2.1.1. Au niveau cognitif
Quelle est la différence entre focaliser son attention
sur quelque chose et inhiber le reste ? Dans une tâche Stroop, il est
difficile de déterminer si le phénomène basique - le
ralentissement qui se manifeste lors d'essais incongruents - est dû
à une activation plus importante de la couleur de l'encre ou à
l'inhibition du nom des mots, ou les deux. Il en est de même pour de
nombreuses tâches exécutives-attentionnelles. Mais il y a un cas
-- L'inhibition de la réponse - dans lequel l'inhibition, plus que
l'attention, est clairement la clé. L'inhibition de la réponse
est la suppression de la réponse partiellement préparée
(Smith & Kosslyn, 2009)
2.1.1.1. Historique
Le premier cas de changement comportemental rapporté
dans de la littérature neuroscientifique est celui de Phineas Gage
(Kotowicz, 2007), ayant subi une perforation frontale par une barre de
métal. Pour décrire les troubles comportementaux de Phineas Gage,
Harlow, 1968 (in Meulemans et al., 2004) utilise déjà le concept
d'inhibition. Ce concept sera utilisé dans des domaines divers tel que
la psychopathologie, la psychologie développementale ou encore
neuropsychologie (Meulemans et al., 2004).
En neuropsychologie, l'inhibition est habituellement
décrite comme un processus inverse, qui freine un processus actif plus
important que l'on nomme Activation (Boujon, 2002)
Trois fonctions d'inhibition en mémoire de travail ont
été identifiées (Hasher al., 1999 ; in Meulemans et al.,
2004) : entraver le passage d'informations non appropriés,
empêcher l'exécution d'une réponse prédominante et
empécher le passage d'informations devenues non
pertinentes. Les mécanismes inhibiteurs seraient
fonctionnellement indépendants (Connely & Hasher, 1993 ; in
Meulemans et al., 2004).
Pour des raisons historiques (Bianchi, 1895; Harlow, 1968;
Luria, 1966; Shallice, 1982 ; in Andrés, 2003), un lien
spécifique entre inhibition et cortex frontal a été
fortement suggéré en neuropsychologie (Andrés, 2003).
2.1.1.2. La relation lobe frontal-inhibition.
Les lésions des lobes frontaux affectent un
système qui est fortement impliqué dans l'aptitude à
inhiber ou supprimer les stimuli ou des associations qui ne sont pas
pertinentes pour la tâche à accomplir (Dempster, 1991).
Des données en PET scan indiquent une
sensibilité à l'interférence accrue dans le cortex
préfrontal (Jonides et al., 1998 ; in Thompson-Schill, Jonides,
Marshuetz, Smith, D'Esposito, Kan, Knight, & Swick., 2002 ).
Des études indiquent la présence de troubles
(par exemple pour l'imitation, Brass et al., 2003 ; in Van Leeuwen, Van Baaren,
Martin, Dijksterhuis & Bekkering, 2009) chez des patients frontaux mettant
en avant un déficit d'inhibition. Mais encore, les lésions
frontales ont été reliées à un fonctionnement
inhibiteur réduit (Passingham, 1993 ; Smith & Jonides, 1999 ; in Van
Leeuwen et al., 2009).
Ainsi, lorsqu'il demande au patient d'imprimer à sa
main tour à tour trois dispositions (main fermée, paume sur le
bureau et main tendue placée sur le côté), Luria (1978 ; in
Boujon, 2002) constate que les patients avec lésion frontale peuvent
reproduire de façon répétitive un méme
élément de la série. Quand il demande à ces
patients de faire un dessin d'un cercle et d'une croix à tour de
rôle, ceux-ci parviennent à recopier le premier dessin de
manière itérative, sans changement entre les dessins. Luria
déduit de cette inclination à s'obstiner la présence d'un
problème dans l'inhibition des routines d'actions automatisées
(Meulemans et al., 2004).
|