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Lee Konitz, l'art de l'improvisation

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par Yvonnick PRENE
Université Paris IV Sorbonne - Master 2 Musique et Musicologie  2011
  

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CONCLUSION

La réflexion a pu montrer que l'analyse des influences et des caractéristiques du jeu de Lee Konitz permet de tirer plusieurs conclusions. Tout d'abord, ses improvisations montrent qu'à partir de 1949, il a intégré les procédés caractéristiques des musiques de Tristano et qu'il avait déjà à l'époque formulé un style personnel différent de celui de Parker et des autres saxophonistes contemporains. Son jeu, portées par l'energie de sa jeunesse, était caracterisé surtout par un vibrato court, un son droit et acide ainsi que par de longues lignes melodiques,

Depuis les annees 1990, l'originalité du jeu de Lee Konitz réside d'une part dans sa faculté d'intégrer des éléments exterieurs au sein de son discours, aussi bien ryhtmiques que melodiques. Son improvisation est donc à la fois le produit d'une écoute attentive des musiciens avec qui il se trouve, d'une grande familiarité du materiel, en l'occurrence les standards de Broadway et, d'une connaissance intime du vocabulaire jazzistique. L'étude quasi quotidienne des musiques de Tristano, Young, Armstrong et Parker n'y est pas étrangère. Ses lignes, devenues brèves et imprevisibles, sont la source d'un plus grand sens de la damaturgie. Elles génèrent un suspens notable dans son jeu. Sur scène, on remarque souvent Konitz s'arrèter quelques mesures afin de laisser du temps aux idées pour germer. D'autre part, à travers l'importance accordé au son, qui devient un élèment primordial au même plan que la melodie et l'harmonie, le saxophoniste s'evertue ainsi à travailler la substance de chaque note en modifiant sa texture. Cependant, sa sonorité plutot douce et cotonneuse, identifiable dès les premières mesures, ne demeure jamais pour autant uniforme. À tout moment, Konitz peut jaillir une phrase avec des son rugueux, habillant chaque note d'une surface âpre, ou bien emettre un son moelleux et plaintif. Certes, son jeu s'est simplifié aujourd'hui, mais il ne faudrait pas croire qu'il est incapable de complexifier ses improvisations. Si elles sont moins spectaculaires et moins brillantes que celles d'un Charlie Parker, elles n'en sont pas pour autant simplistes. La complexité, certes moins visible, réside dans la manière avec laquelle il parvient à produire presque instantanément une musique équilibrée dans ses carrures, une improvisation construite avec une logique presque implacable. Son dessein est clair: « c'est en quelque sorte mon but: ne pas répéter ce qui m'a plu le soir précédent ou n'importe quand... J'essaie juste de construire un nouvel assemblage de note qui a du sens. »187 La musique de Lee Konitz témoigne donc à la fois d'une science réelle de la construction et des proportions. Néanmoins cette méthode d'improvisation à ses limites. Depuis quelques années, le jeu de Lee Konitz a ralenti. Les tempos qu'il emploie sont généralement lents, medium voir medium rapides mais rarement très rapides, contrairement au début de sa carrière avec Lennie Tristano et jusque dans les années 1970 environ. Il est ardu d'improviser réellement sur un tempo élevé. Le musicien est requi de posséder un bagage de licks prêt à l'emploi quand l'esprit créateur se trouve tout occupé à maitriser ce genre de tempo. Cela demande aussi un effort physique d'exécution qui pourrait être difficile à gérer pour Konitz.

Finalement, son jeu à évolué encore plus vers la modernité, en se focalisant sur une pratique exigeante de l'improvisation sur ses standards favoris. Entre le be-bop incarné par la figure de Charlie Parker, et le cool, représenté par Lester Young et Lennie Tristano, c'est une « troisième voie », pour ainsi dire, qu'emprunte Lee Konitz. Celui-ci intègre des éléments du be-bop, mais reste attaché à l'esprit de Lester Young en y mêlant des éléments modernes. Sur une radio cassette obsolète qu'il utilise pour ses cours et sa pratique personnelle, il garde des solos coupés de Lester Young, Warne Marsh, de Wayne Shorter (né en 1933) provenant du Live at the Plugged Nickel. 188 Ce respect de la tradition mêlé à l'intérêt porté à la modernité aide à comprendre ce qui fait sa spécificité et ne permet pas de parler de Konitz uniquement comme d'un musicien cool. S'il reste en effet à l'écart du free jazz qui apparut vers la fin des années 50 puis la fusion du jazz et du rock pendant les années 70, il s'intéresse toutefois à certaines nouveautés qui apparaissaient dans le champ du jazz, comme la musique brésilienne. Il

187 «consulté en avril 2010» http://www.npr.org/templates/story/story.php?storyId=128953406

"That's kind of my goal: to not repeat what I did that felt nice the night before or whatever, «Just to try to

build a new row of meaningful tones."

188 DAVIS Miles, Live at the Plugged Nickel, Sony, Chicago, 1965

189 KONITZ Lee, Brazilian Serenade, Pony Canyon, New York, 1996

190 KONITZ Lee, Brazilian Rhapsody, Pony Canyon, New York, 1999

participa à deux albums Brazilian Serenade189 et Brazilian Rhapsody190, le premier consacré à la musique de Jobim (1927-1994), le second enregistré en sextette reprenant des morceaux fameux de la musique brésilienne. Proches des standards de par leurs structures harmoniques et leurs

melodies simples, les chansons de la Bossa Nova possédent une certaine sensibilité cool qu'affectionnait Konitz. Ainsi, il ne semblait pas chercher à sortir du cadre harmonique défini lors de la composition du morceau qu'il joue ou bien d'essayer de surimposer un système harmonique. Il se tient à distance de la modalité et du free jazz dont les saxophonistes les plus emblématiques sont John Coltrane, (1926-1967) et Ornette Coleman (né en 1930).

Âgé de 83 ans Konitz s'est installé dans une carrière tardive synonyme de renaissance. Poursuivant la même ligne de questionnement qu'il a toujours embrassée, l'altiste s'émerveille toujours du défi que représente l'improvisation. Il y a une liberté dans son jeu, qui a pour origine une impatience à souffler ses dernières notes à l'approche de l'ultime solo. Sa musique est un temoignage du jazz, au-delà des époques et des différences stylistiques, comme une récapitulation des mélodies qu'il porta en lui. Konitz a purgé son art en faveur de l'essentiel et atteint une nouvelle intensité. Cette citation d'Hokusai (1760-1849) dans la préface de Hundred Views of Fuji reflète la poursuite insatiable de l'artiste jamais satisfait, laquelle s'applique parfaitement à Konitz. « Je suis mécontent de ce que j'ai produit avant l'âge de 70 ans. Â 73, j'ai appris un peu à propos de la structure de la nature, des animaux, des plantes, oiseaux, arbres, et insectes. Par conséquent quand j'aurai 80 ans, je devrai avoir fait plus de progrès. Â 90 j'aurai pénétré le mystère des choses. Â 100, je serai parvenu à un état supérieur. Enfin, à l'âge de 110 ans, un point, une ligne, tout sera vivant. Je défie les gens qui vivront aussi longtemps de voir si je ne tiens pas ma parole. » 191

191 HOKUSAI, Hundred Views of Fuji, falcon feather edition, Japon, 1934 «All I have produced before the age of seventyis not worth taking into account.At seventy-three I learned a little aboutthe real structure of nature, of animals,plants, trees, birds, ½shes and insects. In consequence when I am eighty, I shall have made still more progress. At ninetyI shall penetrate the mystery of things; ata hundred I shall certainly have reacheda marvellous stage; and when I am a hundredand ten, everything I do, be it a dotor a line, will be alive. I beg those who live as long as I to see if I do not keep my word»

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci