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L'électrification rurale par l'énergie solaire. Etude de cas au Bénin.

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par Julie Bobée
Université Libre de Bruxelles - Master en Sciences de la Population et du Développement 2010
  

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4. Surmonter les obstacles

Encore aujourd'hui les systèmes mis en place sont loin d'être durables et il est nécessaire d'envisager les solutions qui amèneraient à une pérennité de l'électrification rurale photovoltaïque car « le déploiement de [l'énergie solaire] n'est pas un problème d'existence de la ressource mobilisable mais plutôt une question de "mobilisation" de cette ressource à partir de l'action du marché et/ou de politiques volontaristes »145. Ces solutions passent nécessairement par une étude approfondie des zones à électrifier ainsi que des facilités de paiement pour avoir les moyens financiers nécessaires. Au contraire de la situation sur le continent européen où les personnes qui investissent dans la technologie photovoltaïque sont celles prêtes à prendre des risques financiers et intéressées par cette technologie, on est en Afrique face à une population largement rurale et périurbaine pauvre, incapable de supporter les coûts élevés du photovoltaïque146. Cependant, le financement n'est pas la seule faiblesse, la problématique de maintenance, allant de paire avec celle de l'appropriation, doit être résolue. Les aspects financiers et ceux autour de la maintenance sont primordiaux mais d'autres paramètres sont également indispensables pour mener à bien l'électrification solaire. L'instauration d'un dialogue multisectoriel et entre les différents acteurs est l'un de ces paramètres. Il est également intéressant d'envisager la mise à disposition de systèmes hybrides pour favoriser les activités économiques ainsi que de posséder des solutions quant à la gestion des composants usagés. Ces diverses recommandations visent à promouvoir l'électrification rurale en tant que service à la portée des différents individus et cela au moyen de kits photovoltaïques, mais une réflexion doit être également faîte concernant les autres types d'électrification solaire pour le développement du service d'électrification rurale.

4.1. Surmonter l'obstacle financier 4.1.1. Une étude préalable approfondie

Une erreur serait d'appliquer un modèle standard pour l'électrification solaire, les kits photovoltaïques standards de 50Wc ne représentant pas toujours la demande moyenne des

145 Dessus et al. 2007, 16

146 Wamukonya op.cit. 6-14

foyers ruraux147, les programmes doivent donc se bâtir à partir de l'existant148. Une autre serait de ne pas évaluer correctement la valeur réelle des projets en raison de leur aspect souvent gratuit149. Les projets émanant généralement de la coopération internationale sont donnés et l'indicateur de leur réussite ne relève que de leur bonne mise en place, les experts ne se préoccupant que de l'exécution du projet avec pour objectif le résultat final, dans le court terme et pour le moindre coût. Pourtant la diffusion de la technologie photovoltaïque dans une optique d'électrification rurale est complexe étant donné que se combinent des aspects techniques, économiques, logistiques, sociaux, culturels, organisationnels et de gestion. Les études à élaborer doivent donc reposer sur la pluridisciplinarité et sur une équipe interdisciplinaire150.

Une étude correctement menée permet de ne pas concevoir de programmes irréalistes à l'image du projet éclairer le Bénin rural grâce à des générateurs hybrides éoliens/solaires151, présenté au concours Lighting Africa 2008 et sélectionné parmi les cinquante deux propositions présélectionnées, alors même qu'il est largement connu que le vent est insuffisant pour faire fonctionner des installations éoliennes. (Cf. Partie 2.2.3)

Il est donc nécessaire de procéder, avant la mise en place d'une option décentralisée, à des études techniques, sociologiques, anthropologiques et économiques afin d'identifier les conditions de vie, les formes d'organisation, la demande réelle, les moyens financiers pouvant être déployés pour payer le service d'électricité, la technologie la plus adaptée... Par ailleurs, la structure et la dynamique de la vie quotidienne des ruraux sont complexes et varient d'un pays à l'autre ainsi qu'au sein d'un même pays152. Il est donc important de prendre en considération les connaissances des membres de la communauté afin de pouvoir ajuster la technologie aux standards culturels locaux.

Les études doivent également envisager l'évolution de la demande car la diffusion des modes
de vie et de consommation ne se propagent pas uniformément et l'électrification rurale
accélère ce phénomène. Des enquêtes doivent donc avoir lieu à la fois auprès des ménages

147 De Gouvello & Maigne op. cit., 60-137

148 Massé 2001, 21-33

149 Wamukonya op. cit., 6-14

150 Serpa & Zilles 2007, 80

151 Projet proposé par Greentecno, une compagnie oeuvrant dans les secteurs de l'énergie, de l'eau et de l'éducation. Leur projet n'a pas été sélectionné pour faire partie des seize gagnants.

152 Barrios 2008, 3-7

ruraux raccordés et auprès de ceux non raccordés au réseau153. D'autre part, c'est le service découlant de l'énergie et non l'énergie elle-même qui intéresse le consommateur, ce n'est donc pas le coût en soit mais le coût pour un type de service, sa qualité ainsi que se flexibilité154 qu'il faut prendre en compte pour effectuer une comparaison de coût entre les différentes possibilités d'électrification.

Un regard critique doit également prévaloir lors de toute enquête. Ont-ils réellement envie d'avoir une installation solaire ou leur réponse affirmative ne découle-t-elle pas d'une certaine politesse? Qu'est-ce que les individus peuvent payer et comment peuvent-ils le monnayer? Leur volonté correspond-elle réellement à leurs possibilités financières? Il arrive souvent que durant les enquêtes de marché le consommateur développe une idée fausse sur le service fourni par les systèmes photovoltaïques et qu'ensuite, lorsqu'il est conscient des limites de la technologie, préfère ne pas acquérir le système155. Une attention particulière doit être portée sur l'évaluation des capacités financières réelles des ménages tant il est difficile d'évaluer le marché potentiel. Par exemple, les dépenses en petits substituables ne feront que diminuer car des torches et autres objets fonctionnant à piles continueront à être utilisés, notamment lors des périodes d'arrêts du système. Dans les zones les plus riches, de nouvelles dépenses pourront apparaître comme pour l'achat d'un ventilateur. Il est donc préférable de prendre en considération la capacité de paiement des ménages, sans omettre que la contrainte monétaire auquel elle est liée peut avoir un caractère saisonnier.

Il est ainsi préférable d'avoir recours à des enquêteurs locaux et acceptés par la population, tels que des membres d'ONG du monde paysan, à la fois pour éviter qu'ils soient exposés aux revendications des chefs locaux (comme c'est le cas avec les commanditaires officiels156) mais également car ils seront plus à même de comprendre les besoins formulés par la population. En effet, ils connaissent les conditions de vie réelles, la langue locale, les codes sociaux pouvant influencer les réponses...

153 De Gouvello & Maigne op. cit., 60-137

154 Wamukonya op. cit., 6-14

155 Ibid.

156 De Gouvello & Maigne op. cit., 60-137

Condition n°1

Effectuer une étude pluridisciplinaire, en prenant en considération les aspects sociologiques et anthropologiques, afin d'adapter les installations aux besoins et aux modes de vie de la population, tout en considérant les possibilités financières réelles de la population. L'étude de terrain, menée par des acteurs locaux, permet de choisir la solution d'électrification décentralisée la plus adaptée.

4.1.2. Proposer des facilités de paiement

Proposer à la population comme il se fait aujourd'hui un étalement dans le temps du financement, grâce à un prêt à 0% paraît de prime abord intéressant étant donné que l'achat d'un kit standard subventionné est inabordable pour un individu langda. Son coût (660 000 FCFA) représente plus des deux tiers des dépenses annuelles moyennes d'un ménage rural (967 829 FCFA pour un ménage de 5,4 personnes157). De plus l'installation ne permettra pas l'apport de réels revenus additionnels, les avantages tirés étant plutôt de l'ordre de l'amélioration du bien être158. Par ailleurs, la durée de vie d'une batterie étant de quatre ans, le crédit octroyé ne pourra s'étaler sur plus de quatre années afin d'avoir ensuite des ressources disponibles pour la changer. Seulement, même dans ce cas, le ménage doit rembourser 13 542 FCFA par mois, ce qui représente pour ainsi dire les dépenses moyennes d'un membre du ménage (14 936 FCFA/personne/mois). Or, dans un contexte où la majorité de la population rurale vit en auto-subsistance, cette amputation dans les finances familiales est très lourde et représente bien plus que le budget affecté au poste énergie. Donc seuls les ruraux les plus aisés pourraient y prétendre.

Il est alors nécessaire de recourir à une autre option pour le tarif du service. Ce dernier doit couvrir les coûts d'amortissement des infrastructures, les coûts de maintien de celles-ci, les frais d'exploitation, la rémunération des opérateurs, voire le développement des infrastructures159. Avec les systèmes photovoltaïques individuels, les coûts d'exploitation ne dépendent pas de l'intensité d'utilisation du système alors que les coûts du système et de renouvellement sont conditionnés par la puissance désirée. Une tarification forfaitaire est donc plus adaptée. Il est ainsi généralement recommandé de payer des frais de raccordement

157 Institut National de la Statistique et de l'Analyse Économique op. cit., 3-14

158 Wamukonya op. cit., 6-14

159 De Gouvello & Maigne op. cit., 139-174

(10% selon René Massé160) puis de payer un abonnement forfaitaire couvrant le remboursement de l'emprunt d'investissement, la maintenance des équipements, le renouvellement du matériel et la marge de l'opérateur. Cependant, les frais de raccordement initiaux limitent l'accès aux moins favorisés et un service public juste ne peut être assuré. Or, l'optique développée par le gouvernement à travers l'ABERME se veut être celle d'un service public. La question se pose autrement pour les projets émanant d'actions individuelles privées (telles que les ONG) car leur objectif n'est pas d'offrir un service public mais de mettre à la disposition de la population des dispositifs permettant de répondre à leur besoin d'électricité, même si seules les couches les plus aisées peuvent y avoir accès. Dans l'optique d'une généralisation de ce service public, l'implication de l'État est donc primordiale et son rôle doit être dominant par rapport à celui du secteur privé161.

Cependant, l'État béninois, à l'exemple de la majorité des pays d'Afrique Sub-saharienne, a des ressources limitées qui proviennent en grande partie de l'aide extérieure, cette dernière représentant en moyenne 35% du budget de l'État béninois162. De part ces ressources limitées et les nombreux besoins émanant des différents secteurs, l'état est dans l'obligation de faire des arbitrages entre ces secteurs. Cela rend plus difficile les investissements plus importants dans le secteur de l'électrification rurale. Les systèmes solaires sont d'autant plus généralement financés par la coopération avec l'implication d'entrepreneurs du nord qui influencent directement les décisions. Cependant, malgré ces contraintes, la volonté politique est indispensable pour que la population puisse avoir accès aux systèmes photovoltaïques et donc que l'implication financière demandée aux bénéficiaires soit beaucoup moins lourde. Tout d'abord, cela passe par plusieurs mesures : diminuer le coût du système et penser à un paiement forfaitaire adapté aux moyens financiers des populations rurales.

Plusieurs mesures permettent de réduire le coût d'un système. En premier lieu, les droits de douanes pour les produits importés doivent être supprimés ou rendus obsolètes. Cette mesure envisagée dans la politique d'électrification rurale du Bénin permettrait de baisser le coût des composants importés, donc d'une grande majorité des composants.

Pour autant il serait nécessaire de favoriser la production nationale de composants simples et
intermédiaires des systèmes photovoltaïques car ceux-ci sont à la portée du Bénin au contraire

160 Massé 2001, 28

161 Wamukony et al. op.cit., 43

162 Manga-Akoa 2009, 38

des composants provenant des technologies avancées (cellule et modules photovoltaïques, onduleurs, ensembles électroniques spéciaux...). Ces derniers demandent en effet une grande capacité d'investissement, une main d'oeuvre hautement qualifiée, de l'énergie électrique en grande quantité et des produits particuliers163. Il est donc important de promouvoir et d'intégrer dans les systèmes le maximum de composants produits sur place : coffrets, câbles, accumulateurs, régulateurs... Le montage sur place de modules solaires pour réduire les coûts peut être éventuellement envisagé, à l'exemple de ce qui est fait au Togo, pays frontalier avec le Bénin. En effet, l'ONG Solar Zonder Grenzen à partir de mai 2010 prévoit d'assembler à Kpalime, avec une équipe locale formée, des cellules solaires fournies par une entreprise belge afin de proposer des modules à moindre coût. Ce projet de petite envergure (équipe de trois personnes et production de cinquante produits), s'il est correctement mené, pourrait permettre d'envisager dans le futur des solutions de ce type pour réduire le coût des modules dans la sous-région. La promotion de composants produits localement, outre les avantages d'éviter le recours aux devises étrangères et de réduire les coûts à la fois au moment de leur achat mais également lors d'éventuelles réparations, permet de consolider le secteur productif béninois ou, du moins, permet l'émergence de celui-ci (les composants aujourd'hui créés dans le pays émanant d'initiatives individuelles). De même cela favorise le développement des programmes d'énergies renouvelables grâce à la présence d'individus qualifiés permettant une analyse critique à la fois dans les zones rurales et dans les zones urbaines. L'intégration de ces composants demandent une volonté politique forte de la part du gouvernement pour imposer cette condition aux éventuels bailleurs de fonds, ainsi qu'une souplesse de la part de ces financeurs et entreprises partenaires pour les intégrer dans les systèmes promus. Par ailleurs, ces composants doivent être fiables pour garantir la durabilité des systèmes dans lesquels ils sont incorporés. Des normes doivent donc être édictées et respectées car aujourd'hui elles n'existent pas même si, lors de projets précédent, l'agence d'électrification rurale béninoise s'était vue attribuée le rôle de contrôler les systèmes installés164. L'État doit donc instaurer des standards en matière d'équipement ainsi que des procédures de certification afin d'assurer la qualité des systèmes installés, tout en restant flexibles pour permettre aux acteurs béninois de progresser dans ce marché.

163 Benallou & Rodot op. cit., 83

164 Martinot et al. 2001, 39-57

Condition n°2

Le rôle de l'État doit être renforcé pour assurer un service public juste et de qualité. Il doit réduire les tarifs douaniers sur les composants devant être nécessairement importés et promouvoir le développement du secteur des composants pouvant être produits sur place, notamment en imposant leur intégration dans les systèmes installés. Pour assurer la qualité de cette production locale, il doit instaurer des normes et des procédures de certification souples.

La contribution financière de l'individu doit être la plus faible possible. Les coûts d'investissement doivent donc être assumés majoritairement par l'État ou les acteurs de la coopération internationale165. Or, comme il a été vu précédemment que les ressources sont limitées, d'autres apports financiers doivent être trouvés. Le mécanisme de développement propre (MDP) peut être l'un d'eux car il permet de contribuer à « l'équilibre des opérations d'ERD [en permettant] aux pays industrialisés et à leurs entreprises de financer des réductions d'émissions réalisées dans le cadre de projets spécifiques mis en oeuvre dans les pays en développement et d'accumuler en retour des crédits d'émission »166. La technologie photovoltaïque permet de réduire les émissions de carbone. Benjamin Dessus estime qu'un module de cinquante watts sur une durée de vie de vingt-cinq ans en climat ensoleillé, produit autour de 2 000 kWh d'électricité et évite 0,5 tonnes de carbone167. Actuellement des projets d'électrification rurale par le photovoltaïque sont développés grâce au crédit carbone notamment au Bangladesh168. Pour autant il est difficile de mobiliser de tels fonds. En premier lieu, les systèmes mis en place dans les zones rurales ne remplacent que de faibles quantités de kérosène et de bougies ainsi qu'une utilisation restreinte de batterie plomb-acide pour la télévision. Le coût de la réduction de l'émission étant assez élevé, il est peu attractif pour les investisseurs169. D'autre part, un des critères demandés par le MDP est la preuve de l'additionnalité. Le projet doit donc prouver qu'il n'aurait pu être implanté sans le MDP, or

165 « Les bonnes pratiques qui montrent la voie. Électrification rurale par énergies renouvelables en Afrique SubSaharienne », Scarabée N°19-20, novembre 2007, pp.4-17

166 Bineau 2003, 7-9

167 Dessus op. cit., 27

168 La compagnie Infrastructure Development Company Ltd (IDCOL) bénéficie du fonds carbone de la Banque Mondiale pour un projet (2008-2015) d'installation de 226 700 systèmes solaires (30 à 120 watts) car en comparaison avec l'utilisation du kérosène et du diesel, il permettrait de réduire l'émission de gaz à effet de serre de 34 854 tonnes de CO2 par an. Un financement similaire est également attribué à Grammen Shakti pour son projet d'installation de 1 004 970 systèmes individuels.

169 Wamukonya op. cit., 6-14

l'intégration de la composante solaire dans la politique énergétique du Bénin rend difficile la justification de cette additionnalité170. Ce mécanisme est donc plus facile à développer pour les projets indépendants. Mais il faut alors recourir aux procédures simplifiées pour ces projets et les coûts de transaction qu'il entraîne doit apparaître dans le descriptif du projet171. Aujourd'hui peu de pays bénéficient du MDP car il y a une pénurie de compétences, de capacités analytiques et institutionnelles face à ce processus complexe et long172.

Condition n°3

L'État (ou la coopération internationale) doit assurer en grande partie l'investissement et pour cela doit envisager éventuellement d'autres sources de financements. Le MDP peut être l'un d'entre eux, même s'il est difficile à mobiliser lorsque le projet s'inscrit dans la politique énergétique du gouvernement. Par contre, le MDP peut-être une source de financements supplémentaires pour les projets émanant de structures non étatiques.

Cependant, ne pouvant supporter tous les coûts comme nous l'avons vu précédemment, et parce qu'il serait injuste que les raccordés au réseau payent pour leur consommation alors que certains auraient un service similaire gratuitement, une contribution financière doit être demandée. Un paiement forfaitaire est plus réaliste que le financement (même partiel) du système. Il devra être fixé à la suite d'une étude approfondie (Cf. Condition n°1) afin d'évaluer combien les individus sont disposés à payer, sur combien d'années et avec quelle régularité. La somme prélevée ne doit pour autant pas être plus élevée qu'une facture de la SBEE dont les tarifs sont déjà inabordables pour la majorité de la population (104 FCFA par kWh173).

Les fonds récoltés seront ensuite réunis dans un fonds communautaire afin de faire face aux divers coûts. Dans ce sens il est recommandé que le forfait s'étale sur la durée de vie de l'installation pour pouvoir couvrir les différents coûts que l'État (ou l'organisme financeur dans le cas d'un projet autonome) ne peut supporter, mais aussi les frais de remplacement du matériel en fin de vie, des sommes qui peuvent être importantes mais qu'un étalement sur une longue période rend abordable. Il est possible de fixer un paiement forfaitaire pour une durée de dix ans renouvelable et ainsi les installations ne seront plus abandonnées à la moindre

170 Ibid.

171 Bineau op.cit.

172 Kerekezi et al., 45

173 Depuis le premier avril 2010, le tarif de la SBEE est passé à 104 FCFA par kWh et devra augmenter chaque année de 10 FCFA par kWh.

défaillance, faute de moyens pour les faire réparer.

Un tel modèle de contribution forfaitaire est utilisé par l'Association Béninoise pour l'Éveil et le Développement (ABED) dans son projet pilote d'électrification rurale par le photovoltaïque dans le village Hon, situé dans le centre sud du Bénin (entre Allada et Bohicon). Des modules de 40 Wc sont proposés pour un coût de 1 500 FCFA/mois durant vingt ans. Les fonds récoltés doivent servir au renouvellement des batteries (quatre fois sur vingt ans), au paiement du salaire (salaire mensuel équivalant à la moitié du salaire mensuel minimum) des deux femmes responsables de la maintenance et de la personne collectant les fonds et pour les pièces de rechanges, tout en ayant une marge financière dans l'optique de s'en servir pour doter le village de nouvelles infrastructures174. L'évaluation des succès et des difficultés rencontrés par ce projet - aujourd'hui encore trop récent pour l'évaluer - sera intéressante à prendre en considération pour la mise en place de systèmes forfaitaires similaires. D'autres approches similaires ont cours dans d'autres pays d'Afrique de l'Ouest sans toutefois émaner de projets de grande envergure ou menés par une structure étatique, à l'exemple d'une région cotonnière du Mali où un projet d'électrification solaire175 applique l'approche free-forservice. Dans cette région avec des ressources financières et des devises dues à l'exportation de coton, les individus payent chaque mois pour recevoir le service d'une société176 de service décentralisée (SDD) fonctionnant grâce aux sommes versées. Si les sommes dues ne sont pas versées alors l'installation solaire est retirée.

Par ailleurs, dans un contexte d'irrégularité des revenus, il serait judicieux de prévoir des paiements toutes les semaines plutôt qu'un forfait mensuel pour éviter les défauts de paiement, ainsi qu'une flexibilité dans les montants demandés en fonction des récoltes agricoles. Par exemple, le paiement pourrait s'effectuer le jour du marché avec un montant plus élevé lors de la saison des récoltes, mais encore ici, seule une étude correctement menée permet d'envisager la meilleure solution. Les sommes ainsi récoltées seraient ensuite placées sur un compte communautaire dans une banque locale avec de préférence de l'expérience dans l'électrification rurale et des dispositions nécessaires devront être mises en place pour éviter tout détournement de fonds.

Les fonds permettront donc notamment à couvrir les frais de remplacement de matériel, il sera

174 Adedjoumon 2009

175 Projet d'électrification rurale solaire recevant les financements de l'Union Européenne (à travers le programme facilité énergétique) et en partenariat avec l'entreprise NUON.

176 L'entreprise a été créée à l'occasion et est une filiale d'une entreprise déjà implantée dans le pays.

donc nécessaire de fixer des critères pour le remplacement. Par exemple, si les batteries, utilisées dans les conditions climatiques du Bénin, ont une durée de vie de quatre ans mais, qu'en raison d'une mauvaise utilisation de l'installation, il est nécessaire de la changer au bout d'une année, alors le ménage devra couvrir avec ses propres moyens le rachat de la batterie. En fixant ainsi des règles simples et clairement expliquées, les utilisateurs seront incités à utiliser de façon optimale la système et éviteront tout détournement. Ces règles doivent tout de même être souples et ne peuvent être mises en place que si parallèlement des normes de qualité existent pour le matériel utilisé (condition n°2). Un contrat clair devra être signé par toutes les parties impliquées afin que les différentes règles et devoirs de chacun ainsi que le montant des contributions, soient fixés pour éviter tout malentendu. Ce contrat permettra également de stipuler les différentes conditions quant à la propriété des systèmes. L'optique de pouvoir devenir propriétaire du système permet également d'éviter tout détournement des composants. Idéalement l'utilisateur deviendrait propriétaire du système au bout de quelques années s'il paye régulièrement son forfait, tout en pérennisant le payement pour couvrir les frais de maintenance. De la même façon, bien que les conditions maximales devront être mises en place pour prémunir contre le vol, le contrat devra mentionner les conditions d'aide en cas de vol de matériel étant donné que les composants disparus sont rarement remplacés, ce qui fait péricliter les installations.

Condition n°4

Une somme forfaitaire, fixée suite aux études préalables approfondies, sera demandée à chaque utilisateur à intervalle régulier et sera versée sur un fonds communautaire auprès d'une banque locale afin de couvrir les coûts non pris en charge par l'organisme financeur, ainsi que les divers frais de maintenance et de remplacement des composants, durant toute la durée du système. Un contrat clairement défini devra stipuler les différentes conditions de paiement, les responsabilités des différents intervenants et les conditions d'intervention de ce fonds communautaire.

Le critère financement est primordial pour la pérennité mais surtout pour la mise en place des installations. La demande dépend du contexte mais également de l'offre donc sans un système de financement adéquat il est impossible d'électrifier les habitations et on se retrouve comme dans le village de Tori-Cada où une seule personne a pu acquérir le système. Les villageois avec un peu plus de ressources financières possèdent déjà des groupes électrogènes, ils n'ont

donc aucune nécessité réelle d'acquérir un module et les autres villageois, faute de ressources financières suffisantes, ne pourront donc ni posséder de groupes électrogènes ni de kits photovoltaïques. N'électrifier alors que les installations communautaires est un non-sens. En effet, soit le village sera considéré comme électrifié et alors il n'y aura plus la possibilité d'être raccordé au réseau conventionnel et les villageois, sans possibilité d'investir, ne pourront avoir accès à l'électricité, soit on reconnaîtra le caractère imparfait de l'électrification et on envisagera une autre forme d'électrification et en particulier le raccordement au réseau de la SBEE. Les installations pour les centres communautaires deviendraient alors obsolètes ou du moins perdraient de leur intérêt, même s'il y aurait quelques avantages. En effet, avec une gestion de la situation bien menée il pourrait y avoir une continuité de la fourniture d'électricité même en période de délestage et une réduction des factures de la SBEE.

Dans une optique de service publique, il apparaît donc nécessaire de ne procéder à l'électrification photovoltaïque pour les centres communautaires que lorsque la majorité de la population alentour a les moyens et les possibilités d'avoir accès simultanément à l'électrification rurale décentralisée, idéalement par la même source d'énergie (la généralisation du photovoltaïque à l'ensemble de la localité facilitant la maintenance des installations), voire par groupes électrogènes.

Condition n°5

L'électrification des centres communautaire par des systèmes photovoltaïques doit être conditionnée par les possibilités réelles des populations alentours d'avoir accès à l'électrification décentralisée et idéalement aux systèmes photovoltaïques individuels.

4.2. Assurer une maintenance adéquate

Quand on parle de maintenance, on envisage deux niveaux complémentaires l'un à l'autre et indispensables pour la fiabilité et la continuité du service d'électricité. Le premier est le petit entretien qui doit être régulièrement effectué par l'utilisateur : nettoyage des modules, vérification de l'absence d'ombre sur les modules, vérification du niveau d'électrolyte et ajout si nécessaire d'eau distillée, remplacement des tubes fluorescents. Le deuxième niveau est celui de la maintenance plus poussée qui doit être effectuée par un technicien qualifié tous les six mois177. Une maintenance adéquate ne peut avoir lieu qu'avec la mise en place d'un relais

177 Louineau 2001, 20

local pour la coordonner et donc avec une concentration géographique des installations, ainsi qu'avec une formation adaptée des différents acteurs pour assurer les différents niveaux de maintenance.

4.2.1. Concentration des installations et mise en place d'un relais local

Grâce aux études préliminaires à toute installation (condition n°1), des zones géographiques favorables peuvent être sélectionnées, c'est-à-dire les zones regroupant les plus grandes chances de voir l'électrification solaire menée à bien. Une des raisons de l'échec du solaire mené par l'ABERME réside dans ce non regroupement des installations, étant donné que la politique d'électrification rurale du Bénin n'envisage pas de focaliser les différents types d'énergies rurales décentralisées par zone mais en fonction principalement de considérations économiques. (Cf. Partie 2.2.1) Il y a actuellement une prise de conscience par l'agence d'électrification rurale de ce problème car, que ce soit au Bénin ou dans un autre pays africain, la dispersion des installations rend très difficile la mise en place d'une maintenance adéquate. Par exemple cette difficulté se retrouve dans le Programme pilote d'électrification rurale décentralisée au Maroc où les relais locaux n'ont pu être opérationnels en raison d'une dispersion des installations178.

Condition n°6

Les installations solaires doivent être regroupées dans une zone géographique et non éparpillées par petit nombre sur l'ensemble du territoire pour pouvoir assurer une gestion adéquate.

Par ailleurs, la mise en place de relais locaux est primordiale à la fois au niveau villageois et au niveau de la zone électrifiée (donc de l'ensemble des villages) afin de faciliter les installations, la récolte de l'argent et la maintenance étant donné que les villages peuvent être à la fois éloignés les uns des autres et de la capitale. Ces relais doivent être choisis de façon à assurer leur acceptation par la population, par les chefs locaux et par les responsables de l'électrification.

Pour répondre à ce rôle d'interface au niveau villageois des membres d'associations locales
déjà implantées et acceptées sont les plus adaptés. Ils peuvent ainsi former un comité
villageois, auquel adhère l'ensemble des utilisateurs afin de s'assurer une implication de la

178 Barrakad 2001, 11

population. Actuellement, même si dans la politique d'électrification rurale figure l'exigence d'une « responsabilisation des populations dès le départ [comme] gage de succès »179, aucune disposition n'est mise en place dans ce sens, bien que la littérature sur le sujet en stipule la nécessité depuis longtemps.

En matière de gestion du comité il est nécessaire que deux membres soient nommés de façon permanente pour assurer sa continuité, car alors même en l'absence de l'un d'eux180, le comité continue à avoir un représentant. Le choix de ces responsables est pour autant difficile car comme il a été vu précédemment ils doivent être acceptés par l'ensemble du village et notamment par les leaders locaux, il peut donc y avoir des conflits d'intérêts. D'autre part ils feront partie vraisemblablement des quelques lettrés et donc des personnes importantes dans le village. Il y a donc ainsi un risque d'impunité par exemple s'ils opèrent des détournement de fonds car les villageois sont généralement liés plus ou moins étroitement aux uns et aux autres par des liens de parenté, il est alors très difficile de dénoncer ou de sanctionner les irrégularités181.

Par ailleurs, un règlement intérieur devra stipuler les règles, obligations et droits de chacun. On y retrouvera le fonctionnement et le rôle du comité, l'approbation du contrat, le montant des redevances à payer et l'obligation de les régler, les sanctions en cas d'impayés, les règles quant à l'entretien des installations, de la maintenance et du changement des composants. Chaque utilisateur devra approuver ce règlement et s'engager à le respecter. Ainsi, avec un comité villageois il y aura un interlocuteur unique et influent, jouant un rôle de médiateur, ce qui permettra entre autre un meilleur règlement des litiges182.

Par ailleurs, le comité peut rendre plus efficace l'appui technique en identifiant et en réglant les problèmes simples et, pour ceux plus complexes, permettre une communication entre l'usager et le relais de la zone183. Cet autre relais, que l'on pourrait dénommer maison du solaire, se veut la référence pour l'ensemble des comités villageois de la zone. Deux personnes doivent avoir à charge cette maison du solaire, pour les mêmes raisons que pour les comités villageois et avec les mêmes risques et limites quant au risque d'impunité. Elles seront de préférence sélectionnées parmi les techniciens et électriciens locaux exerçant dans le

179 Ministère des Mines, de l'Énergie et de l'Hydraulique, Direction Générale de l'Énergie s.d.b., 36-37

180 Par exemple, il est fréquent de devoir se rendre à l'enterrement d'un proche et dans le cas où les obsèques ont lieu dans une autre partie du pays, de devoir s'absenter durant plusieurs jours voire plusieurs semaines.

181 Blundo & De Sardan 2001, 8-37

182 Massé René MASSE 2001, 21-33

183 De Gouvello & Maigne op. cit., 249-261

secteur formel ou informel.

Leur rôle principal consiste à assurer la maintenance poussée des systèmes. Ils doivent donc se rendre tous les six mois dans chaque habitation pour contrôler les installations et effectuer la maintenance nécessaire, ainsi que se déplacer à la demande des usagers (à travers les comités villageois qui peuvent évaluer le problème) en cas de panne. Un contrat de maintenance devra être passé avec les usagers et avec les comités villageois afin de clarifier la nature et la fréquence des opérations. Un système de rémunération doit être également mis en place pour éviter que les techniciens formés ne partent faire valoir leurs compétences ailleurs. Leur rémunération devra donc être comprise dans le forfait payé par les individus. De façon générale, il est préférable d'éviter la rotation des personnes impliquées (dans les maisons solaires comme dans les comités villageois). Par ailleurs, une maison du solaire doit posséder différentes pièces de rechange nécessaires pour pouvoir assurer rapidement des réparations. Une maison du solaire aura ainsi les moyens et le matériel requis pour assurer un service après-vente et par là la pérennité des installations.

Ces recommandations de différenciation du relais local prévalent dans le contexte où le développement du photovoltaïque est de grande envergure, comme dans le cas de l'électrification par l'agence d'électrification rurale. Si à contrario on est face à un projet plus limité géographiquement, à l'instar des projets d'ONG, le comité villageois et la maison du solaire se confondent en un comité villageois avec les mêmes missions que précédemment mais auxquelles on ajoute celles de la maison du solaire. Pour cela les deux membres du comité seront des techniciens/électriciens acceptés par l'ensemble de la communauté afin de pouvoir effectuer la maintenance et les réparations nécessaires. De la même façon, un contrat liera les usagers à ce comité et le travail des techniciens sera rémunéré.

Condition n°7

Au niveau des villages électrifiés, un comité villageois, constitué de deux membres acceptés par l'ensemble des acteurs, doit être mis en place afin de renforcer l'implication des usagers, s'assurer leur adhésion pour qu'ils effectuent la petite maintenance et le paiement des redevances, grâce à l'autorité qu'ils ont dans le village ainsi que par le contrat qui les lie aux usagers. Il sera l'interface entre les usagers et la maison du solaire.

La maison du solaire est l'idée d'un relais local à un niveau supérieur c'est-à-dire pour la zone électrifiée entière. Constituée de deux techniciens/électriciens locaux rémunérés grâce au forfait payé par les utilisateurs, elle assure la maintenance poussée de toutes les installations tous les six mois ainsi que les réparations impromptues à la demande de l'utilisateur, via le comité villageois (la maison possédant un stock de différents composants).

Dans le cas d'installations mises en place dans une zone géographique très restreinte, comme lors de projets d'ONG ne visant l'électrification que d'un ou deux villages, le comité villageois doit combiner les divers rôles et missions mentionnés ci-dessus du comité villageois et de la maison du solaire.

4.2.2. Une formation réelle et adaptée

Une maintenance correcte ne peut se faire sans formation préalable des différents acteurs. La première étape dans le processus de formation est d'informer objectivement les usagers potentiels des avantages et des limites des systèmes solaires individuels pour éviter toute déception et mauvais usages futurs184. A la suite de ces sensibilisations, une formation complète doit avoir lieu pour les futurs usagers étant donné que l'électrification photovoltaïque est complexe. La petite maintenance ne pourra être effectuée correctement que si l'usager a une compréhension totale de son importance. Donc que ce soit la formation ou la sensibilisation, elles doivent être complètes, objectives et adaptées au public ciblé. Une attention particulière devra être portée sur le niveau d'éducation du public, le contenu ne pouvant être présenté de la même façon à des personnes analphabètes qu'à des individus alphabétisés qui pourraient se référer à des écrits lors d'éventuels doutes. Il est également primordial que la formation se fasse dans une langue comprise et parlée par tout le public

184 Louineau op. cit.

(généralement le dialecte local). D'autre part, les différents membres de la famille doivent pouvoir suivre une formation similaire afin que chacun puisse être capable de l'entretenir. Des séances doivent donc être aménagées à différents horaires pour que chacun ait la possibilité d'y participer, en prenant en considération les heures de travail au champ, les horaires de l'école, les jours de marché...

Pour pouvoir combiner ces différentes exigences et pour assurer une formation de qualité, les formateurs doivent à la fois être des professionnels du solaire et de bons formateurs comprenant les réalités de la population en face d'eux. L'idéal est donc qu'ils viennent de la région ou du pays, ce qui représente l'avantage supplémentaire d'accroître l'acceptabilité de la technologie en évitant que le solaire soit considéré comme la « technologie du blanc ». Les formateurs seront donc des locaux exerçant dans le domaine de l'énergie solaire ou des professionnels de l'électricité ayant suivi une formation spécifique sur l'énergie solaire. L'adéquation étant que ces formateurs soient les techniciens de la maison solaire ayant suivi une formation poussée quant à la maintenance et les réparations à effectuer avec des installations solaires. Leur formation doit être donnée par des personnes compétentes en matière d'électrification solaire décentralisée.

Grâce à la formation adéquate, les usagers comprennent la nécessité d'utiliser de façon optimale les systèmes, assimilent la nécessité de la maintenance et sont capables d'effectuer la petite maintenance, ce qui garantit en partie la pérennité du système. Les membres des comités locaux doivent également être correctement formés pour s'assurer le soutien des usagers et pour qu'ils aient les capacités d'assumer leurs responsabilités. Une attention particulière devra être portée sur celle des techniciens de la maison du solaire pour qu'ils puissent réellement entretenir les systèmes avec d'éventuelles formations complémentaires selon les évolutions et les besoins. D'autre part, leur formation - si elle est envisagée sous l'angle d'un transfert de connaissances techniques - comporte un avantage plus large : celui de rompre une relation de pouvoir et de domination de l'extérieur qui maîtrise la technologie et ainsi entrevoir une possible autonomie et durabilité dans les programmes185. Jusqu'à présent, la technologie est principalement maîtrisée par les acteurs étrangers et ce n'est que timidement qu'émergent des acteurs locaux spécialisés dans le domaine. Pour autant, ces acteurs existent et mettre à contribution leur savoir en les faisant participer aux formations permet d'augmenter leur crédibilité mais également de contribuer à l'appropriation de la technologie.

185 Serpa & Zilles op.cit., 78-87

Condition n°8

Les (futurs) utilisateurs doivent avoir une sensibilisation et une formation adaptées et de qualité afin qu'ils assimilent les possibilités et les limites des systèmes, qu'ils s'approprient la technologie et acquièrent les connaissances suffisantes quant à la petite maintenance qu'ils doivent effectuer.

La formation est également indispensable pour les membres des comités et en particulier pour ceux ayant à charge la maintenance des installations et pouvant être chargés de la formation des utilisateurs. Cette dernière devra être effectuée par un acteur local afin d'être au mieux adaptée aux besoins de la population.

4.3. L'installation par une structure avec de l'expérience

Par ailleurs, l'installation des kits solaires doit être effectuée ou coordonnée par une structure solide ayant de l'expérience dans le domaine de l'électrification rurale, à l'instar de l'agence d'électrification rurale ou d'une entreprise opérant dans ce secteur. Les projets ponctuels de petites structures opérant pour la première fois dans le domaine ont moins de chance d'être correctement menés étant donné qu'elles sont novices dans ce secteur et qu'elles n'ont pu tirer des leçons des installations antérieures, or l'électrification rurale décentralisée est un secteur avec des exigences particulières inhérentes aux différents contextes où elle est implantée. Il est également préférable de privilégier les structures locales pour les installations, à la fois pour promouvoir le secteur, développer des emplois locaux (et ainsi dépasser en partie le problème du manque de support technique, Cf. Partie 3.3.1) mais aussi pour faciliter le recours à cette structure en cas de problème technique ne pouvant être résolu par la maison du solaire.

Condition n°9

Les installations doivent être effectuées et/ou coordonnées par une structure avec de l'expérience dans le domaine de l'électrification rurale décentralisée et de préférence locale, dans le but de favoriser le secteur béninois, de s'assurer une installation correcte et un possible recours technique dans le cas de défaillance des installations.

4.4. Un dialogue multisectoriel et l'implication de tous les acteurs

Même si une politique existe déjà en matière d'électrification rurale, il reste nécessaire de garder une analyse critique sur les options développées pour prendre des décisions en conséquence de cause. L'instauration d'un dialogue est donc nécessaire à tous les niveaux et plus particulièrement au niveau national et local pour coordonner les actions. Ce dialogue doit s'instaurer entre les différents secteurs, c'est-à-dire avec les secteurs de la santé, des communications, de l'éducation...

Au niveau supranational, le Club des agences et structures nationales en charge de l'électrification rurale, donc l'ABERME est membre186, permet d'instaurer un dialogue entre les différentes structures d'électrification rurale. Pour autant, les décisions ne devront être prises qu'au niveau national et ce club ne devrait servir qu'à élargir ses connaissances quant aux possibilités d'électrification, afin de garder un pouvoir décisionnel.

Au sein du Bénin se met en place un comité multisectoriel de mise en synergie entre le secteur de l'énergie et les autres secteurs de développement (santé, éducation, transformation agroalimentaire...). (Cf. Partie 2.2.3) Il est donc primordial de n'entreprendre un projet d'électrification solaire qu'avec une concertation préalable de ce comité pour que les efforts soient uniformisés. Même dans le cas d'un don, des études et une évaluation critique doivent se faire avant toute acceptation en consultation avec des experts locaux, le caractère gratuit ne devant pas occulter les difficultés pour permettre la pérennité des installations. En effet, même alors, les différentes conditions décrites ci-dessus restent valables et indispensables pour mettre en place une électrification durable. Le pays doit pouvoir prendre ses propres décisions et, en raison de la proportion importante de pauvreté, il ne peut se permettre de coûteux échecs. C'est pourquoi une évaluation critique de tous les investissements est nécessaire.

Par ailleurs, pour tout projet monté par une structure indépendante (principalement les ONG) un dialogue doit s'instaurer avec l'ABERME afin de connaître les plans d'électrification rurale pour la zone visée et d'éviter tout projet redondant mais également pour éventuellement profiter d'avantages financiers (comme obtenir des kits subventionnés). L'agence d'électrification rurale doit donc ainsi être le lieu de rencontre et de coordination des acteurs

186 Les pays membres sont le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, le Canada, le Congo, le Congo RDC, la Côte d'Ivoire, la France, le Gabon, le Ghana, la Guinée, Madagascar, le Mali, le Maroc, la Mauritanie, le Niger, la République Centre Afrique, le Sénégal, le Tchad et le Togo.

dans le domaine187.

L'instauration d'un dialogue ainsi que d'une coordination entre les différents acteurs du développement, et pas seulement ceux du secteur électrique, sont indispensables pour prendre des décisions rationnelles. De même, la planification à court terme et l'approche projet doivent être dépassées pour mettre en place une planification à long terme188 afin que la planification de l'électrification rurale solaire soit réellement adaptée et pérenne.

Condition n°10

Le dialogue entre les différents secteurs (énergie, santé, éducation, communication...) à travers le comité multisectoriel doit être effectif et est indispensable à toute installation d'électrification rurale y compris pour les installations offertes. Une analyse critique doit avoir lieu et l'approche d'électrification doit s'inscrire dans une vision de stratégies multisectorielles de long terme. Si toutefois une approche projet émane indépendamment de toute structure étatique, celle-ci doit se faire en coordination avec l'agence d'électrification rurale pour éviter toute redondance d'action et profiter éventuellement d'avantages financiers.

4.5. Permettre l'apport de ressources financières supplémentaires par le développement des activités professionnelles

L'installation de kits photovoltaïques en raison de puissances trop faibles, n'est pas adaptée pour le développement d'activités professionnelles. Pourtant un apport supplémentaire de ressources économiques ne pourrait que faciliter l'exigence de durabilité des installations en atténuant la contrainte financière. Permettre le développement d'une activité économique - existante ou nouvelle - est envisageable avec la mise en place d'un système hybride combinant technologie photovoltaïque et groupe électrogène. Cette solution est intéressante car un tel système est particulièrement adapté pour la transformation des produits agricoles et que les activités principales des zones rurales découlent de l'agriculture au sens large (Cf. Partie 1.2.1).

L'ajout d'un groupe électrogène est préférable aux autres sources d'énergies renouvelables
étant donné que le vent est insuffisant pour produire de l'électricité à partir de l'éolienne, que

187 Bineau op. cit.

188 Wamukonya op. cit., 6-14

l'hydraulique est encore peu étendue et ne peut se développer que sous des conditions particulières. De même en milieu rural, l'utilisation de l'eau pour l'agriculture est prioritaire sur celle de la production d'électricité, alors que dans l'ensemble du pays il est possible de se fournir en pétrole, même si celui-ci est importé et peut-être coûteux.

Cette solution n'est à développer pour les personnes intéressées que si la contrainte coût le permet. En effet, ajouter un groupe électrogène alourdi d'autant plus le prix de l'installation car, au coût de l'achat de matériel, s'ajoute celui de la consommation d'essence. Dans le cas de l'installation d'un système hybride, de nouvelles conditions de financement devraient donc être trouvées pour permettre son acquisition.

Condition n°11

Les systèmes proposés doivent être flexibles et, si les ressources financières le permettent, proposer des systèmes hybrides individuels alliant groupe électrogène et photovoltaïque. Et ce en particulier pour les individus exerçant (ou souhaitant développer) une activité professionnelle afin d'apporter des revenus supplémentaires et ainsi favoriser la pérennité des installations.

4.6. Penser à l'après-vie des composants

Des solutions quant à l'après-vie des composants doivent être envisagées avant même leur installation pour éviter tout effet néfaste sur l'environnement. La maison du solaire devrait assumer la collecte des composants usagés étant donné qu'elle a à charge la maintenance et donc le remplacement de ces derniers. Idéalement une solution de recyclage devrait être trouvée mais actuellement celle-ci n'est pas faisable au Bénin, où aucune structure de traitement des déchets n'existe (les composants devraient être exportés si l'on souhaite les recycler). Des dispositions financières et institutionnelles doivent donc être mises en place pour faciliter le traitement. Pour autant, on ne sait pas aujourd'hui recycler totalement tous les composants. Par exemple, seuls 20% des modules peuvent être recyclés189 étant donné qu'il est difficile de séparer les divers matériaux (silicium, verre, aluminium) et qu'aucune filière de recyclage des modules photovoltaïques n'existe à ce jour190.

189 Boulanger op. cit., 5

190 Solarworld met actuellement au point une usine pilote de traitement des modules photovoltaïques.

Condition n°12

Dès la mise en place de programmes solaires, des solutions doivent être envisagées pour la gestion des composants usagés, à la fois en terme de collecte (idéalement par la maison du solaire) que pour leur stockage et leur traitement. Des dispositifs doivent donc être mis en place notamment pour faciliter leur exportation lors d' un éventuel recyclage.

4.7. Réflexion sur les autres types d'électrification solaire

Jusqu'à aujourd'hui l'électrification solaire par des kits photovoltaïques a connu de nombreux ratés pour les raisons vues précédemment (Cf. Partie 3). En effet, il suffit qu'un maillon de la chaîne soit défaillant pour que l'électrification périclite. Il est donc nécessaire de suivre les conditions développées ci-dessus pour éviter une telle situation. Mais que faire si l'on souhaite promouvoir l'énergie solaire et qu'il est impossible de rassembler les différentes conditions, donc si l'électrification solaire individuelle n'est pas tenable?

Certains auteurs, comme Benjamin Dessus191, croient au photovoltaïque sur réseau, notamment pour des raisons économiques avec l'argument que seuls les coûts des modules devraient chuter dans le futur. Pourtant la solution photovoltaïque par mini-réseau semble dérisoire car elle demande également des investissements très importants. Or, si les investissements sont généralement insuffisants pour l'électrification individuelle, ils le seront d'autant plus pour un mini-réseau qui demande à la fois un nombre conséquent de modules pour constituer un champ photovoltaïque ainsi que le raccordement au mini-réseau. Par ailleurs, la deuxième contrainte se rencontre avec le dimensionnement correcte des installations ainsi qu'avec le partage équitable entre les utilisateurs de l'électricité produite en quantités limitées (Cf. Partie 3.3.1). Il n'est donc pas conseiller de s'engager dans la voie du mini-réseau photovoltaïque.

Comme pour les mini-réseaux photovoltaïques, si les moyens financiers constituent une barrière difficilement surmontable pour les kits individuels, ils le seront tout autant pour les centrales solaires de recharge de batterie qui par ailleurs procurent notamment un confort et une qualité moindres que les kits individuels. Leur mise en place est donc à proscrire dans le cadre d'un objectif de service public.

Une dernière solution employant l'énergie est envisageable et possible si les financements

191 Dessus op. cit., 26-27

sont limités. Celle-ci est à l'image d'un micro-centre commercial mis en place dans les zones rurales d'Afrique du Sud192. Ce centre est une sorte de maison communautaire électrifiée par le photovoltaïque193 et permet de rendre divers services nécessitant l'accès à l'électricité. Ainsi en Afrique du Sud, elle abrite une téléboutique pour téléphoner, envoyer des fax ou recharger les portables, ainsi que des petites échoppes - comme une échoppe pour réparer les radios - et une cyber-échoppe pour permettre l'accès à internet. Cette solution est soit envisageable si dans le moyen et long terme aucune possibilité d'électrification rurale n'est envisagée pour la localité ou soit dans le cas où une électrification rurale par solaire est mise en place pour répondre aux besoins des populations des plus pauvres de la localité ne pouvant se permettre d'installer chez eux l'électricité. Des commerçants pourraient louer des locaux pour exercer une activité ne demandant pas de grandes quantités d'énergie, un point de recharge de téléphone portable pourrait être installé ainsi que si possible une salle informatique. Idéalement une salle d'étude ventilée et éclairée quelques heures par soir pourrait être mise à disposition des écoliers ou autres. La mise en place d'une telle infrastructure demande au préalable une étude approfondie pour connaître les besoins de la localité et ses potentialités réelles. Cette étude devra donner lieu à des concertations avec les différents leaders locaux, la population, les associations et les éventuels (futurs) commerçants.

Par ailleurs, il ne faut pas omettre toutes les possibilités de mini-électrification. Si les conditions ne sont pas réunies pour envisager l'électrification des habitations par le photovoltaïque et qu'aucune autre solution d'électrification rurale ne peut être dans l'immédiat mise en place, il reste la possibilité de promouvoir de petites technologies solaires pour répondre aux besoins immédiats de la population, à l'exemple de ce que fait l'ONG Nature Tropicale. Les mini-kits solaires pour les radios et ceux pour recharger les téléphones portables offrent des solutions ponctuelles répondant aux besoins de la population. Cependant, des facilités de paiement avec la possibilité de payer en plusieurs fois doivent être proposées à la population, ainsi qu'une formation sur leur utilisation (pour optimiser leur durée de vie) et sur leur réelle capacité, notamment pour les chargeurs de téléphones portables qui contiennent une batterie. De même, une solution pour leur traitement en fin de vie et leur réparation éventuelle doit être proposée à la population.

192 Piro 2003, 14-16

193 Les modules fournissent 1500Wh/jour.

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