Université Paris-Sorbonne
LEE KONITZ, L'ART DE L'IMPROVISATION
Yvonnick Prené
Mémoire de master 2, musique et musicologie
Sous la direction de Laurent Cugny
2011
Sommaire
Sommaire
.............................................................................................................................................
...3
Introduction
..............................................................................................................................
5
Chapitre
1.................................................................................................................................
..15
Le parcours musical de Lee Konitz : réinterrogation de
quelques mythes ....... 15
1.1 Lester Young
...............................................................................................................................
15
1.2 Charlie Parker
............................................................................................................................
26
1.3 Lennie Tristano
..........................................................................................................................
39
1.4 Les débuts dans les grandes formations de jazz
............................................................ 57
1.5 Bilan et perspectives
................................................................................................................
70
Chapitre
2.................................................................................................................................
.73
Analyse de deux improvisations sur « All the Things You Are
» ........................... 73
2.1 Origine de « All the Things You Are »
.................................................................................
75
2.2 Analyse de la première version d'« All the Things
You Are » .................................... 77
2.3 Analyse de la deuxième version d'« All the Things
You Are » ................................... 86
CONCLUSION
.........................................................................................................................101
Bibliographie
...................................................................................................................................
107
Table des exemples musicaux
...................................................................................................
113
Discographie sélective de Lee Konitz
......................................................................................
115
Index des noms
propres................................................................................................................
120
.
Table des matières
.........................................................................................................................
123
Introduction
L'idée de ce mémoire est apparue au cours de
leçons privées avec le saxophoniste de jazz, Lee Konitz (1927).
Musicien d'exception et pédagogue octogénaire, Konitz poursuit
une carrière exceptionnelle et enseigne depuis un demi-siècle
l'art de l'improvisation aux instrumentistes ou vocalistes de tous niveaux.
Entre septembre et décembre 2009, j'ai pu observer à son contact
sa discipline et apprécier son franc-parler. Il fut un mentor et une
source d'inspiration intarissable Au fil des rencontres à son
appartement situé dans le nord-ouest de Manhattan, m'est venue l'envie
de comprendre davantage son art de l'improvisation, à la fois en tant
que chercheur et en tant que musicien.
Ce mémoire est également le prolongement de mon
Master 1, consacré à un autre maître de l'improvisation,
Warne Marsh (1927-1987), saxophoniste ténor inspiré et à
mon sens très sous-estimé et peu reconnu par l'historiographie du
jazz. À l'opposé de Konitz, Marsh n'enregistrera que très
peu, le plus souvent sur des labels obscurs. On le connaît principalement
pour sa participation au groupe Super Sax dans les années 1970.
Élève et membre du quintette de Lennie Tristano aux
côtés de Konitz, Marsh partageait avec ce dernier une même
dévotion pour la maitrise de l'improvisation jazz. En outre il fut un
élève studieux de Lennie Tristano avec qui il étudia des
conceptions mélodiques et rythmiques complexes, à l'avant-garde
du be-bop.
À écouter Konitz improviser sur scène au
Village Vanguard ou au Jazz Standards, je n'ai pu m'empêcher de remarquer
à quel point sa musique avait changé depuis sa présence
dans le combo de Lennie Tristano. Ses longues mélodies inspirées
de Lester Young se sont simplifiées. Son jeu est désormais
décanté, filtré pour ne laisser que l'essentiel. C'est un
exemple de pure improvisation dans le cadre tonal issu de la tradition du jazz
américain. Peut-on rattacher son style à un mouvement particulier
de l'histoire du jazz ? À supposer que Lee Konitz joue dans le style
cool durant les années 1950, peut-on en dire autant des années
2000 ? Au cours de sa carrière que l'on peut faire débuter en
1947, il s'attacha à développer au jour le jour des idées
originales, à partir du cadre traditionnel des standards de jazz
utilisés par les musiciens depuis les années 1930.
C'est à partir d'un matériel limité, une
vingtaine de standards, augmentés des thèmes reposant sur des
progressions harmoniques familières et une poignée de
compositions originales que Konitz a développé son l'art de
l'improvisation. C'est alors qu'apparaît la question à laquelle le
développement qui suit tentera d'apporter des éléments de
réponse: peut-on parler d'un style tardif dans le cas de Lee Konitz ?
Autrement dit, la réflexion doit permettre de comprendre
l'émergence d'un nouveau style qui couronne soixante ans de recherche
musicale.
Cette étude se focalisera sur des improvisations
sélectionnées de Konitz. Deux de ses solos seront minutieusement
analysés, tous provenant du célèbre standard « All
the Things You Are » composé par Jerome Kern et dont l'auteur des
paroles est Oscar Hammerstein II. Ces analyses montreront l'évolution de
Konitz comme improvisateur en commençant avec sa performance au
Confucius Restaurant dans le quartette de Lennie Tristano en 1954,
puis avec une récente interprétation de ce standard en quartette
au Village Vanguard en 2009, qui provient d'un enregistrement officieux. Aussi
mes recherches tenteront d'établir la genèse de son style. Moins
spectaculaires que celles de Charlie Parker, John Coltrane ou Ornette Coleman,
les innovations de Konitz apportèrent une contribution non moins
importante à l'histoire du jazz. Dernier illustre représentant de
la génération du jazz moderne nous verrons ainsi en quoi il
contribua de manière unique à prolonger les découvertes du
be-bop.
Afin de répondre à la problématique, le
champ de la réflexion doit s'élargir et prendre en
considération des éléments extra-musicaux. Nous
élargirons l'étude aux dimensions historiques, sociologiques et
biographiques, englobant la formation et le parcours professionnel de
Lee Konitz. De plus, nous tenterons d'établir les
caractéristiques stylistiques de Konitz dans la première partie
de sa carrière, ses relations avec les mondes du be-bop et du cool
requérant donc une prise en compte des enregistrements du
saxophoniste, de ses influences mais aussi d'éléments de sa
biographie.
Dans la première partie de mon exposé je
tâcherai de rendre compte de son parcours. Une première
sous-partie sera consacrée au développement du jeune Konitz. Je
montrerai clairement les influences qui ont façonné sa
personnalité musicale telles que Louis Armstrong, Lester Young, Lennie
Tristano et Charlie Parker. Ces analyses tenteront de réunir plusieurs
remarques afin de trouver un système cohérent de critères
permettant de comprendre comment s'est forgé le
style de Lee Konitz. Ensuite, il me semble nécessaire
de questionner certaines des idées fausses qui circulent depuis des
décennies dans la littérature jazzistique. Nous isolerons l'une
de ces idées et tâcherons de l'éclaircir. Au fil de mes
recherches j'ai constaté que l'on considéra à tort Lee
Konitz comme un saxophoniste cool ce qui dénotait souvent sous la plume
des critiques, un aspect négatif. Certains journalistes et critiques
musicaux qualifiaient son jeu de froid et cérébral. De plus il a
été admis que Konitz et plus largement les musiciens
associés au clan Tristano ne savaient pas jouer le blues, ni ne
pouvaient swinguer. Tout d'abord nous tenterons de réévaluer
l'opposition entre cool et be-bop en redéfinissant ces mouvements puis
nous testerons la véracité de ces mythes. La suite de cette
première partie sera dédiée aux étapes du parcours
de Konitz, principalement les premiers orchestres, au côté de
Claude Thornhill, le Nonette de Miles Davis, l'orchestre de Stan Kenton et sa
carrière solo.
Au cours de la seconde partie, je m'emploierai donc à
analyser trois solos de Lee Konitz sur « All the Things You Are ».
Les improvisations ont été choisies dans différentes
époques de sa carrière et révéleront les
évolutions successives du jeu de Konitz improvisateur. Nous
pourrons constater les éléments de maturation de son style au fur
et à mesure de l'étude. La réflexion sera donc
chronologique. Il convient de s'attarder sur la méthode qui sera
employée dans le développement. Afin de pouvoir apporter des
éléments de réponse au problème tel qu'il a
été posé, la méthode qui paraît la plus
appropriée consiste à analyser les improvisations de Konitz. En
revanche, ce type d'analyse pose une difficulté, car l'improvisation
n'est pas, par définition, notée. De plus, aucune des
improvisations enregistrées à ces diverses périodes par le
saxophoniste n'a encore fait l'objet d'une publication. La première
étape du travail consiste donc à transcrire ces improvisations,
d'une part, mais aussi les différentes interprétations du
thème, car la façon dont il est joué peut contribuer
à une réflexion stylistique. En analysant le matériel d'un
point de vue pratique, c'est-à-dire à travers le prisme de
l'improvisateur, je me suis efforcé de puiser des
éléments utiles à la fois au chercheur et au
musicien. Toutes les transcriptions analysées ou citées ont
été réalisées par moi-même au cours de mes
recherches. Afin d'acquérir une connaissance approfondie de la musique
étudiée, je me suis appliqué à chanter avec le
disque la majeure partie des solos discutés. Je procède donc en
premier lieu à une écoute active en
chantant avec l'improvisateur, puis je mémorise et joue
le solo avec mon instrument en tâchant de reproduire le plus
fidèlement les nuances du solos. Enfin, après transcription du
solo sur papier, je me consacre à son analyse mélodique,
rythmique et harmonique. Le dossier final sera rendu avec un enregistrement
audio personnel dans lequel j'interpréterai plusieurs morceaux de mon
choix dans l'esprit de Lee Konitz. De plus, la dernière analyse sera
l'occasion d'évaluer ou non l'existence d'un style tardif de Lee Konitz
selon la définition de Joseph Strauss: « Le `'style tardif''
est une catégorie esthétique observable dans tous les arts. En
musique, le style tardif d'un artiste est supposé avoir certaines
qualités intrinsèques telles que l'intimité, la nostalgie,
le fragment, la concision et est associé à plusieurs facteurs
externes comme l'âge avancé du compositeur, une conscience de
l'approche de la mort, le respect de ses prédécesseurs. Le style
tardif est relié à la condition physique ou mentale de l'artiste:
la plupart des compositeurs qui écrivent au cours de ce que l'on peut
appeler leur style tardif ont partagé des expériences similaires
de handicap physique ou mental. Ensuite, ils expriment leurs
états à travers la
musique et le résultat est souvent lié
à ce qui est généralement nommé style tardif.
»1
Il convient d'ajouter, du point de vue méthodologique,
qu'une analyse qui se donne pour objectif de situer une improvisation par
rapport à un style donné, le be-bop et le cool en
l'occurrence, ne peut être menée sans une étude
préalable destinée à mettre en évidence les
critères de distinction de ce style. Ces critères constituent par
la suite une grille de lecture, et l'analyse se fera dès lors
comparative, cherchera à mettre en évidence ce qui, dans le jeu,
peut être rapproché de cette grille, et ce qui ne peut y
être intégré. De plus, les éléments
trouvés soutiendront mon désir de soulever certains
présupposés sur l'improvisation en jazz. Par son exemple, Konitz
nous montre qu'il est possible d'improviser réellement sans le secours
de
schémas travaillés a priori ou de
chemins préétablis. Pourtant, même si sa musique ne
recouvre
1 STRAUSS, Joseph, Disability and Late Style in
Music, Journal of Musicology, 2008, p3. «Late style» is a
longstanding aesthetic category in all the arts. Late-style music is presumed
to have certain internal qualities (such as fragmentation, intimacy, nostalgia,
or concision) and to be associated with certain external factors (such as the
age of the composer, his or her proximity to and foreknowledge of death,
lateness within a historical period, or a sense of authorial belatedness with
respect to significant predecessors). Upon closer inspection, it appears that
many of these external factors are unreliably correlated with a musical style
that might be described as late. Late style is often better correlated with the
bodily or mental condition of the composer: most composers who write in what is
recognized as a late style have shared experiences of non-normative bodily or
mental function, that is, of impairment and disability. Composers inscribe
their disabilities in their music, and the result is often correlated with what
is generally called late style''
pas les appellations free jazz ou bien
improvisation libre, elle n'en est pas moins aussi
improvisée et imprévisible.
De nombreux articles et entretiens existent sur Lee Konitz
mais peu de recherches universitaires sérieuses ont été
menées malgré sa longue carrière. Aucune étude ne
s'est penchée sur son style, particulièrement celui
d'aujourd'Hui. La plupart des journalistes et écrivains ont
présenté leurs analyses en privilégiant sa période
avec Tristano. La présente recherche se distingue d'autres études
consacrées à Konitz et a été réalisée
à travers ce point de vue privilégié. L'unique ouvrage
substantiel paru à ce jour sur Konitz est Lee Konitz Conversations
on the
Improviser's Art de Andy Hamilton, publié par
The University of Michigan Press2, en 2007.
C'est une nouvelle approche de la biographie juxtaposant des
interviews de Konitz et divers musiciens, qui, à ma connaissance
n'existait pas auparavant. L'auteur a procédé à des coupes
minimales afin de préserver au plus près les propos de Konitz.
L'altiste, en toute franchise, fait part de ses goûts et nous plonge avec
humour et honnêteté dans ses soixante années de
carrière. Ainsi l'ouvrage retrace-t-il la vie du saxophoniste de
manière précise, au travers de commentaires de proches et
de Konitz lui-même. Hamilton a effectué un travail important
d'entretiens avec des musiciens majeurs tels que Joe Lovano, Phil Woods,
Ornette Coleman ou Sonny Rollins. Il ne fait aucun doute que le recours
à la parole directe d'acteurs de l'histoire du jazz facilite le travail
du musicologue en quête de critères pertinents pour qualifier la
musique d'un artiste à une époque donnée. De ce point de
vue, l'étude de l'ouvrage d'Andy Hamilton s'avère
éclairante. En outre, la biographie comporte en plus quelques
transcriptions de solos et de compositions de l'altiste. On aurait toutefois
aimé un approfondissement des chapitres consacrés à ses
compositions. Par rapport à la question de recherche, bien qu'il n'y ait
pas de chapitre consacré au Late Style, des remarques
intéressantes apparaissent néanmoins au fil des interviews.
L'annexe comporte une discographie très pertinente où sont
mentionnés d'une part les séances en leader et sideman et de
l'autre des enregistrements privés. Un ouvrage très
précieux qui m'a
été d'une grande utilité.
2 HAMILTON, Andy, Lee Konitz Conversations on the
Improviser's Art,
Durant mes recherches, j'ai pu consulter un article
intéressant paru sur A Blog Supreme, de Patrick Jaenwattamamon,
intitulé On Lee Konitz And Late Style3. Travaillant
pour la radio NPR Jaenwattamamon s'occupe de retransmettre en direct des
concerts du célèbre club de Manhattan, le Village Vanguard, dont
un du quartette de Lee Konitz. L'auteur applique les concepts d'Edward Said
tirés de son essai intitulé Late Style à
l'altiste Konitz. Selon Said, dans le cas de certains artistes, la vieillesse
est perçue comme synonyme de sérénité, d'harmonie
et
d'apogée d'une carrière. On peut le constater
chez Bach, Matisse, Rembrandt. En revanche pour d'autres, la vieillesse et
la maladie développeraient chez eux de l'intransigeance, plus de
difficulté et de contradiction. La musique de Lee Konitz qui, à
mesure que le temps passe, devient « fragmentée »,
composée « d'harmonies complexes » et « imparfaites
» rejoint cette vision de Said. L'idée développée est
séduisante, mais ne va pas sans poser certains problèmes.
Néanmoins, elle met en germe des idées de recherche de ce
mémoire.
La méthode employée ici combine histoire orale,
recherches d'archives, ainsi que des analyses musicales. Aussi, pour
réaliser ce mémoire, je me suis appuyé sur un ensemble
varié de sources : ouvrages généraux concernant l'histoire
du jazz (The Oxford Companion to Jazz édité par Bill
Kirchner 4 , Bebop To Cool Context, Ideology, and Musical
Identity de Eddie S. Meadows5), des biographies (An
Unsung Cat - The Life and Music of Warne Marsh de Stafford
Chamberlain6, Lennie Tristano - His Life in Music de Eummi
Shim7, Lee Konitz Conversations
on the Improviser' Art de Andy Hamilton8,
The Legacy of Lennie Tristano de Peter Ind9,
Miles,
the Autobiography de Miles Davis et Quincy
Troupe10, Lester Young de Lewis Porter11), des
ouvrages critiques (Out of Nowhere de Marcus M.
Cornelius12, Hommes et problèmes du jazz
3 «consulté en août 2010»
http://www.npr.org/blogs/ablogsupreme/2010/01/lee_konitz_and_late_style.html
4 KIRCHNER, Bill, The Oxford Companion to
Jazz, New York, Oxford University Press, 2005.
5 MEADOWS, Eddie S, Bebop To Cool Context,
Ideology, and Musical Identity, Praeger Publishers, 2003.
6 CHAMBERLAIN, Stafford, An Unsung Cat - The
Life and Music of Warne Marsh, Lanham, The
Scarecrow Press, 2005.
7 SHIM, Eummi, Lennie Tristano - His Life in
Music, Ann Arbor, The University of Michigan Press, 2007.
8 HAMILTON, Andy, Lee Konitz Conversations on the
Improviser's Art. Op.cit
9 IND, Peter, The Legacy of Lennie Tristano,
Italie, Equinox, 2005.
10 DAVIS, Miles, TROUPE, Quincy, Miles The
Autobiography, New York, Simon & Schuster, September
1989.
11 PORTER, Lewis, Lester Young, Ann Arbor,
The University of Michigan Press, 1985.
12 CORNELIUS, Marcus, Out of Nowhere, France, Aurora
Nova, 2002.
d'André Hodeir 13 , Lennie and
Ornette, searching for Freedom improvisation de Jari
Perkiomaki14), des entretiens personnels avec des musiciens de jazz
(Bill Kirchner, Ben Street, Lee Konitz, Jérôme Sabbagh, Peter
Bernstein, Dave Glasser, John Klopotowski, Connie Crothers). En ce qui concerne
la recherche d'archives, j'ai collecté d'appréciables
donnés grâce à
un travail méticuleux d'examen de différentes
sources, ce qui m'a permis de documenter ces activités et de recouper
les propos de Konitz. Je me suis rendu à diverses reprises aux archives
du Lincoln Center afin de consulter de riches interviews de Konitz
durant les années 1950, provenant des magazines Down Beat,
Cadence, Jazz Hot, des entretiens audio en anglais menés par la
pianiste Marian McPartland 15 , des sites internet contenant des
interviews, articles et
analyses (Jazz History Database16, Jazz
Standard17, All About Jazz18, The New
Yorker19, Jerry
Jazz Musician20, Lennie Tristano
Experience21, ProQuest). Le corpus de cette étude comporte
des enregistrements de Lee Konitz et d'autres musiciens (Charlie Parker,
Lester Young, Count Basie, Lennie Tristano). Figurent également en
annexe des transcriptions de solos de Lee Konitz ainsi que les biographies de
certains des musiciens présents sur ces enregistrements.
Ayant eu l'opportunité d'étudier aux
États-Unis, grâce au programme d'échange de
l'Université Paris-Sorbonne, au City College de New York, à la
Columbia University, ainsi qu'à la New School of Jazz and Contemporary
Music, j'ai consacré mon temps à approfondir mes connaissances
sur l'histoire du jazz et d'autre part à mettre en pratique les concepts
étudiés. Aussi, j'ai profité de mon séjour pour
recevoir l'enseignement de musiciens tels que Lee Konitz, Charles
Persip, Peter Bernstein, Kevin Hayes, Reggie Workman, Connie Crothers, Ben
Street,
John Patitucci et Jane Ira Bloom. Certains d'entre eux m'ont
fait part de leurs opinions sur Konitz.
1954).
13 HODEIR, André, Hommes et
problèmes du jazz, Marseille, Parenthèse, 1981
(1ère éd. Paris, Flammarion,
14 PERKIOMAKI, Jari, Lennie and Ornette, Searching
for Freedom Improvisation, thèse de doctorat,
Helsinki, Sibelius Academy, 2002.
15 consulté en août 20
10
http://www.npr.org/programs/piano-jazz/
16 Idem
http://www.jazzhistorydatabase.com/
17 Idem
http://www.jazzstandards.com/
18 Idem
http://www.allaboutjazz.com/
19 Idem
http://www.newyorker.com/
20 Idem
http://www.jerryjazzmusician.com/
21 Idem
http://www.lennietristano.com/
J'ai également mené des entretiens avec
des personnes associées à Lennie Tristano (les
''Tristanoites''), tels que le guitariste John Klopotowski,
ancien élève de Warne Marsh, la pianiste Connie Crothers,
ancienne étudiante de Tristano. Les précieuses informations
recueillies au cours des interviews ont rendu possible d'approcher les
thèmes soulevés concernant la vie et de la musique du pianiste de
manière comparative et documentée.
Chapitre 1
Le parcours musical de Lee Konitz :
réinterrogation de quelques mythes
Il s'agit ici de mettre en évidence des
éléments des musiques de Lester Young (1909-
1959), Lennie Tristano (1919-1978) et Charlie Parker
(1920-1955) qui influencèrent Lee Konitz. Ainsi, ces
éléments pourront-ils servir de points de repère lorsque
sera abordée la musique du jeune saxophoniste.
L'influence de Lester Young qui sera ici mise en évidence
est à retrouver dans le son, les mélodies et la conception
rythmique de Konitz.
1.1 Lester Young
C'est par l'intermédiaire de Stan Koscow que Konitz
entend pour la première fois à l'âge de seize ans Lester
Young. À Chicago, tous deux jouaient dans l'orchestre de danse du
clarinettiste Jerry Wald. Saxophoniste et émule de Young, Koscow fit
écouter des albums du « Prez22 » au jeune Konitz
autour de 1945.
Né le 27 aout 1909, décédé le 15
mars 1959, Lester Young fut un saxophoniste novateur de l'histoire du jazz.
Maillon important dans le passage du swing au be-bop, il est souvent
considéré comme un précurseur du cool jazz. Contrairement
au style de ténor dominant basé sur le jeu de Coleman Hawkins,
lequel reposait notamment sur un son épais, puissant et des harmonies
sophistiquées, Young se démarqua de ses contemporains en adoptant
un son unique
22 Ce surnom lui a été attribué
par Billie Holliday, Prez est le diminutif de Président.
proche du saxophone alto et un style mélodique et
aérien. Pour ne pas réduire Young simplement à ces aspects
généraux, il est utile d'illustrer les facettes de son jeu. Mises
côte à côte, ses innovations multiples apparaissent
contradictoires. Considéré comme le père du cool jazz, il
est aussi à l'origine de l'effet graveleux appelé
honk entendu avec l'orchestre de Count Basie et
employé largement ensuite par les saxophonistes de rhythm'n'blues. Young
est aussi un joueur renommé de ballades comme on le constate à
l'écoute des versions de « These Foolish Thing » de 1945 et
« She Is Funny That Way » datant de 1946, lesquelles
préfigurent deux ans plus tôt la fameuse version d' «
Embraceable You » par Charlie Parker. En outre, il s'adonnait aussi au
tempo rapide, comme sur sa composition la plus enregistrée « Lester
Leaps in » qu'il interprétait avec beaucoup de swing et de passion.
Par la suite, ces aspects de son jeu furent développés par des
musiciens qui étaient pour la plupart catégorisés
musiciens cool. Son lyrisme et sa sonorité légère
apparaissent chez Stan Getz et Warne Marsh, ses riffs et autres honks
musclés chez les saxophonistes inspirés par le
rhythm-and-blue tels que Gene Ammons et Illinois Jacquet. Enfin, son
phrasé fut largement copié par Zoot Sims et Al Cohn parmi
d'autres. Lee Konitz et Warne Marsh, contrairement à la plupart des
suiveurs du Prez, consciemment poursuivirent l'esprit du grand improvisateur
plutôt que l'imitation pure de ses riffs et autres honks. Les
enregistrements de Count Basie auxquels il a participé ainsi que ceux
aux côtés de Billie Holiday dans les années 1930 sont
considérés comme ses plus aboutis (la séance de 1936 du
Kansas City Six, Glenn Hardman et son Hammond Five, Basie's Bad Boys, Teddy
Wilson et Billie Holiday). C'est à partir de ceux-ci en priorité
que l'on tâchera de comprendre les aspects marquants du jeu de Prez qui
ont influencé le jeu de Konitz.
23 Honk est un un effet spectaculaire du
saxophone qui consiste à surjouer une note dans le registre grave ou
aigu.
1.1.1 Un swing contagieux
On peut d'abord s'intéresser à la mise
en évidence des aspects rythmiques
caractéristiques du style de Lester Young.
Aux dires de Lee Konitz, Lester Young est l'exemple parfait de
l'improvisateur accompli.
« C'était de la musique magnifique, il ne
sonnait jamais de manière frénétique, ni de manière
forcée. Il jouait plutôt de manière
décontractée en mettant chaque phrase en place dans un bon
groove. C'était très joli et à la fois très
intense. »24 Dans ces propos, Konitz oppose le
caractère «forcé» et
«frénétique» de certains improvisateurs à la
fluidité de Prez qui reste quant à lui
«décontracté» et maître de son improvisation. Il
confirme également ses qualités rythmiques.
On pourrait dire ainsi qu'il swinguait sans effort. À
première vue, il est juste de rappeler que Young commence la
pratique instrumentale à la batterie avec l'orchestre de sa famille
The Blue Devils. Selon l'illustre Jo Jones, un des principaux batteurs
de Young après 1942, ce dernier serait le meilleur batteur qu'il ait
entendu. Sa mise en place précise et son aisance à interagir avec
le batteur, quel que soit le tempo, suggéraient une fondation rythmique
solide. On note la fluidité rythmique du jeu de Lester à travers
la diversité des figures rythmiques employées, et ce dans les
tempos lents, moyens et élevés. Là où Coleman
Hawkins et Don Byas, jouent la plupart des solos en croches parfois
agrémentées de triolets, Lester Young semble rechercher sans
cesse de nouvelles combinaisons rythmiques dans ses phrases comme on peut
l'observer dans son solo sur « When You're Smiling » avec
Billie Holiday et l'orchestre de Teddy Wilson25.
24 HAMILTON, Andy, Conversations on the
Improviser's Art, The University of Michigan, 2003, page 10 «He never
sounded frantic nor did he sound as if it was an effort to play. He sounded as
if he was sitting back and putting everything right. It was very pretty and at
the same time very intense»
25 WILSON, Teddy, Teddy Wilson & His Orchestra
featuring Billie Holiday, New York, Columbia, 1938.
Exemple musical 1 : « When You're Smiling », Teddy
Wilson & His Orchestra featuring
Billie Holiday, 1938. Dix mesures d'improvisation de Lester
Young.
Son passé de batteur lui aurait permis de
développer au cours de son adolescence cet atout important de son jeu.
Le pianiste Oscar Peterson et accompagnateur de Young se souvient de son
expérience avec ce dernier: « Lester avait cette remarquable
habilité à transmettre la beauté depuis lui-même
à la section rythmique. Il avait coutume de jouer des lignes qui
étaient si
relaxe, même à un tempo rapide, que la section
rythmique se relaxait elle aussi. »26
On pourrait affirmer que son style est la combinaison d'un
swing à la fois «intense», c'est-à-dire une
façon de Young d'ajuster ses notes juste sur le temps comme on peut le
constater sur les enregistrements au cote de Basie, et d'autre part laid-
back27, tel que l'on peut s'en apercevoir un peu plus tard
dans sa carrière, quand son jeu devint langoureux et derrière le
temps. Selon Young, « Je pense qu'ils finiront tous par revenir au
swing et à la musique de
danse une fois de plus. Aujourd'hui beaucoup de choses sont
juste de passage. Pour moi la
26 CAPONI Gena Dagel, Signifyin(g),
sanctifyin', and slam dunking, Amherst University of Massachusetts
Press,1999, p 256"Lester had this remarkable ability to transmit
beauty from within himself to the rhythm section.[He would] play some
lines that were so relaxed that, even at a swift tempo, the rhythm section
would relax."
27 « Laid back » pourrait
être traduit par « en retenant ».
musique doit swinguer en premier. »28
Soliste dans l'orchestre de Count Basie, Young faisait danser le public
avec un swing énorme. Il façonna un style énergique, funky
et inventif. Ses deux solos légendaires sur « Lady Be Good »
29 et « Shoe Shine Boy » 30 dévoilent
Young, 27 ans, surfant sur les registres du ténor, usant des techniques
de honk31 et du crooning32 avec un flot
d'idées toujours renouvelées. Une caractéristique
de son style qui apparaît alors est l'accentuation des temps
faibles. On remarque que Young commence ou termine ses phrases
souvent sur les deuxième et quatrième temps de
la mesure comme on le constate sur l'exemple
suivant :
Exemple musical 2 : « Lady Be Good », Count
Basie, Chicago, 1936. Cinq mesures de
l'improvisation de Lester Young.
28in HENTOFF, Nat, «Pres: One Of Jazzdom's
Greats Reminisces», Down Beat, mars 1956. «I think
they'll all be finally coming back to swinging and to dancing to music again. A
lot of the things now are just novelties. For me, the music has to swing
first.»
29 BASIE, Count, The Essential Count Basie,
Vol. 1, Sony, Chicago, 1936.
30BASIE, Count, The Lester Young Story (Proper Box
8), Decca, Chicago, 1936.
31 Le honk est un effet expressif de saxophone qui
consiste à «surjouer», une note et à la
répéter en l'accentuant. L'initiateur de cette technique est
Illinois Jacquet. On peut l'entendre pour la premiere dans son
célèbre solo sur «Flying Home» en 1942 avec
l'orchestre de Lionel Hampton.
32 «Crooning» ce terme le plus
souvent applique au chanteur tel que Sinatra ou Tony Bennett designe une
manière de jouer doucement, presque en murmurant une
melodie.
À l'écoute, Young flottait au-dessus des barres
de mesures et semblait communiquer directement aux auditeurs à travers
son ténor avec une voix calme et sage. Selon Konitz « c'est
tout coordonné et très joliment façonné
[...]». Complexe dans sa simplicité [...] polyrythmique.
» 33 Complexe car le jeu de Young
était imprévisible. Ses phrases pouvaient chevaucher la
carrure de telle façon que ses idées
mélodiques n'étaient pas soumises au joug de la barre de
mesure.
L'accentuation du quatrième temps est un
procédé rythmique efficace qui produit une impression
d'instabilité et d'asymétrie. On peut le remarquer dans le pont
de « Shoe Shine Boy » lors de la première grille du solo
de Young. Ce procédé sera largement employé par les
musiciens bop, notamment Charlie Parker au cours de la version en concert de
« Cheryl »34.
Exemple musical 3 : «Shoe Shine
Boy», Count Basie, 9 novembre 1936, Mosaic Records.
Improvisation de Lester Young sur Shoe Shine Boy (A7; Dm7; G7 ; Gm7 ;
C7)
Young utilisait des motifs rythmiques qui se prolongeaient sur
les mesures suivantes. Relaxe même sur des tempos rapides, son
tempérament était plutôt cool que hot.
Ses lignes mélodiques enjambaient les mesures et narguaient la carrure.
De cette manière il créait un effet de déplacement tout en
restant dans la carrure. En conséquence, on peut affirmer que son
style
était linéaire, axé sur le riff plutôt
que sur une conception élaborée de l'harmonie. Toujours
33 «Communication personnelle» Octobre
2010.
34 PARKER, Charlie, Complete Savoy live
performances from the Royal Roost, Savoy, 1947.
d'après Konitz « swinguer reste la chose la
plus dure, vraiment. Je suis encore en train d'y travailler! C'était
sans problème pour Lester. » 35 Aussi, la
façon de Young tout à fait nouvelle de phraser en croches sur des
tempos moyens influencera les instrumentistes de l'ère swing et du
be-bop.
1.1.2 Le langage mélodique
Selon Loren Schoenberg « Ses solos
révèlent une perfection architecturale qui contraste avec leur
apparente simplicité. » 36
Dans l'histoire du saxophone jazz, il existe deux courants
majeurs d'improvisateurs représentés par Coleman Hawkins et
Lester Young. Ce dernier possède une approche linéaire
fondée sur de longues lignes, un débit lâche, comme une
sensation d'écoulement dans le phrasé ainsi qu'un renouvellement
constant d'idées mélodiques. Son solo sur « Lady Be Good
» en donne un exemple parfait. Young développe son solo
logiquement. Ses phrases mélodiques s'enchaînent les unes aux
autres. Contrairement à luiYoung, le style de Coleman Hawkins est
caractérisé par une sonorité large, un son de saxophone
affirmé avec des inflexions bluesy et des riffs.
Ses improvisations sont dites ''verticales'', car il
adhère d'avantage aux harmonies du morceau. On observe un goût
prononcé pour les notes de passages, et les substitutions harmoniques.
Chez Lester en revanche, on ne décèle pas de trace de
pentatonisme, de gamme de blues ni de clichés hot ou be-bop. En
cela son style est passe-partout. Son jeu versatile s'adaptait aux multiples
situations de jeu du jazzman de l'époque et pouvait ainsi s'adonner
à des contrechants magnifiques au côté de Billie Holiday,
swinguer avec Basie, et se confronter aux boppers de l'époque tel
qu'Oscar Peterson et Charlie Parker dans les années 1950. Cette
simplicité mélodique qui est en même temps une richesse,
Young l'a puisée en partie chez le
saxophoniste Frankie Trumbauer.
35 HAMILTON, Andy, Conversations on the
Improviser's Art, op.cit, p. ??
36 KIRCHNER, Bill, Oxford Companion jazz,
Lester Young by Loren Schoenberg, Oxford University
Press, 2005.
Exemple musical 4 : « Jive at Five », Count Basie, 4
février 1939. Seize mesures de
l'improvisation de Lester Young.
Ce qui frappe dans ses improvisations est sa capacité
à se renouveler sans cesse en utilisant un matériel
limité. Pour Konitz, c'est de «l'improvisation totale
diatonique». Si l'on examine les mesures 7 à 12 de l'exemple
musical 4, Young assemble une longue phrase diatonique dans la tonalité
de mi bémol majeur. Son usage de figures rythmiques
particulières telles que les groupes de cinq notes aux mesures 9 et
10, provoquent un déphasage entre les phrases et la carrure du morceau.
Sa capacité a créer de nouvelles combinaisons rythmiques surprend
et captive l'auditeur. En effet, le vocabulaire mélodico-harmonique de
Young dépasse rarement les intervalles de sixte et de neuvième.
1.1.3 Le chant
De par sa tessiture et son expressivité, le saxophone
ténor est un instrument proche de la voix. Bien qu'il soit souvent
joué à des fins de virtuosité pure, certains
improvisateurs tels que Young et Konitz, envisagent le saxophone comme le
prolongement de leurs voix. Ils construisent leurs improvisations en suivant
leur chant intérieur et favorisent ainsi le son et l'expression. Pour
Young, connaître les paroles d'une chanson enrichit l'improvisation du
soliste. « Un musicien doit connaître les paroles des chansons
qu'il interprète. Cela apporte du sens. Ensuite, vous pouvez exprimer ce
que vous désirez en sachant ce que vous êtes en train de faire.
Beaucoup de musiciens de nos jours ne connaissent pas les paroles des morceaux.
En conséquence, ils ne jouent que sur les changements harmoniques. C'est
pourquoi j'aime écouter des chanteurs
quand je suis chez moi. J'apprends le texte des morceaux
à partir du disque. » 37 De plus, le
poème d'une chanson développe l'imagination du
soliste et permet en outre une mémorisation de la mélodie. Young
partageait avec Konitz une passions pour Franck Sinatra (1915-1998).
D'après Konitz « Young chantait avec son saxophone. »
38 Au côté de Bille Holiday (1915-1959), il pouvait
être minimaliste, paraphrasant le plus simplement la mélodie d'une
chanson comme sur
« Foolin' Myself ».
37 HENTOFF Nat, Pres: One of Jazzdom's Greats
Reminisces, Down Beat, 1956 «A musician should know the lyrics of
the songs he plays, too. That completes it. Then you can go for yourself and
you know what you're doing. A lot of "musicians that play nowadays don't know
the lyrics of the songs. That way they're just playing the changes. That's why
I like records by singers when I'm listening at home. I pick up the words right
from there."
38 HAMILTON, Andy, Conversations on the
Improviser's Art, op.cit
Exemple musical 5 : « Foolin' Myself », Billie
Holiday, « Lady Day & Pres 1937-1941,
1937 ». Seize mesures d'improvisation de Lester
Young.
Il existe d'ailleurs un enregistrement de Young sur lequel il
chante accompagné du trio d'Oscar Peterson (1925-2007), « Two to
Tango »39, paru en 1952.
1.1.4 Le son
Le son est le premier aspect du jeu de Young qui attira le
jeune Konitz. Young se distinguait du son robuste, opératique,
doté d'un large vibrato de Coleman Hawkins. Adolescent, il puisa son
inspiration chez les saxophonistes Jimmy Dorsey (1904-1957) et Frankie
Trumbauer (1909-1956) ainsi que chez le cornettiste Bix Beiderbecke
(1903-1931). Il commença sa carrière au saxophone alto,
s'inspirant de Jimmy Dorsey puis de Trumbauer. Il confia dans un entretien avec
Leonard Feather, alors critique pour le Los Angeles Times, son
admiration pour le
saxophoniste: « Trumbauer était mon idole...j'ai
tenté de me rapprocher du son du saxophone
39 YOUNG, Lester, «With the Oscar Peterson
Trio», Verve, New York, Novembre 1952.
en ut au ténor. C'est pour cela que je ne sonne pas
comme les autres. » 40 Ces musiciens sont
connus pour leur style retenu, leur son classique pourvu d'un
délicat vibrato. L'enregistrement de
« Singin' the Blues » en 1927, par Frankie Trumbauer
et son orchestre en compagnie de Bix Beiderbecke au cornet et d'Eddie Lang
à la guitare en est un exemple parfait. Franck Bergerot et Arnaud Merlin
qualifient la sonorité de Young de « lisse, voilée et sans
vibrato. » 41
Malgré une idée reçue, Young utilisait un
vibrato placé en queue de phrases. Pour s'en convaincre, il suffit
d'écouter le célèbre solo qu'il exécuta sur «
Lady Be Good ». Bien que moins émotionnel et plus léger
comparé à celui de Hawkins, il n'en est pas moins plein
d'intensité. D'après Warne Marsh, saxophoniste ténor et
émule de Young, la conception consistant à atténuer le
vibrato provenait de sa pratique de la clarinette classique. Pour Lee Konitz,
le vibrato chez Young, était utilisé uniquement à des fins
musicales et se séparait ainsi de certains saxophonistes tels que Ben
Webster et Coleman Hawkins qui privilégiaient une expression plus
émotionnelle de la musique.
1.1.5 Lester Young : un père du jazz moderne
À l'instar de Louis Armstrong, Young fut un
modèle pour un grand nombre de musiciens du jazz moderne. En effet, sa
liberté rythmique, son phrasé élégant et sa
sonorité lisse furent des éléments précurseurs des
mouvements suivants, be-bop et cool. L'admiration de Konitz pour Young n'a pas
cessé depuis sa première rencontre avec le maitre jusqu'à
aujourd'hui. Pour Konitz, son ami le saxophoniste Warne Marsh était d'un
point de vue musical le plus proche de Lester Young. « Tellement de
types ont basé leur jeu sur Young: Stan Getz, Zoot Sims, Al Cohn, Paul
Desmond, Wardell Gray, Allen Eager...mais Warne ne l'a pas seulement
imité, il incarnait
l'esprit de Lester Young. » 42
Konitz rendit hommage à Young à de multiples
reprises en
40 HENTOFF, Nat, Pres: One Of Jazzdom's Greats
Reminisces, Down Beat, 1956 «He played the C melody saxophone. I
tried to get the sound of a C melody on a tenor. That's why I don't sound like
other people.»
41 BERGEROT. F. et MERLIN A,
L'épopée du jazz, vol. I, Du Blues au bop, Gallimard
Découvertes n°114,
1991, page 96.
interprétant plusieurs morceaux fameux et solos
de Lester. Ainsi « I Want a Litle Girl »,
enregistré au soprano en 1975 sur Oleo43 est un
clin d'oeil à la version originale44 de Young à la
clarinette. Konitz affectionne particulièrement les enregistrements de
Young avec l'orchestre de Count Basie. Il reprend le célèbre
solo de Young sur « Lady Be Good » dans les albums
Tenorlee 45 et Once Upon a Line46. En
outre, Konitz et le saxophoniste Richie Kamuca, en duo, closent une version de
« Tickle Toe »47 en interprétant le solo de Young
comme une coda. Enfin, nous avons pu constater combien Young fut un
modèle essentiel dans la formation de Konitz jusqu'à la
découverte de Charlie Parker.
1.2 Charlie Parker
L'influence exercée par Charlie Parker sur Konitz se
manifesta en deux étapes: une attitude de rejet tout d'abord puis une
assimilation irrépressible de sa musique. Nous commencerons par une
brève étude des innovations de Parker, puis nous comparerons son
style à celui de Konitz en mettant en perspective leurs traits communs,
ainsi que le son, le répertoire, la virtuosité et les divergences
visibles dans leurs conceptions respectives de l'improvisation. Il s'agira
moins d'observer des critères de différenciation entre
deux styles à partir d'exemples musicaux que de comparer les
procédés employés par ces musiciens, afin de disposer de
repères à partir desquels pourra être menée
l'analyse de la musique de Lee Konitz.
1.2.1 Charlie Parker, une révolution musicale
L'année 1945 marqua le sommet de la carrière de
Charlie Parker avec la publication sur le label Savoy des enregistrements
mythiques du quintette comprenant « Koko »,
42 «consulté en août 2010»
dothemath.typepad.com/dtm/1-18-with-lee-k.html»So many guys came out
of Pres: Stan Getz, Zoot Sims, Al Cohn, Paul Desmond, Wardell Gray, Allen
Eager...but Warne did not just an imitation, but embodied the actual spirit of
Lester Young.»
43 KONITZ Lee, Oleo, Sonet, New York, 1975
44 YOUNG Lester, The Kansas City Sessions,
Commodore, New York, 1938
45 KONITZ Lee, Tenorlee, Candid, New York,
1977
46 KONITZ Lee, DANKO Harold, Once upon a
Line, Musidisc, Paris, 1990
47 KONITZ Lee, The Lee Konitz Duets,
Milestone, New York, 1967
« Now's the Time » et « Billie's Bounce.
»48 À ce moment, le swing et ses grands orchestres
laissaient la place au jazz moderne et à ses petites formations. Le
be-bop, plus qu'un style parmi d'autres, devint le courant majeur du jazz. Son
premier représentant en était Charlie Parker. Ses innovations
établirent un nouveau standard de jeu. Aucun autre musicien n'aura
autant sollicité l'intérêt de ces pairs. Sa musique
était une synthèse de divers éléments provenant
à la fois du blues de Kansas City, du swing, de la musique populaire,
des chansons de Broadway, de Tin Pan Alley 49 et des folks
songs. Les musiciens de jazz qui ont le plus compté pour Parker
étaient précisément Louis Armstrong, Don Byas, Lester
Young (avec qui il enregistra lors des concerts du JATP50), Johnny
Hodges, Art Tatum, Benny Carter et Coleman Hawkins. Parker réussit
à adapter le blues rural à une musique moderne plus
élaborée. Dans son laboratoire musical, Parker mêla d'une
manière naturelle les nuances du blues vocal aux harmonies chromatiques.
Son sens de la pulsation et son concept rythmique lui permirent une grande
liberté mélodique. Ainsi, il pouvait commencer ses phrases
musicales sur n'importe quel temps de la mesure, faible ou fort, à
l'image de Lester Young. Le style de Parker comprenait donc l'habilité
à jouer le blues, à swinguer à l'instar de jazzmen des
années 1930, un vocabulaire harmonique élaboré et une
technique phénoménale du saxophone alto.
1.2.2 Une influence dissimulée ?
Konitz reconnaît avoir eu la chance de débuter
son apprentissage avec Lennie Tristano avant d'avoir entendu Charlie Parker.
Tristano détecta quelque chose d'unique dans son approche de la ligne.
Cette sensibilité à la mélodie, conjuguée aux
connaissances harmoniques et
48 PARKER Charlie, Complete Savoy
Sessions, Savoy, New York, novembre 1945
50 JATP- Jazz at the Philharmonic
était le nom attribué à une série de concerts,
tournées et enregistrements produits par Norman Granz. De 1944 à
1983 le JATP engagea les musiciens de jazz parmi les plus reconnus de leur
époque.
rythmiques transmises par Tristano, produisit une conception
originale de l'improvisation. Il fut un maillon essentiel dans la
formation de Konitz. Selon lui, « Tristano avait
étendu les harmonies et les permutations rythmiques. C'était
vraiment intriguant à cette époque et cela m'empêcha de
succomber réellement, comme tout le monde, à l'influence de
Parker. »51 Il invita Konitz à prendre un chemin
différent de celui de Parker à travers l'étude
poussée de l'harmonie, du rythme et des lignes mélodiques
influencées par les compositeurs classiques comme Bach. Il
encouragea le jeune altiste à formuler sa propre voix
sans tomber dans les sillons de Bird, comme tant d'autres à cette
époque : Phil Woods, Gene Quill (1927-1988), Jackie McLean (1931-2006),
Cannonball Adderley (1928-1975) , Sonny Stitt (1924-1982)... D'ailleurs,
certains altistes des années 1950 tels que Jimmy Heath (1926),
surnommé à l'époque « Little Bird », et Sonny
Stitt passèrent au ténor, lassés d'être pris pour
des imitateurs de Parker. L'originalité de Konitz ne passa pas
inaperçu chez ses contemporains et fut une occasion de dissensions chez
les musiciens. « A l'époque, il y avait une très forte
désapprobation de mon jeu parmi les imitateurs de Charlie Parker. Ils ne
me jugeaient pas très dans le coup. Maintenant on me remercie
d'avoir
développé un concept personnel.
»52
Au même moment, Prez et Bird étaient devenus les
chefs de files de leurs instruments respectifs et avaient de nombreux
admirateurs. La plupart des musiciens blancs qui imitant leurs styles
rencontraient d'avantage de succès. Tristano perçut en son temps
ce phénomène et le condamna: « Si Charlie Parker
désirait invoquer les lois relatives concernant le plagiat il pourrait
attaquer presque tout ceux qui enregistrèrent un album dans les dix
dernières années.
Si j'étais Bird, j'aurais mis en prison tous les
meilleurs boppers du pays ! »53 Au contraire,
51 «consulté en août 2010»
http://www.jazzweekly.com/interviews/konitz.htm
«Tristano had ideas of extending the harmonies and the rhythmic
permutations. That was very intriguing at the time and kept me from really
getting very involved, as everyone else was, with Charlie Parker's
influence».
52 «consulté en août 2010»
http://jazztimes.com/articles/27721-lee-konitz-a-q-a-by-ethan-iverson
«Back then, there was a lot of disapproval of my playing on the part
of those guys who played like Charlie Parker. They didn't think I was very hip.
Now I get thanked for developing an idea of my own.»
53 TRISTANO, Lennie , Blindfold Test Down Beat,
1951 « If Charlie Parker wanted to invoke plagiarism laws he could sue
almost everybody who's made a record in the last ten years. If I were Bird, I'd
have all the best boppers in the country thrown into jail! »
Konitz est souvent décrit par les critiques tel que
Andy Hamilton dans Conversations on the Improviser's Art comme le seul
saxophoniste alto de la fin des années 1940 à être
resté totalement étranger à l'influence de Parker. Durant
mes recherches j'ai pu constater qu'il se défendait à chaque
interview de cette affirmation. À vrai dire, il était difficile
de s'isoler radicalement de son jeu tant son style était répandu
dans le milieu du jazz. Les jazzmen s'écoutaient
énormément les uns les autres, que ce soit par le biais des
enregistrements, ou, de façon directe, au cours des jam
sessions, ce qui permettait l'échange d'idées et à la
musique de se développer. De plus, le jeune saxophoniste a
rencontré Parker à de multiples reprises, notamment pendant une
tournée du JATP au début des années 1950. En
réalité la relation s'est faite en deux temps : Le rejet puis
l'assimilation inévitable. L'interview récente de l'altiste par
Bruno Pfeffer est révélatrice. « Oh, mais j'en ai
toujours écouté. Un musicien
monumental ; ce type vole (il se met à chanter le
solo de « Don't Blame Me »54 Vous Voyez
? Je
le connais par coeur. Simplement, je voulais amener autre
chose. Alors je me suis interdit de jouer sa musique. Je me suis appuyé
sur mes premières émotions. J'adorais Johnny Hodges. Le premier
son que j'ai identifié. Ses ballades m'ont marqué. Comme celles
de Lester Young. Ils sont mes influences majeures... Avec Louis Armstrong.
»55 L'altiste nous laisse entendre qu'il tâcha de
maintenir à bonne distance cette figure écrasante du père
de l'alto moderne afin de pouvoir à son tour devenir un artiste
original. Dans une interview accordée à 1996 dans
Jack
Fifties Jazz Talk, Konitz révélait les
raisons de son rejet premier de Parker. « À l'évidence
Charlie Parker était une influence majeure à l'alto, mais pour ma
part, je n'ai pas ressenti de difficulté à l'éviter car le
tempérament de sa musique ne m'avait pas traversé. À cette
époque je n'arrivais pas à m'identifier à
l'intensité de sa musique. Finalement, c'était mon ego qui
s'exprimait et je me rendis compte que je passais à côté du
plus grand saxophoniste alto de tous les temps. Je commençai à
apprendre sa musique sans pour autant adopter son vocabulaire parce que
c'était une telle tentation de jouer ces belles mélodies
comme tout le monde.
Néanmoins j'avais d'autres stimuli.
»56 Afin de se dégager de Parker, Konitz nous
suggère ici
54 PARKER Charlie, The Dial Masters: Original Choice
Takes, Spotlite, 4 November 1947, New York.
55 PFEFFER, Bruno, Ca Va Jazzer, 2
009,
http://jazz.blogs.liberation.fr/pfeiffer
56 GORDON, Jack, Fifties Jazz Talk: an Oral
Retrospective. Lanham, Md: Scarecrow, 2004, p122
différentes influences lorsqu'il affirme «
J'avais d'autres stimuli. » Il s'agit probablement de Lennie
Tristano et Lester Young. Il emploie les termes « tempérament
» et « intensité » pour définir ce qui le
différencie de Parker. On peut se demander s'il évoque le «
tempérament » du musicien noir par rapport à celui du
jazzman blanc. Existe-il une différence sur le plan esthétique
? Franck Socolow, un saxophoniste blanc se remémore l'ambiance
de Harlem à l'époque du be-bop. « Il n'y avait pas de
place pour les conneries. Si un type blanc jouait du bon jazz, cela aurait
été avec le feeling des noirs, parce que le type blanc qui jouait
avec un feeling
authentique jouait la musique des Noirs.
»57 C'est donc un certain type d'approche de la musique
que signifie le « feeling noir ». Si ces termes
connotent un jeu musclé, bluesy voire funky, de ce point de vue Konitz
est plus proche de Lester Young que de Parker : « J'admirais plus
Charlie Parker quand il jouait quelque chose qui provenait de Lester. Dans les
dernières années, Bird pouvait devenir un peu trop bluesy pour
moi. » À son goût les phrases de Parker teintées
de blues sonnaient de temps en temps comme des clichés et perdaient leur
authenticité. Il ajoutait également dans le même registre
« J'adore le défi qui consiste à jouer sur le blues de
douze mesures. Mais, comme je ne peux pas m'identifier avec l'origine de la
naissance du blues, c'est
simplement une forme de douze mesures sur laquelle je joue
quelque chose qui a du sens. »58
Konitz se sert du blues comme d'un prétexte pour
improviser sur sa structure et ces harmonies si caractéristiques.
L'expression du blues se révèle ainsi différente chez les
deux altistes. En dépit de ces divergences, on observe au cours des
années 1950 que les critiques n'hésitèrent pas à
comparer le jeune Konitz à Parker, alors affaibli par l'usage des
drogues. Selon Robert Aubert et Jean-Francois Quievreux, « plusieurs
influences semblent à l'origine de son style. L'influence de Charlie
Parker prédomine chez lui, mais son jeu est plus terne, moins
coloré et ses solos ne font jamais montre de la chaleur et de ces
aspérités qui sont une de caractéristiques du jeu du
Bird.
Et il ne possède ni le punch ni le swing
énorme de Parker. »59 Pour décrire le jeu
de Konitz, ils
28. «consulté en août 2010»
http://thebadplus.typepad.com/dothemath/2009/08/1-18-with-lee-k.html
« I admired Charlie Parker the most when he played something like
Lester. In the later years, sometimes Bird could get too bluesy for
me»
57 GITLER Ira, Swing to Bebop: An Oral History of the
Transition in Jazz in the 1940s. 1985 :307
58 HAMILTON Andy, Conversations on the Improviser's
Art, op cit p130 «I love the challenge of playing
a twelve-bar blues. But since I can't identify with the
original birth of the blues, it is just a twelve - bar form to play something
meaningful on it «
59 ROBERT Aubert, QUIEVREUX Jean-Francois, Lee
Konitz, Jazz Hot, juillet- août 1950,7.
utilisent un adjectif comme « terne » et
signalent en outre son absence de « chaleur », d'«
aspérités », de « punch » et de « swing
». Cette critique met en lumiere les faiblesses du jeu de Konitz lorsque
l'on le compare au style de Parker, mais c'est aussi ce son personnel, cette
nouvelle approche du rythme et de la ligne, plus intuitive, qui
différencient les deux saxophonistes. On le rappelle, à
l'époque il fut presque impossible de trouver un saxophoniste
à la mesure de Parker. Konitz ne débuta sérieusement
l'apprentissage des thèmes be-bop et l'étude des solos
qu'après la mort de ce dernier comme le suggéra Jackie McLean au
cours d'un blindfold test du journal Down Beat. Selon McLean «
Étrangement, le style de Lee s'est tourné plus vers Parker
depuis cette période. Au milieu des années cinquante, il
commença à être influencé par Bird, ce qui ne peut
gêner personne. Plus tard, Lee avait l'habitude de paraphraser Parker
dans ses progressions harmoniques, alors que dans ses jeunes
années, il ne l'avait jamais fait. »60 Konitz s'est
construit à l'ombre du be-bop afin de se préserver et
créer son style propre.
De plus, il n'a jamais porté le costume des boppers et
imité leurs extravagances. « J'ai toujours
détesté le comportement des hippies, les drogues et tout le
reste. Je ne m'identifiais pas avec le style de vie des Noirs ... Je me sentais
comme un étranger. »61 Konitz remarquait que
l'attitude et la personnalité de Parker hors scène eurent un
rôle néfaste sur sa musique, contrairement à Lester Young :
« Voilà, c'était cent pour cent de la musique. Il n'y
avait pas d'ego impliqué, pas d'attitude, pas de Noir ni de Blanc,
c'était de la musique pure,
contrairement à Charlie Parker parfois. Il y avait
des choses extra musicales qui se mêlaient à sa musique. En
revanche, quand il était au meilleur de sa forme, il sonnait
superbement. Quand il ne saturait pas son jeu ou jouait de manière funky
et tout, ce n'était pas ce que je préférais entendre chez
lui. En outre, son jeu avec l'orchestre de Jay McShann, c'était quand
il
commençait, ça c'était un son
purement magnifique. »62
60 BIMBAUM Larry, Blindfold Test with Jackie Mclean,
Down Beat,1965
61 HAMILTON Andy, Conversations on the
Improviser's Art, The University of Michigan, 2003, p121
«I always hated the behavior of the hippies, with the
drugs and all that. I didn't identify with the black
people's lifestyle -I felt pretty much like an outsider,
actually.»
2 Consulté en août 2010,
http://www.sawf.org/Newedit/edit09182000/musicarts.asp
«Well, it was one-hundred percent music. There was no
ego involved, no attitudes, no black and white, it was pure music, and Charlie
Parker less in a way. There were some problems
1.2.3 Les caractéristiques principales du jeu de
Charlie Parker
On pourrait ramener les aspects du style de Charlie Parker que
l'on retrouve chez Konitz à trois caractéristiques principales :
le son, la virtuosité et le répertoire.
1.2.3.1 Le son
Radicalement différent de ces
prédécesseurs et contemporains, le son d'alto de Parker est dur
et sec. Son utilisation du vibrato varie selon le type de morceau
exécuté. Dans les pièces rapides, Parker emploie un
vibrato léger et court. Ses attaques franches s'accordaient au nouveau
style de jeu, vif et anguleux, qui exigeait plus de précision. Son
vibrato devenait expressif dans les ballades sentimentales et les blues. En
tous cas, le son de Parker contrastait avec le timbre riche et sentimental de
Johnny Hodges (1906-1970) et de Benny Carter. Lee Konitz se souvient de la
première fois qu'il entendit le son de Parker. « C'était
difficile au début. J'ai même eu quelques soucis avec Charlie
Parker. Parce que j'avais l'habitude d'écouter Benny Carter et Johnny
Hodges et des gens comme eux. Mais bien sûr, après quelques
écoutes, Parker devint
quelqu'un de très spécial.
»63
Au milieu des années 1950, les critiques
français Robert Aubert et Jean-François Quievreux dédient
un article au jeune Konitz alors en pleine ascension. Ils comparent le jeune
Konitz, 23 ans à l'époque, encore en pleine formation, au Bird,
en ces termes : « sa sonorité est un curieux mélange de
Parker et de saxophone classique : elle est curieusement lisse et blanche,
presque figée, et ne manque pas de charme. Un vibrato bref et
serré placé sur la dernière note de chaque longue phrase
donne à sa musique un caractère curieusement chaleureux. Cette
sonorité lisse est encore renforcée par une attaque tranchante et
une technique instrumentale
hors pair. »64 Les
caractéristiques sonores décrites à travers les
expressions « mélange de Parker
that came out through his music that were extra musical. But
at his best his sound was a
great sound also. When he wasn't really over blowing or being
funky and everything, that wasn't my favorite part of him. But I mean if you
ever heard him, his playing with Jay McShann, that's when and where he started,
that was pure beautiful sound»
63 «consulté en
août 2010»
http://www.allaboutjazz.com/php/article.php?id=1087
«It was difficult at first. I even had trouble with
Charlie Parker at first. Cause I'd been listening to Benny Carter and Johnny
Hodges and people like that. But of course after some listening, [Parker]
became very special."
64 ROBERT Aubert, QUIEVREUX
Jean-Francois, Lee Konitz, Jazz Hot, juillet- août 1950,7.
et de saxophone classique », «
attaque tranchante » avec un « vibrato bref
» dénotent une parenté certaine avec le style de
Parker et plus largement l'appartenance de Konitz au mouvement bop. Les
adjectifs pour distinguer sa « sonorité lisse », le
son de « saxophone classique » renvoient également
aux reproches généraux sur les musiciens cool. Il aurait
été judicieux aussi de reconnaître la jeunesse de Konitz et
de prendre en compte le temps nécessaire pour acquérir un son
mûr. Encore une fois, on doit bien admettre qu'il était difficile
à l'époque, comme tout aussi bien aujourd'hui, pour n'importe
quel musicien de soutenir la comparaison avec Parker.
1.2.3.2 Virtuosité rythmique et
mélodique
On définit la virtuosité comme une grande
habileté artistique. Nous envisagerons la virtuosité de Parker
à deux niveaux : la variété rythmique dans un premier
temps, puis la fluidité sur les tempos rapides et sur les ballades dans
un second temps. D'un point de vue rythmique, Parker possédait un sens
du tempo solide qui lui permettait ses envolées mélodiques. Il
est étonnant de constater que cette part essentielle de son art a
été souvent sous-estimée. L'aspect rythmique de Parker est
en fait réellement novateur. En revanche, la plupart des conceptions
harmoniques qu'il utilisa, c'est-à-dire les accords de passage et le
recours aux superstructures d'accord employées dans une perspective
originale avaient déjà été explorés par des
musiciens tels qu'Art Tatum, Don Byas (1912-1972) et Coleman Hawkins
(1904-1969). En posant le regard sur l'histoire du jazz, un changement majeur
s'opéra dans les années 1928 et 1932. Le rôle de la
contrebasse et de la batterie s'organisa de manière nouvelle, notamment
dans le big band de Count Basie (1904- 1984) avec le contrebassiste Walter Page
(1900-1957) et le sextette de John Kirby (1908-1952). La formation de ce
dernier fut une des pionnières du jazz swing et ouvrit les portes au
be-bop. En visionnaire, Kirby révoqua le tuba pour la contrebasse avec
laquelle il exécutait des walking basses. Son sextette
comprenait ainsi contrebasse, batterie, piano, clarinette, saxophone alto et
trompette. Le batteur de sa formation marquait le temps avec la grosse caisse
et introduisit de nouveaux accents à la caisse claire qui étaient
jusque-là automatiquement placés sur le deuxième et
quatrième temps de la mesure. Ainsi, le rôle du batteur
évolua durant la période swing vers une plus grande
liberté vis-à-vis de la façon de jouer le tempo et
l`interaction avec les autres membres de la formation devint monnaie courante.
Parfois, au cours de
son improvisation, Bird pouvait diviser une mélodie en
groupes irréguliers qui rappelaient les figures d'accompagnement
à la caisse claire et à la grosse caisse. En outre, les notes
accentuées de Parker jaillissaient à des moments souvent
imprévisibles et à intervalles irréguliers. Nous pouvons
l'observer dans l'exemple suivant :
Exemple musical 6 : « Koko », Savoy, 1945, quatre
mesures d'improvisation de Charlie
Parker (Dbmin; Gb7 ; B sur deux mesures).
« Koko » est un des premiers morceaux du be-bop
à avoir été enregistré. Le thème de Parker,
construit sur les harmonies de « Cherokee », s'ouvre avec
une mélodie complexe rythmiquement, interprétée en
homorythmie par la trompette et le saxophone alto. S'ensuit un échange
de courtes improvisations jusqu'au solo de Parker. On raconte que le jeune
Miles Davis et le pianiste Sadik Hakim (1919-1983) étaient
supposés participer à l'enregistrement de Parker. Devant les
difficultés rencontrées, ils préférèrent
laisser la place aux musiciens plus chevronnés. Improviser sur un tempo
extrême comme celui-ci exige une grande maîtrise technique de
l'instrument. A cette époque, les musiciens capables de produire un tel
solo sur les harmonies sophistiquées de « Cherokee »
étaient peu nombreux. On pense à Dizzy Gillespie, Art Tatum,
Lennie Tristano, Fats Navarro et Bud Powell. Finalement, Gillespie joua de la
trompette durant le thème et se mit au piano pendant le solo de Parker.
On remarque également l'interaction de Parker et Max Roach (1914-1985),
l'un des plus grands batteurs de Bird, au moment de l'interprétation du
thème et durant les improvisations. Contrairement aux batteurs de la
période swing, dont le principal rôle était de maintenir un
tempo régulier en faisant très peu attention aux improvisations
des solistes, Clarke n'hésitait pas à engager Parker dans un
dialogue rythmique. C'était un dialogue hautement interactif qui se
déroulait sur le moment, une création instantanée pourvue
de sens qui comprenait des phrases, des exclamations, des accents, une
ponctuation. Clarke bouleversa le rôle traditionnel du batteur. Assujetti
jusque-là à maintenir un
tempo régulier pour les danseurs, il devint un vrai
accompagnateur et une source d'inspiration pour les solistes. Clarke pointa la
connexion omniprésente dans le be-bop entre la batterie et le soliste :
« quand les cymbales sont jouées en accords avec ce que le
soliste joue, quelque chose qui correspond, c'est vraiment beau, à
ce moment tout arrive, juste ici. »65 Avec Dizzy
Gillespie, le langage rythmique de Charlie Parker était en ainsi
à l'avant-garde de son époque. L'unité rythmique
élémentaire employée par Parker de même que la
plupart de ses pairs (Bud Powell, Dizzy Gillespie Thelonious Monk (1917-1982)
était la croche. Néanmoins, le recours à la double
croche parfois même au sextolet était
fréquent dans ses interprétations de ballades ou dans les
pièces avec un tempo moyen tel que sur « Parker Mood
»66.
Exemple musical 7 : « Parker's Mood », Savoy. Deux
mesures du solo de Charlie Parker
(Eb7).
Lester Young usait d'une grande variété
rythmique déjà au côté de Count Basie : croches,
noires, syncopes, par exemple sur le morceau « When You're Smiling
». Comparé à Young, les solos de Parker apparaissent plus
denses. Aussi pour contourner la division des phrases conventionnelles du swing
en quatre ou huit mesures, Parker et les boppers construisirent des lignes
mélodiques asymétriques et prolongèrent la longueur de
leurs phrases. Elles pouvaient être placées de manière
inopinée en début ou à la fin de la mesure. Konitz et
Tristano, héritiers de ces avancées apportèrent à
leur tour un degré supérieur de sophistication rythmique comme
nous le verrons dans le chapitre consacré à Lennie
Tristano. Habitué au jeu des saxophonistes de
l'ancienne génération - Johnny Hodges (1906-1970),
Benny Carter (1907-2003) et Lester Young
65 GILLESPIE, Dizzy, To Be, or Not to Bop, Univ
Of Minnesota Press, 2009, p100 «When the cymbals are played according
to what the soloist is playing, something that corresponds, it's really
beautiful. That's where the whole thing happens, right there.»
66 PARKER, Charlie, Charlie Parker All Stars, Savoy,
New York 1948.
- la découverte de Charlie Parker fut un choc pour
Konitz. « Lorsque pour la première fois j'écoutai
Parker, je fus vraiment émerveillé mais pas encore
convaincu. » 67 Virtuose certainement dans leurs styles
respectifs, le jeu des maitres du swing contrastait avec la maîtrise
instrumentale, la fluidité des phrases et la virtuosité technique
de Parker. Le bop échappait encore à l'oreille du jeune Konitz.
Ainsi la virtuosité est évidente chez Parker, par exemple quand
il prend son envol sur des ballades comme « Embraceable You », «
Don't Blame Me » ou « Out of Nowhere ». En dédoublant son
débit, il atterrissait toujours élégamment sur le temps.
Elle est aussi évidente dans la version de « Koko
»68, enregistré sur le label Savoy en 1945, dans
laquelle Parker, en dépit du tempo de 300 à la noire et des
changements d'accords complexes, Parker parvient à créer une
mélodie continue, construite avec logique, et des phrases qui font sens.
Parker improvise de façon extrêmement claire, afin de bien
faire ressortir les harmonies, dont l'enchaînement dans « Koko
» était très rapide.
1.2.4 Un répertoire commun
Lee Konitz et Charlie Parker partageaient un
répertoire commun issu du cadre traditionnel des standards de jazz
dont l'origine se trouve dans les chansons de Tin Pan Alley, des
morceaux composés par les musiciens de jazz et enfin, dans une moindre
mesure pour Konitz, à travers le blues. La différence majeure se
trouve dans le recours intensif de Parker aux grilles harmoniques de « I
Got Rhythm » et des multiples formes du blues dans ses compositions
plutôt
que l'usage des show tunes69 de Broadway.
Exception faite de l'album Charlie Parker With
Strings70 qui fut composé
exclusivement de standards. Il est la compilation de deux séances pour
le label Mercury. Néanmoins, le répertoire de Konitz était
plus diversifié car il comportait d'avantage de standards et en
revanche moins d'anatoles 71 et de blues. Pour autant,
67 HAMILTON, Andy, Conversations on the
Improviser's Art, The University of Michigan, 2003, page 15
68 « Koko » est construit sur la
grille du célèbre standard de Ray Noble, Cherokee
69 Un Show Tune est une chanson populaire
originalement écrite pour une comédie musicale ou un film.
70 PARKER Charlie, «Charlie Parker With
Strings», Mercury, New York, novembre 1949 et juillet 1950
71 L'anatole est un terme employé par les
musiciens francais pour indiquer une forme AABA de 32 mesures bâtit sur
la grille harmonique du standard «I Got Rhythm ».
l'interprétation de « Blues for Bird »72
en solo de saxophone, lors du dixième anniversaire de la
disparition de Parker, témoignait d'une profonde
maitrise du blues.
Comme Parker précédemment, les improvisations de
Konitz effacent parfois les mélodies
sur lesquelles elles étaient basées. A
titre d'exemple, « Embraceable You » est rebaptisée
« Meandering ». Sur cette ballade Parker commence
à improviser dès les premières mesures. Une marque
distinctive des musiciens de jazz des années 1920 et 1930 qui
préféraient coller davantage à la mélodie. On note
que Lester Young avec « These Foolish Things »73 ou
Coleman Hawkins sur « Body and Soul » avaient déjà
exploré cette pratique mais uniquement en utilisant la ballade comme
vecteur. En outre, Konitz interpréta des compositions de Parker telles
que l'énergique « Donna Lee » sur l'album Lee Konitz
with Warne Marsh paru en 1955.
Curieusement, au moment de la reprise du thème, ils
débutèrent la mélodie sur le deuxième temps de la
mesure (temps faible) alors que Parker et Gillespie partaient sur le
troisième. L'originalité de ce procédé ne semble
pas indispensable à la performance. Konitz ne paraît pas aussi
à l'aise dans cet exercice. Le déplacement rythmique
occasionné contribue en outre à noyer le swing du morceau.
1.2.5 Deux conceptions de l'improvisation
Enfin, nous pouvons distinguer entre ces deux maîtres
des différences de point de vue liées à leur approche
unique de l'improvisation. Konitz, au côté de Tristano
développa une manière plus intuitive d'aborder son solo. Il
construisit ses improvisations avec un réservoir limité de
phrases préconçues, et reposait assez sur les autres musiciens
pour lui fournir de nouvelles idées. Par contre, si un soir
l'inspiration venait à lui manquer, il n'avait pas de plan
nécessaire pour ce sortir de ce genre de situation embarrassante. De
cette façon, il n'avait pas la garantie de pouvoir délivrer une
improvisation d'une qualité homogène à chaque performance.
Aussi, on note dans ses interventions la place qu'il accorde au silence. Il
laisse passer quelques mesures de façon à prendre de la distance
vis-à-vis de la musique qu'il est en train de peindre,
72 The Charlie Parker 10th Memorial Concert,
New York, Limelight Records, 1965
73 YOUNG Lester, «The Complete Savoy
Recording», New York, 18 Avril 1944.
pour observer sa toile avec une vue d'ensemble. Ensuite, il
rentre dans le vif du sujet avec des idées fraiches et une
vivacité nouvelle. L'enjeu est d'improviser note à note en
étant conscient de l'intensité et du timbre de chaque son
produit. En outre, pense-t-il davantage pour enchaîner un accord à
l'autre en termes d'intervalles qu'en gammes. On associe autant Bud Powell que
Lester Young à cette conception de l'improvisation.
Quant à Parker, ses improvisations s'élaboraient
à partir de plusieurs types d'approches. Tout d'abord on remarque une
stratégie combinatoire. Dans son ouvrage intitulé Analyser le
jazz
74 Laurent Cugny définit ce type
d'improvisation ; « la combinatoire : le soliste assemble des
unités a priori sans lien entre elles. »
Selon James Patrick, Parker façonnait ses improvisations à partir
de motifs travaillés préalablement qu'il assemblait
spontanément. « Parker fondait ses solos a partir de la grille
harmonique sous-jacente, en créant sans arrêt des nouvelles
mélodies qui n'avaient pas de ressemblance certaines avec l'originale.
En agissant de la sorte, Parker utilisait souvent un procédé de
centonization connu des musicologues par lequel, de nouvelles
phrases sont créées à partir de
formules mélodiques préexistantes. »75 On
qualifie cette approche
également de compositionnelle. Pour Konitz, il
était d'avantage un «compositeur» qu'un improvisateur pur,
focalisant sur la mélodie en tâchant d'éviter les
licks. Ce procédé appelé centonization
suggère un assemblage de formules mélodiques
préparées. Thomas Owen appliqua cette formule à Parker
dans Charlie Parker: Techniques of Improvisation76. Dans
une étude minutieuse d'environ 250 solos de Parker, Owen comptabilisa un
total de 100 motifs récurrents. Il observait à l'analyse que
Parker appliquait un motif particulier en fonction de la grille harmonique et
de la tonalité, à la fois en jouant sur les accords
déjà établis, les superstructures et
des accords de passage. Néanmoins, Parker
possédait également une pensée mélodique
horizontale qui lui donnait la liberté d'interagir avec ce qui ce
passait autour de lui, en particulier avec le batteur. Konitz met en
lumière la part omniprésente d'imprévisibilité et
d'improvisation
pure chez lui. « Il concevait ces superbes lignes et
les assemblaient de la manière la plus logique
74 CUGNY, Laurent, Analyser le Jazz, Outre Mesure,
Paris, 2009
75 PATRICK, James, «Charlie Parker», The
Oxford Companion to Jazz, Oxford University Press, New
York, 2000 `'Parker based his solos on the underlying
chord structure, endlessly creating new melodies with no obvious resemblance to
the originals. In doing so, Parker often used a process known to musicologists
as centonization whereby new works are created out of short, preexisting
melodic formulas.''
76OWEN, Thomas, Charlie Parker:
Techniques of Improvisation, non publié, Los Angeles, 1974
et les interprétaient jusqu'à ce qu'elles
prennent vie, ensuite il décidait de dépendre de ce qui
communique réellement avec son public. »77 Enfin,
au cours de ses improvisations en public, il lui arrivait d'incorporait des
citations provenant aussi bien du répertoire jazz que classique, sans
pour autant briser la continuité mélodique. L'intuition
était prédominante dans son style ainsi que le recours à
de courtes cellules mélodiques caractéristiques. Pour lui «
intuitif signifie que vous n'avez pas vraiment de plan. Vous commencez
à jouer avec une concentration intense et, ajoutez une note après
l'autre. »78 Chez Konitz, nous remarquons de courtes
cellules mélodiques caractéristiques de son style. Plus simples
d'exécution, elles sonnent également de manière moins
préméditée et mécanique, comparées aux
motifs de Parker.
1.3 Lennie Tristano
Pianiste, compositeur et pédagogue, Lennie Tristano
était atteint de cécité depuis son enfance. Il fut un
acteur essentiel dans la formation de Lee Konitz de 1943 à 1952. En
dépit de son handicap, il entra à 12 ans à l'American
Conservatory of Chicago, terminant ses études avec une licence en
musique à la fin de l'année 1943. C'est à la même
époque qu'il s'attacha un cercle de jeunes musiciens prometteurs qui
furent à la fois ses disciples et collaborateurs, dont le guitariste
Billy Bauer, le saxophoniste Warne Marsh et Lee Konitz également natif
de Chicago. Âgé de 15 ans, il jouait déjà
professionnellement dans les clubs au ténor et à la clarinette
lorsqu'il rencontra pour la première fois Lennie Tristano. «
Par accident, je travaillais avec un de ces orchestres de danse de Chicago.
J'avais quinze ou seize ans, et je traversais la rue pour aller écouter
un ami à moi qui était en train de jouer. Lennie était
dans l'autre groupe, qui était un peu comme un orchestre de rumba. Nous
sommes entrés en communication immédiatement, et
je sus que cela serait une opportunité pour
réellement apprendre la musique. » 79 En 1945,
77 HAMILTON, Andy, Conversations on the
Improviser's Art, The University of Michigan, 2003 page 103 « he
conceived those great phrases and fit them together in the most logical way,
and played them until they came alive- and then decided to depend on what
really communicates with his audience».
78 HAMILTON Andy, Conversations on the Improviser's
Art, the University of Michigan, 2003 page 22
« `'Intuitive'' means you don't really have a
plan-starting to play, and with intense concentration putting one note after
another ».
79 HAMILTON, Andy, Conversations on the Improviser's
Art, The University of Michigan, 2003, page 5
Tristano enregistra au Birdland80 quelques morceaux
en piano solo qui furent parmi les plus acclamés par la critique.
Malheureusement les bandes ne verront pas le jour avant leur
publication posthume en 1977. Il fut nommé musicien de
l'année 1947 par Barry Ulanov, critique du magazine Metronome et apparut
sur scène au côté de Charlie Parker, Miles Davis et Dizzy
Gillespie (1917-1993) avec le Metronome All Stars. Tristano assembla un
sextette dans les années 1948-49 qui, à la manière d'un
laboratoire, marqua l'histoire du jazz par ses expérimentations
rythmiques et mélodiques. La formation comprenait Billy Bauer
(1915-2005) à la guitare, Arnold Fishkin (1919-1999) à la basse,
Konitz, Marsh et Denzil Best (1917-1965) à la batterie. Les harmonies
produites par les saxophones alto et ténor interprétant les
lignes serpentines de Tristano laissèrent en général une
impression favorable chez le public. Cependant la critique fut
généralement cinglante, qualifiant la musique de Tristano de
« cérébrale » et
« glaciale ». Il a été reconnu
également comme un précurseur du free jazz pour les
enregistrements d'« Intuition » et de « Digression »81
en 1949. Réalisé dix ans avant les premiers prises
d'Ornette Coleman et Cecil Taylor (1929), cette séance était
entièrement improvisée si l'on excepte les instructions
précédant la performance concernant l'ordre d'entrée des
solistes. Le groupe incluait Lee Konitz, Warne Marsh et Billy Bauer. Konitz
exprime son amertume en ce qui concerne le manque de reconnaissance des
musiciens «free» des années 1960 qui ne mentionnèrent
pas l'influence qu'ils auraient reçue de la pièce «
Intuition » : « Personne dans
toutes ces discussions n'a pris la peine de mentionner
cela. Et vous savez très bien que ces gars ont écouté ce
disque quelque part en route. Cela n'est pas arrivé de nulle part.
»82 Tristano fonda à New York en 1951 la
première école de jazz dont les plus fameux étudiants
furent Bud Freeman (1906-1991), Art Pepper (1925-1982), Bob Wilber (1928), Mary
Lou Williams (1910-
1981) Phil Woods (1931), Dave Liebman, Connie Crothers (1941).
D'après Konitz toujours, « il
Lee Konitz,»By accident. I was working with one of
the dance bands in Chicago. I think I was fifteen or sixteen, and I went across
the street where a friend of mine was playing. Lennie was in the other band,
which was like a kind of rumba band. We got in communication immediately, and I
knew that this was my opportunity to seriously learn something about the
music»
80 Célèbre club de Manhattan.
81 TRISTANO, Lennie, » Lennie Tristano and Warne
Marsh, Intuition», Capitol, New York, 1949 .
82 MEADOWS, Eddies, Bebop to Cool, Praeger Londre,
2003, « No one in all this talk, hardly ever mentions that. And you
know damn well that these cats have heard that record somewhere along the line.
It just
doesn't come from no place. ».
était le premier à présenter une
méthode pour l'improvisation en jazz. Presque tout le monde à un
moment donné vint étudier auprès de lui afin de savoir de
quoi il parlait. »83
Les professeurs étaient tous d'anciens
élèves comme Warne Marsh, Lee Konitz et Billy Bauer. Mis à
part quelques engagements au Half Note Tristano se produisait rarement sur
scène. Durant cette période, il mena plusieurs
expérimentations musicales : la technique de l'enregistrement
multipiste sur les titres « Tristano », « Line up » et
« East Thirty »84, où Tristano improvisait sur des
accompagnements préalablement enregistrés. Il augmenta la vitesse
de la bande magnétique au cours du mixage final produisant un effet
spectaculaire de virtuosité. Il procéda également à
des expérimentations rythmiques. Il pratiqua la technique du
re-recording
sur la pièce « Turkish Mambo » en
enregistrant plusieurs parties dans des métriques diverses. Il continua
à parfaire sa technique et à enseigner dans son appartement de
Manhattan jusqu'à sa mort en 1978. On considère les albums
enregistrés dans les années 50 pour le label Atlantic, Lennie
Tristano, en 1955 et en solo en 1962 avec la parution de The New
Tristano comme ses plus aboutis.
1.3.1 Une approche différente des
boppers
Tristano subit l'influence de pianistes contemporains tels
qu'Earl Hines (1903-1983) et Art Tatum (1909-1956) pour ses traits rapides
à la main droite, ainsi que des boppers comme Charlie Parker et Bud
Powell avec qui il se produisit. Son jeu incorporait une conception de
l'harmonie très riche comme si Tristano cherchait a empiler des accords
de manière à obtenir l'effet le plus dense possible, ce qui
contrastait avec ses longues lignes mélodiques aux contours
évoquant les instruments à vents. Il s'agit là d'une
particularité dominante de son style.
En 1946, Lennie Tristano, gagna la scène new yorkaise
avec un concept qui étendra l'esthétique dominante du be-bop en
adjoignant à la musique de Charlie Parker et Bud Powell (1924-1966), une
recherche rythmique et un langage harmonique issus de la pratique de la
83 «consulté en août 2010»
http://www.melmartin.com/html_pages/Interviews/konitz.html
was the first one to present a method for improvised jazz
playing. Almost everyone at some point or other
came to study with him to find out what he was talking
about.»
84 TRISTANO, Lennie, «Tristano», Atlantic
Records, New York, 1956.
musique contemporaine. Tristano s'intéressait aux
oeuvres de musiciens contemporains comme Hindemith et Schoenberg. Les
enregistrements de son sextette datant de 1949 tels que « Wow
»85 et « Crosscurrent »86
reflétaient le début d'une nouvelle direction musicale, qui
etendit les decouvertes harmoniques, ryhtmiques et melodiques du be-bop. Avant
lui, Lester Young fut l'un des premiers musiciens de jazz à juxtaposer
des motifs irréguliers sur une mesure traditionnelle en 4/4.
La réflexion sur ce sujet de la vocaliste et ancienne
étudiante de Tristano, Lynn Anderson est particulièrement
enrichissante. Son solo sur la composition intitulée « Line Up
» 87, établi sur la grille de « All of Me »,
reflète une liberté rythmique et harmonique inouïe.
Exemple musical 8 : « Line Up », septembre 1955.
Douze mesures d'improvisation de
Lennie Tristano (AbM7 ; C7 ; F7; Bbm7; C7; Fm7)
Son approche linéaire de l'improvisation était un
élément majeur de son style. Oblitérant
parfois l'harmonie originelle d'un morceau afin de poursuivre une
idée mélodique, Tristano
produisait des effets de déplacements rythmiques en
répétant des courtes phrases sur plusieurs
85 TRISTANO Lennie, Wow, Capitol, New York, Mars
1949
86 Idem
87 TRISTANO Lennie, New Tristano, Atlantic, New York,
1957
mesures. Sans perdre le fil harmonique du morceau, Tristano
créait une sensation d'instabilité avec la rythmique qui
l'accompagnait, comme on peut le remarquer sur la version de « Donna Lee
» enregistrée en public sur l'album, Live at The Confucius
Restaurant88. La cohésion de l'ensemble en pâtit
car la section rythmique tendait à se contracter sur les phrases
complexes du pianiste, empêchant la flexibilité du jeu qui reste
vitale pour le swing.
La difficulté qu'il rencontra à obtenir une
section rythmique qui lui convienne l'a poussé à
expérimenter avec des accompagnements pré-enregistrés.
Ainsi sur « Line Up », composition originale fondée sur la
progression harmonique de « All of Me », Tristano choisit
d'enregistrer la section rythmique au préalable. Il improvisa
ultérieurement sur les bandes à un tempo deux fois moins
élevé. Le résultat est une improvisation
mélodique unique, riche en complexités rythmiques et
harmoniques. Pour ce faire, il recherchait un accompagnement de la
section rythmique le plus droit possible rythmiquement et, le plus
épuré du point de vue harmonique sur lequel il pouvait construire
des figures polyrythmiques. « Je veux un rythme qui coule. Je veux des
personnes qui ne cassent pas le rythme avec des figures qui sont vraiment hors
contexte. Les figures que j'utilise devraient être dans le contexte de ce
qui est en train de se passer, pour ne pas casser la continuité de
l'ensemble. Beaucoup de batteurs interpolent des figures qui cassent la
ligne. Tout d'un coup, la ligne s'arrête, et ils jouent une jolie figure
rythmique sur la caisse claire ou sur le tom. Avec les sections rythmiques avec
lesquelles j'ai joué, je n'ai pas eu le sentiment d'une pulsation
constante quoi qu'il arrive. Dès que je sens la pulsation s'interrompre,
mon flux est interrompu que je sois en train de jouer ou en pause, parce que
c'est
la même chose.» 89
Sur le même répertoire de standard employé
par les boppers, Tristano tricotait de longues lignes mélodiques
originales et harmoniquement audacieuses. Déjà en 1946, date de
son premier enregistrement, il s'était délivré de la
tyrannie des barres de mesure et construisait ses lignes
88 TRISTANO Lennie, "The Sing-Song Room, Confucius
Restaurant", Atlantic, New York, 1955.
89 SHIM Eunmi, Lennie Tristano His Life in
Music, University of Chicago, 2007. Page 181 « I want time that
flows. I want people who don't break the rhythm with figures that are really
out of context. What figures are used should be in the context of what's
happening, so as not to break continuity. A lot of drummers interpolate figures
that break the line. All of a sudden, the line stops, and he plays a cute
figure on the snare drum or tom-tom. » Il ajote aussi « With
rhythm sections I've played with, I don't have the feeling of a constantly
flowing pulse no matter what happens. As soon as I feel the pulse being
interrupted, my flow is interrupted whether I'm playing or resting, because
it`s all the same thing »
librement et sans entrave. Du point de vue harmonique, il fut
influencé par les compositeurs Européens du XXe siècle. Il
intégra la polytonalité, élément nouveau et
avant-gardiste, de façon la plus spontanée et naturelle possible
à son discours. Ces innovations semblaient, sans conteste, être
les prémices d'un nouveau langage dont certains pianistes majeurs des
années 1960, comme Herbie Hancock, s'inspirèrent. Ce dernier ne
cacha pas son admiration pour Tristano. « En ce qui concerne son influence
sur moi, le fait que je l'ai apprécié, je suis certain que son
jeu a déteint
sur moi...d'une façon ou d'une autre. »90
On s'en aperçoit d'ailleurs à l'écoute de l'album
de
Davis, Miles Smiles91, à travers
ses solos composés de longues lignes mélodiques. À l'image
de Tristano, Hancock se sert de sa main droite, qu'il fait sonner dans le
registre grave du piano, à la manière d'un instrument à
vent.
1.3.2 Un répertoire construit sur le
démarquage des standards
Conformément à l'usage du bop, Tristano avait un
goût pour le démarquage de standards. Il empruntait les grilles
harmoniques de show tunes de Broadway et y ajoutait un thème
original. Ses mélodies témoignaient d'une plus grande
sophistication. En effet, il surimposait des lignes polytonales sinueuses avec
des rythmes complexes comme on peut l'entendre au travers de pièces
comme « Wow »92, réalisée en 1949 ou «
317 East 32nd Street »93 devenu un classique, respectivement
basées sur « You Can Depend on Me » et « Out of Nowhere
». Si la musique de Tristano a été trop souvent
considérée comme une « version intellectualisée
du be-bop »94, ce
que prétendent par exemple Gary Giddins et Scott
Devaux, on pourrait en dire autant de Dizzy
90 SHIM Eunmi, Lennie Tristano His Life in
Music, University of Chicago, 2007. Page209 « As far as
Lennie's influence on my playing, the fact that I liked him, I'm sure that the
influence probably rubbed off...one me some way »
91 DAVIS. Miles, Miles Smiles, Columbia
Records, New York, 1967.
92TRISTANO, Lennie, Lennie Tristano Quintet Live in
Toronto, New York, le 4 mars 1949.
93 TRISTANO, Lennie, Lennie Tristano Sextet Toronto ,
New York, le 4 mars 1949.
94 GIDDINS Gary, DeVaux Scott, Jazz,
Norton Company, New York, 2009 « intellectualized version of bop »
page 341.
Gillespie, considéré par Tristano comme «
le maitre du nouvel idiome »95 qui était
à la fois
théoricien et l'un des principaux interprètes du
be-bop.
À cette époque Lee Konitz et Warne Marsh mettent
au point une technique de contrepoint initiée par Tristano qui
évoquait les orchestres de la Nouvelle-Orléans. L'alchimie
inouïe des deux musiciens n'avait pas d'équivalent à
l'époque. La ligne mélodique improvisée de l'alto se
combinait parfaitement à celle du ténor à la
manière d'une invention de Bach. D'ailleurs ils incluaient de temps
à autres une invention de Bach à deux voix dans leur programme de
concert.
D'après Konitz96 « deux lignes
simultanées qui sont fortes formeront un bon contrepoint. »
Les
deux lignes mélodiques créées
spontanément demeuraient parfois indépendante l'une de l'autre.
Néanmoins leurs attaches à l'harmonie du morceau les maintenaient
la cohérence et leur à- propos. Konitz se souvient de l'effet
produit dans le monde du jazz. « Quand nous avons joué pour la
première fois, ces techniques étaient encore relativement
nouvelles, les gens les considéraient comme quelque chose qu'ils
n'avaient jamais entendu avant ; cela représentait quelque peu un
défi pour les musiciens désireux de comprendre cette
manière de jouer. En fait, cela le demeure d'une certaine façon,
parce que cette conception particulière n'a jamais été
standardisée comme le be-bop ; cela reste une spécialité,
ce que l'on appelle soi-disant l'École
de Tristano. »97
1.3.3 Le professeur de Konitz
Pour Konitz, Tristano fut en même temps un professeur,
un ami et un employeur. L'éducation musicale de Konitz à Chicago
ne comprenait pas le be-bop. Il lui donna à voir à quoi le monde
de l'improvisation jazz ressemblait. À quel point c'était une
discipline sérieuse qui exigeait un investissement considérable.
Il débuta par l'apprentissage de la clarinette
95 HAMILTON Andy, Conversations on the Improviser's
Art, The University of Michigan, 2003 page 49
« I think that two simultaneous lines that are strong
will form a good counterpoint ».
97 «consulté en juin 2010»
http://www.jazzprofessional.com/interviews/Lee%20Konitz._1.htm
"when we first played, those techniques were still kind of new, and people
discussed them as something that they hadn't heard before; it presented a
certain kind of technical challenge for musicians who wanted to understand that
way of playing. Well, it still does, in a way, because this particular
conception has never become standardized like bebop; it's still a specialized
way of playing, the so--called Tristano school.»
tout d'abord puis passa au saxophone alto. Ses premiers
professeurs lui transmirent les rudiments de la technique instrumentale et
l'initièrent à l'improvisation. Il rencontra les jeunes boppers
tels que le guitariste Jimmy Raney (1927-1995) et le pianiste Lou
Levy (1928-2001) mais ne partagea pas la scène avec eux. Tristano
encouragea le jeune Konitz à improviser.
Il lui ouvrit un monde musical fascinant où il pouvait
joindre à la théorie une approche plus intuitive de la musique :
la création originale de lignes mélodiques sur le moment,
guidée par son instinct. Konitz dressait le bilan de cet enseignement en
des termes positifs. Tristano lui conseilla d'aller chercher en
lui-même ses mélodies intérieures, et de «
découvrir ce que j'entendais réellement et non pas faire
seulement ce qui me semblait convenir. La plupart de ce
qu'il m'enseigna est toujours pertinent aujourd'hui.
»98
1.3.4 Un enseignement du jazz sans
précédent
La pédagogie de Tristano était ouverte à
tout instrumentiste selon Konitz. « Tristano incarnait un courant
à lui tout seul. Il enseignait sous forme de concepts. Du coup, on
trouvait même des batteurs dans ses élèves. Al Levitt, par
exemple. La priorité de Lennie ? Les mélodies. Il se positionnait
en dehors des modes et des tendances .»99
L'enseignement était la principale activité de
Tristano qu'il poursuivra toute sa vie en dépit de l'enregistrement
d'albums ou la performance en public. D'après Eunmi Shim, il aurait
eu
400 ou 500 élèves par an au milieu des
années soixante, ce qui lui permit de vivre convenablement de cette
activité. Néanmoins, il est intéressant de se demander
quelle carrière aurait eue Lennie Tristano s'il ne s'était
investi autant dans l'enseignement. Pour Konitz, Tristano aurait
été davantage présent en tant que pianiste dans le monde
du jazz. « S'il n'avait pas eu les stigmates
du professeur, il aurait été plus
accepté comme pianiste, je pense. Parfois il était vu comme un
professeur en premier et commeperformeur en second. Pourtant c'était
un
performeur d'abord, un grand pianiste.
»100
98 HAMILTON, Andy, Conversations on the
Improviser's Art, The University of Michigan, 2003, page 24 « to find
out what I was really hearing and not just doing things that I thought were the
thing to do. But most of what he taught is still relevant to me «
99 PFFEFER, Bruno, Le Jazz et Konitz : une vie
entière dans mon Lee, 2009
http://jazz.blogs.liberation.fr/pfeiffer.
1.3.4.1 L'étude des maîtres
Durant ses leçons dans son appartement situé au
centre de Manhattan, Tristano insistait sur l'imitation des maîtres du
jazz afin de s'en servir comme outil pour sculpter sa propre identité.
Son panthéon incluait Louis Armstrong (1901-1971), Lester Young, Billie
Holiday (1915- 1959), Charlie Christian (1916-1942), Bud Powell
(1924-1966), Roy Eldridge, (1911-1989) Fats Navarro (1923- 1950), Lee
Konitz, Warne Marsh et plus tard Freddie Hubbard (1938-2008). Selon Warne
Marsh, « l'étudiant recevait en premier lieu une initiation
à la musique de Louis [Armstrong], Prez et Bird. »101.
Avant même l'apprentissage de la théorie et de la technique
instrumentale, Tristano recommandait à ses nouveaux étudiants
d'écouter les musiciens cités plus haut afin de les sensibiliser
à l'émotion et l'intensité du jazz. Selon lui, «
la fonction du musicien de jazz est de ressentir. »102
Le jeune apprenti focalisait directement sur la musique. Tristano
accoutumait l'étudiant en premier lieu aux plus illustres, Louis, Prez
et Bird. Selon Tristano, « tu dois être influencé par
tous les grands musiciens. Peu importe l'instrument que tu joues, car l'essence
du jazz c'est le feeling, ce ne sont pas vraiment les notes.
»103 Rejouer les improvisations des maîtres
permettaient d'entrer en communication directe avec leur feeling.
Il insistait sur l'entraînement oral de
l'élève afin de développer la capacité
d'écoute et de réaction. Chanter des solos des maîtres avec
le disque est devenu une pratique aujourd'hui répandue dans la
pédagogie notamment grâce à Dave Liebman (1946) et Lee
Konitz. Cela permettait d'entrer dans la peau du soliste et de ressentir
à son tour l'émotion de l'improvisateur. De plus, cette pratique
améliore sensiblement l'intonation et la reconnaissance des
intervalles.
100 HAMILTON Andy, Conversations on the Improviser's
Art, The University of Michigan, 2003 page 64
« If he hadn't had the teacher stigma, he would have
been more accepted as a pianist, I think. Sometimes he was thought as a teacher
first and a player second. But he was a player first, a great pianist
»
101 SHIM Eunmi, Lennie Tristano His Life in Music,
University of Chicago, 2007« A student who has any listening
experience first gets an education in Louis , Prez and Bird. »
102 BILLARD, François. Lennie Tristano,
Editions du Limon, 1988
103 SHIM Eunmi, Lennie Tristano His Life in Music,
University of Chicago, 2007 page 124 « You have to be influenced by
all great musicians, no matter what instrument they play, because the essence
of jazz is feeling, it's
not really the notes, and it's the feeling behind.
»103
1.3.4.2 La composition
Une autre tâche était l'écriture de solos
de trente-deux mesures basées sur l'harmonie d'un standard. Le but
étant de coucher sur papier le solo que l'on aurait aimé
improviser. La première étape est l'écriture; ensuite
vient la mémorisation du solo et enfin son interprétation
musicale. Cette pratique engendre une meilleure conscience du processus de
l'improvisation et parfois aboutit à la création d'un
matériel utilisé sur scène tels que «
Subconscious-lee »104 de
Lee Konitz et « Marshmallow »105 de Warne
Marsh.
Les compétences élémentaires du musicien
sont un des principes fondamentaux de son enseignement: l'intonation, le
travail de l'oreille, le rythme, l'harmonie au clavier, chanter les solos. Il
déclara en 1962 : « enseigner les fragments ne
m'intéresse pas, seulement la totalité... Bird était
certainement meilleur que tous ses plans. C'est pourquoi ses imitateurs
n'étaient pas
si bons. Ils ne travaillaient que les parties.
»106 Ainsi, Tristano entendait transmettre à
l'étudiant
une formation musicale complète. Pour cela, il
transféra en quelque sorte les méthodes pédagogiques dites
classiques issues du conservatoire, pour les appliquer au jazz. Selon Warne
Marsh, « ses explications étaient de la pure théorie
européenne. » 107 Les aspects les plus
importants étaient la composition, l'harmonie au clavier, l'étude
de la polytonalité et la polyrythmie. Tristano insufflait un cadre et
une discipline de travail aux étudiants. On constate que sa
méthode pédagogique évolua vers la fin de sa vie.
Selon le témoignage d'anciens étudiants, Tristano aurait
diminué son niveau d'exigence. Cela expliquerait peut-être
l'absence
de figures marquantes, à l'image de Warne Marsh
ou de Lee Konitz, parmi la génération
suivantes d'étudiants.
104 «Subconscious-lee» est une composition
de Lee Konitz basée sur la grille harmonique du standard
«What is This Things Called Love». Il figure sur
l'album éponyme enregistré dans les années 1949 -1950 sur
le label
Prestige.
105 « Marshmallow » est un thème de
Warne Marsh base sur les changements harmoniques de «Cherokee»
106 SHIM Eunmi, Lennie Tristano His Life in
Music, University of Chicago, 2007 page 125 « I'm not interested
in teaching parts. Only the whole...Bird was certainly the greater than all his
licks. That's why the imitators are not so great. They're only doing the parts
»
107 «consulté en août
2010»
http://www.scribd.com/doc/28356274/A-Conversation
1.3.5 Une musique cool ?
1.3.5.1 Origine du Cool
Durant les années 1950, le terme «cool»
était utilisé pour décrire une branche particulière
du jazz issue du be-bop. Caractérisé par une conception
laid-back 108 du temps, c'était une musique plus
calme et introspective. Le cool était représenté largement
par les jazzmen blancs109 de la Californie. Leur style collectif fut
appelé West Coast Jazz et incluait des musiciens de premiers
ordre tels que Art Pepper (1925-1982), Bud Shank (1926-2009), Shorty Rogers
(1924-
1994), Marty Paich, (1925-1995) de la côte Ouest des
États-Unis.
1.3.5.2 Distinction entre Hot et Cool
Curieusement le cool a longtemps été
définit comme l'antithèse de «hard» et non de
«hot». Le hard bop est apparu à New York, Detroit et
Philadelphie vers la fin des années 1950. Reflétant la vie
intense des métropoles de la côte Est des États-Unis. Il
est une extension du be- bop dont le style agressif, la référence
prépondérante au blues et, une urgence émotionnelle
étaient originairement perçus comme une réaction à
la tendance cérébrale du cool. Le hard bop était
identifié comme une musique noire. En conséquence, les musiciens
blancs étaient souvent jugés à tort par les critiques de
l'époque comme introspectifs et intellectuels alors que les jazzmen
noirs étaient perçus comme plus instinctifs, émotionnels
et incarnaient la tradition du blues. Le groupe porte-drapeau de ce style
était l'orchestre des Jazz Messengers d'Art Blakey (1919-1990).
Le terme hot en revanche soulignait une conception
strictement émotionnelle de la musique. Selon Tristano, le feeling
que les joueurs hot exprimaient était gorgé
d'agressivité et révélait plus l'ego du musicien que
quelqu'un qui était au service de la musique. On pouvait les
reconnaître à travers leur timbre sale et leur vibrato empathique.
Les pionniers du style cool comme Bix Beiderbecke, Franck Trumbauer, Lester
Young peignaient un feeling qui n'évoquait pas un sentiment
précis. Leur musique était interprétée avec un
vibrato mesuré, un timbre
108 `'Laid-back'' est une expression
employée par les musiciens de jazz qui renvoie à une conception
en arrière du tempo, légèrement en retard et
relâché.
109 On note bien sur des exeptions comme le Modern
Jazz Quartet et Miles Davis.
restreint, une dynamique sonore stable, un phrasé clair
et détaché, des harmonies diatoniques et parfois
sophistiquées et un recours modéré à l'idiome du
blues. Il convient de ne pas prendre les remarques de Tristano au pied de la
lettre et de relativiser ses propos amers. Il a pu dire de musiciens tels que
John Coltrane, Miles Davis, Sonny Rollins et Ornette Coleman: « que de
l'émotion, aucun feeling. »110 Pendant le
règne du be-bop, Charlie Parker jouait de façon cool sur ses
compositions telles que « Yardbird Suite » et « Cool Blues
». En le voyant sur scène, Konitz était fasciné par
l'immobilité de Parker et sa profonde concentration. «
Charlie Parker ne
bougeait pas d'un muscle pendant qu'il jouait [...] il
n'y avait pas de mouvements gaspillés. C'est la posture la plus
désirable à mon sens. »111 Malgré un
tempérament différent de Parker, Konitz s'inspira de sa maitrise
émotionnelle et de son austérité. Doté d'un
penchant pour des mélodies simples et le dépouillement plus que
pour la virtuosité et se satisfaisant d'une exécution musicale
pure sans mise en scène ni sensationnalisme, le style de Konitz
était classé dans la catégorie des joueurs cool par les
critiques. « Quand je joue, je pense uniquement à
interpréter
une succession de notes mélodiques, avec un sens du
rythme aussi précis que possible. Je ne suis pas spécialement
d'humeur poétique [...] J'essaie juste de jouer la musique à la
fois de manière claire, chaleureuse et positive - c'est vraiment ma
motivation. »112 Il déplorait la confusion que
provoquait cette appellation. « C'est pourquoi j'ai été
estampillé avec le son «cool». Les gens
me disent, «quand vas-tu commencer à swinguer
?». Ce n'est pas une compétition pour moi.
»113
110 BILLARD François.
Lennie Tristano, Editions du Limon, 1988.
111 Hamilton Andy, Conversations on the
Improviser's Art, The University of Michigan, 2003, p 31 «Charlie
Parker didn't moved a muscle when he was playing; [...]There was no wasted
motion, That's the most desirable way to me''
112 Hamilton Andy, Conversations on the
Improviser's Art, The University of Michigan, 2003, p31«When I
play, I'm just thinking playing a melodic succession of notes, with as accurate
a time-feeling as possible. I don't feel very poetic. [...] I am just playing
the music clear, warm, and positive- that's really my motivation `'
113 «consulté en mai
2010»
http://www.npr.org/templates/story/story.php?storyId=128953406«
This is what I got coined with -- the "cool" sound. Some people say, 'When are
you gonna swing?' It's not a competition to me«
Les musiciens qui représentaient l'esthétique
cool étaient pour Konitz, Louis Armstrong, Lester Young, Charlie Parker.
Selon lui, la distinction entre hot et cool ne
procédait pas d'une question raciale, sociale ou stylistique mais
uniquement musicale. « Quelqu'un me demanda une fois il y a longtemps
à la télévision le sens du jazz cool. J'ai indiqué
que lorsque Louis Armstrong joue de manière excellente, il est cool.
Quand Charlie Parker joue superbement, il est cool. Le hot est
seulement la part de show business. »114
À travers les multiples connotations, le plus souvent
négatives, qu'englobe le terme cool, Konitz
redéfinit complètement sa signification. « Nous avions
toujours pensé cela en termes positifs. J'avais un album avec des
glaçons sur la couverture. Maintenant c'est une insulte pour un
improvisateur qui est supposé jouer une sorte de musique
passionnée. »115 Il regrettait également les
accusations contre Lennie Tristano. « Ils le traitaient de froid et
incapable d'émotion. Comment quelqu'un qui dévoua sa vie à
la pureté de son art, qui ne se vendit jamais, pouvait-il être
froid et sans émotion? Ce sont les musiciens
qui remanient leurs ''licks'' et les styles, et les
techniciens froids qui sont froids et sans émotions. La technique
incroyable de Lennie est l'extension directe de son feeling, non le contraire
comme la plupart des personnes essaient de faire. »116
1.3.5.3 Les connotations négatives attachées
au Cool
Les critiques dénotaient la musique de Tristano et de
ses suiveurs avec des épithètes péjoratifs pour un jazzman
tels que «froid» et «cérébral». Le sextette
avait été surnommé « les six souris aveugles
»117 se souvient Konitz. À l'époque, ces
connotations dépréciatives avaient plusieurs origines. Sociale
tout d'abord, on pourrait attribuer ces critiques au fait qu'à cette
époque peu de musiciens blancs et encore moins de be-bop
s'exprimaient avec un feeling
114 MURPHY, Molly, Interview pour les NEA (National
Endowment for the Arts Jazz Masters), 2009
« Someone asked me once a long time ago on a
television thing about the meaning of cool jazz. And I mentioned that Louis
Armstrong when he's playing great is cool, man. Charlie Parker when he's
playing great is cool. The hot is just the show business part.
116«consulté en mai
2010»
http://www2.pcom.net/sminer/x4_28_77.htm,
13 aout 2000. «They called him cold and unemotional. How can someone
who devotes their life to the purity of their art, who never sells out, be cold
and unemotional? It's people playing rehashed licks and styles, and cold
technique who are cold and unemotional. Lennie's incredible technique came from
his stretching out from his feeling, not vice versa as most people try to
do.»
117 SHIM, Eunmi, Lennie Tristano His Life in
Music,University of Chicago, 2007 « The Six Blind Mice »
authentique de jazz. Certains étaient accusés de
copier la musique des Noirs. Le be-bop né à Harlem, était
le fruit de revendications politiques et représentait un moyen
d'émancipation destiné à mettre en valeur une
communauté stigmatisée. Ce jazz moderne formait une contre-
culture, un cercle fermé qui exigeait un investissement profond de la
part du musicien venant de l'extérieur pour interpréter le
be-bop correctement et mériter sa place dans la communauté. Mis
à part Bix Beiderbecke, Stan Levey, Al Haig. Red Rodney, Phil Woods et
quelques autres, les jazzmen blancs étaient souvent décrits
par les critiques comme des musiciens classiques : intellectuels,
virtuoses mais dénués de swing et de passion. Pour Bill Kirchner,
Konitz était l'épitome d'un jazz flegmatique. « Aucun
artiste n'a poussé plus loin la distance émotionnelle du jazz
cool d'un aussi grand extrême que Lee Konitz, un autre ancien
élève du nonette de Miles Davis, exception faite peut être
de ses collègues réguliers, son pianiste et mentor le
pianiste
Lennie Tristano et Warne Marsh au saxophone ténor.
»118
Les attaques émanaient également des musiciens
contemporains tels que Dizzy Gillespie et touchait a l'aspect rythmique de la
musique. « Il n'y avait pas de tripes dans cette musique, ni de
rythme119 non plus. Ils ne transpiraient jamais sur
scène, Lee Konitz, Lennie Tristano, et ces types. »120
Dizzy, chef de file des boppers, mettait ainsi en cause leur manque
d'engagement. Il est vrai que Tristano avait une conception spécifique
du rôle de la batterie. Elle a toujours occupé dans les formations
de Tristano un rôle moindre que dans les ensembles be-bop. Elle devait
maintenir un flot rythmique régulier et une dynamique
moyenne afin ne pas recouvrir les solistes et les perturber dans leurs
improvisations. Gerry Mulligan en fin observateur remarqua cette
différence entre Tristano et les boppers : « c'est difficile de
dire sans émotion, parce que ce
n'était pas exactement ça, mais il y avait
une tranquillité dans toute son approche du niveau
118 KIRCHNER, Bill, The Oxford Companion to Jazz,
Oxford Companion, 1988, page 334 «No artist pushed the emotional
distance of cool jazz to a farther extreme than Lee Konitz, another alumnus of
the Birth of Cool band- except perhaps his frequent colleagues, pianist and
mentor LT and tenor saxophone WM.»
119 Il faudrait remplacer ici le terme
«rythme'' par swing.
120 GILLESPIE Dizzy, To Be or Not to Be
«There was no guts in that music, not much rhythm either. They never
sweated on the stands, LeeKonitz, Lennie Tristano , and those
guys».»
dynamique sonore. »121 À
l'écoute, cette section rythmique peut sembler ennuyeuse à cause
de l'interaction limitée des musiciens avec la batterie. Par
conséquent, la section rythmique n'était pas aussi intense que
celle des boppers. Cependant, les critiques qui qualifièrent la musique
de Konitz de cérébrale, suggérant une absence de feeling
et une improvisation préparée, semblaient avoir manqué
l'essence de son jeu. Konitz se souvient d'avoir partagé des moments
forts avec le clan Tristano : « avec Billy (Bauer) et Warne
Marsh, parfois nous créâmes des moments extraordinaires.
Malheureusement ils ne furent pas tellement enregistrés. »
122 Selon Peter Watrous du New York Times, « la musique
faite par le pianiste Lennie Tristano et ses élèves ne parvient
pas à émouvoir l'auditeur. Vous devez la suivre dans des coins
obscurs où elle est partie se cacher; la musique est timide et semble
anti-dramatique. »123 La dynamique sonore paraissait sans
doute moindre comparée à la section rythmique de Charlie Parker
ou d'Art Blakey. L'objectif de Tristano était de produire une musique
aux lignes équilibrées et naturelles, de construire une
architecture sonore sensée et sans excès qui pouvait sembler
parfois inexpressive et ennuyeuse. Konitz n'était pas favorable de prime
abord au sensationnalisme du
be-bop mais a reconnu sa nécessité pratique.
« C'était définitivement une question de show business,
en terme de communication avec un public qui pouvait ne pas connaitre la
musique. Quelle que soit l'audience que le be-bop ait eue, qui était
certainement un public petit, limité, elle était due en partie,
selon moi, à cette sorte d'expression dynamique. »124
Au cours des années 1960 et 1970, Konitz ne fut pas un soliste
aussi populaire que Phil Woods, Art Pepper ou
Jackie McLean. « Il y eut une période
où le saxophoniste alto Lee Konitz n'était pas une
121 MACMILLAN, Jazz Masters of the
Forties, New York, 1966 « It's hard to say unemotional , because
it's not exactly that , but there was a coolness about his whole approach in
terms of the dynamic level »
122 HAMILTON Andy, Conversations on the
Improviser's Art, The University of Michigan, 2003 page 65
« With Billy and Warne Marsh, sometimes we hit some
extraordinary moments. Not too much of that was recorded, unfortunately.
»
123 WATROUS Peter, A Kind of Shy
Counterpoint That's Rarely Heard Today, New York Times, 17 avril
1999» The music made by the pianist Lennie Tristano and
his students doesn't come out and shake a listener. You have to follow it into
the dark corners where it's gone to hide; the music is shy and seemingly
anti-dramatic.»
124 HAMILTON, Andy, Conversations on the
Improviser's Art, the University of Michigan, 2003 page 23 «this was
definitely a showbiz consideration, in terms of communicating to an audience
who might not know about music. Whatever audience bebop got, which was
certainly a small, limited audience, had to do in part, I think, with that kind
of dynamic expression. »
attraction régulière dans le circuit des
clubs de New York. En fait cela n'a jamais été le cas pendant le
plus gros de sa carrière : Mr Konitz n'a jamais été le
plus chaleureux ou le plus facile d'accès des légendes du jazz
et, a longtemps souffert d'une relation erratique avec les projecteurs.
»125 Ainsi, même après sa collaboration avec
Tristano, Konitz est resté en quelque sorte une figure du cool, en
dehors du courant et des modes principales du jazz.
1.3.5.4 L'intuition avant tout
Konitz choisit de se consacrer à un art
dénué de sensationnalisme, à une discipline exigeante: la
recherche de nouvelles mélodies à travers l'improvisation.
L'approche intuitive de Tristano semblait être la cause d'une musique qui
bien que puisant sa source dans le be-bop apparaissait plus introspective.
Moins accessible que celles de Bud Powell ou Charlie Parker, la musique de
Tristano demandait de la part du public un effort d'écoute pour
appréhender sa complexité rythmique et mélodique. En
effet, une éducation musicale et une connaissance de l'histoire du jazz
était préférable. Ce processus d'improvisation demandait
d'éviter les chemins déjà traversés et, note
après note, de créer de nouvelles mélodies.
1.3.5.5 Peut-on opposer le cool au be-bop?
Le style de Konitz se définit par une synthèse
des principaux solistes de son temps en incluant Louis Armstrong, Lester Young,
Lennie Tristano et Charlie Parker. Eddie Meadows, dans son ouvrage Be-bop
to cool, classait le style de Konitz à la croisée du bop et
du cool. Selon lui, « les improvisations de Konitz reflétaient
aussi bien l'influence du cool que du be-bop. Son utilisation constante d'une
sonorité presque dépourvue de vibrato, ses tempos lents à
modérés, son emploi judicieux de notes et le silence à
l'intérieur de ses improvisations, se retrouvent dans les concepts
relatifs au cool. Quelques improvisations de Konitz ont aussi une
syntaxe be-bop.
Des quintes diminuées et des neuvièmes
mineures peuvent être trouvées dans « Love for Sale
» et
125 CHINEN Nat, Spanning Generations While
Sticking to Old Standards, New York Times, 2009«consulté en
juillet 2010»
«There was a time when the alto saxophonist Lee Konitz
wasn't a regular attraction on the New York club
circuit. Actually, that was the case for much of his career:
Mr. Konitz, never the warmest or most ingratiating of jazz legends, has long
had a fickle relationship with the spotlight»
« There Is No Greater Love »126. En
réalité, d'un point de vue spécifiquement musical, il
n'existe pas de différence notoire. Les quintes diminuées et les
neuvièmes étaient déjà présentes dans le
vocabulaire de la majeure partie des musiciens dès la période
swing. L'argument à propos de l'emploi du vibrato et des tempos
modérés n'est pas pertinent. Le vibrato de Charlie Parker
était à certains moments imperceptible d'une part. D'autre part,
Konitz était aussi capable d'improviser sur des tempos rapides comme
l'attestent les enregistrements de « Marshmallow »,
« Subconcious-Lee », « Background Music
», « Donna Lee ». Selon Warne Marsh, cette
distinction entre cool et be-bop n'avait de sens que pour la critique
spécialisée. Durant les années
1940 et 1950, Charlie Parker et Lennie Tristano
représentaient l'avant-garde du jazz. « À cette
époque, le terme jazz avait seulement deux significations. Il
évoquait d'une part les contemporains, la ville de New York, Charlie
Parker, Lennie, Lee et d'autre part le Dixieland, c'était tout.
Aujourd'hui ils essaient d'inventer d'autres significations. Maintenant les
gens essaient d'inventer d'autres sens pour en trouver d'autres encore. Mais au
milieu des années
1950, durant la vie de Charlie Parker, il y avait juste la
compréhension qu'il était la norme. C'était ce à
quoi tout le monde aspirait, improviser aussi bien et autant. C'était
vraiment un art de l'improvisation à cette période.
»127 On note que, dans cette déclaration, Marsh
omet des
musiciens tout aussi primordiaux comme Thelonious Monk, Miles
Davis et John Coltrane.
126 MEADOWS, Eddie. S, Be-bop to Cool Context,
Ideology, and Musical Identity, Praeger, London, 2003. »So it is
that Konitz`s improvisation reflect both Cool and Bebop influences. His
consistent use of an almost vibrato less tone, his slow to moderate tempos, his
judicious use of notes, and the silence within his improvisations are
consistent with Cool concepts.» «Some of Konitz's
improvisations also have Bebop syntax. Flatted fifths and ninths can be found
in Love For Sale, There is No Greater Love.»
127 RONZELLO, Robert, Warne Marsh, A
Conversation with Robert Ronzello, Saxophone Journal, 1982 « In
those days the term jazz had only two meanings. They were contemporary, New
York City and Charlie Parker, Lennie, Lee and Dixieland, that was it. Nowadays
there are trying to invent meanings. Now people are trying to invent meanings
to find it over again. But through the mid-fifties, Charlie Parker's lifetime,
there was just an understanding that that was the standard. That was where it
was at. That's what everybody aspired to do, improvise that well and that much.
It was really an improvising art until then. »
1.3.6 Le passage chez Stan Kenton
Les raisons du départ de Lee Konitz qui seront ici
mises en évidence sont de nature artistique, personnelle et
financière.
Parvenu aussi rapidement à interpréter la
musique complexe de Tristano, Konitz sentit au bout d'un certain temps le
besoin de raffiner, d'élaguer son jeu et de réviser les
fondamentaux de la musique. Par la suite, son style évoluera vers un
phrasé plus expressif et intuitif. « J'ai le sentiment d'avoir
été un peu au-dessus de moi-même, d'une certaine
façon, avec l'influence de
Lennie. J'ai le sentiment qu'il m'a conduit un peu trop
rapidement au sommet de la chaîne. »128
Prendre congé de l'enseignement de Tristano
était l'occasion propice pour explorer de nouveaux territoires musicaux
et se confronter à différentes situations de jeu. Pendant cette
période, Konitz assimila l'enseignement de Tristano, ce qui lui permit
d'adopter un regard plus critique vis-à-vis des conceptions musicales du
mentor. Il ajoute: « je n'étais pas en train de vouloir me
libérer de Tristano, j'essayais juste de jouer ce que je pouvais
entendre ou ressentir. Cela impliquait de revenir aux fondamentaux, ce que je
continue de faire aujourd'hui encore. J'essaie de trouver une phrase qui tient
à la bonne place et sonne proprement, qui vient de quelque part pour
aller
ailleurs. C'est un travail quotidien.
»129
De plus, Tristano occupait une place envahissante dans la vie
de l'altiste. Konitz comparait ainsi dans plusieurs interviews la relation de
Tristano avec ses élèves à celle d'un gourou avec ses
disciples, « un gourou à tel point que je peux encore, quarante
ans après reconnaître quelqu'un qui étudia avec lui par la
façon qu`il se déplace dans la rue. Finalement, je devais quitter
cette situation et comprendre comment toute cette éducation avait fait
évoluer ma personnalité. » Il va
de soi qu'il est nécessaire, à un moment
donné, de se libérer de la tutelle d'un professeur ou du
128 SURPIN, Alain, Inside Lee Konitz, Down
Beat, 1968 «I feel that I was a little ahead of myself, in a
way,
with Lennie's influence. I feel that he got me a little more
quickly to the top of the chain»
129 HAMILTON, Andy, Conversations on the
Improviser's Art, The University of Michigan, 2003, page 24 « I
wasn`t trying to break free from Tristano as such, I was just trying to play
what I could hear or feel. A lot meant getting more basic, and I'm still
working on it every day, trying to find a phrase that sits in the right place
and reverberates properly, comes from someplace and goes someplace. That's a
daily undertaking «
gourou de manière à se réaliser
soi-même. Le départ de Konitz provoqua l'animosité
de Tristano et de sa communauté.
Une autre raison reposerait dans les divergences de
tempérament entre eux. Repliés sur eux même, Tristano et
une partie de ses élèves se confrontaient très peu aux
autres musiciens de leur génération. Toujours d'après
Konitz : « malheureusement, il ne choisit pas de sortir et de
rencontrer des gens, ce qui leur aurait donné une opportunité de
l'entendre jouer. C'était une grande perte pour lui et le public. Il
était très critique vis-à-vis de la scène, je pense
que les gens lui en voulaient un peu pour ça. Mais le fait reste qu'il
était un grand pianiste que beaucoup de
gens appréciaient. »130 Tristano
ne ménageait pas son discours et porta des jugements acerbes
sur ces contemporains tels que Thelonious Monk, John Coltrane ou
encore Sonny Rollins.
Enfin, l'invitation offerte par Stan Kenton à rejoindre
son orchestre en 1952, provoqua le mépris de Tristano. Le succès
commercial de Kenton heurta la vision puriste de l'art pour l'art de Tristano.
Le départ de Konitz causa la fin du quintette.
L'élargissement de sa famille, en plus des points
discutés plus haut, et la perspective d'un revenu régulier furent
les principales motivations de Konitz : « je me suis installé
en Californie en 1962 car ma femme et moi sentions qu'il y avait un besoin de
se séparer de Lennie Tristano qui était pour moi une très
forte figure paternelle. Nous avions vécu dans sa maison, mais elle
m'encouragea à aller voir ailleurs ce qui se passait, et nous sommes
restés en Californie pendant quelques années. » Konitz
accepta la proposition de Stan Kenton de rejoindre son orchestre et quitta New
York pour la Californie.
1.4 Les débuts dans les grandes formations de
jazz
Cette partie est consacrée aux premiers engagements de Lee
Konitz dans les orchestres de
danse et de jazz. Elle est construite de manière
chronologique sur la période 1946-1956.
130 HAMILTON, Andy, Conversations on the
Improviser's Art, the University of Michigan, 2003, page 152
«Unfortunately, he didn't choose to go out and meet people and give
them the opportunity to hear him play. That was a great loss for him and the
people. He was very critical of the scene, and people, I think, kind of
resented him for that. But the fact remains that he was a great pianist who
affected a lot of people»
S'intéresser à ses expériences avec les
orchestres de Claude Thornhill, le nonette Birth of the Cool de Miles Davis
et enfin celui de Stan Kenton, en plus d'apporter un éclairage
sur l'évolution esthétique de Konitz, permettra de
considérer cette partie de l'histoire du jazz consacrée aux
grands orchestres à travers le prisme unique d'un improvisateur et
acteur de cette période. Savoir avec quels musiciens Konitz a
été employé donne à voir le parcours qu'il
traçait en fonction de ses affinités. Son approche
esthétique se révéla tout autant en phase avec la musique
de ces orchestres qu'avec les courants modernes de son époque. Lieu de
rencontre et d'échange privilégié entre les musiciens, les
big bands permettaient la naissance de nouveaux projets. S'intéresser
à ces expériences permettra de connaitre les musiques
auxlesquelles Konitz a été exposé et qui ont forgé
sa personnalité musicale.
1.4.1 Claude Thornhill
Pianiste classique, compositeur et chef d'orchestre, Claude
Thornhill fonda en 1939 un orchestre singulier mêlant diverses
influences. En effet, les musiques impressionnistes européennes de
Ravel, Debussy, de Falla et Albéniz, le be-bop et les chansons
populaires de Tin Pan Alley formaient une part importante de la palette
musicale de la formation. L'arrangeur Gil Evans et, quelque temps
après, le saxophoniste baryton Gerry Mulligan, écrivirent
pour Thornhill. Ils trouvèrent une terre fertile pour leurs
expérimentations et le développement de leur vocabulaire musical.
Incorporé en 1942 à 1945 dans la Navy pour aller
combattre dans le Pacifique sud, Thornhill fut finalement contraint de
dissoudre l'orchestre.
C'est au cours de cette période qu'il rencontra Lester
Young et écouta du be-bop pour la première fois. À la fin
de la guerre, il retourna à ses affaires et assembla une nouvelle
formation au début de l'année 1946, qui intégrait la
plupart des anciens membres dont Gil Evans. À la différence des
orchestres `'swing'', de Duke Ellington ou de Count Basie par exemple,
la formation de Thornhill était classée dans la
catégorie des sweet bands 131 . Ceci
était dû premièrement à la place modeste
réservée à l'improvisation et aux sonorités
d'orchestre de
chambre de la formation. Celle-ci attira néanmoins
l'attention de la critique et des mélomanes.
131 Sweet band : nom donné aux grands
orchestres de danse, le plus souvent composés de musiciens blancs,
durant la période swing.
L'originalité de l'orchestre reposait essentiellement
sur la vision unique de Thornhill. Avec lui, l'arrangeur et pianiste, Gil Evans
Il furent parmi les premiers à moderniser le son des ensembles de taille
moyenne et large en ajoutant des climats modaux ainsi que des lignes
mélodiques issues du be-bop. Entre 1947 et 1948 Claude Thornhill donna
carte blanche à Evans pour créer, selon ses propres termes,
« quelque chose de nouveau qui attire l'attention, un
orchestre différent des autres...
»132 Alors que les orchestres de Stan Kenton, Woody Herman
et
autres privilégiaient des sonorités lourdes de
cuivres et des dynamiques fortes, Thornhill favorisa une approche plus subtile
et parfois complexe de l'orchestration. Il affectionnait les textures sonores
élaborées. Pour ce faire, il modifia le rôle des
instruments traditionnels dans l'orchestre. Il ajouta un tuba à
l'orchestre qui associé au cor, engendra une unique combinaison de
timbre. Evans s'en servira ensuite au côté de Miles Davis. Ainsi
l'addition d'instruments comme le cor - habituellement inexistant dans le
domaine du jazz - contribua, en leur attribuant des rôles de premier
plan, à la logique d'un son original et axé sur un registre plus
grave. Comme l'emploi novateur du tuba au sein d'une formation be-bop. Durant
les années 1946 et 1948, Evans tira son inspiration du be bop «
J'arrangeai les thèmes de Parker comme Claude aurait eu plaisir
à les entendre. Par exemple, cette unisson sur «
Anthropology »133, avec les trompettes en
«cup
mute134» et deux saxophones alto plus cinq
clarinettes. En outre, je voulais que le tuba joue de façon plus
flexible, des passages de jazz, mais il aimait le son statique du
tuba dans les accords. »135 Depuis 1941 Thornhill
utilisait principalement cors, tuba, flute, clarinette basse en plus des
instruments traditionnels du jazz. Ainsi la mélodie n'était plus
attribuée aux saxophones
ou aux trompettes, mais à des instruments aux registres
plus graves comme le saxophone baryton.
132TERCINET, Alain, West Coast Jazz,
Marseille, Parenthèse, 1986, Page 357
133 Morceau bop composé par Charlie Parker
basé sur la grille de « I Got Rhythm » qui fut
enregistré en
Septembre 1947 par Claude Thornhill.
134 Une variété de sourdine produisant
un son plus étouffé que la sourdine dites
«straight».
135 «consulté en juillet 2010»
http://www.bigbandlibrary.com/claudethornhill.html
«I arranged those Parker things the way I figured
Claude would like to hear them. For example, that unison thing on Anthropology,
with the trumpets in cup-mutes and two altos and five clarinets. And I wanted
the tuba to play flexible, moving jazz passages, but he liked the static sound
of the tuba on chords.»
En outre, l'accompagnement traditionnel fut finalement
légué aux chaudes sonorités de trois trombones. Le son se
voulait pur et donc sans recours au vibrato qui altérait sensiblement la
qualité et la hauteur de celui-ci. D'après Thornhill, «
À l'exception de certains passages dans nos arrangements,
l'orchestre jouait sans vibrato. Le vibrato était seulement
utilisé pour grossir
l'expressivité. »136 Le but de
telles expérimentations était de trouver un équilibre dans
la sonorité
globale des morceaux.
Evans arrangea un répertoire composé de
pièces provenant des petites formations du be- bop telles que «
Donna Lee »137, « Anthropology », « Yardbird
Suite » de Charlie Parker, de la musique populaire comme « Early
Autumn » qui était propice aux improvisations instrumentales ainsi
que des thèmes de la musique classique, « The Troubadour » de
Moussorgski et « Arab Dance » de Tchaïkovsky par exemple. Le
passage du jeune musicien dans les orchestres était une étape
naturelle dans l'apprentissage du jazzman. Konitz connu sa première
expérience dans une grande formation sur les bancs de l'orchestre de
Claude Thornhill. Bien que Konitz de référait à sa
pratique au côté de Tristano comme la plus bénéfique
à son développement, il déclarait aussi :
« chaque situation de jeu avait des
éléments qui étaient satisfaisants... D'autres
situations
amenèrent un aspect de mon jeu qui ne serait pas
forcement sorti. »138
Ainsi, la prestation de Konitz dans la formation de Thornhill
fut formatrice. Elle semblait être une école pratique du be-bop
qui complétait sa formation avec Tristano. Le trompettiste Ed Zandy se
souvient « Gil devait nous apprendre comment jouer cette nouvelle
conception de la musique, mais finalement nous nous sommes mis à aimer
des morceaux comme
« Anthropology », « Donna Lee »
et « Yardbird Suite ». Claude embaucha des gars tels que
Bill
Barber, un des meilleurs tubistes, le saxophoniste alto
Lee Konitz, qui nous fit très peur au début,
136 «consulté en
juillet»2010»
/www.bigbandlibrary.com/claudethornhill.html
http «With the exception of certain places in our
arrangements, the orchestra played without vibrato. Vibrato was used to
heighten expressiveness."
138 HAMILTON, Andy, Conversations on the
Improviser's Art, the University of Michigan, 2003 page 181 «Each
of the playing situations had elements that were satisfying...The others
situation brought , out an aspect of playing that didn't necessarily come
out»
et le jeune Red Rodney, un des premiers disciples blancs
de Dizzy. »139 Konitz enregistra pour la première
fois de sa carrière avec l'orchestre de Thornhill. Sur le morceau «
I May Be Wrong » enregistré en 1947, nous entendons le jeune Konitz
improviser quelques lignes derrière le chanteur Gene Williams. Il est
rare d'entendre Konitz accompagner un ou une vocaliste. Sa sonorité
droite et ses phrases courtes et rapides dénotaient déjà
un style original et tranchant qui contrastait avec l'interprétation
broadwayesque de Williams. En le comparant au jeu de Charlie Parker figurant
sur les plages « Romance Without Finance » tirées de l'album
du guitariste et vocaliste, Tiny Grimes, le jeu d'alto de Konitz semblait plus
rigide et ne possédait pas cette fluidité d'exécution. Son
jeu était original mais encore immature. Son regard rétrospectif
sur cette période confirme notre analyse. « J'aurais
aimé avoir été un peu plus apte à jouer
confortablement à cette époque, mais j'étais toujours en
train d'apprendre et un peu... le mot
est impétueux. »140 Robert
Aubert et Jean-François Quievreux quant à eux accusèrent
la section
rythmique qui n'aurait pas favorisée la
créativité du soliste. En revanchent, ils relevèrent les
interventions plus réussies de Konitz au sein du nonette de Miles Davis
: « mais nous préférons, et de loin, Konitz dans
le grand orchestre de Miles Davis ou, stimulé par une grande
merveilleuse section rythmique, il peut se laisser aller et swinguer sans
effort. De plus, son jeu «cool» convient parfaitement au jeu de
Miles Davis et le complète heureusement. Ils ont
également une certaine parenté dans la
conception de la sonorité. »141 Il semble
nécessaire de
rappeler ici que la moitié de la section rythmique de
Claude Thornhill participera au nonette de Miles Davis ou sera associée
à divers projets de Gil Evans. On comptait le batteur, Billy Exner, le
bassiste Joseph "Joe" Shulman et le guitariste Joseph Barry Galbraith.
N'oublions pas ici que la formation de Claude Thornhill était un
orchestre de danse. Il jouait dans les bals devant un public venu pour danser
en premier lieu et non forcement écouter les solistes de l'orchestre.
En
139 PRRIESTLAY, Brian, liner note 1948
Transcription Performance «Gil had to teach us how to play this new
conception, but eventually we got to enjoy playing things like Anthropology,
Donna Lee and Yardbird Suite. And Claude hired guys like Bill Barber, one of
the finest tuba players in the business, alto saxist Lee Konitz, who scared the
hell out of us at first, and little Red Rodney, one of Dizzy's first white
disciples»
140 BAAGGANEAS, Roland , Jazz Greats
Speak, Interviews with Master Musicians, Scarecrow Press, Avril 2008
«I wish that I had been a little more able to play comfortably during
that period, but I was still learning and still a little bit... the word is
impetuous»
141 AUBERT, Robert, QUIEVREUX, Jean-Francois, Lee
Konitz, Jazz Hot, juillet-aout 1950.
conséquence, les parties improvisées
n'étaient pas spécialement mises en relief et les solos durant la
performance se faisaient rares. En 1949, Lee Konitz décida de quitter
l'orchestre et laissa sa place au saxophoniste Hal McKusick.
1.4.2 Le nonette de Miles Davis
Quand Pete Rugolo, qui travaillait comme arrangeur et
producteur pour la maison de disque Capitol, baptisa le nonette de Miles Davis,
The Birth of the Cool, Konitz contesta la justesse historique de cette
appellation : « le titre était un peu déplacé, ce
n'est pas la naissance du cool. Franck Trumbauer et Bix Beiderbecke auraient pu
être la naissance du cool, Benny Carter, puis Lester Young et toutes ses
influences, Charlie Parker, et Tristano et tous ses
ami. »142
1.4.2.1 L'effectif de l'orchestre
Le nonette de Miles Davis paraissait
hétérogène car il intégrait des musiciens blancs et
noirs. Lee Konitz (sax alto), Gerry Mulligan (sax baryton), Junior Collins
(cor), Bill Barber (tuba), - le personnel variait sans arrêt - Ted Kelly,
Mike Zwerin ou Kai Winding (trombone), Miles Davis à la trompette, John
Lewis (piano), Al McKibbon (basse) et Max Roach (batterie). Le Birth of Cool,
nom donné a posteriori était davantage un collectif de musiciens
audacieux qu'un orchestre de jazz classique. La plupart d'entre eux
possédaient une expérience dans les big band swing et les petites
formations be-bop. Les compositions et les arrangements étaient issus
des mains de John Lewis, Gil Evans, Gerry Mulligan et John Carisi. Selon
Konitz, les rôles des leaders se répartissaient ainsi : «
Miles était le point de convergence du groupe ; il pouvait obtenir les
concerts et il avait le son qu'ils voulaient pour l'ensemble. Gerry Mulligan
était plus actif dans l'organisation des séances
d'enregistrements du Birth of Cool, mais Gil restait la
figure du gourou. »143 Les
caractéristiques principales des pièces étaient
l'économie de notes, les
142HAMILTON Andy, Conversations on the
Improviser's Art, the University of Michigan, page 41» The title
was a little bit off-center-that's not the Birth of the Cool. Franck Trumbauer
and Bix Beiderbecke might have been the «birth of the cool», Benny
Carter, then Lester Young and all his influences, Charlie Parker, and Tristano
and his friends. «
dynamiques moyennes, le goût du silence et une
texture d'ensemble favorisant le registre medium des instruments. Les
solistes ont joué un rôle important dans l'esthétique de
cool de l'orchestre. La remarque de Miles Davis est éclairante : «
je voulais jouer avec un son léger, car il m'était plus
facile de penser. »144 Il développa en effet au
cours des années cinquantes, une nouvelle approche de la trompette
caractérisée par des notes longues, un goût de l'espace
suggéré entre les notes et un timbre personnel. Bien que Davis
avait atteint un niveau de virtuosité instrumentale comparable à
celui de son mentor Dizzy Gillespie.
1.4.2.2 « The Birth of the Cool »
En 1954 le produit de trois séances fr 1949 et 1950
aboutit à la réalisation de l'album intitulé Birth of
the Cool qui était la reconnaissance de l'orchestre
précurseur du mouvement éponyme qui devint entre temps populaire
aux États-Unis. « Autant j'ai apprécié d'avoir
joué avec le groupe et d'avoir eu la chance de produire quelques bons
licks145 sur les disques, autant j'ai eu le sentiment de n'avoir pas
été complètement impliqué dans le groupe comme
j'aurais aimé l'avoir été. »146
Konitz est parfois sévère avec lui-même dans ses
interviews. Ces propos font écho avec le commentaire de ses
prestations dans l'orchestre de Thornhill. Il semble éprouver un
sentiment rétrospectif de n'avoir pas été à la
hauteur de l'événement. Cependant, il demeure mystérieux
sur les points précis qui le gênaient dans ses improvisations :
« j'étais capable de produire un son et j'avais une
connaissance du matériel que j'étudiais, mais il y avait encore
des choses essentielles qui manquaient dans mon éducation musicale. La
production réelle de la musique n'était toujours pas à la
bonne place à mon avis. Il y avait une indication,
laquelle, Dieu merci, avait été
remarquée par certaines personnes qui m'ont encouragé
à
143 HAMILTON, Andy, Conversations on the
Improviser's Art, the University of Michigan, page 40 «Miles was
the focal point of the group; he could get the gigs and he had the sound that
they wanted for the ensemble. Gerry Mulligan was more active in organizing the
Birth of the Cool sessions, but Gil was the guru figure»
144 CARR Ian, Miles Davis: the definitive
biography, Thunder's Mouth Press, 1999, page 49 « I wanted to
play with a light sound, because I could think better when I played
»
145 `'Licks'', terme employé en
jazz pour signifier des lignes mélodiques travaillées au
préalable qui paraissent improvisées.
146 GITLER Ira, Jazz Master of the Forties,
MacMillan Publishing Company, 1974 «As much as I enjoyed
sitting there and playing with the band and as lucky as I was
to get a couple of good licks on the records, I felt I
wasn't as completely involved as I would like to have
been»
continuer à de développer ceci. Quand
j'écoutais ma musique, j'entendais les imperfections. Il y avait quelque
chose qu'il fallait que je développe. »147
Néanmoins, Konitz pointa la particularité de son style qui
plut à Miles Davis : « Ils sentirent que mon son s'ajusterait
avec eux. Charlie Parker aurait couvert l'ensemble
»148.
Aussi, n'ayant pas le talent d'arrangeur ou de compositeur de
Gil Evans, John Carisi ou Gerry Mulligan et, considérant le peu de solos
qui lui étaient octroyé, à ses yeux, il ne fut pas un
acteur majeur dans le nonette de Miles Davis. Selon lui « être
complètement impliqué dans une situation de musique de
chambre serait de composer quelques pièces, et avoir
plus
d'occasions pour improviser. »149
Pourtant, ses phrases sinueuses et sa sonorité diaphane se
mariaient admirablement avec les textures de l'orchestre.
En 1992, Gerry Mulligan lui demanda de rejoindre l'orchestre
du Rebirth of the Cool, le temps d'une tournée
européenne. Konitz en garde un souvenir mitigé. «
C'était le spectacle de Gerry, et il le fit très bien, Dieu
protège son âme mais, j'étais juste assis là,
interprétant des partitions et, j'avais le sentiment de ne pas
suffisamment jouer. » 150 Malgré cela, Konitz
appréciait la situation de jeu en medium band puisqu'il il
fonda à son tour son propre nonette dans les années 1970.
Plusieurs albums résultèrent de cette expérience dont le
Live at Laren,
paru en 1984 sur le label indépendant Soul Note. Ce
disque comporte des réinterprétations
147 HAMILTON, Andy, Conversations on the
Improviser's Art, the University of Michigan, and 2003 page
96»I was able to make a sound and have some
understanding of the things I had been studying, but there were still some very
essential things missing in my musical education. The actual delivery of the
music was still not in the right place to me. There was an indication, which
thank goodness was picked up by some people who encouraged
me to go on and develop that. When I listen to my music I
heard the imperfections in it- there was something I
needed to develop.»
148 HAMILTON, Andy, Conversations on the
Improviser's Art, the University of Michigan, 2003 page 41
«They felt that my sound would fit with them. Charlie
Parker would have out blown the whole outfit»
149 HAMILTON, Andy, Conversations on the
Improviser's Art, the University of Michigan, 2003 p 41
«To
be completely involved in a chamber music situation would
be to compose some of the music, and have more solo
opportunities.»
150 HAMILTON Andy, Conversations on the
Improviser's Art, the University of Michigan, 2003 p 154
«It was Gerry's show, and he did it very well, God
rest his soul, but I was just sitting there interpreting parts and I
felt I wasn't playing enough.»
d'arrangements originaux de Gil Evans comme « Moon Dreams
»151. L'orchestre incluait parmi les meilleurs musiciens de
l'époque comme Red Rodney, Ronnie Cuber, John Eckert et Tom Harrell.
« J'apprécie vraiment de jouer au sein d'un ensemble mais, je
n'ai pas eu beaucoup d'opportunités de jouer dans ce genre de situation.
Au cours des dernières années, j'ai participé à des
albums avec des big bands interprétant des arrangements de mes morceaux.
Je ne pense pas qu'ils deviendront des classiques mais ils sont bons quand
même. »152 Au cours des années
1980, la mode était aux rythmes binaires. Les musiciens
de fusion jazz étaient appréciés du
public et des medias. Malgré cela, Konitz s'en tint
à sa pratique du swing.
Son jeu reflétait à la fois les influences du
cool et du bop. Son utilisation parcimonieuse du vibrato, l'amplitude
habituelle des tempos de lent à medium rapide, ses phrases
élaborées note à note et, la place du silence dans ses
improvisations, sont des concepts cool.
1.4.3 Stan Kenton
Kenton débuta sa carrière musicale sous
l'influence de l'orchestre de danse de Jimmy Lunceford avec une formation de
onze musiciens. Il change à plusieurs reprises de direction musicale au
milieu des années 1940 et 1950. Son oeuvre peut se diviser en
trois périodes stylistiques distinctes. L'étude se focalisera
sur la seconde, à laquelle Konitz participa.
1.4.3.1 « Artistry in Rhythm
»
Kenton, au début des années 1940, réalisa
avec sa formation appelée Artistry in Rhythm plusieurs albums dont
Artistry In Rhythm et Artistry in Boléro qui
s'articulaient autour de la volonté de mettre en évidence un des
solistes de la formation tel que les vocalistes Anita O' Day et June Christy.
Il engagea alors de nombreux musiciens et arrangeurs de talent, qui
émanaient
du jazz et étaient influencés par la musique
contemporaine européenne. En 1945, il débute une
151 «Moon Dreams». (Chummy Macgregor, Johnny
Mercer, arrange par Gil Evans), The Birth of Cool, Capitol Records, New York,
le 21 January 1949.
152 HAMILTON Andy, Conversations on the
Improviser's Art, the University of Michigan, 2003, Page
41 «I really enjoy an ensemble but haven't had many
opportunities to play in such a special situation. In the last few years I made
CD's with big bands playing arrangements of my tunes. I don't think they will
become classics but they're nice, though.»
collaboration féconde avec l'arrangeur Pete
Rugolo. Élève de Darius Milhaud et grand admirateur de
Stravinsky, Rugolo amena dans ses bagages des éléments musicaux
nouveaux. Celui-ci était apparu en 1949 sur deux enregistrements au
cours d'une séance avec le Metronome All Stars au côté de
Lennie Tristano. Rugolo devint ainsi l'arrangeur principal de Kenton.
Après la Seconde Guerre Mondiale son orchestre, avec celui de
Dizzy Gillespie, était parmi les premiers big bands à
incorporer des conceptions rythmiques influencées par la musique afro-
cubaine et plus généralement les rythmes des Caraïbes, par
exemple dans l'album Cuban Fire. Pourtant, les critiques
s'élevèrent concernant l'intrusion de Kenton et Rugolo dans le
domaine du jazz. Pour Gunther Schuller ces expérimentations
s'éloignaient du jazz. « Il n'y avait pratiquement pas de
jazz dans sa musique, en tout cas certainement pas d'un point de vue
conventionnel et beaucoup de gens s'y méprenait simplement parce que
cela avait été enregistré
ou joué en concert par Stan Kenton et son
orchestre»153. Cependant le public appréciait
cette
figure controversée qui remporta le
référendum de Down Beat et eut le privilège, en
1948, d'être le premier ensemble de jazz à se produire à la
télévision. Son orchestre était l'une des meilleures
réussites commerciales dans le métier.
1.4.3.2 « Progressive Jazz »
Kenton tombe malade en 1947. Il se retire du circuit pendant
un an et dissout son orchestre. Par la suite, il revint sur scène avec
une nouvelle formation comprenant de véritables solistes de jazz. Au
moment où la plupart des big bands cessèrent leurs
activités, Kenton doubla ses effectifs et assembla un orchestre colossal
de jazz moderne. La formation incorporait trente- neuf musiciens, seize cordes,
une section de vent et deux cors. Selon le critique de jazz Gary Giddins,
« comme Berlioz, il voyait les choses en grand ; il avait l'habitude
de construire une plus grande scène, un orchestre plus grand.
C'était sa réponse pour chaque tendance en jazz ou
en pop. Le mien est plus grand que le vôtre.
» 154 En 1950, il intitula son grand orchestre
Innovations in Modern Music et nomma dans ce
même esprit pompeux les titres de ces albums
153«consulté en juillet 2010»
http://www.nytimes.com/learning/general/onthisday/bday/0219.html
«almost no jazz material, certainly not from any conventional point of
view, but it came to be confused with jazz by many people simply because it was
performed and recorded by Stan Kenton and his orchestra."
154 GIDDINS, Gary Vision of Jazz, Oxford
University Press, États-Unis septembre 1998, page 328
«Like
Berlioz, he believed that more was more; build a bigger
stage, and he would build a bigger orchestra. His response
to every fashion in jazz or pop was» Mine is bigger than
yours».
tels que Progressive Jazz, Adventures in Blues,
Adventures in Standard. Toujours d'après Giddins, son
répertoire « réfléchissait non seulement des
approches musicales hétéroclites, mais aussi la prétention
qui guiderait le jazz quand les maîtres d'écoles pensaient encore
qu'il avait besoin d'un raffinage. »155 En effet,
après la Seconde Guerre mondiale, Kenton produisit une synthèse
musicale kitsch résultant du mariage des courants musicaux de
l'époque, cool, be-bop, pop et classique. C'était d'une certaine
façon le commencement de ce que l'on appela le Third
Stream. Kenton embaucha des compositeurs et
arrangeurs modernes tels que Bill Holman, Gerry Mulligan, Shorty Rodgers,
Johnny Richards, Bob Graettinger, qui s'employèrent à
façonner un style musical combinant des éléments de big
band de jazz et de musique symphonique classique. Une particularité
intéressante de l'Innovations Orchestra empruntée
à Duke Ellington, était l'écriture de pièces,
à l'image d'un concerto, destinées à ses solistes comme
Art Pepper et Lee Konitz. Le projet fut une tentative significative. Ainsi,
suivant le pas des formations de Duke Ellington et d'Artie Shaw, Kenton
commença à interpréter des oeuvres écrites par des
compositeurs de jazz à la manière d'un orchestre symphonique, non
plus destinées à la danse mais uniquement à
l'écoute. Kenton utilisait son orchestre comme un medium pour exprimer
non seulement une vision musicale personnelle mais aussi des idées
philosophiques. D'un point de vue commercial, l'entreprise fut un échec.
Kenton entreprit deux tournées entre 1950 et 1951 puis abandonna ce
projet pour retourner à un orchestre plus modeste de dix-neuf
musiciens. Cependant, son travail ne fut pas oublié des musiciens de
jazz et influença les compositeurs majeurs du Third Stream tels
que Gunther Schuller, John Lewis et Don Ellis. Sa formation était en
majeure partie constituée des anciens du nonette de Miles Davis, des
orchestres de Dizzy Gillespie et de Woody Herman. En plus des arrangeurs, le
big band incluait une section de saxophones composée de Lee Konitz, Art
Pepper, Zoot Zims, Bill Perkins, Lennie Niehaus, les cuivres comprenaient Carl
Fontana, Al Porcino, Franck Rosolino au trombone, les frères Candoli
à la trompette. La section rythmique était composée de Mel
Lewis, du bassiste Max Bennett. L'album Comtemporary Concepts fut
considéré comme l'un des meilleurs dans la catégorie
grand orchestre des années 1950. En partie grâce
au travail de Bill Holman et de Gerry Mulligan.
155 GIDDINS, Gary, Vision of Jazz, Oxford
University Press, États-Unis, septembre 1998, page 330
«Reflected not only sundry approaches to music, but the
pretentiousness that goaded jazz when schoolmasters still thought it needed
refinement.»
1.4.3.3 Lee Konitz, un soliste de big band à part
entière
L'arrangeur Bill Russo, ami d'enfance de Konitz, lui proposa de
rejoindre l'orchestre.
« Quand Stan m'appela, il était encore connu
pour ses opérations lourdes (...) mais il disait qu'il voulait
alléger son orchestre, avoir quelque chose qui ressemble plus à
un orchestre de jazz. »156 Ce fut une décision qui
allait accroître la popularité de Konitz. En acceptant
l'invitation de Kenton, Konitz marquait son indépendance et sa
volonté de couper le cordon temporairement avec son ancienne famille
musicale. On aurait pu croire qu'il attira la haine du clan Tristano. Au
contraire, Tristano maintint une relation amicale et encouragea ses
étudiants à copier les solos de
Konitz sur les albums de Kenton. Il souligna en prime les
similitudes du rôle de Konitz dans le big band de Kenton avec celui de
Lester Young dans l'orchestre de Count Basie. D'après Konitz,
« Tristano aimait réellement ce que je
faisais. Il savait que je devais le faire pour soutenir ma famille à
cette époque-là. »157 De même, Il
remarque amèrement la transition difficile entre les deux formations.
« Beaucoup de gens se moquait de moi quand je quittais
Tristano pour rejoindre l'orchestre de Kenton. Plus tard j'ai appris que ces
mêmes musiciens étaient en train de copier les solos que je
faisais avec Stan. »158 En août 1952, l'altiste
franchit le pas et reste un peu plus d'un an dans l'orchestre. il rejoint le
quintette de Tristano en 1955 pour l'enregistrement en concert au restaurant le
Confucius situé à New York. Durant cette période, Konitz
enregistre abondamment aux cotés de Charles Mingus, Bill Russo, Billy
Bauer, Lars Gullin et remporte en
1954 le premier prix dans la catégorie saxophone alto
du célèbre magazine Metronome.
Dans ses interviews, Konitz ne cache pas son respect
pour Kenton : « j'ai toujours
admiré Kenton, depuis que je l'ai vu quand
j'étais enfant à l'Oriental Theatre de Chicago. Cela
représentait une opportunité intéressante pour moi - entre
autres un engagement régulier - dont
156 HAMILTON Andy, Conversations on the
Improviser's Art, the University of Michigan, 2003, «When
Stan called me, he was still known as something of a heavy handed operation,
but he said he wanted to lighten up, have something more of a jazz
band.»
157 HAMILTON Andy, Conversations on the
Improviser's Art, the University of Michigan, 2003, page 26
«He really liked what I did. He knew I had to do that ,
to support my family at the time»
158 «consulté en juin
2010»
http://www.allaboutjazz.com/php/article.php?id=1232&pg=1»
A lot of people
ridiculed me when I left Tristano to join the Kenton band.
Later on I learned these same musicians were copying down the solos I made with
Stan.»
je savais très peu de choses. »159
Il y avait une entente mutuelle entre les deux artistes. Aussi proche de
son public que de ses musiciens, le tact de Kenton et l'attention
particuliè qu'il portait aux solistes furent appréciés :
« il était totalement dédié à la musique,
mais il ne m'a jamais dit comment jouer. C'est important du point de vue du
musicien. Il donna à nous, jeunes musiciens une occasion de jouer.
»160 Kenton reconnut le talent unique d'improvisateur de
Konitz et lui fournit des pièces qui le mettaient en valeur tels que
« My Lady », « In Lighter Vein », « Lover Man »
et « My Funny Valentine » arrangé par Bill Holman. Il figura
entre autres sur les albums New Concepts of Artistry In Rhythm,
Concert In Miniature ainsi que sur une dizaine
d'enregistrements en public. Malgré tout, Konitz ne
semblait pas satisfait de ses prestations. L'exécution chaque soir des
mêmes arrangements produit une certaine lassitude chez lui qui
déteint dans ses solos. Dans le même ordre d'idée, un
musicien, à force de broder à chaque prestation sur le même
court passage, en vient à retenir inconsciemment les principales parties
de son développement et, peu à peu, à jouer toujours le
même solo. En conséquence, Konitz avait de temps en temps recours
à une improvisation déjà préparée. Le solo
était alors figé. Konitz se souvient de cette situation. «
Tout particulièrement sur un morceau de Bill Holman intitulé
« In A Lighter Vein », j'ai joué des choses
préparées sur celui-ci. Avec une section de dix cuivres
interprétant très fort les backgrounds, je devais savoir ce
qu'étais en train de faire. Je ne pouvais entendre des nouvelles choses
aussi facilement. Vous êtes assis dans la section de saxophones, jouant
des parties fonctionnelles, ensuite vous vous levez et jouez tous ce que
vous
connaissez sur 32 mesures ! »161 Ce
qui semble inconcevable quand on connait ses principes sur
159 TESSER, Neil, Lee Konitz, Searches for the
perfect Solo , Down Beat juin 1980»I had always admired Kenton,
from seeing him when I was a child at the Oriental Theater in Chicago,» So
he represented an opportunity that was of interest to me- a steady job, among
other things, which I knew very little about»
160 «consulté en juillet 2010»
http://www.allaboutjazz.com/php/article.php?id=1232&pg=1
« He was dedicated to the music, but he never told me how to play.
That's important from a musician's point of view." "He gave us young musicians
a chance to play»
161 HAMILTON Andy, Conversations on the
Improviser's Art, the University of Michigan, 2003, page 81
«Especially on a Bill Holman tune called `' In a Lighter Vein'' I did
play some prepared things on that one. With ten brass hitting backgrounds, I
had to know what I was doing- I couldn't hear new things that easily. You sit
in the sax section, playing functional parts, then stand up and play all you
know in thirty-two bars!»
l'art de l'improvisation. De plus, les conceptions musicales
de Kenton semblaient être en divergence avec l'horizon musical de Konitz
car malgré le désir de Kenton de diminuer les proportions de son
organisation, l'orchestre demeurait imposant. En dépit de sa
qualité, il rencontra des difficultés à improviser devant
une formation de cette dimension. Le son des cuivres était très
puissant. Pour de n'être pas complètement recouvert par
l'orchestre, il fut contraint de forcer son jeu. À posteriori, il
observa de manière lucide les défauts de ses interventions dans
l'orchestre : « j'aimais beaucoup certains enregistrements officiels,
mais les autres ne sonnent pas très relaxés ou musicaux
maintenant. Non pas dans le choix des notes à vrai dire mais
plutôt par rapport à l'interprétation trop sentimentale,
avec ce vibrato désuet et
ce phrasé rythmique qui était la
conséquence de tensions que je n'aime pas »162.
Mais Konitz
juge toutefois son expérience gratifiante : «
mais pendant environ quinze mois ce fut une vive expérience d'un
point de vue musical et personnel. » 163 En 1953,
plusieurs musiciens cool s'ajoutèrent à l'effectif de
l'orchestre tels que Zoot Sims, Dave Schildkraut, Bill Holman et Bob Gioga
dans la section de saxophones. Les trombonistes Frank Rosolino, Bill Russo et
Bob Burgess. La section de trompette incluait Buddy Childers, Maynard Ferguson,
Conte Candoli et Don Dennis. Sal Salvador, guitare, Don Bagley,
contrebasse, Stan Levey à la batterie composaient la section
rythmique. Il enregistra alors deux albums pour Capitol avec cette
formation, New Concepts Of Artistry In Rhythm et
Kenton Show case. Kenton dissout sa formation en 1953. Après
une tournée en Europe, Konitz choisit de rester à New York
1.5 Bilan et perspectives
L'analyse des influences de Konitz a permis de réunir
plusieurs remarques afin de comprendre comment s'est forgé son style au
cours des années 1940 et 1950. Les éléments
caractéristiques de
la musique de Lester Young, Charlie Parker et Lennie Tristano
ayant été mis en évidence. Ces
162 HAMILTON Andy, Conversations on the
Improviser's Art, the University of Michigan, 2003, page 81 «I
liked some of the official recordings very much, but others don't sound too
relaxed or musical to me now. Not in the note selection so much as in the over
sentimental rendition, with that corny vibrato, and rhythmic phrasing as a
result of tension that I don't like».
163 HAMILTON, Andy, Conversations on the
Improviser's Art, the University of Michigan, 2003, page 81
«But for about fifteen months it was a very vital
experience musically and personally»
éléments pourront servir de points de
comparaison lorsque seront abordées les improvisations de Konitz. Il
sera possible de comprendre en quoi il fut plus ou moins proche ou
éloigné de l'un ou de l'autre. La réflexion a pu montrer
également que Lee Konitz a suivi un parcours identique à celui de
la plupart des boppers : venu de l'orchestre, il se consacre ensuite presque
exclusivement aux petites formations notamment en solo, duo, trio, quartette et
quintette. Ainsi, son intérêt pour le be-bop ne peut être
démenti. Il admire Charlie Parker ; il collabore même avec lui. De
ce point de vue, Lee Konitz a été au coeur du monde de
l'avant-garde du jazz des années 1940, dont il est effectivement l'un
des principaux saxophonistes.
Cette partie a cherché à montrer que la plupart
des assertions sur le clan Tristano et le jazz cool relevaient du mythe. La
réévaluation de l'opposition entre cool et be-bop après
avoir redéfini ces mouvements a montré l'ambigüité
des termes et leurs sens multiples. Certains modes d'interprétation,
sans doute trop rigides, devraient être à leurs tours
réévaluées. Toutefois cette réévaluation
n'est pas l'objet de ce mémoire, non plus que l'interrogation sur les
raisons de la naissance et de la persistance des mythes qui ont
été dénoncés. Il s'agit seulement de rappeler que
les critères traditionnels de distinction du be-bop et du cool posent
problème. L'étape suivante du mémoire consistera donc
à mettre en évidence certaines évolutions observées
dans le jeu de Konitz.
Chapitre 2
Analyse de deux improvisations sur « All the Things
You Are »
« Analyser c'est découvrir la méthode
»164 Laurent Cugny
Au cours de la seconde partie je m'emploierai à
analyser deux solos de Lee Konitz sur le célèbre standard de
Broadway « All the Things You Are ». Chaque improvisation a
été choisie au cours de différentes époques de sa
carrière et révélera l'évolution de son jeu en tant
qu'improvisateur. Nous pourrons constater les éléments de
maturation de son style au fur et à mesure de l'étude. La
réflexion sera donc chronologique. Les éléments
relevés permettront de se faire une idée concrète du jeu
de Konitz, mais pourront, une fois connus, aider également à
confirmer les influences des musiciens cités précédemment.
Nous commencerons avec sa performance au Confucius Restaurant dans le quartette
de Lennie Tristano en 1954, ensuite j'analyserai une récente
interprétation de ce standard en quartette au Village Vanguard en 2009,
issu d'un enregistrement officieux.
Konitz est totalement dévoué à improviser
de manière pure. Ses improvisations sont supposées ne pas
contenir de phrases préparées ou de clichés. Il
choisit pour cela de se concentrer sur la mélodie, l'instant
présent et, de ne pas travailler des passages qui pourraient
s'insérer dans un solo. Son éthique se veut irréprochable.
Il dit au cours d'une interview avec
Mike Zwerin : « dès que je m'entends jouer une
mélodie familière je retire le saxophone de ma
164 CUGNY, Laurent, Analyser le Jazz, Outre Mesure,
2009, p. 394
bouche. Je laisse passer quelques mesures. Improviser
signifie se présenter avec une ardoise complètement nouvelle
dès la première note. C'est le procédé auquel
je m'intéresse. Vous pouvez transformer le standard le plus familier
en quelque chose d'entièrement frais. Le plus important est de
s'éloigner des fonctions fixées. »165 En
effet, il distingue les improvisateurs réels, spontanés et
intuitifs de ceux qui choisissent délibérément de «
préparer » leurs solos avant d'entrer sur scène. Il existe
également une troisième approche qu'auraient adoptée
Charlie Parker et John Coltrane, laquelle joint des éléments
préparés a priori à un discours improvisé sur
le moment. Pour Konitz, « ceux qui travaillent en
amont leurs solos, beaucoup le font en pensant qu'il est naïf d'improviser
devant des auditeurs qui ont payé une entrée. Ils ont la
sécurité de savoir ce qu'ils sont en train de jouer et ont juste
à se consacrer à le délivrer très bien, ce qui est
un emploi à plein temps. Je ne suis pas en train de dire que l'un soit
meilleur que l'autre. J'essaie juste de différencier.
»166
Ainsi, nous tenterons d'établir au cours de l'analyse
de deux versions d'« All the Things You Are » l'évolution du
style de Konitz. Comment l'improvisateur procède-il? Quelle est sa
méthode d'improvisation? Ces interrogations détermineront la
stratégie mise en oeuvre afin de mettre au jour les facettes multiples
du jeu de Konitz. Nous tenterons ainsi de cerner pour chaque période la
méthode d'improvisation utilisée.
165 «consulté en juillet»
http://www.culturekiosque.com/jazz/miles/rhemile21.htm"As
soon as I hear myself playing a familiar melody I take the saxophone out of my
mouth. I let some measures go by. Improvising means coming in with a completely
clean slate from the first note. The process is what I'm interested in. You can
turn the most familiar standard into something totally fresh. The most
important thing is to get away from fixed
functions.»165
166 «consulté en juillet 2010»
http://www.sawf.org/newedit/edit09182000/musicarts.asp
«The one who work out their solos, many of the people do that
thinking that it's naive to improvise in front of paying customers. They have
the security of knowing what they're playing and just work on playing it very
well which is a full time job also. I'm not saying one way is better than
another. Just trying to differentiate»
2.1 Origine de « All the Things You Are »
Entendu pour la première fois à Broadway lors de
la première en 1939 de la comédie musicale Very Warm for
May, le célèbre morceau est le fruit de la collaboration du
compositeur Jerome Kern et du parolier Oscar Hammerstein. Malgré le
fiasco du spectacle, l'enregistrement de « All the Things You Are »
par l'orchestre de Tommy Dorsey atteint la première place dans les
classements de musique pop. Les versions de la formation d'Artie Shaw et de
Frankie Masters en 1940 connurent elles aussi un large succès.
C'est l'un des standards les plus populaires avec « Body and Soul
» parmi les musiciens de jazz. En dépit de sa complexité
harmonique et mélodique et, associé à des paroles à
la mesure d'une poésie respectable, « All the Things You Are »
a rencontré un vif succès public. D'après Alec Wilder,
auteur de American Popular Song, « peut-être nous
devrions retourner à cette ancienne théorie selon laquelle si les
premières mesures d'une chanson sont chantables, la
complexité du reste n'a alors plus
d'importance. »167 Cette chanson est
bâtie sur une structure non conventionnelle de trente-six
mesures. C'est une forme-song ABAC plus exactement A1-A2 -B1
-B2- A1-C, qui est une variante de la forme en AA'BA''. Le morceau module
à plusieurs reprises. Il commence en la bémol majeur aux mesures
1 à 5 puis module en do Majeur, mesures 6 à 8, en mi
bémol Majeur des mesures 9 à 13, ensuite il passe en sol
Majeur au cours de la section B aux mesures 14 à 20. Il continu en
mi Majeur, mesures 21 à 23. Il retourne à la
tonalité fa mineure au retour de la partie A1, module au relatif majeur,
mesures 26 à 29. Ensuite, l'harmonie descend chromatiquement aux mesures
30 à 33. La chanson résout en La bémol majeur. La
mélodie
167 WILDER, Alec, American Popular Song, The Great
Innovators, 1900-1950, New York, Oxford Press,
1972.P79 «I am surprised as Kern is alleged to have been
that it became a hit. Perhaps one should hark back to that old theory that if
the opening measures of a song are singable, it doesn't matter how complex the
rest of it is.»
entière de la section se compose d'intervalles
ascendants de quartes et de quintes descendantes. Dans la section C de nouveaux
intervalles plus grands apparaissent comme la sixte.
« All the Things You Are » est un des standards
favori de Konitz qui le joue presque à chaque concert. Il figure en
outre dans de multiples enregistrements réalisés aussi bien en
tant que sidemen et leader. Au milieu des années 1990, il écrivit
une démarcation de la mélodie originelle qu'il intitula «
Thingin » dans laquelle il conserva les sections AB et modifia la grille
harmonique des sections B et A''. C'est un thème qu'il avait l'habitude
de jouer au côté de Tristano et de Warne Marsh. D'ailleurs, Marsh
composa lui aussi une démarcation intitulée
« Dixies Dilemna », fruit d'un assignement au cours
des leçons hebdomadaire avec Tristano. La première version fut
enregistrée sur l'album Tale of the Two Cities. On la retrouve
plus tard sur l'album Dig it de Lee Konitz en quintette cette fois,
avec le saxophoniste ténor Ted Brown.
2.2 Analyse de la première version d' « All the
Things You Are »
La version de « All the Things You Are » que
nous tenterons d'analyser provient d'un enregistrement
réalisé au Restaurant Confucius le 11 juin 1955. L'album
intitulé tout simplement Lennie Tristano fut publié en
1956 par le label Atlantic, dans lequel on retrouve également des titres
enregistrés en studio par le trio de Tristano. Le groupe
était constitué de Tristano au piano, Lee Konitz au saxophone
alto, Gene Ramey contrebasse et Art Taylor à la batterie. À cette
époque, Konitz vient juste de quitter l'orchestre de Stan Kenton. La
transcription fournit une image figée d'un moment dans le temps. Son
analyse nous révélera des informations sur les goûts de
Konitz à cet instant. De quels procédés musicaux aimait-il
se servir? Était-il plus proche du style de Charlie Parker ou de celui
de Tristano? Ou avait-il déjà formulé un jeu personnel?
2.2.1 Diagramme structurel de la performance168
Nb mesures
|
36
|
148
|
72
|
32
|
25
|
11
|
Structure 2
|
AA'BA''
|
AA'BA''
|
AA'BA''
|
AA'BA''
|
AA'
|
BA»
|
Structure 1
|
as
|
as
|
p
|
cb
|
as
|
as/p
|
Evénements
|
Thème
Exposition
|
Solo as
|
Solo p
|
Solo cb
|
Solo as
|
Solo as/p
|
Cugny.
168 La méthode employée ici utilise le
diagramme structurel presenté dans Analyser le Jazz de
Laurent
2.2.2 Le vocabulaire harmonique et mélodique
Lee Konitz improvise de façon extrêmement claire.
Il fait ressortir les harmonies du morceau dont l'enchainement ici est
relativement rapide. Son improvisation contient des audaces harmoniques qui
sont celles employées à la même époque par Charlie
Parker, Tristano ou Dizzy Gillespie. Konitz utilisait parfois des
enrichissements harmoniques que le be-bop tendit à
généraliser, l'utilisation abondante de la septième
majeure, de la sixte, de la quinte augmentée que l'on retrouve par
exemple à la mesure 18, l'utilisation de notes dissonantes telle que fa
diese sur l'accord de la mesure aussi comme sur un accord de septième
à la mesure 63. Cependant, à la différence de Parker,
Konitz n'emploie pas de substitution diatonique ou tritonique. Ses phrases
commencent le plus souvent sur une note de l'accord et rarement sur
une note appartenant à sa superstructure. On remarque
l'omniprésence de petits intervalles compris entre la seconde mineure et
la tierce, de de notes de passages notamment aux mesures 30 à 31.
L'improvisation se développe à l'intérieur d'un ambitus
restreint de deux octaves et demie. Konitz se sert majoritairement du registre
medium de l'instrument. On observe des motifs appartenant à l'idiome bop
qui apparaissent transposés à plusieurs endroits notamment aux
mesures 43. En conséquence, son jeu ne possède pas encore cette
imprévisibilité qu'il gagnera des années plus tard mais
l'énergie et l'esprit qu'il l'animait masquait ces défauts de
jeunesse.
Exemple musical 9 : « All the Things You Are »,
Lee Konitz, mesure 63. Utilisation de la seconde mineure mi sur
l'accord de Eb7.
Exemple musical 10: « All the Things You Are », Lee
Konitz, mesure 43. Konitz emploie
un motif généralisé par les boppers sur
l'accord de do Majeur.
2.2.3 L'aspect rythmique
La fluidité est un aspect de son jeu qui s'observe dans
la technique instrumentale, les idées harmoniques et mélodiques
et enfin au travers des jeux rythmiques. En effet, son improvisation ne laisse
pas transparaitre l'effort ou le travail. L'articulation se fait de
manière souple. Comme pour les musiques de Charlie Parker ou de
Tristano, celle de Konitz semble facile, presque évidente. Si à
l'écoute le sentiment de fluidité transparaît dans ses
solos, cela ne dissimule pas en revanche un certain ennui, dû à
l'absence de variation rythmique. Celle-ci tendra à se diversifier par
la suite. On remarque l'emploi prédominant de croches s'étendant
parfois sur quatre mesures. Konitz privilégiait alors la ligne
mélodique sur la recherche rythmique. Le style dominant était
legato, avec des accents présents. On note que la section
rythmique est consistante et joue avec une intensité qui tranche avec
des enregistrements précédents où le batteur avait
davantage une fonction métronomique. Le batteur Art Taylor, qui joua
entre autres avec Miles Davis et Bud Powell, apporte une énergie
créatrice sans pareille au groupe
2.2.4 Les éléments propres au style de Lee
Konitz
Ce paragraphe est consacré aux éléments
qui semblent caractériser de façon claire le jeu de Konitz durant
sa période avec Tristano. Son style est caractérisé par
l'ensemble des procédé relevés dans cette improvisation,
lesquels permettront de l'identifier de façon presque exclusive. Cette
démarche se propose donc de déterminer le style de Konitz en
tentant d'isoler son jeu de l'esthétique be-bop de manière
à ne garder que les éléments qui ne se rattachent à
aucun genre.
2.2.4.1 Les notes répétées
Du point de vue de l'improvisateur, de tels passages en notes
répétée permettent de construire des contrastes et,
représentent une certaine économie sur le plan des idées
mélodiques. Cette technique renforce l'aspect dramatique de
l'improvisation et dans ce cas fait référence à la
mélodie originelle. Elle laisse d'ailleurs le temps au
soliste de renouveler ses idées. Konitz emploie cette technique aux
mesures 6, 56, 57 58 et 126. Enfin, cet aspect est une caractéristique
dominante de son style que l'on retrouve dans de nombreuses improvisations.
Exemple musical 11 : « All the Things You Are », Lee
Konitz, mesure 8. La sixte de
l'accord de CM7 est répétée à
trois reprises.
2.2.4.2 Des motifs caractéristiques
On note au cours de son improvisation la présence de
motifs récurrents. Sur un accord majeur, par exemple, il a coutume de
jouer un arpège plus ou moins développé de l'accord. Une
autre perspective est possible en analysant cet exemple comme un motif
construit sur la pentatonique de mi bémol Majeur aux mesures 47
et 48. Cette formule est énoncée avec des variantes à la
mesure 12. La fréquence de ces retours incite à les comprendre
comme un aspect à part entire de son style. Un autre motif très
révélateur de la conception mélodique de Konitz surgit aux
mesures 112 à 116. Ce tricotage mélodico- rythmique évoque
pendant quelques mesures le style de Lennie Tristano.
Exemple musical 12 : « All the Things You Are », Lee
Konitz, mesures 46-47. Motif construit sur la pentatonique majeur de
mi bémol.
Exemple musical 13 : « All the Things You Are »,
mesures 112 à 116. Déplacement
chromatique et rythmique d'un motif en tierces.
2.2.4.3 La broderie
De courtes formules mélodico-rythmiques peuvent enfin
être relevées qui reviennent de façon systématique
sur certaines notes. Notamment les broderies supérieures que l'on peut
observer sur l'accord de Bm7(b5) à la mesure 104.
Exemple musical 14 : « All the Things You Are », Lee
Konitz, mesure 104. Exemple de jeu rythmique en triolet de broderies
supérieures descendantes sur l'accord de Bm7 (b5).
2.3 Analyse de la deuxième version d' « All the
Things You Are »
Konitz est connu pour ses prestations avec des musiciens avec
qui il n'avait jamais joué auparavant. Plutôt que de diriger sa
propre formation, Konitz préfère endosser le costume du sideman.
Il est ainsi connu pour ses prestations à travers le monde aux
cotés des sections rythmiques locales qui l'invitent à jouer pour
quelques concerts. Ces rencontres peuvent se dérouler avec plus ou moins
de réussite: « c'est plus difficile de voyager aujourd'hui
à cause de la sécurité et de mes quelques années en
plus, mais, je le fais avec plaisir avec l'idée que je vais arriver
quelque part- habituellement un bel endroit - et rencontrer des gens sympas,
jouer et
même gagner de l'argent pour ça. C'est comme
un miracle pour moi. »169 Mais son habilité
à jouer spontanément avec d'autres musiciens qu'il vient de
rencontrer reste un défi qu'il relève à chaque occasion.
Bien sûr, en changeant le contexte et les musiciens autour de lui, il
favorise des moments propices à la création et au brassage
d'idées.
En revanche, la version d'« All the Things You
Are »170 qui sera ici analysée est le fruit d'une
rencontre exceptionnelle de musiciens au sommet de leurs carrières
respectives. Durant une semaine, Konitz aoccupé la scène du
célèbre club de Manhattan, le Birdland au côté de
Brad Mehldau au piano, Charlie Haden à la contrebasse, Paul Motian
à la batterie. Mehldau et Haden étaient apparus sur deux albums
de Konitz particulièrement réussies, Alone
Together171 suivi de Another Shade of
Blue172. Présent lors de
l'enregistrement en public de cette version
d'« All the Things You Are », j'ai pu assister au
processus d'improvisation avec tout ce que la présence physique apporte
à l'expérience auditive. Le set fut composé de
standards bien connus des amateurs tels que « Lover » « All of
Me », « You and the Night and the Music », « It Could
Happen to You », « Darn That Dream » et « All the Things
You Are ». L'album Live at Birdland
173 paru sur le label ECM est, le produit de ce
fameux quartette.
169 «consulté en avril 2010»
http://www.allaboutjazz.com/php/article.php?id=1087
Well, I'm enjoying it more in real life. Just the fact
that I've been doing this kind of playing for all of 66 years now, from the
first time; I've been pretty fortunate. There were years where there wasn't
that much activity, but for the most part I'm working more now than ever. It's
a little more difficult to travel now with the security and
with my extra years, but I do it with pleasure with the idea
that I'm going to arrive someplace - usually a nice place
- and meet some nice people and play and even get money for
it. It's like a miracle to me,»
170 KONITZ Lee, enregistrement privée, New York
décembre 2009
171 KONITZ Lee, Alone Together, EMI, Los
Angeles, 1997
172 KONITZ Lee, Another Shade of Blue, EMI,
Los Angeles,1999
173 KONITZ Lee, Live at Birdland, New York,
ECM, 2011.
2.3.1 Diagramme structurel de la performance
Nb mesures
|
23
|
180
|
108
|
72
|
72
|
36
|
8
|
Structure 2
|
BA''
|
AA'BA''
|
AA'BA''
|
AA'BA''
|
AA'BA''
|
AA'BA''
|
AMP
|
Structure 1
|
as
|
as
|
p
|
cb
|
as-cb
|
as
|
as
|
Instrumentation
|
as
|
Quartette
|
Quartette
|
cb
|
Quartette
|
Quartette
|
Quartette
|
Evénements
|
Solo
as
|
Solo as
|
Solo p
|
Solo cb
|
Solo
as/p/cb
8/8
|
Solo as/p
|
Solo as
|
2.3.2 Le solo de saxophone
Sans dire un mot à ses collègues, Konitz
commença à improviser un solo de saxophone a cappella.
Il fit l'expérience de cette pratique la première fois en 1965,
au cours d'un concert en hommage à Charlie Parker : « j'avais
le choix entre une bonne section rythmique avec laquelle j'aurais probablement
passé cinq minutes à m'ajuster. Donc, je pensai simplement
à me faire
plaisir et jouer en solo au Carnegie Hall.
»174 Quelques années plus tard, il franchit le pas
et enregistre un album complet en solo. Au cours de la performance, chaque
musicien avait la tâche à son tour de débuter un morceau.
Konitz explique: « Brad et moi aimons d'habitude débuter un
morceau chacun à notre tour quand nous jouons ensemble, mais Charlie ne
voulait pas jouer le jeu. »175 Il est nécessaire de
signaler qu'il n'y a pas eu de concertation entre les musiciens avant la
performance à propos de l'ordre des entrées, des
tonalités, des tempos et des métriques. En ce qui concerne le
soliste, sa responsabilité est de délivrer une improvisation la
plus claire possible en ce qui concerne le tempo, le rythme, l'harmonie
et la carrure. L'enjeu pour la section
rythmique est alors d'écouter attentivement le soliste
qui sème au cours de son improvisation des indices qui pourront servir
à reconnaitre les paramètres musicaux cités.
L'intérêt pour le public et les musiciens s'en trouve accru. Mais
c'est une discipline risquée car il est probable que le musicien ne
reconnaisse pas le morceau entrepris. « À vrai dire c'est
arrivé une fois jadis: Brad et moi jouions avec Charlie Haden au
festival de jazz de Montreux, et nous avions joué en guise de rappel
« Stella by Starlight » et personne ne me suivit.
Finalement Charlie commença à jouer, mais je ne sais pas si il
entra à l'endroit où je me trouvais. Je le joignis mais pas Brad.
Je regardai Brad et je pouvais observer ses lèvres former les mots :
qu'est que l'on est en train de
jouer ? »176
Konitz débute « All the Things You Are » au
pont et survole les sections B et A». Il est rejoint par la section
rythmique à la mesure 23, d'abord par la batterie puis par la
contrebasse à la mesure 26, enfin par le piano mesure 33. Afin que tout
le monde sache où est le premier temps,
174 HAMILTON, Andy, Conversations on the
Improviser's Art, the University of Michigan, 2003 page 130 «I
had the choice of a good rhythm section, which I would probably spend five
minutes adjusting to , so I thought I'd just enjoy playing at Carnegie
Hall all by myself. It was a very exciting experience»
175 «consulté en juin 2010»
http://jazztimes.com/articles/27721-lee-konitz-a-q-a-by-ethan-iverson
«Brad
and I usually like to take turns starting tunes when we play
together, but Charlie didn't want to play that game.»
176 «consulté en juin 2010»
http://www.washingtoncitypaper.com/blogs/artsdesk/music/2009/11/21/tonight-lee-konitz-kencen-terrace-
theater/»Actually that happened once before: Brad and I played with
Charlie Haden at the Montreal Jazz Festival,and as an encore I started
«Stella by Starlight» and nobody came in. Finally Charlie came in,
and I don't know if he came in where I was but I joined him--and no Brad. I
looked over and I could see his lips forming the words `What are we
playing?»
Konitz cite de manière évidente la
dernière phrase de la mélodie aux mesures 21 à 23 qui ne
laissent aucun doute sur la carrure du morceau et la tonalité. Cette
phrase arpège distinctement un II V I en la bémol.
Konitz résume cette discipline en ces termes: « je ne fais pas
trop de concerts en solo, mais fréquemment j'aime bien commencer un
concert avec une pièce tout seul. Avec un type d'instrument ne pouvant
jouer qu'une seule note à la fois, nous sommes supposés tout
faire nous-mêmes avant d'être rejoints par quelqu'un d'autre. Je
suis habitué à cette indépendance ... si j'avais
été pianiste je pense que j'aurais aimé les
récitals en solo. C'est de
cette façon que je joue la plupart du temps chez
moi. »177
Exemple musical 15 : « All the Things You Are », Lee
Konitz, mesures 21 à 23. Dernière phrase du thème
joué par Konitz.
2.3.3 La méthode d'improvisation
« Tu ne peux pas descendre deux fois dans les
mêmes fleuves, car de nouvelles eaux coulent. »
Héraclite
Un regard d'ensemble sur la partition nous suffit pour observer
la variété rythmique et l'ambitus plus important utilisé
tout au long du solo. La vue macroscopique dévoile des phrases
morcelées qui contrastent avec la version
précédente d'« All the Things You Are ». Konitz
crée
177 HAMILTON Andy, Conversations on the
Improviser's Art, the University of Michigan, 2003, page 129 «I
don't do solo concerts too much, but frequently start a set at a concert with a
solo piece. With single-note instruments, we're supposed to do the whole thing
by ourselves before get together with somebody else. So I am used to that
independence... If I were a pianist I think I'd enjoy solo recitals. That's the
way I play most of the time when at home.»
une improvisation qui aurait pu être une composition
écrite à la table. Il se soucie de l'équilibre de la
musique et instinctivement emploi le concept de tension-détente à
travers le rythme, la mélodie, et l'aspect sonore. D'un point de vue
mélodique il utilise des cellules qu'il reproduit et développe en
l'espace de quelques mesures comme aux mesures 23-24, 26 et 27, 31-36.
Son jeu se construit autour d'intervalles qu'il fait se
répondre logiquement. L'idée est de changer le rythme et les
licks dans tous les sens possibles dans le but de raconter une
histoire originale. Arrivé à la fin de sa vie, Konitz pose un
regard très modeste sur lui-même: « j'essaie de
réviser toute les choses que j'ai faites ou apprises. Je dois me
déshabiller jusqu'à ne garder que l'essentiel et essayer de
redéfinir ce qu'improviser signifie pour moi. Je me dirige de plus
en
plus près de ça. » 178
Son approche consiste ainsi à commencer un solo en
espérant qu'il
empruntera une nouvelle direction. Selon lui, « la
surprise est aussi très importante. De temps en temps, vous
été en train de jouer une admirable mélodie dans le
registre medium sur votre saxophone et, ensuite, vous produisez quelques notes
aiguës qui éclatent à travers la texture. Elles sont presque
dissonantes mais elles restent très mélodiques et excitantes.
»179
Il s'efforce de donner du sens à chaque note qu'il
forme. On remarque qu'il n'interprète plus une mélodie sans
embellissement: « à présent je n'aime pas
réellement jouer la mélodie de «All the Things»
je dois trouver une nouvelle façon de l'exprimer. À chaque
fois que je joue une de ces mélodies, j'essaie de m'accorder à
toutes les notes, ce qu'elle signifie en soi et comment elle connecte avec la
note d'après, soit en me servant des techniques du tonguing, du
legato ou
en les vibrant. C'est un défi incessant et,
plus c'est joué de manière sincère plus les
178 «Consulté en juin 2010»
http://www.allaboutjazz.com/php/article.php?id=15943
«Trying to review all the things that I do or was learning. Having to
strip down to the bare essentials and trying to redefine what improvising means
for me and I'm coming closer and closer to it."
179 «Consulté en juin 2010»
http://jazztimes.com/articles/27721-lee-konitz-a-q-a-by-ethan-iverson
`'Perhaps surprise is very important too. Sometimes you'll
be playing a beautiful mid-register melody on your saxophone and then you'll
play some high notes that burst through the texture. They're almost jarring,
but they're still very melodic and very exciting.»
embellissements lors du second chorus le seront aussi.
»180 En somme, Konitz livre la substance même du
morceau, c'est-à-dire la somme des impressions du moment. Sa musique
aujourd'hui n'appartient plus à un style identifiable. Elle est un pont
véritable entre le passé, la tradition du
jazz et ce qui demeure intrinsèque à
l'artiste.
Exemple musical 16 : « All the Things You Are »,
Lee Konitz, mesures 93 à 95. Fragment
thématique apparaissant aux mesures 93 à
95.
2.3.4 L'aspect rythmique
Konitz maintient l'auditeur en état de suspens
grâce à un jeu rythmique varié et toujours
imprévisible. De ce point de vue, il crée un effet de
discontinuité en se servant de silences et de notes longues qui viennent
rompre le flux de croches entrecoupé de syncopes. Cela permet de
générer une tension sur le plan rythmique, complémentaire
des tensions recherchées sur le plan mélodique. Ce type de
tension dramatise l'improvisation et renforce sa nature vulnérable.
L'auditeur Konitz reconnait la difficulté de créer
spontanément en tenant compte de tous les paramètres en jeu au
moment de l'improvisation. « En général je suis en train
d'assembler des
notes de la façon la plus spontanée possible,
et c'est très due de faire ça en synchronisation avec
180 HAMILTON Andy, Conversations on the
Improviser's Art, the University of Michigan, 2003, page 116
« By now I don't really love to play the melody»
I have to find a new way to make it real.» Every time I play one of these
melodies, I'm trying to tune in to every note -how it feels in itself, and how
it connects with the next note, weather I'm tonguing it or legato-ing it or
vibrating it. It's a constant challenge, and the more meaningfully it's played,
the more meaningful the second chorus of embellishment is»
le tempo. Quand je joue des phrases plus longues et descend
vers le registre grave, cela va me ralentir un peu. Mon intention est de jouer
vers le milieu du temps. »181
2.3.5 Un jeu construit collectivement
Toutefois son improvisation ne procède pas
indépendamment de la section rythmique. Le pianiste Brad Mehldau, l'un
des plus novateurs de la scène actuelle nourrit constamment Konitz
à travers ses accords complexes et traits mélodiques inouïs.
Comparé à Tristano, son accompagnement est plus léger car
il joue souvent en contrepoint. Bien que dense harmoniquement, il sait se
retirer à des moments propices pour mieux écouter et s'ajuster
à l'environnement musical du moment. « Je pense qu'il y a de
très bon morceaux pour tout le monde sur ce disque, en particulier avec
Brad. Son jeu est vraiment brillant. Il a répondu avec beaucoup de
feeling à mon invitation à jouer en contrepoint avec moi. Il
habille ce que je joue à
merveille. » 182 Konitz attend des
musiciens avec qui il joue de prendre des risques et de
s'évertuer à sortir des chemins balisés.
Haden à la contrebasse reste discret et minimaliste
dans son accompagnement comme dans son solo. Le style personnel de Motian,
orienté vers l'improvisation, en fait un musicien adéquat pour
cette situation car il s'efforce pour chaque pièce d'instaurer un climat
particulier. Konitz souligne les qualités de Motian: « [...]
substituant au rôle de gardien du temps celui du percussionniste, Il
ouvre certainement toutes ces possibilitiés. Je vous rappelle que Paul
avait
jouait de temps en temps avec Tristano, c'est donc une
vieille histoire avec lui. »183 Au final,
181 HAMILTON, Andy, Conversations on the
Improviser's Art, the University of Michigan, 2003 page
124«For the most part I'm putting the notes together
in as spontaneous way as possible, and it's very hard to do that in sync with
the beat. When I play longer phrase, and get down to the bottom, it'll slow
down a little bit. My intention is to play around the middle of the
beat.»
182 Consulté en juin 2010»
http://jazztimes.com/articles/27721-lee-konitz-a-q-a-by-ethan-iverson
«I think there are some very nice pieces on this record for
everybody, especially Brad. I think he really played brilliantly on it. He has
a great feeling at my invitation to play along contrapuntally with me, which
dresses up what I'm playing beautifully.
183 «Consulté en juin 2010»
http://jazztimes.com/articles/27721-lee-konitz-a-q-a-by-ethan-iverson
«[...]
changing into more of a percussionist than a timekeeper,
he certainly opens up all those possibilities. I should remind you that Paul
used to play sometimes with Tristano, so there's a long history with
him.»
l'oeuvre produite résulte d'un effort collectif. Le
souci premier de Konitz est de réagir au drame qui se déroule
autour de lui. Il interagit en conséquence aux événements
sonores à la fois en réagissant et en anticipant ce qui va se
produire. Le processus se développe ainsi selon ses propres termes.
« Alors, j'entends les notes de la basse, ensuite le pianiste joue un
accord et je me dis quelque part en moi, wow qu'est-ce que c'était
ça? Pas vraiment assez de temps pour mettre un nom dessus. Je fais de
mon mieux pour correspondre à ce son. Qu'est-ce que le pianiste est en
train de faire maintenant? Intéressant, mais qu'est-ce que je peux faire
pour correspondre à cette jolie progression... Comment puis-je ... ce
son? Et cela continue de cette manière fascinante, parfois en
n'ajoutant pas grand-chose qui puisse conduire à une composition
complète et bien structurée mais le sentiment
spécial que procure le fait de
travailler ensemble, devant des auditeurs, en fait une
tâche extraordinaire à mon sens. »184 En
conséquence, Konitz apparaît de temps à
autre hésitant et perplexe. Il lui arrive d'ôter le saxophone de
ses lèvres pendant un moment, laissant passer quelques mesures. Il en
profite pour respirer et écouter les musiciens autour de lui. C'est
précisément cette conception naturelle de l'improvisation qui le
rend si unique. Konitz monte sur scène sans artifices et demeure
fragile, profondément vulnérable au moment présent.
2.3.6 Une sonorité de saxophone nouvelle
Pour Konitz, le son est un élément primordial
chez n'importe quel musicien: « que mon son soit toujours identifiable
est intéressant pour moi. Je ne me souciais pas évidement de
continuer avec un style familier. Je devais poursuivre comme je le sentais, et
ensuite je me réjouissais que les gens reconnaissent cela. Je joue
l'instrument le plus flexible de tous les instruments et, j'essaie de le
fléchir autant que je le peux. Ce fut un effort conscient. J'ai juste
essayé d'ouvrir autant que je le pouvais, de toutes les façons
possibles, pour rendre la musique
184 HAMILTON, Andy, Conversations on the
Improviser's Art, the University of Michigan, 2003 page
125«So, I hear the bass notes, then the piano plays a
chord, and I say-in some part of me-«Wow, what was that? «Not enough
time to really put a label on it, so I do the best I can to match that sound.
What's the pianist doing now? Interesting, but what can I do to correspond to
that nice progression...How can I fit to that sound? And it continues
in a most fascinating way , sometimes not really adding up to
a complete, well-structured composition''- but the
special feeling of doing it as an ensemble , in front of
listeners, makes it an extraordinary undertaking, I think.
plus expressive. »185 Après
plus de cinquante ans de pratique, le son de Konitz a acquis une souplesse et
une densité remarquable. À travers le medium du saxophone, devenu
l'extension de sa voix, on entend filtrer un chant plaintif d'une pureté
saisissante. Pour lui, le chant est naturel pour le musicien improvisateur:
« eh bien, vous êtes en connexion avec votre chant. Votre chant
et votre jeu sont assez indissociables. »186 Il s'attache
ainsi à faire ressortir les inflexions les plus subtiles de chaque note
et s'efforce d'en changer la sonorité. En contrepartie, son intonation
est plus prompte à se mouvoir. Il existe une autre explication d'ordre
technique. Depuis quelques années, Konitz a l'habitude de jouer aussi
bien en public que chez lui, avec un chiffon dans l'embouchure du saxophone.
J'avais déjà remarqué cela au cours de mes
leçons dans son
appartement de Manhattan. Le son produit est plus
étouffé et moins fort à la fois mais, le timbre de
l'instrument demeure puissant. En outre, il utilisa deux saxophones alto lors
du concert au Birdland de manière à varier les sonorités,
je suppose. L'un se trouvait être le premier saxophone qui fut
acheté par ses parents lorsqu'il était adolescent. Ainsi,
l'expressivité et la flexibilité sonore sont des
éléments de son jeu aussi importants que la mélodie, le
rythme et l'harmonie. D'ailleurs, le rôle du son chez Konitz va
croître jusqu' à devenir de nos jours un des paramètres
stylistiques les plus saillants de son style tardif.
185 ROBINSON Greg, Lee Konitz On its Own Terms,
Jazz Times, juin 1997 «That it's still identifiable is interesting to
me. I obviously didn't care to continue a familiar style. I had to go as I
felt, and then I was very gratified that people still acknowledged me. I'm
playing the most flexible instrument of all the instruments, and I'm trying to
flex on it as much as possible. It's been a conscious effort. I've just tried
to open up as much as possible, in all ways, to make the music more
expressive.»
186 «Consulté en juin 2010»
http://jazztimes.com/articles/27721-lee-konitz-a-q-a-by-ethan-iverson
«Well,
you are so connected to your singing. Your singing and your
playing are quite indistinguishable.''
CONCLUSION
La réflexion a pu montrer que l'analyse des influences
et des caractéristiques du jeu de Lee Konitz permet de tirer plusieurs
conclusions. Tout d'abord, ses improvisations montrent qu'à partir de
1949, il a intégré les procédés
caractéristiques des musiques de Tristano et qu'il avait
déjà à l'époque formulé un style personnel
différent de celui de Parker et des autres saxophonistes contemporains.
Son jeu, portées par l'energie de sa jeunesse, était
caracterisé surtout par un vibrato court, un son droit et acide ainsi
que par de longues lignes melodiques,
Depuis les annees 1990, l'originalité du jeu de Lee
Konitz réside d'une part dans sa faculté d'intégrer des
éléments exterieurs au sein de son discours, aussi bien
ryhtmiques que melodiques. Son improvisation est donc à la fois le
produit d'une écoute attentive des musiciens avec qui il se trouve,
d'une grande familiarité du materiel, en l'occurrence les standards de
Broadway et, d'une connaissance intime du vocabulaire jazzistique.
L'étude quasi quotidienne des musiques de Tristano, Young, Armstrong et
Parker n'y est pas étrangère. Ses lignes, devenues brèves
et imprevisibles, sont la source d'un plus grand sens de la damaturgie. Elles
génèrent un suspens notable dans son jeu. Sur scène, on
remarque souvent Konitz s'arrèter quelques mesures afin de laisser du
temps aux idées pour germer. D'autre part, à travers l'importance
accordé au son, qui devient un élèment primordial au
même plan que la melodie et l'harmonie, le saxophoniste s'evertue ainsi
à travailler la substance de chaque note en modifiant sa texture.
Cependant, sa sonorité plutot douce et cotonneuse, identifiable
dès les premières mesures, ne demeure jamais pour autant
uniforme. À tout moment, Konitz peut jaillir une phrase avec des son
rugueux, habillant chaque note d'une surface âpre, ou bien emettre un son
moelleux et plaintif. Certes, son jeu s'est simplifié
aujourd'hui, mais il ne faudrait pas croire qu'il est incapable de complexifier
ses improvisations. Si elles sont moins spectaculaires et moins brillantes que
celles d'un Charlie Parker, elles n'en sont pas pour autant
simplistes. La complexité, certes moins visible, réside dans la
manière avec laquelle il parvient à produire presque
instantanément une musique équilibrée dans ses carrures,
une improvisation construite avec une logique presque implacable. Son dessein
est clair: « c'est en quelque sorte mon but: ne pas
répéter ce qui m'a plu le soir précédent ou
n'importe quand... J'essaie juste de construire un nouvel assemblage
de note qui a du sens. »187 La musique de Lee Konitz
témoigne donc à la fois d'une science réelle de la
construction et des proportions. Néanmoins cette méthode
d'improvisation à ses limites. Depuis quelques années, le jeu de
Lee Konitz a ralenti. Les tempos qu'il emploie sont généralement
lents, medium voir medium rapides mais rarement très rapides,
contrairement au début de sa carrière avec Lennie Tristano et
jusque dans les années 1970 environ. Il est ardu d'improviser
réellement sur un tempo élevé. Le musicien est requi de
posséder un bagage de licks prêt à l'emploi quand
l'esprit créateur se trouve tout occupé à maitriser ce
genre de tempo. Cela demande aussi un effort physique d'exécution qui
pourrait être difficile à gérer pour Konitz.
Finalement, son jeu à évolué
encore plus vers la modernité, en se focalisant sur une pratique
exigeante de l'improvisation sur ses standards favoris. Entre le be-bop
incarné par la figure de Charlie Parker, et le cool,
représenté par Lester Young et Lennie Tristano, c'est une «
troisième voie », pour ainsi dire, qu'emprunte Lee Konitz. Celui-ci
intègre des éléments du be-bop, mais reste attaché
à l'esprit de Lester Young en y mêlant des éléments
modernes. Sur une radio cassette obsolète qu'il utilise pour ses cours
et sa pratique personnelle, il garde des solos coupés de Lester Young,
Warne Marsh, de Wayne Shorter (né en 1933) provenant du Live at the
Plugged Nickel. 188 Ce respect de la tradition
mêlé à l'intérêt porté à la
modernité aide à comprendre ce qui fait sa
spécificité et ne permet pas de parler de Konitz uniquement comme
d'un musicien cool. S'il reste en effet à l'écart du free jazz
qui apparut vers la fin des années 50 puis la fusion du jazz et du rock
pendant les années 70, il s'intéresse toutefois à
certaines nouveautés qui apparaissaient dans le champ du jazz, comme la
musique brésilienne. Il
187 «consulté en avril 2010»
http://www.npr.org/templates/story/story.php?storyId=128953406
"That's kind of my goal: to not repeat what I did that felt
nice the night before or whatever, «Just to try to
build a new row of meaningful tones."
188 DAVIS Miles, Live at the
Plugged Nickel, Sony, Chicago, 1965
189 KONITZ Lee, Brazilian Serenade, Pony
Canyon, New York, 1996
190 KONITZ Lee, Brazilian Rhapsody, Pony
Canyon, New York, 1999
participa à deux albums Brazilian Serenade189
et Brazilian Rhapsody190, le premier consacré à la
musique de Jobim (1927-1994), le second enregistré en sextette reprenant
des morceaux fameux de la musique brésilienne. Proches des standards de
par leurs structures harmoniques et leurs
melodies simples, les chansons de la Bossa Nova
possédent une certaine sensibilité cool qu'affectionnait Konitz.
Ainsi, il ne semblait pas chercher à sortir du cadre harmonique
défini lors de la composition du morceau qu'il joue ou bien d'essayer de
surimposer un système harmonique. Il se tient à distance de la
modalité et du free jazz dont les saxophonistes les plus
emblématiques sont John Coltrane, (1926-1967) et Ornette Coleman
(né en 1930).
Âgé de 83 ans Konitz s'est installé dans
une carrière tardive synonyme de renaissance. Poursuivant la même
ligne de questionnement qu'il a toujours embrassée, l'altiste
s'émerveille toujours du défi que représente
l'improvisation. Il y a une liberté dans son jeu, qui a pour origine une
impatience à souffler ses dernières notes à l'approche de
l'ultime solo. Sa musique est un temoignage du jazz, au-delà des
époques et des différences stylistiques, comme une
récapitulation des mélodies qu'il porta en lui. Konitz a
purgé son art en faveur de l'essentiel et atteint une nouvelle
intensité. Cette citation d'Hokusai (1760-1849) dans la préface
de Hundred Views of Fuji reflète la poursuite insatiable de
l'artiste jamais satisfait, laquelle s'applique parfaitement à Konitz.
« Je suis mécontent de ce que j'ai produit avant l'âge de
70 ans. Â 73, j'ai appris un peu à propos de la structure de la
nature, des animaux, des plantes, oiseaux, arbres, et insectes. Par
conséquent quand j'aurai 80 ans, je devrai avoir fait plus de
progrès. Â 90 j'aurai pénétré le
mystère des choses. Â 100, je serai parvenu à un
état supérieur. Enfin, à l'âge de 110 ans, un point,
une ligne, tout sera vivant. Je défie les gens qui vivront aussi
longtemps de voir si je ne tiens pas ma parole. » 191
191 HOKUSAI, Hundred Views of Fuji, falcon
feather edition, Japon, 1934 «All I have produced before the age of
seventyis not worth taking into account.At seventy-three I learned a little
aboutthe real structure of nature, of animals,plants, trees, birds, ½shes
and insects. In consequence when I am eighty, I shall have made still more
progress. At ninetyI shall penetrate the mystery of things; ata hundred I shall
certainly have reacheda marvellous stage; and when I am a hundredand ten,
everything I do, be it a dotor a line, will be alive. I beg those who live as
long as I to see if I do not keep my word»
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Table des exemples musicaux
Exemple musical 1 : « When You're Smiling », Teddy
Wilson & His Orchestra featuring
Billie Holiday, 1938. Dix mesures d'improvisation de Lester
Young. page 22
Exemple musical 2 : « Lady Be Good », Count Basie,
Chicago, 1936. Cinq mesures de
l'improvisation de Lester Young. 24
Exemple musical 3 : «Shoe Shine Boy»,
Count Basie, 9 novembre 1936, Mosaic Records. Improvisation de Lester Young sur
Shoe Shine Boy (A7; Dm7; G7 ; Gm7 ; C7) P25
Exemple musical 4 : « Jive at Five », Count Basie, 4
février 1939. Seize mesures de
l'improvisation de Lester Young. 26
Exemple musical 5 : « Foolin' Myself », Billie Holiday,
« Lady Day & Pres 1937-1941,
1937 ». Seize mesures d'improvisation de Lester Young. 28
Exemple musical 6 : « Koko », Savoy, 1945, quatre
mesures d'improvisation de Charlie
Parker (Dbmin; Gb7 ; B sur deux mesures). 39
Exemple musical 7 : « Parker's Mood », Savoy. Deux
mesures du solo de Charlie Parker
(Eb7). 40
Exemple musical 8 : « Line Up », septembre 1955. Douze
mesures d'improvisation de
Lennie Tristano (AbM7; C7; F7; Bbm7; C7; Fm7)
Exemple musical 9 : « All the Things You Are », Lee
Konitz, mesure 63. Utilisation de la seconde mineure mi sur l'accord
de Eb7. 94
Exemple musical 10 : « All the Things You Are »,
Lee Konitz, mesure 43. Konitz emploie un motif
généralisé par les boppers sur l'accord de do
Majeur.
Exemple musical 11 : « All the Things You Are », Lee
Konitz, mesure 8. La sixte de
l'accord de CM7 est répétée à trois
reprises.
Exemple musical 12 : « All the Things You Are », Lee
Konitz, mesures 46-47. Motif construit sur la pentatonique majeur de mi
bémol.
Exemple musical 13 : « All the Things You Are »,
mesures 112 à 116. Déplacement
chromatique et rythmique d'un motif en tierces.
Exemple musical 14 : « All the Things You Are », Lee
Konitz, mesure 104. Exemple de jeu rythmique en triolet de broderies
supérieures descendantes sur l'accord de Bm7 (b5).
Exemple musical 15 : « All the Things You Are », Lee
Konitz, mesures 21 à 23. Dernière phrase du thème
joué par Konitz.
Exemple musical 16 : « All the Things You Are »,
Lee Konitz, mesures 93 à 95. Fragment thématique
apparaissant aux mesures 93 à 95.
Listes des enregistrements joints
TRISTANO, Lennie, Sing Sing Room, Confucius Restaurent,
New York, Atlantic, 1955
KONITZ, Lee, Enregistrements privés, New York,
décembre 2009
Discographie sélective de Lee
Konitz
Enregistrements réalisés au cours des
années 2000
Konitz, Lee, Live at The Village Vanguard, Enja, 2010
Konitz, Lee, Tepfer, Dan, Duo with Lee, Sunny Side
Records, 2009
Konitz, Lee, Talmor Ohad, Portology, OmniTone, 2006
Konitz, Lee, Broadbent, Alain, More Live-Lee, Fantasy
Records, 2006
Konitz, Lee, Live-Lee, Milestone, 2003
Konitz Lee, Werner Kenny, Unleemited, Owl, 2003
Konitz, Lee Quintet: Parallels, Chesky, 2001
Konitz Lee Trio, Some New Stuff , DIW, 2001
Konitz Lee : Pride, SteepleChase, 2000
Konitz Lee Quartet: Sound of Surprise, RCA Victor,
2000
Konitz Lee, Perry Rich, RichLee!, SteepleChase, 2000
Konitz, Lee The Axis Quartet: Play French Impressionist Music
from the Turn of the Twentieth
Century, Palmetto, 2000
Enregistrements réalisés au cours des
années 1990
Konitz, Lee Trio, Another Shade of Blue, Blue Note,
1999
Konitz, Lee Swallow, Steve, Motian, Paul , Three Guys,
Enja, 1999
Konitz, Lee Brown, Ted , Dig-It, SteepleChase, 1999
Konitz, Lee , Dearly Beloved ,SteepleChase, 1997
Konitz, Lee , Bley Paul, Out of Nowhere, SteepleChase,
1997
Konitz, Lee , It's You, SteepleChase, 1996
Konitz, Lee , Strings for Holiday: A Tribute To Billie
Holiday, Enja, 1996
Konitz, Lee Trio, Alone Together ,Blue Note, 1996
Konitz, Lee , Free with Lee ,Philology,1995
Konitz, Lee, Brazilian Rhapsody, BMG/Music Masters,
1993
Konitz, Lee, Rhapsody ,Evidence, 1993
Konitz, Lee, Rhapsody II ,Evidence, 1993
Konitz, Lee, Once Upon a Line, Musidisc, 1990
Konitz, Lee,
Zounds, Soul
Note, 1990
Enregistrements réalisés au cours des
années 1980
Konitz Lee, Round and Round, Music Masters, 1989
Konitz, Lee Quartet,
The New York Album
,Soul Note, 1987
Konitz, Lee Quartet,
Ideal Scene
,Soul Note, 1986
Konitz, Lee, Dovetail, Sunnyside, 1983
Konitz, Lee , Solal, Martial, Star Eyes, Hamburg,
HatOLOGY, 1983
Konitz, Lee , Evans, Gil , Heroes ,Verve, 1980
Konitz, Lee , Solal, Martial, Live at the Berlin Jazz Days,
MPS,1980
Enregistrements réalisés au cours des
années 1970
Konitz, Lee Yes, Yes Nonet, Steeple Chase, 1979
Konitz, Lee Nonet, Live at Laren, Soul Note, 1979
Konitz, Lee , Tenorlee, Candid, 1977
Konitz, Lee , The Lee Konitz Nonet, Chiaroscuro, 1977
Marsh, Warne, Konitz, Lee , Lee Konitz Meets Warne Marsh
Again, PAUSA, 1976
Konitz, Lee, Galper, Hal, Windows, SteepleChase,1975
Marsh, Warne Quintet, Jazz Exchange, Storyville, 1975
Konitz, Lee , I Concentrate on You, A Tribute to Cole
Porter, SteepleChase, 1974
Konitz, Lee , Jazz Juan, SteepleChase, 1974
Konitz, Lee , Lone-Lee, SteepleChase, 1974
Konitz, Lee , Satori ,Milestone/OJC,1974
Mingus, Charles , Charles Mingus and Friends in Concert
,Columbia, 1972
Konitz, Lee , Spirits Milestone, OJC,1971
Konitz, Lee , Lee Konitz Sax Duets, Music Minus One,
1970
Enregistrements réalisés au cours des
années 1960
Konitz, Lee, The Lee Konitz Duets, Milestone/OJC,
1967
Konitz, Lee, Motion,Verve, 1961
Enregistrements réalisés au cours des
années 1950
Konitz, Lee , Lee Konitz Meets Jimmy Giuffre,
Verve,1959
Konitz, Lee ,Live at the Half Note, Verve, 1959
Konitz, Lee , Inside Hi-Fi, Atlantic, 1956
Konitz, Lee Lee Konitz Featuring Hans Koller, Lars Gullin,
Roland Kovac, Swingtime, 1956
Konitz, Lee, Marsh Warne, Lee Konitz/Warne Marsh,
Atlantic, 1955
Konitz, Lee, In Harvard Square, Black Lion, 1954
Konitz, Lee, Jazz at Storyville, Black Lion, 1954
Konitz, Lee, Konitz Meets Mulligan, Pacific Jazz,
1953
Konitz, Lee, Lee Konitz/Bob Brookmeyer in Paris,Vogue,
1953
Kenton, Stan, City of Glass: Stan Kenton Plays Bob
Graettinger, Capitol, 1952
Konitz, Lee, Sax of a Kind, Dragon, 1951
Enregistrements réalisés au cours des
années 1940
Konitz, Lee, Subconscious-Lee, Prestige/OJ, 1949
Konitz, Lee Quintet, Lee Konitz, Prestige, 1949
Tristano, Lennie, Marsh Warne : Intuition, Capitol,
1949
Davis, Miles, Birth of the Cool, Capitol, 1949
Thornhill, Claude, The Uncollected Claude Thornhill and His
Orchestra, Hindsight, 1947
Kenton Stan,Retrospective, Capitol, 1943
Index des noms propres
ADERLEY Cannonball, 27
AMMONS Gene, 16
ANDERSON Lynn, 41
ANDRESON Lynn, 41
ARMSTRONG Louis, 7, 24, 26, 28,
46, 50, 53
BACH Johann Sebastian, 10, 27, 44
Back, 27, 110
BASIE Count, 11, 16, 18, 19, 20, 21,
25, 26, 34, 57, 67
BAUER Billy, 39, 40, 52, 67
Be-bop, 29, 54, 107, 108
BEIDERBEKE Bix, 23, 48
BENNET Tony, 18
BERNSTEIN Peter, 11, 12
Big band, 57, 61, 63, 64, 65
BIMBAUM Larry, 30
Bird, 25, 27, 29, 31, 32, 33, 35, 46,
47, 61
BLAKEY Art, 48, 52
BROWN Ted, 82, 116
BYAS Don, 17, 26, 32
BYAS Louis, 17, 26, 32
CANDOLI Conte, 69
CARISI John, 61, 63
CARISIS JOHN, 63
CARTER Benny, 26, 31, 34, 61
CHINEN Nat, 53, 109
COHN Al, 16, 24, 25
COLEMAN Ornette, 6, 9, 39
COLTRANE John, 6, 49, 54, 56, 74,
61, 62, 63, 64, 66, 69, 70, 108,
109, 118, 121
CROTHERS Connie, 11, 12, 39
CUBER Ronnie, 64
CUGNY Laurent, 1, 37, 74
DAVIS Miles, 7, 11, 26, 33, 39, 43,
48, 49, 51, 54, 57, 58, 60, 61, 62,
63, 66, 84, 108, 118, 121
Debussy, 57
DESMOND Paul, 24, 25
DEVAUX Scott, 43
DORSEY Jimmy, 23, 81
ECKERT JOHN, 64
ELLINGTON Duke, 57, 66
ELLIS Don, 66
EVANS Gil, 57, 58, 59, 60, 61, 63,
64, 116
EXNER Billy, 60
FEATHER Leonard, 23
FREEMAN Bud, 39
GALBRAITH Joseph Barry, 60
GIDDINS Gary, 43, 65
GLASSER Dave, 11, 12
GORDON Jack, 108
GRAETTINGER Bob, 66, 118
HADEN Charlie, 87, 94, 98
HAIG Al, 51
HAMILTON Andy, 9, 10, 29, 38,
44, 46, 49, 52, 61, 63, 64, 67, 68,
69, 95, 97
HAMMERSTEIN II Oscar, 6
HAYES Kevin, 12
HEATH Jimmy, 27
HENTOFF Nat, 22
HERMAN Woody, 58, 66
HINES Earl, 40
HODGES Johnny, 24, 26, 28, 31,
34
HOKUSAI, 104
HOLIDAY Billie, 16, 17, 18, 21, 22,
23, 46, 116
HOLMAN Bill, 66, 68
Hot, 11, 20, 21, 25, 29, 31, 48, 50,
60, 109, 121
HUBBARD Freddie, 46
Improvisatiom, 5, 6, 7, 8, 11, 17, 18,
19, 21, 22, 23, 25, 27, 32, 33, 36,
37, 40, 41, 44, 47, 52, 53, 54, 57,
69, 74, 75, 83, 84, 85, 87, 94, 95,
96, 97, 98, 103, 104, 113, 121
Improvisation, 11, 20, 37, 41, 109
IND Peter, 10
IRA BLOOM Jane, 12
JONES Jo, 17
KAMUCA Richie, 25
KELLY Ted, 61
KENTON Stan, 7, 56, 57, 58, 64, 65,
67, 68, 82, 111, 118, 121
KERN Jerome, 6, 81
KIRBY John, 32
KIRCHNER Bill, 10, 51, 107
KLOPOTOWSKI John, 11, 12
104
|
HANCOCK Herbie, 43
|
, 3, 5, 6, 7, 9, 10, 12, 15, 16, 19, 20,
|
Cool, 5, 6, 7, 8, 10, 15, 20, 24, 32,
|
HARRELL Tom, 64
|
21, 22, 23, 24, 25, 26, 28, 29, 30,
|
39, 48, 49, 50, 51, 53, 54, 57, 60,
|
HAWKINS Coleman, 15, 17, 20, 22,
|
31, 34, 35, 36, 37, 38, 40, 44, 45,
|
|
23, 26, 32, 36
|
46, 47, 49, 51, 53, 54, 55, 56, 59,
|
60, 61, 62, 63, 64, 66, 67, 68, 70,
|
33, 34, 35, 36, 37, 39, 40, 49, 50,
|
SHAW Artie, 66, 81
|
74, 75, 82, 83, 84, 85, 86, 87, 93,
|
52, 53, 54, 58, 59, 60, 61, 63, 69,
|
SHIM Eummi, 10, 45
|
95, 96, 97, 98, 99, 100, 103, 104,
|
74, 82, 83, 84, 93, 103, 104, 108,
|
SINATRA Franck, 18, 22
|
108, 109, 110, 111, 115, 116,
|
109, 111, 121
|
STITT Sonny, 27
|
117, 118, 121
LEVEY Stan, 51, 69
LEVY Lou, 45
LEWIS John, 61, 66
LEWIS Mel, 66
LOU WILLIAMS Marie, 39
LOVANO Joe, 9
LUNCEFORD Jimmy, 64
MARSH Warne, 5, 10, 12, 16, 24,
36, 38, 39, 40, 44, 46, 47, 51, 52,
54, 82, 104, 108, 109, 117, 118
MCKIBBON Al, 61
MCKUSICK Hal, 61
MCLEAN Jackie, 30, 52, 109
MEADOES Eddie, 10
MEHLDAU Brad, 87, 98
MERLIN Arnaud, 24, 107
MILHAUD Darius, 65
MINGUS Charles, 67, 117
MONK Thelonious, 34, 54, 56
MOTIAN Paul, 87, 98, 115
MULLIGAN Gerry, 51, 57, 61, 62,
63, 66, 110, 118
NAVARRO Fats, 33, 46
NAVARRO Fatz, 46
NIEHAUS Lennie, 66
Orchestre, 24
PARKER Charlie, 6, 7, 11, 15, 16,
19, 21, 25, 26, 27, 29, 30, 31, 32,
PATITUCCI John, 12
PEPPER Art, 39, 48, 52, 66
PERKINS Bill, 66
PERSIP Charles, 12
PETERSON Oscar, 18, 21, 23
PFEFFER Bruno, 28, 110
POWELL Bud, 33, 37, 40, 46, 53,
84
Prez, 15, 16, 17, 21, 24, 27, 46
QUIEVREUX Jean -Francois, 29,
31
QUIEVREUX Jean-Francois, 29, 31,
60, 109
QUILL Gene, 27
RAMEY Gene, 82
RICHARDS Johnny, 66
ROACH Max, 33, 61
ROBERT Aubert, 29, 31, 54, 60,
109
RODGERS Shorty, 48, 66
RODNEY Red, 51, 60, 64
ROSOLINO Franck, 66, 69
RUGOLO Pete, 61, 65
RUSSO Bill, 67, 69
SABBAGH Jerome, 11
SABBAGH Jérôme, 11
SAID Edward, 10
SCHILDKRAUT Dave, 69
SCHULLER Gunter, 65, 66
STRAVINSKY Igor, 26, 65
STREET Ben, 11, 12
TATUM Art, 26, 32, 33, 40
TAYLOR Art, 82, 84
TAYLOR Cecil, 39
TERCINET Alain, 107
THORNHILL Claude, 7, 57, 58, 59,
60, 62, 111, 118
TRISTANO Lennie, 5, 6, 7, 9, 10,
12, 15, 26, 27, 33, 34, 36, 38, 39,
40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 49,
50, 51, 52, 53, 55, 56, 59, 61, 65,
67, 69, 70, 74, 82, 83, 84, 85, 86,
98, 103, 104, 107, 108, 118, 121
TRUMBAUER Franck, 21, 23, 48,
61
ULANOV Barry, 39
WATROUS Peter, 52, 109
WILDER Alec, 81
WILLIAMS Gene, 60
WILSON Teddy, 16, 17, 18
WINDING Kay, 61
WOODS Phil, 9, 27, 39, 51, 52
YOUNG Lester, 5, 7, 11, 15, 16, 18,
19, 20, 21, 23, 24, 25, 26, 28, 30,
34, 36, 37, 41, 46, 48, 50, 53, 57,
61, 67, 69, 104, 107, 111, 113,
121
ZERWIN Mike, 74
Table des matières
Sommaire
..............................................................................................................................................
....3
Introduction
...............................................................................................................................
5
Chapitre
1..................................................................................................................................
15
Le parcours musical de Lee Konitz :
réinterrogation de quelques mythes ........ 15
1.1 Lester Young
..............................................................................................................................
.15
1.1.1 Un swing contagieux
.......................................................................................................................
.17
1.1.2 Le langage mélodique
.....................................................................................................................
21
1.1.3 Le chant
................................................................................................................................................
23
.
1.1.4 Le son
....................................................................................................................................................
24
1.1.5 Lester Young : un père du jazz moderne
................................................................................
.25
1.2 Charlie Parker
...........................................................................................................................
.26
1.2.1 Charlie Parker, une révolution musicale
................................................................................
.26
1.2.2 Une influence dissimulée ?
...........................................................................................................
.27
1.2.3 Les caractéristiques principales du jeu de Charlie
Parker .............................................. .32
1.2.4 Un répertoire commun
..................................................................................................................
.36
1.2.5 Deux conceptions de
l'improvisation......................................................................................
.37
1.3 Lennie Tristano
.........................................................................................................................
39
1.3.1 Une approche différente des boppers
.....................................................................................
41
1.3.2 Un répertoire construit sur le démarquage des
standards............................................. 44
1.3.3 Le professeur de
Konitz.................................................................................................................
45
1.3.4 Un enseignement du jazz sans précédent
..............................................................................
46
1.3.5 Une musique cool ?
..........................................................................................................................
49
1.3.6 Le départ de Lee Konitz, des relations difficiles
avec le clan Tristano....................... 56
1.4 Les débuts dans les grandes formations de jazz
........................................................... 57
1.4.1 Claude Thornhill
...............................................................................................................................
58
1.4.2 Le nonette de Miles Davis
.............................................................................................................
62
1.4.3 Stan Kenton
........................................................................................................................................
65
1.5 Bilan et perspectives
...............................................................................................................
70
Chapitre
2..................................................................................................................................
73
Analyse de deux improvisations sur « All the Things
You Are » ........................... 73
2.1 Origine de « All the Things You Are »
.................................................................................
75
2.2 Analyse de la première version d'« All
the Things You Are » .................................... 77
2.2.1 Diagramme sructurel de la performance
................................................................................
77
2.2.2 Le vocabulaire harmonique et mélodique
..............................................................................
78
2.2.3 L'aspect rythmique
.........................................................................................................................
84
2.2.4 Les éléments propres au style de Lee Konitz
............................................................................
84
2.3 Analyse de la deuxième version d'« All
the Things You Are » ................................... 86
2.3.1 Diagramme structurel de la
performance..............................................................................
92
2.3.2 Le solo de
saxophone......................................................................................................................
92
2.3.3 La méthode
d'improvisation........................................................................................................
94
2.3.4 L'aspect rythmique
..........................................................................................................................
96
2.3.5 Un jeu construit collectivement
.................................................................................................
97
2.3.6 Une sonorité de saxophone nouvelle
.......................................................................................
98
CONCLUSION
.........................................................................................................................
101
Bibliographie
....................................................................................................................................
107
Ouvrages
......................................................................................................................................................
107
Articles
..........................................................................................................................................................
109
Travaux universitaires
...........................................................................................................................
109
Ressources électroniques
.....................................................................................................................
110
Table des exemples musicaux
..................................................................................................
113
Discographie sélective de Lee Konitz
.....................................................................................
115
Enregistrements réalisés au cours des années
2000 ................................................................ 115
Enregistrements réalisés au cours des années
1990 ................................................................ 116
Enregistrements réalisés au cours des années
1980 ................................................................ 116
Enregistrements réalisés au cours des années
1970 ................................................................ 117
Enregistrements réalisés au cours des années
1960 ................................................................ 118
Enregistrements réalisés au cours des années
1950 ................................................................ 118
Enregistrements réalisés au cours des années
1940 ................................................................ 118
Index des noms
propres..............................................................................................................
120
Table des matières
........................................................................................................................
123
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