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Crise systémique et paradigme de la décroissance : effondrement ou métamorphose

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par Billy FERNANDEZ
Université de Savoie - Master 2 Système Territoriaux, Développement Durable et Aide à  la Décision 2010
  

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Deuxième partie

La métamorphose: dépasser le

développement pour se détourner

de l'effondrement

I . Une posture philosophique face à l'effondrement : le catastrophisme iclaire (DUPUY, 2002)

A. Les effondrements du passé, de similitudes en enseignements

Dans son ouvrage Effondrement : comment les societes décident de leur disparition ou de leur survie, le geographe americain Jared DIAMOND etudie, sur une base comparative, les facteurs qui peuvent etre à l'origine de l'effondrement des societes, ainsi que le comportement de ces societes face à la perspective de leur effondrement. A travers le cas des Mayas, des habitants de l'ile de P%oques et de nombreux autres exemples, il montre que cinq ensembles de facteurs peuvent concourir à l'effondrement d'une societe : le changement climatique, la degradation anthropique de l'environnement et des ressources, l'hostilite des voisins les rapports de dependance avec des partenaires commerciaux et la reponse des societes elles-memes à ses problemes environnementaux110. Constatant l'importance majeure des facteurs de degradation et de surexploitation de l'environnement, il effectue un parallèle direct entre les effondrements du passe et la situation actuelle des societes mondialisees. Il montre notamment que cet effondrement n'est jamais une fatalite, mais resulte bien plutTMt de choix societaux. Ces choix, rationnels souvent - recherche de puissance, concurrence entre « chefs locaux »111- ne furent, dans bien des cas, pas raisonnables pour autant - filigrane de l'hybris.

B. Vers un effondrement probable

Ainsi, aujourd'hui, l'effondrement systemique redoute constituerait le prolongement logique des deux champs de crises - intrinsequement lies et consubstantiels à l'hybris - que nous avons tente de decrire. Avec Jean Pierre DUPUY, nous considerons cet effondrement, qui peut se dissoudre dans ce qu'il appelle « catastrophe », comme «probable ». Mais le caractere inedit de la crise environnementale globale, comme celui de la demesure systemique de l'entreprise humaine occidentale, necessite de recourir à une posture philosophique particuliere.

1. Exces de puissance, risque et précaution

Au depart de la question et du principe de pricaution112 se trouve l'ouvrage du philosophe allemand Hans JONAS, Le principe responsabilité. D'apres Catherine LARRERE, on peut interpreter ce livre de trois façons :


· comme l'expression de la « toute puissance humaine » sur son environnement.

1 1 0 D'autres facteurs, plus secondaires, sont egalement evoques, en particulier la question des institutions politiques.

111 Voir le cas des Maois des Pascuans et de leur « délire concurrentiel È (Gilles FUMEY)

112 Introduit en 2005 dans la constitution française et faisant reference à des « dommages graves et irriversibles ».

· comme l'attenuation de la portee hyperbolique de la responsabilite de l'homme à l'egard de la nature par un retour à une ethique deontologique du respect

· comme une naturalisation de l'action humaine car, « quand les conséquences involontaires de nos actions techniques ont plus importance que les effets intentionnels, alors il n'y a plus moyen de distinguer l'acte intentionnel de l'évenement naturel. Tout devient nature.[...]Plus nous développons notre technique, plus nous devenons desforces naturelles.113 »

S'agissant du dernier point, on sait que le risque reside en la combinaison du couple aléa/vulnérabilité (P. PIGEON) et que les catastrophes sont construites sur la duree114 - raisonnement ayant conduit à ecarter le vocable de « risque naturel ». Pourtant, dans cette perceptive et face à la nature et à l'ampleur des phenomenes contemporains, c'est le concept d'aléa naturel lui-meme qui peut ainsi etre remis en cause115.

Mais, d'apres Jean Pierre DUPUY, « les menaces qui s'accumulent ne sont ni des fatalités ni des risques ». Ces menaces, il les nomme « catastrophes ». Elles seraient liees à « une impuissance à maitriser la puissance ».

2. L'incertitude n'est pas le probleme : « savoir n'est pas croire» (DUPUY, 2002)

JONAS affirme que « reconnaitre l'ignorance » devient l'autre versant de l'obligation de savoir, car le savoir prévisionnel ne peut etre de meme ampleur que le savoir technique116. Pourtant, selon Jean Pierre DUPUY, « de nombreux arguments ancrent cette ignorance nécessaire dans l'objectivite des grands systemes qui menacent le monde ».

Il en distingue ainsi trois types :

· du fait de leur complexite, les ecosystemes sont à la fois stables et sujets aux fragilites catastrophiques

· les systemes techniques sont soumis à des retroactions positives essentiellement imprevisibles

· il est logiquement impossible de prevoir les savoirs futurs.

En matiere d'incertitude, la prevention et la precaution, invoquees pour se premunir contre ces « risques », s'appliquent respectivement en cas d'incertitude probabilisable de l'alea (incertitude objective) et l'incertitude par manque de connaissance (epistemique). Or, selon DUPUY, dans le cas de la catastrophe - l'effondrement , l'incertitude n'est ni objective, ni epistemique.

1 1 3 Catherine LARRERE, Les éthiques environnementales, respect ou responsabilité ?, conference à l'ENS Paris, 4 decembre 2006.

114 Notamment par la logique de la courbe de Farmer : on substitue à des evenements de forte occurrence mais de faible intensite des evènements de faible occurrence mais de forte intensite.

115 Voir au II.A.4. de la première partie.

116 « Le savoir réclamé, en tant que savoir anticipé, n'existerajamais, sinon tout au plus comme savoir disponible au regard rétrospectif », DUPUY, 2002, op. cit

En fait, <<ce n'est pas l'incertitude qui empéche d'agir, c'est l'impossibilité de croire que le pire va arriver È. En effet, << la catastrophe a ceci de terrible que non seulement on ne croit pas qu'elle va se produire, mais qu'une fois produite elle appara»t comme relevant de l'ordre normal des choses È117.

3. A la lumière de l'inéluctable catastrophe

Alors, pour Jean Pierre DUPUY, il faut renverser le schéma logique de la précaution, et considérer que la catastrophe est inéluctable, ce qui constitue le seul moyen de réagir afin qu'elle n'ait pas lieu. C'est la posture philosophique qu'il appelle le catastrophisme éclairé, et qui n'est pas un catastrophisme donc, au sens traditionnel du terme de <<fatalisme du pire È.

Ç C'est précisément la pertinence, voire la seule existence de la possibilité de ce scénario du pire qui peut et doit guider la réflexion et l'action È, écrit Corinne Lepage, jugement que Jean Pierre DUPUY rejoint.

Car, s'il faut prévenir la catastrophe, <<on a besoin de croire en sa possibilité avant qu'elle ne se produiseÈ 118.

4. L'effet pédagogique des catastrophes ou les vertus de ha crise (MORIN)

D'autres auteurs, à l'exemple de Serge LATOUCHE, attendent plutôt après les Çcatastrophes pédagogiques È pour permettre un changement de paradigme sociétal. Pour notre part, sans douter de l'efficience relative de tels évènements en termes de prise de conscience, nous pensons d'une part que certaines catastrophes n'ont aucun effet pédagogique - exemple de la crise financière de 2007 qui a vu reconduire les même schémas spéculatifs, et d'autre part qu'en cas de crise, les plus démunis sont aussi les plus touchés119.

Ainsi, s'agissant de la crise environnementale, des débats et des incertitudes scientifiques qui demeurent quant à l'existence, et aux conséquences catastrophiques ou non, de points de basculement dans les systèmes écologiques complexes, la métaphysique du catastrophisme éclairé nous exhorte à nous détourner du scénario du pire. Cette attitude est fondée, précisément, sur le fait que nous avons affaire à des catastrophes globales potentielles, et non à des risques, et que par conséquent la démarche minimax - minimiser le dommage maximal - est inopérante, car <<minimiser le pire, ce n'est pas le rendre nul È, tout en sachant évidemment que le <<risque È zéro n'existe pas.

Ainsi, la métaphysique du catastrophisme éclairé semble nécessaire afin de pouvoir changer un avenir probable. L'hypothèse de la décroissance constituerait alors une alternative probablement souhaitable et certainement nécessaire pour nous détourner du scénario de l'effondrement.

1 1 7 Et de poursuivre << Elle n'était pas jugée possible avant qu'elle se réalise; la voici intégrée sans autre forme de procès dans le "mobilier ontologique" du monde È. ibid, p. 84-85.

118 ibid., p. 13

119 Les plus démunis sont d'ailleurs souvent les moins responsables, à l'instar du cas des pays du Sud face à l'adaptation aux changements climatiques.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry