Le français et la diffusion du français dans la musique punk/hardcore( Télécharger le fichier original )par Jean-Baptiste LIVET Université Aix Marseille - Master 2 coopération linguistique et éducative 2010 |
IV. Bilan de la soirée1) Les points positifs Si, en fin de compte, ce concert m'a coûté personnellement près de 100€, tout n'est pas cependant aussi noir ! Tout d'abord l'ambiance de la soirée était très bonne, aucun problème de sécurité n'a été a déplorer, même des incidents mineurs très fréquents (comme des gens qui fument à l'intérieur de la salle de concert) ne se sont pas produits. Aucune violence ou rixe à signaler à l'intérieur ni à l'extérieur de la salle. L'entente entre toutes les personnes impliquées a été très bonne, nous avons tous mangé ensemble de manière très décontractée, et avons eu nombre de conversations vraiment intéressantes les uns avec les autres, à propos de musique, de politique, de punk en général et bien sûr des paroles en français ! On peut dire aussi que les concerts se sont bien passés même si la salle n'était pas pleine à craquer, les groupes ont bien joué, le timing a été respecté et le public content des prestations des artistes. De même le bar a bien marché et lui en tous cas n'a pas perdu d'argent ! J'ai pu faire mes interviews sans problème, même si j'aurais aimé qu'elles fussent plus longues et plus détaillées. Certaines personnes n'étaient vraiment pas très loquaces (cf interviews de Solidagité et Crades marmots). 2) Solutions aux problèmes rencontrés et perspectives Le manque de public et le déficit budgétaire ainsi entraîné sont selon moi la conséquence d'un problème important qui était présent dès le départ, mais que mon inébranlable optimisme m'a empêché d'anticiper efficacement : le fait que j'organisais moi-même la soirée et que c'était la première fois que je faisais cela de cette façon. En clair il m'aurait fallu une association pour palier à tous les manquements dont j'ai fait preuve. Sans l'aide de certaines personnes comme Grégory le gérant du bar, Julien Gomez pour la sécurité et le son, Mic de White Card pour la promotion ou Sly des Crades Marmots pour le matériel, rien n'aurait pu se passer. Clairement, pour un tel projet, il faut être plusieurs, et avec une structure officielle pour avoir une trésorerie, et des perspectives (comme refaire un autre concert plus tard qui pourrait éventuellement rembourser les pertes). Je regrette de ne pas avoir organisé ce concert de manière plus officielle avec une association et d'autres personnes impliquées dans le projet. Plus qu'une initiative privée il s'agissait d'une initiative personnelle voire solitaire ! De plus, le fait d'avoir un statut associatif m'aurait sans doute beaucoup aidé du point de vue institutionnel, les instances de la francophonie auraient sans doute pris l'initiative plus au sérieux si il y avait eu une véritable association à l'origine du projet. Enfin, même si j'ai eu cinq mois pour organiser ce concert, une anticipation antérieure eût sans doute permis un événement plus important (avec par exemple des plus grands groupes) et peut être d'obtenir des subventions. 3) La diffusion de la langue française L'objectif d'inscrire la soirée dans la semaine internationale de la francophonie a également été atteint, puisque toutes les formations ont joué, et ont tous chanté en français. Même si le public était peu important, beaucoup plus de personnes étaient au courant ( par exemple le sujet posté sur www.sainte-underground.org pour annoncer la soirée a été vu plus de 180 fois, et plusieurs personnes ont prévenu qu'elles ne pourraient pas venir pour des raisons X ou Y). Je ne sais pas si les groupes ont vendu des CD ou pas, je n'ai pas eu accès aux ventes. Je ne peux donc pas affirmer si la diffusion du français s'est effectuée parallèlement via ce média. Autre objectif que je considère atteint c'est le fait que plusieurs personnes à cette occasion découvraient les groupes, et quelques autres venaient de loin pour assister au concert et soutenir cet événement et la scène française. Enfin, comme on l'a rappelé précédemment, je regrette que ce concert n'ait pas été rendu plus officiel au niveau des instances de la francophonie. 3 .1 Lors de la soirée : les paroles et le message Des quatre groupes qui ont joué ce soir là, aucun ne chante des chansons d'amour ou des poèmes pour enfants ! Comme on le voit dans les interviews, les paroles ont une importances capitale dans la démarche artistique de ces gens, démarche qui s'inscrit tout d'abord dans un investissement sociopolitique. Les paroles ne sont donc pas là uniquement dans le but d' apporter de la mélodie aux morceaux mais bel et bien pour exprimer quelque chose d'important aux yeux des différentes et de leur public. De ce fait on ne peut pas dire que les paroles de mes invités respirent la joie de vivre... cependant, on peut voir qu'au delà d'une vision très noire de la société, un aspect de la vie des musiciens leur apporte de la satisfaction et du plaisir : la musique. Voici quelques extraits des textes des principaux thèmes abordés :
quatorzième rappel/La salle ressemble à une poubelle » (Solidagité, « Une dose de rock'n roll!! »)
Le message social est donc capital dans la raison d'être de ces formations musicales, composées de gens faisant face à ces réalités au quotidien, mais tous se considèrent comme des musiciens bien plus que des militants. Aussi, on pourrait croire qu'ils « prêchent des convertis » dans ce genre de soirée, mais d'une part il n'est jamais inutile de répéter certaines valeurs essentielles au punk/hardcore et constituant l'essence même de ce mouvement (l'anticapitalisme, l'amateurisme en matière de musique, théories directement appliquées par les groupes en pratiquant des prix bas pour les concerts et les albums) ; et d'autre part la lutte contre le racisme est encore loin d'être gagnée dans notre pays, ni même au sein de ce mouvement. En effet la mouvance apolitique dans celui-ci fait beaucoup d'adeptes, et d'aucuns considèrent que « qui ne dit rien acquiesce » en matière de racisme. Confrontons maintenant cette brève analyse à une autre plus poussée d'un second corpus de textes. Les quatre formations présentes à la soirée ska/punk/hardcore en français ne sont ni très connues ni très anciennes. S'inscrivent-elles dans la continuité ou au contraire dans la rupture de ce qui a été fait jusqu'à aujourd'hui par les références du punk français ? DEUXIEME PARTIE : RECHERCHE Le punk/hardcore et la diffusion du français : comment ce style de musique s'inscrit-il dans cette démarche ? Quel message est véhiculé dans cette scène ? Dans la deuxième grande partie de ce mémoire, je m'efforcerai d'établir le lien entre le mouvement punk, particulièrement français et francophone, et la diffusion de langue/culture française, et comment les deux peuvent être associées. Je partirai des paroles d'acteurs du mouvement culturel qu'est le punk/hardcore (leurs textes de chansons et leurs réponses à une interview) pour comprendre le rapport que ceux-ci entretiennent avec la langue : comment l'utilisent-ils dans leur pratique musicale, pour dire quoi ? Qu'en pensent-ils ? Ensuite je m'appuierai sur d'autres exemples que le français pour voir comment certains punks ont compris l'intérêt de ce mouvement dans la diffusion d'une langue/culture. Je ferai ensuite le lien entre ce mouvement culturel et la diffusion de la langue française, notamment en liant les deux réseaux implantés un peu partout dans le monde, et en montrant qu'il peut être utilisé en cours de FLE, pour aborder notamment des sujets d'actualité. I. Méthodologie de la recherchePour appuyer mon travail de recherche, j'utiliserai deux corpus distincts et complémentaires : une série d'interviews et des paroles de chansons. J'analyserai à la fois les créations d'artistes et leur réflexions sur celles-ci. Que disent-ils, pourquoi et comment perçoivent-ils ce qu'ils disent ? Nous verrons le rapport du et des punks à la langue française, à travers leurs créations et la réflexion qu'ils ont sur celles-ci. Notons que le corpus de chansons a été élaboré avant que la toute première interview ait été réalisée. Cela a son importance dans la mesure où les réponses à la question « Quelles sont pour vous les références du chant en français et pour quelles raisons ? » n'ont pas influencé mes choix. 1) Les interviews voir les réponses complètes en annexe Interroger directement les acteurs de la scène punk/hardcore était le moyen le plus simple et sans doute le plus efficace pour avoir un avis sur la question de la langue française dans ce milieu. J'ai donc rédigé une série de 13 questions à poser sur ce sujet, les mêmes pour tous les interviewés. Mon objectif était de poser des questions assez ouvertes pour voir si malgré tout on trouvait des points communs dans les réponses, ou au contraire pour constater de grandes différences et ainsi ouvrir des pistes. Par exemple, à la question « Que pensez-vous des groupes qui chantent (mal) en anglais ? » on aurait pu avoir des réponses comme « Je respecte vraiment les gens qui font l'effort de chanter en langue étrangère pour coller aux standards du punk/hardcore », mais force est de constater que c'est loin d'être le cas (voir II). J'aurais aimé faire des interviews très longues pour avoir une importante base de donnée sur laquelle construire ma recherche, mais les groupes auraient peut-être davantage rechigné à répondre, surtout à l'écrit. J'ai pu réaliser neuf interviews, certaines par écrit et d'autres à l'oral, que j'ai retranscrites. Quelques-unes des personnes interviewées sont des véritables figures de la scène punk/hardcore francophone, comme Reuno de Lofofora, Manu qui était le batteur des Sheriff avant de fonder The Hop Là en 2002, et les Vulgaires Machins de Montréal au Québec. Garage Lopez, Brigitte Bop et Heyoka sont également des groupes assez connus dans le milieu, tous sont actifs depuis plus de 10 ans et ont fait des centaines de concerts à travers la France et même l'Europe en ce qui concerne Heyoka. Enfin, White Card, Solidagité et les Crades Marmots sont les groupes qui ont participé au concert que j'ai organisé le 19 mars 2011 pour les journées de la francophonie. Je suis très satisfait de toutes ces interviews et j'aurais vraiment aimé en faire plus. Les réponses sont directes, parfois inattendues, souvent très ironiques, et finalement... totalement punks. (« d'abord je voudrais rappeler que je suis un montpelliérain, mon langage est donc fleuri de cet accent typique des régions méridionales... imagine un peu fernandel jouant du shakespeare, ça le ferait pas. » ; « [Certains groupes de rap] ont du mal à écrire leur nom de groupe sans faute d'orthographe, ils ne vont quand même pas apprendre l'anglais quoi ! Regarde Sexion d'assaut !!! SE-X-I-O-N A-S-S-A-U-T !! Mais retourne en 6eme !! »). Toutefois je nourris également un certain nombre de regrets vis-à-vis de cette méthode de recherche : au fur et à mesure de son avancement je me suis rendu compte que j'aurais dû élaborer une seconde interview pour les formations chantant en anglais afin d'avoir d'autres points de vue sur la question. Au lieu de cela je pose la question « Souvent d'ailleurs [les groupes qui chantent en anglais] parlent de la mauvaise rythmique de la langue française pour le rock. Qu'en pensezvous ? » et j'obtiens donc une réponse indirecte et peut-être un peu biaisée ou partisane. Surtout, j'aurais vraiment interviewer des groupes francophones non français, et même si l'interview des Vulgaires Machins est très intéressante (de par leur notoriété et la qualité de leurs réponses), des opinions venues de Suisse, de Belgique ou d'ailleurs auraient été intéressantes. Enfin, j'aurais aimé interviewer François Bégaudeau, professeur de français, écrivain, acteur, réalisateur et chanteur de Zabriskie Point.
Le principale difficulté rencontrée dans le cadre de cette recherche universitaire fut le manque de sources scientifiques sur lesquelles m'appuyer, on peut affirmer qu'il n'existe aucun ouvrage de ce type concernant la problématique que je développe ici. Je suis donc allé voir du côté des industries de la langue et de la culture que sont l'industrie du disque et du spectacle vivant, ainsi que la sociologie de la culture. Il est tout simplement impossible de trouver des chiffres précis et fiables pour la grande majorité de ce dont j'aurais eu besoin : ventes de disques, nombres de concerts effectués dont ceux à l'étranger, nombre de spectateurs sur les tournées, revenus des artistes de la scène punk/hardcore (grâce à leur musique et dans le cadre de leur travail) et budget des différentes formations, tout cela dans le but d'appuyer et d'étayer mes idées, ainsi que pour comparer par rapport à d'autres milieux musicaux. D'autre part, du fait que cette recherche se base, entre autres, sur des enquêtes de terrain, le temps, les déplacements et les coûts que cela peut engendrer ont aussi été un obstacle à des investigations plus avancées : il aurait été extrêmement intéressant d'aller dans des pays étrangers (voir III) réaliser des interviews et constater l'état linguistique du mouvement, et même en restant en France j'aurais pu assister à davantage de concerts pour rencontrer un plus grand nombre de personnes et encore une fois les interroger afin d'obtenir le maximum d'informations. Concernant l'histoire du punk/hardcore, les groupes à étudier et quelques sources bibliographiques ou discographiques, je me suis servi des nombreux ouvrages journalistiques qui existent à ce sujet : magazines, anthologies, documentaires. Cette partie du mémoire a été moins compliquée à effectuer. |
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