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Chroniqueur culturel à  la télévision : un journalisme de marque

( Télécharger le fichier original )
par Benjamin Walter
CELSA - Paris IV Sorbonne - Master 1 Journalisme 2010
  

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École des hautes études en sciences de l'information et de la communication
Université de Paris-Sorbonne (Paris IV)

MASTER 1 - Option JOURNALISME -
Mention : Information et Communication
Spécialité et Option : Journalisme

"Chroniqueur culturel à la télévision : un journalisme de marque"

Préparé sous la direction de Madame le Professeur Véronique Richard

Nom : Walter

Prénom : Benjamin

Promotion : 2009 - 2010

Soutenu le :
Mention :

Note du mémoire : /20

REMERCIEMENTS

A Mme Véronique Richard, directrice du Celsa,

A Mme Adeline Wrona, rapporteur universitaire de ce mémoire,

A M. Eric Naulleau, rapporteur professionnel de ce mémoire,

A M. Thierry Devars, pour son éclairage indispensable à l'écriture de ce mémoire,

A Philippe Besson et Jean-Jérôme Bertolus pour leur intelligence, leur ouverture d'esprit et leur sensibilité,

A David Lynch.

SOMMAIRE

Introduction pp 4-9

I-Le temps de la promotion pp 10-17

1) La marque : du signe au label pp 10-14

a. Le signe : tous les chroniqueurs ne sont que des signifiants pp 10-12

b. L'apposition du label « chroniqueur » pp 12-14

2) Le chroniqueur-marque ou la « déterritorialisation » accomplie pp 15-17

II-Le temps de la scénographie pp 18-28

1) Le plateau télévisé comme supermarché des marques p 18-21

a. La vitrine des marques pp 18-20

b. La loi de l'offre et de la demande de chroniques p 21

2) Le plateau télévisé comme club des marques pp 22-24

3) Le plateau télévisé comme théâtre des marques pp 25-28

III-Le temps de la survivance pp 29-35

1) La marque après la chronique télévisée pp 29-30

2) Le « clash » ou l'instantané télévisé des marques sur internet pp 31-32

3) Personal branding et reterritorialisation de la marque pp 33-35

Conclusion pp 36-38

Bibliographie pp 39-40

Annexes pp 41-45

Résumé p 46

Mots-clés p 47

INTRODUCTION

« Ce n'est pas d'un jugement, de sa solidité, de sa justesse qu'on se préoccupe [...] ce n'est pas non plus de l'autorité et de la compétence de l'homme qui va le prononcer. A moins pourtant que le nom de cet homme ne rende le bruit de son jugement plus grand : alors, c'est là-dessus qu'on spécule ».

Barbey d'Aurevilly in « Lettre à M.Gregory Ganesco », Le Nain jaune (30 dec 1865)

Qu'on le dénonce ou qu'on le porte aux nues, le chroniqueur culturel est aujourd'hui « à la mode » à la télévision. Sous des formes différentes, avec des discours différents, dans des cadres différents. Des émissions ont même été bâties uniquement autour de la fonction de chroniqueur culturel. De la revue culturelle critique de Ça balance à Paris (Paris Première) au télé-crochet le plus en vue, la Nouvelle Star (M6). Le grand journal de Canal + incarnant à lui seul l'émission de chroniqueurs branchés par excellence.

Cinéma, musique, mode, littérature : la figure du spécialiste venant proposer une critique argumentée d'une oeuvre culturelle est aujourd'hui au centre de la plupart des contenus de la télévision proposant un discours sur elle-même. Il n'y a qu'à voir le buzz (emballement médiatique) produit par les récents « clashs » de chroniqueurs tels que Eric Naulleau au sein de l'émission de divertissement de Laurent Ruquier, On n'est pas couché. Lorsqu'il devient chroniqueur, le passé de celui-ci importe peu. On se rend compte que s'il a été romancier (Philippe Besson), éditeur (Eric Naulleau), journaliste (Philippe Manoeuvre), acteur (Virginie de Clausade) ou même chanteur (Lio), son discours critique et argumenté de chroniqueur peut se rapporter à une certaine forme de journalisme.

La chronique n'est toutefois pas un exercice de style récent. Elle existe dès la naissance de la presse, avec qui elle entretient un rapport de contiguïté comme le rappelle Ana Filipa Prata, professeur à l'Université de Lisbonne :

« La chronique est un genre qui oscille entre le
domaine de la littérature et celui de la presse. Sa

nature indéfinissable advient de ses complexes origines qui sont également lointaines et diverses. Presque tous les grands auteurs ont exercé le métier de chroniqueur dans la presse quotidienne. »1

Mais avant de se demander si la chronique est genre littéraire ou journalistique, il faut rappeler qu'elle fut avant tout, selon Ana Filipa Prata, du domaine de l' « historiographie », avec cette idée que, dès le départ, elle avait pour fonction de raconter une histoire :

« En vérité, le mot chronique est associé tout de suite aux proses médiévales des historiens comme Froissart. La chronique était au Moyen Age un texte d'histoire. Pas celle que l'on peut aujourd'hui appeler de macro Histoire, mais celle des événements particuliers et datables. La chronique racontait donc les succès ou défaites d'un roi, de la vie quotidienne du pays et de la cour, les découvertes maritimes et les accomplissements des individus exceptionnels. La frontière entre ce qui est la réalité ou la fiction est par conséquent difficile à établir [...]. Car la chronique est avant tout - et pour expliquer cela l'étymologie du mot ne serait que suffisante - l'écriture du

temps (cronos). »2

Si l'on s'en tient à une simple définition télévisuelle, le chroniqueur est la personne venant raconter un événement, ou donner son avis, de manière régulière sur un même ou plusieurs plateaux de télévision. Raconter une histoire, c'est le résultat de toute une Histoire, de l'imbrication du journalisme et de la littérature parisienne du début du siècle comme le rappelle Ana Prata :

« La chronique, telle qu'on la connaît aujourd'hui, a
aussi héritée de certaines des caractéristiques du

1 PRATA Ana Filipa, Genre littéraire ou paralittéraire : les enjeux de la chronique, 2e congrès du Réseau Européen d'Etudes Littéraires Comparées (REELC).

2 Ibid.

feuilleton et du fait divers, parus avec le développement de la presse de la grande ville. En fait, la chronique est le genre de la ville par excellence. C'est une forme qui permet, d'un côté, aux romanciers tels que Balzac, d'exploiter des possibilités pour ses romans, et par ailleurs écrire l'expérience du quotidien et de sa complexité temporelle. »3

Sur le fond, on a vu aussi passer à la télévision une forme de journalisme née aux côtés de la chronique, celle de critique, comme le rappelle Rémy Rieffel :

« La critique en tant que telle, existe quasiment depuis la création des premiers journaux et périodiques du XVIIe siècle et a d'abord été reconnue comme une activité réservée aux écrivains et aux artistes. »4

Les deux sont tellement liées qu'aujourd'hui un chroniqueur alterne entre un discours de promotion d'une oeuvre et celui, argumenté, de critique. Dans tous les cas, le chroniqueur existe dans un cadre plus large, celui du plateau télévisé. Il n'est donc ni l'animateur, ni le journaliste présentant l'émission. En cela, Guillaume Durand (L'objet du scandale sur France 2), Philippe Lefait (Des mots de minuit, sur France 2) ou François Busnel (La grande librairie, sur France 5), si tant est qu'ils soient amenés à donner leur avis, ne sont pas des chroniqueurs dans la mesure où l'émission est la leur. On peut donc affirmer que le chroniqueur est le produit d'une émission, non son moteur. D'où l'analyse du sociologue Pierre Bourdieu selon laquelle les débats culturels à la télévision sont « faussement vrais »5 car ils sont dirigés par le présentateur. : « c'est lui qui impose le sujet, la problématique [...], il distribue la parole, il distribue les signes d'importance »6.

C'est dans ce contexte où le chroniqueur existe sous la forme d'un produit, créé à la fois par

3 PRATA Ana Filipa, Genre littéraire ou paralittéraire : les enjeux de la chronique, 2e congrès du Réseau Européen d'Etudes Littéraires Comparées (REELC).

4 RIEFFEL Rémy, « L'évolution du positionnement intellectuel de la critique culturelle » in Quaderni n°60, « La critique culturelle : positionnement journalistique ou intellectuel ? », printemps 2006, p 55.

5 BOURDIEU Pierre, Sur la télévision, Liber, Paris, 1996, p 33.

6 Op. Cit.p 34.

l'émission et le présentateur, qu'émerge la notion de marque. En effet, il n'y a marque que s'il y a produit. Si l'on fait le parallèle avec le champ d'étude du marketing, Georges Lewi définit la marque ainsi :

« La marque est le nom et l'ensemble des signes d'un produit, d'un service, d'une entreprise qui ont pour vocation de s'imposer par leur notoriété, leur part de marché et leur valeur ajoutée sur un segment de marché défini. Ce nom et ces signes sont généralement juridiquement protégés. La marque s'impose comme un des repères de ce marché sur lequel elle agit en s'appuyant sur des valeurs tangibles et intangibles. Cet ensemble hétérogène provoque des résonances profondes dans l'esprit des consommateurs et des clients. »7

Existe-t-il alors une autonomisation progressive des chroniqueurs culturels en tant que marque et ainsi reprise sur différents plateaux et différents médias grâce à leur seul nom ? Tout en ayant commencé sa carrière de chroniqueur en tant que journaliste d'un magazine spécialisé, le chroniqueur viendra faire le tour des plateaux du PAF8, pour parler de tout. Mais tout en faisant oublier sa provenance ? Ce ne serait donc plus parce qu'il est cinéphile et travaille dans un magazine de critiques de cinéma qu'un journaliste sera désormais visible ? Ne donne-t-il alors son avis sur toute chose culturelle, plus au nom de lui-même et de sa propre perception, qu'au nom de la chaîne sur laquelle il apparaît ? Toutes ces questions seront au coeur de ce mémoire avec, en fond, toute l'ambiguïté que la notion de marque porte en elle : gage de qualité ou au contraire enfermement dans un rôle.

« Signes », « produit », « valeur ajoutée », « repères », « consommateurs » sont des mots-clés utilisés par Georges Lewi qui s'appliquent très bien à la marque du chroniqueur au centre de l'émission culturelle. Ainsi, la chercheuse Camille Brachet explique comment, pour exister, une émission culturelle doit se construire une identité. Une définition de la marque télévisuelle s'appliquant tout aussi bien au chroniqueur :

7 LEWI Georges, La marque, Vuibert, 2003, pp 6-7.

8 Paysage Audiovisuel Français

« Le principe de construction d'une identité forte repose sur une idée simple : fournir des repères au téléspectateur, bien sûr dans le but de transmettre une information, mais surtout dans l'objectif toujours sous-jacent que les programmes soient regardés ; le téléspectateur restant essentiellement une cible à atteindre [...]. Les logiques à l'oeuvre semblent d'ailleurs répondre à une démarche marketing très classique ; dans une certaine mesure, la construction de l'identité d'une émission de télévision répond aux mêmes critères que celle d'un espace marchand : il est en effet question d'un positionnement stratégique face à des cibles à atteindre ».9

Dorénavant, cette fonction de « construction identitaire » passe par les chroniqueurs eux-mêmes : un chroniqueur deviendra un « repère » que les téléspectateurs écouteront avant l'achat d'un objet culturel. Et derrière l'idée d'une « construction identitaire » de la marque du chroniqueur, établie conjointement par l'émission et le chroniqueur lui-même, une part de mise en scène, qu'elle soit voulue ou non, intervient.

Nous répondrons donc à la problématique suivante : Dans quelle mesure l'espace culturel à la télévision est-il scandé, voire mis en scène, autour de personnalités devenues des marques et identifiables sur leur seuls noms ? Qu'il se construise comme tel tout au long d'un parcours télévisuel bien rôdé ou, au contraire, soit utilisé par la télévision, dans les deux cas comment le chroniqueur culturel est-il devenu une marque, une autorité à qui on fait appel et qui nous laisse croire en son récit afin de l'adouber ?

Nous sommes partis des hypothèses de départ suivantes :

-Les émissions de chroniqueurs se multiplient et créent le buzz dorénavant grâce à leurs chroniqueurs.

-Les chroniqueurs alternent les plateaux télévisés, on les retrouve dans beaucoup de lieux médiatiques (ou pour reprendre « l'impression de départ » de Camille Brachet : « les mêmes, partout, tout le temps »).

9 BRACHET Camille, Peut-on penser à la télévision, la culture sur un plateau, coll. INA, Paris, 2010, p55.

La place spécifique du chroniqueur culturel à la télévision ayant été peu abordée de manière frontale par un ouvrage, ce mémoire s'appuiera sur un corpus fait avant tout des dernières recherches universitaires sur la figure de la posture de l'écrivain sur les plateaux télévisés ou sur la question de l'émission culturelle (Patrick Tudoret, Camille Brachet, David Réguer). Nous prendrons aussi appui sur des essais sociologique plus anciens et théoriques (Pierre Bourdieu). Notre travail s'appuiera aussi sur beaucoup d'articles de fond issus de Télérama détaillant sous toutes les coutures les émissions comme Ça balance à Paris ou On n'est pas couché. Le gros du corpus se fera enfin à partir de l'étude sémiologique des émissions culturelles elles-même.

Afin de répondre à la problématique posée, notre étude du chroniqueur en tant que marque sera divisée selon trois parties d'un processus défini. Un cycle auto-entretenu de trois temps dans lequel la marque nait, vit et se perpétue. Chaque temps correspondant par ailleurs à une période précise dans la chronologie de diffusion de l'émission culturelle.

Dans un premier temps, nous verrons, grâce à une analyse sociologique et marketing, comment se définit le « temps de la promotion ». Un temps lors duquel la marque du chroniqueur se crée dans un double mouvement. Si, pour exister, le chroniqueur doit refléter l'air du temps, il sera aussi utilisé comme point d'ancrage personnalisé dans le flux de la télé. Il devient alors un label.

L'analyse deviendra ensuite sémiologique, quand nous aborderons le temps diégétique de l'émission culturelle, soit le « temps de la scénographie ». Ou comment s'organisent concrètement géographie et dramaturgie de l'action du chroniqueur culturel. Ou comment exister au sein du lieu factice qu'est le plateau de télévision.

Nous terminerons enfin par le « temps de la survivance », soit la marque du chroniqueur à l'épreuve du futur. Ou comment la marque des chroniqueurs à la télévision doit beaucoup au net et permet à la télévision de survivre, par bouts, sur le web. Comment le nom d'un chroniqueur devientil un mot-clé dans la promotion de son propre discours et dans la publicité de son émission sur internet.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand