Université de Paris 8 U. F. R. de
Psychologie Pratiques Cliniques et Sociales
MEMOIRE DE MASTER 2 PRO Etude de Psychologie
Clinique et Pathologique
Une difficulté majeure en psychologie de la
santé: Comment appréhender des refus de soins chez des
malades atteints d'une maladie grave et d'un syndrome dépressif
?
Présenté par:
Véronique DI MERCURIO N°164729
REMERCIEMENTS
Ce travail étant celui qui clTMt mon cursus de
psychologie clinique, je tiens à exprimer ma grande gratitude à
toutes les personnes qui m'ont soutenue au cours de ces années
enrichissantes et intenses.
Tout d'abord, à ma fille, qui a toujours été
d'un grand soutien lors des sessions d'examens et de rédactions,
A mes amis d'études pour tout le partage d'encouragements
et de conseils,
A tous mes autres amis et proches qui m'ont encouragée
dans cette voie d'études,
A tous mes coll»gues de la Croix-Rouge Ecoute,
bénévoles et salariés, qui accueillent avec
professionnalisme et bienveillance les appelants en désarroi,
Aux secrétaires de Paris 8 et des institutions de stage
oü j'ai pratiqué,
A tous mes professeurs de Paris 8 qui nous transmettent leur
expérience et savoir avec passion et réalisme,
Et tout partic uli»rement à mes directeurs de
mémoire de M1 et M2, qui m'ont soutenue sur des sujets
particulièrement difficiles, ainsi qu'à mes
référents de stages,
j'exprime un profond remerciement.
Et je tiens à dédier ce mémoire tout
particuliêrement à Angéle et Michéle si
présentes à mon coeurÉ
TABLE DES MATIERES
Résumé 4
Introduction 5
A Etat des recherches sur la dépression et les crises
suicidaires des malades soignés
pour un cancer 8
A.1 Epidémiologie 8
A.2 La crise suicidaire en cancérologie 11
A.3 Causes biologiques de la dépression en
cancérologie 13
A.4 Autres troubles psychiatriques en cancérologie 16
A.5 Conduite suicidaire ou demande délibérée
? La demande d'euthanasie en
cancérologie 18
A.5.1 Qu'est que l'euthanasie ? 18
A.5.2 Législation de l'euthanasie en France 19
A.5.3 Comparaison avec les Pays-Bas 20
A.5.4 Un risque de dérive : la confusion entre la demande
d'euthanasie et une idéation suicidaire 20
A.6 Gérer une demande d'euthanasie dans le cadre d'un
syndrome dépressif 23
B Pratique du psychologue en psychiatrie de liaison 26
B.1 Le rôle du psychologue 26
B.1.1 Constitution et organisation de l'équipe de
psychiatrie de liaison 26
B.1.2 La prise en charge des suicidants au CHI de Montfermeil
29
B.1.3 La particularité de l'intervention du psychologue
30
B.2 Etude de cas 32
B.2.1 Anamn»se somatique 32
B.2.2 Anamn»se psychologique 33
C Discussion 39
C.1 Analyse des signes cliniques du cas 39
C.1.1 Signes d'une crise suicidaire 39
C.1.2 Analyse des signes anxio-dépressifs 40
C.1.3 Une forme aggravée de la dépression : la
mélancolie ? 41
C.2 Interprétations possibles 43
C.2.1 Une explication psychosociale 43
C.2.2 La perte comme explication de la conduite suicidaire du
malade atteint de cancer 43
C.2.3 Rappels sur les conceptions psychanalytiques de la
dépression 44
C.3 Des approches pour guider le travail
psychothérapeutique 49
C.3.1 Un mod»le interprétatif et
psychothérapeutique : le mod»le du travail de
deuil appliqué aux malades atteints de cancer. 49
C.3.2 Approche selon de concept de traumatisme psychique 52
C.3.3 Une approche ethnopsychiatrique : le rite de passage 53
Conclusion 56
Bibliographie 58
RESUME
Le champ de la psychologie de la sante dans le cadre d'une
équipe de psychiatrie de liaison touche aux situations
psychopathologiques extremes qui dépassent les compétences des
équipes soignantes et psychologues des services médicaux. Ce
travail s'intéresse tout particulierement à une situation oil
l'enjeu vital pour le patient et l'angoisse du malade et de l'équipe
soignante est particulierement importante : la co-morbidité entre une
maladie somatique grave et une dépression severe.
La réflexion s'entendra aux conduites à risque
ainsi qu'aux demandes d'euthanasie et de suicide assisté de ces malades.
Ces conduites auto-agressives peuvent etre con9ues selon différents
points de vue qui influencent l'approche de la prise en charge et la decision
de soins. Les deux extremes de ces approches, d'une part, l'attitude moraliste
et d'autre part l'attitude prTMnant la liberté individuelle, risquent
toutes deux de faire dispara»tre un sujet derri»re une
idéologie.
Afin de nous extraire de ce biais, ce travail s'appuie
à la fois sur un état des recherches, un suivi
psychothérapeutique et des réflexions issues de différents
champs de la psychopathologie.
L'issue positive du suivi selon une approche à
tendance moraliste laisse penser que le choix de la legislation
francaise favorise un principe de precaution coherent avec le devoir
d'assistance d'une personne en souffrance et en état de
désespoir. Ce principe semble adapté à la fois aux
representations sociales en France et aux situations des malades soignés
dans les hTMpitaux généraux.
INTRODUCTION
C'est dans le cadre d'un stage en psychiatrie de liaison au
Centre Hospitalier Intercommunal (ou CHI) de Montfermeil, que nous avons
été confrontés à des troubles psychologiques varies
dans le contexte de conduites à risque ou de maladies somatiques graves.
L'équipe de psychiatrie de liaison (psychiatres, psychologu es et
infirmiéres psychiatriques) est appelée à la demande des
malades eux-mêmes ou de leurs médecins avec l'accord de leur
patient. Cette consultation psychopathologique a pour but d'évaluer ou
d'orienter vers un suivi adéquat des patients dans des situations de
souffrance psychologique là oil les prises en charge psychologiques
classiques que peuvent proposer les équipes soignantes et les
éventuels psychologues de service ne suffisent pas. Les psychiatres de
cette même équipe sont egalement sollicités lorsque la loi
prévoit une consultation d'évaluation psychiatrique, par exemple
aprés une tentative de suicide, dans le cas d'un danger vital ou d'une
maltraitance.
Bien que les cas de patients vus et suivis dans le cadre du
stage aient été trés varies (voir partie B), nous avons
choisi d'orienter notre réflexion sur des cas de patients bien
spécifiques. Il s'agira de patients touches à la fois par une
maladie somatique grave comme le cancer, et une dépression s'aggravant
sur un mode délirant de type mélancolie. Ces situations sont
d'une extreme gravité car elles mettent la vie physique et psychologique
du malade en danger, aboutissant à l'échec de toute tentative de
prise en charge thérapeutique sur les plans psychologiques et
somatiques, alors que les pronostics vitaux sont plutTMt optimistes à un
court et moyen terme.
Nous avons ainsi suivi le déroulement des
différentes phases d'aggravation et d'amélioration de
l'état psychologique d'une malade atteinte d'un cancer et d'une
depression à forme délirante et melancolique. Elle a
bénéficié du soutien psychologique et de plusieurs
reevaluations psychiatriques au cours de son hospitalisation et de son
traitement chimiothérapique. Ce suivi sera présenté plus
longuement dans la 2e partie de ce mémoire.
Les malades touchés par cette forme de
dépression refusent soins et alimentations, mettant en échec
toute tentative thérapeutique et parfois même vont jusqu'à
demander l'euthanasie dans les pays oü celle-ci a été
légalisée. Il s'agit donc de situations où la question se
pose de savoir dans quelle mesure la liberté individuelle de
décision peut ou doit être respectée alors que des signes
délirants sont présents, preuve d'une perturbation de la
conscience du sujet.
Ce cas nous a menés à approfondir
différentes réflexions :
· d'ordre psychopathologique pour le diagnostic
psychiatrique,
· d'ordre éthique pour la place du malade en tant
que sujet,
· et d'ordre psychothérapeutique pour le rôle
du psychologue au sein de l'équipe de soin.
Ce mémoire porte donc sur le theme des actes
suicidaires dans un contexte de maladie physique grave à risque vital
élevé.
Ce mémoire sera ainsi structuré de la mani»re
suivante:
Dans un premier temps, nous présenterons l'état
des recherches concernant les dépressions et conduites suicidaires des
malades touchés par un cancer. La dépression s'accompagne parfois
d'idées noires, d'attirance pour la mort et d'actions auto-agressives de
refus de soins et d'alimentation, de l'ordre des actes suicidaires. Ceci nous
am»nera rapidement à des questions sur les demandes d'euthanasie et
de suicide assisté de la part de personnes atteintes d'une maladie
grave. Doit-on considérer une demande d'euthanasie comme l'acte
délibéré d'un sujet libre ou bien comme le symptôme
d'une dépression dont souffre le sujet ? En réponse, doit-on
répondre au sujet ou bien le soigner de sa dépression?
Dans un second temps, nous présenterons
l'activité de l'équipe de psychiatrie de liaison et le rôle
du psychologue au sein d'une telle équipe, puis nous détaillerons
le suivi d'une patiente en état dépressif grave. Ce cas a
été choisi d'une part pour l'importance de l'implication
personnelle que nous avons pu avoir en tant que psychologue dans un suivi de
plusieurs mois, et d'autre part, pour la gravité de la situation et la
crainte de l'équipe quant à la tournure dramatique que prenait
l'état de cette patiente.
Enfin, nous proposerons une réflexion clinique sur la
dépression de malades touchés par une maladie somatique chronique
et grave. Nous nous proposons de réfléchir à la
difficulté de discerner entre différentes interprétations
de situations très semblables de malades demandant un suicide
assisté ou une euthanasie :
- soit comme des actes symptomatiques d'une
dépression,
- soit comme l'expression d'une grande détresse
psychologique,
- soit encore comme un acte délibéré d'un
sujet en pleine possession de son jugement mais justifiable au vue de la
dégradation de la qualité de vie.
Dans les pays qui pratiquent l'euthanasie, c'est au niveau
sociétal que la demande est éventuellement accordée, selon
des crit»res objectifs d'évaluation, comme c'est le cas en
Hollande. Pourtant nous nous interrogerons sur la difficulté de
discernement que peut avoir une équipe soignante, alors qu'elle
-même se trouve au milieu de processus psychique complexe de
défense contre l'angoisse de mort, ainsi que de représentations
idéologiques.
A ETAT DES RECHERCHES SUR LA DEPRESSION ET LES
CRISES SUICIDAIRES DES MALADES SOIGNES POUR UN CANCER
A.1 Epidemiologie
De nombreuses études s'intéressent au syndrome
de dépression en co-morbidité avec une maladie somatique grave et
chronique en l'occurrence le cancer. Sans entrer dans les interrelations
causales entre maladies psychiques et maladies somatiques, nous pouvons
déjà mettre en évidence l'état des lieux de ces
recherches du point de vue épidémiologique.
La dépression clinique est relativement commune parmi
les malades atteints de cancer. En effet, tous les malades qui font face
à un diagnostic mortel doivent surmonter une réaction
émotionnelle douloureuse et une minorité substantielle
développera une dépression. (Brown, 1986). Concernant le syndrome
dépressif, la plupart des études montrent un taux très
élevé de dépression chez les malades atteints de cancer
avec une prévalence allant jusqu'à 80% (Nezelof et Vandel, 1998).
Une étude de 100 patients hospitalisés pour un cancer a
montré une prévalence de 56% d'état dépressifs et
de 40% de maladie neurologique. (Levine et al., 1978)
Néanmoins, les symptômes de la dépression
se présentent sur un large spectre, depuis la tristesse jusqu'au trouble
affectif majeur. De plus, ils sont difficilement évalués car
l'humeur des patients confrontés à des menaces pour la vie
répétées est fluctuante, les traitements induisent de la
fatigue physique et la maladie de la douleur. Les prévalences varient
considérablement selon les études, de 0 à 58%. Les cancers
du pancréas, des voies orales, des poumons et de la poitrine sont les
cancers les plus corrélés avec la dépression. (Massie,
2004).
Si l'on consid»re uniquement certains signes du syndrome
dépressif, on trouve que 47% des patients montrent une adaptation
difficile au stress avec des troubles psychiatriques, dont la 2/3 est des
troubles anxio-dépressifs, et 13% présentent une
dépression majeure, en réaction au traitement ou à la
maladie. (Grassi et al., 1996)
Pour tous les types de cancer, le risque dépressif est
lié à plusieurs facteurs (Chochinov et al., 1995):
· une dépression dans la période qui
précède la maladie avec 2 épisodes ou plus,
· des antécédents familiaux,
· la douleur mal contrôlée,
· des antécédents d'addiction à la
drogue ou à l'alcool,
· des troubles métaboliques,
· et certains traitements,
· certains types particuliers de cancer. (tumeur du
pancréas, tumeur au cerveau, cancer de la tête et du cou, les
cancer des voies orales associés à l'alcool et au tabac),
· l'%oge avancé,
· et la phase terminale du cancer.
Plus particuli»rement, et concernant la maladie qui
touche la patiente présentée en partie B, les études ont
tenté de relever les facteurs prédictifs d'une dépression
chez les patients atteints de myélome (Grassi et al., 1996):
· greffe de cellule souche,
· des troubles anxio-dépressifs au moment de
l'admission à l'hôpital.,
· des troubles anxio-dépressifs pendant les jours
d'isolement.
De plus, la dépression est associée à la
mortalité de ces patients à la suite de la transplantation.
(Loberiza et al., 2002)
Afin de pouvoir mieux prédire et donc anticiper le
risque dépressif, qui aggravera le risque de mortalité, un outil
diagnostic pour les malades atteints de cancer a été
utilisé. Il a été trouvé que certains crit»res
du Ham-D sont associés de mani»re significative à une
dépression majeure (Guo et al., 2006):
· insomnie tardive,
· agitation, anxiété,
· symptômes génitaux et
· variation diurne.
Certains critéres du Ham-D se retrouvent plus
frequemment chez des malades souffrant de cancer que la population
générale :
· humeur depressive,
· insomnie moyenne,
· diminution du travail et des activités,
· ralentissement,
· symptômes gastro-intestinaux,
· symptômes somatiques divers,
· symptômes génitaux,
· perte de poids
· et troubles obsessionnels compulsifs.
Concernant le risque suicidaire, en tant que symptTMme de la
depression, plusieurs etudes s'intéressent à la prevalence des
conduites suicidaires chez les malades atteints de cancer. On a tout d'abord
constaté que le risque suicidaire est deux fois plus
élevé chez les personnes atteintes de cancer par rapport
à la population générale. (Allebeck & Bolund, 1991)
Parmi une population de personnes atteintes de cancer, 32,2%
des patients présentent des idéations suicidaires et 22,6% ont
effectué une tentative de suicide. (DRUSS et al., 2000)
De plus, l'état psychologique de ces malades est
perturbé, puisque 20% des patients atteints de cancer et
décédés par suicide sont confus. (Walter & Zemer,
2004)
Etant donnée la prevalence importante d'état
dépressif chez les malades atteints de cancer et son aggravation par des
risques suicidaires, il est nécessaire d'étudier la
particularité des crises suicidaires en cancerologie afin de savoir les
gérer et éventuellement les prévenir.
A.2 La crise suicidaire en cancérologie
Bien souvent, les idéations suicidaires et passages
à l'acte surviennent dans la phase d'aggravation d'un cancer. Pourtant,
dans le cas de malades qui en sont encore au début du traitement et avec
un bon pronostic, la crise suicidaire peut arriver à la suite de
l'annonce du diagnostic (Lefetz et Reich, 2006).
En cancérologie, les actes suicidaires prennent des
formes déguisées :
· conduites para-suicidaires comme refus de soins et refus
d'alimentation,
· ou demandes d'euthanasie ou de suicide assisté.
Tout comme dans d'autre contexte, en cancérologie, la
crise suicidaire est un état de détresse psychique intense dont
le risque majeur est le passage à l'acte suicidaire. Elle prend
plusieurs niveaux (Moron, 2000) :
· une idée ou une ideation suicidaire comme simple
représentation mentale de l'acte suicidaire que tout un chacun peut
éprouver.
· La conduite suicidaire touche des personnes qui
« sans réaliser directement un geste auto-agressif, (les
personnes) multiplient par leurs comportements les situations de risque oil
parfois leur vie, ou en tout cas leur santé peut etre mise en jeu .
« (Debout, 1996). L'idée de mort n'est pas totalement
rejetée ou bien clairement souhaitée.
· La tentative de suicide : acte incomplet se soldant
par un échec et traduisant une psychopathologie sous -jacente
lorsqu'elle se répete. D'après la National Library of
Medecine, « tentative non réussie de se donner la mort
«.
· Le suicide (sui caedere, se tuer
soi-même) : acte de se donner délibérément la mort,
survenant souvent de maniere soudaine, brutale, inattendue et impulsive.
D'apres l'OMS c'est un « acte délibéré accompli
par une personne qui en conna»t parfaitement, ou en espére l'issue
fatale «.
Nous nous limit erons dans ce mémoire aux conduites
suicidaires en cancérologie. Lorsqu'un malade est atteint de cancer, une
crise suicidaire possede certaines particularités propres au contexte de
la maladie grave :
· Le para-suicide ou equivalent suicidaire est un acte
extreme par lequel on adopte des conduites à risque pouvant conduire
à la mort : refus ou arrest et
abandon des traitements, usage excessif d'alcool ou autres
toxiques, conduite automobile dangereuse, etc...
· La demande d'euthanasie à une tierce personne par
administration de médicaments ou par conseils.
· La demande de suicide médicalement assisté
oü le patient se donne la mort lui-même mais le moyen est
conseillé ou donné par une tierce personne.
Il existe des facteurs susceptibles de favoriser les conduites
suicidaires des malades:
· Douleurs peu ou non contrôlées,
symptômes incontrôlables (nausées, dyspnée,
etc...),
· première année qui suit l'annonce du
diagnostic,
· maladie avancée ou à pronostic
péjoratif,
· localisation tumorale : poumon, ORL, pancréas,
SNC,
· dépression, sentiment de désespoir, peur
d'être une charge pour autrui, perte de dignité, pensées
irrationnelles,
· confusion mentale, désinhibition,
· sentiment d'impuissance, perte de contrôle, perte
d'autonomie, dépendance,
· antécédents psychiatriques personnes et
familiaux : toxicomanie, trouble de la personnalité, dépression,
TS, suicide familial., deuil récent,
· fatigue, épuisement, diminution des
capacités,
· isolement social et familial.,
· sexe masculin et %oge avancé.
De plus l'usage des cortico ·des augmente de nombreux
symptômes qui font partie des troubles anxio-dépressifs:
l'anxiété, l'euphorie, l'excitation, le délire, la
confusion et l'agitation.
Il a été constaté que les sentiments de
désespoir et d'impuissance, ainsi que la perte de contrôle de la
situation sont corrélés avec les idéations suicidaires.
Dans les cas les plus graves, des troubles tels que les
états confusionnels, la désinhibition psychomotrice avec
hallucinations, les pensées irrationnelles et l'absence d'objet
libidinal sont fréquemment observés.
Certains auteurs proposent de décrire la souffrance
psychologique de ces malades comme syndrome de démoralisation
(Kissane, 2004) qui se caractérise par l'existence
d'idéations suicidaires fluctuantes qui ne font que traduire la
détresse existentielle caractérisée par le
désespoir, la perte de sens, de valeurs et de buts accordés
à la vie et aux activités quotidiennes.
Paradoxalement, la rémission, voire la
guérison, peuvent aussi être vécues avec de la souffrance.
Des auteurs parlent alors de syndromes spécifiques:
· le syndrome de Damocl»s (Koocher & O' Malley,
1981) qui s'accompagne d'un vécu d'abandon et de la crainte d'une
rechute, au moment de quitter l'hôpital.,
· le syndrome de Lazare (Dhomont, 1988) touche les patients
qui se sentent rescapés d'une mort certaine et n'arrivent pas
à se sentir tout à fait en vie,
· le syndrome dépressif de patient en voie de
guérison. Celui-ci touche 20% des patients d'après Pucheu
(1988).
Lors du soutien auprès du patient touché par un
cancer, il est important de situer le cancer dans l'histoire du patient, tel
que celui-ci l'interpr»te, et il a été constaté
plusieurs situations assez courantes:
· la maladie est interprétée comme la
conséquence d'une faute passée qu'il faut expier,
· ou le revécu de la maladie d'un proche avec une
identification à celui-ci.
Dans les différentes approches
psychothérapeutiques possibles, il a été constaté
qu'il était important d'aider le patient à faire le deuil de son
corps sain, d'exprimer son désir de mort et exprimer sa souffrance.
Sur le plan somatique ou chimiothérapeutique, la
relaxation permet d'apprendre à gérer son anxiété
et son stress, les anxiolytiques et antidépresseurs sont
également préconisés, ainsi qu'une hospitalisation en
situation de crise, sous contrainte si nécessaire.
A.3 Causes biologiques de la dépression en
cancérologie
En plus de la dépression réactionnelle à
l'annonce et à la gestion d'une maladie grave, il a pu être mis en
évidence que les conséquences des cancers ainsi que les effets
secondaires des traitements accentuaient la vulnérabilité
à la dépression des malades.
Des recherches récentes ont montré les effets
secondaires psychologiques des chimiothérapies sur les 2
dernières années. (Auroy et al., 2000). On y retrouve des
syndromes de détresse psychologique tels que l'anxiété et
la dépression, et des déficits cognitifs secondaires, avec un
écart entre la perception des malades et celle des médecins.
Les effets secondaires des traitements sont essentiels
à prendre en compte car ils conditionnent l'acceptabilité de
ceux-ci et l'adhésion des patients aux protocoles thérapeutiques
et aux recommandations médicales.
Les effets secondaires corrélés avec les risques
dépressifs sont les suivants:
· Fatigue générale ou syndrome
asthénique, douleurs et manque d'appétit associés aux
difficultés quotidiennes qui diminuent la qualité de vie.
· Détresse psychologique: anxiété et
dépression. Prévalence d'1/3 des patients qui ont une
psychothérapie dans certaines études.
· Atteinte des fonctions cognitives : concentration,
mémorisation, réflexion et langage et perdurent plusieurs
années après.
· Effets anticipatoires: nausées et vomissements
anticipatoires refl»tent un dégoüt conditionné des
patients avant la cure.
· Point de vue des patients : les médecins se
focalisent sur les effets somatiques indésirables et négligent
les effets secondaires du domaine psychologique ou social. Les migraines,
bouffées de chaleur, douleurs stomacales, myalgies et arthralgies sont
sous-estimées par les soignants.
Les approches comportementale et neurobiologique proposent de
baser le diagnostic de la dépression mélancolique sur les signes
comportementaux plutôt que cliniques. (Hadzi-Pavlovic, 1996) On concoit
depuis longtemps que le trouble dépressif contient un type biologique,
appelé dépression «endog»ne» ou
«mélancolique» et un ensemble de conditions
dépressog»nes résultant de facteurs sociaux. La
difficulté consiste à différencier le type de
dépression mélancolique sur la base des éléments
cliniques. Cet ouvrage décrit le syst»me CORE,
une approche basée sur les signes comportementaux et démontre sa
supériorité pour le diagnostic par rapport à ceux
basés sur les symptômes. Les auteurs sugg»rent que les signes
psychomoteurs observés peuvent indiquer la pathogen»se de la
dépression mélancolique qui implique les glandes basales et les
connections au cortex frontal.
A.4 Autres troubles psychiatriques en
cancérologie
En dehors de la dépression et de la crise suicidaire,
il a été constaté différentes sortes de troubles
psychiatriques comme le delirium ou l'épisode maniaque en
cancérologie.
Gagnon (2002) s'est surtout intéressé au
delirium en cancérologie. Il a mis en évidence que le niveau de
stress est très élevé chez ces patients, avec beaucoup de
troubles de l'humeur et troubles anxieux (entre 10 et 45%), surtout avec une
maladie sév»re. La plupart des patients présentent une
réaction de tristesse « normale «, ou de deuil, avec des
troubles de l'adaptation, mais beaucoup développent un trouble
psychiatrique dont le delirium.
Pour rappel, le delirium est une perturbation de la
conscience, avec des altérations cognitives, des idées
délirantes ou des hallucinations. Il est causé par le
vieillissement, des métastases cérébrales, une
déshydratation, des variations hydroélectrolytiques, une
insuffisance rénale, certains médicaments ou une démence
préexistante.
Le delirium est fréquent en milieu hospitalier. On
compte une prévalence entre 15 et 85% selon les populations de malades.
Les patients en phase terminale sont les plus à risque de
développer un delirium par rapport à ceux qui ont un pronostic
favorable. Sur 628 patients atteints de cancer, l'étude de Gagnon a
montré que 54,5% des malades ont des troubles de l'adaptation, 13,1%
souffrent de delirium (%oge moyen de 62,7 ans supérieur de 8 ans aux
autre s patients) et 10,9% de dépression majeure. Des associations entre
le delirium et les antécédents d'alcoolisme, la prise
d'opio ·des, de corticostéro ·des, de l'hospitalisation
et de l'%oge avancé ont été mise en évidence.
Il n'y a pas d'association entre le delirium et un trouble de
la personnalité ou d'autres antécédents psychiatriques.
L'indication de traitement du delirium est l'administration
d'un antipsychotique. Les antidépresseurs sont aussi utilisés
comme anti-panique, anxiolytique, hypnotique et analgésique. Il est
important d'adresser un patient d»s le début d'un trouble de
l'adaptation, avec la dégradation psychique.
D'autres études s'intéressent aux
épisodes maniaques délirants en cancérologie Ils sont
plutôt rares mais assez spectaculaires et mettent la vie du malade en
grand
danger. Citons l'étude de Onishi (2000) qui
présente le cas d'un patient âgé de 66 ans qui consulte
pour hyperactivité, insomnie et comportement agressif. Le diagnostic
somatique de cancer remonte à 2 mois et il est en cours de soins, rayons
et chimiothérapie. Il a sympathisé avec un autre patient dont
l'état s'est aggravé subitement et qui est
décédé une semaine plus tTMt. Le patient a
été très déprimé pendant 3 jours, puis a
développé un état d'agitation, sans repos, avec fuite des
idées et tension. Il a de fausses idées très optimistes
sur son état. Après un traitement d'haloperidol, son humeur se
régule et il reconna»t avoir eu un choc émotionnel.
L'épisode maniaque a été unique et
s'explique par un état de deuil avec un délire que la personne
décédée est toujours vivante (délire de deuil ou
«funeral mania «). C'est un deuil pathologique,
d'une part car le déc»s n'est pas accepté et d'autre part
car le déc»s éveille une forte angoisse de mort chez le
patient.
L'état maniaque s'explique comme une défense
maniaque qui prot»ge d'un effondrement dépressif et diminue les
émotions.
Chez les patients cancéreux, la défense maniaque
est courante et un chemin vers le déni, l'euphorie et la manie.
A.5 Conduite suicidaire ou demande
délibérée? La demande d'euthanasie en
cancérologie
Nous abordons maintenant une attitude que certains
médecins vont classer dans les actes suicidaires et que d'autres
considéreront, comme des demandes conscientes et
délibérées auxquelles la société doit
répondre. Sans entrer dans une polémique d'ordre éthique
ou philosophique, nous avons repris une réflexion qui compare ce qui est
pratiqué en France et aux Pays-bas. (Bacqué, 2001)
En Hollande, l'euthanasie et le suicide assisté ont
été légalisés depuis a vril 2001 et de nombreuses
études épidémiologiques ont pu être faites.
D'après des médecins Hollandais, les patients dépressifs
font 4 fois plus de demandes d'euthanasie que les autres. La moitié des
demandes d'euthanasie émaneraient de patients dépressifs. Au
Canada, un centre de recherche existe maintenant pour étudier la
relation entre syndrome dépressif et demande d'euthanasie. Ceci montre
bien que des précautions restent à prendre afin de bien
distinguer entre une demande consciente et une demande pathologique dans le
contexte de la mort choisie et assistée.
Tout d'abord, nous allons approfondir ce qu'est l'euthanasie.
A.5.1 Qu'est que l'euthanasie?
Le terme d'euthanasie vient du grec euthanasia, qui
signifie bonne mort. Il a été inventé par le philosophe
anglais Francis Bacon (1561-1826) en 1605 dans le sens
e
d'un adoucissement de la mort. Au cours du 19si»cle, le
terme est employé pour des mesures d'eugénisme, qui atteindront
un paroxysme en 1939 avec le programme Aktion T4 des nazi qui avait
pour but d'éliminer de la société les populations
jugées inaptes à la vie, comme les malades mentaux et les
handicapés. Ce n'est que depuis les années 70 que le terme est
repris dans le sens initial lors de la dénonciation de l'acharnement
thérapeutique, alors que la Médecine intégrait les
pratiques de maintien de la vie. Des associations se développe comme
ADMD (Association pour le Droit à Mourir dans la Dignité) qui
défende une légifération de l'euthanasie.
Actuellement, le terme d'euthanasie est à comprendre
comme une pratique visant à provoquer la mort d'un individu atteint
d'une maladie incurable qui lui inflige des souffrances morales et/ou physiques
intolérables. Cette pratique concerne un médecin ou une personne
sous son contrôle.
On distingue plusieurs typ es d'euthanasies:
· l'euthanasie active : acte volontaire pour
abréger la vie du patient,
· l'euthanasie passive: arrét de tout
traitement curatif ou de techniques de maintien de la vie,
· l'euthanasie indirecte: administration de
traitements qui deviennent létaux à certaines quantités
comme les analgésiques ou les antalgiques.
· L'aide au suicide: donner le moyen
létal à la demande du patient qui se l'administre. On parle de
suicide assisté lorsqu'en plus un tiers fait l'acte
létal toujours à la demande du patient.
A.5.2 Legislation de l'euthanasie en France
L'euthanasie, quelque soit le type, a toujours
été considérée comme un acte criminel en France. La
mort est toujours percue comme une sorte de maladie incurable et socialement
l'agonie reste cachée, non acceptée. En 1975, c'est Larcher qui
définit l'euthanasie comme un «bien mourir «, sans
souffrances excessives, et « mourir à son heure «,
par opposition à la dysthanasie qui est une mort avancée, ou bien
retardée par acharnement thérapeutique, ou encore qui se produit
dans la souffrance.
En 2000, un sondage du CCNE (Comité Consultatif
d'Ethique) met en évidence que 45% des médecins
généralistes seraient plutôt favorables à une
législation de l'exception d'euthanasie.
En 2002, la Loi Kouchner, prévoie un évitement de
l'acharnement thérapeutique.
Enfin, la Loi du 22 avril 2005 relative aux droits des
malades en fin de vie assure la qualité de fin de vie au malade en
dispensant les soins palliatifs et reconna»t le devoir de respecter la
dignité du mourant dont la volonté est reconnue à travers
la rédaction de sa déclaration anticipée et la
désignation d'une personne de confiance. La primauté
donnée aux soins palliatifs y est réaffirmée et
l'euthanasie passive est tolérée et encadrée.
L'euthanasie active demeure officiellement interdite, considérée
comme un assassinat ou un empoisonnement prémédité
punissable de la réclusion criminelle à
perpétuité.
A.5.3 Comparaison avec les Pays-Bas
Au niveau philosophique, l'autonomie du sujet est plus
importante dans la tradition protestante que catholique. De plus les Pays-Bas
prévoient une notion d'engagement solidaire qui répartit la
responsabilité de la mort du demandeur sur la société
toute enti»re et qui s'appuie sur des crit»res bien
spécifiques.
Dans la pratique, en Hollande, la fin de vie se produit au
domicile pour 30% des déc»s. Elle est gérée par le
médecin généraliste, qui n'est jamais seul face à
la décision d'arrêt de soins à laquelle participe la
famille, l'équipe soignante et la Loi.
A.5.4 Un risque de derive : la confusion entre la demande
d'euthanasie et une ideation suicidaire
Nous venons de voir que la distinction entre des idées
suicidaires et une demande d'euthanasie n'était pas si aisée,
puisque qu'un malade peut faire une demande de mort assistée dans le
cadre d'une dépression majeure, tout en étant en fin de vie. Nous
allons approfondir la mani»re d'éviter toute confusion.
Tout d'abord, si nous considérons qu'il y a plusieurs
sortes de morts d'un point de vue anthropologique, il est alors possible de
différenc ier différentes morts à différents
moments. Lors de la demande d'euthanasie, la mort physique tarde alors que les
autres morts sont déjà faites (mort psychologique, mort sociale,
mort
anthropologique). La «mort
appropriée» serait alors une mort qui permet de conserver un
corps int»gre, de choisir le moment de la mort, et de mourir
«comme on a vécu «. Ce moment propice serait le seul
oü l'on puisse distinguer entre la demande d'un sujet conscient et celle
d'un sujet dépressif.
Or, les crit»res subjectifs d'état de survie
comme la déchéance morale, la dégradation, le
délabrement physique impliquent une échelle personnelle à
haute variabilité d'un sujet à l'autre et pour un même
sujet, d'un moment à l'autre. La douleur morale est parfois un
symptôme de la depression qui appelle souvent la tentation du suicide et
risque d'être confondue avec une demande d'euthanasie.
La demande d'euthanasie vient parfois permettre au sujet
d'éviter un travail de deuil de soi. Et elle peut aussi empêcher
le sujet d'atteindre le moment de l'agonie, et de faire ses adieux à ses
proches. Il a d'ailleurs été constaté que le proche d'un
défunt par demande d'euthanasie était plus exposé à
un deuil pathologique, voire traumatique. De plus, le regard des autres est un
facteur important de la demande d'euthanasie et de l'ordre du non-dit dans une
famille, avec des phénom»nes de projection oü la famille voit
le malade souffrir alors que la douleur est ma»trisée. C'est
souvent plus insupportable pour la famille que pour le malade lui-même.
D'autre part, on constate que la longueur de l'agonie est liée à
la complication du deuil pour les familles (Sanders, 1983). Le groupe de
familles qui se remet le mieux est celui pour lequel le malade meurt dans les 6
mois après le début de la maladie . En cas de mort subite, il y a
plus de culpabilité et de symptômes somatiques, en cas de longue
agonie, il y a plus de dépression, de sentiments d'aliénation et
d'isolement. On peut donc se demander si l'euthanasie ne risque pas de
réunir les conditions de souffrance maximale pour les familles : longue
agonie et mort rapide.
Un lien entre la fréquence de demande d'euthanasie et
les types de cancer a été mis en évidence. En effet, des
souffrances physiques comme les vomissements, l'insuffisance respiratoire et
l'anxiété sont associés aux types de cancer pour lesquels
les patients demandent relativement fréquemment l'euthanasie. Il y a un
processus commun, incluant des préoccupations existentielles, qui est
important dans les dernières phases de la vie. (Abarshi, 2008)
Néanmoins, l'age avancé favorise la
tolérance aux symptômes et le fait d'être
une femme augmente la fréquence de demande d'euthanasie.
Avec une meilleure communication sur le diagnostic et des
options de traitements plus larges, en Italie, on a constaté une
diminution du suicide chez les malades, par rapport au taux de suicide de la
population générale. (Miccinesi, 2004)
Nous pouvons donc constater que la fait de considérer
la demande d'euthanasie en tant qu'un comportement
révélateur d'une détresse morale, voire d'un syndrome
dépressif a pour conséquence de focaliser le regard de
l'équipe soignante sur l'amélioration de la qualité de vie
du malade et de son confort psychologique et physique, et par
conséquence, diminue la fréquence de demande d'euthanasie.
A.6 Gérer une demande d'euthanasie dans le
cadre d'un syndrome dépressif
Ce choix idéologique se justifie d'une part à
cause du choix juridique qui est appliqué en France, et d'autre part,
parce que la demande d'euthanasie s'ins»re aussi dans un
processus psychopathologique.
En effet, les causes des demandes d'euthanasie sont
variées et sont proches de symptômes cliniques de
dépression. L'étude de Van der Maas (1996) les classe dans
l'ordre suivant de fréquence:
- perte de la dignité (57%),
- refus d'une mort indigne (46%),
- ne plus supporter la dépendance vis-à-vis des
autres (33%),
- fatigue et lassitude de la vie (23%).
Afin de pouvoir distinguer entre une demande consciente et un
symptôme dépressif, il est essentiel de comprendre que le cancer
produit chez le malade un travail psychique de défense contre de
nombreuses peurs.
Parkes (1998) a fait une liste principale de ces peurs:
· peur de la séparation d'avec les êtres
aimés, la maison, le travail, etcÉ
· peur de devenir un fardeau pour les autres,
· peur de toutes les dépendances,
· peur de la douleur et des symptômes aggravants,
· peur d'être incapable de finir les tâches ou
les responsabilités de la vie,
· peur de mourir (le passage),
· peur d'être mort (l'état),
· peur des peurs renvoyées par les autres.
De plus, le malade se trouve aussi confronté à de
nombreuses pertes dont il doit faire le deuil (Bacqué, 2005):
· perte de la sécurité interne (confiance en
soi, en son corps),
· perte des fonctions physiques,
· perte de l'image du corps habituelle,
· perte du pouvoir et de la force,
· perte de l'indépendance,
· perte de l'estime de soi,
· perte du respect donné par les autres,
· perte du futur.
L'acceptation de la mort se prepare des l'enfance à
travers la reconnaissance des pertes dans la vie courante et une philosophie de
la vie construite sur le symbole plutTMt que sur l'accumulation de choses et
d'actes.
Il faut déjà distinguer entre une depression
endogene et une depression réactionnelle. La depression endogene est une
depression structurelle liée à certaines personnalités,
oil le sujet est psychiatrique. La depression réactionnelle que peut
subir tout malade à l'annonce d'un cancer est
caractérisées par des affects
dépressifs relies aux pertes causées par l'approche
de la mort. Nous n'avons alors pas à faire à un sujet
psychiatrique.
Parmi les depressions réactionnelles, non psychiatriques,
dits affects dépressifs , il y a une confusion courante entre
le deuil de soi et la détresse existentielle.
D'une part, le deuil de soi est lie à la prise de
conscience des changements qui precedent la mort. C'est un affect
dépressif qui s'integre dans un processus psychique normal. En fin de
vie, des patients qui ont fait le travail d'acceptation de la maladie dont ils
souffrent et des soins, pourront parfois faire une demande d'euthanasie afin de
limiter leurs souffrances en fin de parcours de traitement, lorsque toute
solution de soulagement aura été tentée.
D'autre part, la détresse existentielle est une
atteinte narcissique, qui déclenche la demande d'euthanasie en tant
qu'acte suicidaire. Elle s'inscrit dans un processus non psychiatrique mais oil
le niveau de détresse est très élevé. On y retrouve
des signes cliniques de la depression majeure comme le désespoir, le
sentiment d'inutilité, d'insignifiance de la vie, de deception, des
remords et des perturbations de l'identité, ainsi que l'humeur
dysphorique. Presque tous les patients en phase terminale souffrent de cette
forme de depression majeure. La demande de mort prématurée
sous forme de demande d'euthanasie est alors possible et
disparaitra après un traitement psychologique et biologique de la
dépression.
Il est donc important pour les patients en fin de vie de
savoir évaluer en tant que soignant, la différence entre
dépression «normale» qui correspondra à une demande de
« mort appropriée» et une dépression «
pathologique « avec détresse existentielle qui correspondra
à une tentation suicidaire.
Afin d'aider les différents intervenants,
médecins comme psychologues à répondre à une
demande d'euthanasie, des critères objectifs d'évaluation ont
été mis au point, en tenant compte des aspects psychosociaux.
(Cherny, 1996)
Ces crit»res se présentent sous forme de
questions:
1) Quelles sont les principales préoccupations du
patient ? capacité à faire face à la situation, perception
de perte de controle, travail, estime de soi,
dépendance-indépendance, changement de role, buts à court
et à moyen terme.
2) Le patient a-t-il assez d'informations sur sa maladie et
son traitement?
3) Le patient a-t-il l'opportunité de communiquer ses
problèmes ou ses sentiments ? Avec son conjoint, ses enfants, ses amis,
ses médecins?
4) Pour quels domaines de sa vie de patient est-il encore
prêt à se battre? Quelles sont ses relations avec sa famille, ses
amis, son travail ? A-t-il encore des aspirations et des travaux non
terminées?
5) Quel est l'état habituel de l'humeur du patient? Est
-il calme, anxieux, stable ou versatile ? A-t-il des pensées
suicidaires?
6) Comment le patient tend -il généralement
à répondre aux situations difficiles?
7) La patient a-t-il eu une pathologie mentale
préexistante ou récemment ? Y a- t-il eu une maladie mentale ou
une hospitalisation, une addiction, une tentative de suicide, une histoire
familiale de maladie mentale ou de suicide?
8) Quelles sont les stratégies habituelles du patient
pour faire face ? L'affrontement ou l'évitement?
9) Comment le patient évalue -t-il la facon dont les
membres de sa famille font face ? Font-ils face? Se battent-ils ? Ou sont-ils
dépassés?
B PRATIQUE DU PSYCHOLOGUE EN PSYCHIATRIE DE LIAISON
Nous présenterons tout d'abord les fonctions du
psychologue clinicien en milieu médical dans le cadre d'une
équipe de psychiatrie de liaison, puis nous présenterons le cas
d'une femme que nous avons suivie pendant plusieurs mois. Celle-ci est atteinte
de cancer et a montré des conduites para-suicidaires.
B.1 Le role du psychologue
Le role du psychologue en milieu médical., dite
psychologie de la santé - encore que nous ne travaillons qu'avec
des personnes atteintes de maladie grave- peut se résumer ainsi:
« La psychologie médicale vise également la conduite et
l'experience de malades et leurs relations avec leur entourage
spécialement avec leur entourage medical et leurs médecins.
» (Lagache, 1955, p. 152). Ainsi, la psychologie clinique, concerne
toujours un individu dans son contexte. C'est une science de la conduite qui
prend toujours en compte la dimension intersubjective.
B.1.1 Constitution et organisation de l'équipe de
psychiatrie de liaison
L'équipe de psychiatrie de liaison du Centre Hospitalier
Intercommunal (ou
e
CHI) de Montfermeil est sous la responsabilité du 15
Secteur de l'EPS de Ville Evrard. L'équipe complete est
constituée de 5 psychiatres, 2 psychologues cliniciens, 2
infirmières psychiatriques et une secrétaire médicale. La
consultation est ouverte le matin de 9 h à 13 h, du lundi au vendredi,
avec au minimum un médecin, un psychologue et la secrétaire
médicale. En dehors des périodes d'ouverture du service, en
semaine, c'est un des psychiatres de l'équipe qui sera de garde, et le
week-end, ce sera un des psychiatres de Ville Evrard.
Dans la pratique, les différents services de l'hopital
font leurs demandes de consultations auprès du secrétariat et
selon l'état de mobilité du patient, celui-ci se déplacera
dans les bureaux de consultations ou l'un des membres de l'équipe se
déplacera au lit du malade. La charge de travail est tres variable :
plus intense en début et fin de semaine, et lors de certaines
périodes de l'année, notamment en juillet et au moment des
fêtes de fin d'année. Il s'agit de périodes durant
lesquelles les
crises suicidaires sont les plus fréquentes et qui
s'expliquent par l'aggravation de l'isolement de personnes vulnérables
à des états de crise de désespoir. Selon les approches
sociologiques, le suicide serait lié à la déficience du
lien social. (Durckheim, 1897)
L'activité est très variable, mais l'un des
rôles prépondérant de l'équipe est la gestion de la
crise suicidaire. L'équipe se base sur les recommandations de l'HAS
(Haute Autorité de Santé) : tout d'abord, une première
consultation en présence d'un psychiatre et éventuellement un
psychologue est obligatoire pour tout malade hospitalisé à la
suite de son acte suicidaire ou en menace de passage à l'acte.
L'équipe propose également une consultation
« suicidants » à court terme le temps que le malade
s'engage dans un suivi ambulatoire à moyen ou long terme et tant que le
danger de récidive de crise est présent.
Cas de double tentative de suicide d'un couple
âgé.
Après quelques semaines plutôt calmes en ce qui
concerne les actes suicidaires, l'équipe de psychiatrie de liaison est
appelée au service des urgences pour un couple âgé,
d'environ 80 ans, qui a tenté de s'intoxiquer au gaz de voiture dans
leur garage un dimanche soir. Par l'équipe soignante, nous apprenons que
ce sont les voisins qui ont alerté les pompiers après avoir
remarqué l'absence du couple dans leur maison et la fermeture
inhabituelle du garage alors qu'ils n'étaient pas sortis.
Par le couple, nous allons obtenir un récit
précis de l'événement et des circonstances ayant
mené à cet acte suicidaire. Les pompiers ont dû casser la
porte du garage pour libérer le couple, alors presque inconscients. Le
lendemain, nous rencontrons l'époux avec un des psychiatres de
l'équipe, qu'une autre psychiatre et le psychologue vont s'entretenir
avec l'épouse. Tous deux sont presque rétablis de leur
intoxication et n'en garderont pas de séquelle, mais l'équipe ne
leur permet pas de sortir de l'hôpital comme ils le souhaitent car tous
deux expriment leur volonté de récidive. Aucun signe clinique de
troubles psychiatriques ou de la personnalité n'est présent, ni
aucune souffrance psychologique. L'acte est décrit comme ayant
été prémédité et exécuté de
sang-froid. Ce qui frappe d'emblée est le calme de l'époux
lorsqu'il explique le geste suicidaire et les arguments qui l'ont mené
à ce geste.
L'euthanasie est évoquée dans le discours
<<C'est dommage que l'euthanasie ne soit pas légale dans ce
pays, car c'est une solution pour des gens comme nous. «
Il s'agit d'une situation de dégradation de la
santé sans issue à long terme pour ce couple: mariés
depuis presque 60 ans, ayant élevé 4 enfants dans de bonnes
conditions et ayant eu une vie de couple plutôt harmonieuse et
très fusionnelle, la maladie est venue remettre en question un bonheur
qui semble presque parfait. Tout d'abord, l'épouse est touchée
par une
maladie dégénérative musculaire qui
dégrade sa mobilité et la rend presque totalement
dépendante à ce jour. Elle est totalement dépendante de
son époux au quotidien qui accepte cette charge avec toute sa bonne
volonté. Cette organisation de vie qui a mené ce couple à
beaucoup de renoncements est à son tour remise en question par le
diagnostic pour l'époux d'un cancer du pancréas à un
état d'avancement qui ne lui donne plus que 6 mois d'espérance de
vie avec un traitement. Celui-ci a déjà renoncé à
tout traitement curatif et a préféré un suivi palliatif.
Son désespoir ne porte pas sur sa situation personnelle mais sur
l'avenir de sa femme, qui se retrouvera seule et très dépendante,
probablement obligée d'envisager un placement en maison
spécialisée car les enfants habitent tous en province.
Lors de l'entretien, le moment oü nous avons pu induire
un doute dans le projet de cet homme, fut celui oü il nous demande de ne
rien dire à ses enfants sur leur hospitalisation et sa raison. Bien
entendu, nous ne pouvons pas répondre favorablement à cette
demande et d'ailleurs, les enfants ont été avertis d»s leur
arrivée à l'hôpital et sont en route pour rendre visite
à leurs parents. Monsieur A. nous exprime alors des difficultés
relationnelles avec un des petits -fils, en conflit avec sa mère qui est
divorcée et souffre de dépression, et avec ses grands-parents,
qu'il traite de <<nazis >>. Ce jeune homme présente
des troubles de la personnalité de type <<anti-social
>> et réclame régulièrement de l'argent pour
rembourser des dettes contractées auprès de différents
<< malfrats «. Cette vie de couple tout d'abord
décrite sans histoire se transforme alors en un récit de
harcèlement moral quotidien au sens de la famille. Nous remarquons alors
l'expression attristée et fatiguée de cet homme qui nous
para»t bien en état d'usure psychologique causée par des
tracas quotidiens et ayant aboutit à un moment de crise pour ce
couple.
A l'arrivé de la famille, plusieurs conférences
familiales sont organisées avec la participation d'une assistance
sociale et après 48 heures d'hospitalisation, le couple finira par
porter un jugement critique puis renoncer à son projet suicidaire. Les
enfants réalisent alors l'état d'épuisement de leurs
parents dont ils n'avaient pas conscience jusque-là, tandis que ceux -ci
acceptent l'aide que leurs enfants leurs offrent.
Avec le soutien des enfants, il est décidé tout
d'abord d'éloigner géographiquement le couple de sa situation
conflictuelle. Le couple ira habiter en province chez l'un des fils, en
attendant de trouver une maison spécialisée à
proximité pour l'épouse. L'époux souhaite faire un voyage
avec un autre de ses fils, dans un lieu qu'il a toujours rêver de
connaitre sans en avoir l'opportunité. Il refuse toujours le traitement
curatif pour son cancer, mais s'engage à suivre un traitement
palliatif.
Cette situation montre que l'équipe de psychiatrie de
liaison considère l'évocation de l'euthanasie en tant
qu'idée noire. Dans ce cas, il s'agit donc d'un phénomène
clinique faisant partie de la crise suicidaire du couple et non d'une demande
consciente à laquelle répondre de manière favorable. C'est
cette attitude qui sera prise par l'équipe pour toutes les situations de
crise suicidaire ou de demande d'arrêt
de soin ou d'euthanasie chez les patients vus en consultation. Au
bout de quelques jours, tous ces patients suicidaires ont revu leur jugement et
renoncé à ces projets.
B.1.2 La prise en charge des suicidants au CHI de
Montfermeil
A la suite d'une étude faite sur les jeunes suicidants,
l'équipe de psychiatrie de liaison a organisé une consultation
« suicidant «. Elle permet d'accueillir après la crise
suicidaire et l'acte suicidaire, ainsi qu'après la sortie de
l'hospitalisation, les patients en risque de récidive pour un suivi
psychiatrique et psychothérapeutique de courte de durée en
attendant la décision d'une prise en charge future à long
terme.
Les rendez-vous sont proposés, mais ne sont jamais
imposés et leur organisation est laissée à l'initiative du
patient ou de sa famille afin de valoriser la motivation aux soins. En cas de
crise, un psychiatre de garde est joignable 24 h sur 24 au CHI de
Montfermeil.
Un professionnel référent prend en charge la
coordination de la pris e en charge du patient.
La suite de la prise en charge en ambulatoire peut se faire au
CMP de Montfermeil, rattachée au 15e secteur oü
pratiquent les membres de l'équipe de psychiatrie de liaison. Si la
suite du suivi se fait en intra -hospitalier dans un autre secteur de l'EPS de
Ville Evrard ou dans une autre institution, le professionnel
référent proc»dera à une réévaluation
du patient à la suite de son séjour, à l'aide d'une fiche
de liaison.
Nous avons ainsi pu assister à plusieurs suivis
post-crise par un travail de couple thérapeutique
médecin-psychologue et souvent homme-femme. Cette position a
été favorable à l'instauration d'une alliance
thérapeutique de qualité avec le patient, s'adressant à
l'un ou à l'autre interlocuteur de manière différente mais
complémentaire. Par exemple, nous avons pu constater que le patient
avait un rapport de soumission à l'autorité avec le
psychiatre-homme et un rapport plus argumentatif et explicatif avec notre
position de psychologue et femme.
Cas de Mme B., femme de 53 ans vue pour tentative de
suicide avec maladie de Hotchkin guérie.
Mme B. est une très belle femme de 53 ans et
malgré son arrivée aux Urgences la veille pour tentative de
suicide médicamenteuse, nous sommes étonnés de sa
présentation est très soignée et de sa posture droite sur
son lit.
Elle se dit très fatiguée, très
déprimée et extrêmement triste. Elle explique son geste par
une situation conjugale « sans issue et qui dure depuis bien trop
longtemps «. Mariée depuis plus de 30 ans avec un homme qu'elle
avait rencontré au Bal des Pompiers et qui fut son premier amant, son
mariage est devenu conflictuel au bout de 5 ans et après la naissance de
2 enfants. Son mari a alors tenté de se séparer, mais la survenue
d'une grave maladie chez elle et la nécessité d'aide et de soins
ont fait renoncer son mari à ses projets de séparation. Les
traitements pour la maladie de Hotchkin vont durer 7 années, au cours
desquelles les relations du couple vont plutôt s'améliorer, le
mari s'investissant dans son travail de convoyeur de fonds, dans l'aide aux
soins et à l'éducation des enfants. Mais lorsque son
épouse est déclarée guérie, les conflits reprennent
mais paradoxalement sans que le mari ne souhaite plus se séparer. La
femme trouve un travail à responsabilités et bien
rémunéré, tandis que son mari se désinvestit du
sien, commence à boire et à sortir. « Il mène une vie
d'adolescent, pire que ses fils qui sont de bons étudiants tout en
étant obsédé par l'argent que je gagne.»
Depuis 2 ans, Mme B. fréquente un autre homme,
rencontré dans le RER, dont elle est amoureuse et avec qui elle a des
projets d'installation. Depuis plusieurs mois, elle n'ose pas se séparer
de son mari actuel bien qu'elle ait eu le courage de lui avouer sa relation et
affronte sa colère chaque jour. Entre la peur de quitter son
époux et l'attachement toujours présent à l'égard
du père de ses enfants, elle se retrouve piégée et ne voit
plus d'autre issue que l'acte suicidaire.
Dès le 1 er entretien, cette patiente
critique son geste qu'elle explique par épuisement psychique. Au cours
des entretiens suivants, elle élaborera des projets concrets pour
trouver une solution à sa situation, en réponse aux
encouragements et sollicitations brèves mais fermes de notre part. Elle
prendra la décision de se séparer de son mari et de vivre avec
l'homme qu'elle aime, mais se fera héberger dans un premier temps chez
le frère de son mari, qui connait sa situation et est prêt
à l'aider. Elle a également l'appui de ses deux enfants,
autonomes et qui se proposent aussi de l'aider dans son projet.
B.1.3 La particularité de l'intervention du
psychologue
Dans l'équipe de psychiatrie de liaison du CHI de
Montfermeil, le psychologue clinicien tient une place bien spécifique
par rapport au psychiatre. Bien qu'il participe au diagnostic psychiatrique
et aux décisions d'orientation de prise en
charge, il procede à une evaluation psychopathologique
plus globale. Il prend le temps de laisser le patient exposer son histoire de
crise, sa situation de vie au niveau personnelle, familial et social. Ceci
permet d'affiner par la personnalité et le contexte social le diagnostic
base sur une nosographie psychiatrique (CIM-10 ou DSM-4).
Pour cela, les entretiens du psychologue sont moins directifs
que ceux du psychiatre. Les questions sont plus ouvertes, et la parole du
patient n'est pratiquement jamais coupée avant la fin de son
exposé. Son attitude est également moins autoritaire bien que
parfois ferme concernant la récidive suicidaire.
Il nous a été possible en tant que
psychologue-stagiaire de suivre un patient en complement d'un traitement
psychiatrique, à la fois pour une evaluation de l'évolution et
pour un travail psychologique avec des patients souffrant de depression.
Le psychologue clinicien suit aussi des patients qui n'ont pas
de traitement psychiatrique, dans le cadre d'un suivi psychologique de
soutien.
Bien que les cas de patients vus et suivis dans le cadre du stage
aient été tres varies,
e
ce qui sera vu en détail dans la 2 partie, nous avons
choisi d'orienter notre réflexion sur des cas de patients bien
spécifiques. Il s'agira de patients touches à la fois par une
maladie somatique grave comme le cancer, et une depression s'aggravant sur un
mode délirant de type mélancolique. Ces situations, fort
heureusement peu fréquentes, sont d'une extreme gravité car elles
mettent la vie physique et psychologique du malade en danger, aboutissant
à l'échec de toute tentative de prise en charge
thérapeutique sur les plans psychologiques et somatiques, alors que les
pronostics vitaux sont plutTMt optimistes dans un court et moyen terme.
B.2 Etude de cas
Nous avons été amenés à suivre Mme
D., une patiente de 58 ans, pendant plusieurs mois, d'avril à juillet
2008, deux à trois fois par semaine. Cette patiente a été
suivie très régulièrement par toute l'équipe de
psychiatrie de liaison qui a craint une issue dramatique à l'état
de cette patiente. En effet, celle-ci leur évoquait un cas semblable
survenue deux ans auparavant et dont l'issue avait été fatale
malgré tous les efforts déployés des équipes
soignantes, et bien que les pronostics vitaux étaient très
optimistes sur le plan somatique.
B.2.1 Anamnèse somatique
Mme D. a été suivie au CHI de Montfermeil pour
un myélome (ou maladie de Kahler) diagnostiqué en février
après plusieurs semaines d'examens depuis le mois de janvier.
Le myélome est un cancer de la moelle osseuse et touche
souvent plusieurs régions osseuses, d'oü le nom de myélome
multiple. Plus précisément, des plasmocytes, cellules de la
moelle osseuse qui ont pour rôle de fabriquer des a nticorps, deviennent
anormales et ne tiennent plus compte de leur environnement. Elles
prolifèrent au détriment des autres cellules et de l'os qui les
entourent. Les symptômes sont des douleurs osseuses permanentes
méme au repos et associées à de la fatigue à cause
de l'anémie, des tumeurs au niveau de la moelle épinière
qui peuvent entraîner des troubles neurologiques, une insuffisance
rénale et des infections à cause du déficit en
immunité normale et une hypercalcémie liée à la
déminéralisation osseuse avec crampes musculaires, fourmillements
et problèmes du rythme cardiaque.
Le traitement consiste presque toujours en une
chimiothérapie par cytotoxiques, médicaments qui
détruisent les cellules cancéreuses. Il est administré par
voie veineuse avec la mise en place d'un cathéter central. Ce traitement
précède une autogreffe de cellules souches et peut s'administrer
en première ligne juste après le diagnostic, ou en 2e
et 3e ligne, c'est-à-dire après une ou deux rechutes.
Le myélome est donc une maladie chron ique dont on ne peut pas
guérir définitivement, mais qui
peut être traité jusqu'à 5 fois après
une rechute, repoussant de plus en plus l'échéance de la
maladie.
Mme D. se plaindra tout au long de son suivi des douleurs
musculaires, de tremblements et fourmillements au niveau des mains, de
palpitations cardiaques s'ajoutant aux troubles anxieux, de perte de la
mémoire et aura contracté des infections pulmonaires et
urinaires. Elle va subir une première chimiothérapie d»s
février qui donnera de très bons résultats mais sera mal
supportée. La seconde chimiothérapie de juillet se passera mieux
et sera plus aisément tolérée. Les médecins
parleront alors de rémission « spectaculaire « autant
sur le plan psychique que physique.
B.2.2 Anamnèse psychologique
C'est en avril que l'équipe de psychiatrie de liaison
est appelée auprès de Mme D. à la demande du
médecin du service d'oncologie en charge du suivi de Mme D, pour un
état dépressif.
Lors de la première consultation, le psychiatre
diagnostique une dépression s'accompagnant d'une humeur triste et
d'idées noires, ainsi que d'un sentiment d'inutilité. Il prescrit
des antidépresseurs et suggère des consultations psychiatriques
régulières, une fois par semaine. Elle ne sera vue dans un
premier temps qu'en consultation psychiatrique, qui sera interrompue lors d'une
permission de sortie de 3 semaines à son domicile.
Au mois de mai, la patiente est à nouveau
hospitalisée pour aggravation de son état général.
Lors de la consultation psychiatrique, elle présente des troubles du
comportement avec des difficultés d'acceptation des soins. Elle a
arrêté son traitement antidépresseur ainsi que tout autre
traitement par voie orale. Son état dépressif s'est
aggravé avec présence d'un ralentissement psychomoteur, aboulie,
amimie. Elle présente même un état de
quasi-sidération en présence du psychiatre et du psychologue.
Ses propos expriment un grand pessimisme quant à ses
espoirs d'amélioration. « Je ne peux pas guérir de cette
maladie, c'est fichu, alors tout «a ne sert à rien. «, «
Je ne veux plus qu'on m'embete, qu'on me laisse tranquille. «, « On
me fait trop mal avec toutes ces piqiires. « D'autre part, elle a
perdu confiance en ses médecins. « Ils m'avaient dit qu'on
pouvait me guérir, mais ils m'ont menti. «, « Ils me disent
que je vais mieux, mais ce n'est pas vrai. «
Pendant cette période d'aggravation de l'état
général., psychologique et somatique, les consultations sont
breves et interrompue par la patiente elle-même qui se recroqueville
contre le mur sur son lit, et refuse de continuer à communiquer. Elle
est souvent agitée et s'est amaigrie de plus de 20 kilos. Son
état physiologique s'aggrave rapidement avec déshydratation et
dénutrition ainsi jusqu'au mois de juin. Peu à peu, elle
évoque elle -même le sentiment de perte de contrôle de son
état de conscience par moment. « Je vois bien que vous pensez
que je suis folle. Je sais bien que par moment, je perds la tete. «,
« j'ai des idées dans la tête, tout le temps... «,
« Je ne peux pas vous dire... «. Pourtant, elle ne
présente pas de troubles de l'orientation spatio-temporelle et des
examens neurologiques montreront qu'il n'y a aucune atteinte neurologique.
Le refus de soins et d'alimentation se manifeste : par des
paroles véhémentes, une lutte physique pour retirer les
perfusions et un rejet les piqfires. Bien que l'attitude générale
de la patiente évoque une décompensation psychotique, elle ne
présente ni production délirante, ni d'hallucination.
Néanmoins, son discours s'enferme dans une production
interprétative pour rationaliser son sentiment d'incurabilité.
« On m'a montré des examens ce matin, pour me faire croire que
j'allais mieux, mais ce n'étaient pas les miens. Moi, je sais que je
vais mourir. »
Apres plusieurs jours de tentatives de soins, l'équipe
de psychiatrie de liaison doit orienter la patiente alors en danger vital vers
une hospitalisation à la demande d'un tiers (HDT) en milieu
psychiatrique afin de pouvoir administrer un traitement psychiatrique tout en
procédant à une réalimentation.
Nous avons vu la patiente peu de temps avant son admission en
établissement psychiatrique et tenté de lui expliquer la raison
de ce transfert. Puis, nous nous
sommes entretenus avec son époux, pendant les
formalités de l'HDT. Celui-ci a demandé l'adresse d'un soutien
psychologique car il vit trts mal le fait de voir son épouse se degrader
ainsi, surtout sur le plan psychologique. «Je ne la reconnais plus, ce
n'est plus elle. Avant elle aimait la vie, elle faisait des tas de choses de
ses mains, elle était trés active et on avait des projets de
voyage pour notre retraite. Maintenant, elle ne s'intéresse plus
à rien. «, « On s'est connu trés jeune, elle avait des
problémes avec sa famille, et on ne s'est plus quittés.
Maintenant, elle ne s'intéresse même plus à moi.
« D'aprés l'époux, cette patiente présente un
repli affectif et social inhabituel, ainsi qu'un trouble de sa
personnalité qu'il qualifie de « changement de
personnalité «, « ce n'est pas elle, je ne la
reconnais pas. «.
Extrait d'entretien avec la patiente avant
l'hospitalisation en psychiatrie
Stagiaire Psychologue : « Aujourd'hui les médecins
ont pris la decision de vous transférer en établissement
psychiatrique et votre mari est d'accord. Cela est nécessaire car votre
vie est en danger et que nous ne pouvons pas vous laiss er ainsi en danger. Il
me semble important que vous le sachiez.»
Mme D. : « Je ne veux pas aller à Sainte Anne, chez
les fous. »
Stagiaire Psychologue : « Vous n'irez pas à Sainte
Anne mais dans un établissement spécialisé pour la
depression grave. On va vous donner des antidépresseurs et vous
réalimenter. «
Mme D. : « Je n'ai pas le choix alors. Je ne peux pas faire
ce que je veux.» Stagiaire Psychologue : « Je crois que vous ne nous
laissez pas d'autre choix. « Mme D.: « Bon, alors, je me laisserai
faire. Mon mari sera avec moi dans l'ambulance pour là-bas ?»
Stagiaire Psychologue : « Oui, bien sir. Il signe les
papiers, et vous savez, c'est trts dur pour lui de faire cela. Il fait cela
pour vous. «
Mme D.: « Oui, il se fait du souci pour moi, mais je ne suis
même plus triste moi. »
Stagiaire Psychologue : « Vous avez été plus
triste par moments ? «
Mme D. : « Oui, mais là, je ne peux même plus
pleurer, ou même parler. « Stagiaire Psychologue : « Vous avez
des pensées ? »
Mme D.: « Oui, tout le temps. « (à mon air
interrogateur) « Je ne veux pas en parler. «
Stagiaire Psychologue : « Bien. Mais est-ce que parfois vous
voyez des images, ou entendez des bruits ? »
Mme D. : << Tous les bruits d'ici me font mal aux
oreilles.>>
Stagiaire Psychologue : << Vous entendez d'autres bruits
que ceux d'ici ? >>
Mme D.: << Non, je ne suis pas folle !! >> (silence,
et elle regarde la porte d'un air méfiant car on entend une
infirmi»re passer.)
Stagiaire Psychologue : <<Pourquoi refusez-vous les soins?
>>
Mme D.: << Je ne peux pas l'expliquer. C'est comme
«a. Je ne veux pas c'est tout. Je dis Non, Non. a me fait mal. Elles sont
méchantes, elles me font mal. >> (elle a alors un mimique et un
ton de voix enfantins, les jambes repliées et serrées entre ses
bras)
Mme D. : << Je suis fatiguée maintenant>>
Stagiaire Psychologue : <<Alors je vous laisse, mais je
vous dis au revoir et je reviendrai vous voir à votre retour de
l'hôpital spécialisé.>>
<< Au revoir. >> (elle accepte de me serrer la main
et se retourne contre le mur.)
Lors de cet entretien, nous nous sommes clairement
positionnés dans une attitude autoritaire en cohérence avec
l'attitude des médecins. Quand la patiente exprime <<Je ne
peux pas faire ce que je veux. «, nous évoquons alors notre
devoir d'assistance à personne en danger. Bien que cette patiente ne
parle pas d'euthanasie, nous pouvons nous poser la question suivante: Si cette
patiente avait été mise en contact avec des personnes
sensibilisées, voire favorables à l'euthanasie, si elle -
méme vivait dans une société oü l'euthanasie
était admise, n'aurait-elle pas eu l'idée d'en faire la demande
lors de son état délirant ?
Le diagnostic psychiatrique posé pour le dossier de
demande d'hospitalisation en psychiatrie est celui <<d'état
dépressifgrave avec idées délirantes d'incurabilité
et d'autoaccusation, sentiment de persécution et agitation, discours
monoidé ·que, aggravé par une maladie somatique chronique
et un refus de soins et d'alimentation mettant la vie en
danger.>>
La patiente ne restera que quelques jours en psychiatrie car
elle contractera en hôpital psychiatrique une infection pulmonaire. Elle
revient dans son service d'oncologie, à moitié somnolente, encore
plus amaigrie, mais sous perfusion. Celleci permet alors de maintenir
l'alimentation et le traitement antidépresseur pendant une semaine, au
bout de laquelle, les idées délirantes auront disparues. Pendant
cette période, nous allons lui rendons visite. Elle nous reconna»t
et nous salue, sans pouvoir toutefois maintenir une conversation. L'expression
de son visage est plus
sereine, présente et communicative. De faibles sourires
apparaissent. La patiente est plus détendue, accepte les soins, et
rép»te souvent <<Je ne veux plus qu'on m'emm»ne chez
les fous. ))
Son état psychologique et somatique s'étant vite
amélioré, nous reprenons des entretiens réguliers. La
patiente est très coopérante, et dit méme attendre la
visite des << psy )) avec plaisir. <<Vous êtes
tous très gentils ici, mais je ne veux plus qu'on m'envoie
là-bas. C'était terrible, on m'a attachée et mis des
piqIires de force. ))
Extrait de l'entretien de retour de
psychiatrie
Stagiaire psychologue: << Nous ne pouvions pas faire
autrement car vous refusiez toute aide.))
Mme D. : << Ah bon ? Je refusais l'aide?))
Stagiaire psychologue: << Oui, vous aviez
arraché vos perfusions, nous refusiez de manger, de boire, tout le monde
essayait de vous convaincre en vain. ))
Mme D. : << J'ai fait cela moi ? J'étais
devenuefolle? ))
Stagiaire psychologue: << Je n'ai pas dit cela, mais ce
que vous avez vécu peu s'expliquer et peut arriver à tout le
monde.))
Mme D.: << Je me souviens que j'avais très peur,
de tout. Et j'avais mal partout. C'était trop difficile. ))
Stagiaire psychologue : << Peut-être que
lorsque qu'une situation est trop difficile, on finit par tout refuser, sans
distinction? Qu'en pensez-vous ? Ou peut-être que vous aviez trop peur de
la maladie et des soins? ))
Mme D.: << Oui, j'ai eu très peur de la
maladie et même maintenant, regardez, je tremble rien qu'à y
penser. Cela me fait peurÉ C'est une maladie très grave. Les
docteurs pensent pouvoir me guérir, mais moi, je n'y crois
pas.))
Stagiaire psychologue : << Vous ne croyez pas que vous
pourrez aller mieux? ))
Mme D.: << Non, c'est grave ce que j'ai, ils me l'ont
dit. C'est un cancer. Je vais mourir.))
Stagiaire psychologue: << C'est certes grave, mais
il y a des traitements pour aller mieux et d'ailleurs, vous allez
déjà bien mieux juste en une semaine de réalimentation et
de soins. ))
Mme D. : << Vous croyez ?))
Stagiaire psychologue : << Je ne dis que ce que je
vois. ))
Mme D.: (elle prend son miroir et se regarde) « Mais
j'ai beaucoup maigri, regardez, j'ai perdu beaucoup de cheveux. »
Stagiaire psychologue : « Moi, je compare à la
semaine derniére seulement et vous allez mieux. C'est un progrés
par rapport à la semaine derniére et vous verrez encore des
progrés la semaine prochaine.»
Mme D. : « Ah ! Si vous le dites. »
Stagiaire psychologue : « Voulez-vous faire confiance en
vos médecins ? Ils ne vous disent que la vérité.
»
Mme D. : « Ils disent que je vais mieux mais je ne les
crois pas.»
Stagiaire psychologue : « Pourquoi vous mentiraient-ils
? »
Mme D. : « Je ne sais pas... Je suis
fatiguéeÉ Vous me faites trop parlerÉ »
Stagiaire psychologue : « Je vais vous laisser vous reposer ?
»
Mme D.: « Oh non, pas tout de suite. J'aime bien vos
visites et puis celles de la dame aux cheveux longs, et du monsieur
aussiÉ »
Stagiaire psychologue : « Nous passerons un peu chaque
jour, et moi, un jour
sur
deux. »
Mme D. : « D'accord, à demain alorsÉ
» (avec un sourire)
Lors des semaines qui vont suivre, l'état psychologique de
la patiente s'améliore et l'équipe soignante mesure de poursuivre
soins, de préparer un 2 e
sera en les et
protocole de chimiothérapie. Au cours des entretiens
que nous avons menés, la malade est passée par des état
psychologiques différents qui pourrait correspondre à un travail
psychique d'acceptation de sa maladie chronique, de réappropriation de
son image corporelle et de récupération d'un sentiment d'espoir
de remission, allant jusqu'à des projets de vacances aprés
l'été.
C DISCUSSION
Nous avons été particuliérement soucieux
de préserver la liberté du malade en évitant le placage
théorique sur celui-ci. Pour cela, notre discussion s'appuiera tout
d'abord sur les observations et son l'analyse pour ensuite aborder les
différentes théories conceptuelles explicatives des comportements
para-suicidaires des malades atteints de cancer et de dépression.
C.1 Analyse des signes cliniques du cas
Nous présenterons les signes cliniques observés
et en tirerons un premier diagnostic psychiatrique, tel qu'il a
été fait par l'équipe de psychiatrie de liaison qui avait
dl envisager un traitement adéquat immédiatement
nécessaire.
C.1.1 Signes d'une crise suicidaire
Le cas de Mme D. peut tout d'abord être
interprété comme un comportement para-suicidaire dans lequel nous
retrouvons tous les crit»res explicités de la crise suicidaire en
cancérologie (cf. partie A.2). Nous relevons un arrêt volontaire
des médicaments, concernant le traitement d'antidépresseur,
qu'elle cesse de prendre lors du retour à son domicile. De plus, elle
refuse de s'alimenter et retire ses perfusions ce qui empêche à la
fois l'administration de tout traitement médical et la
réhydratation. Elle exprime un sentiment d'inutilité, mais n'est
pas allée jusqu'à demander une aide pour finir ses jours.
Néanmoins, nous pouvons penser que si l'état de
la patiente s'était aggravé ou si nous avions été
ouvert à une demande volontaire d'euthanasie, cette patiente aurait pu
aller jusque -là, tout comme le coupl e %ogé (cf. partie B.1.1).
En effet, presque tous les facteurs de la conduite suicidaire des patients
atteints de cancer sont réunis : des douleurs chroniques non
contrôlées au niveau des articulations, ainsi que des
nausées, la période est bien la 1 re année qui
suit l'annonce du diagnostic, la patiente souffre bien de dépression
avec un sentiment de désespoir, elle montre parfois de la confusion
mentale, elle exprime un sentiment d'impuissance (elle se
plaint de toutes les activités qu'elle ne peut plus
faire) , elle présente un terrain de personnalité anxieuse, elle
se plaint de la fatigue et de la perte de ses capacités physiques, de
l'isolement (elle doit rester en chambre seule à cause de son
infection), elle présente des troubles anxio-dépressifs avec de
l'agitation.
Nous pouvons conclure cette patiente présente un
ensemble de signes qui correspond au syndrome de démoralisation
(Kissane, 2004).
D'un point de vue biologique, l'état délirant de
cette patiente était proche de l'état de delirium décrit
par Gagnon (2002), probablement lié à l'état de
dénutrition et déshydratation.
C.1.2 Analyse des signes anxio -dépressifs
La dépression fait partie des troubles de l'humeur et est
caractérisée par un état dépressif dans lequel on
retrouve les quatre composantes suivantes:
· Humeur triste accompagnée d'une vision de
pessimisme du monde et de soi- méme
· Ralentissement ou inhibition
· Idées de suicide et/ou comportement suicidaire
· Signes objectifs comme l'insomnie, l'asthénie,
l'anorexie, etcÉ
Dans le cas étudié, nous avons retrouvé
toutes les caractéristiques d'un état dépressif. L'humeur
triste était visible, observable dans la mine, la voix, les propos
pessimistes et le sentiment d'incurabilité, le sentiment d'ennui,
l'indifférence affective, l'incapacité à trouver du
plaisir, la perte des intéréts antérieurs qu'on ne peut
plus faire comme avant, une vision négative de soi avec sentiment de
dévalorisation et d'incapacité, une vision négative du
futur.
Le ralentissement moteur était visible à
travers la mimique, la lente ur du débit verbal, de la modulation de la
voix, des réponses brèves ou laconiques, la difficulté
à mettre en mot le ressenti et les idées, les troubles de la
mémoire.
Le ralentissement psychique pouvait s'observer à
travers les troubles de la mémoire et de la concentration, de la
sensation de fatigue psychique, diminution de la thématique
idéique par un discours pauvre, sans aucune idée nouvelle dans
l'entretien et des ruminations mentales, une grande
fatigabilité pour réaliser des activités antérieurs
ou participer à une discussion, perception d'un ralentissement du temps
avec sentiment que le temps ne passe pas.
Les idées suicidaires n'étaient pas vraiment
vérifiables mais s'observaient par le comportement de refus d'aide et de
soin et la conviction d'incurabilité.
Enfin, comme signes objectifs nous pouvions observer
l'anxiété, les troubles du sommeil, les troubles du
caractère avec hostilité, méfiance des soignants, refus de
contact, repli sur soi.
C.1.3 Une forme aggravée de la dépression :
la mélancolie?
La forme mélancolique est une forme aggravée de
la dépression. Elle se produit par accès ou phases et si certains
psychiatres parlent de psychose, cela ne concerne que le trouble et
non pas la personne qui en est atteinte.
Dans la cas de notre patiente, la phase mélancolique a
durée plusieurs semaines, et ne s'est pas reproduite pendant au moins 2
mois après l'acc»s. Les idées délirantes
interprétatives se sont estompées progressivement et nous pouvons
supposer qu'il s'agira d'un épisode unique dans la vie de cette
patiente.
Les éléments dits psychotiques
consistaient en des interprétations et idées
délirantes d'incurabilité, de persécution et de
méfiance. Par exemple, elle justifiait sa méfiance en
étant persuadée que les médecins lui montraient des
résultats positifs d'analyses qui n'étaient pas les siennes. Elle
s'était aussi persuadée que les soignants la faisaient souffrir
volontairement. Pendant cette période, les refus de soins et
d'alimentation sont devenus de plus en plus nets, à la fois verbaux et
physiques. La vie de cette patiente étant alors en danger, la seule
issue a été pour l'équipe médicale et
psychiatrique, de décider d'une hospitalisation en milieu psychiatrique
afin de procéder à une réalimentation d'autorité,
avec l'aide d'un traitement antipsychotique, en plus d'antidépresseurs
à forte dose. Au bout de quelques jours, ce traitement a montré
une grande efficacité, et a aussi généré un
2e choc émotionnel.
Nous pouvons supposer qu'aprés le traumatisme de
l'annonce, un 2e traumatisme lie à l'hospitalisation a permis
à la patiente d'entamer un processus psychique de
récupération de son jugement critique. Cette
récupération rapide de sa conscience confirme bien que nous
n'avions pas à faire à une personnalité psychotique.
Nous pouvons ainsi affiner notre diagnostic comme une
depression psychogéne (de type nevrotique) aggravée par une forte
angoisse de mort liée à l'annonce du cancer, voire traumatique,
sur un terrain de personnalité pathologique anxieuse.
C.2 Interpretations possibles
N'étant pas atteinte de psychose chronique et n'ayant
pas d'antécédents avérés, que ce soit sur le plan
psychiatrique ou d'événements de vie traumatiques, nous tenterons
donc de comprendre à partir de différents points de vue
théoriques en psychologie, pourquoi notre patiente a
présenté cette forme de dépression avec accès
mélancolique.
C.2.1 Une explication psychosociale
La détresse émotionnelle est
particulièrement intense chez les sujets confrontés au cancer.
(Parle et al., 1996)
Concernant l'angoisse des malades atteints de cancer, il est
intéressant de remarquer que pour chacun de nous, une dimension socio
-culturelle vient alimenter la peur d'un individu face à cette maladie.
Des peurs surdimensionnées se focalisent sur le terme de cancer
et une hypertrophie de la crainte a été mise en
évidence par Reynaert et al. (2000). La peur du cancer est donc
très courante dans la population. Il a été montré
qu'en Belgique, 73% des individus rapportent le cancer comme crainte principale
en termes de santé tandis que 23% seulement seront touchés par
cette maladie. Or, on ne retrouve pas cette discordance pour les maladies
cardio-vasculaires. (Einborn, 1995)
Déjà Freud (1915) faisait remarquer que toute
personne de notre société moderne, qui sera confronté
à l'éventualité de sa propre mort subit une angoisse
intense, car jusque-là elle vivait dans avec un sentiment de toute
puissance, avec un fantasme d'immortalité.
C.2.2 La perte comme explication de la conduite suicidaire
du malade atteint de cancer
En partant de l'hypothèse de Freud (1915), Lefetz et
Reich (2006) expliquent la finalité des conduites suicidaires par le
fait que le cancer marque une rupture dans la
vie du patient. Celui-ci se retrouve confronté
à l'éventualité de sa propre mort alors que jusqu'à
présent, il vivait avec un sentiment de toute puissance, de fantasme
d'immortalité. Sa vie se trouve bouleversée, ses projets
annulés, son avenir devient incertain. Le malade se retrouve dans un
travail psychologique de deuil de son corps sain qui devient un corps
étranger qu'il ne peut plus contrôler. Il développe alors
des stratégies d'adaptation qui ne sont pas toujours efficaces. Dans ce
contexte, le suicide représente alors la seule solution efficace pour
échapper à la souffrance. Cela reviendrait à
détruire le corps pour détruire le mal (Pedinielli, 1989) et
ainsi le malade reprendrait le contrôle sur sa maladie.
C.2.3 Rappels sur les conceptions psychanalytiques de la
depression
Pour Karl Abraham (1911), éleve de Freud, la
dépression est une disposition nerveuse du sujet. Il avance que le sujet
dépressif possède certains traits de personnalité dont
celui d'être incapable d'aimer autrui ainsi que des tendances sadiques
retournées contre lui-même. Il s'agit d'une
vulnérabilité acquise de maniere précoce au moment de la
forma tion des processus d'identification et de l'acquisition de la
capacité d'assumer les ambivalences dans les rapports interpersonnels et
environnementaux.
Il rapproche, pour comparaison, le deuil et la
mélancolie, et met en lumiere le mécanisme de projection. Le
mélancolique possede un « sadisme refoule dans
l'inconscient » et « tire son plaisir de ses
souffrances ». Il observe une régression orale du
mélancolique. De plus K. Abraham avait constaté chez ses patients
des déceptions précoces dans la relation à leurs
parents.
Dans notre cas, nous avons en effet observé une
régression psychologique de la patiente dans la voix, le refus «
non, non » et une fixation sur le refus d'alimentation par les voix orales
qui ont mené aux perfusions.
L'incapacité d'aimer autre dont parle K. Abraham
pourrait se retrouver quand la patiente nous exprime son incapacité
à pleurer ou à se préoccuper de son époux. Nous ne
nous avancerons pas cependant jusqu'à désigner cette attitude
comme un trait permanent d'autant plus que le trait de personnalité qui
ressortira après l'acces mélancolique sera plutôt « un
soucis pour les autres plus que pour moi-même ».
Pour Freud (1915), qui reprendra en partie les écrits
de K. Abraham, la dépression est sous-tendue par une perte et
un process us de deuil à élaborer. Elle n'est donc pas
une disposition mais un processus. Il compare pour les différencier le
travail de deuil et la mélancolie.
Le travail de deuil est un phénoméne de la vie
quotidienne, une maniere de gérer la tristesse face à une perte
ou un but non atteint. Celui-ci débute à partir d'un
événement de perte objectale. Plus précisément,
l'épreuve de réalité montre que l'objet aimé
n'existe plus et qu'il va y avoir un désinvestissement de la libido qui
retire les liens qu'elle avait avec l'objet. Il s'ensuit un état
dépressif de retrait momentané de désarroi du Moi qui est
incapable de réinvestir sa libido sur un autre objet.
Le deuil renvoie aussi à la mort d'un être cher
car on observe chez le patient des signes de tristesse. Pourtant, le sujet
continue à s'intéresser à ce qui l'entoure et il lui reste
quelques centres d'intérêt dans sa famille ou sa profession.
Ce processus de travail de deuil pourrait correspondre
à l'attitude de repli et de retrait observé chez notre patiente
juste après l'annonce du diagnostic, vécu comme une perte
intérieure du sentiment d'être une personne en bonne santé.
La mort de l'être cher dont parle Freud n'est pas évoqué,
mais pour notre patiente, à travers l'annonce de sa maladie grave, c'est
l'anticipation de sa propre mort prochaine dont il s'agissait. Pendant les
quelques semaines d'acces mélancolique, la patiente ne
s'intéressait plus à son environnement. L'acces passé,
bien que son humeur était triste et anxieuse, elle recommen»ait
à s'intéresser à ses proches et à ce qui
l'entourait. Nous pouvons donc supposer que cette patiente a pu retrouver un
état de travail de deuil après un acces mélancolique.
Plus précisément, le travail de deuil
consisterait donc en la mentalisation d'une perte et est à
rapprocher de la notion d'élaboration psychique nécessaire pour
l'appareil psychique afin de lier les impressions traumatisantes. Il se
caractérise par un manque d'intérêt pour le monde
extérieur et le fait que toute l'énergie du sujet semble
consacrée à la douleur et aux souvenirs jusqu'à ce que
« É le moi, pour ainsi dire, oblige de decider s'il veut
partager ce destin (de l'objet perdu), considérant l'ensemble des
satisfactions narcissiques à rester en vie, se détermine à
rompre son lien avec l'objet anéanti. « (Freud, 1915)
L'objet en question peut être «une personne
aimée ou une abstraction venue à sa place, comme la patrie, la
liberté, un idéal., etcÉ «
Avec le cancer et à l'époque actuelle, on peut
supposer que les abstractions tenant lieu d'investisse ments majeurs sont la
santé, l'idéal de bien-être, l'avenir, le progr»s,
etc...
Le travail de deuil consiste à:
· reconna»tre la réalité de la perte,
· procéder au détachement affectif de chaque
souvenir, de chaque attente en lien avec l'investissement perdu.
Dans le cas du cancer, l'objet d'amour qui est perdu consiste
en la représentation du soi projeté dans l'avenir et le patient
doit renoncer à l'idéal de soi projeté dans un avenir sans
faille et transformer le soi malade en un nouvel objet d'investissement
satisfaisant. Dans le cas oü ce travail se fait difficilement, le sujet
ressent un sentiment de déception intense de soi, qui s'exprime par des
sentiments de dévalorisation, d'inutilité, d'impuissance, etc...
Cela été le cas de notre patiente, Mme D.
D'après Freud, le renoncement à l'idéal du
soi se fait à travers 3 grandes étapes :
1) La mise en représentation: processus
d'élaboration et d'utilisation d'une image stable d'une chose à
la place de cette chose. Lien entre les expériences de base et des
images et des mots.
2) La symbolisation : fonction qui lie les
représentations mentales pour aboutir à l'utilisation abstraite
des représentations plutôt qu'à leur traitement concret
(perceptif et non mis en pensée)
3) La mentalisation : « série
d'opérations mentales incluant la mise en représentation et la
symbolisation, et conduisant à une transformation chargées
d'affects en structures mentales de mieux en mieux organisées. «
(Lecours et Bouchard, 1997) Elle permet au sujet de tolérer et
d'élaborer des conflits inte r- et intrapersonnels, mais en cas de
menace de mort révélée brutalement la mentalisation n'est
pas possible. Du temps est nécessaire pour cette mentalisation
structurelle avec un dégagement d'énergie psychique pour faire
face au surcro»t d'excitation dü à la menace mortelle.
L'alliance thérapeutique que notre équipe a
maintenue avec Mme D. notamment, a permis à celle-ci d'exprimer avec des
mots, ou bien d'entendre également, par les propos des psychiatries et
psychologues, une mentalisation du processus de perte puis de renoncement et
enfin de reconstruction d'une nouvelle image de soi. En effet, Mme D. parlera
souvent avec les femmes de son corps : perte de ses cheveux, perte de son
poids, et puis elle remarquera par la suite que ces femmes sont jeunes et
minces, toujours élégantes. Elle observe ainsi notre tenue
vestimentaire, nos chaussures, nos coiffures, en fera des commentaires positifs
puis remarquera que sa perte de poids peut aussi être pour elle une
occasion de « devenir une femme mince avec des cheveux courts. Ce sera
plus moderneÉ »
Enfin, Freud aborde la mélancolie comparativement
à la dépression. Il remarque que la perte dans la
mélancolie est une perte de l'estime de soi en réaction à
la perte inconsciente de l'être aimé comme objet d'amour. Dans la
mélancolie, le Moi s'inscrit dans le vide et la pauvreté, tandis
que dans le deuil, le sentiment de vide n'est que temporaire. Le délire
courant du mélancolique est le « délire de
petitesse ». La mélancolie est un processus qui peut parfois
surgir lors d'un travail de deuil qu'il va bloquer.
Nous pourrions rapprocher cette forme de délire à
celle que nous avons observé chez notre patiente, dans son sentiment
délirant d'incurabilité et d'inutilité.
Mélanie Klein (1934) introduit la notion de
position schizo-parano ·de à laquelle succéde la
position dépressive pour expliquer les états
dépressifs des adultes. Il s'agit de modalités d'organisation du
Moi formées à la petite enfance dans la relation entre l'enfant
et la personne nourriciére, et qui se manifestent à certaines
périodes de la vie, selon les situations et conditions traumatiques que
vivra le sujet. La position schizo-paranoïde est marquée par une
angoisse de persécution aboutissant à un clivage de l'objet en
bon/nourricier et mauvais/persécuteur. L'issue de cette position est la
position dépressive, avec un sentiment de détresse, de
dépendance et l'acceptation des ambivalences vis-à-vis de l'objet
dont on est dépendant. Cette position guide le travail de deuil et
permet de réparer le Moi avec une internalisation de la partie bonne de
l'objet. Pour M. Klein, la position dépressive ne se dépasse
jamais vraiment et tout perte ultérieure ravivera l'angoisse
de perdre le bon objet internalisé. Elle compare le
deuil avec un état maniaco- dépressif atténué et
passager qui sera surmonté en répétant le processus de
succession des positions vécu dans la petite enfance. La menace de
l'effondrement et de la déchéance de soi est donc quasi
présente lors de toute perte d'objet, lors de tout deuil. Le deuil
pathologique consiste alors en une position dépressive qui ne sera pas
surmontée.
Le cas de notre patiente pourrait tout à fait
s'interpreter comme un moment oil la position depressive n'a pu être
surmontée qu'en régressant dans une position schizo-
parano ·de. L'épisode melancolique aurait dont été
une période certes dangereuse pour la vie et le psychisme de notre
patiente, mais egalement nécessaire pour terminer un processus de deuil
qui était bloqué.
C.3 Des approches pour guider le travail
psychotherapeutique
Le travail du clinicien consiste aussi à tenter
d'expliquer les attitudes problématiques observées chez le
patient et nous proposons, dans une démarche éclectique,
différentes pistes théoriques de réflexion
particuliérement adaptées à notre cas clinique.
C.3.1 Un modele interpretatif et psychothérapeutique
: le modele du travail de deuil appliqué aux malades atteints de
cancer.
Récemment, le modéle du travail de
deuil a été repris par des chercheurs en psychologie de la
santé, notamment dans le cas des malades atteints de cancer.
(Bacqué, 2005) Ce modéle est pertinent car l'annonce d'un
diagnostic de cancer marquera le début de nombreuses pertes : perte de
l'illusion d'immortalité lors de l'annonce du cancer, perte de
l'idéal de santé, perte des aptitudes physiques et du
bien-être, perte de la vie. Toutes ces pertes sont autant de
bouleversements psychologiques qui entra»nent des remaniements psychiques
chez les malades.
Tout d'abord, nous devons définir de quoi nous parlons
sur le plan psychologique quand nous employons le terme de deuil. En
francais, le terme de deuil est polysémique, car il englobe au moins 3
sens du terme qui sont bien différenciés en anglais (Prigerson,
Bierhals, Kasl et al., 1996)
· l'état d'endeuillé (the
bereaved)
· l'état affectif qui suit la perte ou chagrin
(grief)
· l'état d'endeuillé au sens social (the
mourner)
C'est donc au sens de chagrin que nous parlons de
deuil lorsqu'on décrit l'état affectif des malades que nous avons
vus. Le processus psychologique qui suit la perte est qualifié de
processus de deuil ou travail de deuil.
Pour les malades atteints de maladies graves et chroniques,
ces deuils compliqués et l'usure psychologique de la maladie peuvent
entraîner une dépression durable Cet état affectif doit
pourtant toujours être différencié de la tristesse
pathologique rencontrée dans un état dépressif
psychiatrique. Le chagrin, état affectif qui n'est pas
psychiatrique, est lié à un processus de deuil, tandis que la
tristesse
pathologique est liée à un processus de
dépression pathologique. Celle-ci peut être réactionnelle,
survenant à la suite de la perte d'un être cher ou d'un objet
symbolique. Dans le contexte de la maladie grave, des deuils multiples sont
vécus à la suite des pertes multiples: deuil de la
guérison, deuil d'un organe, deuil d'une fonction (capacité
cognitive, capacités à travailler), deuil de soi en cas de mort
précoce et annoncée.
Le deuil est aussi un processus dont la dynamique constitue
un facteur de développement: rupture du lien d'investissement
consacré à l'objet perdu, renoncement aux éléments
positifs découlant de cette relation, intégration d'un nouvel
état privé de l'objet mais dans une nouvelle possibilité
de lien, affectif ou sublimé.
Cette vision positive du travail de deuil permet alors de le
considérer comme:
· une protection contre le traumatisme de la menace de mort
et de handicap du cancer,
· et une libération d'une partie du moi du sujet
qui peut alors se consacrer à d'autres personnes ou à des
activités. Quand le patient réussit son deuil, il peut accepter
de nouvelles contraintes de la maladie en des objectifs de vie modifiés,
une nouvelle philosophie de vie et une histoire à transmettre.
Dans le cas de Mme D., nous avons pu observer qu'elle se
protégeait de la peur de la maladie à travers un e attitude de
repli et de régression, et qu'une fois l'angoisse ma»trisée,
elle pouvait envisager des projets nouveaux pour son futur proche. Nous n'avons
malheureusement pas eu le temps de continuer son suivi, mais elle
commen»ait dans les dernières séances à parler de sa
famille, et de sa région d'origine, alors que les contacts semblaient
rares avant la maladie. Un travail de deuil semblait donc bien avoir abouti sur
une nouvelle forme de vision de la vie.
Les ajustements du deuil dans le temps sont de 2 ordres:
· La soudaineté: lors de l'annonce du diagnostic
même si celle-ci se fait avec beaucoup de précaution,
· La progressivité : peu à peu le malade se
voit perdre ses aptitudes au cours du traitement.
Concernant Mme D. nous avons bien constaté qu'elle
avait vécu l'annonce de sa maladie comme un choc émotionnel
important, avec une rupture dans le temps de sa représentation
personnelle. Peu de temps après le début des soins de nombreuses
effets indésirables ont surgis peu à peu, notamment celui de ne
plus pouvoir se servir de ses mains pour des activités manuelles de
précision comme la broderie ou le crochet, la cuisine et la
décoration d'intérieur, activités favorites de cette
patiente.
Comment protéger le patient de l'effondrement
dépressif et favoriser la mentalisation?
· la relation avec le médecin doit être
authentique, afin de partager le problème à résoudre, la
décision à prendre. L'objectif doit être commun afin de
favoriser le sentiment de participation ou d'activité du patient.
· Avec les infirmières, la communication peut
favoriser la mentalisation en bénéficiant de plusieurs
d'interlocuteurs.
· Le temps: il faut accorder du temps au malade pour
accepter une nouvelle avant de commencer un traitement qui va imposer un rythme
avec des moments de vides .
· Il est important de demander son avis au malade,
d'échanger avec lui sur les informations régulièrement.
· Le psychologue doit pouvoir favoriser le deuil du
passé et permettre l'élaborer sur les pertes par des groupes de
parole de malades.
En fin de parcours de soin, le travail de deuil va jusqu'au
deuil de soi (De M'Uzan, 1976). C'est un processus d'ajustement qui est un fort
mouvement d'expansion libidinale qui permet au mourant d'accéder
à un mode de relation global et symbolique avec ses proches. Cet
état peut apparaitre ponctuellement et requiert un accompagnement plus
attentif. La tristesse gagne alors le malade et il faut savoir distinguer entre
une humeur dysphorique, un pessimisme, une culpabilité et une
dévalorisation de soi disproportionné qui peuvent conduire
à la dépression majeur puis à une demande d'euthanasie par
fort désir de mourir.
Une tristesse normale conduirait à une acceptation de
l'agonie et une tristesse pathologique à un blocage du travail de deuil
et à une demande d'euthanasie.
Pour rappel, la tristesse pathologique consiste en un
désespoir, avec un sentiment d'inutilité personnelle, une
impression d'insignifiance de la vie, une déception, des remords et des
perturbations de l'identité. (Block, 2000)
C.3.2 Approche selon de concept de traumatisme
psychique
Nous constatons que le processus de deuil ainsi que le risque
d'effondrement dépressif sous-jacent, débuteraient au moment de
l'annonce du cancer faite au malade. Cette annonce peut alors se concevoir
comme un événement traumatique, soudain et entra»nant des
pertes si nombreuses qu'elles génèrent des pensées
particulièrement angoissantes. Celles-ci relèvent des
représentations sociales sur la maladie grave comme le fait d'appartenir
au groupe des cancéreux, malades, laids, handicapés, mourants,
morts, etcÉ
L'annonce engendre donc un stress très important, de
l'ordre du stress aigu avec : une phase d'alarme physique et une phase d'alarme
psychique. Cette dernière se caractérise par la mobilisation des
capacités mentales nécessaires pour juger et analyser la
situation, afin de défendre d'individu par une réaction rapide et
adaptative. Il est bien connu qu'un stress trop long et répétitif
conduit à l'épuisement psychique et physique et de là,
à un risque d'effondrement dépressif majeur.
L'annonce peut aussi engendrer un état de stress
post-traumatisme caractérisé par des non-réponses, un
blocage du psychisme avec répétition des images mentales afin de
tenter de les mentaliser, une mémoration qui ne se transforme pas en
souvenir mais reste présent, en reviviscences. Ces sensations «
ecmnésiques « (Crocq, 1993) forment un corps
étranger dans le psychisme qui dépossède le sujet de
lui-même, mu par une force qui pousse le patient à vivre des
sensations non souhaitées et infiniment désagréables tout
comme dans les hallucinations.
Si l'annonce engendre un traumatisme, les conséquences
graves sont les suivantes :
barrage aux informations complémentaires,
· sidération,
· inhibition relationnelle,
· souffrance morale de l'état d'impuissance.
Concernant le cas de Mme D., elle nous a fait part de
pensées envahissantes, concernant son état de santé et
dont elle ne voulait pas parler, sans doute par évitement. De plus, les
signes cliniques de repli sur soi, sidération, d'inhibition
relationnelle et de sentiment d'impuissance étaient présents et
dénotait d'un état qui peut s'interpréter aussi comme un
état de stress post-traumatique.
Pour le médecin qui sera responsable de l'annonce, il
lui sera difficile d'éviter de générer un stress aigu chez
son patient. Le traumatisme se caractérise par une hypervigilance
liée à la menace de mort avec attaque-fuite instinctive
inadaptée.
L'aide psychologique est alors indispensable et consiste en
une écoute à fonction ma ·eutique, c'est-à-dire
qui permet de mettre au monde une nouvelle facon de voir son expérience
de la maladie, qui permet que le processus de mentalisation se fasse.
Mme D. pourra dans les dernières séances envisager
son avenir, projeter des vacances,
de revoir des membres de sa famille, et même de parler de
l'avenir de son fils qui est
encore célibataire. «Il pourrait penser à
s'installer maintenant, mon fils, et avoir des
enfants un jour. « dira-t-elle.
C.3.3 Une approche ethnopsychiatrique : le rite de
passage
D'un point de vue plus ethnologique, il est courant
aujourd'hui d'aborder les moments de crise de la vie, notamment à
l'adolescence comme des rites de passage. La notion de rite de passage permet
de décrire et comprendre le traumatisme psychique comme une
transformation, avec une phase de déstructuration et une phase de
restructuration. Selon Van Gennep (1909), les rites de passage poss»dent
une symbolique qui simule la mort et la résurrection, le passage de la
non vie au monde des vivants lors de la naissance.
Les rites de passage comportent presque toujours 3 phases:
a. Préliminaires: une séparation afin de
retirer à l'individu son statut social habituel.
b. Liminaires: une marginalisation, période de
transition avec suspension des contacts sociaux normaux.
c. Post-liminaires: une incorporation, période de
réintégration dans la structure sociale, avec un nouveau
statut.
Dans les sociétés traditionnelles, les passages
sont aboutis et accompagnés par l'ensemble du groupe social. Les
individus qui traversent un rite retrouvent un équilibre psychologique
nouveau. Dans nos sociétés, nous procédons à des
rites de manières très courantes, dans les institutions de soins
notamment, mais sans que ces rites soient officiellement revendiqués
comme telle. Les individus risquent alors de rester piégés au
sens psychique dans le no man's land de la phase liminaire, de
marginalisation, en suspension dans un état psychologique proche de la
folie.
Si nous reprenons une réflexion sur le cas de Mme D.,
celle-ci a émis plusieurs fois qu'elle s'était sentie
«perdre la tête «, « partie «, et a bien
donné l'impression d'être revenue d'un autre monde quand elle est
revenue de son hospitalisation en psychiatrie. Nous pourrions
interpréter ce qui s'est produit pour cette patiente comme un travail
psychologique de transformation initié par l'événement
traumatique de l'annonce de la maladie avec un blocage dans une phase Un 2 e
liminaire. événement traumatique,
qui s'est produit lors de l'hospitalisation en psychiatrie, a
relancé le travail psychologique et a permis ensuite, au cours de
l'isolement en chambre individuelle, de terminer le travail par une transition
dans une phase post-liminaire.
Néanmoins, le rite de passage, bien que présent
dans les pratiques et les représentations, n'est pas tout à fait
comparable aux rites des sociétés traditionnelles. En effet, dans
ces sociétés, les rites sont intégrés aux parcours
de vie de chaque individu et aux règles sociales. Ils impliquent les
membres du groupe culturel, initiés ou non. Les responsables du rituel,
dont le savoir est réserv é aux initiés, pratiquent
publiquement. Les rites de guérison impliquent des aspects corporels,
psychiques et culturels. (Nathan, 2001)
La notion de rite de passage permet d'enrichir la
compréhension du traumatisme psychique en l'élargissant à
un processus de transformation psychique de déstructuration et de
restructuration psychique. La déstructuration psychique ou liminaire des
rites de passage correspond à l'état de «celui qui
revient transfiguré des bords de l'abime, trainant avec lui les
réminiscences horrifiantes de l'au-delà entrevu. »
(Crocq, 1999, page 276), tandis que la restructuration psychique pourra etre
associée à un processus de réintégration de
l'événement dans l'historicité de l'identité
narrative, et « la thérapeutique consistera à
transformer cette malédiction en épreuve initiatique lui
permettant d'assumer son destin. » (Crocq, 1999, page
276)
CONCLUSION
Nous avons pris le parti dans ce travail de terrain et de
réflexion, de considérer le refus de soins comme un acte
pathologique, symptomatique de la depression. Nous avons vu que dans la plupart
des cas que nous avons observes et suivis, cette approche avait
été efficiente en terme de guérison de l'état
dépressif et de renoncement aux comportements suicidaires. En cela, nous
nous rapprochons de l'approche dite moraliste, qui débute au
19e siècle avec les psychiatres francais. D'apres Esquirol
(1838, page 655) : « Le suicide étant un acte consécutif
du délire ou des passions ou de la folie, (É) le traitement qui
appartient à la thérapeutique des maladies mentales repose
essentiellement sur l'appreciation des causes et des motifs determinants du
suicide ; c'est donc au traitement propre à chaque variété
de folie qu'il faut avoir recours pour traiter un individu poussé
à sa propre destruction.». Sans prendre pour autant un
quelconque parti pris envers les actes suicidaires et surtout sans les
considérer de manière aussi radicale il est probable que le choix
d'approche d'une équipe soignante comme d'une société va
influencer sur l'attitude auto-agressive du sujet. Une attitude
moraliste aura pour interest d'inciter le patient à une
réflexion critique sur son désir de mort et de prendre le temps
de retrouver en toute conscience le désir de vivre. En cela, cette
approche est cohérente avec le rôle de tout citoyen face au
désespoir, qui est de porter assistance. Nous sommes personnellement
favorable à une approche moraliste en tant que principe de
precaution. Cela n'exclut toutefois pas le respect de la liberté
individuelle si un sujet souhaite preserver sa dignité dans des
situations sans issue à une souffrance intolerable. Pour cela, les lois
actuelles proposent des solutions possibles que tout soignant doit aussi
pouvoir envisager, le cas échéant, avec un patient et sa
famille
Sur le terrain, une approche pragmatique, simple et concrete
nous a egalement permis de nous libérer en tant que psychologue de
l'angoisse liée à la crainte de l'échec
thérapeutique. Nous avons pris la precaution de ne pas alourdir notre
relation psychothérapeutique, toujours vécue dans l'ici et
maintenant, avec nos recherches et réflexions théoriques. Face
à un malade, nous tentons de nous concentrer sur les faits,
c'est-à-dire que nous faisons face à une personne toujours
vivante avec son histoire, ses sentiments, ses relations interpersonnelles et
un avenir de vie toujours possible quelqu'en soient l'issue, la durée et
la qualité.
Nous avons pu constater que c'est le travail en équipe,
qui semble la plus efficiente pour les situations à haut risque vital.
En effet, cette équipe partage une même conception des conduites
suicidaires. Elle est hétérogene mais complémentaire dans
sa formation et sa pratique. Le psychologue clinicien possede une place
particulierement plus à l'écoute du récit du patient mais
au sein d'une équipe médicale, il offre aussi son appui pour le
diagnostic et la thérapeutique. L'équipe est egalement un soutien
pour chacun de ses membres, par les avis, conseils et réflexions qu'elle
apporte concernant des situations problématiques. Les professionnels du
soin sont tres souvent en demande d'aide psychologique egalement car ils ont
à gérer des ambivalences, des doutes et des angoisses
personnelles face à leurs malades. Ces demandes ne se font pas
directement mais de maniere détournée et informelle, au cours de
la plupart des echanges que nous avions avec les soignants et les
médecins. Gr%oce au soutien de l'équipe, la tache de chacun est
plus légere à porter, mais nous avons pu constater que ce sont
surtout les médecins qui ressentent une grande angoisse, leur
responsabilité civile et professionnelle étant engagée.
C'est pourquoi, le travail en binôme médecin et psychologue, mis
en place dans cette équipe particuliere a été pour nous la
plus motivante et enrichissante des experiences d'équipe vécues
jusqu'alors.
Cette experience nous a confortés dans la motivation
à trouver notre place en tant que psychologue clinicien au sein d'une
équipe médicale en psychologie de la sante ou en psychiatrie de
liaison.
BIBLIOGRAPHIE
Abarshi E. et al. (2008). Euthanasia requests and cancer types in
the Netherlands: Is there a relationship?. Elsevier.
Akechi T. & Al. (2002). Predictive factors for suicidal
ideation in patients with unresectable lung carcinoma. Cancer, 95,
1085-1093.
Allebeck P., Bolund C. (1991). Suicides and suicide attempts in
cancer patients. Psychological Medecine,21, 979-984.
Auroy L., Eisinger F., Julian-Reynier C. (2000).
Conna»tre et prendre en charge les effets secondaires psychologiques des
chimiothérapies anticancéreuses. Bulletin du Cancer.
87(6), 463-467.
Bacqué M.F. (2001). Les deuils après
l'euthanasie des deuils à « haut risque» pour les familles,
les soignants et É la société. L'esprit du temps. Etudes
sur la mort. 2(120), 113-127.
Bacqué, M.F. (2005). Pertes, renoncements et
intégrations: les processus de deuil dans les cancers. Revue Francophone
de psycho-oncologie, 2, 117-123.
Block, S.D. (2000). Assessing and managing depression in the
terminally ill patients. Ann Intern. Med. 132 (3), 209-218.
Brown J.H., Henteleff P., Barakat S., Rowe C.J. (1986) Is it
normal for terminally ill patients to desire death ? American Journal of
Psychiatry, 143, 208-211.
CCNE (2000). Rapport "Fin de vie, arrét de vie,
euthanasie". Cahier du CCNE, 23: 13-16.
Cherny N.I. (1996). The prob lem of inadequately relieved
suffering. Journal of Social Issues, 52 (2), 13-30.
Chochinov, H.M., Wilson, K.G., Enss, M., Mowchun, N. et al.
(1995). Desire to death in the terminally ill. American Journal of Psychiatry,
152, 1185 -1191.
Crocq, L. (1993). Le trauma et ses mythes. Psychological Medecine
25(10), 992-999.
Crocq, L. (1999). Les traumatismes psychiques de guerre. Paris :
Odile Jacob.
Debout, M. (1996). Le suicide. Paris : Ellipses.
De M'Uzan, M. (1976). De l'art à la mort. Paris :
Gallimard.
Dhomont, T. (1988). A propos du syndrome de Lazare. Psychoogie
Médicale, 20, 1276.
Druss, & Al. (2000). Suicidal ideation and suicide attemps in
general medical illnesses. Archives of Internal Medecine, 160, 1522-1526.
Durkheim, Emile (1897, 2004). Le suicide. Paris : PUF.
Einborn, M. (1995). Le premier barometre sante du JdM : le Belge
face à la sante. Le Journal du Medecin, 904 : 2-3.
Esquirol, (1838). Les maladies mentales.
Freud, S. (1914, 1970). Pour introduire le narcissisme. In S.
Freud, La vie sexuelle. Paris : PUF.
Gagnon, P. et al (2002). Prevalence des troubles
psychiatriques et variables associées au delirium chez des patients
adressés à la consultation de psycho-oncologie. Bulletin du
cancer. 89 (12), 1093-1098.
Grassi, L. et al (1996). Depressive symptoms in autologous bone
marrow transplant (ABMT) patients with cancer : an exploratory study. Psycho
oncology, 5 : 305-310.
Guo, Y. & Al. (2006). The diagnosis of Major Depression in
Patients With Cancer: a comparative approach. Psychosomatics 47(5), 376-384.
Hadzi-Pavlovic, D. (1996). Melancholia: A disorder of movement
and mood: A phenomenological and Neurobiological Review. Sydney:
Gordon Parker.
Kissane, D.-W. (2004). The demoralization scale: a report of its
development and preliminary validation. Journal of palliative care. 20(4),
269-276.
Klein, M. (1934, 2004). Le deuil et ses rapports avec les
états maniaco-dépressifs. In Deuil et dépression. Paris :
Payot.
Koocher G.P., O' Malley J.E. (1981). The Damocles syndrome:
psychosocial consequences of surviving chidhood cancer. New York: Mc
Graw-Hill.
Lagache, D. (1955). Eléments de psychologie
médicale in Îuvres III. Paris : PUF.
Larcher, H. (1975). L'euthanasie. La tribune médicale,
315.
Lecours S., Bouchard M.A. (1997). Dimensions of Mentalization:
outlining level of psychic transformation. Internal Journal of Psychoanalysis
78,855-875.
Lefetz C., Reich M. (2006). La crise suicidaire en
cancérologie : évaluation et prise en charge. Bulletin of Cancer,
93(7), 709-713
Levine P.M., Silberfab, P.M., Lipowski, Z.J. (1978). Mental
disorders in cancer patients. A study of 100 psychiatric referrals.
Bulletin of Cancer 42, 1385-1391.
Loberiza Jr F.R. & Al. (2002). Association of depressive
syndrome and early deaths among patients after stem-cell transplantation for
malignant diseases. Journal of Clinical Oncology. 20, 2118-2126.
Massie, M.J. (2004). Prevalence of Depression in Patients With
Cancer. Journal of the National Cancer Institute Monographs 32, 57-71.
Miccinesi G. & Al (2004). Suicide mortality is decreasing
among cancer patients in Central Italy. Elsevier Ltd.
Moron P. (2000). La crise suicidaire : définition et
limites. Conférence de consensus Octobre 2000. In Abbar, M.,
Ades, J., Baron Laforet S. et al. (2001). La crise suicidaire. Reconna»tre
et prendre en charge. Paris : John Libbey Eurotext.
Nathan, T. (2001). L'influence qui guérit. Paris: Odile
Jacob.
Onishi, H., Kosaka, K., Miyashita, K. (2000). A manic episode
associated with bereavement in a patient with a lung cancer.
Springer-Verlag.
Nezelof, S., Vandel, P. (1998). Cancers et dépressions :
aspects épidémiologiques. L'Encéphale du Praticien, hors
série 2, 59-65.
Parle, M., Jones, B., Maguire, P. (1996). Maladaptative coping
and affective disorders a mong cancer patients. Psychological Medecine, 26,
735-744.
Pedinielli, J.L. (1989). Se sui-cider : le corps entre le
désir et l'acte. Psychologie Médical., 21, 421-425.
Prigerson, H.G., Bierhals, A.J., Kasl, S.V. & Al. (1996).
Complicated grief as a disorder distinct from bereavement-related depression
and anxiety: a replication study. American Psychiatry, 153, 1484-1486.
Pucheu S. (1988). Le sentiment de guérison et ses
aléas psychiques. Psycholie Médicale, 20, 1279-1280.
Reynaert, C., Libert , Y. et Janne, P. (2000).
Psychogénese du cancer: entre mythes, mésusage et
réalité. Bulletin du Cancer, 87(9), 655-664.
Sanders C. (1983). Effects of Sudden Versus Chronic Illness Death
on Bereavement Outcome. Omega, 13, 227-241.
Van der Maas, P.J., Van der Wal., G., Haverkate, I., De Graaf,
C. & Al. (1996). « Euthanasia, physician-assisted suicide and other
medical practices involving the end of life in the Netherlands «,
1990-1995, New England Journal of Medecine, 335, 1699-1705.
Van Gennep, A. (1909, 2000). Les rites de passage. Paris : A.
& J. Picard.
Walter J., Zemer, M. (2004). Death and Euthanasia. Ed. Rodef
Shalom Pr.
|