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La métaphore du voyage, quête et subversion de la quête chez Louis-Ferdinand Céline

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par Franck Macé
Université Paris Sorbonne - Master 1 2008
  

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3) L'apport de la musique, le « rendu émotif »

Afin de saisir au mieux la nécessité qui a été celle de Céline d'explorer de nouvelles formes d'écriture il faut se reporter à son ouvrage Entretiens avec le professeur Y qui est son art poétique mêlant à ses théories sur sa littérature sa vindicte à propos de la littérature de son époque dans le style flamboyant, pamphlétaire qu'on lui connaît. La rupture avec la littérature cadrée est selon lui urgente alors que d'autres médias émergent dotés de davantage de mouvement et de vivacité dans leur expression comme il le précise: « écoutez bien ce que je vous annonce: les écrivains d'aujourd'hui ne savent pas encore que le cinéma existe!...et que le cinéma a rendu leur façon d'écrire ridicule et inutile...péroreuse et vaine. » ou plus loin: « le cinéma a pour lui tout ce qui manque à leurs romans: le mouvement, les paysages, le pittoresque, les belles poupées79[...].». Et par la suite de révéler avec force et assurance le seul moyen de dépasser le cinéma: « en dépit de tous les battages, des milliards de publicité[...]de cils qu'ont des un mètre de long![...]le cinéma reste tout au toc, mécanique, tout froid...il a que de l'émotion en toc!...il capte pas les ondes émotives...il est infirme de l'émotion...80 ». Cette relation dialectique au cinéma transparaît du reste dans son premier roman car tout en exposant les limites de son réconfort le narrateur dévoile ses mérites féériques voire thérapeutiques. L'émotion donc comme le coeur d'un système littéraire délibérément installé par l'auteur pour capter l'attention d'un lecteur de plus en plus volatile. La musique participe pleinement à cette émotion, fruit d'une technique chère au médecin Destouches

76 L.F.Céline, Casse-pipe suivi du Carnet du cuirassier Destouches, Paris, Gallimard, 1970, p.114.

77 op.cit., p.1160.

78 op.cit., p.242.

79 L.F Céline, Entretiens avec le professeur Y[1955], Paris, Gallimard, 1995, p.23.

80 Ibid,p.25.

comme à l'écrivain Céline qui, on le sait, se passionnait pour le geste technique et la précision du praticien et qui se définissait volontiers comme un artisan écrivant sur une table nommée établi (propos tenus lors d'un interview filmé). Au reste lorsqu'il s'est agi pour lui de proposer son « ours » aux éditeurs il présentait son roman comme une « symphonie littéraire ». En outre cette recherche de la musicalité de la phrase doit être rapprochée de sa passion pour la danse et les ballets, tous se définissant par de fins ornements tels que la légèreté et la grâce, le raffinement et l'évanescent; lui qui à de nombreuses reprises lors d'interviews (disponibles dans un coffret Céline vivant) éructait contre la lourdeur des hommes, leur pesanteur d'esprit. Pour paraphraser Nietzsche Céline ne croit qu'en une phrase qui sache danser mais contrairement à la dichotomie observée par Valéry entre la poésie-danse et la prose-marche, la prose virevoltante de Céline suit un objectif précis tourbillonnant davantage autour des lecteurs transis que sur elle-même. Cette phrase dite « rythmique » fut étudiée de près par Catherine Rouayrenc qui travailla sur l'écriture populaire de Céline qui en donna alors une nouvelle définition consécutive de la torsion de la grammaire conventionnelle opérée par l'auteur: « Cette phrase rythmique restitue une unité énonciative orale, faite d'un ou plusieurs groupes rythmiques, à laquelle un schéma mélodique approprié permet d'accéder au statut de phrase81.». La notion de phrase n'existe plus que grâce à sa dynamique sonore, musicale et non son organisation logique interne, elle se définit plus par ce qui émane d'elle, ce qui lui échappe; l'émotion prend le pas sur la raison toutefois l'auteur insiste sur le fait que les fonctions de cette phrase sont celles de la phrase grammaticale comme par exemple l'autonomie, le prolongement de l'idée etc. Ainsi la grâce naît et s'échappe des limbes de la phrase torturée, déliquescente, cette relation entre la musique et le mal compte pour beaucoup dans la littérature de Céline. La musique est celle qui accompagne mais aussi sublime le mal, il jaillit sous son impulsion et nourrit le récit de ses exhalaisons funestes enfin elle donne corps à la réalité et l'augmente même, cette idée est dans le premier roman présentée sous forme de parabole, celle du cabaret Tarapout et de la chanson triste des danseuses qui précède et engendre le malheur et qui dévoile la puissance de la fiction sur le réel ainsi que le raconte Bardamu: «[...] leur chanson est devenue plus forte que la vie et même qu'elle a fait tourner le destin en plein du côté du malheur.[...]je ne pouvais plus penser à autre chose moi qu'à toute la misère du pauvre monde et à la mienne surtout, qu'elles me faisaient revenir [...]sur le coeur82.». La musique, de l'ordre du sublime, déréalise ou renforce le caractère fictionnel du récit qui ainsi ornementé devient « récit à la troisième puissance » selon les mots mêmes de Céline. La musique dans l'oeuvre de Céline est un trope récurrent, une métaphore qui habille et vernit les mots phrase après phrase. C'est une composante essentielle de ce fameux style célinien, le style qui est rare en littérature et qui le démarque « des cafouilleux qui rampent dans les

81 Catherine Rouayrenc,C'est mon secret,la technique de l'écriture populaire dans « Voyage au bout de la nuit »et « Mort à crédit », éditions du Lérot, 1994.

82 op.cit., p.362.

phrases » selon les propres termes de Céline employés lors d'un entretien avec Dumayet (Céline vivant). L'autre composante est le langage parlé que Céline va rendre aristocratique.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore