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Les femmes migrantes et le VIH/SIDA a Poitiers

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par Jeanne Finda MILLIMONO
Universite de Poitiers - Master  2001
  

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Introduction

Plus de vingt ans après les premiers diagnostics d?infection, le VIH/SIDA menace toujours hommes et femmes, quels que soient leur âge, leur orientation sexuelle, leur identité de genre ou leurs origines géographiques.

L?origine de ce virus continue à faire polémique, et les croyances et représentations le concernant sont multiples et variées. Certains pensent que ce virus serait dû à des manipulations scientifiques dans les laboratoires, et qu?il pourrait être un moyen utilisé délibérément pour réduire la démographie mondiale galopante, une idée répandue dans certains pays en développement. Il est aussi sujet à dérision. On peut entendre souvent que le «SIDA» voudrait dire : «Syndrome Imaginaire pour Décourager les Amoureux.» Dans les communautés africaines subsahariennes, on entend encore que le SIDA serait un mauvais sort jeté par quelqu'un. Et cela malgré tous les discours sur les modes scientifiquement connus de transmission. Peut-être est-ce d?ailleurs pour cette raison que les discours sur la prévention peinent à être acceptés. Ce qui est sûr, c'est que les idées reçues sur des modes de transmissions imaginaires contribuent davantage encore à isoler les personnes séropositives, alors méme que la science a fait d?énormes progrès sur la prise en charge depuis la découverte du VIH en 19831.

En effet, le VIH/SIDA est devenu une maladie chronique avec laquelle la personne vit et vieillit. Pourtant, les conduites à risque, les inégalités dans l?accès aux soins, la méconnaissance sur l?infection à VIH et les discriminations vis-à-vis des personnes touchées se développent.

Les enquêtes menées soulignent aussi que les femmes infectées par le VIH sont plus fréquemment en situation de précarité et de vulnérabilité par rapport à la population générale. Ainsi, le cumul des situations de précarité ou de vulnérabilité aggrave les difficultés de suivi des traitements. De ce fait, les conditions socio-économiques précaires, notamment liées aux difficultés de logement, à l?absence de travail, à un manque de soutien social, familial et affectif, constituent autant d?obstacles à une bonne observance du traitement de la maladie.

1 Gingembre n°73, le journal du RAAC-sida/Remaides

Mon étude porte sur les femmes migrantes et le VIH/SIDA à Poitiers. Le choix de ce sujet part d?un fait que j?ai constaté au sein de l?association Aides à Nantes, dans laquelle je suis volontaire. Cette association effectue des actions de prévention et d?information auprès de la population migrante avec des partenaires associatifs et institutionnels. Pour ce faire, l?association n?hésite pas à aller sur le terrain et à rencontrer la population ciblée. Dans cette délégation d'Aides à Nantes, il y a un groupe de femmes qui vient une fois par mois afin de rencontrer d'autres femmes qui sont dans la méme situation qu?elles, à savoir séropositives au VIH. J'ai remarqué que les trois quarts de ces femmes sont migrantes. Je me suis interrogée sur cette situation, j?ai ensuite cherché à creuser plus loin. En théorie, chaque délégation AIDES a un groupe de parole pour femmes, mais à Poitiers il n?y en a plus. Ce groupe a existé jusqu'à ce que la délégation change d'emplacement. Donc, on a assisté à une baisse de fréquentation de l'association par ces femmes d'où l'intérêt pour moi de me poser la question du pourquoi de ce revirement. Cela pourrait en partie s'expliquer par le fait que le nouvel emplacement de l'association se trouve à proximité des lieux d'habitation des personnes migrantes (surtout celles venant d?Afrique sub-saharienne).

En parallèle à cela, à une échelle plus large j?ai remarqué que les articles scientifiques traitant de l?épidémie chez les femmes soulignaient, qu?après un pic de femmes infectées par le VIH en France en 1994, on constate l?année qui suit une certaine stabilité et on voit méme une nette diminution de femmes séropositives. Mais ces chiffres cachent un autre phénomène, on assiste à une augmentation des femmes migrantes séropositives. Et celles-ci, dans la plus part des cas, viennent d?Afrique subsaharienne2.

Comment analyser cette situation, jusque là « invisible » ? En effet, à travers leur situation de femmes immigrées et leur condition de vie, ces femmes indépendamment de leur volonté, peuvent se retrouver dans une situation de précarité surtout si elles cumulent avec cela une pathologie et deviennent femmes, migrantes et malades. S?en suivent alors les réactions d?hostilité et de discriminations envers elles.

2 Rapport de la direction des études, de l?évaluation et des statistiques sur la santé des femmes en France. Juin 2009

Un premier objectif de ma recherche est d?étudier les représentations et les rapports sociaux qui se créent et se nouent autour de l?infection du VIH/SIDA vis-à-vis des migrants. Dans un second temps, ma recherche vise à comprendre les comportements des femmes migrantes face au VIH/SIDA à partir d?une analyse de leurs pratiques de prévention et leurs pratiques quotidiennes face à cette maladie. Pour mener cette enquête, je me suis basée sur une compréhension de la maladie en terme sociaux, mais aussi culturels pour comprendre les relations entre les représentations sociales et les comportements sociaux des personnes concernées. En effet, selon le milieu social dont on est issu, il y a une perception différente de la maladie. Dans la communauté migrante, être porteur du VIH signifie isolement, discrimination et exclusion. Ceci pousse les femmes infectées à cacher leur séropositivité au sein de la communauté dans laquelle elles vivent, et à être très souvent plus mobiles que les autres. Ainsi, après l?annonce de la séropositivité, tout un système est mis en place par ces femmes afin d?éviter toute exclusion et discrimination. Parmi ces différents moyens de préventions, il y a la prévention contre les maladies, la prévention contre l?attitude des autres, donc la gestion de l?information. Pour cela, les femmes utilisent différentes stratégies afin de mieux se protéger contre les attitudes négatives qu?engendre la maladie.

Avec la difficulté que j?ai eu à rencontrer des femmes migrantes qui acceptent de faire des entretiens, mon échantillon de femmes interviewées ne se limitant qu?à trois femmes, les entretiens avec les cinq acteurs de la prévention sont venus les compléter.

Je vais tenter tout au long de cette étude de montrer comment la perception du VIH/SIDA par les autres (dans ce cas précis les communautés dans lesquelles ces femmes migrantes vivent) peut déterminer le mode de vie des femmes séropositives au sein de la société.

Première partie :

Cadre théorique, Problématique, et Méthodologie de la Recherche

I : L'état de la question

Beaucoup d?études ont été faites sur le problème du VIH/SIDA, je me suis plus particulièrement basée sur celles qui sont accentuées sur l?approche culturelle et anthropologique de la maladie mais aussi sur les différentes formes de représentations sociales du VIH/SIDA pour donner une orientation à ma recherche.

Tout d?abord du côté des instances non-gouvernementales, le projet de l?UNESCO et de l?ONUSIDA qui cherche à mettre en avant l?approche culturelle de la prévention et du traitement du VIH/SIDA a retenu mon attention. En particulier je me suis penchée sur les actes de la table ronde du 20 novembre 2004 à Paris avec pour intitulé « Femmes migrantes et VIH/SIDA dans le monde, une approche anthropologique ». En choisissant ce thème, le programme commun des Nations Unies voulait montrer une féminisation croissante de l?épidémie depuis ses débuts. Cette table ronde a rassemblé des chercheurs chevronnés en sciences sociales (comme Sandrine Musso, John K. Anarfi, Mary Haour-knipe etc.). La directrice de la division des politiques culturelles et du dialogue interculturel au sein de l?UNESCO signale dans la clôture des actes qu?il faut attirer l?attention sur la nécessité d?une approche socioculturelle de la question du VIH/SIDA. D?où l?urgence de définir avec et pour les migrants des programmes qui leur soient culturellement et linguistiquement adaptés. Pour l?UNESCO, l?apport anthropologique propose une approche sensible à toutes les réalités sociales et culturelles, aux mécanismes de la migration, aux pratiques et au vécu des femmes en temps de VIH/SIDA.3

Hormis l?approche anthropologique et culturelle, la question des femmes migrantes et du VIH/SIDA se pose aussi sous l?angle des représentations sociales dans la mesure où on peut penser le SIDA comme une construction sociale. En cela, il faut reprendre Emile Durkheim avec sa théorie de l?unité de base de l?individu et de la conscience collective. Un individu ne peut vivre indépendamment du groupe dont il est issu sinon il sera tout de suite qualifié de marginal. Donc les représentations sociales, en tant que système, régissent notre relation au monde et aux autres. Ainsi faut-il penser la question du VIH en la replaçant au sein de la

3 UNESCO/ONUSIDA. (2004). Femmes migrantes et VIH/sida dans le monde : une approche anthropologique. Paris : UNESCO

société et non individuellement. C?est ce qu?ont tenté de faire Vincent Rollet et Evelyne Micollier en abordant les questions de la sexualité, du VIH/SIDA et de la société civile en Asie de l?Est en privilégiant une approche constructiviste pour examiner l?identité sexuelle ainsi que la stigmatisation sociale attachée au VIH/SIDA4.

Mais la majorité des études aborde le VIH d?un point de vue médical. En effet, bien avant que le VIH soit entendu comme un phénomène social, les chercheurs ont essayé de comprendre cette épidémie du point de vue médical et épidémiologique. Le relais a ensuite été pris par les associations, les ONG et les chercheurs sciences sociales, définissant ainsi le cadre complexe de la façon d?aborder et de comprendre la maladie : « Ni le caractère infectieux (donc transmissible) et épidémique de la maladie ni sa gravité n?ont à eux seuls suffi à instituer le SIDA en fléau social. C?est la constitution d?un mouvement social qui à été la condition principale de la reconnaissance de l?épidémie comme cause d?intérêt général5. »

Il me semble que ces trois approches sont d?accord sur un point : c?est que les femmes sont plus vulnérables face au VIH. Les anthropologues parce que certaines cultures défavorisent socialement la femme et la rende beaucoup plus vulnérable. Les médecins parce que d?un point de vue biologique, les femmes sont plus enclines à contracter des virus. Les ONG et les associations parce que le VIH/sida reste toujours tabou dans la société, le rapport de genre ne favorise pas la femme dans la négociation du port du préservatif.

Ainsi, les représentations sociales constituent un élément important dans le cadre de mes recherches. Puisque, malgré tous les efforts faits afin de «banaliser» le VIH/SIDA, certaines représentations continuent à persister cela entraine une rupture des personnes atteintes dans la société dans laquelle elles vivent.6 Les représentations participent donc à la stigmatisation des personnes séropositives.

4 Vincent R. Micollier E. (2006). Sexual Cultures in East Asia. The Social Construction of Sexuality and Sexual Risk in a Time of AIDS. Perspectives chinoises. n°94. [En ligne], mis en ligne le 23 mai 2007. URL : http://perspectiveschinoises.revues.org/document975.html. Consulté le 16 décembre 2009.

5 Thiaudière C. (2002). Sociologie du Sida. P6. Paris : La Découverte.

6 Ceci est à relativiser ce n?est pas le cas dans toutes sociétés on retrouve cela surtout dans les populations originaire d?Afrique subsaharienne.

1. La construction des représentations

Je vais me référer aux travaux de Moscovisci7 pour expliquer cette notion de représentation sociale. Gelui-ci distingue quatre phases dans la construction des représentations.

Dans la première phase, Moscovici explique qu?il y a passage de l?objet au modèle figuratif : le sujet tire des informations de l?objet, les sélectionne et les mémorise. C?est la phase de décontextualisation de l?objet par reflet de la réalité ou « modèle figuratif » ou encore « noyau imageant ». Donc l?individu se fait une image de l?objet dont il doit traiter. Dans un deuxième temps, le sujet passe du modèle figuratif à celui de la catégorisation. Ainsi le modèle figuratif va prendre le statut d?évidence. Pour lui, ce sont des réalités, qu?il va faire entrer dans des catégories, pour interpréter la réalité. La troisième phase consiste au passage de la catégorisation au modèle actif. Parler de modèle actif revient à décrire ce qui va orienter les conduites et les relations aux autres. Moscovisci parle de phase d?ancrage ou d?activation du noyau de la représentation, ce noyau donne de la signification aux événements et oriente les comportements des individus. Et enfin, dans une dernière phase, se constituent les représentations qui vont se consolider et générer des attentes et anticipations spécifiques.

Dans l?ensemble des théories sur les représentations, les éléments cognitifs entretiennent des liens étroits et constituent un noyau de signification. Gertains de ces éléments occupent une place centrale, d?autres sont positionnés de façon plus périphérique. Ainsi, du point de vue de leurs structures, les représentations sociales présentent deux composantes : le noyau dur et les éléments périphériques.

Le noyau dur de la représentation ou noyau central est marqué par la mémoire collective du groupe, mais aussi par le système de normes auquel il se réfère. Il y a homogénéité du groupe au niveau de ce noyau central. Le noyau central a pour fonction de générer la signification de la représentation et déterminer son organisation. Stable et cohérent, il résiste aux changements et assure la permanence de la représentation.

Les éléments périphériques sont marqués par les expériences et les histoires personnelles des
individus. Il y a hétérogénéité du groupe de ces éléments périphériques. Ils ont pour fonction

7 Moscovisci S. (1961). La psychanalyse, son image et son public. Paris : Puf.

de s?adapter à la réalité concrète et protéger le noyau central. Ils sont en mouvement, évoluent, se transforment et s?adaptent.

Ainsi, toute représentation apparaît comme un processus dynamique à travers lequel s?opère une reconstruction sociale du réel. La représentation sociale exprime un caractère relationnel et reproduit ainsi le fonctionnement des règles et des valeurs dans une culture donnée.

Le concept de représentation sociale désigne donc une forme de connaissance sociale, la pensée du sens commun, socialement élaborée et partagée par les membres d'un même ensemble social ou culturel. C'est une manière de penser, de s'approprier, d'interpréter notre réalité quotidienne et notre rapport au monde.

On parle de représentation sociale car elle est « socialement partagée " par une population donnée. Dans ce cas, quel est le rôle des représentations sociales dans l?identification du VIH/SIDA et de la personne séropositive ?

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams