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Stimulants matériels, catégories marchandes et transition au socialisme à  Cuba: 1959-2009

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par Jérôme Leleu
Institut des Hautes Etudes de l'Amérique Latine UP3 - Etudes latino américaines, spécialité économie 2010
  

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CONCLUSION

Méme si le nombre et l?importance des économies planifiées en transition vers le socialisme est très largement réduit depuis la décennie 1990, la problématique des stimulants matériels dans ce type d?économies reste importante tant pour Cuba que pour les pays qui rentreront dans cette voie dans un avenir plus ou moins lointain. Nous avons vu au cours de cette étude, la manière de poser le problème des stimulants matériels au sein d?une économie en transition vers le socialisme au niveau théorique et plus spécifiquement comment il tente de se régler à Cuba dans la pratique.

Les stimulants matériels pour les travailleurs font référence aux formes de rémunération, aux rapports de distribution légués du capitalisme suite à la révolution prolétarienne. Car certaines tares du capitalisme se maintiennent durant la phase de transition, que Marx appelait l?étape inférieure du communisme, le socialisme. Or les différentes révolutions se sont produites au cours du XXe siècle dans des pays arriérés économiquement et le socialisme, c'est-à-dire le moment où les moyens de production seront entièrement socialisés selon un calcul en temps de travail nécessaire, ne peut être atteint dans un laps de temps très court, en raison du faible développement industriel du pays et de la non interdépendance de l?ensemble des branches de la production. La transition vers le communisme est donc rallongée (bien que celle-ci ne soit pas linéaire et non défini à priori) et une phase de transition du capitalisme au socialisme s?ajoute à celle du socialisme au communisme.

L?utilisation de la loi de la valeur et des catégories marchandes au sein méme du secteur d?Etat (non encore socialisé) s?avère nécessaire ainsi qu?un certain nombre d?enclave privée au niveau artisanal et agricole (en fonction de leur degré de développement). De ce fait, le maintient de formes de rémunération propres au capitalisme est nécessaire. Tout d?abord le salaire, qui ne peut être remplacé stricto sensu par des bons de travail. Ensuite, les formes de rémunération les plus appropriées du système capitaliste, c'est-à-dire le salaire aux pièces et les stimulants dits matériels (primes, avantages monétaires...).

Mais la persistance de ces divers éléments au sein de la société en transition peut être d?une plus ou moins grande ampleur. Nous pouvons dire que plus les forces productives sont peu développées, plus la persistance des éléments marchands dans la société en transition va être important pour une augmentation soutenable de la productivité. Mais les forces productives ne sont pas le seul régulateur des rapports de production, ces derniers pouvant même être le régulateur des forces productives. Cela va dépendre du degré de participation des travailleurs au processus décisionnel tant politique qu?économique et donc à l?existence effective d?une dictature du prolétariat. En effet, l?élément le plus important serait plutôt le phénomène bureaucratique. Plus une bureaucratie (Bettelheim parlait de bourgeoisie d?Etat pour l?URSS) usurpe le pouvoir de la classe ouvrière, plus l?utilisation de stimulants matériels pour le développement de la production sera importante.

La nationalisation de certains moyens de production et l?utilisation de stimulants matériels dans ces secteurs doit se faire si cela ne bloque pas le développement des forces productives même si la nationalisation de certaines branches de l?économie peut se faire pour contrecarrer le pouvoir de la bourgeoisie dans le cadre de la lutte de classe. Car le but d?une économie en transition vers le socialisme reste, outre la suppression de l?exploitation de l?homme par l?homme et le développement d?une conscience supérieur, le rattrapage économique sur les pays capitalistes. Plus le pays est arriéré économiquement, donc ayant une productivité faible, plus l?accumulation socialiste primitive se réalisera sur l?usurpation par le secteur d?état du surproduit du secteur privé et moins sur le surproduit des travailleurs d?Etat129.

La situation internationale est un autre facteur important pour le développement d?une économie en transition bien que nous n?en ayons pas fait grandement état au cours de cette étude. Plus un pays est isolé en tant qu?économie en transition, moins les échanges solidaires, préférentiels, intégrés dans une « division internationale socialiste du travail » sont élevés. Le pays, surtout s?il a un faible développement initial de ses forces productives, devra essentiellement compter sur ses propres forces et l?utilisation de catégories marchandes devrait être plus élevée. Bien sûr, le degré de participation des travailleurs, intéressés pleinement au développement socialiste, conscient des contradictions de la période de

129 PRÉOBAJENSKY, Eugène, La nouvelle économique, Op.cit.

transition, atténuera l?utilisation de la loi de la valeur et des stimulants matériels bien que le développement des forces productives soit faible et que le pays soit relativement isolé.

Nous pouvons distinguer plusieurs périodes en ce qui concerne Cuba depuis la révolution et son approche vis-à-vis des stimulants matériels et de l?utilisation des catégories marchandes. Tout d?abord, le début du processus révolutionnaire fût caractérisé par un tâtonnement pratique et idéologique qui s?est discuté à travers un débat important dans le pays. Deux tendances se firent face entre d?une part les partisans de Guevara qui souhaitaient laisser peu de place aux stimulants matériels et encore moins à la loi de la valeur, et les partisans des thèses insistant sur la nécessité de l?encouragement matériel pendant la phase de transition du capitalisme au socialisme. Bien qu?il ne faille pas rentrer dans une logique productiviste (le primat des forces productives), le fait que Guevara ne parle quasiment pas de démocratie socialiste, de participation de la classe ouvrière peut nous faire penser que les stimulants moraux dont il parle ne ressorte que d?un système paternaliste.

Certains ont vu dans l?échec économique de la période de l?offensive révolutionnaire les erreurs des thèses du Che. Or, la politique appliquée à ce moment (caractérisée à posteriori à Cuba comme idéaliste), ne correspondait pas réellement à ce que Guevara proposait en particulier sur la nationalisation des petits commerces et des activités artisanales. Cette période au cours de laquelle les stimulants matériels ont été supprimés et où les dirigeants croyaient être proche de la société communiste fit un fiasco économique. N?oublions pas non plus que Guevara pensait qu?une certaine dose de stimulants matériels était nécessaire.

Suite à cet échec, nous assistâmes à Cuba à une remise en cause de l?offensive révolutionnaire, à partir de 1970, année de l?échec de la zafra des 10 millions de tonnes. Les normes de travail furent remises en vigueur, les rémunérations selon le travail fournit également, et un système de direction économique était en préparation. L?année 1972 marqua l?entré de Cuba au sein du CAEM et donc d?une certaine division internationale entre les économies planifiées mondiales. Le SDPE fût mis en application en 1976, et à bien des égards il ressemblait aux modes de fonctionnement des entreprises en URSS depuis la réforme de 1965. Les échanges préférentiels entre les pays en transition vers le socialisme (ou s?en proclamant) qui visaient à un rattrapage des pays les moins développés (dont Cuba et le Viêt-

Nam) sur les plus développés permirent à Cuba jusqu?en 1989 de rehausser le niveau de ses forces productives et le niveau de vie de la population alors même que le niveau de ses forces productives et l?installation d?une bureaucratie au pouvoir auraient nécessité des rapports de production moins développés.

Malgré des résultats économiques relativement bons jusqu?en 1985, le SDPE ft tout de même un échec au niveau de son implantation effective. Les stimulants matériels furent tout de même distribués à près de deux millions de travailleurs, bien que des problèmes d?ordre bureaucratique, de non révision des normes de travail ou des problèmes exogènes (climatiques, d?ordre internationaux) firent que le système ne ft pas appliqué avec efficience.

Les difficultés économiques dont fût confronté Cuba à partir de la moitié des années 1980 vinrent remettre en cause le SDPE. Des arguments idéologiques furent mis en avant pour la suppression des éléments marchands de l?économie (marchés « libres » agricoles, activités privés dans la construction...), mais la suspension du paiement de la dette qui empêchèrent Cuba d?emprunter sur les marchés internationaux et qui diminua l?affluence de Monnaie Librement Convertible pour importer, légitimait d?un point de vue économique la réduction des stimulants matériels du fait de la moindre importance de l?offre de biens de consommation. Aucun nouveau système ne sera vraiment mis en application et la désintégration de l?URSS et le passage à l?économie de marché des pays d?Europe de l?Est à partir de 1989 vont plonger Cuba dans une grave crise économique.

La crise économique cubaine entraina une forte dégradation des agrégats économique, le PIB chuta de 35% entre les années 1989 et 1993, les importations et les exportations furent réduites considérablement. De nombreuses entreprises ne purent continuer à fonctionner faute de matériels de rechange, de combustibles... et la pénurie s?aggrava. Des mesures économiques furent mises en place qui visèrent à accroître le rôle de la loi de la valeur et des catégories marchandes dans certains secteurs afin de résoudre les problèmes économiques. La problématique de l?incitation matérielle ft de moins en moins évoquée au vu des urgences du moment.

L?utilisation de la loi de la valeur et des catégories marchandes s?accentua par les différentes mesures engagées, telle la transformation de nombreuses fermes d?Etat en coopératives (UBPC), par la légalisation du travail à compte propre pour certaines activités, la réouverture des marchés dit « libres » où les paysans privés vendent leurs excédents à des prix qui se fixent selon la loi de l?offre et la demande ainsi que par la suppression du monopole du commerce extérieur de l?Etat et la légalisation des IDE dans le cadre d?entreprise mixte. La loi de la valeur accentue donc son rôle aussi bien dans la sphère privée par l?entremise de certains commerces (taxi, paladares...) que dans le secteur d?Etat au sein duquel les entreprises opérant pour l?exportation vendent et achètent des marchandises avec le « reste du monde ». De plus, dans le cadre de la crise et de l?isolement de Cuba au niveau des échanges internationaux « socialistes », l?utilisation de plans quinquennaux n?est plus possible, et les balances financières gèrent les différents plans restreints.

L?économie se reprit à partir de 1994, bien qu?aujourd?hui tous les indicateurs n?aient pas retrouvé leur niveau de 1989. Dans ce nouveau contexte, les stimulants matériels ainsi que la loi de la valeur et les catégories marchandes auxquelles ils sont liés sont nécessaires car nous avons assisté à une stagnation voir même à une diminution des forces productives à Cuba en raison de la crise économique, et les forces productives potentielles ont également été réduit en raison de l?isolement de Cuba en tant que pays en transition ou se proclamant en transition du capitalisme au socialisme. De même la bureaucratie se maintient, même si des espaces de positions pour les travailleurs existent encore dans les syndicats et les organisations de masses par exemple. Les trois déterminants qui contribue à l?existence à plus ou moins forte dose ou à la non existence des catégories marchandes au sein du pays en transition sont au niveau ou l?utilisation des stimulants matériels est nécessaire pour l?élévation de la productivité, des forces productives, du niveau de vie de la population et de l?éventuel construction du socialisme.

Comme nous l?avons dit au cours de ce développement, les stimulants matériels se sont développés dans les secteurs émergents, essentiellement destinés à l?exportation et dans le tourisme par exemple, le tout complexifier par la dualité monétaire qui entraîne des distorsions du fait de l?existence de deux marchés de biens séparés (en Monnaie convertible et en Monnaie Nationale). La stimulation en monnaie convertible s?est largement développée et

elle permet parfois de doubler le salaire si l?on convertit cette stimulation en monnaie nationale. Elle est notamment présente au sein des entreprises qui ont enclenché le processus de perfectionnement des entreprises. Le but est de généraliser ce type de direction économique où l?autonomie des entreprises est plus élevée, (ou la participation des travailleurs au processus décisionnel doit également augmenter) mais depuis le début du processus en 1998, on est loin d?avoir toutes les entreprises intégrées car il faut qu?elles aient un minimum de finances saines avant de pouvoir y rentrer.

Le nouveau contexte cubain depuis les années 1990, c'est-à-dire son isolement en tant que pays en transition vers le socialisme ou se proclamant comme tel, mêlé à la persistance de la bureaucratie et à un bas niveau des forces productives nécessite une forte utilisation de la loi de la valeur et des stimulants matériels pour un accroissement plus sensible de la productivité. Même si les catégories marchandes tiennent plus de place, des espaces marchands peuvent encore être ouvert, par exemple, augmenter le nombre des exploitations paysannes et les activités artisanales privés. De plus, une mise en place plus efficace de stimulants matériels et de salaires aux pièces a du mal à se mettre en oeuvre. Ceci du fait, comme nous l?avons vu, à divers problèmes comme les transports ou l?automaticité de certaines primes.

L?isolement de Cuba au niveau international est moins marqué aujourd?hui qu?au début des années 1990. De nouveaux rapports commerciaux se sont mis en place comme avec la Chine ou certains pays d?Amérique latine. Les échanges au sein de l?ALBA, ressemble en partie aux échanges qui existaient au sein du CAEM, c'est-à-dire des échanges relativement solidaires et qui visent à un développement mutuel entre les pays membres. Mais ils n?ont pas pour le moment, et de loin, l?importance des échanges que Cuba entretenaient avec l?URSS et les pays d?Europe de l?Est.

Nous pensons que la prise en compte des trois éléments (forces productives, bureaucratie et situation internationale) pour identifier à peu près ce qui devrait persister comme dose de catégories marchandes dans une économie de transition pour un développement efficient des forces productives peut servir de base pour une analyse des pays qui sont ou qui étaient (qui se proclament ou se proclamaient) en transition du capitalisme au socialisme. L?analyse de

Cuba à ici été faite sommairement, les prémisses de résultats m?étant apparus tardivement, mais celle-ci, devra être étendue et approfondie dans une étude ultérieur.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore