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La métaphore du voyage, quête et subversion de la quête chez Louis-Ferdinand Céline

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par Franck Macé
Université Paris Sorbonne - Master 1 2008
  

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b) voyager pour écrire

Il est une seconde transposition brutale dans Voyage au bout de la nuit, celle de l'Afrique que Céline découvrit en 1916. Outre le climat difficile et les paysages étouffants, cette expérience fut fondatrice dans le parcours de notre auteur et ce à deux égards. Tout d'abord c'est en Afrique qu'il s'initia à la médecine et ensuite qu'il s'adonna à l'écriture. Au regard de sa correspondance d'alors destinée à une amie d'enfance Simone Saintu l'écart avec le récit qu'il en fait semble grand car le jeune Destouches souligne avec un certain lyrisme les moments heureux et précieux qu'il connut sur ce continent. Par exemple la poésie du cadre ne lui est pas étrangère comme le montrent ces lignes: « La lune dorée se couvre de mille petites fleurs roses et blanches54[...]. L'Afrique est aussi un lieu qui offre une rupture, où les tourments passés viennent se diluer dans les grands espaces, ainsi dans la même lettre Céline note: « Mes pensées s'émondent peu à peu de tout ce qu'elles ont de pénible. » ou dans une autre lettre: « la grande liberté est une chose bien grisante[...]c'est pour moi la maîtresse la plus chère, et l'unique55. ». A cet effet il est donc intéressant de noter que c'est à ce moment de sa vie, lors de cette phase d'un voyage plutôt paisible que Céline se mit à écrire, libéra son imaginaire sous la forme d'une nouvelle intitulée Des vagues. Voici ce qu'il rapporte à ses parents dans une lettre datée de 1917: « j'ai commis pourtant une petite nouvelle qui vient d'être acceptée par H. de Régnier56. ». Comme le rappelle Vitoux cette nouvelle faisant le récit d'une traversée (on pense à l'épisode de l'Amiral-Bragueton) contient en germes la veine satirique qui irriguera tout son premier roman. Au-delà de cette remarque il semble plus pertinent de relever le lien presque mécanique qui s'est établi entre l'expérience africaine et l'acte d'écrire, ce sentiment d'urgence de retranscrire ce qu'il avait pu observer lors de sa traversée. On peut ainsi y voir le rôle de l'écriture qui sert de relais à l'imaginaire et le fige toutefois la thèse de Godard contenue dans le chapitre X de son ouvrage critique Poétique de Céline semble plus pertinente tant il souligne le fait que les expériences ne sont là que pour nourrir l'oeuvre. A l'image des passages de voyage qui se fondent dans la dynamique globale du récit, les voyages de Céline n'avaient pas d'autonomie

54 L.F Céline à Simone Saintu le10/07/16, cahiers Céline IV, Paris, Gallimard, 1978.

55 L.F Céline à Simone Saintu le 07/07/16, cahiers Céline IV, Paris, Gallimard, 1978.

56 L.F Céline à ses parents le 05/03/17, cahiers Céline IV,Paris, Gallimard, 1978.

répondant par anticipation plutôt au désir d'écrire qui sourdait en lui. L'expérience n'existe que pour nourrir un projet plus vaste qui l'absorbe. L'écriture n'est pas la conséquence du voyage, elle en est la cause encore souterraine lors des années de jeunesse.

Malgré tous les éléments constitutifs des valeurs profondes du voyage ici analysés mettant en lumière le rapport intime au monde qu'il offre et la profonde connaissance de soi qu'il engendre, il est un fait qui inéluctablement souligne les limites de la quête vécue par les narrateurs: la fin du voyage pourtant inachevé. En effet Bardamu s'arrête et s'installe en banlieue. Pourtant cette suite ne serait-elle pas en sorte une parabole du parcours de l'écrivain et en ce sens la sédentarité le pendant métaphorique du moment de l'écriture? Ce récit, dans une dimension « métalittéraire », ne serait-il pas un discours sur la création littéraire? Ainsi si le voyage physique cesse, le voyage métaphorique, celui de l'écriture, naît et le prolonge. Après l'expérience vient le moment de la raconter. Du reste par un système de mise en abyme ce prolongement du voyage par la parole apparaît vers la fin du roman lorsque Baryton harcèle Bardamu afin que ce dernier lui livre ses aventures. C'est donc bien un voyage en littérature ici qui commence, seule aventure véritable, absolue nourrie des aventures du voyage physique et métaphysique. Nous étudierons en conséquence la façon dont l'aventure littéraire de Céline a intégré les lois du voyage en écho à une remarque de Thibaudet contenue dans sa critique de Voyage au bout de la nuit (lue page 154 dans l'ouvrage dirigé par Derval cité plus haut) soulignant que « le Voyage fait partie de l'expansion coloniale de la littérature. Il répond dans la littérature à cette fonction: annexer de nouvelles terres. ». Afin de vérifier cette analogie qui réhabilite grandement la notion de voyage chez Céline en l'appliquant au champ littéraire, nous mettons en lumière trois éléments consubstantiels au voyage physique appliqués à l'exploration de nouveaux territoires littéraires. Tout d'abord voyager c'est rompre comme l'a précisé Montaigne:« je réponds ordinairement à ceux qui me demandent raison de mes voyages que je sais bien ce que je fuis, et non pas ce que je cherche. ».Ensuite voyager consiste à explorer, à découvrir, à emprunter des voies nouvelles; enfin c'est une confrontation idéologique et nous verrons que le langage littéraire choisi peut apparaître comme une option idéologique au service d'une visée politique.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon