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La redistribution doit-elle rendre le travail payant ? étude des modalités de conciliation entre redistribution des revenus et incitation monétaire au retour à  l'emploi.

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par Elie Chosson
Université Pierre Mendès-France (Grenoble II) - Master  2001
  

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B. Le Workfare anglais.

Tout comme aux États-Unis, c'est à partir des années quatre-vingt que la protection sociale change de logique au R.-U., en évoluant vers une logique de workfare. D'un même mouvement est instauré une contrepartie en travail qui conditionne l'octroi des principales aides ainsi que des aménagements fiscaux visant à atténuer les TMEI pour la transition du non-emploi vers l'emploi, donc de rendre le travail payant. Traditionnellement, le système social anglais met l'accent de façon majoritaire sur les prestations à vocation universelle sous conditions de ressources et non contributives, financées par le système fiscal. A partir des années quatre-vingt, le ciblage des politiques sociales va aller croissant, entraînant, outre la restriction des conditions d'octroi des aides, une massification des contrôles des bénéficiaires et une hausse de la contrepartie en travail exigée. Les premières réformes allant dans ce sens furent celles de 1988 et 1998.

Ainsi, dès 1988 est mis en place le Family Credit dont l'objectif explicite est de renforcer les incitations monétaires au retour à l'emploi. Ce crédit d'impôt remboursable reste cependant de faible ampleur, puisqu'il est réservé aux familles avec enfants dont au moins un des membres travaille. De plus, au moins un des actifs du ménage doit travailler plus de 24 heures hebdomadaires pour que le ménage puisse recevoir l'aide. Les conditions d'octroi seront assouplies (notamment par la réduction du nombre d'heures de travail minimales à 16 heures hebdomadaires), jusqu'en 1998, où le dispositif sera réformé. A cette date, le Working Family Tax Credit (WFTC) succède au Family credit. Le WFTC s'inscrit dans le cadre du New Deal du gouvernement de T. Blair, qui vise plus globalement à modifier les relations existantes entre travail et redistribution, en introduisant la sanction et la menace sur les sans-emplois, et en introduisant l'idée d'une contrepartie nécessaire à tous octrois d'aides sociales. C'est pourquoi P. Le Galès, insistant sur l'héritage libéral du New Labour des années quatre-vingt-dix, affirme : « toute la tradition social-démocrate de l'accès universel à certains droits et allocations a été remplacée par une rhétorique des droits et responsabilités des individus57(*)». On parle alors de « workfare symbolique 58(*)», qui fait reposer le système de sanctions sur un discours politique visant à rendre l'individu redevable de l'effort fourni par la collectivité. L'allocataire est alors un « profiteur » potentiel qu'il faut contrôler pour éviter tout abus.

Le New Deal consistait en un ciblage plus important des aides sur les publics connaissant les plus grandes difficultés, et, en parallèle, de réintégrer les allocataires de minima au marché du travail, et notamment les mères célibataires, les seniors et les moins de 25 ans. Une offre importante de formation a ainsi été menée en direction de ces publics, mais dans une logique de devoir, c'est-à-dire assortie de sanctions en cas de non participation à ces programmes. La logique du workfare est introduite dans le versement des minima : les montants ont été réduits (ce qui réduit le TMEI et la désincitation au travail), des emprunts bonifiés remplacent parfois les subventions59(*), et le montant de l'allocation peut être affecté par le refus d'un emploi. Ainsi, les allocations chômage ont été remplacées par la Job Seeker Allowance (JSA), qui durcit les conditions d'octroi de l'aide : il faut prouver une recherche active d'emploi, et l'allocation chômage n'est versée plus que durant 6 mois maximum (contre 12 mois auparavant). De même, les minima sociaux sont soumis à cette logique de la contrepartie en travail : le montant de l'Income Support peut être réduit en cas de refus d'un emploi ou de non présentation à un entretien d'embauche. D'un autre côté, des mesures incitatives accompagnent le WFTC pour faciliter le retour à l'emploi : pour les familles monoparentales, l'Income Support est versé durant les deux premières semaines de la reprise d'activité, et d'autres allocations peuvent se cumuler temporairement avec le salaire60(*).

Le WFTC se veut être une solution à la fois au problème de la pauvreté des enfants en opérant une redistribution en faveur des familles, et au problème de la « trappe à inactivité » en redistribuant vers les travailleurs pauvres. Contrairement au dispositif étasunien, l'octroi de ce crédit d'impôt n'a pas été étendu aux célibataires sans-enfants, conservant ainsi son objectif familialiste et de protection de l'enfance. Pour bénéficier du WFTC, il faut qu'au moins un actif du couple travaille plus de 26 heures hebdomadaires, qu'au moins un enfant de moins de 16 ans soit présent dans le ménage, et que le patrimoine du ménage soit suffisamment faible (inférieur à 8000£ en 2000). Il en résulte que la reprise d'emplois à temps très partiel n'est pas du tout incitée, au contraire de l'EITC qui s'enclenche dès la première heure travaillée. Le WFTC est calculé sur les revenus nets du foyer (c'est-à-dire y compris les revenus du travail, les pensions de retraite, et les revenus d'épargne, tous nets d'impôts): pour tous ménages satisfaisant les conditions d'octroi (c'est-à-dire travaillant suffisamment) et ayant un revenu net hebdomadaire inférieur ou égal à 90£, le montant du crédit d'impôt est maximal, soit 52,3£ hebdomadaires (c'est-à-dire environ 210£ par mois). Ensuite, pour la part du revenu qui excède les 90£ hebdomadaires, le WFTC est dégressif à un taux de 55% (pour chaque euro supplémentaire de revenu net, le montant supplémentaire de crédit d'impôt est diminué de 55%). Outre ce versement de base, le WFTC comprend aussi des majorations, en fonction du nombre d'enfants à charge, mais aussi une majoration pour garde d'enfants (elle couvre 70% du cout de la garde, avec un plafond maximal évoluant en fonction du nombre d'enfants à faire garder). Outre l'incitation financière, on voit donc que les difficultés matérielles entravant le retour à l'emploi sont aussi prises en compte.

Les évaluations du WFTC laissent pourtant entrevoir une efficacité plutôt faible, à la fois en termes redistributifs qu'en termes de retour à l'emploi. D'un point de vue redistributif, l'effet du WFTC est modeste. En effet, ce ne sont pas les individus les plus pauvres qui vont en bénéficier, puisqu'ils ne travaillent pas ou pas assez. Ce sont donc les individus situés dans les deuxième et troisième déciles qui vont en bénéficier le plus : le WFTC représente ainsi plus de 10% du revenu disponible dans le premier cas, et près de 7% dans le second cas61(*). Dès le cinquième décile de revenu disponible, la part du WFTC dans le revenu disponible est proche de 0. L'effet estimé sur la pauvreté est lui aussi faible, car les plus nécessiteux ne sont pas concernés. Le WFTC joue un rôle faible dans la lutte contre la pauvreté.

D'un point de vue de l'incitation au travail, le WFTC impacte de façon importante les TMEI. Le nombre de personnes ayant un TMEI compris entre 90% et 100% passe ainsi de 222 000 à 115 000 grâce au dispositif. De même, la réduction du nombre d'individus ayant un TMEI compris entre 70% et 80% est de 249 000. Mais, comme dans le cas de l'EITC, le dispositif est susceptible d'accroître le TMEI pour les personnes déjà en emploi et qui atteignent la phase dégressive : il y a donc un risque de baisse du nombre d'heures travaillées, ou en tout cas de désincitation à travailler plus. Ainsi, 711 000 personnes supplémentaires vont avoir un TMEI compris entre 60% et 70%, et 207 000 personnes supplémentaires un TMEI compris entre 50% et 60%. Au final, le nombre de personnes ayant un TMEI supérieur à 50% augmente de 57,28% avec le WFTC, ce qui est un résultat plutôt négatif. On voit donc une baisse du nombre de personnes concernées par de très hauts TMEI, mais globalement une hausse du nombre de personnes concernées par des hauts TMEI (supérieurs à 50%). Au final, la hausse du taux d'activité induite par le WFTC était estimée en 2 000 à 0,15%, ce qui signifie que chaque nouvel entrant sur le marché du travail coûterait environ 60 000£62(*).

* 57 Le Galès P., « Succès économique et limites sociales du New Labour », Etudes n°4082, 2008.

* 58 Cattacin S. et all., Retour au travail! Le workfare comme instrument de réforme, 2002.Editions Universitaires de Fribourh, coll. Res Socialis,

* 59 Ibid.

* 60 Notamment l'allocation logement et l'allocation pour les taxes locales, qui peuvent être cumulées durant quatre semaines avec le salaire. Source: Missoc

* 61 Delarue V., « Le WFTC, un nouveau crédit d'impôt pour les familles de travailleurs à bas revenus au Royaume-Uni », Economie et Statistique, n°335, 2000

* 62 Étude de Blundell et al., Cité par Cochard M. et al. « Les effets incitatifs de la PPE: une évaluation difficile », Economie et Statistique, n° 412, 2008.

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