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Le pourvoi en cassation devant la cour commune de justice et d'arbitrage de l'OHADA

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par Koudzo Igneza NAYO
Ecole Nationale d'Administration (ENA-TOGO) - Diplome, cycle III de l'ENA, Magistrature 2009
  

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CONCLUSION

Au terme de cette réflexion, il y a lieu de dire que la CCJA est une institution incontournable dans l'affirmation et la consolidation du droit communautaire de l'OHADA. Depuis le 11 octobre 2001, date de la tenue de sa première audience après réception de son siège à Abidjan, elle a tant bien que mal rempli68(*) la mission qui lui a été assignée par le Traité de Port-Louis, celle de garantir une interprétation commune du droit OHADA en évitant les risques d'interprétations divergentes des Actes Uniformes par les juridictions de fond des Etats parties.

Nous avons montré, dans les développements qui ont précédé, le caractère original de cette juridiction au travers du mécanisme du pourvoi en cassation organisé devant elle. Cette originalité qui réside, d'une part, dans son pouvoir d'évocation et dans la cassation sans renvoi de ses arrêts, puis, d'autre part, dans sa supranationalité judiciaire, constitue également la source majeure des nombreux dysfonctionnements observés dans le pourvoi en cassation instauré devant elle.

S'il ne fait l'ombre d'aucun doute que le mécanisme du recours en cassation devant la CCJA nécessite des aménagements vu les nombreux dysfonctionnements qu'il génère, lesquels sont de nature à compromettre sérieusement sa mission d'interprétation et d'unification de la jurisprudence en matière d'Actes Uniformes, il n'est pas aussi aisé de proposer des solutions unanimement admises, propres à résoudre les difficultés rencontrées.

Nous avons néanmoins essayé de dégager, dans cette étude, des orientations de solutions qui se résument en la révision du Traité de l'OHADA et sa mise en harmonie avec les autres Traités d'intégration régionale, mais aussi à la dotation de la CCJA des moyens tant humains, matériels que financiers indispensables à l'efficacité de sa mission. Il faut dire que ces solutions préconisées nécessitent une bonne dose de volonté politique des Etats parties au Traité pour leur mise en oeuvre effective, tant la procédure de révision du Traité est très lourde et nécessite l'accord unanime de tous les Etats parties pour ce faire.

Une chose est cependant certaine, c'est que cette révision du Traité devra nécessairement prendre en compte quelques unes des solutions suggérées afin d'atteindre les résultats escomptés.

Il s'agit, en premier lieu, du point relatif à l'encadrement du pouvoir d'évocation dont dispose la CCJA, étant entendu que ce pouvoir d'évocation constitue la source principale des difficultés liées au fonctionnement du pourvoi en cassation organisé devant elle.

En second lieu, le point relatif au « raccourcissement de l'épuisement des voies de recours internes » opéré par le Traité devra être sérieusement examiné. En d'autres termes, est-il indispensable à l'OHADA qu'il n'y ait pas dans chaque Etat partie une juridiction de cassation compétente pour l'interprétation des Actes Uniformes ? Une réponse négative à cette question reviendrait à réintroduire les Cours Suprêmes nationales dans le jeu judiciaire relatif à l'application des Actes Uniformes ; dans cette perspective, il ne faudrait pas perdre de vue que leur interprétation, donc le contrôle de la légalité de l'exacte application du droit communautaire, restera l'apanage de la CCJA. Une réponse positive à cette question devrait tendre à la réaffirmation de la suprématie générale de la CCJA dans l'orientation actuelle du Traité, et, dans cette optique, toutes les dispositions devront être prises afin d'éviter que les décisions rendues par les Cours Suprêmes nationales en matière d'Actes Uniformes soient appliquées grâce au cadre juridique par défaut dont nous avons parlé précédemment.

En troisième lieu enfin, le point relatif à l'accroissement des effectifs de la CCJA couplé à un renforcement conséquent de ses ressources financières ne devra pas être négligé. Sur ce dernier point, les Etats parties doivent impérativement s'efforcer à rendre effectif le mécanisme de financement autonome de l'OHADA institué par le Règlement n° 002/2003/CM du 18 octobre 200369(*).

Nous estimons que c'est seulement à ce prix qu'un souffle nouveau sera insufflé à la Haute Juridiction Communautaire, laquelle pourra enfin évoluer normalement et ce, dans le plus grand intérêt des justiciables et de toute l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires.

Au-delà de la CCJA, c'est tout le fonctionnement du système institutionnel de l'OHADA qu'il faudra revoir et cela devra nécessairement passer par une relecture des « Arrangements de N'Djamena », en date du 18 avril 1996, sur la base desquels les responsabilités au sein de l'Organisation ont été réparties entre certains Etats, dans « le but d'installer rapidement et avec une capacité opérationnelle immédiate les institutions de l'OHADA ». Rappelons que ces « Arrangements » ont confié de façon permanente, d'une part, au Togo, au Congo Brazzaville et au Burkina Faso, respectivement les postes de Secrétaire Permanent de l'OHADA, Greffier en Chef de la CCJA et Directeur de l'ERSUMA, privant en contrepartie, leurs ressortissants de la possibilité de briguer un poste de juge à la CCJA. D'autre part, ils ont permis à la Côte d'Ivoire, au Cameroun et au Bénin d'abriter respectivement le siège de la CCJA, du Secrétariat Permanent et de l'ERSUMA. La Présidence de la CCJA est, quant à elle, revenue au Sénégal, la Première Vice-présidence à la Centrafrique, la deuxième Vice-présidence au Gabon et les quatre autres postes de juge au Niger, au Mali, à la Guinée Bissau et au Tchad.

Depuis quelques années, des voix ayant commencé par s'élever pour dénoncer les frustrations engendrées par ces Arrangements qui ont consacré un monopole des postes de responsabilité par certains pays et un déséquilibre entre les Etats parties représentés à la CCJA, les Chefs d'Etats et de Gouvernement des pays membres de l'OHADA, réunies en marge du Sommet de la Francophonie tenu à Québec au Canada du 17 au 19 octobre 2008, ont unanimement décidé de mettre fin à ces Arrangements par la « Déclaration de Québec sur les Arrangements de N'Djamena »70(*) . Il ne reste qu'à souhaiter vivement que cet accord de principe soit rapidement traduit dans les faits par le Conseil des Ministres pour une répartition plus équitable des responsabilités au sein de l'Organisation et ce, suivant les principes prévalant en la matière pour l'ensemble des organisations internationales mettant particulièrement en valeur la compétence et l'intégrité attendues des responsables des institutions.

Aussi, faut-il saluer l'initiative des Chefs d'Etats et de Gouvernement de l'OHADA qui ont également adopté le Traité de Québec portant révision du Traité de l'OHADA au cours du même sommet de la Francophonie, même s'il faut reconnaître que les modifications effectuées71(*) ne résolvent pas les difficultés fondamentales du pourvoi en cassation devant la CCJA que nous avons relevées. Encore faut-il que ce Traité révisé soit ratifié par tous les Etats parties afin d'être appliqué.

Il est à noter que les Etats parties à l'OHADA, pour favoriser l'application et l'interprétation du droit OHADA, devront nécessairement mettre en conformité leur droit interne avec les Actes Uniformes72(*). Aussi, y a t-il lieu de signaler qu'à ce jour, aucun travail n'a été effectué dans ce sens au Togo. Au demeurant, aucune sanction n'a été prévue ni par le Code Pénal ni par un texte spécial pour rendre effectives les incriminations qui sont prévues dans les Actes Uniformes. Nous espérons que la réforme du Code Pénal et du Code de Procédure Pénale actuellement en cours saura efficacement prendre en considération ce problème d'articulation entre le droit international OHADA et le droit togolais73(*).

A l'heure où l'OHADA est arrivée à un âge de maturité et conduite à envisager à plus ou moins long terme, l'ouverture sous une forme ou une autre vers les pays de Common Law, espérons qu'elle pourra aborder sereinement ce virage en réalisant efficacement la synthèse des systèmes juridiques romano-germanique et anglo-saxon que l'on se plaît très souvent à opposer. Dans ce sens, et pour reprendre le Professeur émérite Yves GUYON, « ce serait un bel exemple que les juristes africains donneraient aux juristes occidentaux ».

* 68 La CCJA a ainsi pu rendre, à la date du 30 juin 2008, 38 arrêts d'incompétence, 89 arrêts de rejet et 85 arrêts de cassation sur un total de 682 pourvois enregistrés à son greffe. 345 affaires étaient pendantes par-devant elle à cette même date.

* 69 Voy. l'intégralité de ce Règlement en annexes n° 3.

* 70 Voy. l'intégralité de cette Déclaration en annexe n° 1

* 71 Voy. les modifications apportées au Traité en annexe n°2

* 72 A ce sujet, voy. Joseph ISSA-SAYEGH, Réflexions sur la mise en conformité du droit interne des Etats parties avec les Actes Uniformes de l'OHADA, www. ohada.com, ohadata D-04-12.

* 73 Entretien avec Maryse Raynal, Maître de Conférence de Droit Privé et Sciences Criminelles à l'Université de Pau (France) et des Pays de l'Adour, Spécialiste de l'OHADA.

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