL, 2005) a permis d'apporter beaucoup d'éléments de compréhension sur les mécanismes de perception social de ce problème. Le regroupement des réponses selon leur contenu sémantique a en effet rendu possible la création de catégories qui mettent en évidence les principales représentations possibles du phénomène :

    > A la question, en quoi consiste selon vous l'effet de serre, 25% des personnes interrogées évoquent les phénomènes de pollution. C'est ici l'effet direct de la chaleur qui est incriminé : la pollution est un mécanisme de production de chaleur qui contribue à réchauffer directement l'atmosphère dans laquelle nous vivons.

    > Un autre quart des répondants lie explicitement l'augmentation de l'effet de serre à la dégradation de la couche d'ozone : la couche d'ozone ne protège plus la terre du rayonnement solaire donc la terre se réchauffe. Cette confusion est particulièrement présente chez les personnes très diplômées.

    > Seulement 14% de l'échantillon faisait référence à l'accumulation de gaz, au CO2. Sans pour autant affirmer que les personnes qui composent cette catégorie possèdent une représentation scientifique du phénomène, il s'agit des représentations qui se rapprochent le plus du réel.

    > Enfin, 13% des enquêtés décrivent « l'effet de serre » comme un état de chaleur ou un réchauffement sans en indiquer la cause.

    Il est important de noter que le nombre de personnes ne pouvant pas répondre à cette question a considérablement diminué : cela représentait 19% des personnes interrogées en 2005 contre 30% 2000. Peut être peut on imputer cette évolution à la médiatisation croissante du phénomène : de plus en plus de personnes peuvent avoir une représentation cognitive du phénomène.

    On peut tenter d'expliquer ces problèmes de connaissance du phénomène de l'effet de serre en rappelant qu'une représentation sociale est une forme de connaissance socialement élaborée et partagée, qui permet à chacun de s'inscrire dans son environnement, de lui donner du sens, pour s'orienter et guider ses actes (Jodelet, 1989). Cette connaissance est ancrée dans l'expérience, en même temps elle lui donne sens, elle obéit à une logique propre, distincte de la pensée savante. Tout cela produit de nouvelles associations d'idées qui peuvent être complètement détachées de la réalité physique des phénomènes mais qui font sens pour l'individu. Par exemple rapprochement entre l'effet de serre et la couche d'ozone peut s'expliquer par le fait que le problème de la couche d'ozone a été médiatisé en premier : on pense donc le neuf avec l'ancien en faisant des rapprochements qui font sens (Perreti-Wattel P., Hammer B., 2006). De plus, on peut émettre l'hypothèse que l'utilisation dans les journaux télévisés d'images de fumées d'usines, pots d'échappements, déchets qui brûlent peut conduire au raccourci fait entre la chaleur émise et l'effet de serre, tout en ignorant le rôle des gaz à effet de serre. Plus généralement, il faut noter que la nature même de l'effet de serre ne facilite pas sa perception : « Global climate change is far removed from direct experience. Temperature and rainfall variations and weather extremes of various types can be experienced, global warming cannot. People concept of global warming comes from a jumble of experiential data and from existing «cultural» and «mental» models » (Bord R.J., Fischer A., O'Connor R.E., 1998).

    4.1.2.2 Causes

    La destruction des forêts, les activités industrielles, les transports viennent toujours en tête des activités perçues comme les causes premières de l'effet de serre. A l'inverse, l'agriculture, l'élevage ou l'activité volcanique sont perçus par une majorité de l'échantillon comme de faibles contributeurs. Plus de la moitié des Français considère que les voitures et les raffineries de pétrole participent beaucoup à l'effet de serre, ils sont quatre sur dix à en penser de même pour les avions, les bombes aérosols et le nucléaire, trois sur dix pour le chauffage au fioul, et un sur dix pour les réfrigérateurs et l'élevage de bovins.

    On observe encore ici les confusions mentionnées plus haut : les trois quart des personnes interrogées considèrent que les bombes aérosols contribuent beaucoup ou assez à l'effet de serre. Cependant, on peut souligner une évolution de la prise de conscience du public en ce qui concerne la responsabilité du chauffage des bâtiments dans les causes de l'effet de serre (39% en 2000 contre 64% en 2005).

    A partir des résultats de l'enquête Baromètre Environnement EDF-R&D 2004 sur la perception des causes de l'effet de serre Patrick Peretti-Wattel et Béatrice Hammer ont mis en évidence l'existence de quatre profils Perreti-Wattel P., Hammer B., 2006) :

    > Le premier profil regroupe les enquêtés qui estiment que les causes de l'effet de serre sont en grande partie dues aux activités industrielles (centrales nucléaires, raffinerie de pétrole) et qui sont plus souvent des femmes, moins diplômées que le reste de l'échantillon et dont le conjoint est agriculteur ou employé (32%).

    > Le second ceux estiment qu'il y a peu ou pas de causes (3 0%).

    > Le troisième profil réunit les enquêtés qui estiment le plus souvent que toutes les causes proposées contribuent beaucoup à l'émission de gaz à effet de serre, sauf les centrales nucléaires. Les hommes, les âges intermédiaires et surtout les diplômés sont surreprésentés dans cette catégorie (2 8%).

    > Le dernier profil correspond aux enquêtés qui optent le plus souvent pour la non
    réponse. Il s'agit en général de femmes de personnes jeunes et peu diplômées (10%).

    Voici toujours selon de même sondage le pourcentage de personnes pensant que qui pensent que les causes suivantes contribuent beaucoup à l'effet de serre : raffinerie de pétrole 58%, bombes aérosols 41%, avions 41%, centrales nucléaires 35%, voitures 34%, chauffage au fioul 27%, réfrigérateur 9%, élevage de bovins 10%.

    4.1.2.3 Conséquences

    Lorsque l'on demande aux personnes interrogées quels sont selon eux les risques qui seront présent à l'avenir dans les endroits où ils habitent, les réponses qui viennent en tête sont le « risque d'une instabilité plus grande du climat » (81% pensent que ce risque sera très ou assez important), le « risque de tempête » (70%) et le « risque de vagues de canicules plus nombreuses » (70%) (ADEME-RCB-ISL, 2002).

    Pour 41% de la population ce sont avant tout les « générations futures » qui auront à subir les conséquences des problèmes d'environnement, pour 36% ce sont les « hommes qui vivent aujourd'hui, et pour 6% seulement ce sont « les autres espèces vivantes » (IFEN-EDFCREDOC, 2002). On peut qualifier cette vision d'anthropocentrique : dans la réalité se sont les autres espèces vivantes qui ont le plus souffert des premières conséquences du changement climatique. De plus, le fait de penser que ce sont davantage les générations futures qui seront victimes de la dégradation de l'environnement, peut expliquer en partie l'attentisme des personnes qui ne se sentent pas concernées directement.

    4.1.3 Un problème d'information ?

    Les Français sont parmi les Européens qui se sentent le moins bien informés sur les questions liées à l'environnement. Un peut moins d'un Français sur deux (46%) se sent bien ou très bien informé sur ces questions, contre 78% chez les danois. La France se situe ainsi en 23ème position sur l'ensemble des 25 pays de l'UE (TNS Opinion & Social, 2005). Nous pouvons noter sur ce point que :

    Les hommes (57%) se disent mieux informés que les femmes (51%) sur les questions environnementales.

    Le niveau d'éducation et l'information sont, logiquement, directement liés : 62% des personnes ayant étudié jusqu'à l'âge de 20 ans au moins se disent bien informées contre 46% des personnes n'ayant pas poursuivi leurs études au-delà de l'âge de 15 ans.

    Les citoyens européens qui disent qu'ils font souvent des efforts pour prendre soin de l'environnement se sentent mieux informés sur les questions environnementales : 63% contre 52% des personnes qui disent qu'elles font parfois des efforts.

    62% des Français aimeraient en connaître davantage sur les solutions aux problèmes
    d'environnement, seulement 17% souhaiteraient en savoir davantage sur les problèmes

    d'environnement eux même, enfin 17% indiquent qu'ils souhaiteraient en savoir davantage à la fois sur les problèmes et sur les solutions.

    Lorsque l'on demande aux Européens quelles sont les cinq questions pour lesquelles ils estiment manquer d'information, ils sont seulement 26% à citer la question du changement climatique (22% des Français) qui arrive donc en septième position alors qu'on l'a vu le manque de connaissances sur le sujet est du à un manque d'informations ! La question la plus citée par les Français est celle de l'impact sur notre santé de produits chimiques utilisés dans les produits de tous les jours.

    Lorsque l'on demande aux français en qui ils font le plus confiance à propos des questions environnementales, on constate que ce sont les scientifiques qui viennent en tête suivis des associations environnementales puis les associations de consommateurs. En revanche les Français sont ceux qui accordent le moins de confiance dans les informations véhiculées par la télévision. Cependant, lorsque l'on demande aux Français de citer leurs trois principales sources d'information sur l'environnement ce sont les « journaux télévisés » (65%) qui arrivent en tête, suivis par « les films et les reportages à la télévision » (49%) puis par les journaux (47%) (TNS Opinion & Social, 2005). On constate ainsi une certaine contradiction entre la faible confiance accordée à la télévision sur ce thème est le fait que ca soit la principale source d'information.

    4.2 Intentions de comportements/comportements déjà mis en oeuvre : cas du changement climatique

    4.2.1 Quelles solutions au problème du changement climatique ?

    Les trois quarts des Français ont conscience qu'un changement important de nos modes de vie

    sera nécessaire pour empêcher l'augmentation de l'effet de serre. Cette opinion domine les idées que le progrès technique permettra de trouver des solutions pour empêcher l'augmentation de l'effet de serre (12%), ou qu'il n'y a rien à faire, que le réchauffement de l'atmosphère est inévitable (ADEME-RCB-ISL, 2005).

    On constate tout de même que les Français sont relativement réticents à l'adoption de mesures
    visant à lutter contre l'effet de serre qui remettraient en question une liberté (mesures
    restrictives : seuls 53% sont favorables à abaisser la limite sur route à 110 km/heure, 40% à

    interdire la climatisation dans les voitures...), ils sont davantage favorables à des mesures positives (qui ne remettent pas en causes leur liberté, voir qui leur donne plus de droits par exemple le fait de consentir des prêts à taux intéressants pour acquérir des logements plus économes en énergie, 89%) ou à celles qui ne touchent qu'une partie de la population (limiter la vitesse des automobiles dès leur fabrication en usine (77%) ou encore taxer les véhicules qui consomment beaucoup d'énergie (63%))(ADEME-RCB-ISL, 2005).

    Au niveau des comportements privés, on constate que ce sont les économies d'énergie liées au transport (utilisation des transports en commun, des voitures économes en carburant) qui selon l'opinion sont le plus efficaces pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. L'efficacité d'une meilleur isolation des logements est ici largement sous estimée.

    Plus de la moitié des Français pensent que l'augmentation d'une prise de conscience générale sur l'environnement pourrait résoudre efficacement les problèmes d'environnement (5 5%, soit 10 points de plus que la moyenne européenne) (TNS Opinion & Social, 2005).

    4.2.2 Quels sont les niveaux d'actions les plus adaptés à la protection de l'environnement?

    Les citoyens français pensent que c'est l'Union européenne qui constitue le niveau le plus

    approprié pour prendre des décisions pour protéger l'environnement (3 7%), viennent ensuite les gouvernements régionaux (34%, +12 points par rapport à la moyenne européenne) (TNS Opinion & Social, 2005). Sur ce point nous n'avons pas trouvé de données spécifiques à la lutte contre le changement climatique.

    4.2.3 Niveau individuel : quels sont les effort consentis, quels sont ceux envisageables ?

    Pour mesurer la capacité d'effort des français à protéger l'environnement l'enquête « Les

    Français et l'environnement : opinions et attitudes au début 2002 » a proposé de mettre en évidence quels seraient les sacrifices consentis pour protéger l'environnement à partir de certains indicateurs. On obtient ainsi les résultats suivants (IFEN-EDF-CREDOC, 2002):

    - 44% de la population se dit prête à accepter un ralentissement économique pour protéger l'environnement.

    - 37% des personnes consentiraient à moins de confort

    - 28 % accepteraient un niveau de vie plus faible - 8 % admettraient une augmentation du chômage

    La population, dans sa plus grande partie, n'est donc pas prête à sacrifier les fruits de la croissance ni son confort personnel et son niveau de vie pour la cause environnementale. 41% des personnes interrogées refusent toute idée de sacrifice pour préserver l'environnement alors que seulement 18% sont prêts à consentir à tous ces sacrifices : la population est encore loin de se montrer profondément motivée.

    Il existe un lien entre la déclaration de sensibilité aux problèmes d'environnement et le fait d'accepter de faire des sacrifices pour le préserver. Par exemple 34% des personnes qui se disent très sensibles aux problèmes d'environnement sont prêtes à accepter un niveau de vie plus faible dans le but de le protéger alors qu'elles ne sont que 17% chez les personnes qui se disent peu ou pas du tout sensibles aux problèmes de l'environnement. Ceci est valable pour les autres types de sacrifices. Mais il faut noter que ce lien n'est pas systématique : alors que l'on a vu que neuf personnes sur dix se déclarent « assez » ou « très sensibles aux questions environnementales 62% seulement se disent prêt à payer plus cher (10% de plus) des « produits verts » qui respectent l'environnement. Parmi les personnes qui se disent prêtes à acheter plus cher des produits préservant l'environnement seulement la moitié d'entre elles (53%) a régulièrement acheté en 2001 des produits issus de l'agriculture biologique. Là encore, on voit que les déclarations ne correspondent pas aux comportements effectifs.

    Lorsque l'on demande aux Français les actions qu'ils font ou seraient prêts à faire dans le but d'économiser de l'énergie, on constate qu'une grande majorité déclare déjà prendre des douches plutôt que des bains, trier ses déchets et éteindre les appareils en veille. Une partie des non négligeables des enquêtés déclarent qu'ils pourraient facilement équiper leur logement en lampes basse consommation et baisser la température de leurs logements de deux ou trois degrés en hiver : ces changement de comportement pourraient constituer des économies considérables d'énergie ! En revanche, l'utilisation des transports en commun reste difficilement envisageable voir impossible pour la moitié des enquêtés, alors qu'on l'a vu plus haut elle est considérée comme la solution la plus efficace. (ADEME-RCB-ISL, 2005)

    Il serait intéressant ici de savoir pourquoi les enquêtés ne peuvent pas se passer de leur voiture : réel manque d'infrastructure, manque d'informations sur celle-ci, ou perte de confort inenvisageable ?

    Si l'on laisse les interviewés formuler librement les actions ou comportements qu'ils seraient prêts à adopter, dans la vie de tous les jours pour contribuer à éviter l'effet de serre, on voit que les réponses qui arrivent en tête sont la limitation de l'usage des voitures (pour les trajets courts...), le tri des déchets, les économies d'énergie, l'utilisation de voitures moins polluantes (GPL, électriques...), l'utilisation des transports en commun, ne plus utiliser d'aérosols(ADEME-RCB-ISL, 2005).

    Les données produites par l'ensemble de ces enquêtes mettent donc en évidence l'existence d'écart entre les déclarations générales et les comportements effectifs, d'où l'importance d'insérer des questions permettant de vérifier les déclarations.

    Le tableau présenté sur la page suivante résume les résultats de ces enquêtes qui nous semblent significatifs dans le cadre de notre travail. Il est important de souligner que la grande majorité des sondages que nous avons étudié font appel à des questions fermées (excepté le questionnaire sur « Les représentation sociales de l'effet de serre ») qui ne permettent pas de saisir l'ensemble des logiques sociales et cognitives se cachant derrière les résultats. La réalisation d'entretiens qualitatifs, dans le cadre de notre recherche, nous a donc semblé indispensable pour mettre en évidence ces processus sociocognitifs.

    Présentation des principaux résultats des enquêtes officielles

    Nom de l'enquête

    Principaux résultats

     


    ·

    Les Français paraissent moins préoccupés par le changement climatique que la moyenne européenne

    Sondage EUROBAROMETRE Spécial 217


    ·

    Les Français sont parmi les européen qui se sentent le moins bien informé vis-à-vis du changement climatique

    "Attitudes des citoyens vis-à-vis de
    l'environnement
    »


    ·

    Les Français sont relativement optimisme face aux problèmes environnementaux : plus de la moitié pense que l'augmentation d'une prise de conscience permettrait de résoudre efficacement les problèmes environnementaux.

     


    ·

    Les problèmes environnementaux ne sont pas ceux qui préoccupent les Français

     


    ·

    La grande majorité des français se disent sensibles aux problèmes d'écologie

    Les français et l'environnement : opinions et


    ·

    La majorité des Français ne sont pas prêt à sacrifier la croissance et leur confort personnel pour la cause

    attitudes au début 2002

     

    environnementale

     


    ·

    Même s'il existe un lien entre sensibilité environnementale et pratiques environnementales, on observe un décalage entre les déclarations générales et les comportements effectifs

     


    ·

    Pour les Français le problème de l'effet de serre n'est pas le problème d'environnement le plus important

     


    ·

    Un quart des Français considère l'effet de serre comme une hypothèse scientifiquement controversée

    Enquête sur "Les représentations sociales de


    ·

    L'effet de serre est un phénomène mal compris (mécanisme, causes, conséquences)

    l'effet de serre"


    ·

    Les Français ont conscience qu'un changement important de nos modes de vie sera nécessaire pour lutter contre l'effet de serre

     


    ·

    Les Français sont relativement réticents à l'adoption de mesures visant à lutter contre l'effet de serre

    PARTIE II ~

    ANALYSE DE L'ECART

    ENTRE SENSIBILITE ET

    PRATIQUES

    " Mon dieu, je me demande vraiment pourquoi nous avons un temps pareil ! "

    PARTIE II - CHAPITRE III : L'information et la connaissance comme moyen de lutte contre le changement
    climatique? Apport de l'approche évolutive

    5 CHAPITRE III : L'information et la connaissance comme moyen de lutte contre le changement climatique? Apport de l'approche évolutive

    Pourquoi l'accès à l'information sur le problème du changement climatique n'entraîne t'elle pas une modification en profondeur des comportements individuels ?

    La question du changement climatique est pourtant devenu un sujet « à la mode » dans les médias de masse (télévision, presse grand public, radio) : selon une étude de Martine Tabeaud portant sur l'année 2004-2005, le quotidien Le Monde consacrait chaque semaine un à quatre article sur cette thématique. Aujourd'hui il suffit de suivre les journaux télévisés pour nous rendre compte que la thématique est traitée quasi quotidiennement.

    Nous allons voir dans ce troisième chapitre de quelle manière la problématique sur le changement climatique fait appel à des connaissances complexes, qui nécessitent un changement de paradigme. Nous nous demanderons si l'information véhiculée par les journaux télévisés permet la transmission de cette connaissance complexe. Ceci nous amènera à voir que la connaissance n'est pas forcement suffisante à l'adoption d'un comportement favorable à la lutte contre le changement climatique.

    5.1 La nature complexe de la problématique du changement climatique : approche évolutive

    Nous émettons ici l'hypothèse qu'un changement de paradigme est nécessaire pour appréhender les questions relatives au changement climatique. La vision mécaniste de la réalité constitue, en effet, un obstacle à la compréhension de cette problématique, nous allons voir pourquoi.

    5.1.1 Un nécessaire changement de paradigme. Vision évolutive versus mécaniste; Vision complexe versus réductionniste

    Tout d'abord nous allons essayer de comprendre les enjeux du passage d'une vision

    mécanique à une vision évolutive.

    En opposition à la vision atemporelle et réductrice (chaque élément n'existe que de manière
    isolée) du monde proposé par le paradigme mécaniste, la philosophie pragmatique propose
    une vision évolutive du monde qui permet d'intégrer les notions d'évolution diachronique

    PARTIE II - CHAPITRE III : L'information et la connaissance comme moyen de lutte contre le changement
    climatique? Apport de l'approche évolutive

    (évolution des phénomènes dans le temps) et synchronique (co-évolution des phénomènes : interaction des éléments entre eux)1.

    L'analyse des phénomènes dans la durée rend compte de leur continuité et de leur évolution dans le temps. Sans cette perspective qui met en évidence l'existence d'une continuité temporelle, l'explication de problèmes à partir des seuls éléments du présent peut se révéler insuffisante pour leur compréhension. De même, avoir une vision qui exclut le futur peut se révéler problématique quand on essaye de comprendre des phénomènes ayant des répercussions à long terme ou ayant une temporalité différée entre causes et conséquences. A l'opposé du paradigme mécaniste qui propose une vision atomiste de la réalité, dans laquelle les éléments sont compris et étudiés de manière isolée, de tout environnement, l'approche évolutive propose une approche relationnelle, caractérisée par la complexité des phénomènes et de leurs interactions. La plupart des savoirs qui sont mobilisés pour analyser des problèmes ont été construit à partir d'une vision mécaniste de la réalité qui sépare les savoirs en disciplines. Comme le souligne Edgard Morin, célèbre pour ces écrits sur la complexité, cette « pensée simplifiante » est très problématique quand l'on s'intéresse à des phénomènes globaux qui nécessite différents niveau d'explication : « Il y a inéquation de plus en plus ample, profonde et grave entre, d'une part, nos savoirs disjoints, morcelés, compartimentés et, d'autre part, des réalités ou problèmes de plus en plus polydisciplinaires, transversaux, multidimensionnelles, transnationaux, globaux, planétaire » (Morin, 2000, p.36). L'analyse de phénomènes globaux passe donc par la mise en lumière des interactions et des interdépendances qui existent entre plusieurs éléments. Une approche évolutive permet cela notamment grâce à l'utilisation d'outils d'analyse tels que l'approche systémique (analyse qui envisage les éléments non pas isolément mais globalement, en tant que partie intégrante d'un ensemble dont les différents composants sont dans une relation de dépendance réciproque2), ou celui de la causalité circulaire et cumulative3.

    Nous allons voir maintenant pourquoi ce changement de paradigme nous apparaît indispensable pour aborder la problématique du changement climatique.

    1 Pascal Van Griethuysen, Une vision évolutive des relations entre nature, science et société, extrait de Pour une approche évolutive de la précaution, Revue européenne des sciences sociales, 62, p.36-50.

    2 Cf. définition de l'analyse systémique Le Petit Larousse 2007.

    3 Rolf Stepacher, Le paradigme des interdépendances circulaires à l'intérieur d'un système de causation cumulative.

    PARTIE II - CHAPITRE III : L'information et la connaissance comme moyen de lutte contre le changement
    climatique? Apport de l'approche évolutive

    5.1.2 Pourquoi un changement de paradigme est il nécessaire à la compréhension du processus du changement climatique ?

    « On peut dire que ce qui est complexe relève d'une part de monde empirique, de l'incertitude, de l'incapacité d'être certain de tout, de formuler une loi, de concevoir un ordre absolu ». (Morin, 2005, p.10)

    Par sa nature même le problème du changement climatique fait appel à :

    > Des phénomènes physiques complexes, difficiles à comprendre pour des non spécialistes (la "science des changements climatiques" fait elle même référence à différentes disciplines très "pointues"). De plus, le changement climatique est caractérisé par l'incertitude quant aux causes et surtout quant aux conséquences qu'il implique. Même si la communauté scientifique s'accorde sur le fait de reconnaître la part anthropique des changements climatiques, il est impossible d'en donner un pourcentage exact à l'intérieur du changement climatique « naturel ». De même que les modélisations réalisées pour mesurer les conséquences comportent une certaine marge d'erreur. Cette gestion de l'incertitude apparaît impossible à travers le paradigme mécaniste dans lequel les sciences « exactes » avaient réponse à tout. Seule une approche favorisant la gestion des incertitudes permettra de considérer la problématique du changement climatique dans toute sa complexité car « connaître et penser, ce n'est pas arriver à une vérité absolument certaine, c'est dialoguer avec l'incertitude » (Morin, 1999, p.66).

    > Des systèmes d'interactions complexes entre l'Homme et le système climatique. Il s'agit là de comprendre par quels mécanismes l'Homme contribue au changement climatique. Nous pouvons représenter cette interaction Homme/changement climatique en utilisant le système de causalité circulaire suivant :

    Emissions de gaz à effet de serre
    Principalement CO2, CH4, N2O
    HFC

    ACTIVITEES
    HUMAINES

    Causalité
    circulaire entre

    activités
    anthropique et
    changement
    climatique

    BOULEVERSEMENT
    DU SYSTÈME
    NATUREL DE
    RÉGULATION DU
    CLIMAT

    Changement des condition de vie sur Terre

    PARTIE II - CHAPITRE III : L'information et la connaissance comme moyen de lutte contre le changement
    climatique? Apport de l'approche évolutive

    S'il est aujourd'hui communément accepté que la nature anthropique du changement climatique, se fait via l'émission de gaz à effet de serre dans l'atmosphère, un autre degré de complexité intervient lorsque l'on essaye d'identifier d'où proviennent ces émissions de gaz à effet de serre. Il nous semble particulièrement intéressant d'analyser ces émissions à l'échelle des ménages. Les émissions sont le plus souvent identifiées grâce à des catégories générales (énergie, industrie, agriculture...) qui ne permettent pas à l'individu de mesurer sa responsabilité dans le total des émissions. Or nous l'avons vu dans le Chapitre I, il est possible de représenter de manière graphique les émissions de CO2 par ménage. Ce type d'exercice permet de se rendre compte que la plupart des activités domestiques contribuent au changement climatique (on croit souvent qu'au niveau individuel il n'est possible d'agir que sur les transports, or ce graphique nous montre que nos choix d'alimentation et plus généralement de consommation ont un impact tout aussi important). La compréhension des impacts des comportements individuels dans l'émission de gaz à effet de serre sous entend donc le fait d'intégrer une logique par secteur. Nous pouvons d'ailleurs constater que la logique de comportement est différente selon les secteurs, autrement dit une personne faisant des efforts, par exemple dans l'usage de l'énergie au niveau des transport (utilisation de transport en communs...) n'en fera peut être pas du tout quant aux économies d'énergie au niveau de l'habitat. Il s'avère en effet difficile d'avoir un comportement cohérent sur l'ensemble des actions qui ont un impact sur le changement climatique. On peut par exemple faire preuve de bonne volonté en achetant toute l'année des produits issus de l'agriculture biologique, en faisant des économies d'énergie au niveau de l'habitat mais un seul voyage en avion à l'autre bout de la planète laissera ces efforts insignifiants si l'on résonne en quantité de CO2 évité.

    > Une temporalité longue et différée. En effet, seule une vision à long terme dans le passé comme dans le futur permet de se rendre compte avec quelle rapidité se font ces bouleversements anthropiques du climat. Une vision tournée vers l'avenir permet d'envisager les conséquences dont les principaux coûts seront à supporter par les générations futures.

    > Une analyse à échelle planétaire. Il est difficile d'appréhender le fait que c'est le système Terre qui est touché dans sa totalité, que les conséquences de ce bouleversement se feront ressentir de manière différente selon la situation géographique dans laquelle l'on se trouve, et ceci indépendamment de la responsabilité dans les émissions de CO2. Jusqu'à maintenant les problèmes

    PARTIE II - CHAPITRE III : L'information et la connaissance comme moyen de lutte contre le changement
    climatique? Apport de l'approche évolutive

    écologiques auxquels l'on devait faire face étaient le plus souvent de nature locale et donc plus facilement analysables car les causes et conséquences étaient visibles à la même échelle. Il est donc nécessaire pour comprendre la problématique du changement climatique de raisonner à partir d'une échelle globale.

    Adopter une vision complexe s'avère donc indispensable pour comprendre les causes, les conséquences, et les enjeux de l'action anthropique sur le climat. Toute simplification peut s'avérer problématique : « Essayer de simplifier ce qui, par nature, n'est pas simple, risque d'aggraver la confusion et les malentendus et, en fin de compte, de nuire à la crédibilité »1.

    Les principaux vecteurs actuels de la connaissance (système scolaire et médias de masse) permettent ils cette vision de la complexité de la problématique du changement climatique ? Si nous nous référons aux travaux menés en science de l'éducation il apparaît que le système scolaire actuel ne permet pas la gestion de la complexité2. Nous avons dans ce travail décidé de nous concentrer sur l'approche proposée par les médias (les travaux étant beaucoup moins nombreux sur cette thématique que ceux sur les systèmes scolaires). Nous nous sommes demandé, si le traitement de l'information sur le changement climatique par les médias, permettait la gestion de la complexité inhérente à cette problématique.

    5.2 Le traitement du changement climatique par les médias

    « L ''information sur le changement climatique est incomplète à la télévision; la méconnaissance du grand public sur les causes et conséquences de ce phénomène empêche la mobilisation des citoyens ; nous, citoyens, ne faisons pas le lien entre notre mode de vie et les conséquences sur le changement climatique, d'où notre absence de responsabilisation »3

    Nous avons choisi de nous intéresser à la diffusion de l'information relative au changement
    climatique par les journaux télévisés4, car ce sont chaque soir, plus de quinze millions de
    spectateurs qui suivent ce que Michel Serres, philosophe français, nommait "la prière de

    1 UNESCO (1997) Eduquer pour un Avenir Viable : une vision transdisciplinaire pour l'action concertée, Conférence Internationale, Thessalonique, èd.Unesco et le Gouvernement de la Grèce, p.22.

    2 Cf. travaux d'Edgar Morin, Francine Pellaud.

    3 Extrait du rapport officiel du panel de citoyens suite à la conférence de citoyens « changements climatiques et citoyenneté », 9 et 10 février 2002, visualisé le 15/01/07 sur : http://www.ecologie.gouv.fr/IMG/pdf/20020221-rapport-citoyens-cht-climatique.pdf

    4

    PARTIE II - CHAPITRE III : L'information et la connaissance comme moyen de lutte contre le changement
    climatique? Apport de l'approche évolutive

    l'Occident", soit six fois plus que la totalité des lecteurs de quotidiens nationaux et des auditeurs d radios1.

    De quelle manière l'information y est-elle abordée, et quels problèmes cela pose t-il? Répondre à ces questions nous aidera à mieux comprendre d'où vient le problème de connaissance des français face au changement climatique que nous avons relevé dans le chapitre précédant.

    5.2.1 La difficulté à transmettre un sujet complexe : l'exigence de rapidité

    Pour rester accrocheurs, les journaux télévisés se sont eux aussi engagés dans la course du "toujours plus, toujours plus vite". Ainsi sont traités, dans chaque journal télévisé, une vingtaine de sujet en seulement quarante minutes2. Peut-on aborder la thématique du changement climatique dans des délais si cours ? La diffusion quasi quotidienne de sujets directement ou indirectement liés à la problématique du changement climatique démontre, que l'expérience n'est pas impossible. La question est alors de savoir comment la problématique est traitée, quels sont les aspects abordés, avec quels degrés de complexité. S'il est évident, qu'à travers un sujet de deux minutes, il parait impossible de faire le tour de la question du changement climatique, un sujet bien fait peut tout de même apporter des informations clés à la compréhension de la problématique. De même si aucun effort de clarification n'est fait cela peut s'avérer au contraire très confus, voir compromettre radicalement la compréhension de ce phénomène complexe. Pour expliciter cela nous avons pris l'exemple du traitement de l'information relative à la réunion du GIEC3 (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat), dans des journaux télévisé de vingt heure sur TF1 et France 2.

    Le journal de TF1 est ouvert par la présentatrice qui annonce que se tient ces jours ci une « réunion très importante sur les problèmes d'environnement et de changement climatique ». Elle poursuit en disant que «le développement économique et le travail de l'Homme, tout cela à des conséquences indéniables sur le réchauffement de la planète ». Arrive l'interview d'un

    1 Chiffres cités dans Jean-Claude Renard « Un autre journal télé est-il possible ? » visualisé le 15/01/2007 sur: http://www.politis.fr/article774.html

    2 Ces données sont tiré de l'article « toujours plus court... » visualisé le 10/01/2007sur: http://www.monde-diplomatique.fr/2005/12/ENDEWELD/13035

    Nous parlons ici des JT de France 2 et TF1 qui sont ceux qui récoltent le plus d'audimat en France

    3 Ce rassemblement du GIEC a réuni du 27 janvier au 2 février plus de 500 expert du Climat à Paris (UNESCO) pour valider le résumé à l'intention des décideurs du 4 ème rapport d'évaluation.

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    climatique? Apport de l'approche évolutive

    scientifique participant à la réunion du GIEC qui mène des travaux de recherche dans l'analyse des couches glaciaires, son intervention se limite à la phrase suivante : « On a constaté dans le passé des variations extrêmement rapides de l'ordre de plus dix degrés en quelques décennies. Cela nous amène à nous poser la question sur la stabilité du climat et son évolution future ». Suite à cette interview le correspondant termine le sujet en affirmant que le groupe d'expert sur le climat établi « un lien de plus en plus probable entre le réchauffement climatique et les activités humaine ». Nous nous rendons compte, qu'un sujet tel que celui-ci, ne permet pas un traitement de l'information, et bien au contraire renforce l'incompréhension du phénomène qui serait dû aux « activités économique » et au « travail de l'homme » (il n'est pas fait référence aux émissions de gaz à effet de serre). A cela s'ajoute le choix inapproprié du passage de l'intervention du scientifique, qui peut largement laisser sous entendre, que de tels bouleversements climatiques ont déjà eu lieu, et que celui que nous vivons aujourd'hui peut être d'origine naturel. Le doute quand à l'origine anthropique du changement climatique persiste donc, et il est renforcé par la dernière phrase du correspondant. Le lendemain le journal télévisé de France 2 proposait également un sujet sur la réunion du GIEC, et plus généralement sur le changement climatique dans lequel l'approche est radicalement différente. Il est clairement exprimé que les scientifiques s'accordent sur « deux certitudes : oui il y à réchauffement climatique, oui l'homme en est responsable ». Cette information est suivie d'un documentaire présentant l'évolution des émissions de gaz à effet de serre, leur provenance par secteur d'activité, le fonctionnement de l'effet de serre, tout en s'appuyant sur des schémas et graphiques. Un effort a donc été effectué quand à la vulgarisation de l'information tout en gardant essayant de présenter les grandes interrelations (Homme/gaz à effet de serre/changement climatique).

    Notre but ici n'est pas de juger la qualité d'un journal télévisé par rapport à l'autre, mais bien de montrer que le traitement de la même information peut se faire de manière radicalement différente. Dans les deux cas, nous voyons que l'exigence de rapidité est incompatible avec une approche complexe du problème. Nous pouvons aussi nous interroger sur la place occupée par le sujet sur le changement climatique au sein de la vingtaine de sujets traités dans un journal télévisé. En effet, on peut penser que l'ordre de traitement des sujets peut avoir une importance non négligeable dans leur "assimilation" par le téléspectateur. On peut se demander ainsi lequel des sujets sur le changement climatique ou celui de la "disparition du petit Julien" va le plus marquer le téléspectateur. Nous n'avons pas trouvé sur ce point des travaux qui permettrai une quelconque conclusion. Mais si l'on émet l'hypothèse que le

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    climatique? Apport de l'approche évolutive

    téléspectateur est davantage sensible aux sujets contenant une part d'affectif, alors le changement climatique risque d'être oublié en quelques secondes. Le traitement du sujet du changement climatique exige donc chez les journalistes d'être rigoureux quant au contenu scientifique de l'information, tout en faisant preuve d'effort de vulgarisation d'une information scientifique: « [...] le problème des changements climatiques constitue un thème qui cumule les possibilités de confusion et de malentendus, et face au journaliste, le chercheur n'est pas sans ressentir quelque inquiétude »1.

    Il apparaît tout aussi important de souligner que, très peu des sujets traités lors des journaux télévisés, mettent en évidence lesquelles de nos actions quotidiennes participent à l'émission de gaz à effet de serre. Ceci peut expliquer en partie l'absence d'une prise de conscience de responsabilité personnelle chez l'individu, et donc une absence de changement de comportement. Nous allons tenter d'expliquer cette absence de remise en cause des comportements individuels dans les journaux télévisés.

    5.2.2 La difficulté à aborder la question du changement des comportements : le filtre sélectif des médias

    Si l'on analyse l'approche faite de la problématique du changement climatique dans les journaux télévisés, nous constatons que la question des comportements individuels est rarement évoquée. La plupart des sujets sont consacrés à l'étude des conséquences du changement climatique (sujet sur la faune et la flore qui sont menacés...). Le tableau suivant montre ainsi qu'en 2005, la part des visuels2 consacrés au traitement des conséquences du changement climatique dans les journaux télévisés de TF1 et France 2 est nettement supérieure à celle consacré aux causes du phénomène.

    Evolution des visuels consacrés aux causes et aux conséquences du changement climatique :

    Sur les deux chaînes

    1997

    2005

    Evolution

    Visuels conséquences

    26.7%

    43%

    + 20.3 pts

    Visuels causes

    37.1%

    23.4%

    - 13.7 pts

    Base

    105

    389

     

    1 «Effet de serre, changement climatique et perception médiatique» visualisé le 15/01/07 sur: http://www.cnrs.fr/Cnrspresse/n394/html/n394a16.htm

    2 Les catégories `visuels conséquences' regroupe entre autres toutes les images liées à la nature (soleil, tempêtes, inondations, fonte des glaces, infographies liées aux conséquences, etc.) ; et la catégorie visuel causes agglomère les images relatives aux émetteurs (voiture, usines, habitats privées, images de ville et urbanisme, etc.).

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    climatique? Apport de l'approche évolutive

    J. B. Comby1 De plus lorsque les causes sont traitées, c'est majoritairement grâce à une analyse qui part des émissions de gaz à effet de serre par pays, ou bien par secteur d'activité. Pourquoi la responsabilité individuelle est elle beaucoup moins abordée? Nous pouvons émettre ici l'hypothèse que, étant donné le fait que les chaînes de télévisions sont principalement financées par la publicité, elles n'ont pas une liberté totale quand à la manière d'aborder cette problématique. De façon plus générale on voit que parler de la diminution de la consommation reste encore tabou à la télévision. On préfèrera aborder le problème en discutant des potentialités des nouvelles technologies, des économies d'énergie qui pourrait être réalisées... mais le mode de vie occidental dans son ensemble n'est jamais remis en question. Si l'on prend l'exemple de la relation économie/changement climatique on peut constater que les journaux télévisés traitent le changement climatique comme un problème pour l'économie (on peut citer l'exemple des sujets sur le manque à gagner de certaines stations de ski cette saison) alors qu'il serait tout aussi nécessaire d'inverser la perspective afin de voir comment notre système économique est un problème dans la lutte contre le changement climatique.

    5.2.3 La difficulté à aborder le long terme l'incertain, l'invisible: Le sensationnel ou besoin d'actualité

    Comme les banlieues n'existent que lorsqu'elles s'enflamment, le changement climatique n'existe que lorsque se tiennent des conférences internationales, ou aujourd'hui lorsque les conséquences s'en font ressentir (tempêtes, manque d'enneigement...). Le choix des sujets abordés dans les journaux télévisés est en grande partie fonction de leur "pouvoir sensationnel". Un sujet étant à la fois "percutant", pouvant être illustré par des images chocs, en lien avec l'actualité, concernant l'échelle locale, aura toutes les chances de se voir attribuer une place dans le journal télévisé. Ceci explique pourquoi le changement climatique est abordé soit à partir de l'actualité des grandes conférences (protocole de Kyoto, réunion du GIEC) soit à partir de conséquence "tragique" (la mort par noyade d'un ours). Il est difficile pour les journaux télévisé de concilier la lenteur avec laquelle se font ressentir les conséquences du changement climatique et cette exigence de sensationnel. Le graphique

    1 COMBY J.B., (25 et 26 juin). « Contribution à une sociologie de la construction politique et médiatique des enjeux liés au changement climatique », Toulouse, Actes du colloque Environnement et Politiques CR23 AISL et CERTOP-CNRS, 325-336.

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    climatique? Apport de l'approche évolutive

    suivant illustre ce « besoin d'actualité » qui conditionne le traitement de la question du changement climatique dans les journaux télévisés.

    20

    18

    16

    14

    12

    10

    4

    8

    6

    2

    0

    Conférence de Kyoto

    La médiatisation du changement climatique dans les 2T de TF1 et F2

    Sommet deLaHaye

    Sommet de Johannesburg

    Canicule

    entrée en vigueur du protocole de Kyoto

    Katrina + conférence de Montréal

    J. B. Comby1

    En outre, aborder la complexité du problème nécessiterait un raisonnement à long terme sur des faits pas encore tous visibles, et irait donc contre cette politique des journaux télévisé (nous n'avons pas d'images des changements futurs). De plus, nous pouvons penser que le catastrophisme paniquant ou naïf alimenté les médias à propos d'autres sujets (attentats du 11 septembre, crise de la vache folle, de la grippe aviaire...) a habitué les spectateurs à l'annonce d'une "fin du monde", ce qui les rends aujourd'hui beaucoup plus passif devant l'annonce des potentielles conséquences du changement climatique. Or, on sait que tout comme l'espérance, la peur est nécessaire au passage à l'action: "L'espérance est une condition du tout agir puisqu'il présuppose qu'il est possible d'aboutir à quelque chose et qu'il parie de le faire dans le cas présent"[...] "celle (la peur) qui invite à agir [ ...] qui dans un cas déterminé motive quelqu'un à la faire sienne comme sa propre crainte et à la transformer en devoir d'agir [ ...] " (Jonas, 1990, p.421) Encore aujourd'hui les médias accordent une importance démesurée à la capacité de la technologie à résoudre le problème (sujets sur les biocarburants, sur le stockage de C02...), a travers des sujets certes plus « croustillants » que des explications plus complexes sur la perturbation du cycle du carbone.

    1 COMBY J.B., (25 et 26 juin). « Contribution à une sociologie de la construction politique et médiatique des enjeux liés au changement climatique », Toulouse, Actes du colloque Environnement et Politiques CR23 AISL et CERTOP-CNRS, 325-336.

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    Nous voyons donc que certaines exigences propres aux journaux télévisés et de manière plus générale aux médias posent problème dans la transmission de l'information sur le changement climatique. Tout comme celui du système scolaire, le fonctionnement des médias reste problématique quand il s'agit de transmettre des d'informations complexes. Cependant, il semblerait que de plus en plus d'effort soient fait dans la vulgarisation de ces informations (clarté de la présentation, schémas explicatifs, illustrations par des exemples concrets...). Mais la transmission d'une information suffit elle à son assimilation sous forme de connaissance? Nous allons tenter de répondre à cette question dans la suite de ce travail.

    5.3 Information, connaissance et action

    L'individu qui reçoit une information sur le changement climatique, par exemple grâce aux journaux télévisés, va-t-il la transformer obligatoirement en connaissance? La connaissance de la problématique du changement climatique est-elle le seul facteur pourrait influencer l'adoption d'un comportement en faveur de la lutte contre le changement climatique?

    5.3.1 De l'information à la connaissance

    Une première chose est la transmission de l'information, et comme nous l'avons vu celle-ci peut s'avérer difficile dans le cas du changement climatique, une deuxième étape est la transformation de cette information en connaissance. Assimilons-nous toutes les informations que nous recevons? Bien évidement non:« il est illusoire de croire que « montrer », voire « démontrer », « expliquer », « faire lire » ou « projeter » grâce à l'une des multiples possibilités qu'offrent les nouvelles technologies suffit pour que l'apprenant, enfant ou adulte, s'approprie réellement un savoir »1.

    Nos connaissances préalables, sont parfois des obstacles à « l'assimilation » de nouvelles informations:"[...] toute nouvelle information est confronté au réseau de conceptions de l'individu qui va l'accepter ou pas : apprendre c'est transformer ses conceptions "2. Comme l'explique André Giordan l'information reçue par un individu va être confrontée à son réseau de conceptions, autrement dit son système de penser, avant d'être soit assimilée, soit déformée, soit rejetée. Le réseau de conceptions correspond à notre manière de raisonner, de percevoir le monde, tout ce qui nous à construit: notre environnement affectif et familial,

    1 Francine Pellaud, «Le développement durable : d'un concept complexe à la vie quotidienne », Les sciences de l'éducation pour l'ère nouvelle, vol. 35, janvier 2002, p.4.

    2 André Giordan, Apprendre! Berlin, (1998) 2002.

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    naturel et géographique, religieux ou mystique, philosophique et politique, professionnel, notre réseau de référence (notions, concepts, valeurs), nos modes de raisonnements implicites (paradigmes, modèles) ou explicites (logico-mathèmatiques), notre réseau sémantique (production de sens), enfin les signifiants que nous utilisons (linguistiques, iconiques, symboliques)1. Les réseaux de conceptions préalables agissent donc comme un « filtre réducteur »: une nouvelle information reçut pourra soit être rejetée, soit déformée, ou bien elle permettra la transformation des conceptions ce qui aboutira à la construction d'une nouvelle grille d'analyse (filtre réducteur) à partir duquel seront analysées les prochaines informations que recevra l'individu. Dans cette optique, il est aisément compréhensible qu'un bon nombre d'individus qui reçoivent des informations sur le changement climatique par le biais des journaux télévisés, ne transforment pas celle-ci en connaissance (dans le cas ou par exemple leur grille d'analyse est en partie constitué par la croyance en la capacité du progrès technologique à résoudre tout les problèmes).

    La transformation d'une information en connaissance, dans le cas où les conceptions préalables ne sont pas favorables à cette information, passe par la déconstruction de ces conceptions. Autrement dit, si un individu assimile le changement climatique à la seule hausse des températures, il ne comprendra pas l'information donnée par le journal télévisé à propos du lien entre les inondations à répétition et le changement climatique. Pour que cet individu comprenne le lien entre le phénomène d'inondation et celui du réchauffement climatique, il faudrait l'amener devant les limites de son raisonnement et lui en proposer un autre qui lui

    1 Francine Pellaud,Richard-Emmanuel Eastes, André Giordan, « Un modèle pour comprendre l'apprendre : Le modèle allostérique », Gymnasium Helveticum, janvier 2005.

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    climatique? Apport de l'approche évolutive

    paraisse plus adéquat (déconstruction-reconstruction). On voit bien ici la difficulté que peut rencontrer un média pour stimuler ce processus de déconstruction-reconstruction: un journal télévisé est suivi par des individus ayant tous des systèmes de conceptions uniques. Cependant, une étude des conceptions relatives au changement climatique nous permettrai peut être de dégager des grandes catégories de conceptions, et ainsi de cibler les informations nécessaires à la déconstruction de celles qui s'avèrent fausse.

    « L'information ne suffit pas pour modifier un comportement. La dynamique de groupe est importante, comme celle de l'apprentissage : changer c'est apprendre »

    5.3.2 Les différentes formes de connaissance nécessaire à l'action

    Une recherche en psychologie sociale menée par Florian G. Kaiser et Urs Kurher1 met en évidence que ce n'est pas la masse de connaissance qui détermine le comportement, mais l'interaction entre différentes formes de connaissance : « Before someone can act, he or she must know how things should be, and what can be done. While the first form of knowledge is composed of declarative environmental knowledge, the second consists of procedural (i.e. action-related) knowledge. The third form of knowledge, effectiveness knowledge, is particularly relevant when behavior is instrumental in optimising a person 's cost-benefit ratio »2 . Prenons l'exemple de l'utilisation de la voiture en lien avec le changement climatique: une forme de connaissance abstraite du système (declarative knowledge) sera la connaissance du lien entre les émissions de CO2 dû à l'utilisation de la voiture, l'effet de serre, et le changement climatique. Le savoir agir proche de la pratique (procedural knowledge) s'illustrera par la décision d'utiliser moins la voiture. Enfin, les connaissances en matière d'efficience (effectiveness knowledge) pourraient être la capacité à choisir de se déplacer grâce aux transports en communs, ou grâce à une voiture roulant au biogaz, à partir de l'évaluation en termes d'efficience écologique de ces deux moyens de transport.

    Cependant, nous pensons que dans certains cas, la présence d'une, voire de toutes ces formes de connaissance, ne suffisent pas à l'adoption d'un comportement écologique, en l'occurrence d'un comportement favorable à la lutte contre le changement climatique.

    1 F. G. Kaiser, «Ecological Behavior's Dependency on Different Forms of Knowledge», Applied Psychology: An international review», 2003, 52 (4), 598-613

    2 Ibid., p.600

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    climatique? Apport de l'approche évolutive

    5.3.3 La connaissance un facteur nécessaire mais non suffisant pour l'action

    Pourquoi un individu qui à des éléments de connaissance complexe à propos de la problématique du changement climatique (declarative, procedural, effectiveness), et qui à donc connaissance des risques encourus, n'adopte-t-il pas un comportement en faveur de la lutte contre le changement climatique ?

    « [...] apprendre à raisonner avec la complexité, comprendre les enjeux du développement durable et la place que chaque individu occupe dans la réussite de ce processus ne sont pas des garanties pour un passage à l'action »1.

    Il semblerait que la connaissance ne soit pas le seul facteur influençant l'adoption d'un comportement favorable à la lutte contre le changement climatique.

    J. J. Wittezeale souligne même que si nous attachons dans notre culture beaucoup d'importance à la prise de conscience celle-ci suit en général, le changement de comportement plutôt que de le précéder. De plus une étude menée par le CRIOC sur les « Logiques d'attitudes et de comportements à l'égard de la consommation d'énergie » a démontré qu'il n'existait pas de lien univoque entre le niveau d'information et un comportement favorable aux économies d'énergie.

    C'est dans le but de la mise en évidence de l'existence d'autres facteurs influençant les comportements que nous nous somme intéressé aux théories du comportement et à celles de la motivation.

    1 Francine Pellaud, «Le développement durable : d'un concept complexe à la vie quotidienne », Les sciences de l'éducation pour l'ère nouvelle, vol. 35, janvier 2002, p.5

    6 CHAPITRE IV : Théories du changement de comportement et de la motivation

    Nous venons de voir que la connaissance n'est pas un facteur suffisant pour comprendre nos comportements face au changement climatique : quels sont les autres facteurs qui influencent nos motivations et donc nos comportements face à ce phénomène ? Ce chapitre à pour but de donner quelques apports théoriques qui nous permettront par la suite de mettre en évidence les obstacles aux changements de pratiques en faveur de la lutte contre le changement climatique. Nous allons donc nous intéresser aux théories qui permettent de comprendre comment se forment nos comportements : théorie du comportement, de la motivation et du changement de comportement.

    6.1 Théories du comportement

    Voici une définition commune du terme comportement : « Manière de se comporter, de se conduire ; ensemble des réactions d'un individu ; conduite. Ensemble des réactions, observables objectivement, d'un organisme qui agit en réponses aux stimulations venues de son milieu intérieur ou du milieu extérieur »1. Ce qui nous intéresse ici est donc de mettre en évidence quelles sont ces « stimulations ». La conduite humaine étant un phénomène complexe nous savons que ces stimulations peuvent revêtir des formes très différentes :

    « La conduite a une forme concrète extérieure, directement observable, mais cette forme externe se rattache d'une manière complexe, d'une part, à tous les éléments de la situation dans laquelle elle prend un sens final et aussi à des éléments intrasubjectifs des niveaux biologiques, affectifs, social et culturel qui interviennent, ceci en interaction, pour donner différentes significations dont l'intégration donnera le sens final. Car, le sens final, il ne faut pas l'oublier, est un construit, c'est-à-dire quelque chose qui résulte de la rencontre d'éléments divers provenant de l'acteur lui- même comme de la situation » (MUCHIELLI, 2006 (1981), p.16-17).

    Les comportements se forment donc à divers niveaux, à partir d'éléments internes à l'individu ou extérieurs à lui. Nous parlons ici de différents niveaux (internes/externes) mais il est important de rappeler les liens qu'ils entretiennent entre eux. Nous pouvons pour cela nous référer au principe de la causalité circulaire et cumulative. Ainsi, les éléments que l'on pourrait croire interne à l'individu peuvent être des éléments sociaux internalisés. Par exemple un besoin aussi naturel que celui de manger est socialement conditionné, ce qui explique

    1 Définition issue du dictionnaire Larousse

    l'habitude des Français de manger plus de viande qu'il n'est nécessaire. De même chaque individu a une influence sur son milieu. Il peut ainsi influencer le groupe en exposant ses valeurs personnelles.

    Une autre piste pour comprendre les origines des comportements humains est à chercher du coté de l'étude des facteurs qui motivent les comportements. C'est dans ce sens que nous nous sommes intéressés aux théories de la motivation.

    6.2 Théories de la motivation

    6.2.1 Tentative de définition

    Les définitions suivantes nous aident à mieux cerner ce que nous entendons par le concept de motivation :

    « Ensemble des motifs qui expliquent un acte, processus physiologique et psychologique responsable du déclenchement, de la poursuite et de la cessation d'un comportement » (Dictionnaire Larousse)

    « Le concept de motivation représente le construit hypothétique utilisé afin de décrire les forces internes et/ou externes produisant le déclenchement, la direction, l'intensité et la persistance du comportement ». (Vallerand, 1993)

    « Un besoin ou un désir qui sert à dynamiser le comportement ou à l'orienter vers un but ». (Myers, 1998)

    « Des stimuli externes perçus comme pouvant assouvir un besoin suscitent et dirigent des comportements ». (C.Hull, 1943)

    A la lecture de ces définitions, nous pouvons nous rendre compte que le concept de motivation est un concept complexe qui fait référence à de nombreuses théories. Chaque théorie de la motivation apportant sa propre définition du concept. Le but ici n'est pas ici de présenter et de départager l'ensemble des théories de la motivation mais d'en donner un aperçu global afin de mettre en évidence les facteurs déterminant de la motivation. Pour ce faire, nous nous sommes principalement référés à l'ouvrage de F. Fenouillet, La Motivation, qui nous semblait avoir l'avantage de présenter ces théories de manière synthétique.

    6.2.2 Les différents types de motivations : classifications

    La conduite humaine possède différents niveaux de profondeur, et les moteurs de ces
    conduites ne sont pas uniques. On ne peut que très rarement faire référence à une cause

    directe déterminant une conduite1. Une chose est certaine, nous n'agissons pas par hasard mais suivant des motivations. Ces motivations peuvent se trouver au niveau de l'inconscient (par exemple j'enlève ma main d'un objet brûlant) ou du conscient (je suis conscient que je vais au travailler tous les matins dans le but d'avoir un salaire). Elles peuvent être rationnelles ou irrationnelles.

    Une distinction qui nous est apparue intéressante à relever pour la suite de notre analyse (Chapitre V), est celle faite entre les motivations dites intrinsèques et les motivations dites extrinsèques. Une motivation est « intrinsèque » quand elle est déterminée par le plaisir et le sentiment d'autonomie. Le comportement est dans ce cas motivé uniquement par l'intérêt et le plaisir que le sujet trouve dans la pratique de l'activité, sans attendre de récompense extrinsèques à l'activité ni à chercher à éviter un quelconque sentiment de culpabilité. On dit d'une motivation qu'elle est extrinsèque quand une personne n'est pas essentiellement intéressée par l'activité en soi. Dans ce deuxième cas de figure, le sujet agit dans l'intention d'obtenir une conséquence qui se trouve en dehors de l'activité même. Le sujet cherche par exemple à recevoir une récompense à éviter de se sentir coupable, à gagner l'approbation...

    « Une activité qui est pratiquée pour elle-même, pour son contenu est dite intrinsèquement motivée, tandis qu'une activité qui est pratiquée pour ses effets est dite extrinsèquement motivée »2.

    Outre ces quelques classifications, nous avons décidé de nous intéresser de manière plus approfondie aux sources de motivations, c'est-à-dire aux éléments qui vont avoir une influence sur la motivation et donc sur les pratiques individuelles. En effet, la mise en évidence de ces éléments, nous permettra ensuite de répondre de manière plus précise à la question : quels sont les éléments qui influencent nos actions face au changement climatique ?

    Nous avons choisi de regrouper les différentes sources de motivation sous forme de quatre catégories qui mettent en évidence les différents niveaux entrant en jeux dans la formation des comportements : le niveau biologique, le niveau affectif, le niveau socioculturel et celui des contraintes externes (normes sociales et variables situationnelles). Il est important de noter qu'une même motivation peut résulter d'une combinaison de sources.

    1 Cf. principe de la causalité circulaire.

    2 Piche S., « Précurseurs motivationnels des performances sportives et scolaire », Université de Laval, 2003.

    6.2.2.1 Niveau biologique (besoins et instincts) :

    Une première approche des sources de motivation est celle des conceptions innéistes et biologiques des motivations. Ces approches reposent principalement sur deux concepts celui de besoins et celui d'instinct. L'accent est mit sur les facteurs internes inscris dès la naissance dans l'individu. Nous allons redéfinir ces concepts et voir de quelle manière ils peuvent influencer les motivations.

    > Les instincts :

    « Un comportement instinctif est donc un comportement relativement stéréotypé, commun à toute une espèce animale susceptible d'une faible adaptation sinon d'aucune, et qui se déclenche d'une manière automatique lorsque d'une part, l'organisme est dans un certain état de préparation et qu'il rencontre un signal déclencheur spécifique dans son environnement. » (MUCHIELLI 2006 (1981), p.23)

    Il n'a à pas un accord des théoriciens ayant travaillé sur ce concept quant à une liste exhaustive des instincts. Si on cite le plus souvent l'instinct de conservation, sexuel, d'agression, de possession, de domination, maternel... il n'existe pas une liste exhaustive et univoque de la totalité des instincts. Les instincts sont, dans les faits, canalisés par les règles et normes des niveaux psychologique et socioculturel.

    > Les besoins :

    Nous pouvons dire en premier lieu que la motivation apparaît lorsqu'il est nécessaire de satisfaire un besoin. Le concept de besoin renvoie à trois idées : celle de nécessité vitale, l'idée de tension qui cherche la satisfaction qui apporte un retour à l'équilibre, et l'idée de catégorie spécifique d'objets satisfacteurs vers laquelle est orienté la tension (par exemple celle des besoins sociaux).

    On peut définir le concept de besoin comme :

    « Un état de tension insatisfaisant lié à une nécessité (biologique, psychologique, sociologique) existentielle, orienté vers une catégorie d'objets satisfacteurs qui poussent l'individu à rechercher un équilibre plus satisfaisant par l'atteinte d'objets appartenant à un certain exemple ». (Muchielli, 2006 (1981), p.25)

    Il existe différents types de besoins. Les besoins physiologique : faim, soif, désir d'échapper à la douleur... Chez les humains ces motivations de bases que l'on pourrait qualifier d'inné et primaires sont modifiées et transformées par des influences sociales et culturels : par exemple on accepte de ne plus manger pour ressembler à son idole (anorexie) ou bien encore on

    accepte la douleur à travers des rites culturels... Il existe d'autres motivations ayant une base biologique sans pour autant être nécessaires à la survie immédiate de l'organisme. Nous pouvons citer par exemple le sexe, le soin parental et l'agression. De même que pour les besoins physiologiques ces besoins biologiques ne sont pas exempts d'influence sociale et se traduiront donc à travers des comportements différents selon le contexte socioculturel. Les besoins psychologiques quand eux, sont largement déterminés des contacts socio affectifs. Nous pouvons citer par exemple le besoin d'estime de soi, d'accomplissement, de pouvoir, de reconnaissance, d'acceptation, d'intimité, de communiquer... Enfin, l'état sociologique de la société ambiante conditionne directement les besoins sociologiques que l'on peut aussi qualifier de besoins secondaires: besoin d'information de confort, de détente.

    Contrairement à cette conception qui met en avant les facteurs biologiques et instinctifs de l'homme, les conceptions suivantes des motivations mettent l'accent sur l'influence du milieu, que ce soit à travers la présence d'un système de valeurs sociales, de normes sociales...

    6.2.2.2 Niveau psychologique et socioculturel : le concept d'attitude

    « A sa naissance l'homme n'est qu'une tabula rasa. Ce sont les expériences qui vont écrire cette page vierge et le façonner. » (Muchielli, 2006 (1981), p.47).

    Le concept d'attitude a vu naissance dans les travaux de psychologie sociale. On peut le définir comme un ensemble de dispositions internes et durables par rapport à un objet. C'est un état d'esprit, une prédisposition générale psychologique envers quelque chose.

    « Une attitude est donc une orientation générale de la manière d'être face à certains éléments du monde. C'est l'expression dynamique d'un principe affectif profond et inconscient (ou valeur) acquis à travers la succession ou la répétition d'expérience de la vie. Une attitude prédispose à percevoir et à agir d'une certaine manière » (MUCHIELLI, 2006 (1981), p. 72)

    C'est cette prédisposition qui va orienter dans un certain sens toutes les interactions avec l'objet en question. Ce concept regroupe les notions de valeurs, croyances et opinions. Si en psychologie sociale ces composantes ne sont pas étudiées séparément, il nous semblait plus pertinent pour ce travail d'étudier chacune de ces composantes pour elle même en gardant à l'esprit qu'elles font partie d'un tout qui représente une tendance à l'action.

    6.2.2.3 Niveau affectif : les émotions

    Les émotions jouent aussi un rôle important dans la motivation d'un comportement. Ainsi l'amour, la peur donneront lieu à des comportements bien distincts. De manière plus générale on peut dire que chaque individu à un « passé affectif » qui oriente ses motivations et comportements. Ainsi, tout individu rencontre des situations qui vont le marquer. Ces situations laissent des traces affectives indélébiles qui orientent sa perception du monde, ses attitudes et ses réactions ultérieures. Celles ci déterminent les niveaux des motivations anthropologiques, culturelles et individuelles Ces traces affectives peuvent se formuler sous forme de règle ou de croyances, elles sous tendent alors toutes les conduites, et constituent ce que l'on pourrait nommer des « règles de vie » (Muchielli, 2006 (1981), p.52-54).

    6.2.2.4 Les sources externes : variables situationnelles et normes sociales

    Certaines sources externes à l'organisme peuvent nous motiver ou influencer notre comportement et éventuellement devenir des motivations internes. L'existence de contraintes environnementales peuvent orienter les comportements, souvent les individus eux-même ignorent l'influence de ces contraintes externes sur leur propre comportement. Ces sources externes de motivation peuvent donc prendre la forme de contextes physiques (infrastructure adaptée) ou de contextes sociaux et/ou moraux (normes sociales, cadre juridique...).

    > Les normes sociales

    « Dans toute société existent des modèles culturels de conduite qui prescrivent « des manières d'agir, de penser et de sentir » (Durkheim), jugées acceptables par le groupe. Ces modèles, inspirés par les valeurs dominantes de la société, se concrétisent dans un ensemble de normes de comportement dont le respect est assuré par un système de sanctions. Ces normes ont un caractère impératif pour les individus mais elles varient selon les sociétés » (Etienne, 1997, p.221)

    Les normes sociales représentent, à la fois ce que l'individu pense que les autres ou la société attends de lui, ainsi que la motivation de se conformer à ces attentes. Les normes sociales définissent donc un cadre aux comportements socialement acceptables. Les normes s'accompagnent d'un système de sanctions qui peuvent prendre la forme de prescriptions explicites, à travers les lois, ou bien implicite à travers les « usages » et les « moeurs »1. Elles

    1 « Depuis William Summer (Folkaws, 1906), il est classique de distinguer les simples « usages » (manière de s'habiller, règles de politesse...) des « moeurs » qui, représentant des impératifs moraux (mode d'exercice légitime de la sexualité par exemple), entraîneraient une réprobation plus forte et des sanctions plus sévères » (ETIENNE Jean, 1997, p.222).

    peuvent être positive, par exemple le jeune homme qui cède sa place à la personne âgée reçoit de manière implicite (usages et moeurs) ou explicite (droit) l'approbation du groupe, ou négative (réprobation morale, sanction pénale), une personne qui dépasse la limite de vitesse risque une peine pénale.

    > Le contexte physique/ variables situationnelles

    Le contexte dans lequel se déroule l'action d'un individu influe sur ses motivations : si le contexte est favorable à l'action alors celle-ci sera plus facile à entreprendre.

    Un exemple de contexte peut être le contexte économique : celui-ci peut largement motiver ou démotiver une action donnée. Par exemple dans notre cas de figure la situation économique d'un individu et le contexte dans lequel elle s'inscrit peut déterminer l'achat ou non de panneaux solaire. L'éventail des actions individuelles est donc, en parti, déterminé par des variables issues du contexte économique.

    Un autre exemple peut être celui du contexte physique. Par exemple la présence ou non d'infrastructures favorables à l'action (réseau de transport en commun, présence d'un point de tri des déchets à proximité...) motivera positivement ou négativement l'action.

    Les obstacles à certaines pratiques sont donc à aller chercher dans des déterminants internes à l'individu, mais il ne faut pas négliger le rôle des sources externes qui peuvent constituer d'importantes sources de motivation, ou bien au contraire être source d'obstacles à un comportement donné. Nous retiendrons que tous ces déterminants (internes ou externes) forment un ensemble complexe, interconnecté. Le schéma résume le cadre théorique que nous venons d'exposer, et à partir duquel nous allons analyser les comportements face au changement climatique

    Niveau
    Psychologique et
    socioculturel

    Comportement

    Facteurs externes

    Niveau affectif Niveau biologique

    Nous nous efforcerons donc de mettre en évidence, dans le chapitre suivant, comment ces différents niveaux de motivation influent nos comportements face au changement climatique.

    6.3 Théories du changement de comportement et des résistances

    En nous intéressant aux pratiques individuelles face au changement climatique nous en sommes venus à nous demander pourquoi les individus ne modifient pas leurs comportements face à ce phénomène. Les théories du changement de comportement peuvent nous donner quelques premiers éléments de réponse. Il s'agit donc de comprendre la démarche avec laquelle un individu va modifier ses actions.

    6.3.1 Les conditions nécessaires au changement de comportement

    Quelles sont les conditions préalables à l'adoption d'un comportement donné ? A travers leurs travaux les chercheurs de The Health Communication Unit (THCU) on mit en évidence l'existence de huit conditions préalables pour qu'une personne adopte un comportement donné1 :

    1. La personne a fermement l'intention d'adopter le comportement (ou s'y est engagée).

    2. Il n'y a pas de contraintes (barrières) environnementales rendant le comportement impossible.

    1 Hershfield L.,. Chirrey S,. Thesenvitz J. Chandran U Changement de comportements: un cadre d'application, 06/2004 (2000) visualisé le 15/02/07 sur :

    http://www.thcu.ca/infoandresources/publications/changementdecomportementsv4.1.f.november11.2005.pdf

    3. La personne a les habiletés nécessaires à l'adoption du comportement voulu.

    4. La personne croit que les avantages (bienfaits, résultats positifs escomptés) se rattachant à l'adoption du comportement l'emportent sur les désavantages (coûts, résultats négatifs prévus).

    5. La personne ressent davantage une pression sociale à l'égard de l'adoption du comportement qu'à l'égard de la non-adoption de celui-ci.

    6. La personne considère que le comportement correspond à l'image qu'elle a d'elle-même et qu'il respecte ses principes personnels.

    7. La réaction émotive de la personne à l'égard du comportement est plus positive que négative.

    8. La personne est confiante de pouvoir adopter le comportement dans différentes circonstances (c.-à-d. qu'elle se perçoit comme étant assez efficace pour adopter le comportement).

    Si les trois premières conditions sont jugées « nécessaire et suffisante » pour adopter un comportement, les cinq autres ont un effet sur l'intensité et l'orientation de l'intention. Nous reviendrons sur cette grille d'analyse lorsque nous traiterons des résistances face au changement de comportement dans le chapitre suivant.

    6.3.2 Le changement de comportement : un processus

    Tout individu qui passe à travers un changement majeur vivra, à une intensité variable, le processus suivant :

    Situation actuelle

    dégel

    Transition

    regel

    Situation
    désirée

    Symptômes de la transition :

    Frustration

    Confusion

    Stress

    Critiques et conflits

    Nostalgie pour les bons vieux jours

    Source : Carl Lemieux1

    1 Schéma issu de la présentation power point du 20 juin 2007 « Comment faire face à la résistance au changement », Rendez vous international sur les applications du développement durable, Sherbrooke.

    Un système qui change doit être « dégelé », déstabilisé, puis passer par une période de transition avant d'être « regelé vers une situation désirée ».Cette période de transition est constituée de différents états. Pour qu'un changement de comportement survienne, il faut que l'individu donne un sens et comprenne les enjeux du changement, il peut être nécessaire de créer une « burning Platform » c'est-à-dire un sentiment d'urgence. Il est nécessaire que l'individu puisse donner une vision à ce changement afin de se projeter, de voir à quelle situation aboutira ses efforts. Enfin si le changement de comportement est soutenu par l'environnement (personnes proches...) il sera plus facile à adopter.

    6.3.3 Les résistances au changement

    Ex.: Les habitudes, la satisfaction des besoins, la préférence pour la

    stabilité, l'identification à la situation actuelle...

    Ne
    veulent pas

    (liée à la personnalité)

    Ex.: Les moyens fournis pour intégrer le changement, le manque de compétences, la cohérence actuelle du système, les rôles et responsabilités, ...

    Ex.: La qualité de l'information/messages, des attentes non explicites, le manque de respect des personnes, le temps (pour digérer), la crédibilité de l'agent de changement...

    Ne peuvent pas

    (liée à l'environnement)

    Ne comprennent pas

    (liée aux modes d'implantation)

    Source : Carl Lemieux1

    Cette représentation graphique montre que la résistance au changement peut s'expliquer en grande partie par des problème de compréhension, ensuite par des problème des contraintes externes qui font que l'individu n'a pas la possibilité de modifier son comportement, et dans un partie bien moindre par un manque de volonté de changer. Il est ici nécessaire de rappeler que tout processus de changement implique un certain nombre de résistance à celui-ci.

    Nous allons donc essayer de mettre en évidence dans le chapitre suivant qu'elles sont les résistances au changement de comportements face au défi que constitue la lutte contre le changement climatique.

    7 CHAPITRE V : Analyse des résistances aux changements de pratiques

    Nous avons vu que la connaissance d'un problème n'est pas le seul facteur qui influe les comportements dans la lutte contre celui-ci : il ne suffit pas d'avoir une représentation réaliste du problème du changement climatique pour changer radicalement de comportement et lutter contre. Nous allons, dans ce chapitre, analyser les différents facteurs qui peuvent expliquer que les préoccupations vis-à-vis du changement climatique ne se traduisent pas dans les pratiques. Cette analyse repose sur la lecture de divers ouvrages qui nous ont fourni des éléments de réponses théoriques, mais aussi sur la réalisation d'une série d'entretiens qualitatifs grâce auxquels nous illustrerons nos propos. Nous avons classé ces facteurs selon qu'ils soient propres à la nature du phénomène du changement climatique, qu'ils fassent référence aux contextes (normatif, moral, physique) ou bien qu'ils soient propres aux l' individus1.

    7.1 Contraintes propres à la nature du phénomène

    7.1.1 Le changement climatique un risque nouveau

    « [...] l'humanité n 'a jamais eu à connaître un défi climatique comparable aux changements qui s'annoncent à l'orée du XXIe siècle » (D. Bourg, 2001, p.41).

    En accélérant le processus naturel d'effet de serre, la civilisation actuelle fait face à un risque d'un type nouveau : le changement climatique. Nous n'avons encore jamais affronté un problème semblable à celui-ci. Nous n'avons donc pas d'expériences passées qui pourraient nous guider quant aux pratiques à adopter pour y faire face. Notre absence de recul explique peut-être notre manque de prise au sérieux du problème. Nous avons besoin de temps pour nous faire à l'idée que nous pouvons perturber les grands cycles naturels. Le risque est alors que la médiatisation du problème passe pour un « effet de mode ».

    Caroline

    « [...] on en parle quand même globalement assez récemment. Ca fait pas si longtemps que le sujet comme je vous le disais qui est une tendance à la mode...mais y'a encore que deux ou trois ans...on en parlait pas plus que ça. »

    « A un moment donné il y avait eu un débat sur le fait que le changement
    climatique soit un phénomène scientifiquement prouvé. Est-ce que vous

    1 Il faut noter qu'un même facteur peut faire référence à plusieurs catégories à la fois.

    maintenant, vous êtes convaincu du fait que le changement climatique soit un phénomène scientifiquement prouvé ou est- ce que vous en doutez ?

    Béatrice

    Euh...je pense que c'est difficile de savoir si c'est causé par l'homme ou si c'est un cycle normal. Parce que j'ai des vagues souvenirs de ce que j'ai pu lire quand j'était gamine sur la préhistoire ou des choses comme ça et ces changements d'ère où on est passé à des moments où il faisait très froid et des périodes où ça s'est réchauffé, peut-être qu'on est dans une phase comme ça mais je sais pas vraiment, j'arrive pas vraiment à savoir si on est la cause de ça ou si c'est une mode. C'est-à-dire que tout d'un coup on s'est dit « oh beh tiens on va essayer de faire que les gens s'intéressent à l'écologie, un peu comme les concerts qu'il y a eu il y a pas très longtemps [Earth Concert] euh... c'est bien, c'est très très bien mais au bout d'un moment, ça n'engage que moi, on arrive plus à savoir si c'est vrai, si c'est une mode ou si il y a des plus gros intérêts derrière... »

    Cependant, la difficulté à appréhender le phénomène ne tient pas uniquement à sa nouveauté mais aussi à sa nature complexe.

    7.1.2 La difficulté à appréhender un phénomène complexe

    « Elle [la conscience écologique] est une vision « holographique » de l'ensemble des savoirs auquel les enfants et les étudiants ne sont pas habitués » (J Van Cauter, 2003, p.110).

    7.1.2.1 Un phénomène difficile à se représenter

    Comme nous l'avons vu dans la partie précédente, les études quantitatives sur la perception de l'effet de serre montrent qu'il existe un vrai problème de connaissance de la part du grand public sur le changement climatique. La réalisation d'une série d'entretiens nous a permis de confirmer cette idée. Sur l'ensemble des personnes interrogées, une seule avait une représentation proche de la réalité du phénomène. De même, nous avons constaté que changement climatique et trou de la couche d'ozone sont systématiquement confondus.

    « De manière générale j'aurais aimé que tu me parles du changement climatique, à quoi ça te fait penser ?

    Myriam

    Euh, couche d'ozone, pollutions, les glaces polaires qui fondent, euh, augmentation des océans, fonte des glaces, changement de climat dans les régions et dans les pays, voila... »

    Le phénomène d'effet de serre reste très mal compris :

    « Je ne sais pas si tu as entendu parler du mécanisme de l'effet de serre, est ce que tu as à peu prês compris comment ca fonctionnait ?

    Olivier

    Alors pas vraiment parce que je suis pas scientifique du tout, je suis littéraire, euh

    Tu arriverais à l'expliquer ou pas du tout ?

    Non je ne serai pas l'expliquer comme un scientifique, moi ce que j'ai compris c'est qu'on a un peu comme une cloche de verre sur la tête et que donc nos gaz d'échappement plus il y en a, des fumées nocives rejetant du CO2 et plus ...bon ça nous retombe un peu sur la tête quoi, et ça détruit un peu la couche d'ozone puisque qu'on en parle beaucoup voilà... »

     
     

    A la question générale « j'aurais aimé que vous me parliez du changement climatique » l'ensemble des personnes interviewées (excepté le mieux informé) évoquent les conséquences du changement climatique et non les causes :

    « De manière très générale j'aurai aimé que vous me disiez ce que représente pour vous le changement climatique ce qui vous vient à l'esprit quand on parle de changement climatique ?

    Béatrice

    La première chose qui me vient à l'esprit, c'est les saisons qui correspondent plus trop, les souvenirs que j 'ai de gamine c'est que l'été il faisait beau l'automne il faisait moins beau l'hiver il faisait froid, le printemps...et maintenant l'été est en plein mois d'avril, le mois de juillet c'est une horreur et il n'y a plus d'hiver. »

    En effet, les individus interrogés ont davantage de peine à se représenter les causes du changement climatique que les conséquences, ce qui peut expliquer en partie la difficulté à comprendre l'impact de nos activités sur le changement climatique.

    7.1.2.2 La difficulté à comprendre l'impact de nos activités quotidiennes

    De manière générale, les individus interviewés n'arrivent pas à mettre en relation leurs pratiques quotidiennes (excepté l'usage de la voiture) et leur impact sur le changement climatique. On peut donc supposer qu'un premier obstacle à la lutte « individuelle » contre le changement climatique réside dans le fait que nous n'avons pas conscience qu'une grande partie de nos pratiques quotidiennes ont un impact sur l'effet de serre. La prise de conscience de la responsabilité vis-à-vis du problème en est compromise, ainsi que la capacité à voir quelles sont les actions envisageables pour lutter contre le changement climatique au niveau individuel.

    « Tu parlais des actions individuelles, quotidiennes, selon toi quelles sont tes actions quotidiennes qui ont le plus d'impact sur le changement climatique ?

    Myriam

    La voiture, parce que c'est ça qui pollue beaucoup, euh... autrement je crois pas que je fasse grand-chose pour l'environnement, à part ne pas jeter n'importe où... non non franchement je crois pas que j'influe, j'apprends aux élèves quand même tout ça aussi, je leur dis qu'il faut se préoccuper de l'environnement et que...donc quand même c'est eux (rires) mais bon c'est une infime... »

     
     

    Seule une personne fait le lien avec la consommation d'énergie (électricité), le changement climatique et l'énergie étant pourtant deux problématiques très reliées.

    « Ok, à ton niveau est ce que tu sais lesquelles de tes activités quotidiennes contribuent à l'effet de serre ?

    Julien

    [...] oui le simple usage de l'électricité, j'imagine qu'y a... quand on utilise l'électricité... ouais ça participe au réchauffement climatique, peut-être d'une manière un peu moindre mais quand même quoi, donc tout ça après c'est des choses auxquelles je fais attention mais qui sont finalement tellement ancrées dans nos manières de vivre que c'est difficile de s'en détacher donc voilà... »

    Nous voyons donc qu'un autre obstacle à la lutte contre l'effet de serre réside dans un problème de connaissance. Cependant, la médiatisation du problème est telle, que malgré les difficultés de représentation et de compréhension du changement climatique la majorité des personnes sont convaincues de son existence.

    « Maintenant pour vous c'est quelque chose de scientifiquement prouvé, que les scientifiques sont tous d'accord pour dire qu'il y a un changement climatique est ce que vous avez encore un doute là-dessus ?

    Caroline

    Je sais qu'il y a eu beaucoup de débats il y a encore quelque temps... euh je les lisais aussi comme ça...où tout le monde n'était pas d'accord...mais j'ai l'impression maintenant de plus en plus que les gens se mettent d'accord par rapport à ça. »

    Si la majorité des personnes sont convaincues de l'existence du changement climatique, nous pouvons alors nous demander si l'inertie face au problème ne réside pas dans le fait que nous n'y croyons pas vraiment.

    7.1.3 Pourquoi ne croyons nous pas à la catastrophe annoncée ?

    7.1.3.1 Controverse et incertitude

    « Nous sommes confrontés à une situation originale et neuve au regard de l'histoire. Dans une telle incertitude comment distinguer entre risques objectifs et perceptions délirantes, entre acquis scientifiques et rumeurs infondées ? » (D. Bourg, 2001, p.120).

    Nous venons de souligner le fait que la majorité des français se disent convaincus de l'existence du changement climatique. Il n'en reste pas moins qu'un quart d'entre eux continue d'être sceptiques sur la question, et pense que le changement climatique est une hypothèse sur laquelle les scientifiques ne sont pas tous d'accord. Lors des entretiens que nous avons réalisés, le manque d'information au sujet de la communauté scientifique qui étudie le changement climatique nous est apparu flagrant : seule une personne a évoqué les résultats du GIEC ou IPCC en anglais. Pourtant les résultats de « la réunion de l'IPCC » qui a eu lieu en début d'année 2007 ont largement été relayés par les médias grand public, notamment par les journaux télévisés. Nous émettons ici l'hypothèse que la difficulté à admettre le consensus scientifique autour de la responsabilité humaine du changement climatique peut s'expliquer par l'histoire jusqu'alors controversée du phénomène. En effet, si la communauté scientifique est, depuis plusieurs décennies, unanime à déclarer l'existence du changement climatique et la responsabilité humaine dans le phénomène, les médias ont fait naître sur le sujet beaucoup de controverses qui n'avaient pas lieu d'être. Il est donc difficile pour le grand public d'admettre avec certitude l'origine anthropique du changement climatique après avoir entendu pendant des années de faux débats sur le sujet.

    « A un moment donné il y avait eu un débat sur le fait que le changement climatique soit un phénomène scientifiquement prouvé. Est-ce que vous maintenant, vous êtes convaincue du fait que le changement climatique soit un phénomène scientifiquement prouvé ou est ce que vous en doutez ?

    Béatrice

    Euh...je pense que c'est difficile de savoir si c'est causé par l'homme ou si c'est un cycle normal. Parce que j'ai des vagues souvenirs de ce que j'ai pu lire quand j'était gamine sur la préhistoire ou des choses comme ca et ces changements d'ère où on est passé à des moments où il faisait très froid et des périodes où ca c'est réchauffé, peut être qu'on est dans une phase comme ca mais je sais pas vraiment, j'arrive pas vraiment à savoir si on est la cause de ca ou si c'est une mode. C'est-à-dire que tout d'un coup on c'est dit « oh beh tiens on va essayer de faire que les gens s'intéressent à l'écologie, un peu comme les concerts qu'il y a eu il y a pas très longtemps [earth concert] euh... c'est bien, c'est très trés bien mais au bout d'un moment, ca n'engage que moi, on arrive plus à savoir si c'est vrai, si c'est une mode ou si il y a des plus gros intérêts derrière... »

    7.1.3.2 Catastrophisme ; rôle de la peur

    « C'est parce que la catastrophe constitue un destin détestable dont nous devons dire que nous n'en voulons pas qu'il faut garder les yeux fixés sur elle, sans jamais la perdre de vue. » (J-P Dupuis, 2002, p.84)

    Craignons-nous le changement climatique ? Le discours des médias et des politiques sur le sujet est-il trop ou pas assez catastrophiste ? Avons-nous besoin d'avoir peur pour réagir ?

    A la question « au niveau mondial, qu'est-ce qui vous inquiète le plus pour l'environnement ? Le « réchauffement de l'atmosphère » arrive seulement en neuvième position. Le changement climatique n'est donc pas le problème environnemental qui préoccupe le plus les français. Ces derniers s'inquiètent par exemple davantage pour la question des centrales nucléaires. Nous trouvons intéressant de noter qu'aux yeux des français le risque induit par les centrales nucléaires, qui n'est pas pourtant scientifiquement prouvé (les probabilités qu'un accident se produise, existent peut être, mais sont faibles), est plus inquiétant que ceux induis par le changement climatique alors que ce problème représente aujourd'hui une certitude scientifique. Les discours de plusieurs interviewés nous ont confirmé le fait que de manière générale les français ne craignent pas le changement climatique :

    « Est-ce que face à l'évolution du phénomène, vous vous sentez plutôt confiante, vous pensez que l'on va trouver des solutions ? Quand on en parle, ça vous fait plutôt peur ?

    Pour être franche ça ne m'angoisse pas énormément. J'ai pas le temps.

    Caroline

    Béatrice

    Je ne sais pas par exemple si vous voyez un reportage sur les inondations...etc. ?

    Oui bien sur c'est angoissant, sur le moment c'est prenant, en tout cas c'est intéressant, c'est prenant. De là a m'angoisser complètement... peut-être que je ne me rends pas compte... parce que on en a parlé, quand même globalement assez récemment. »

    « Et est-ce que vous êtes confiante face à l'évolution du phénomène, est-ce que d'en parler cela vous fait peur ?

    Non ça ne m'angoisse pas [...] »

    Nous pouvons donc émettre l'hypothèse selon laquelle, la difficulté de mobilisation de l'opinion publique face au changement climatique, s'explique en partie par le fait que le phénomène ne fait pas peur. Or, « [...] pour percevoir concrètement les dangers cette opinion parait avoir besoin de crises graves, [...], ou l'épreuve d'une expérience personnelle directe » (J. Van Cauter 2003, p.78-79). Il reste cependant difficile de départager le débat sur le rôle du

    catastrophisme et de la peur dans le discours des médias et des politiques. Doit-on accuser ces acteurs de ne pas être assez « alarmistes », « catastrophistes » sur le sujet. Nicolas Van Rauglaudre nous rappel le sur ce point que :

    « Certains penseurs et acteurs prennent le parti selon lequel seule la peur peut être un mobile suffisant pour penser le futur. Si la peur peut être un bon aiguillon, elle n'est pas une bonne pédagogue. Le vrai moteur est le « désir de développement ». Avoir envie de développer la Planète, d'offrir à nos enfants des raisons d'espérer, travailler pour faire comprendre que rien n'est inéluctable (sous prétexte que certaines puissances semblent inaccessibles), appelle à une métamorphose des mentalités pour soutenir l'idée réaliste d'un avenir durable. » (J. Van Cauter, 2003, p.11)

    Dans le cas du changement climatique, la catastrophe nous parait impossible tant qu'elle ne s'est pas produite. La perspective de la catastrophe ne nous émeut pas, elle nous laisse indifférent. Si l'on sait les choses peut être ne les croyons nous pas...

    7.1.3.3 Nous savons les choses mais nous ne les croyons pas

    « Admettons que nous soyons certains, ou presque, que la catastrophe est devant nous, comme le lapsus des théoriciens de la précaution le donne à penser. Le problème est que nous ne le croyons pas. Nous ne croyons pas ce que nous savons. Le défi qui est lancé à la prudence n'est pas le manque de connaissance sur l'inscription de la catastrophe dans l'avenir, mais le fait que cette inscription n'est pas crédible » (J-P Dupuis, 2002, p.142).

    « Nous tenons la catastrophe pour impossible dans le même temps où les données dont nous disposons nous la font tenir pour vraisemblable et même certaine ou quasi certaine. [...] Ce n'est pas l'incertitude, scientifique ou non, qui est l'obstacle, c'est l'impossibilité de croire que le pire va arriver. [...] La situation présente nous montre que l'annonce des catastrophes ne produit aucun changement sensible, ni dans nos manières de faire, ni dans nos manières de penser. Même lorsqu'ils sont informés, les peuples ne croient pas ce qu'ils savent» (J-P Dupuis, 2002, p.142-143).

    Dans son ouvrage Pour un catastrophisme éclairé, J-P Dupuis a développé la thèse selon laquelle nous ne réagissons pas devant les catastrophes annoncées non pas parce que nous n'avons pas les connaissances qui permettent de les prédire, mais parce que nous n'y croyons pas. En effet, dans le cas du changement climatique la communauté scientifique nous a fourni des données fiables qui permettent de prédire la catastrophe à venir. De même, bon nombre de personnes pourtant bien informées sur le sujet ne changent pas pour autant leur comportement. Ceci s'expliquerait-il comme le laisse à penser Dupuis par le fait que nous ne croyons pas au changement climatique ?

    Ceci est possible car comme il l'explique, on ne croit pas à la catastrophe dans la mesure ou on ne peut pas imaginer que le pire puisse arriver avant de l'avoir expérimenté. En complément de la thèse de Dupuis, nous pouvons penser que nous ne croyons pas ce que nous savons parce que nous croyons seulement ce que nous voulons croire. Nous pensons que dans le cas du changement climatique, notre immobilisme n'est pas seulement dû au fait que la catastrophe annoncée ne nous apparaît pas comme crédible mais au fait que nous préférons, consciemment ou non ne pas y croire. La question que nous devons nous poser est alors, quels sont les facteurs qui expliquent que nous préférons ne pas croire au changement climatique ? Nous allons donner des éléments de réponse à cette question dans la suite de cette analyse.

    7.1.4 La temporalité et la globalité du phénomène comme obstacle

    « Voilà donc que nous apparaissons désormais responsables, ou du moins corresponsables, d'une action collective dont les développements et les effets nous sont largement inconnus ; voilà que se trouve brisé le cercle de proximité qui m'obligeait seulement à l'égard du proche et du prochain, et distendu le lien de simultanéité qui me faisait comptable des effets immédiats, ou à tout le moins voisin, des actes que je posais aujourd'hui. » (F. Ost, 1995, p.267)

    Deux caractéristiques propres au phénomène constituent selon nous un obstacle à la lutte contre le changement climatique : il s'agit de sa temporalité et de sa globalité. En effet, pour comprendre l'écart entre conscience écologique et pratiques individuelles, il faut garder à l'esprit que les conséquences du changement climatique sont différées dans le temps et dans l'espace. C'est-à-dire que les personnes qui bénéficient aujourd'hui de la possibilité d'émettre des gaz à effet de serre ne sont pas nécessairement celles qui devront en assumer les coûts : les émission rejetées aujourd'hui participent à un phénomène global qui s'inscrit à longue échelle dans le temps et dont les conséquences seront différentes selon où l'on se situe sur la planète (nous pensons ici particulièrement au habitants insulaires qui seront les premières victimes de la montée du niveau de la mer).

    7.1.4.1 La difficulté à gérer le long terme dans une société de l'instantanéité

    La mise en place d'une lutte efficace contre le changement climatique sous entend l'adoption d'une vision à long terme du problème. Or, il semblerait que ce type de vision ne soit pas celle avec laquelle nous composons en règle générale dans les sociétés occidentales :

    « Elles [la réflexion et l'action écologique] sont par excellence aux antipodes d'un système économique de productivité et d'efficacité qui s'actualise dans l'instant et qui se sert de la fausse durée technologique pour se justifier rationnellement. » (J. Van Cauter, 2003, p.108).

    Comment le « développement durable » peut-il être la nouvelle valeur de sociétés qui vivent dans l'immédiateté ? Comme le souligne Van Cauter et Rauglaudre la première difficulté se situe dans la « divergence de forme de temps », c'est-à-dire dans la différence entre les représentations du temps des individus selon leur intérêt immédiat, et la vision long terme nécessaire pour aller dans la direction d'un « développement durable ». Dans notre cas, le problème réside donc dans le fait qu'une grande majorité des individus n'estiment pas être affectés par les conséquences du changement climatique dans le temps présent et que les logiques de l'individualisme (nous reviendrons sur ce thème plus loin dans l'analyse) font qu'ils ne se soucient pas du temps futur. Si, il n'est aujourd'hui plus politiquement correct de dire que nous n'avons pas à nous soucier des générations futures ce qui importe est que nous, nous ne subissions pas les conséquences du changement climatique :

    Myriam

    « Si je pense égoïstement je me dis que moi j'y serais pas, mais je pense qu'on va vers... que la terre va quand même changer, ya des projections, ya des images qui me viennent ou l'eau a envahi telle région mais ça sera dans plusieurs euh... peut être dans un millier d'années (rires) on y sera plus (rires). Mais justement, il faut quand même se préoccuper des générations à venir. »

    Caroline « On sait que c'est bien, mais ça nous touche pas directement, pour l'instant. »

    Il n'existe donc pas de système de récompenses et de sanctions immédiates vis-à-vis de la lutte contre le changement climatique. Quand nous émettons des gaz à effet de serre, nous n'en payons pas les conséquences aujourd'hui, et si nous décidons de nous investir dans la lutte contre le changement climatique, les récompenses sont elles aussi invisibles dans le présent à cause de l'inertie du phénomène (nous n'avons pas la satisfaction que peut procurer par exemple les résultats de la dépollution d'un site après une marée noire). Il s'agit donc d'intégrer ou plutôt « réintégrer » le temps long (passé comme futur) dans nos visions du monde, alors que nous vivons dans une société qui « n'a pas le temps » qui se focalise dans l'immédiat, et dont les logiques sont des logiques à court terme.

    7.1.4.2 Individuel versus global

    Tout comme la dimension temporelle, la dimension planétaire des risques écologiques n'est
    pas ancrée dans les mentalités de l'ensemble de la population. Cela est du, nous l'avons vu, au
    manque d'une approche complexe du problème. Les individus ont du mal à percevoir

    comment leurs pratiques individuelles (niveau local) peuvent influer sur le niveau global. Ainsi, il est plus facile de motiver des personnes à lutter contre des problèmes écologiques d'échelle locale (pollution des sols, d'une rivière...) que d'échelle globale. Cette échelle planétaire ou globale est souvent le domaine de l'environnement « invisible », que l'homme a du mal à appréhender de manière quotidienne (Lévèque, 2003, p.122). De plus, nous verrons plus tard que la globalité du phénomène pose problème en ce qui concerne les questions de responsabilité.

    A ces difficultés d'appréhender la temporalité et la globalité du phénomène s'ajoute la difficulté à gérer un phénomène qui est invisible et incertain.

    7.1.5 Comment gérer l'invisible et l'incertain

    7.1.5.1 Un problème « invisible »

    « [...] un risque invisible est plus facilement nié, ou au contraire dramatisé. En outre, parce que ces risques échappent à nos sens, la science devient le médiateur nécessaire pour les appréhender : elle seule a les instruments pour les mesurer »

    « La « déplétion » de la couche d'ozone, le réchauffement climatique dû à l'effet de serre anthropogénique, la pollution radioactive, l'accumulation de contaminants divers dans les graisses animales, l'acidification des terres et de l'atmosphère, la fragilisation des sols, la pollution due aux pots d'échappements eux-mêmes... : tous ces grands problèmes qui se posent à l'échelle mondiale, ne sont guère accessibles aux sens ou à l'expérience immédiate » (D. Bourg, 2001, p.1 12).

    La crise environnementale provoquée par le changement climatique reste un phénomène peu perceptible par nos sens. Que ce soit les causes du problème ou ses conséquences, nous restons en effet largement dans le domaine de « l'invisible ». Notre expérience personnelle ne nous permet pas d'identifier le phénomène, de même il est impossible de mesurer ce phénomène spontanément. Ainsi, nos émissions quotidiennes de gaz à effet de serre passent inaperçues, excepté peut être celles de nos pots d'échappement. En effet, les émissions contenues, par exemple, dans notre consommation alimentaire ne sont pas « visibles » (quand je mange 1 kg de fruits et légumes, je ne vois pas les 150 grammes de gaz à effet de serre qui ont été nécessaires pour qu'ils arrivent dans mon assiette). De même, nous ne souffrons pas quotidiennement du problème du changement climatique. Il apparaît donc difficile de se préoccuper de quelque chose que l'on ne voit pas, que l'on ne sent pas. C'est pourquoi les

    médias parlent du changement climatique quand ils ont l'impression que le phénomène se « concrétise » : canicules, manque d'enneigement...

    Un autre point qui parait aller à l'encontre de la lutte individuelle contre le changement climatique réside dans l'imprévisibilité exacte du phénomène.

    7.1.5.2 Des risques « incertains »

    Il n'est pas question ici, de remettre en cause les certitudes scientifiques au sujet de l'existence du problème du changement climatique. Nous entendons par « risques incertains » les « zones d'ombre » qui persistent autour du problème. En effet, même si les scientifiques élaborent des scénarios de plus en plus pointus sur les conséquences du changement climatique, une part d'incertitude demeure. On ne peut pas répondre par exemple, avec certitude, à la question de savoir de combien la température moyenne augmentera si les émissions de gaz à effet de serre se stabilisent au niveau actuel. La communauté scientifique peut, sur ce point, nous donner des ordres de grandeur, mais il reste impossible de prévoir avec exactitude les conséquences du changement climatique. Or il semblerait que nos sociétés ne soient plus habituées à gérer l'incertitude. Les progrès de la science nous ont habitués à vivre dans un monde de plus en plus « certain ». Les sociétés industrielles ont ainsi du mal à intégrer le principe de précaution selon lequel ; « face à des menaces graves, qualifiées d'irréversibles, dans le domaine de l'environnement, on ne doit pas attendre d'avoir acquis une certitude scientifique pour agir » (D. Bourg, 2001, p.145). Ce principe préconise donc, face à un problème grave, de ne pas attendre d'être en possession de la totalité de certitudes scientifiques sur ce problème pour passer à l'action. Ce problème se reflète dans le discours de certains des interviewés qui reconnaissent que s'ils étaient plus directement menacés ou si les scientifiques faisaient preuve de certitudes plus alarmistes, ils seraient davantage enclins à modifier leurs comportements.

    Caroline

    « Et si on vous disait que les conséquences allaient venir beaucoup plus rapidement, ça serait peut être plus angoissant à ce moment là ?

    Bien sûr, ouais c'est comme tous les sujets... si tout d'un coup on nous dit plus précisément ce qui va se passer, et se passer plus vite... bien sûr c'est flippant. En plus, on tient à notre planète comme tout le monde, mais là je me rends pas non plus tellement compte de toutes les conséquences que ça va engendrer...je vous ai cité comme ça quelques exemples... mais est-ce que moi ça va me toucher réellement dans ma vie ? et est-ce que je me rends compte oui... déjà de tout manière ce qui se passe avec toutes ces inondations et tout ça c'est horrible parce que je sais qu'il y a des gens qui périssent dedans. Bien sûr qu'on est touché mais y'a tellement de choses d'horribles dans ce monde. »

     
     

    7.2 Contraintes propres aux contextes

    Selon J-P Bozonnet1 les deux modes de d'intervention de l'Etat sont l'introduction de contraintes et celle de ressources supplémentaires dans le paradigme de l'action. L'Etat peut ainsi rendre les contextes d'action davantage favorable aux changements de comportement. Pour cela, les pouvoirs publics peuvent introduire des contraintes d'ordre financier (taxes sur les carburants), mais aussi des contraintes sur l'aménagement du territoire (= contexte physique) ou en bien encore utiliser l'appareil législatif (= contexte normatif), afin de donner à chaque individu l'assurance que les autres s'engageront aussi dans la lutte contre l'effet de serre. Son action peut aussi passer par l'introduction de nouvelles ressources d'ordre financier (réduction d'impôts, subvention à l'achat de technologies moins polluantes) ou bien concernant l'aménagement du territoire (pistes cyclables). Le rôle des pouvoirs publics est sans précédent étant donné qu'aujourd'hui, la plupart des pratiques environnementales domestiques, sont plus ou moins dépendantes des contextes dans lesquelles elles se déroulent (par exemple, on ne peut pas se rendre au travail en bus si la commune ou l'on habite n'est pas dotée d'un réseau de transport urbain). Nous allons donc voir comment aujourd'hui les contextes normatifs, moraux et physiques représentent, sous certains aspects des contraintes aux changements de comportements en faveur de la lutte contre le changement climatique.

    7.2.1 Contexte normatif et moral : des normes et des valeurs peu
    favorables à la lutte contre le changement climatique.

    7.2.1.1 Des normes peu contraignantes

    Il existe quelques normes, sous forme de lois, qui visent à lutter contre l'effet de serre, comme par exemple le fait d'imposer des normes à respecter au niveau de la consommation des appareils électriques lors de leur construction... Cependant, ces normes restent très marginales et surtout, elles ne concernent pas directement les pratiques individuelles. En effet, il est difficile de penser une loi qui, par exemple, fixerait un taux d'émission annuel de gaz à effet de serre, par personne, à ne pas dépasser : il est très difficile voir impossible de contrôler les émissions individuelles de gaz à effet de serre. On pourrait, par exemple, penser à la

    1 BOZONNET Jean-Paul, (25 et 26 juin 2007). « De la conscience écologique aux pratiques. Pratiques domestiques et politiques environnementales à la lumière des théories du choix rationnel et des valeurs », Toulouse, Actes du colloque Environnement et Politiques, CR23 AISL et CERTOP-CNRS, 279-287.

    création d'un kilométrage de voyage en avion à ne pas dépasser, mais ce type de mesure serait pris comme une atteinte aux libertés individuelles. Il nous semble donc, que le système législatif a peu de marge de manoeuvre pour lutter contre les émissions individuelles de gaz à effet de serre. Il convient alors, de nous intéresser au rôle des normes implicites (usages et moeurs) dans la lutte contre le changement climatique.

    Tout comme les lois, les normes morales du type réprobation nous apparaissent quasi inexistantes et d'impact modeste. Par exemple, le fait de conduire une Ferrari n'est pas réprimée négativement bien au contraire, de multiples signes (compliments sur la voiture, regard envieux...) provenant d'autres individus feront que cette personne se sentira valorisée par son action. Des explications sont donc à chercher dans nos systèmes de valeurs.

    7.2.1.2 Des valeurs contradictoires

    Si les français se disent en majorité, soucieux des problèmes d'environnement et du changement climatique, il nous est apparu que ces valeurs « écologistes » rentrent largement en conflit avec d'autres types de valeurs. Dans le cas qui nous intéresse, nous avons identifié certaines valeurs, partagées par une grande partie de la population, qui nous semble aller à l'encontre de la lutte individuelle contre l'effet de serre. Bien entendu cette liste n'est pas exhaustive :

    · les valeurs individualistes : le « moi d'abord » (nous développerons ce point plus en détail par la suite).

    · les valeurs matérialistes : « le toujours plus » la reconnaissance sociale d'une personne se fait en grande partie par rapport à ses acquisitions de biens matériels (voiture, tenue vestimentaire...), le confort est assimilé à l'acquisition de biens matériels.

    · la valorisation de la vitesse : «le toujours aller plus vite ».

    · la valorisation des nouvelles technologies indépendamment de leur impact sur l'environnement.

    · le goût pour l' « exotisme » de manière générale : le « toujours plus loin » (par exemple partir en voyage dans des îles lointaines est plus valorisé que de faire du tourisme rural en France)


    ·

    ...

    Il est donc tout à fait possible que le système de valeur d'un même individu soit composé, à la
    fois de valeurs allant dans le sens de la lutte contre le changement climatique (respect de la
    nature, souci des générations futures...), mais aussi de valeur constituant des obstacles à cette

    lutte (valeurs que nous venons de lister). Voici un exemple de contradiction dans le discours d'un interviewé qui, d'un coté est d'accord pour dire que le problème du changement climatique est préoccupant, et de l'autre partage les valeurs suivantes :

    «Plus on roule vite, plus on consomme d'essence, et donc plus les rejets de CO2 sont importants. Par exemple si on roulait à 110 km/h plutôt que 130 on participerait moins au changement climatique. Est ce que vous, sachant ça, ça vous dérangerait que l'on limite la vitesse sur autoroute à 110 ?

    Caroline

    [...] rires, oui je trouve que déjà on peut pas rouler assez vite. Parce que j'ai un mari qui conduit très bien et assez vite et c'est vrai que moi j'ai l'habitude et j'aime bien... autant je comprends en ville, je trouve que les gens roulent trop vite en ville et c'est dangereux parce qu'il y a des piétons, donc ça en ville je serai assez stricte. Mais sur autoroute non...je sais pour la planète... mais égoïstement ça m'embêterait...

    Parce que c'est un gain de temps de rouler plus vite.

    Oui, c'est une perte de temps pour moi de rouler à 110. Du coup on gagne du temps, déjà on en a pas beaucoup les week-ends, et moi perdre du temps en voiture c'est un des trucs qui me rend folle.

    [...] moi je l'ai [un jet privé] pris qu'une fois dans la vie mais de voir, mais c'est un truc euh... [admiration] c'est incroyable ça veut dire vous arrivez donc déjà vous attendez pas vous passez à la douane tout seul, vous posez vos valises on s'occupe de tout, vous rentrez dans l'avion, il décolle. Vous atterrissez deux heures plus tard par exemple pour aller à... à coté...pas à Madrid mais à... bref n'importe où que ce soit. Vous atterrissez et ils ont la voiture à coté et ils repartent donc ça veut dire : zéro perte de temps.

    L'individu doit donc gérer ces contradictions internes, nous verrons de quelle manière il peut le faire dans la dernière partie de ce chapitre qui est consacré aux situations de dissonance.

    7.2.2 Les failles du système législatif face à la gestion du problème : le climat un bien collectif et la question de la responsabilité

    De manière globale, on peut dire que le système législatif français n'incite guère les individus à s'engager dans la lutte contre le changement climatique. Dans certain cas, et comme l'illustrent les propos suivants ce contexte peut même constituer une réelle contrainte aux changements de comportement.

    Dans le Sud on sait que c'est intéressant de mettre des panneaux solaires, pourquoi vous ne l'avez pas fait ? Vous n'étiez pas assez informé ? parce-que ça coûte trop cher ?

    Corinne

    Non ...parce qu'à l'époque...je vois ma fille eux voulaient le mettre. Mais dans le site du Luberon à la Motte d'Aigue on leur interdit un grand panneau solaire.

    Par ce que ça défigure...

    Voilà, c'est pourtant curieux, on est en 2007, et on leur a déconseillé d'abord, puis interdit ensuite de mettre un panneau solaire parce que ça détériore le paysage. C'est grave, on surveille l'image visuelle et on pense pas...y a du travail à faire. C'est bien que nous on soit informés, mais à mon avis faudrait déjà que les hommes politiques fassent en sorte...

    De créer un cadre favorable...

    Voila, qu'on y travaille dessus et qu'on mette en place quelque chose de sérieux [...]

     
     
     

    Si, nous l'espérons, ces propos restent anecdotiques nous avons de manière plus générale constaté deux failles dans le système législatif. Il s'agit de son incapacité à poser des règles de gestion d'un bien collectif, le climat, auquel est liée la difficulté à gérer la question de la responsabilité.

    7.2.2.1 Le climat : un bien collectif

    « Imaginons, explique Hardin, une prairie ouverte à tous. On peut s'attendre à ce que chaque berger essaie d'élever autant d'animaux que possible sur la prairie commune. Guère de problème tant que leur nombre ne porte pas atteinte aux capacités de régénération de la ressource en herbe. Arrive cependant un point où celle-ci vient à se raréfier. Chaque berger s'en rend compte et peut même s'en inquiéter. Mais individuellement, il ne peut modifier cette situation. Au contraire, en tant que « berger rationnel », il a tout intérêt à augmenter le nombre de têtes de bétail qu'il conduit à la pâture : en toute hypothèse, son bénéfice reste supérieur à la fraction du désavantage qu'il supporte du fait de la détérioration accrue de la ressource collective. On entre ainsi dans la tragédie infernale de la tragédie des biens communs : chacun est enfermé dans un système qui le conduit à accroître son troupeau sans limite dans un contexte de ressources limitées. Et bientôt s'impose la conclusion : la liberté des biens communs conduit à la ruine de tous. [...] Dans une telle situation, tout se passe comme si la rationalité poussait chacun à adopter le comportement du « passager clandestin » (free rider) qui cherche à maximiser son intérêt sur le compte d'autrui. » (Ost, 1995, p.130)

    Nous pouvons considérer le climat comme un bien collectif (il n'existe pas de propriétaires du climat), une des caractéristiques des biens collectifs étant la privatisation des bénéfices et la socialisation des coûts. Or, plusieurs auteurs comme G. Hardin (1968) et Olson (1966) ont démontré que les biens collectifs sont soumis à la logique du « free-ride » : « en l'absence de contrainte, la conduite la plus rationnelle pour un individu est de profiter de ce bien en se dispensant des sacrifices pour l'entretenir ». Au niveau individuel, cette logique veut donc que les français ne s'engagent pas dans la lutte contre le changement climatique. Si un

    individu s'engage dans cette lutte ses « sacrifices » profiteront à l'humanité dans son ensemble, mais il n'est pas assuré que les autres « terriens » consentent les mêmes sacrifices. Ainsi, on retrouve dans les discours cette idée de volonté d'action à condition que les autres (citoyens, entreprises, Etats) agissent dans la même direction.

    Le problème se trouve donc dans le fait que les sociétés capitalistes ne savent plus gérer les biens communs. Dans le but de prévenir la « tragédie des biens communs », Hardin proposait comme solution la réglementation politique et l'appropriation privée. Ceci nous amène à rappeler, comme nous l'avons évoqué plus haut, la faiblesse des lois qui régissent la limitation des émissions individuelles de gaz à effet de serre (il n'existe pas de législation propre à la limitation des émissions individuelles de gaz à effet de serre). La règlementation politique apparaît donc insuffisante pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre. Reste la deuxième option, celle de l'appropriation privée. Sur ce point, on peut dire que la naissance de marchés de carbone à échelle international constitue un premier pas vers la privatisation des quotas d'émissions de CO2. Cependant, l'application de ce système au niveau individuel semble quasi impossible. S'il était possible d'envisager de fixer un quota d'émissions de gaz à effet de serre par habitant (par exemple 500 tonnes de CO2 par personne si l'on suit le raisonnement de J-M Jancovici selon lequel ce niveau est le maximum que l'on puisse émettre tout en ...), mais le problème qui se pose ensuite est : comment vérifier que telle ou telle personne ne dépasse pas son quota ? La responsabilisation face au problème du changement climatique ne semble donc pas trouver de réponse dans la privatisation du climat à travers un système de quotas individuels d'émissions de gaz à effet de serre.

    7.2.2.2 La question de la responsabilité : la difficulté à gérer un problème partagé « Quel sacrifice consentir dans le présent, et à quelle hauteur, au nom d'un futur incertain ? Quel poids accorder aux générations futures ? ». (Bourg, 2001, p.149)

    La question de la responsabilité est au coeur du questionnement sur les raisons de notre immobilisme face au changement climatique. Réagir face à ce problème, nécessite un débat de société ou une réflexion personnelle sur les questions posées par D. Bourg et de manière générale sur des questions d'ordre morale comme : quels sont les risques que l'on peut tolérer et ceux qui sont intolérables ? Qui est responsable des émissions de gaz à effet de serre ? Envers qui somme-nous responsables ? ...

    Rejet et délégation de la responsabilité :

    « Comment engager des responsabilités et imposer des solutions dès lors que, de toute évidence, l'effet de serre résulte de l'action cumulative de centaines de millions de comportements individuels non délibérés ? » (Ost, 1995, p.265).

    Si la plupart des interviewés considèrent que nous sommes tous responsables du changement climatique, il est intéressant de noter qu'ils ne paraissent pas assumer cette responsabilité. Nous avons pu constater dans leurs discours, qu'ils rejettent la responsabilité sur d'autres entités, en particulier sur le politique :

    Julien

    « Beh en fait faudrait qu'y ait un changement politique mais qui influe...qui soit pas uniquement politique, qui soit plutôt justement ce déclic qui influe sur les mentalités qui face comprendre à l'ensemble de tous les acteurs quels qu'ils soient que c'est l'enjeu majeur de nos sociétés et donc au final que ça soit juste le starter quoi, et qu'après tous, toutes les associations, tous les acteurs économiques puissent en même temps essayer de faire quelque chose mais que ça soit plus uniquement politique. »

    Olivier

    « [...] mais quand à moi-même à part les maigres petites modifications de bon sens que je citais tout à l'heure je me sens plutôt démuni parce que en tant que citoyen lambda on a pas les moyens pour réagir vraiment... c'est une sorte de délégation à nos femmes et hommes politiques au niveau international, en espérant que comme il y avait eu la conférence de Kyoto je crois enfin etc. voila disons espérons que ça porte ses fruits et qu'il y en ait d'autres »

     
     

    Myriam

    « [...] moi je crois plus à essayer de convaincre les gens de voter pour untel ou untel pour changer quelque chose dans notre société... c'est pas les gens comme ça individuellement qui peuvent faire grand-chose, il peuvent mais je pense qu'il faudrait mieux quand même élire ou faire en sorte qu'il y ait des gens au gouvernement qui se préoccupent plus de l'écologie... »

     
     
     

    Tout parait valable pour ne pas assumer notre responsabilité individuelle dans le changement climatique. Les français accusent ainsi ceux qui « polluent plus », c'est-à-dire les grandes industries, un voisin qui possède un 4x4, ou bien encore les pays « en développement »

    Myriam

    « Voilà, je pense que si tout le monde s'y mettait un peu, enfin je pense que dans les pays occidentaux et les pays développés on a conscience de ça, plus que dans les pays qui sont moins développés, ils ont tellement besoin de produire qu'ils se préoccupent pas de la pollution. »

     
     
     

    Sommes-nous donc irresponsables face au problème du changement climatique ? Si nous considérons « qu'être irresponsable, c'est exercer un pouvoir sans assumer les obligations correspondantes » (Ost, 1995, p.269) alors nous pouvons dire qu'en effet nous sommes irresponsables face à ce problème.

    Une responsabilité envers qui ?

    Lorsque l'on parle des conséquences du changement climatique, très rapidement, nous évoquons les générations futures, étant donné que celles-ci seront davantage victime du problème du changement climatique que les générations actuelles. Mais le sentiment de responsabilité envers les générations futures est-il communément accepté ? Lors d'une conférence à laquelle j 'ai assisté, un universitaire soutenait l'argumentation selon laquelle, du fait qu'elles ne sont pas encore nées, les générations futures n'ont aucun droit à faire valoir. Ceci remet donc en question la nécessité de la lutte contre le changement climatique, étant donné que ce problème ne remet pas directement en cause notre survie et que celle des générations futures n'a pas d'importance. Or, d'autres auteurs comme H. Jonas, proposent une vision différente en affirmant le droit à la vie des générations futures au nom d'une « obligation de l'avenir » d'une « éthique du future ». Il semblerait que cette deuxième vision d'une obligation envers les générations futures soit plus communément acceptée par l'opinion. Cependant, on peut souligner que s'il est facile d'adopter ce point de vue plus « politiquement correct » que le premier, là encore cette valeur n'a pas un grand pouvoir d'influence sur nos actions. Tout comme le fait que nous ne vérifions pas quelles ont été les conditions sociales de production de nos achats (travail d'enfants...), nous ne réfléchissons pas aux conséquences que peuvent avoir nos pratiques quotidiennes sur la survie des générations futures. Ce paradoxe va même chez certaines personne interviewées jusqu'à affirmer d'une part, qu'il est nécessaire de penser aux générations futures (« Et puis après c'est sûr dès qu'on a des enfants... bien sûr...on est concernés ») mais que d'autre part, bien qu'elles aient conscience des impacts de certaines de leurs pratiques, elles affirment qu'elles ne sont pas prêtes à en changer (« Ca m'embêterait beaucoup de plus pouvoir le [l'avion] prendre. Non ça m'embêterait, franchement non, je suis tout à fait consciente que ça détruit peut-être la planète mais c'est très dur d'avoir goûté et de changer après »). Les valeurs individualistes, dont nous parlerons un peu plus loin dans l'analyse et qui sont au coeur de nos sociétés occidentales peuvent peut être nous éclairer sur ce paradoxe.

    7.2.3 Le contexte physique : les infrastructures

    Nous avons pu constater à travers les entretiens réalisés que de nombreux comportements en faveur de la lutte contre le changement climatique ne sont tous simplement pas réalisés car ils ne dépendent de facteurs externes qui font déficience. C'est le cas du manque d'éléments d'infrastructure tel que les réseaux de transport en commun. Ainsi, des personnes qui

    accepteraient de changer de pratique afin de limiter leur impact sur le changement climatique ne peuvent pas le faire tout simplement car le contexte rend ces pratiques impossible.

    Olivier

    « [...] je déplore vraiment que surtout en zone rurale on ai pas de moyens de transport collectifs qui éviteraient qu'on se retrouve obligé de prendre sa voiture individuelle mais malheureusement le petit village ou j'habite nous n'avons même pas une ligne de car qui nous dessert ».

    7.3 Contraintes propres à l'individu

    7.3.1 Le syndrome de la « goutte d'eau »1

    Face au caractère global du phénomène, bon nombre d'individus se sentent impuissants. Ils voient alors de manière négative l'impact que pourrait avoir une action individuelle sur le changement climatique : ils ne sont que des « gouttes d'eau dans l'océan ».

    Olivier

    « [...] mais quant à moi-même à part les maigres petites modification de bon sens que je citais tout à l'heure je me sens plutôt démuni parce que en tant que citoyen lambda on a pas les moyens pour réagir vraiment... c'est une sorte de délégation à nos femmes et hommes politiques au niveau international, en espérant que comme il y avait eu la conférence de Kyoto je crois enfin etc. voila disons espérons que ça porte ses fruits et qu'il y en ai d'autres. »

     
     

    Julien

    « [...] J'aimerais pouvoir faire en sorte d'influer sur ce changement de mentalité et d'être un acteur d'un espèce de renouveau mais je dirais que je suis mal à l'aise par rapport à ça de pouvoir rien faire, d'être impuissant, d'être impuissant de pas pouvoir faire changer les choses mais en plus d'en être un des responsables [...]»

     
     
     

    D'une part, nous pouvons expliquer ce sentiment d'impuissance par le manque d'une vision complexe du phénomène : si un individu ne comprend pas de quelle manière il a un impact sur le changement climatique, il est clair qu'il ne verra pas en quoi une modification de son comportement individuel peut participer à un changement plus général. Mais d'autre part nous remarquons que l'argument « ce que je fais ne changera pas les choses » participe largement à un processus de déresponsabilisation que nous expliciterons davantage à travers le concept de dissonance cognitive. Le schéma suivant résume les principales raisons qui peuvent conduire à un processus de déresponsabilisation.

    1 Francine Pellaud, (2000). L'utilisation des conceptions du public lors de la diffusion d'un concept complexe, celui de développement durable, dans le cadre d'un projet en muséologie, Genève, Université de Genève, Faculté de Psychologie et des Sciences de l'éducation, 454 p.

    7.3.2 L'individualisme comme valeur centrale des sociétés modernes

    « Tout se passe comme si l'attention que chacun porte à son propre devenir, et qui nourrit sa sensibilité face aux risques nouveaux qui semblent l'assaillir, entravait toute forme de réponse collective à ces mêmes risques » (Bourg, 2001, p.65)

    7.3.2.1 L'individualisme moderne : un obstacle à la lutte contre le changement climatique

    Nous entendons par individualisme l'idéologie selon laquelle, dans nos sociétés, l'individu est devenu « LA » valeur par excellence. L'intérêt individuel prime alors sur l'intérêt collectif. Est-il alors possible d'agir dans le sens de l'intérêt collectif que représente la lutte contre le changement climatique quand, dans un même temps, cette lutte peut porter atteinte à notre vision des intérêts individuels ?

    Il semblerait que la plupart de nos actions soient guidées par notre l'intérêt individuel. Nous pouvons constater ce phénomène quand il s'agit d'approuver des mesures pour lutter contre le changement climatique :

    « L'intérêt écologique d'une telle décision [augmentation des taxes sur l'essence], le fait qu'elle puisse inciter chacun de nous à restreindre l'usage des transports individuels et pousser les constructeurs à se soucier avant tout de l'optimisation énergétique des véhicules, disparaît devant les égoïsmes individuels et les soupçons à l'encontre de l 'Etat, considéré comme acteur parmi d'autres et non comme l'expression de l'intérêt général » (Bourg, 2001, p.63).

    Nous pourrions résumer l'état d'esprit de l'opinion face aux efforts à consentir pour apporter des solutions au changement climatique de la manière suivante : « la lutte contre le changement climatique, oui, mais à conditions que mes intérêts personnels ne soient pas remis en cause ». Comme le souligne M. Dobré « il n'y a pas [...] de raison d'imaginer qu'un individu soucieux avant tout de son intérêt autolimite son confort et son bien-être au nom des générations futures [...] » (Dobré, 2002, p.186,). Or, nous le savons, diminuer nos émissions de gaz à effet de serre de manière à lutter efficacement contre le changement climatique implique un changement plus ou moins radical de mode de vie. Ce changement est généralement perçu comme une atteinte aux libertés individuelles, une perte de confort ... choses auxquelles les français ne paraissent pas prêts à renoncer. Cet esprit individualiste des sociétés industrielles constitue donc un obstacle radical à la diffusion de pratiques favorables à la lutte contre le changement climatique.

    Si d'un coté nous pouvons interpréter l'immobilisme des pratiques face au changement climatique comme le résultat d'une réflexion individualiste, l'adoption de pratiques en faveur de la lutte contre le changement climatique n'est pas pour autant à interpréter comme le résultat d'un souci de protection de l'environnement. Prenons l'exemple de la consommation issue de l'agriculture biologique : on consomme moins BIO pour préserver l'environnement que pour préserver sa santé, ou avoir le plaisir de manger des aliments plus goûteux.

    Il faut cependant garder à l'esprit qu'individualisme et conscience environnementale ne sont pas antinomiques :

    « [...] la conscience environnementale peut aussi être liée à l'égoïsme. Elle est accrue lorsqu'un individu se sent menacé par des risques environnementaux ou lorsque qu'il juge que des efforts de protection pourront lui apporter des bénéfices. Par contre, s'il évalue que de tels efforts peuvent entraîner des coûts indésirables pour lui-même, sa conscience verte peut s'estomper. » (Gendron, 2007).

    De manière générale on retrouve des traces de cet esprit individualiste dans les motivations de nos actions. Il n'est pas ainsi étonnant de constater que face au changement climatique l'action rationnelle en finalité l'emporte sur l'action rationnelle en valeur.

    7.3.2.2 Face au changement climatique l'action rationnelle en finalité l'emporte sur l'action rationnelle en valeur

    Devant le problème du changement climatique, il est possible pour un individu d'adopter deux types d'actions rationnelles : l'action rationnelle en valeur ( « je suis préoccupé par la survie des générations futures donc je participe à la lutte contre le changement climatique ») ou l'action rationnelle en finalité (« je suis préoccupé par la survie des générations futures, mais si je m'engage dans la lutte contre le changement climatique les coûts de cet engagement seront supérieurs aux bénéfices que j'en tirerai »). Il nous semble que c'est davantage à ce deuxième type de rationalité (en finalité) que les acteurs ont recours quand il s'agit de prendre une décision quand aux pratiques à adopter face à ce problème du changement climatique. J- P. Bozonnet précise que de manière générale « l'engagement dans les pratiques environnementales est proportionnel au coût de ces pratiques pour l'usager. Il est d'autant plus grand que les valeurs écologiques se superposent à l'intérêt individuel, et d'autant plus faible qu'elles s'en écartent. Ainsi les consommateurs chercheront spontanément à réduire leur consommation d'essence, mais pas nécessairement à substituer le train à l'automobile ». L'intérêt économique parait être une source de motivation très importante des pratiques en règle générale. Ceci explique que, bon nombre d'individus ne sont pas incités à adopter certaines pratiques qui contribuent à la lutte contre le changement climatique (achat de produit BIO, installation de chauffe-eau solaire, avion moins cher que le train...) étant donné leur surcoût financier. A l'inverse, ce sera la perspective d'un gain économique qui pourra inciter ces personnes à adopter des pratiques moins émettrices de gaz à effet de serre : installations de lampes basses consommation, économie d'électricité... De manière générale, nous pouvons mettre en évidence l'incapacité du système de marché à motiver les pratiques dans le sens de la lutte contre le changement climatique. La motivation des pratiques par l'intérêt économique (action rationnelle en finalité) explique donc en partie l'écart sensibilité/pratiques : un individu est davantage motivé par la finalité de son action (gain économique) que par les valeurs qui pourraient l'influencer.

    7.3.3 Notre dépendance aux technologies polluantes

    « Il est aussi difficile de se défendre contre la généralisation du monopole que contre l'extension de la pollution. [...] La défense contre le monopole est encore plus difficile si l'on prend en compte les facteurs suivants. D'une part la société est d'ores et déjà encombrée d'autoroutes, d'écoles et d'hôpitaux ; de l'autre, la

    capacité innée que l'homme a de poser des actes indépendants est paralysée depuis si longtemps qu'elle semble s'être atrophiée ; enfin les solutions offrant une autre possibilité, pour être simple, semblent devoir être hors de portée de l'imagination. Il est difficile de se débarrasser du monopole lorsqu'il a gelé la forme du monde physique, sclérosé le comportement et mutilé l'imagination. Quand on découvre le monopole radical, il est en général trop tard. » (Y. Illich, La Convivialité, p.85-86)

    7.3.3.1 Notre dépendance vis-à-vis des processus technologiques

    « Il est indéniable que nous devenons progressivement les prisonniers des processus que nous avons déclenchés nous-mêmes ». (H. Jonas, 1990).

    « L'expérience a prouvé que les développements déclenchés à chaque fois par l'agir technologique afin de réaliser des buts à court terme ont tendance à se rendre autonomes, c'est-à-dire à acquérir leur propre dynamique contraignante, une inertie autonome, en vertu de laquelle ils ne sont pas seulement irréversibles [...], mais qu'ils poussent également en avant et qu'ils débordent le vouloir et la planification de ceux qui agissent. » (H. Jonas, 1990)

    Comme le souligne ici H. Jonas, il semblerait que la technologie, bien qu'étant le fruit du travail de l'Homme, exerce après un certain temps une contrainte sur celui-ci. Par exemple, nous sommes aujourd'hui, dans nos modes de vie quotidiens, dépendant de l'utilisation de l'électricité, des appareils électroménagers, des transports... Notre dépendance vis-à-vis de ces technologies polluantes (émettrices de gaz à effet de serre) peut ainsi expliquer notre immobilisme vis-à-vis du changement climatique.

    Julien

    « [...] j'utilise ma voiture, et elle m'est bien utile donc je vais pas cracher dessus, sinon d'autres choses... oui le simple usage de l'électricité, j'imagine qu'y a...quand on utilise l'électricité...ouais ça participe au réchauffement climatique, peut être d'une manière un peu moindre mais quand même quoi, donc tout ça après c'est des choses auxquelles je fais attention mais qui sont finalement tellement ancrés dans nos manières de vivre que c'est difficile de s 'en détacher donc voila [...] Tu peux pas faire autrement parce que voila, tu vis comme ça depuis des années et bon tu peux toujours changer radicalement mais disons que ta vie est tellement codé par rapport à toutes sortes de choses qui sont polluantes que beh ... moi je me sens impuissant même par rapport à moi-même »

    En effet renoncer à l'utilisation de certaines de ces technologies reviendrait à changer en profondeur nos modes de vie, chose à laquelle nous ne semblons pas prêts. Prenons l'exemple de la voiture...

    7.3.3.2 L'exemple de la voiture

    « Championne du mensonge et de l'aveuglement, elle [l'automobile privée]
    réussit à donner d'elle-même une image en tout point contraire à la réalité :

    l'image est faite de mobilité, d'autonomie, d'indépendance ; la réalité, d'encombrement et de dépendance radicale vis-à-vis des servitudes de la route et des comportements des autres » (Dupuy, 2002, p.61).

    La voiture a une emprise sur nos vies quotidiennes dont peu d'individus ont conscience. L'Homme « industriel » est aujourd'hui dépendant, aliéné, face aux transports et plus particulièrement face à la voiture individuelle. Cet outil qui permet d'abolir l'espace et le temps a façonné les sociétés occidentales. L'ensemble de la vie quotidienne est construite autour de l'utilisation de la voiture : aménagement du territoire de plus en plus « étalé » (division de l'espace en zone de travail, habitat, loisir de plus en plus éloignée les unes des autres), voiture comme « outil de travail » (la possession d'une voiture est une condition requise pour bon nombre de recrutements à un emploi), voiture comme « outil de loisir » (il suffit de voir les embouteillages au moments des vacances scolaires)... Nous somme donc dépendants de cet outil si bien que, dans les années soixante dix, « le français moyen consacrait plus de quatre heures par jour à sa voiture, soit qu'il se déplaçât d'un point à un autre dans son habitacle, soit qu'il la bichonnât de ses propres mains, soit surtout, qu'il travaillât dans des usines ou des bureaux afin d'obtenir les ressources nécessaires à son acquisition, à son entretien. [...] la situation présente est sans doute pire que celle d'il y a vingt ans » (Dupuy, 2002, p.36).

    Il n'est pas évident de se détacher des dépendances à ces technologies polluantes car cela implique de lutter contre des contraintes « internes » (perte du « confort » de l'utilisation de la voiture...). Mais la contrainte peut aussi être « extérieure » à l'individu (si il n'existe pas de réseaux de transports en communs l'individu se voit obligé de recourir à l'utilisation de la voiture individuelle) :

    « La plupart des « usages », comme par exemple celui de la voiture individuelle, sont hétérodéterminés. Le choix « personnel » de l'utilisation de la voiture n'arrive qu'au bout d'une longue chaîne de déterminations qui demandent à être analysée » (M. Dobré, 2002, p.101).

    7.3.4 La consommation comme religion des sociétés modernes

    « Alors que l'individualité est une valeur centrale de nos sociétés, « maintenir un style de vie individuel contre le courant devient de plus en plus difficile » ». (M. Dobré, 2002, p. 14,)

    7.3.4.1 Le monopole de la consommation sur le quotidien

    Les français se sont engagés depuis l'après guerre dans une course à la consommation sans précédent. « Toujours plus » tel pourrait être le slogan de ce mouvement qui n'est pas sans conséquence sur l'environnement. En ce qui concerne le changement climatique, la consommation de biens marchands, en quantité toujours grandissante, sous-entend une augmentation des émissions de gaz à effet de serre (via l'utilisation en grande quantité d'énergies fossiles), chaque objet consommé ayant nécessité, lors de sa production de sa distribution et de son usage, une certaine quantité d'énergie. La « surconsommation » apparaît donc comme un frein à la lutte contre le changement climatique. Dans L'écologie au quotidien, Michelle Dobré démontre que ce mode de vie basé sur la consommation marchande s'autoentretient si bien qu'en réalité, le nombre d'options pour des modes de vie effectivement réalisables est limités (Dobré, 2002, p.24). Il faut ici rappeler les capacités de la publicité à nous créer de nouveaux besoins et à nous garder dans un état d'insatisfaction permanent.

    7.3.4.2 Des besoins basés sur la satisfaction marchande

    « Plus les « options » proposées aux consommateurs-individus se diversifient et se multiplient, moins les « choix » réels de vivre autrement lorsqu'on le décide sont réalisables ». (Dobré, 2002 p.9)

    Keynes distingue deux catégories de besoins : « [...] les besoins qui ont un caractère absolu en ce sens que nous les éprouvons quelle que soit la situation de nos semblables, et ceux qui possèdent un caractère relatif en ce que nous ne les ressentons que si leur assouvissement nous place au-dessus de nos semblables ou nous donne l'impression de leur être supérieur. Les besoins de cette seconde catégorie, ceux qui correspondent à un désir de supériorité, sont peut-être tout à fait insatiables, car ils sont d'autant plus élevés que le niveau général de satisfaction est lui-même élevé» (Dobré, 2002, p.60). La logique marchande que nous venons d'évoquer repose donc sur l'entretien de ce deuxième type de besoins : les besoins relatifs. Il est donc important de rappeler que nous ne définissons pas librement nos besoins (ceux-ci sont créés par la publicité, par notre environnement : ce que possèdent les autres...) et que nous consommons des marchandises et des signes (la marchandise que nous consommons peut être autant un objet dont on use qu'un signe que l'on arbore). La lutte contre le changement climatique doit donc passer par une redéfinition des besoins et de leurs modes de satisfaction.

    7.3.4.3 Peu de place pour les « résistants ordinaires »

    Il convient donc de se demander si au milieu d'une société où tout nous incite à posséder toujours plus, à rechercher toujours mieux, qu'est-ce qui peut pousser les individus à abandonner certains conforts par décision volontaire ? Pour répondre à cette question M. Dobré (Dobré, 2002) a développé le concept de « résistance ordinaire ». Elle entend par ces termes« l'opposition modeste et peu héroïque à la logique contraire au monde social et civil et à ses valeurs » (Dobré, 2002, p.10) qui passe par des « actes privés, menés sans décision préalables, qui ignorent leur caractère politique et ne se définissent pas comme tels, ne dérogeant pas nécessairement à la loi, mais plutôt à la norme instituée par un modèle culturel hégémonique » (Dobré, 2002, p. 316). Nous pouvons donc considérer la lutte individuelle contre le changement climatique comme un exemple de résistance ordinaire. Ainsi, le choix de renoncer à l'utilisation de la voiture motivé par la volonté de ne pas participer au changement climatique est une pratique de résistance ordinaire. Ce type de pratique est-il courant chez les français ? Il semblerait que non. En effet, nous l'avons déjà vu, les pratiques individuelles visant à lutter contre le changement climatique sont très faibles en France. Il existe bien quelques « résistants ordinaires » (dans chacun de ses numéros le journal La décroissance dresse un portrait de l'un d'eux) mais ils représentent qu'une très faible partie de la population française. Nous pouvons expliquer que les « résistants ordinaires » sont une « espèce rare » en France par l'analyse de la dépendance des personnes face au « système » (dépendance aux systèmes techniques et marchand dans la vie quotidienne). Les « capacités d'action », si l'on reprend le terme utilisé par M. Dobré sont donc largement déterminées par le système dans lequel nous vivons : « même en s'appuyant sur un ensemble de valeurs constitué et cohérent, il ne va pas de soit que l'on puisse poursuivre des choix de vie individuels à l'écart des sentiers battus de la société marchande » (Dobré, 2002, p.10). Le changement de mode de vie que sous entend la lutte contre le changement climatique relève donc d'une véritable bataille contre les structures existantes (infrastructures, systèmes de valeurs...). Ces obstacles à l'autonomisation des pratiques individuelles expliquent que, bien souvent, les militants écologistes suivent des modes de vie qui ne sont guère en rapport avec leurs valeurs. Ceci nous amène à nous poser une question plus globale : de quelle manière les français arrivent-ils à concilier des valeurs en faveur de la lutte contre le changement climatique et des pratiques bien souvent opposées à ces valeurs ? Le concept de dissonance nous donne quelques éléments de réponse à cette question.

    7.4 Comment gère-t-on la dissonance cognitive provoquée par l'écart sensibilité/pratiques ?

    Les valeurs du système peuvent ne pas être toutes compatibles. Dans les sociétés complexes, il existe même des contradictions entre certaines valeurs sociales, contradictions internalisées par les individus. Ce fait génère, d'une part, des conflits internes chez les acteurs sociaux, conflits internes qui déclenchent des troubles de l'identité s'exprimant diversement ». (Muchielli, 2006 (1981), p.76).

    7.4.1 Le concept de dissonance cognitive

    Le concept de dissonance cognitive a été élaboré dans les années 1950 par le sociopsychologue américain L. Festinger. Ce concept permet d'expliquer comment un individu peu gérer les états de tension provoqués par l'association de deux cognitions (idées, opinions, comportements) incompatibles entre elles. Les termes de « dissonance cognitive » désigne en effet un état de tension désagréable dû à la présence simultanée de deux cognitions (idées, opinions, comportements) psychologiquement inconsistantes. Le postulat de base de ce concept est, que les individus aspirent à éliminer les faits de pensée ou les faits comportementaux présents en eux et qui sont contradictoires. En s'appuyant sur la théorie de la consistance et sur la théorie de la rationalisation des conduites, il s'agit d'étudier comment les sujets tentent de réduire cette dissonance en changeant d'opinion par exemple. Cette théorie considère que deux éléments de cognition (perceptions, attitudes propositionnelles ou comportements) sont en rapport ou pas (un lien pertinent les relie ou non). Deux cognitions liées sont soit consonantes (ou cohérentes) soit dissonantes (incohérentes). Elles sont dites consonantes si l'une entraîne ou supporte l'autre. A l'inverse, deux cognitions sont dites dissonantes si l'une entraîne ou supporte le contraire de l'autre. On peut considérer par exemple le fait d'être à la fois très sensible à la lutte contre le changement climatique et parcourir 100 km en voiture chaque jour pour se rendre au travail comme deux éléments dissonants chez une même personne. Cette situation de dissonance va provoquer chez le sujet une tension qui le conduira à rechercher une solution pour la diminuer. Deux solutions s'offrent alors à lui : il peut soit réduire la dissonance tout en conservant ses attitudes et comportements (stratégie de rationalisation) en ajoutant des éléments consonants ou en minimisant l'importance des éléments dissonants, soit il décide de modifier l'un des éléments dissonant en changeant de comportement ou d'attitude (par exemple en décidant de se rendre au travail en transport en commun) sachant qu'en règle générale l'élément le moins résistant au changement est l'attitude.

    7.4.2 Pourquoi la connaissance du problème du changement climatique peut provoquer une situation de dissonances chez les individus et comment y remédient-ils ?

    En remettant en cause les modes de vie, la prise de conscience du problème du changement

    climatique provoque chez bien des individus une situation de dissonance cognitive. En effet, les individus qui prennent conscience du problème se trouvent dans une situation ou s'oppose des valeurs en faveur de la protection de l'environnement et donc en faveur de la lutte contre le changement climatique et des pratiques qui vont dans le sens inverse de cette lutte (ex. utilisation de l'avion...). Dans ce cas, plusieurs choix s'offrent alors à l'individu pour réduire cet état de tension interne. Voici les principales réactions qui selon nous relèvent d'une stratégie de réduction de la dissonance que nous avons pu constater lors des entretiens que nous avons réalisés :

    · Le « rejet ou délégation de la responsabilité » : nous l'avons expliqué plus haut le rejet de la responsabilité sur d'autres entités (politiques, pays « en développement »...) est une attitude très courante chez les individus interviewés. Cette attitude participe selon nous à la recherche de la réduction de la situation de dissonance cognitive. En effet, le fait de rejeter sur les autres la responsabilité du problème du changement climatique a pour effet de déculpabiliser les individus et donc de réduire cette dissonance : « c'est l'affaire des politiques, je n'y peux rien ».

    · L' « oubli » du problème : une autre stratégie de réduction de la dissonance consiste à « oublier » le problème du changement climatique. En effet, les personnes interviewées avouent ne pas y penser tous les jours, ne pas être angoissées par le problème. Cet « oubli » revient donc à supprimer l'un des éléments dissonants (la prise de conscience du problème) ce qui à pour conséquence l'annulation de la situation de dissonance. Dans certains cas, il ne s'agira pas d'un « oubli » total du problème mais de la minimisation de son importance, en pensant pas exemple que le problème n'est pas si urgent étant donné que nous n'en subissons pas les conséquences annoncées.

    · La consommation « verte » et autres modifications « non radicales » des pratiques... : certains individus procèdent cependant à quelques changements dans leurs pratiques individuelles. Certaines de ces pratiques sont misent en oeuvre pour « se donner bonne conscience » (ex. : « j'ai acheté des lampes basses consommation donc le problème est réglé, je peux continuer à vivre comme avant »). Les slogans publicitaires comme « roulez vert » ou « voyageons en avion et protégeons le climat » ont une importance non négligeable dans ce

    processus de « déculpabilisation ». Ainsi, nous pensons que l'un des risques des campagnes de sensibilisation sur le changement climatique, actuellement mis à l'oeuvre, est de donner une batterie de « petits gestes » (ne pas laisser les appareils en veille...) qui une fois appliqués peuvent d'une certaine manière condamner la naissance d'une vraie réflexion sur nos modes de vie qui est pourtant nécessaire si l'on veut lutter efficacement contre le changement climatique. En effet, les modifications « en surface » des pratiques on un effet « déculpabilisateur » qui tue dans l'oeuf une réflexion plus profonde.


    · La modification radicale des comportements : Si aucune des personnes que nous avons

    interviewées n'a radicalement changé de comportement suite à la prise de conscience du problème du changement climatique, nous voulions tout de même montrer qu'une solution qui s'offre aux individus pour annuler la situation de tension interne est d'adapter complètement leurs comportements à leurs valeurs. Dans ce cas, un changement de mode de vie beaucoup plus radical s'impose. C'est la raison pour laquelle cette option est largement minoritaire par rapport aux autres. En effet, elle demande beaucoup plus d'effort, de « sacrifices » personnels que les précédentes. Nous l'avons d'ailleurs mentionné dans l'analyse, même les individus dotés de valeurs « pro environnementales » sont bien souvent contraints de continuer leurs modes de vie habituels (les contraintes viennent alors de l'extérieur). Pourtant, c'est bien cette dernière option d'une modification radicale des comportements que nous devons adopter si nous voulons lutter efficacement contre le changement climatique.

    Nous allons maintenant étudier, plus en détail, un exemple qui sous couvert d'outil de lutte contre le changement climatique constitue avant tout, selon nous, une stratégie de réduction de la dissonance cognitive provoqué par l'écart valeurs/pratiques.

    7.4.3 La compensation volontaire des émissions de CO2 : outil de lutte
    contre le changement climatique ou stratégie d'évitement ?

    Les systèmes de compensation volontaire des émissions de CO2 sont-ils des moyens efficaces de lutte contre le changement climatique au niveau individuel ?

    D'après une étude de l'ADEME réalisée en novembre 2006, 31 structures offrant des services de compensation des émissions de CO2 ont vu le jour à travers le monde ces dernières années. Dans le sillage des marchés internationaux et nationaux de CO2, ces structures proposent la compensation de gaz à effet de serre pour les particuliers. Ce système correspond à la réduction des gaz à effet de serre atmosphériques d'une quantité équivalente à celle que l'on a émise par une activité telle que le transport, le chauffage... Cette réduction se fait via le

    financement de projets qui ont pour but d'éviter ou de séquestrer des émissions équivalentes. Le calcul du montant à payer se fait donc sur la base du coût moyen de l'émission de la tonne de CO2 (ou kilo selon les organismes) de carbone évité par l'ensemble des projets. Nous avons ainsi calculé que la tonne de CO2 coûte de 14 à 24 euros selon le prestataire choisi. Notre thèse est ici la suivante : les systèmes de compensation constituent davantage, des objets permettant de réduire la situation de dissonance, ou sentiment de culpabilité, provoqué par l'écart valeurs/pratiques chez les individus qui y on recourt, que des outils efficaces de lutte contre le changement climatique. En effet, suite à l'analyse des trois principaux systèmes de compensation en France (Action Carbone, Climat Mundi et CO2 solidaire). Voici ce que nous avons observé :

    - Ces systèmes ne sont pas forcément efficaces d'un point de vu physique : l'équilibre

    entre quantité achetées et quantités évitées n'est pas toujours respecté (par exemple les projets de reforestation d'Action Carbonne sont de « fausses bonnes solutions » étant donné que la reforestation permet seulement de stocker des émission de CO2 qui seront un jour au l'autre réémis : mort de l'arbre, feux de forêt...), et dans certains cas, en particulier lorsque les projets viennent satisfaire de nouveaux besoins (électrification dans un village ou il n'y avait pas jusqu'alors l'électricité) on peut parler d'effet rebond.

    - Selon le discours soutenu par les différents organismes de compensation on peut dire

    que les systèmes de compensation volontaires constituent réellement une stratégie de réduction de la dissonance cognitive. On peut ainsi constater que le discours de Climat Mundi est particulièrement « déculpabilisateur », « déresponsabilisateur » :

    « Il est temps de penser au climat devenez neutre en CO2 » ; La compensation « c'est une nouvelle façon de limiter votre contribution au réchauffement climatique, en chargeant quelqu'un de diminuer à votre place la partie de vos émissions de CO2 que vous ne pouvez pas réduire vous-même, ou pas tout de suite, ou dont la réduction vous coûterait trop cher » ; « en compensant la totalité de mes émissions de CO2, je peux ainsi annuler totalement mon impact sur le réchauffement climatique, et devenir ainsi « neutre en CO2 » ou « zéro CO2 ». C'est bon pour la planète, et c'est bon pour moi et tous les enfants du monde ! »1.

    7.5 Conclusion du chapitre V

    Nous pouvons conclure de cette analyse que les facteurs qui peuvent expliquer l'immobilisme
    des français face au changement climatique sont très nombreux. Il ne s'agit donc pas

    1 Extraits du discours tenu par Climat Mundi sur son site internet.

    uniquement d'un manque de connaissance du problème. Nous savons que ces facteurs peuvent prendre la forme de contraintes internes à l'individu (ex. le fait de préférer les voyages lointains au tourisme rural) mais il ne faut pas négliger la présence de contraintes externes (ex. absence de réseau de transport urbain) qui peuvent décourager des individus pourtant très sensibles au problème du changement climatique. Il nous est impossible de dire quel facteur a le plus d'influence sur les comportements face au changement climatique. Le manque de connaissance sur le problème étant très général, nous avons vu qu'une grande majorité des français se heurtent à des problèmes cognitifs en ce qui concerne la représentation du changement climatique de ses causes, de ses conséquences... Ce problème de manque de compréhension nous parait donc être le premier obstacle à la prise de conscience de la réalité du problème et donc à la lutte individuelle contre le changement climatique. Cependant, en interviewant des personnes ayant des représentations plus proches de la réalité du phénomène, nous nous somme rendus compte à quel point les facteurs expliquant leur immobilisme (qui dans ce cas là ne s'explique plus par un défaut de connaissance) peuvent être variés. Système de normes et de valeurs, caractéristiques propres au phénomène (nouveauté, invisibilité...), pressions de la société... nombreuses peuvent être les contraintes qui une fois qu'elles ont exercé leur influence sur les comportements expliquent que les français ne s'engagent pas, de manière globale, dans une lutte individuelle contre le changement climatique.

    CONCLUSION

    8 Synthèse de l'analyse et pistes de réponse à la question : comment favoriser les pratiques de lutte contre l'effet de serre chez les français.

    Cette conclusion fera l'objet tout d'abord d'un rappel des principaux résultats de notre travail d'analyse, mais elle sera aussi l'occasion de donner des éléments de réflexion sur les perspectives à explorer pour augmenter les pratiques individuelles en faveur de la lutte contre le changement climatique.

    8.1 Quelles conclusions tirer de notre analyse ?

    Rappelons tout d'abord les deux principales questions sur lesquelles portait ce travail de recherche :

    Question de
    départ

    Comment peut-on expliquer cette passivité des français face au problème du changement climatique ?

     
     

    Question de
    recherche

    Comment peut-on expliquer l'écart entre la sensibilité et les pratiques des français face au changement climatique ?

    L'analyse développée nous a permit d'apporter des éléments de réponse à ces deux questions. Nous avons ainsi tout constaté que si les Français se disent sensibles au problème du changement climatique cette sensibilité ne se reflète pas dans les pratiques. Nous avons vu que cet écart entre sensibilité et pratiques peut s'expliquer d'une part, par le fait que malgré la médiatisation croissante de la thématique du changement climatique, il existe un problème important de connaissance de ce phénomène dans l'opinion publique. D'autre part, nous avons mis en évidence l'existence d'autres facteurs, internes ou externes aux individus, qui constituent des contraintes, des obstacles au changement de comportement en faveur de la lutte contre le changement climatique. Le tableau suivant représente de manière synthétique l'ensemble de ces facteurs que nous avons pu mettre en évidence tout au long de ce travail de recherche. Nous avons repris la classification développée dans le dernier chapitre qui met en évidence pour chaque facteur identifié à quel niveau il se situe (nature du phénomène, contextes et individu) et donné quelques illustrations de la manière dont ils influent les comportements. La lecture de ce tableau met en évidence le fait que tous ces facteurs

    conduisent à une inertie des comportements ainsi que, bien souvent, à des situations de dissonance cognitive.

    Les résultats de ce travail nous ont conduits à nous poser la question suivante : quels sont les moyens dont disposent les pouvoirs publics, mais aussi les autres acteurs de la société française (associations, médias, entreprises), pour favoriser les pratiques de lutte contre le changement climatique ? Nous avons donc décidé d'évoquer en deuxième partie de cette conclusion les perspectives d'action qui peuvent être développé dans ce sens.

    Contexte moral

    Connaissance

    Individualisme

    Contexte physique

    Un phénomène
    incertain, invisible

    Contexte normatif

    Syndrome de la
    goutte d'eau

    Un phénomène
    différé dans le
    temps et dans
    l'espace

    Complexité du
    phénomène

    Nouveauté du
    phénomène

    Confort des
    habitudes

    Absence de repères pour l'action

    Absence de législation pénalisant les comportements qui participent au changement climatique

    Absence de sanctions morale

    Absence de solidarité entre les générations

    actuelles, vis-à-vis des générations futurs et des autres formes de vie sur Terre

    Manque de prise au sérieux du problème

    Possibilité de tomber dans les extrêmes du catastrophisme ou du négationnisme

    Incapacité à prendre en compte le long terme dans des systèmes qui privilégient l'immédiateté

    Contradiction dans le système législatif

    Les contradictions à l'intérieur des systèmes de valeur empêche l'émergence de comportements alternatifs

    Dans certains cas, absence d'un contexte physique (infrastructures) favorisant des changements de comportement (en particulier dans les zones rurales)

    Le manque de connaissance sur le problème (nature du problème, causes, conséquences) constitue une barrière pour une réelle prise de conscience des enjeux du problème

    Impossibilité de créer une gestion collective du problème: les coûts sont individuels et les bénéfices collectifs

    Incapacité à imaginer des comportements alternatif. Le changement à un coût. Facilitée procuré par les habitudes.

    Difficulté à intégrer des connaissances complexes Difficulté à médiatiser la complexité

    Difficulté à appréhender l'incertain et l'invisible Le phénomène peut être sujet à controverse

    La globalité du phénomène

    La question de la responsabilité est diluée

    Dépendance vis-à-vis des technologies polluantes

    Dévalorisation de la capacité des actions individuelles

    8.2 Comment favoriser les pratiques de lutte contre le changement climatique

    Il n'existe pas, à notre connaissance, de solution miracle qui inciterait les Français à s'engager dans la lutte contre l'effet de serre. Pourtant, selon nous, les pouvoirs publics peuvent largement contribuer à créer une nouvelle orientation des comportements individuels. Nous pensons qu'il existe trois axes complémentaires d'action pour les pouvoirs publics. Il s'agit d'informer et sensibiliser l'opinion, de créer un contexte favorable pour le développement d'actions individuelles en faveur de la lutte contre l'effet de serre, et de réussir à provoquer l'engagement des citoyens grâce à des techniques de « manipulation ».

    8.2.1 Informer, sensibiliser et communiquer

    Nous avons vu que les français ont des représentations du changement climatique souvent bien loin de la réalité du phénomène. Informer et sensibiliser la population reste donc un grand défi pour provoquer une réelle prise de conscience autour des enjeux du problème. Cependant la communication autour du phénomène ne doit pas se faire de n'importe quelle manière. Des nouvelles formes de communication doivent être trouvées, afin d'intégrer la complexité, élément indispensable pour saisir les interactions autour du problème du changement climatique. Des études complémentaires sur les perceptions du changement climatique par le grand public doivent être réalisées. En effet, une communication efficace sur le changement climatique doit partir des représentations initiales qu'en on les français. Seule une bonne compréhension de leur système de compréhension permettra de lutter contre les idées fausse, ou de combler les lacunes au niveau des connaissances. Il est aussi très important de véhiculer des messages « positifs ». En effet, un excès de catastrophisme dans l'information risque d'avoir des effets contraires à ceux attendus, il risque de paralyser toute initiative de changement de comportement (la partie étant perdue d'avance). Les campagnes de sensibilisation doivent mettre l'accent sur la responsabilisation (non la moralisation) des citoyens, en montrant que chacun d'entre nous à sa part de responsabilité dans le problème du changement climatique et peut donc faire quelque chose à son échelle. Cependant, ce travail de responsabilisation ne doit pas se transformer en discours moralisateur. Enfin, les campagnes de sensibilisation peuvent constituer une scène pour la valorisation de nouvelles valeurs, ou nouveaux modes de vie, allant dans le sens de la lutte contre le changement climatique (les techniques utilisée en publicité peuvent ici être reprises). Il est en effet

    nécessaire de créer une nouvelle citoyenneté qui tienne compte du caractère global des relations que nous entretenons avec l'ensemble de la vie actuelle et futur.

    8.2.2 Créer des conditions favorables aux changements de

    comportement

    Nous l'avons vu, un travail de sensibilisation et d'information peut conduire à l'émergence de

    nouveaux types de comportements, mais encore faut-il que ceux-ci puissent se développer dans un cadre favorable. Un second axe d'action des pouvoirs publics est donc, d'anticiper les résistances aux changements de comportements. En effet, il est important de ne pas minimiser ces résistances, mais au contraire de mieux les connaître afin de pouvoir composer avec celles-ci, et de les combattre. Pour cela les pouvoirs publics peuvent jouer sur les contextes. Créer des contextes normatifs, moraux et physiques favorables à la lutte contre le changement climatique apparaît donc indispensable.

    8.2.3 Provoquer l'engagement des citoyens

    Comment faire en sorte que les gens changent de pratiques ? Comment permettre et stimuler

    des changements de comportements nécessaires à la diminution des émissions de gaz à effet de serre ?

    Si nous pensons que les campagnes de sensibilisation permettent une prise de conscience qui se traduit ensuite dans les comportements, il faut garder à l'esprit que, bien souvent, la prise de conscience suit le comportement plutôt que de le précéder. La théorie de l'engagement de Kiesler, qui a été reprise et enrichie par R. V. Joule et J. L. Beauvois nous donne des pistes à explorer si l'on souhaite orienter les individus dans la lutte contre le changement climatique. Selon ces auteurs persuader, convaincre et responsabiliser ne sont par les meilleurs moyens pour amener les gens à faire quelque chose. Dans le cas qui nous intéresse, les campagnes de sensibilisation ne sont pas dépourvu d'utilité mais le fait que les français soient convaincus de l'urgence d'agir ne suffira pas à modifier leurs comportements (on peut être convaincu de la nécessité de faire des économies d'énergie, et se comporter comme si on ne l'était pas en laissant, par exemple, la lumière allumée). Il s'agit alors de trouver des techniques de manipulation des comportements afin de créer, chez les individus, des motivations intrinsèques, de leur donner l'impression d'être « automotivé ». La technique développée dans la théorie de l'engagement repose sur le lien qui unit traditionnellement les idées et les actes. Il ne s'agit plus cette fois de peser sur les idées pour modifier les comportements, mais de peser sur les comportements pour modifier les idées. Dans La soumission librement consentie Joule et Beauvois démontrent de quelle manière il est possible de conduire les gens à faire de

    leur plein gré ce que l'on attend d'eux. Pour cela, ils s'appuient sur un nouvel outils : la communication engageante. Plusieurs expériences1 reposant sur cette technique de « manipulation » ont montré des résultats très intéressants. Ceci nous laisse à penser qu'il existe de réelles possibilités, en utilisant ce type d'outils, pour engager les Français dans la voie de la lutte contre le changement climatique

    L'ensemble des acteurs de la société française (politiques, entreprises, médias et associations) ont donc le pouvoir de faire évoluer les comportements des citoyens face au changement climatique. Leurs devoirs est d'actualiser, dés maintenant, cet ensemble de possibilités car on le sait « le futur sera l'actualisation des potentialités qu'ici dans le présent nous réaliserons. » (Joël Van Cauter, 2003, p.12).

    1 Nous pouvons citer l'exemple de la campagne de sensibilisation des ménages à la protection de l'environnement et à la maîtrise de l'énergie menée dans la commune de Beausset en 2002.

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    Site internet de l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie (ADEME).

    www.effet-de-serre.gouv.fr

    Site internet de la Mission Interministérielle de l'Effet de Serre (MIES)

    www.ipcc.ch

    Site internet du Groupe d'Expert Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat (GIEC, ou IPCC en anglais)

    www.ifen.fr

    Site internet de l'Institut Français de l'Environnement (IFEN).

    www.manicore.com

    Site internet de Jean-Marc Jancovici, expert dans le domaine du changement climatique.

    www.mycarbonfootprint.eu/fr/carboncalculator1.asp

    Site internet sur lequel on peut calculer la réduction de gaz à effet de serre duent à certains changement de comportement dans nos activités quotidiennes. Ex : Faites sécher vos vêtements à l'air libre au lieu de les mettre au sèche-linge et économisez environ 280 kg de CO2 par an.

    www.rac-f.org

    Site internet du Réseau action Climat France qui rassemble des associations qui participent à la lutte contre les changements climatiques.

    ANNEXES

    ANNEXE 1 : Emissions mondiales des différents gaz à effet de serre.

    Emissions mondiales pour les divers gaz à effet de serre en 2000 (excepté l'ozone), en millions de tonnes équivalent carbone (PRG à 100 ans) :

    Source : GIEC. Les gaz hors CO2 lié à l'usage de l'énergie représentent environ 1/3 du problème.

    ANNEXE 2 : Emissions de CO2 suivant le type d'énergie primaire utilisée

    Emissions de CO2 en g/ kWh (analyse du cycle de vie)

    charbon

    800 à 1050 suivant technologie

    cycle combiné à gaz

    430

    nucléaire

    6

    hydraulique

    4

    biomasse bois

    1500 sans replantation

    photovoltaïque

    60 à 150

    Eolien

    3 à 22

    Source : http://www.manicore.com/documentation/centrale serre.html (visualisé le 15/09/2007)

    ANNEXE 3 : Emission de CO2 selon le type d'alimentation

    Source : http://www.manicore.com/documentation/serre/assiette.html (visualisé le 10/08/07)

    ANNEXE 4 : Exemple d'entretien

    Caroline a 31 ans, elle est marié, de nationalité française et vit à Genève. Titulaire d'un MBA elle élève actuellement son enfant.

    Quand on vous parle de changement climatique qu'est ce qu'il vous vient a l'esprit d'une façon très générale ?

    Réchauffement de la planète Y'a autre chose ?

    Euh... ben tout ce que ca engendre toute les catastrophes naturelles que ca peut engendrer, l'effondrement des glaciers, comme les situations géographiques qui pourraient disparaître euh...je suis pas calée... j 'essaye de me souvenir dans des émissions en plus on voit beaucoup d'émissions en ce moment... donc on sait aussi que c'est une des grandes préoccupations mondiale, planétaire.

    Est-ce que vous avez entendu parler de l'effet de serre ?

    Oui j'en ai entendu parler récemment justement avec les télés débats politiques Est-ce que vous connaissez le mécanisme de l'effet de serre ?

    Non je sais pas. Je sais que ca existe. J'en ai entendu parler mais vous dire après plus théoriquement par A + B comment ca fonctionne... mais j 'en ai entendu parler récemment d'ailleurs avant je connaissais pas du tout... donc c'est récent.

    Et au niveau des causes du changement climatique est ce que vous arrivez a peu près a distinguer quelles sont les causes ?

    Alors les causes. Pourquoi la planète se réchauffe ? Peut être pollution est ce que ca joue je sais pas, mais je sais que ca c'est aussi une des grandes préoccupations. Quand on voit le mois de juillet qu'on a. C'est les saisons qui sont surtout chamboulées. Hein avant quand on parle avec des personnes plus âgées elle disait avant y avait un vrai printemps, été, automne, maintenant on a des mois qui sont plus chauds en avril qu'au mois de juillet. Ca même déjà de ma génération ca m'impressionne de voir a quel point maintenant on peut plus compter sur les saisons pour savoir comment s'habiller. On a plus d'été déjà depuis quelques temps, on a des canicules, on a aussi plus vraiment de juste milieu, soit il fait très froid soit il fait très chaud. Donc je sais que c'est une grande préoccupation.

    Et donc dans les pollutions vous savez c'est des pollutions qui viennent d'où ?

    Ben des voitures essentiellement, des machines aussi... par rapport aussi aux engrais j 'ai cru comprendre dans l'agriculture aussi ya des dysfonctionnements c'est aussi pour ca qu'on a beaucoup de maladies qu'on avait peut être pas avant, la grippe aviaire tout ca. Je sais que la planète est un peu sans dessus dessous. Après tout ce qui est technique... euh... c'est dur. Je sais que la mer est beaucoup plus polluée qu'avant, ya beaucoup aussi d'espèces animales qui disparaissent du fait du changement climatique, ca je sais que je l'avais vu... vous dire lesquelles je me souviens plus trop. Ouais on pollue

    trop on utilise trop de machines, j'imagine...on utilise trop d'énergie euh justement ils parlaient beaucoup aussi de l'énergie qu'il fallait plus utiliser... euh faut que vous m'aidiez la...

    Le nucléaire ?

    Voila ! Ya des énergies à utiliser, d'autres moins.

    Et les conséquences ? Vous m'aviez dis qu'il y avait les glaciers qui fondaient... les saisons qui se déréglaient, sur les animaux... est ce que vous en voyez d'autres ?

    Sûrement si j'y réfléchissais oui... mais la comme ca a froid... euh oui y'en a sûrement pleins d'autres...Ca c'est ce qui me vient comme ca a priori... Je sais aussi sur l'alimentation... sur le fait par exemple, ya des produits qui sont sensés pousser à une telle période mais du fait que la saison est déréglée par exemple si il y a beaucoup plus de pluie, la on a eu beaucoup de pluie ce mois de juillet donc ya aussi beaucoup d'inondations...ca je l'ai pas dis mais bon... beaucoup de pluie... euh je sais plus si c'est du maïs ou du blé, enfin bref, quel que soit l'aliment...ca euh les agriculteurs ont de plus en plus peut être de mal a faire pousser leurs fruits et leurs légumes correctement. Et les feux aussi... les incendies... ça on en parle quand on regarde la télé, mais même vous lisez n'importe quel journal, c'est systématique o voit inondations dans tel pays, on voit...ou même en FRANCE énormément, les feux aussi, on parle beaucoup de ca : d'incendies et d'inondations, choses peut être dont on parlait moins, ca se produisait moins avant.

    Et on dit que c'est la conséquence du réchauffement climatique ca aussi ou... ?

    Est-ce que c'est forcement le changement climatique euh...je sais que les saisons, les inondations... oui ! Y'en a beaucoup qui ont dis que c'est du aussi aux perturbations climatiques aussi.

    Maintenant, pour vous c'est quelque chose de scientifiquement prouvé, que les scientifiques sont tous d'accords pour dire qu'l y a un changement climatique est ce que vous avez encore un doute la dessus ? qu'on ne sait pas très bien ?

    Je sais qu'il y a eu beaucoup de débats il y a encore quelque temps... euh je les lisais aussi comme ça...où tout le monde n'était pas d'accord... mais j 'ai l'impression maintenant de plus en plus que les gens se mettent d'accord par rapport a ça.

    Donc vous vous n 'en doutez pas ?

    Qu'il y a un changement climatique ? non moi je pense qu'il y en a un... ouais. C'est mon père que vous auriez dû interviewer...il est calé la dessus.

    Non mais après je n'interview pas que des gens calés...ce n'est pas ça qui est le plus intéressant...ce qui est intéressant c'est de comprendre les comportements de tout le monde donc pas juste les spécialistes... Et vous avez entendu parler de l 'IPCC ou du GIEC ?

    Non ca ne me dis rien...

    Et est ce que face a l'évolution du phénomène vous vous sentez plutôt confiante ou... vous pensez que l'on va trouver des solutions, quand on e parle ca vous fait plutôt peur ?

    Pour être franche ca ne m'angoisse pas énormément. J'ai pas le temps.

    Je ne sais pas par exemple si vous voyez un reportage sur les inondations... etc. ?

    Oui bien sur c'est angoissant, sur le moment c'est prenant, en tout cas c'est intéressant, c'est prenant. De là a m'angoisser complètement... peut-être que je ne me rends pas compte... parce que on en parle quand même globalement assez récemment. Ca fait pas si longtemps que le sujet comme je vous le disais qui est une tendance à la mode... mais y'a encore que deux ou trois ans...on en parlait pas plus que ça. Donc tout d'un coup pour être affolée, il faudrait que cela soit sur plus longue échelle, que peut être je m'informe plus parce que c'est vrai que je ne suis pas non plus très très informée. Et puis après c'est sûr dès qu'on a des enfants... bien sûr...on est concernés même si nous peut être on sera pas... euh... forcement... mis en danger par ça. Nous, je suis pas sûre peut être les générations à venir...ça de toute manière c'est préoccupant bien sûr... ben oui puisque j 'ai un enfant ben ca préoccupe bien sûr. Mais si j'y pense tout les jours, non, j'y pense pas tous les jours.

    Et si on vous disait que les conséquences allaient venir beaucoup plus rapidement, ca serait peut être plus angoissant à ce moment là ?

    Bien sûr ouais c'est comme tous les sujets... si tout d'un coup on nous dit plus précisément ce qui va se passer, et se passer plus vite... bien sûr c'est flippant. En plus on tient a notre planète comme tout le monde mais la je me rends pas non plus tellement compte de toutes les conséquences que ca va engendrer...je vous ai cité comme ca quelques exemples... mais est ce que moi ca va me toucher réellement dans ma vie ? et est ce que je me rends compte oui... déjà de tout manière ce qui se passe avec toutes ces inondations et tout ca c'est horrible parce que je sais qu'il y a des gens qui périssent dedans. Bien sûr qu'on est touché mais y'a tellement de choses d'horribles dans ce monde.

    Mais vous pensez que l'on va trouver une solution ? Vous êtes confiante ?

    Je sais que récemment les américains ont décidé de faire un effort de leur coté aussi, les chinois aussi pour euh... ouais en ce moment ya pas mal de gens qui sont mobilisés pour donc je pense que aussi euh ben avec le président Sarkozy, je pense que ils sont tous euh... je sais que pour le G8 dernièrement ils ont en ont quand même pas mal parlé aussi, enfin c'est ce qu'ils ont dis que justement les Etats-Unis ont dis qu'ils allaient réduire leur énergie de je sais plus combien euh oui je sais que c'est d'actualité et que tout le monde y compris je crois, si mes souvenirs sont bons, les chinois ont décidé... euh peut être que je dis n'importe quoi...je sais pas. Mais j 'ai crû comprendre que les gens prenaient conscience en tout cas du danger donc qu'il y en avait un et qu'ils allaient faire en sorte que les comportements allaient changer. Hein. Je sais plus, encore récemment là j 'ai vu que une ville a été la plus propre, ca vient vraiment, je sais plus quelle ville avec la plus propre du monde actuellement, une grande ville qui fait en sorte d'être euh de devenir une ville des plus propre au monde donc euh qui se met pleins de défis, c'est une grande ville je sais plus laquelle... euh ben voila... euh je crois que c'est... euh ah ben mince je l'ai vu hier à la télé. C'est pour dire qu'on en parle tout les jours et qu'on le voit, et que maintenant la propreté, enfin tout ça ca devient vraiment une euh... ouais les gens en parle beaucoup ca c'est sûr...

    Et au niveau de la responsabilité vous avez l'impression que c'est plutôt... enfin est-ce que vous vous sentez responsable du phénomène ? Ou est-ce que c'est par exemple plutôt au gouvernement de faire quelque chose ?

    Ben oui ya le gouvernement ca c'est sûr. Et puis peut être nous en effet il faut trier, il faut faire des choses que je fais pas forcément qu'il faudrait faire. Prenons la voiture, ça nous on la prends pas trop donc euh je culpabilise pas ou prendre des voitures moins polluantes mais euh dans ce cas la y'a d'autres débats... euh oui voila [se rappelle de la ville] ya telle ville où ils allaient juger...la euh je crois que c'est a Londres, est ce que c'est pas Londres où ils vont juger, il va y avoir des appareils pour juger la pollution que va émettre chaque véhicule et que si votre véhicule pollue trop par rapport

    aux normes qui vont être établies vous aurez des amendes. Donc forcément alors c'est bien d'un coté pour euh justement ce dont on parle la planète etcetera, mais de l'autre c'est évidemment les personnes les moins euh aisées qui vont être pénalisées parce qu'ils auront peut être pas les moyens d'acheter une voiture euh plus performante donc plus chère etc. donc ca c'était le débat. Je crois que c'était Londres... sauf erreur. Si je me trompe pas.

    Et donc c'est individuel aussi ? Par exemple vous à votre échelle est-ce que vous avez l`impression que vous contribuez beaucoup à l'effet de serre, au changement climatique ?

    Non je vois pas ce que je contribue là non. Pour être franche.

    Et par exemple dans vos activités quotidiennes vous ne voyez pas celles qui peuvent avoir un impact justement sur le changement climatique?

    Ben oui c'est ce que je disais prendre la voiture ca c'est un des plus... mais d'autres choses... d'ailleurs le vélo est très à la mode aussi [rires] euh... franchement je sais pas ce que je pourrais changer euh ouais y'a surement pleins de choses de tri dont vous parlez... d'ailleurs quand on achète une nouvelle cuisine j 'en sais quelque chose puisque je suis en plein dedans et ca c'est moi qui l'est faites, maintenant ils vous vendent des poubelles exprès pour trier vos... donc vous êtes obligé maintenant de faire le tri. Maintenant c'est intégré donc obligé de faire le tri. Chose que...Je suis allée voir une amie a New York récemment, pareil le tri pour elle... maintenant elle a appris ça et c'est devenu une... alors qu'elle le faisait pas avant quand elle était à Genève y'a encore deux ans mais maintenant ca fait parti de son comportement, ouais c'est une habitude. Donc euh moi quand je suis arrivée chez elle, j 'ai pas fait le tri alors... fallait que je fasse le tri quoi.

    Et pour vous faire le tri c'est plutôt une contrainte ?

    Je crois que ca doit être une habitude, oui au début ca dit être chiant parce que... moi je suis pas habituée du tout a faire du tri hein. Mais à savoir si peut être une fois qu'on a pris l'habitude c'est plus une contrainte. Je pense que je le ferais par la suite quand je vais déménager.

    Et puis ce que je disais moins d'arbres, moins de choses aussi parce qu'on construit trop, Y'a ca aussi. Beaucoup trop d'infrastructures, d'ailleurs beaucoup de paysages maintenant sont euh ruinés par toutes ces constructions. Moi je prends des exemples quand je pars à la montagne y'a encore quelques années euh y'avait de l'espace de verdure, y'avait les chalets de construits à échelle humaine euh bien construits. Maintenant c'est des grosses machines, c'est des buildings en montagne euh y'a plus de verdure ca devient carrément des villes en montagne pour prendre l'exemple de CRAMP au hasard. [rire]. Et il y a beaucoup de paysages dans le monde qui sont complètement défigurés par le fait que l'Homme construit trop parce qu'il y a aussi de plus en plus euh pour moi le danger c'est pas seulement le réchauffement de la planète mais c'est la surpopulation, c'est le fait que la population croît a une vitesse incroyable et ca mon père l'a étudié et c'est hallucinant, c'est ...euh...de nouveaux les chiffres, je retiens pas les chiffres, mais je sais que depuis qu'elle a doublé enfin euh la on en arrive à je sais plus combien de milliards... mais la population est trop grande par rapport à la Terre et donc du coup ca engendre aussi pleins de problèmes. Et ca pour moi, ca ça va être un des gros problèmes qui va arriver quoi, la surpopulation.

    Vous vous n'utilisez pas beaucoup la voiture ?

    Non seulement le week-end. Mais c'est aussi parce que c'est Genève donc petite ville égal maison pas loin du travail et puis du coup à pied. Donc mon mari par exemple va au travail à pied, si on habitait Paris beh ça serait autre chose. Ca c'est un luxe de Genève. Et on utilise les transports en commun.

    Et ça ne vous dérange pas d'utiliser les transports en communs ? Non c'est pratique.

    Vous ne voyez pas ça comme une contrainte ?

    Non, moi j'ai le permis mais je ne conduis pas. Et c'est très bien desservi à Genève, et c'est pratique, en plus j'habite au centre ville, et puis je marche sans problème.

    D'accord. Plus on roule vite, plus on consomme d'essence et donc plus les rejets de CO2 sont importants. Par exemple si on roulait à 110 km/h plutôt que 130 on participeraient moins au changement climatique. Es ce que vous, sachant ça, ça vous dérangerai que l'on limite la vitesse sur autoroute à 110 ?

    [...] rires, oui je trouve que déjà on peut pas rouler assez vite. Parce que j'ai un mari qui conduit très bien et assez vite et c'est vrai que moi j'ai l'habitude et j'aime bien... autant je comprend en ville, je trouve que les gens roulent trop vite en ville et c'est dangereux parce qu'il y a des piétons, donc ça en ville je serai assez stricte. Mais sur autoroute non...je sais pour la planète... mais égoïstement ça m'embêterai...

    Parce que c'est un gain de temps de rouler plus vite.

    Oui, c'est une perte de temps pour moi de rouler à 110. Du coup on gagne du temps, déjà on en à pas beaucoup les week-end, et moi perdre du temps en voiture c'est un des trucs qui me rend folle.

    Et vous avez la climatisation dans votre voiture ?

    Oui, mais ça ça m'embête pas de l'enlever parce que je supporte pas l'air conditionné Et est-ce que vous prenez souvent l'avion ?

    Surtout mon mari mais moi aussi. Ah oui ca on prend souvent l'avion.

    En fait c'est le moyen de transport qui pollue le plus. Par exemple pour un voyage transatlantique les quantités de gaz à effet de serre qui sont émises par personnes représentent à peu près ce qu'on émet pendant toute une année avec un mode de vie normal.

    Ca m'embêterais beaucoup de plus pouvoir le prendre... [rires] ah ouais ca c'est clair ! Mais même en sachant ca serait une grosse tare pour moi... énorme. Parce que déjà on fait des affaires à l'étranger. Même business hein. Mon mari aussi beaucoup mais même moi avec lui donc du coup si on pouvait plus voyager on pourrait plus travailler. Donc pour nous c'est un outil de travail, c'est pas seulement le plaisir mais de travail essentiel.. .euh... ensuite euh alors si y'a une chose que j'aime dans la vie c'est voyager, découvrir des pays nouveaux, bouger et Genève et donc ca serait pour moi... c'est comme si vous m'enleviez un de mes plus grands bonheurs de ma vie.

    Et si on vous disait que l'on taxait les voyages en avion...

    Mais la me dire qu'il faut encore payer pour prendre l'avion... d'un coté je pourrais le comprendre mais est ce que le fait qu'on paye plus... mais c'est pas juste par rapport aux gens qui sont moins aisés...et qui du coup ne pourront plus se payer les quelques voyages qu'ils se font... ouais c'est pas juste... c'est pas toujours par faire payer les gens qu'on résout les problèmes.

    En Europe les compagnies aériennes comme Easyjet sont moins chères...

    A par exemple pour Paris moi je prends le train, jamais l'avion. C'est plus pratique. La je vais aller à Barcelone en août, je vais prendre Easyjet...ya le coté moins cher surtout quand on le prendre bien à l'avance... bien sûr que ça joue. On est pas...euh...on roule pas sur l'or non plus, ça ca joue. Et puis euh voila, pour des cours vols je trouve que c'est bien, pas pour des plus longs, pour des cours comme ca en Europe, Barcelone... c'est bien. J'ai pas pris souvent hein donc je sais pas trop mais je sais que c'est bien. C'est pratique, c'est économique.

    Je vois pas trop aussi comment aller à Barcelone si je prends pas l'avion. Oui je peux prendre le bateau, le train...ca met trois jours pour y aller, je reste une journée et je reviens. [rires] Ca c'était y'a longtemps. Non ca m'embêterais, franchement non je suis tout à fait consciente que ca détruit peut- être la planète mais c'est très dur d'avoir goûté et de changer après. Je sais pas si vous vous rendez compte ce que vous dîtes. Vous vous rendez compte déjà le luxe que c'est de se dire euh... bon et puis mon mari c'est encore pire parce que lui euh...on a goûté un luxe parce que euh...il travaille avec des clients qui sont encore euh... c'est un autre monde... très fortunés et donc j 'ai eu la chance pour mon jeune âge et dans ma vie d'avoir été dans ma vie dans un... enfin eux ils le font aussi avec ses hommes d'affaires parce que c'est des gens qui travaillent énormément et qui voyagent beaucoup, ils ont des jets privés hein...et mais bon moi je l'ai pris qu'une fois dans la vie mais de voir mais c'est un truc euh... [admiration] c'est incroyable ca veut dire vous arrivez donc déjà vous attendez pas vous passez à la douane tout seul, vous posez vos valises on s'occupe de tout, vous rentrez dans l'avion, il décolle. Vous atterrissez deux heures plus tard par exemple pour aller à... à coté... à pas à Madrid mais à... bref n'importe où que ce soit. Vous atterrissez et ils ont la voiture à coté et ils repartent donc ca veut dire : zéro perte de temps. Et pour eux le temps c'est vraiment de l'argent. Et c'est une économie de temps, et c'est vrai que c'est une facilité... c'est euh hallucinant, c'est presque trop hein je dis pas. Et donc si là vous me disiez que là pour aller aux Etats-Unis je devais au lieu de prendre mon avion et de mettre 6 ou 7 heures, ca va me faire trois jours parce qu'il faudra que je prenne le train, le bateau...ah ca m'embêterais beaucoup de revenir en arrière par rapport à ça. Quand on a goûté le luxe de la technologie.

    Alors mais pas pour moi mais pour mon mari ca serait une perte aussi point de vue financier, pour son travail. Et pour les gens dont je vous ai parlé... eux ca serait carrément le drame. [rires] parce que eux c'est un outil de travail et c'est même pas parce que euh... bon ben bien sûr ils ont l'argent pour hein...je suis d'accord mais sans ça ca leur fait gagner beaucoup en travail, en argent... tout ça, en business. C'est pas très écologique [rires] ce que je suis en train de dire. Oui mais ca c'est un retour en arrière qui m'embêterais le plus.

    Ils y a aussi le volet alimentation, faîtes vous le lien entre alimentation et effet de serre ? Non pas vraiment

    [Explications]

    Alors ça ca me dérange mais alors pas du tout. Ca je changerais mon comportement sans problème, sur l'alimentation.

    Et ne plus manger des ananas, ou tout ca ?

    Ca c'est pas grave j'aime pas ca ! [rires] non alors ca c'est quelque chose ou je pourrais faire un effort, l'alimentation. Ca si om me disais il faut maintenant acheter pour le bénéfice, pour le bien être de la planète vous devez manger tels aliments à telles périodes, vous achetez localement, vous devez faire ça, ça, ça...ça je m'y contraindrais sans problème. Non ca je suis pas difficile pour ca. Non je crois

    que c'est vraiment le transport qui serait peut-être sujet à... non mais l'alimentation ca y'a pas de soucis. Non et puis les agriculteurs c'est... non ça ca me touche en plus... c'est un peu personnel quoi.

    Es ce que malgré leur surcout vous mangez des produits BIO...

    Bio c'est bien, dès que je peux je mange bio. Enfin c'est pas agréable de devoir payer plus... mais je le fais.

    Et ca c'est plus pour la santé ?

    Ca c'est pour la santé ouais bien sûr. Et puis et puis c'est une habi...et puis oui j 'ai entendu beaucoup de bien dessus... .donc euh...et puis si ca peut être mieux pour la planète ben y'a pas de soucis. Ca c'est quelque chose que je ferais facilement. C'est pas une contrainte pour moi. Et en plus c'est vrai qu'il y a beaucoup d'aliments bio qui sont bien meilleurs au goût, les carottes surtout.

    Et dans l'alimentation il y a aussi le fait de manger de la viande...

    Ca mon mari c'est une catastrophe, il est carnivore... [rires] il mange rien d'autre. Moi pas du tout. Si on me demandais de réduire mon alimentation en viande, pas de soucis, pas de problèmes... Non ca l'alimentation je suis cool, donc déjà j'aime tout...je suis pas difficile euh par contre c'est vrai que j'aime bien prendre des bons produits... .mais bio je sais que c'est quand même des bons produits en général donc euh c'est sain.

    D'accord. Il y a aussi le volet de l'habitation, par exemple le fait d'utiliser du chauffage, de faire fonctionner des appareils électroménagers nécessite de l'énergie et donc émet des gaz à effet de serre. Comme vous venez d'acheter une maison es ce qu'on vous as par exemple renseigné sur son isolation ?

    Oui, je sais qu'il y a des normes en Suisse pour l'électricité et tout, donc nous bien sure on va être en règle. Maintenant tout ce qui est consommation d'énergie euh...si je peux éviter de mettre le chauffage je le ferai parce que déjà je trouve c'est pas très sain une maison surchauffée encore plus les chambres. Et tous ce qui est électroménagers, c'est vrai que là on vient d'acheter une cuisine et je me suis pas dis... j 'ai plus regardé le design [rires] que combien d'énergie elle consomme, c'est terrible. Mais on a pas porté mon intérêt en me disant si vous prenez tel machine elle sera peut être moins joli mais ca sera plus...on ne m'a pas dit non plus. Non j'avoue je me suis pas posé plus de question que ca. Par contre si on me disait il faut... à moins que la machine soit horrible et qu'elle face un bruit atroce, ca m'embêterai ca m'embetterai pas trop. Toujours moins que le transport [rires]

    Et par exemple le fait de mettre des panneaux solaires on vous en a pas parlé ? Non, c'est pour quoi ca ?

    [explication du fonctionnement des panneaux solaires photovoltaïques et thermiques]Es ce que vous pourriez être intéressée pour en installer ?

    Beh oui si ca peut vraiment aider.

    Même si il y a un investissement de départ ?

    Oui pourquoi pas, ca je pourrait le faire, il y pas de problèmes. Si c'est dans le budget oui. C'est vraiment les transports ou je suis catégorique, le reste je suis cool [...].

    Et justement, est ce que vous avez des idées sur les raisons qui expliqueraient que les gens ne réagissent pas au problème du changement climatique ? Est ce que vous pensez que c'est du à un manque de prise de conscience, ou bien qu'il existe des contraintes trop fortes ?

    Je crois qu'il y a beaucoup de... beh moi j'en suis l'exemple, beaucoup de manque de prise de conscience. On nous en parle depuis pas si longtemps que ca, tout d'un coup c'est le sujet dont tout le monde parle, la grande frayeur du moment. Ca aurait du être crescendo, ca nous tombe dessus, on parle que de ca, on voit ca partout, donc forcement y a un moment ou...et puis on est pas si bien informé que ca non plus, surtout les gens qui sont occupés n'ont pas forcement le temps de s'informer. Y a un manque de temps aussi. Et c'est pas si facile que ca de changer des habitudes, que des gens nous disent... c'est pas tout de dire les problèmes, après il faut aussi...

    Qu'on disent aux gens qu'est ce qu'ils pourraient changer ?

    Beh oui, un peut plus d'information. Et puis c'est vrai que les gens sont tellement débordés par leurs problèmes quotidiens que les problèmes un peut globaux beh il on moins le temps de s'occuper de tout ca. Y a des familles nombreuses ou tellement de chose à s'occuper que...

    Ca les touchent pas directement.

    Voila ca les touchent pas directement c'est sûre. On sais que c'est bien, mais ca nous touche pas directement, pour l'instant. Peut être des gens qui ont subi des catastrophes dues à ca ils vont réagir plus vite, sûrement. Mais nous dans notre petit Genève privilégié on se rend moins compte c'est sûre. Mais si tout d'un coup on dit il faut faire ca ca ca, ca devient urgent, ouai bien sûre moi je le ferai.

    Vous avez l'impression qu'on est pas assez alarmiste ?

    Bon, c'est bien d'être alarmiste mais après faut que les Hommes d'Etats... après c'est aussi des structures qui doivent être mise en place. Donc faut que des lois soit crées, le changement se fait pas non plus du jour au lendemain. Je sais pas c'est peut être par referendum...il faut que des lois passent pour changer certaines attitudes peut être. Comme on disait pour les panneaux solaires, si y en a qui le font et d'autres qui le font pas...je sais pas. Faut être un peu plus concret.

    C'est donc l 'Etat qui doit impulser ce changement ?

    Ah beh oui, je pense que c'est l'Etat en premier. L'Etat et les médias, parce que les médias jouent beaucoup dans nos sociétés. Et puis petit à petit les gens... mais ca se fait pas... c'est long je pense de faire changer tous ces gens, ces millions de personnes, d'habitudes. Et puis dire, pour que la planète aille mieux il faudrait faire ca, faire si. Etre plus théorique, pédagogique, que les gens comprennent bien. Par exemple pour des gens comme moi, qui n'ai pas le temps de m'informer non plus énormément, on sais pas trop ce qui faut faire, on nous alarme mais on nous dis pas trop les choses, concrètement ce qu'on devrai faire. Oui c'est un manque de pédagogie peut être.

    Si vous ne vous êtes pas plus informé c'est pas manque de temps.

    Oui manque de temps. Manque de temps parce que je regarde peu la télé, et puis je lis peu depuis que j 'ai le petit qui prend beaucoup de temps. Mais par contre j 'en ai beaucoup entendu parlé malgré le fait que...

    Ca ne vous a pas donné envie d'aller rechercher encore plus d'informations.

    Non ca ne m'a pas forcement... ouai parce qu'il y a encore pas si longtemps que ca il y avait beaucoup de débats ou les gens n'étaient pas d'accord. Et c'est quand même assez récent, tout d'un coup...

    En fait la communauté scientifique est d'accord depuis relativement longtemps. C'est les médias qui ont joué ce rôle de controverse en allant cherché à chaque foi le scientifique qui fait exception, qui n'est pas d'accord.

    Mais faudrait qu'on explique un peu plus les conséquences et tout ca. Peut être qu'on l'explique mais moi je suis pas si au courant que ca. D'ailleurs quand vous m'avez appelé je vous ai tout de suite dis olala je suis pas très consciente de tout ca, je suis pas très informée. C'est pas bien je sais mais voilà c'est comme ca...je sais les grande lignes.

    Es ce que vous avez vu le film d 'Al Gore, Une vérité qui dérange ?

    Non, j 'en ai entendu parler. Mais je le lourait avec plaisir. Et peut être que si je vois un film qui touche ca pourrait me faire réagir.

    Le fait de parler de ce sujet ca vous donne envie de vous renseigner davantage ?

    Oui, bien sure, si je sais où aller, quoi lire. C'est toujours pareil dans toutes les informations qu'on peut trouver n'importe où, il faut trier les bonnes et les mauvaises, donc je sais qu'il y a des livres spécialisés que mon père lit, je crois que c'est Science et Vie, là je sais que c'est assez bien.

    Annexe 5 : Principaux résultats des entretiens

    Nom Thèmes

    Caroline

    Degré de connaissance de la
    problématique du changement
    climatique

    CC = tout ce que ca engendre (conséquences)

    Effet de serre = impossibilité à donner une explication des mécanismes

    Causes = pollutions (voitures, machines, engrais)

    Conséquences = fonte des glaciers, perturbation des saisons, inondations, feux

    A conscience de ne pas être très informée sur le sujet = pas de réelle prise de conscience

    Perception de la relation entre
    comportement individuel et CC

    Cause = anthropique mais difficulté à voir relation entre comportement quotidien et CC : uniquement par rapport à la voiture Responsabilité = gouvernement doit impulser le changement

    Etat d'esprit

    CC ne l'angoisse pas énormément (manque de temps, information récente)

    Ne se sent pas directement menacée par les conséquences du CC : ce sont les générations futures qui peut être seront concernées.

    Comportements et changements de
    comportements

    Aucun changement de comportement entrepris depuis réceptions des informations

    Peu de changements de comportement envisageable : n'est pas favorable à la diminution de la vitesse sur autoroute (= perte de temps), n'envisage pas de ne plus prendre l'avion (perte de confort, de temps, financière)

    Changement envisageable au niveau de l'alimentation : peut consommer BIO même si plus cher

    Changer de comportement = contrainte (« le tri c'est chiant ») puis devient une habitude

    Mise en évidence des contraintes

    Contraintes internes : changer de comportement = perte de temps, de confort, d'argent

    = retour en arrière « c'est dur d'avoir goûté et de changer après » (voyages)

     

    Myriam

    Degré de connaissance de la
    problématique du changement
    climatique

    CC = fonte des glaces, pollution, couche d'ozone

    Effet de serre = trou de la couche d'ozone, « bouclier » due aux pollutions humaines (usines, couper les forêts) Causes = pollutions

    Conséquences = fonte des glaces, montée du niveau des océans, perturbation des saisons, canicules

    Perception de la relation entre
    comportement individuel et
    changement climatique

    Causes = anthropiques mais difficulté à voir relation entre comportement quotidien et CC : uniquement par rapport à la voiture Responsabilité = tout le monde est responsable ; les pays en développement le sont particulièrement car « ils ont tellement besoin de produire qu'ils se préoccupent pas de la pollution ».

    Le changement passera par le niveau politique : c'est à l'Etat de prendre des mesures, importance de notre pouvoir d'électeur

    Etat d'esprit

    Ne se sent pas directement menacée par le CC (« moi j'y serais pas ». Mais il faut se préoccuper des générations à venir.

    Syndrome de la goutte d'eau : « c'est pas les gens individuellement qui peuvent faire grand-chose », c'est aux pouvoirs politique de prendre les choses en main

    Comportements et changements de
    comportements

    Utilise le parking relais, consomme certains produits BIO

    N'envisage pas de changement de comportements sans incitation de l'Etat.

    Mise en évidence des contraintes

    Contrainte externe = pas prête à assumer le surcoût des produits respectueux de l'environnement (« j'essaye d'avoir au moindre coût).

    Contrainte interne = syndrome de la goutte d'eau, fois dans les pouvoirs publiques pour changer les comportements individuels. Manque d'information 121

     
     
     

    Julien

    Degré de connaissance de la
    problématique du changement
    climatique

    CC = Cause humaines, capacité de l'Homme à changer son environnement

    Effet de serre = Phénomène naturel qui retient les gaz dans l'atmosphère et qui est accéléré par le rejet de CO2, confusion avec le trou de la couche d'ozone

    Causes = rejet de CO2 de l'industrie et du trafic automobile

    Conséquences = montée du niveau de la mer, impact sur la faune, augmentation des catastrophes naturelles

    Perception de la relation entre
    comportement individuel et
    changement climatique

    Pratiques individuelle lié au CC : utilisation de la voiture, consommation de l'électricité, consommation en général (« tout ce que je consomme vient de l'industrie qui pollue »).

    Ne voit pas le lien entre CC et volet alimentation

    Responsabilité = tout le monde est responsable

    Les politiques doivent provoquer le « déclic qui permettra un changement de valeurs »

    Etat d'esprit

    Peu optimiste face au problème, doute de la capacité et de la volonté des politiques à faire changer les choses, de même « la société s'accommode très bien du problème »

    Se sens très concerné, aimerai pouvoir faire quelque chose à son échelle mais pour l'instant sentiment d'impuissance, de ne pas pouvoir faire changer les choses (cf. Syndrome de la goutte d'eau)

    Responsabilité : tout le monde est responsable

    Comportements et changements de
    comportements

    Changement de comportements déjà entrepris : pour l'instant n'a pas changé drastiquement ses pratiques mais fait attention à l'utilisation de l'électricité, diminution de l'usage de la voiture

    Changement de comportements envisagé : est favorable à la diminution de vitesse sur autoroute

    Mise en évidence des contraintes

    Contrainte interne : « c'est difficile de se détacher de ses habitudes »

    Contraintes externes : manque d'infrastructure (de réseau de transport en commun), surcoût des technologies non polluantes (ex. avion moins cher que train, surcoût du BIO)

     

    Béatrice

    Degré de connaissance de la
    problématique du CC

    CC = dérèglement des saisons

    Effet de serre = les gaz « d'échappement ou des usines » provoquent un réchauffement climatique Causes = Homme en général qui émet des pollutions diverses

    Conséquences = dérèglement des saisons, fonte des glaces, feux, perturbation des écosystèmes Confusion avec les CFC

    Perception de la relation entre
    comportement individuel et
    changement climatique

    Pratiques individuelle lié au CC : utilisation de la voiture Responsabilité : tout le monde est responsable

    Etat d'esprit

    Difficulté à voir si le CC est un phénomène scientifiquement prouvé ou un effet de mode.

    CC ne l'angoisse pas

    Pense qu'on n'arrivera pas à « éduquer les gens » (égoïsme) ; la prise de conscience actuelle n'est que « superficielle »

    Mise en évidence des contraintes

    Contrainte externe = pas prête à assumer le surcoût des produits respectueux de l'environnement (« si effectivement le tee shirt qui vient de Chine il coute trois fois moins cher ou quatre foi moins cher je vais avoir un petit peu de mal »)

    Corinne

    Degré de connaissance de la
    problématique du CC

    CC = perturbation des températures, pollutions, mal à respirer

    Effet de serre = ne peut pas expliquer le mécanisme

    Causes = pollution, consommation d'électricité, nucléaire, usines, changement de vie des gens Conséquences = perturbation des températures, pollutions, les gens sont plus énervés, fonte des glaciers

    Perception de la relation entre
    comportement individuel et
    changement climatique

    Pratiques individuelle lié au CC : voiture, ne voyait pas relation avec alimentation

    Responsabilité : tout le monde est responsable + responsabilité du gouvernement (doit avoir une action davantage coercitive)

    Etat d'esprit

    Pessimiste par rapport à la « tournure que prennent les choses » : « éviter je pense pas que cela soit possible, il faut limiter » « c'est très inquiétant »

    Ce sont les générations futures qui en subiront les conséquences : « On l'a su trop tard »

    Comportements et changements de
    comportements

    Changement de comportements déjà entrepris : commence à consommer des produits BIO et des produits respectueux de l'environnement (produits d'entretiens), achète local, achète produits de saison

    Changement de comportement envisagé : pense pouvoir faire davantage à sa consommation alimentaire

    Mise en évidence des contraintes

    Contrainte interne : « fainéantise » (pour remplacer voiture par vélo), « c'est dur de penser à tout », « on en parle et on oublie » Contrainte externe = absence de réseau de transport en commun pour se rendre sur ses lieux de travail, législation (ex. Interdiction de poser un panneau solaire)

     

    Olivier

    Degré de connaissance de la
    problématique du CC

    CC = ne le perçoit pas directement, couche d'ozone, essaye de change de comportements (économie d'eau, d'électricité) Effet de serre = cloche de verre qui retient nos gaz d'échappement (CO2), détruit la couche d'ozone

    Causes = Homme en général qui émet des pollutions diverses

    Conséquences = dérèglement des saisons, fonte des glaces, augmentation du niveau de la mer

    Perception de la relation entre
    comportement individuel et
    changement climatique

    Pratiques individuelle lié au CC : utilisation de la voiture, alimentation

    Responsabilité : tout le monde est responsable mais délégation de notre responsabilité aux politiques internationales

    Etat d'esprit

    Confiant face au CC, il y à une prise de conscience

    Syndrome de la goutte d'eau (« je me sens démunit ») mais en même temps « c'est les petites gouttes d'eau qui font les grandes rivières »

    Comportements et changements de
    comportements

    Changement de comportements déjà entrepris : ne consomme pas de produits hors saison, essaye de consommer des produits locaux Vacances pour découvrir les « terroirs locaux »

    Mise en évidence des contraintes Contrainte externe = absence de réseau de transport en commun






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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon