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Crise systémique et paradigme de la décroissance : effondrement ou métamorphose

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par Billy FERNANDEZ
Université de Savoie - Master 2 Système Territoriaux, Développement Durable et Aide à  la Décision 2010
  

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3. Les principes systémiques de la voie de la décroissance

Une fois ce <<risque >> potentiel de dérives identifié, quels sont les grands axes retenus pour la définition d'une société de décroissance ? Nous en proposons quelques uns issus des divers travaux sur la question, et notamment des <<8 R >>134 développés par Serge LATOUCHE, qui constituent ce qu'il appelle <<le cercle vertueux de la décroissance È.

Figure 4 : Les << 8 R >> du cercle vertueux de la décroissance, d'après Serge LATOUCHE, 2006

1 3 3 Qui désigne la mise en place de systèmes politiques autoritaires afin de protéger l'environnement et/ou les ressources. 134 Le pari de la décroissance, op. cit., p 156

a. Reevaluer

La reevaluation consiste à decoloniser notre imaginaire et nos schemas axiologiques « systemiques » - au sens des valeurs imposees par le systeme (LATOUCHE, 2006). Il est largement admis que les valeurs fondamentales de la decroissance sont assimilables à l'Humanisme et aux Lumieres, et qu'en ce sens la decroissance constituerait « une critique moderne de la modernité

» (ibid). Notons neanmoins quelques

modifications axiologiques souhaitables - et probableme nt necessaires, telles que substituer :

· la cooperation à la competition

· la qualite à la quantite

· l'autonomie à l'heteronomie

· l'equilibre dynamique à la domination de la nature

· la vie sociale à la consommation ou le relationnel sur le materiel

· la convivialite à la competitivite

· le plaisir du loisir à l'obsession du travail

· le raisonnable au rationnel

· le local ou le regional au global

· le bien commun à la vénalisation

b. Reconceptualiser

« Le changement des valeurs implique un autre regard sur le monde et donc une autre façon d'appréhender la réalité » (ibid). Sont notamment souhaitees les redefinitions :

· de la richesse et de la pauvrete

· de l'abondance et de la rarete

· de l'idee de progres

c. Restructurer

Il s'agirait d'adapter l'appareil productif et les rapports sociaux et à l'espace en fonction du changement de paradigme. Cela consisterait notamment à tendre vers :

· des modes de gestion de l'entreprise issues de l'economie sociale, solidaire et cooperative .

· un management environnemental fonde sur l'ecologie industrielle135 et la « durabilité » des produits

· une reduction de la taille des entreprises136 vers des logiques locales et/ou regionales et une « déconcentration des activités » (CHARBONNEAU, 2010), peut-titre basee sur des Systemes Productifs Locaux (PECQUEUR, 2000)

1 3 5 Ou « economie circulaire », c'est-à-dire articulee autour du recyclage. 136 Notamment et surtout des plus grandes.

137 138 139

· une agriculture paysanne et/ou agroécologique (RHABI) et/ou biologique .

· une substitution de l'industrie automobile et aéronautique par des activités de recherche et de développement de technologies liées à la mobilité douce et à l'éco-efficience.

d. Redistribuer

La redistribution des richesses, des ressources, de l'empreinte écologique et du travail entre les individus et les territoires est une très forte préconisation de la décroissance. Celle-ci relève largement des politiques de redistribution, mais on peut voir également que la restructuration entraine de facto une redistribution. Par exemple, le passage à une agriculture paysanne, outre qu'elle permet une très forte réduction de l'empreinte écologique au Nord140 et à la faveur du Sud, redistribuerait le travail et le capital de l'industrie pétro-chimique vers l'agriculture, en augmentant considérablement le nombre d'emplois agricoles. Dans cette dynamique, il s'agirait probablement, à un moment ou la France - à peu près dans la moyenne européenne - dépasse le seuil des 80% d'urbains, de redistribuer la population sur le territoire à la faveur des espaces ruraux, plutôt que de <<s'entasser dans les villes >>, selon la formule d'Elisée RECLUS141 .

e. Relocaliser et reterritorialiser

Le mouvement de relocalisation s'imposerait d'abord à l'économie, au sens oü l'enjeu de produire et consommer localement - et si possible avec des capitaux locaux142 - tout ce qui peut l'être est primordial. Les <<circuits courts >>, qui tendent à se développer dans le domaine agricole - via les AMAP notamment, devraient être généralisés et s'étendre à d'autres. Mais pour << relocaliser la vie>> (LATOUCHE, 2007), il faut également relocaliser la culture, les services et surtout inventer une véritable <<démocratie écologique locale>> (ibid.). L'objectif est ainsi de permettre un investissement << multidimensionnel >>143 du territoire comme lieu d'épanouissement individuel et collectif, avec comme concept clés la qualité, la coopération, la soutenabilité et la convivialité.

1 3 7 Voir l'article <<Pour une agriculture paysanne È, Groupe du Chêne, Entropia n°7, septembre 2009

138 Voir aussi A. WEZEL et al, 2009, <<Agroecology as a science, a movement or a practice. A review >>, Agronomy for Sustainable Development, Disponible en ligne.

139 Marc DUFUMIER rappelle qu'une étude de la FAO a démontré qu'il était possible de nourrir l'ensemble de la planète gr%oce à l'agriculture biologique. Voir Rapport de la Conférence Internationale sur l'Agriculture Biologique et la Sécurité Alimentaire, FAO, Rome, mai 2007

140 Voir les travaux sur la <<dette écologique>> des pays du Nord à l'égard des pays du Sud du fait du <<pillage des ressources et de l'externalisation massive de déchets toxiques >>. Voir en particulier ATTAC, << Pauvreté et Inégalité, ces créatures du néolibéralisme È, Milles et une nuits, Paris, 2006, p.44

141 Du sentiment de la Nature dans les sociétés modernes , 1866, 9p.

142 Il existe sur ce point beaucoup de débats et d'expérimentation autour des monnaies locales et ou fondantes, et bien sur les Systlmes d'Echanges Locaux (SEL) et les Association pour le Maintien d'une Agriculture Paysanne (AMAP). Voir respectivement sur ce point Mundler, 2006 et Bernard LIETAER, 2005, Des monnaies pour les communautés et les régions biogéographiques : un outil décisif pour la redynamisation régionale au XXIe siècle, extrait de BLANC J., dir (2006) Exclusion et liens financiers : Monnaies sociales, Rapport 2005-2006, Paris: Économica, 547 p.

143 Nous empruntons par métaphore ce terme à Ivan ILLICH, qui oppose l'homme multidimensionnel à l'homo-oeconomicus et l'animal laborans.

Cet epanouissement local, dans un environnement naturel et social « dbmarchandisé » et libere de l'obsession du temps gagne, pourrait permettre, sur les bases de la simplicite volontaire, Ç dÕhabiter en poète »144 le territoire. Les savoir-faire Ç du passé », revisites sur une base moderne, pourraient etre rehabilites, non pas comme element du folklore touristique, mais en ce que les pratiques anterieures à l'energie fossile bon marche etaient necessairement sobres. Dans un prolongement humaniste et poetique vers le « re-enchantement du local », le rTMle favorable de la nature doit être valorise à travers sa presence, jardinee ou sauvage, dans les espaces du quotidien et dans les paysages naturels et culturels de l'arriere plan. Ces derniers se devraient ainsi d'etre preserves de l'agression publicitaire et des infrastructures superflues, resultant des desirs que celle-ci aura pu engendrer.

En complementarite à l'utopie, les aspects concrets des problematiques de gestion concertee des espaces, qu'ils soient agricoles, naturels, ruraux ou urbains, constitueraient, par la participation citoyenne, des experiences favorisant l'ouverture sur les problematiques cosmopolitiques (CHARTIER&RODARY, 2008) globales. Cette gestion operee sur la base de la notion de reliance, developpee par Olivier TURQUIN145 et definie comme « le partage des solitudes acceptées et l'échange des différences respectees »146, contribuerait à « lÕharmonie sociale » et à la qualite democratique locale. Mais, cet enracinement local multidimensionnel doit s'accorder avec une organisation de l'espace invitant au voyage et à l'itinerance, sur la base d'une « mobility douce » et peut-etre de systemes d'accueil d'itinerants « chez lÕhabitant », sur le principe des Ç banques du temps ».

f. Reduire

Outre la reduction des inegalites et la reduction de l'empreinte ecologique - notamment le recours aux energies fossiles147, la reduction du temps de travail et, par là meme, du chTMmage, constitue un point central du projet de la decroissance. La reduction de l'amenagement, de l'artificialisation et de la marchandisation s'imposerait egalement et en coherence avec l'equation professee par Ernst BLOCH « Temps Libre = Espaces Libres »148.

Est egalement preconisee la reduction des mobilites, notamment celles des marchandises, mais aussi de la Çjunk mobility » (BOURDEAU & BERTHELOT, 2008), largement liee au tourisme de masse international. Cette reduction de la mobilite passe d'abord par la reduction de l'emprise de la voiture sur l'espace ainsi qu'en matiere d'amenagement du territoire. Il s'agit par exemple de generaliser les liaisons douces - reservees à un usage non motorise, de renoncer à tout nouvel amenagement autoroutier ou routier d'importance, et a contrario de rehabiliter et remettre en service un certain nombre d'infrastructures ferroviaires149 . En France, les 80% de la population residants aujourd'hui en

1 44 Selon l'expression de Jean Claude BESSON-GIRARD, « Habiter en poete », Entropia n°8, Territoires de la decroissance, printemps 2010

1 45 Le meme Olivier TURQUIN developpe les concepts de « bergestionnaire » et « dÕagrinature », interessants en ce qu'ils deconstruisent les discours et renouvellent les imaginaires.

146 TURQUIN O. (dir.), 2000, Gestion concertée dans les espaces ruraux. Guide repère , CEDAG, Ministere de l'Agriculture et de la Peche (Direction de l'Espace Rural et de la Forêt), Paris,

147 Qui a comme prealable la construction d'une societe de « l'apres-petrole ».

148 Cite par Philippe BOURDEAU

149 « On sait qu'un vehicule se deplacant sur des rails consomme 3 à 5 fois moins d'energie que sur une route. Le cout de
maintenance et d'entretien est par ailleurs beaucoup plus faible que le reseau routier à usage equivalent, ce qui signifie que Ç le

espace urbain n'auraient aucune difficulté à se déprendre de cette emprise de l'automobile dans la perspective d'une restructuration des réseaux de mobilité et de l'urbanisme, dans le but de réduire radicalement la distance domicile-travail.

Sur un autre registre, la réduction des risques150, notamment sanitaires et liés à un environnement dégradé151, s'accompagnerait d'une réduction de l'emprise des biotechnologies et du recours systématique à la technique pour résoudre les problèmes sociaux ou environnementaux152.

Ainsi ce <<programme>> des <<8 R >>153, qui n'a pas vocation à servir de cahier des charges, permet plutôt de mobiliser la pensée de la décroissance comme une <<matrice autorisant un foisonnement d'alternatives>> (LATOUCHE, 2006).

Des traductions opérationnelles de ces <<principes >> se retrouve dans le cas des AMAP, des SEL 154 , des créatifs culturels, de certains écovillages ou éco-hameaux155 ou à bien des égards à l'approche de << l'écorégionalité>> d'Emmanuel BAILLY. Ces initiatives restent pourtant très marginales.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery