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Militer pour la décroissance. Enquête sur la genèse d'un "mouvement politique" de la décroissance en France

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par Mathieu ARNAUDET
Université Rennes 1 - Master 1 Science Politique 2009
  

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C) Un enjeu : créer un « mouvement politique ».

Bien que les militants ne voient dans le politique qu'un « moyen supplémentaire » pour faire avancer les idées de la décroissance, il est important néanmoins de rappeler que la théorie de la décroissance a été construite essentiellement pour la politique. Cet investissement citoyen que les militants entendent retrouver par une autre façon de faire de la politique a comme objectif de créer par la même occasion ce qu'ils appellent un « mouvement politique ». Celui-ci aurait comme caractéristique de ne pas s'en tenir à ce qu'ils peuvent appeler la « politique spectacle », la « politique électoraliste » : « L'objectif c'est ça, c'est de faire un mouvement politique, c'est de rappeler que la politique c'est pas que des élections... »151(*). Grâce à cette autre façon de faire de la politique se créerait un « mouvement » qui ne ferait pas seulement amener plus de gens à s'investir dans le champ politique mais élargirait également ce qu'on entend par « politique ». La politique, sous la forme d'une tentative de prise de pouvoir sanctionnée par un vote existe - et on a vu que les militants sont respectueux du débat politique et de l'acte de vote -, mais elle ne suffit pas et il s'agit de politiser toutes les actions collectives locales. Cette politisation servirait à créer un mouvement social à travers le politique. On a vu, grâce notamment à la notion d' « action collective individualisée », qu'il existe une action protestataire locale et individuelle qui, même si elle s'inscrit dans une cause à défendre plus globale (même si les projets alternatifs locaux s'accommodent aussi d'une « clientèle » plus ou moins « passive »152(*)), n'existe politiquement que sous une forme latente. La théorie de la décroissance, comme ses militants entendent - paradoxalement si l'on peut dire - représenter cette population qui désire avant tout s'investir dans le local. On peut écrire que les militants espèrent, en quelque sorte, instituer un mouvement social se réclamant du projet politique de la décroissance. Néanmoins, bien sûr, au vu de ce qu'on a analysé plus haut, il ne s'agit pas de « représenter pour représenter » comme le ferait, selon ces militants, un parti classique, profitant des règles du champ politique pour transformer des désirs (ou créer ?) en capital électoral. Ici, rappelons-le, les militants entendent diffuser un changement des consciences dans le corps social et ceci n'est réalisable qu'en liant tous les espaces sociaux. Plus précisément donc, la « mise en forme du social » - pour reprendre la fameuse expression de Claude Lefort - serait produite par le politique, qui serait lui-même élargi pour englober le social lui-même. Ce lien nécessaire entre ce qu'on a appelé « la société civile » et la politique (cette dichotomie, résultat de l'histoire du vingtième siècle153(*) renvoi ainsi à un champ politique restreint, finalement peu différent de la « politique électoraliste ») doit se réaliser à travers une association, l'Association des Objecteurs de Croissance (AdOC). Cette association, créée au mois de septembre 2009, entend, non pas fédérer (« Mais on est pas là pour fédérer les décroissants, parce que les décroissants veulent pas être fédérés, ils veulent être local, indépendant, pas entendre parler de partis. Donc il faut les deux à la fois »154(*)) mais créer du lien entre le social et le politique tout en favorisant la mobilisation politique.

Le fonctionnement de l'AdOC a été perturbé en raison des tensions que l'on a analysées plus haut. Néanmoins, il est intéressant de revenir sur l' « esprit » de l'AdOC et comprendre ce qu'elle entend réaliser plus concrètement. Il s'agira alors appuyer l'idée qu'elle entend être un instrument politique dont le but - bien loin d'être « électoraliste » - n'en demeure pas moins d'inciter les gens à s'engager politiquement. Nous esquisserons les premières limites à cette création d'un « mouvement politique », dont celle du risque d'une autonomisation des militants « s'occupant » de politique.

* 151 Vincent pendant l'AG du PPLD.

* 152 On peut prendre une nouvelle fois les exemples des AMAP ou des SEL. Ces collectifs envisagent, dans leur charte, d'être le lieu de contestation d'un modèle de consommation artificiel et / ou un système marchand désocialisant, mais cela n'empêche pas la venue de gens, plus démunis socialement et économiquement, qui s'y inscrivent essentiellement pour leur bien être ou leur santé, comme pour en tirer des avantages financiers concernant les SEL. Ces personnes sont la plupart du temps les moins investis dans l'organisation. Néanmoins, pour que cette dernière fonctionne, des gens motivés, en plus des précurseurs qui sont souvent des militants, doivent se mobiliser davantage, et ce la plupart du temps au nom d'une cause supérieure (comme celles qui sont inscrites dans les chartes). Pour des analyses de ces « sociétés alternatives » voir Lenzi C, « L'injonction à l'autonomie comme mode de sélection sociale des militants des SEL » in Nicourd S (sous la dir), Le travail militant, Presses Universitaires de Rennes, 2009 et Lamine C et Perrot N, Les AMAP : un nouveau pacte entre producteurs et consommateurs ?, Editions Yves Michel, 2008.

* 153 L'histoire politique de la 2ème moitié du vingtième siècle a forgé cette dualité pour insister sur ce qu'il y avait de différents entre les démocraties à Etat de droit et les régimes totalitaires ne laissant aucune place à l'expression du citoyen.

* 154 Rocca à l'AG du PPLD.

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