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L'incidence des quatre libertés communautaires sur la fiscalité : étude de la jurisprudence récente de la CJCE

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par Mouna EL HIH
Université Toulouse 1 Capitole - Juriste international 2009
  

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§2 : L'exercice du contrôle direct en matière de fiscalité à travers le recours en manquement.

A) Les dispositions applicables en la matière

Le Traité sur la Communauté européenne a établi un recours destiné à s'assurer que les Etats membres respectent les obligations mises à leur charge par le droit communautaire. Il s'agit en l'occurrence du recours en manquement, prévu à l'article 226 TCE215(*) qui dispose : « Si la Commission estime qu'un État membre a manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu du présent traité, elle émet un avis motivé à ce sujet, après avoir mis cet État en mesure de présenter ses observations.

Si l'État en cause ne se conforme pas à cet avis dans le délai déterminé par la Commission, celle-ci peut saisir la Cour de justice. »

L'article 227 CE216(*) prévoit quant à lui que « Chacun des États membres peut saisir la Cour de justice s'il estime qu'un autre État membre a manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu du présent traité.

Avant qu'un État membre n'introduise, contre un autre État membre, un recours fondé sur une prétendue violation des obligations qui lui incombent en vertu du présent traité, il doit en saisir la Commission. 

La Commission émet un avis motivé après que les États intéressés ont été mis en mesure de présenter contradictoirement leurs observations écrites et orales. »

Si la Commission n'a pas émis l'avis dans un délai de trois mois à compter de la demande, l'absence d'avis ne fait pas obstacle à la saisine de la Cour de justice.

Ainsi il apparaît à travers ces dispositions que le manquement consiste en une véritable infraction commise par l'Etat membre, que la Commission, dotée de pouvoirs très étendues en la matière a pour fonction de faire cesser, la Cour de Justice n'intervenant qu'au dernier stade en vue de la condamnation de l'Etat membre. Celle-ci a d'ailleurs défini l'objet du manquement de manière très large, puisqu'elle considère que l'ensemble du corpus communautaire est susceptible d'une telle violation, ce qui inclut non seulement les libertés communautaires proclamées par le Traité, que sont la libre prestation de service, la liberté d'établissement, la libre circulation des travailleurs ainsi que la libre circulation des capitaux, mais aussi la jurisprudence elle-même de la Cour de Justice.

Le juge communautaire, saisi d'un tel recours, procède soit au rejet de celui-ci, soit constate le manquement de l'Etat dans un arrêt, qui n'est pas sans conséquences. En effet, L'article 228 CE217(*) prévoit que « 1.   Si la Cour de justice reconnaît qu'un État membre a manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu du présent traité, cet État est tenu de prendre les mesures que comporte l'exécution de l'arrêt de la Cour de justice.

2.   Si la Commission estime que l'État membre concerné n'a pas pris ces mesures, elle émet, après avoir donné à cet État la possibilité de présenter ses observations, un avis motivé précisant les points sur lesquels l'État membre concerné ne s'est pas conformé à l'arrêt de la Cour de justice.

Si l'État membre concerné n'a pas pris les mesures que comporte l'exécution de l'arrêt de la Cour dans le délai fixé par la Commission, celle-ci peut saisir la Cour de justice. Elle indique le montant de la somme forfaitaire ou de l'astreinte à payer par l'État membre concerné qu'elle estime adapté aux circonstances.

Si la Cour de justice reconnaît que l'État membre concerné ne s'est pas conformé à son arrêt, elle peut lui infliger le paiement d'une somme forfaitaire ou d'une astreinte.

Cette procédure est sans préjudice de l'article 227. »

Ainsi, l'Etat en manquement est tenu de faire disparaître la législation ou la réglementation en cause par les moyens qu'il jugera approprié. Cette obligation incombe aussi bien au législateur national qu'aux autorités administratives et juridictionnelles qui devront tirer les conséquences de la constatation d'un tel manquement. Eventuellement, et s'il ne se conforme pas à l'arrêt, l'Etat membre est susceptible de voir sa responsabilité engagée, et de se voir infliger le paiement d'une somme forfaitaire ou d'une astreinte.

Cette procédure est largement utilisée par le juge communautaire, et ce notamment en matière fiscale.

B) L'application du recours en manquement en matière de fiscalité.

Plusieurs arrêts en manquement ont été rendus par la Cour au courant de ces dernières années en matière de fiscalité. Ces recours ont été introduits par la Commission européenne sur le fondement de l'article 226 TCE, et nous pouvons en citer quelques uns à titre d'exemples.

La Cour a ainsi jugé que la Suède avait enfreint les dispositions du TCE sur la libre circulation des citoyens dans l'Union européenne (article 18 TCE), sur la libre circulation des salariés (article 39 TCE) et sur la liberté d'établissement (article 43 TCE)218(*). Il était reproché à la Suède d'avoir adopté une réglementation subordonnant le bénéfice du report d'imposition de la plus-value issue de la cession d'un immeuble résidentiel privé ou d'un droit d'habitation portant sur un immeuble coopératif privé à la condition que la résidence nouvellement acquise se trouve également sur le territoire suédois.

Le Danemark a lui aussi été condamné dans une affaire en manquement pour violation des articles 39 TCE et 43 TCE ainsi que de l'article 49 TCE, pour avoir adopté un régime d'assurances-vie et de retraite prévoyant que le droit de déduire les cotisations n'était accordé que pour les cotisations versées en vertu de contrats conclus avec des institutions de retraite établies au Danemark. En revanche, aucun allègement fiscal de cette nature n'était accordé pour les cotisations versées en vertu des contrats conclus avec des institutions de retraite établies dans d'autres Etats membres219(*).

Le juge communautaire a également été amené à apprécier la validité de mesures fiscales nationales dans le cadre du recours en manquement dans l'arrêt Commission c/ Belgique du 5 juillet 2007220(*). Il a en effet jugé que la Belgique avait enfreint les dispositions du TCE sur la libre circulation des salariés (article 39 TCE), sur la liberté d'établissement (article 43 TCE), sur la libre prestation de services (article 49 TCE), sur la libre circulation des citoyens dans l'Union européenne (article 18 TCE), ainsi que sur les dispositions de l'accord EEE correspondantes, en maintenant une réglementation fiscale constituant une discrimination à l'égard des organismes d'assurances établis dans un autre Etat membre et une entrave aux libertés de circulation pour les éventuels résidant cotisant en Belgique.

Il relève de noter que sur les trois exemples de recours en manquement cités, le juge de la Communauté a constaté le manquement de l'Etat membre en cause aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions du Traité. Cette procédure apparaît à l'inverse de celle du renvoi préjudiciel, comme un instrument de coopération interinstitutionnel communautaire, entre la Commission des Communautés européennes introduisant la requête, et le juge constatant le manquement. Ce n'est dés lors plus dans un rapport de coopération qui lie la juridiction communautaire à l'Etat membre, mais plutôt une relation de domination, d'hégémonie du juge de Luxembourg.

Ainsi, l'impact du contrôle exercé par le juge de la Communauté à travers les procédures de renvoi préjudiciel et de recours en manquement sur la fiscalité des Etats membres peut être décelé aussi bien au niveau juridictionnel que législatif. Les régimes nationaux se trouvent totalement soumis à la modulation communautaire, et cela s'explique par la spécificité de la logique communautaire. La souveraineté fiscale des Etats est donc grandement mise en danger par l'oeuvre prétorienne, et cela aussi bien sur le plan interne que sur le plan international.

* 215 Cf. Note 12.

* 216 Cf. Note 12.

* 217 Ibid.

* 218 Arrêt Commission c/ Suède, préc.

* 219 Arrêt Commission c/ Danemark, préc.

* 220 Arrêt Commission c/ Belgique, préc.

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