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Mouvement social: crise ou approfondissement de la démocratie?

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par Hans De Marie Heungoup
Université Catholique d'Afrique Centrale (UCAC) -  2010
  

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Mouvement social : crise ou approfondissement de la démocratie ?

Par Hans De Marie HEUNGOUP

Master en Gouvernance et Politiques Publiques, UCAC

Chercheur à la Fondation Paul Ango Ela de géopolitique en Afrique centrale (FPAE)

Un mouvement social désigne un mouvement par lequel des individus se mobilisent en faveur d'une cause, dans l'optique de porter un changement social. Le paysage du 20ème siècle est parsemé d'hommes et de femmes réunis autours d'espoirs, d'émotions et d'intérêts communs. Qui n'a pas été frappé par les mouvements de libération nationale ou par les mobilisations multisectorielles des années 90 ? Qui n'a jamais été impressionné par les mobilisations autour des sommets du G8 ou encore du climat ? C'est dire que les mouvements sociaux, plus que jamais, font partie de la vie sociale et politique aujourd'hui. Cependant, lorsque l'on aborde la question, les mouvements sociaux suscitent plus souvent la réaction que l'analyse. Comme le souligne Erik NEVEU, « ce traitement se marque d'abord dans une rhétorique de la suspicion. Une assimilation implicite du modèle démocratique à la seule procédure électorale »1(*). Dans un sens proche, Alain TOURRAINE va assimiler les mouvements sociaux à une forme singulière et importante de la participation politique. Ces auteurs tentent de dire qu'un mouvement social participe du processus démocratique et politique. Cette question est au centre de notre travail. Il s'agit en fait de savoir si les mouvements sociaux peuvent être considérés comme une crise du système démocratique, ou au contraire, s'ils en constituent un approfondissement. De manière précise, l'interrogation qui meut notre discussion se formule en ces termes : les mouvements sociaux expriment-ils les limites de la démocratie ? A contrario, ne permettent-ils pas un approfondissement de cette dernière ?

Une mise en débat de ces questions nous fait constater que les mouvements sociaux sont : d'une part, une preuve matérielle de la crise systémique et struturo-fonctionnelle de la démocratie ; d'autre part, un renouvellement et un approfondissement de celle-ci.

Les mouvements sociaux ou la démocratie en panne

Dans cette partie, nous tentons de montrer que les mouvements sociaux traduisent une certaine crise de la démocratie. Les mouvements sociaux expriment une carence de celle-ci à impulser le changement social, et rendent compte des limites de la représentation en démocratie.

Mouvement social, démocratie et changement social

Le changement social est un thème riche en en sociologie. D'après le Lexique de sciences sociales, le changement social est : « Toute transformation observable dans le temps, qui affecte de façon durable la structure ou le fonctionnement de l'organisation sociale ».2(*) La question mérite d'être étudiée sous l'angle des politiques publiques. De façon caricaturale, les politiques publiques sont constituées de l'ensemble des politiques et dynamiques implémentées par l'Etat ou les personnes publiques. Celles-ci sont au coeur du changement social.

Si ce sont les politiques publiques qui impulsent le changement au sein d'un Etat légal-rationnel, nous retenons surtout que les mouvements sociaux et les élites politiques sont les principaux acteurs de l'agenda gouvernemental. En effet, le processus de fabrication des politiques publiques n'est pas une entreprise individuelle ou collective. Il est le fruit de plusieurs logiques concurrentes, de mobilisations plus ou moins variées. C'est dire que les mouvements sociaux sont au coeur de la fabrication des politiques publiques, et donc de l'impulsion du changement social. Ceci est d'autant plus vrai que l'on ne peut prêter aux élites politiques la même foi qu'aux acteurs sociaux. La politique étant aussi une sphère de lutte pour la conquête et l'exercice du pouvoir3(*), les élites politiques peuvent privilégier telle politique ou telle autre, selon que l'inscription de ces préoccupations dans l'agenda politique permet de conquérir plus de suffrages. Il y a donc un clientélisme électoral et politique, qui donne lieu à une perversion des politiques publiques, qui à ce moment ne rendent plus compte de la réalité des problèmes sociétaux. Ainsi, les élites politiques refuseront d'impulser le changement qui pourrait leur faire perdre le pouvoir par exemple. Ceci traduit une carence de la démocratie à porter le changement social. En revanche, les mouvements sociaux jouent un rôle de « cinquième pouvoir »4(*) et permettent le changement social. Ce fut le cas en Afrique des mouvements de libération nationale, qui ont permis l'indépendance. C'est aussi le cas des mobilisations multisectorielles des années 90 ayant donné lieu à la libéralisation du jeu politique. Dans ces différents cas, l'exécutif dirigeant ne souhaitait pas de tels changements, et faisait tout pour que les choses ne changent pas. Cela correspond à « l'approche hiérarchique et stratifiée de la réalité sociale ». D'après cette approche, « Une politique publique est le reflet de la domination des élites politiques, instrument qui rend opérationnelles leurs préférences et contribue à renforcer leur hégémonie sur le reste de la collectivité ».5(*)

Hormis cette perversion, une réflexion sur l' « Etat en action », sur « la banalité et la nudité de l'Etat » permet de comprendre que l'Etat ne peut pas répondre à toutes les sollicitations. Et par conséquent, il y aura toujours des causes oubliées. Or, les mouvements sociaux et les mobilisations sociales inscrivent ces préoccupations dans les agendas politiques ; mais aussi et surtout, ils peuvent eux-mêmes implémentés une dynamique publique. On parle en ce moment d'action publique. Cela se fait le plus souvent lorsque les mouvements sociaux sont déjà institutionnalisés. Certains se constituent en association ou en O.N.G.s. Ils agissent au quotidien et viennent-en aide à la population et même à l'Etat. Les mouvements tels que « Ni putes, ni soumise », « l'altermondialisme », « l'écologisme politique », etc. ont contribué à redéfinir les contours de la gouvernance à l'échelle mondiale, et mènent des actions concrètes au quotidien. Ce n'est plus seulement l'Etat en action, c'est la société toute entière en action. De facto, là où la démocratie se grippe, les mouvements sociaux sont là pour traduire les attentes des populations, les causes perdues. Ce qui n'est pas toujours le cas de la représentation.

Mouvement social, démocratie et représentation

La représentation en démocratie à ceci de négatif que ce ne sont que les partis majoritaires qui font entendre leurs voix. Les autres partis, qui pourtant représentent une partie du peuple n'ont guère voix au chapitre. En réalité, dans les démocraties modernes, le peuple n'est gouverné que par une frange, souvent mince de la population. Il n'y a pas vraiment représentation, puisque les députés au parlement qui ne sont pas majoritaires ne parviendront souvent jamais à faire voter leurs propositions de lois. Or, il n'y a pas de politiques publiques sans « cadre normatif d'action » et sans cadre légal. Dans un tel contexte, toutes les politiques publiques ne traduiront que les aspirations d'une frange de la population. Et les autres alors ? Et ceux qui n'ont pas votés ? Et ceux qui ne sont pas en âge ou en état de voter ? Autant de limites de la représentation, qui font que les mouvements sociaux et les mobilisations sociales se présentent en ce moment comme une planche de salut pour une démocratie en crise de représentation. Ils permettent d'inscrire à l'ordre des agendas des problèmes, qui n'étaient pas la préoccupation du parti qui a gagné les élections. Ils permettent au peuple de refuser telle politique publique ou telle autre. Ce fut le cas des grèves en France contre le Contrat premier embauche, ou contre la suppression du juge d'instruction par Nicolas Sarkozy.

Il apparaît donc clairement que les mouvements sont la preuve matérielle de la crise actuelle de la démocratie et de la représentation : une démocratie en panne de changement sociale. Toutefois, ces mouvements contribuent à un approfondissement de la démocratie, et expriment par ailleurs une amélioration de celle-ci.

Quand les mouvements sociaux et la démocratie se réinventent

L'on dit de la démocratie qu'elle est le gouvernement du peuple par le peuple et pour peuple. Les mouvements sociaux quant à eux sont une expression de la volonté du peuple qui se mobilise pour défendre une cause. Les deux définitions laissent apparaître le mot peuple. En réalité, si les mouvements sociaux sont une preuve des limites de la démocratie et de la représentation, ils permettent tout de même de la renouveler et de l'approfondir.

Vers une nouvelle forme de démocratie

Il n'existe pas d'opposition entre démocratie et mouvements sociaux. Les mouvements sociaux sont une forme de participation politique dans les régimes démocratiques.6(*) Ils nourrissent la démocratie et lui permettent de dépasser ses limites institutionnelles. Bef, avec les mouvements sociaux, on se rapproche plus de la définition de la démocratie comme celle où « le peuple en corps gouverne ».7(*)

C'est un truisme de dire que la démocratie connaît une crise de la représentation. Pourtant, en principe, la démocratie rime avec la délibération, le consensus et le contrat social. Un consensus qui ne doit pas exister uniquement au moment du vote, mais aussi dans l'exercice du pouvoir. Or dans le passé, les déficiences de la représentation et l'exercice statocentrique du pouvoir ont rendu la démocratie froide, injuste et déconnectée des préoccupations réelles des populations.

Avec l'essor des mouvements sociaux, on parle d'avantage de co-gouvernance, de co-gestion. L'Etat n'est plus un monstre froid, mais l'institution à l'écoute des populations, qui réfléchit avec elles pour répondre à leurs préoccupations. Nous sommes plus proche de la gouvernance participative et loin de la « boite noire ». En cela, les mouvements contribuent à inventer une nouvelle forme de démocratie, constituée du « cinquième pouvoir », qui dans bien des cas contribue à arrêter les autres pouvoirs.

A vrai dire, si les mouvements sociaux contribuent à inventer une forme nouvelle de démocratie ; la démocratie aussi, se présente comme le terreau fertile pour l'essor des mouvements sociaux. C'est ce qui explique la recrudescence de nouveaux mouvements sociaux.

La démocratie : élément catalyseur des mouvements sociaux

Autant les mouvements sociaux réinventent la démocratie, autant la démocratie a donné naissance à de nouvelles formes de mouvements, qui y ont trouvée un espace libre et agréable d'échanges, de discussions et de contestation.

En effet, dans toutes les démocraties modernes, les mouvements sociaux et les mobilisations sociales sont considérés comme des formes à part entière de la participation politique. Ils disposent d'un cadre normatif d'action reconnu légalement. Ils sont mêmes très souvent consultés pour la prise de décision par les élites politiques. A l'exception de ceux jugés violents ou hostiles (Alquaïa). Plusieurs d'entre eux comme l'écologisme politique sont soutenus et subventionnés par l'Etat pour le travail d'éveil qu'ils font. Le rapport Etat mouvements sociaux n'est plus essentiellement conflictuel. Même si les mouvements sociaux sont toujours réprimés, même s'ils utilisent encore des méthodes violentes (casses), il y a désormais une réelle coopération entre ces mouvements et l'Etat. Dans un Etat démocratie, il y a le droit de grève ; ce qui n'est pas le cas dans un système dictatorial ou totalitaire, qui n'admet pas la liberté de penser et d'action, et muselle toute contestation. Ce fut le cas de l'Allemagne Nazi, c'est le cas actuellement en Corée du Nord.

Conclusion

Au début de ce travail, nous nous sommes demandé si les mouvements sociaux constituaient une crise ou un approfondissement de la démocratie. Il en ressort que les mouvements sociaux expriment les limites de la démocratie institutionnelle et du système de représentation. Pourtant, ces mouvements constituent également une chance pour les démocraties modernes. Dans la pratique, ils réinventent la démocratie et permettent à celle-ci de tenir compte de toutes les couches de la population. Bref du peuple en corps.

Au total, toute démocratie ne saurait à l'heure actuelle se passer des mouvements sociaux. De façon générale, la question de la participation du peuple dans la gestion des affaires les concernant est aujourd'hui au coeur de la gouvernance démocratique moderne. D'où la place qu'occupent de plus en plus les acteurs sociaux dans les processus décisionnels.

Au demeurant, les mouvements sociaux en particulier et de la société civile en général occupent une place si cardinale dans les processus de gouvernance modernes, que l'on peut se demander : quelle est la place que nous (africains) leur accordons ?

* 1 NEVEU Erik, Sociologie des mouvements sociaux, Paris, Editions La Découverte et Syros, 2000, 125 pages.

* 2 GRAWITZ (M.), Lexique de sciences sociales, 8ème Edition, Paris, Dalloz, 2004

* 3 Au sens de l'expression anglo-saxonne politiy.

* 4 Terme propre au philosophe MBONDA (E.M.)

* 5 THOENIG (J.C.), « L'analyse des politiques publiques », in revue française de science politique, GRAWITZ (M.) et LECA (J.) (Sous la dir. De), p.47, cité par KIAMBA (C.E.).

* 6 BRAUD (P.), Sociologie politique, Paris, L.G.D.J, 2002

* 7 Cf. Montesquieu

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery