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Préserver la compétitivité du football français face a une concurrence européenne accrue

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par Alexandre Wais
Université Paris Ouest Nanterre La Defense - Master Juriste Europeen 2005
  

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Université Paris X Nanterre

Rapport de recherche

PRESERVER LA COMPETITIVITE
DU FOOTBALL FRANÇAIS
FACE A UNE CONCURRENCE EUROPEENNE ACCRUE

Alexandre Wais

Dess Juriste européen 1

Année universitaire 2004/2005

Remerciements

Je tiens à remercier Maître Eric Bolze pour m'avoir permis de poursuivre la rédaction de ce rapport de recherche pendant la durée de mon stage. Je le remercie aussi pour m'avoir accueilli dans son cabinet et impliqué très vite dans des dossiers complexes à dimension internationale. Grâce à cette expérience, j'ai pu entrer pleinement dans la vie d'un cabinet d'affaires et découvrir les nombreux aspects du métier d'avocat conseil.

Je remercie également l'équipe du cabinet qui m'a encadré pendant toute la durée de mon stage, à savoir Sylvaine Guillonneau pour sa disponibilité, Hélène Perron pour sa patience et Yann Martin Lavigne pour son implication et ses conseils.

Sommaire

Remerciements 2

Introduction 4

I / L'application du droit communautaire au football conduit au développement économique des clubs français 6

1. La création d'un football de clubs à l'échelle européenne 7

1.1. L'arrêt Bosman renforce la concurrence entre les clubs européens 7

1.2 Le football français en danger 13

2. La révolution économique des clubs français 21

2.1. La modernisation de la structure juridique des clubs sportifs professionnels 21

2.2. La prise en compte des attentes des clubs 34

II / Le football français en passe de devenir un modèle dans un marché

en pleine mutation 46

1. Une santé financière bientôt retrouvée 47

1.1. Les instances du football participent au redressement financier des clubs 47

1.2. L'aménagement de la fiscalité favorise la compétitivité des clubs 62

2. Un nouveau cadre européen pour une concurrence loyale 74

2.1. L'UEFA organise un contrôle inspiré du modèle français 74

2.2. Les débats autour du modèle économique européen 79

Index 82

Bibliographie 83

Introduction

« La réalité n'est pas simple. Il est naïf de croire qu'une entreprise peut définir sa stratégie en
tenant compte simplement de la concurrence. Elle doit intégrer la complexité de son
environnement, l'avantage ou le handicap concurrentiel du pays dans lequel elle se trouve. »
1

Cette citation que l'on doit à un Professeur de stratégie économique et marketing de l'Université de Harvard rend très bien compte des difficultés qui ont été rencontrées par les clubs français au cours des dix dernières années et plus particulièrement depuis l'arrêt Bosman. Dans un secteur devenu hyper concurrentiel, ils n'ont d'abord pas su trouver leur place à cause des nombreux handicaps qui pesaient sur leur compétitivité.

Face à cet échec, le législateur s'est vite aperçu que « les incidences tant financières que sportives du renouvellement de l'environnement du sport professionnel ne pouvaient être ignorées sans porter atteinte à la compétitivité des clubs sportifs français et à la spécificité du droit applicable en France aux activités physiques et sportives, basée sur la solidarité entre sport amateur et professionnel ».2 Dès lors, le football professionnel est devenu l'objet de toutes les attentions des parlementaires et la réaction de l'Etat s'est faite aussi rapidement qu'elle paraissait correspondre aux attentes des clubs.

Mais dans le même temps, l'absence de régulateur au niveau européen a fomenté le développement d'une concurrence sauvage profitant aux seuls clubs capables de surenchérir dans une véritable « course aux armements ».

L'enjeu a alors pris le pas sur le jeu.

La situation financière des clubs français est devenue inquiétante au même titre que celle de l'ensemble du football européen. Pourtant, alors que les instances du football français sont intervenues pour stopper l'hémorragie, la situation s'est aggravée dans de nombreux pays, remettant en cause le mode de fonctionnement d'un secteur économique basé sur le maintien d'un équilibre entre ses divers protagonistes.

1 Porter, Michael E. est célèbre pour ses études sur la façon dont une entreprise ou un territoire géographique peut obtenir un avantage concurrentiel en accumulant le maximum de moyens renforçant son coeur de compétences.

2 Rapport de la commission des Affaires culturelles sur la proposition de loi, portant diverses dispositions relatives au droit du sport, annexe du PV de la séance du 17 novembre 2004

Conscientes des risques qui pesaient sur cette industrie naissante, les instances européennes ont décidé d'assumer pleinement leur rôle en mettant en place un nouveau système de contrôle des clubs, calqué sur le modèle français dont le championnat était le plus proche de l'équilibre financier en 2005 grâce à la volonté de l'ensemble des acteurs politiques et institutionnels de promouvoir la pratique du sport en France.

En quoi l'action menée à la suite de l'arrêt Bosman à laquelle ont pris part le Gouvernement, la Fédération et la Ligue a-t-elle permis de préserver la compétitivité des clubs de football professionnel français sur long terme ?

En étroite collaboration avec les clubs, les parlementaires ont tenté de cerner les enjeux liés au football professionnel pour améliorer la compétitivité des clubs dans un environnement transformé après que la Cour de Justice des Communautés Européennes ait décidé d'appliquer au football les règles de droit communautaire relatives à la liberté de circulation des personnes ( I ). Parallèlement, les instances du football ont rempli leur mission permettant aux clubs de redresser leur situation financière pour devenir un modèle de bonne gestion ( II ).

-I- L'application du droit communautaire au football conduit au développement économique des clubs français

1. La création d'un football de clubs à l'échelle européenne

Le développement économique initié dans les années 80 du sport le plus populaire en Europe a façonné la création d'un véritable produit, le football, sur un marché qui s'étend à travers toute l'Europe.

Si le législateur français a tardé à mesurer l'ampleur du phénomène, la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) s'est aperçue très tôt que les règles de libre circulation au sein de l'espace communautaire étaient applicables au sport, malgré ses spécificités.

1.1. L'arrêt Bosman renforce la concurrence entre les clubs européens

L'arrêt Bosman rendu le 15 décembre 1995 aurait cependant pu être dévastateur pour le football français, tant ceux-ci étaient pénalisés par rapport à leurs concurrents.

1.1.1. Des clubs incapables de faire face à la concurrence européenne a. Une double surcharge fiscale

> Les charges sociales élevées par rapport aux autres pays européens

Selon le rapport Denis, en 2003, un joueur qui coûtait 100.000 euros par mois à un club anglais, espagnol ou italien, revenait à 172.000 euros pour un club français à cause des charges sociales supportées par ce club.3 Lors la saison 2004/2005, les clubs français ont ainsi versé 130 millions d'euros au titre des charges sociales, soit l'équivalent de 14% de leurs charges comptables.4 Comme le faisait remarquer Frédéric Thiriez, Président de la Ligue de Football Professionnelle (LFP), cet écart empêche les clubs français de << s'aligner >> sur les salaires proposés par nos voisins européens et de s'octroyer les services des joueurs les plus talentueux.5

3 Rapport de Monsieur Jean-Pierre Denis, Inspecteur des Finances, << certains aspects du sport professionnel en France >>, novembre 2003.

4 << Comptes des clubs professionnels, saison 2004/2005 >>, DNCG.

5 Article du 12 mai 2004, Frédéric Thiriez, « Le football français est le bon élève de l'Europe >>, La Tribune.

> L'impôt sur le revenu peu incitatif pour les joueurs

Comme le souligne le rapport Denis, il existait une double surcharge fiscale sur les clubs français : d'abord à cause des charges fiscales élevées, ensuite parce que la fiscalité française des ménages est dissuasive pour les personnes les plus fortunées, dont font partie les sportifs professionnels.

Sous réserve de l'application d'une convention internationale entre le pays d'origine du joueur étranger et la France, un joueur évoluant au sein d'un club français est réputé avoir son domicile fiscal en France au regard de l'Administration dès lors qu'il remplit au moins l'une des quatre conditions suivantes: 6

- si son foyer familial est établi en France ;

- si son lieu de séjour principal est la France ;

- s'il exerce son activité professionnelle en France ;

- si le centre de ses intérêts économiques se situe en France ;

En pratique, un joueur évoluant dans le championnat français remplit au moins deux conditions : l'exercice d'une activité professionnelle en France et l'habitation à titre principal en France. Un joueur professionnel, même étranger, sera donc toujours réputé avoir son domicile fiscal en France et conformément à l'article 4-A du Code général des impôts, il sera passible de l'impôt sur le revenu français à raison de l'ensemble de ses revenus (même provenant de pays étrangers).

En France, l'impôt sur le revenu est proportionnel, ce qui signifie que le taux d'imposition dépend essentiellement du montant des revenus perçus par le contribuable au cours de l'année. Le barème varie ainsi entre 0% et 48,09% du revenu imposable (le seuil maximal est atteint lorsque le revenu est supérieur à 47 932 euros).7 Or, le salaire d'un joueur de renommée internationale se chiffre en millions d'Euros. A titre d'exemple, la majeure partie des « galactiques » du Real Madrid touchaient en 2005 près de 6 millions d'Euros par an, somme qui pouvait être doublée, voire triplée grâce aux primes et aux revenus publicitaires (les gains annuels de Ronaldo étaient estimés à 19,6 millions d'euros pour la même année).8

6 Article 4-B du Code général des impôts

7 Attention : pour obtenir le revenu imposable, il est nécessaire de diminuer le revenu perçu de diverses charges et déductions puis de prendre en compte le quotient familial.

8 Estimation de France football, mardi 3 mai 2005.

Selon une étude publiée par INEUM Consulting, les salariés des clubs de football professionnel auraient versé au total près de 138 millions d'euros au titre de l'impôt sur le revenu (et 56 millions d'euros au titre des charges salariales).

Par ailleurs, s'il advenait qu'un joueur imposé à l'impôt sur le revenu français dispose d'un patrimoine supérieur à 720.000 euros, alors il serait aussi imposé au titre de l'Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF) dont le taux le plus élevé est de 1,80% pour la fraction supérieure à 15.000.000 d'euros.

L'impôt sur le revenu est peu attractif pour des joueurs aux carrières courtes (entre 6 à 10 ans) qui choisissent aussi, à salaire égal, le pays dans lequel ils seront les plus avantagés fiscalement.

b. Un statut juridique quasi-associatif

> Des ressources limitées

A cela s'ajoutaient des problèmes d'ordre strictement financier : l'association était seule propriétaire de la marque et le merchandising était interdit, ce qui empêchait les clubs de diversifier leurs revenus.

Ils n'étaient pas propriétaires de leurs installations sportives et ne pouvaient pas se faire garantir un emprunt ou un cautionnement par une collectivité locale pour acquérir de telles immobilisations.

> L'investissement découragé

Enfin, avant la loi de 1999, les clubs ne pouvaient ni rémunérer les dirigeants, ni verser de dividendes lorsqu'ils réalisaient des bénéfices, ce qui n'incitait guère les investisseurs à s'engager dans cette aventure risquée et coûteuse.

En outre, la cotation en Bourse était interdite, ce qui limitait le nombre d'investisseurs potentiels.

1.1.2. La mise en concurrence provoque le départ des meilleurs joueurs vers l'étranger

a. L'arrêt Bosman instaure un marché unique

Jusqu'à l'arrêt Bosman, les clubs français ne manquaient cependant pas de rivaliser au plus haut niveau car il existait des barrières à la libre concurrence entre les clubs européens, fondées sur un critère de nationalité. Cela avait pour effet de forcer certains joueurs à rester dans leur pays car les places dans les grands clubs étrangers étaient bien souvent limitées. Par conséquent, les disparités entre les différents championnats étaient atténuées, voire annihilées.

L'Union des Associations Européennes de Football (UEFA) avait en effet adopté en 1990 la règle dite du << 3 + 2 » qui permettait aux fédérations de limiter sur la feuille de matchs le nombre de joueurs ressortissants d'autres Etats membres à 3 et à 2 le nombre de joueurs ayant joué dans le pays en question pendant une période ininterrompue de 5 ans (dont 3 dans le secteur des juniors).9

La Cour de Justice des Communautés Européennes a condamné cette clause de nationalité sur
la base de l'article 39 du Traité qui prévoit que << la libre circulation des travailleurs est
assurée à l'intérieur de la Communauté »
, ce qui << implique l'abolition de toute

discrimination, fondée sur la nationalité entre les travailleurs des États membres, en ce quiconcerne l'emploi, la rémunération et les autres conditions de travail ». De fait, une équipe pouvait désormais jouer avec 11 joueurs étrangers ressortissants de l'Union européenne.

Par suite, cette jurisprudence a été élargie aux pays ayant signé avec l'Union européenne un accord de partenariat prévoyant une égalité de traitement entre les travailleurs.

La porte fut ouverte par le célèbre arrêt Malaja du Conseil d'Etat rendu en décembre 2002, immédiatement suivi par l'arrêt Kolpak de la CJCE (mai 2003), lequel fut confirmé par l'arrêt Simutenkov du 12 avril 2005.10 Depuis ces arrêts, les ressortissants d'un pays non inclus dans l'Union européenne ayant un accord de partenariat avec l'Union (instituant une égalité de traitement des travailleurs) peuvent circuler librement au sein des pays de l'Union européenne sans qu'une Fédération puisse limiter leur présence au sein d'une équipe ou sur le terrain.

9 Louis Frédéric Doyer, << l'Union Européenne et le sport, l'arrêt Bosman »

10 http://www.juristeeuropeen.com/, << Les arrêts de la CJCE en droit du sport », du 5 mai 2005.

A l'origine, cela ne concernait que 24 pays. Puis, avec l'accord de Cotonou entre l'Union et 77 pays (d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique) entré en vigueur en avril 2003, le champ de coopération s'est accentué pour sétendre à une centaine de pays.

Les meilleurs joueurs français étaient désormais libres (ou presque) de jouer où bon leur semblait, même s'il est vrai que la tendance était plutôt au départ vers certains grands clubs italiens, anglais ou espagnols. Ainsi, entre 1995 et 2005, le nombre de joueurs étrangers est-il passé de 14 à 31% dans le championnat italien, de 20 à 28% en Espagne et de 34 à 56% en Angleterre.11

b. La concurrence profite à certains grands clubs européens

> Certains pays avaient déjà préparé les clubs à une mise en concurrence

En outre, plusieurs études comparatives font apparaître que nos voisins européens ont très vite permis à leurs clubs d'opter pour des structures juridiques commerciales adéquates :

- au Royaume-Uni, le statut de société de droit commun est coutumièrement admis de longue date12 et Manchester United était côté depuis 199113, tout comme une vingtaine d'autres clubs de football. Par ailleurs, << les clubs sont propriétaires de leurs installations et réalisent aussi des opérations financières et immobilières qui ne sont pas toujours en relation avec la pratique sportive », ce qui leur a permis d'acquérir de << l'expérience et une grande efficacité dans la gestion économique de leurs structures. »14

- en Espagne, les clubs de football professionnel doivent même se constituer en société anonyme sportive (sociedad anonima deportiva) depuis la loi n° 10/1990 du 15 octobre 1990 complétée par le décret royal n° 1084/91 modifié en 1996. Il existe cependant des restrictions quant aux prises de participation dans ces sociétés et à la

11 << Pour un contrôle de gestion des clubs au niveau européen », juin 2005, LFP.

12 « Quels arbitrages pour le football professionnel ? Les problèmes liés au développement économique du football professionnel », de Monsieur Yves Collin, fait au nom de la délégation du Sénat pour la planification, déposé le 8 juin 2004.

13... jusqu'à son retrait le 22 juin 2005 par son nouveau propriétaire Malcom Glazer.

14 << Les aspects juridiques de la gestion économique des clubs sportifs professionnels : l'adoption d'une nouvelle loi », de Gérard AUNEAU, La semaine juridique Edition Générale n° 13, 29 mars 2000, I 216.

distribution de dividendes qui ne peut intervenir que si les réserves représentent au moins la moitié des dépenses.15

- en Italie, il est aussi nécessaire de constituer une société anonyme (società per azioni) ou une société à responsabilité limitée (società a responsabilità limitata) depuis la loi du 23 mars 1981 pour pouvoir contracter avec des sportifs professionnels. En outre, une loi de 1996 leur a permis de poursuivre des objectifs lucratifs à condition que 10% des bénéfices au moins soient alloués aux écoles de formation.

Par contre, l'Allemagne et la Belgique sont d'abord restées attachées à la structure associative avant que ne soit offert aux clubs à la fin des années 90 la possibilité de créer une société de capitaux pour la gestion du pôle professionnel.

> Les facteurs qui ont aggravé le fossé séparant les clubs français de leurs voisins

Parallèlement à la mise en place de la libre circulation des sportifs, deux autres facteurs sont venus intensifier la concurrence entre les clubs : l'explosion des recettes des clubs et la modification du format des Coupes européennes en 1996.

Comme le fait remarquer la Ligue de Football Professionnel (LFP) dans son rapport de juin 2005 préconisant la mise en place d'un organe de contrôle des comptes des clubs à l'échelle européenne, la croissance du marché du football a progressé très rapidement au cours des dix dernières années. Cependant, tous les clubs ne sont pas égaux devant cette augmentation des recettes.

Premièrement à cause du système de répartition des droits de retransmission des évènements sportifs qui n'est pas le même dans chaque pays : à titre d'exemple, les droits sont négociés individuellement en Angleterre et en Espagne, ce qui profite aux grands clubs, alors qu'en France, le boni des droits télévisés est négocié par la LFP au nom de l'ensemble des clubs français et est ensuite réparti entre tous (voir le chapitre sur la LFP). A cela s'ajoute le fait que certains clubs ont pu se développer commercialement en disposant de leur marque alors que cela n'était pas possible en France avant 2003.

15 Idem.

Ensuite, du fait de la modification des Coupes d'Europe : la mise en place de la Ligue des Champions qui réunit chaque saison les meilleures équipes européennes a ajouté un nouveau championnat prestigieux et lucratif. Les meilleurs sont donc les mieux récompensés. Or, les vainqueurs sont bien souvent les plus riches car ils sont seuls à même d'attirer, de fidéliser et d'intégrer sur long terme les joueurs les plus recherchés.

Du fait d'un départ raté, les clubs français se sont donc retrouvés en bout de file et n'ont pas été à même de résister à la concurrence. Alors que les revenus liés aux résultats sportifs des clubs espagnols en Champions League entre 1997 et 2004 approchent les 200 millions, que ceux des clubs italiens, anglais et allemands sont évalués à 120 millions, les clubs français n'ont récolté que 56 millions, soit 15 de plus seulement que les clubs portugais.16

Et les meilleurs joueurs français en ont profité pour aller se distraire ailleurs... Selon Monsieur Humbert, rapporteur de la commission des affaires culturelles après du Sénat, près de 280 joueurs français évoluaient à l'étranger en 2004.17

1.2 Le football français en danger

1.2.1. Le championnat français moins attractif

a. Les spectateurs se désintéressent du championnat français

> Moins de stars

Un championnat qui se vide de ses meilleurs éléments et qui n'en attire pas d'autres pour équilibrer la balance, c'est un championnat qui perd de son intérêt, en particulier pour les spectateurs. C'est effectivement ce qui a été constaté par un sondage BVA/Louis Harris publié dans l'Equipe en février 2003 : les spectateurs se seraient désintéressés des diverses compétitions françaises au profit des championnats étrangers dans lesquels évoluent les « frenchies », c'est-à-dire des clubs presque assurés de disputer chaque année la Ligue des champions comme Arsenal, le Real Madrid, la Juventus et maintenant Chelsea.

16 « Pour un contrôle de gestion des clubs au niveau européen », juin 2005, LFP.

17 « Compte rendu analytique officiel de la séance du 24 novembre 2004 », www.sénat.fr.

Premièrement, ce désintéressement serait dû à 89% au départ annuel des meilleurs joueurs vers l'étranger, non compensé par l'arrivée de joueurs de renom : l'absence de stars, ces joueurs dont le public attend beaucoup et dont il est rarement déçu, pèse sur l'activité des clubs.

> Des clubs moins performants en Coupe d'Europe

Cet exode des talents se manifeste aussi forcément par une baisse en termes de qualité technique et rend les imprécisions plus fréquentes, au grand dame du spectacle mais aussi des performances face à des rivaux mieux lotis. Vincent Couvelaere fait aussi remarquer que l'absence de hiérarchie est une autre faiblesse du championnat français : << la présence régulière de locomotives en tête du championnat est nécessaire pour renforcer la compétitivité des clubs français à l'échelle européenne. »18 L'obtention en avril 2006 d'un cinquième titre de champion pour l'OL va peut-être changer la donne à cet égard...

Enfin, la difficulté à se hisser au plus haut niveau peut créer un cercle vicieux : en fonction d'un classement établi chaque année par l'UEFA selon la performance des clubs d'un même Etat dans l'une des deux coupes d'Europe, celle-ci attribue un certain nombre de points à chaque pays. Selon les résultats, chaque pays verra un nombre plus ou moins élevé de clubs qualifiés pour les coupes d'Europe. Au 26 mai 2005, la France occupait la 4ème place de ce classement, ce qui donnait 2 places directement qualificatives pour la Ligue des champions et une place pour disputer le tour préliminaire de la même compétition.19

Or moins de Coupes européennes, c'est moins de passion, moins de rêve... alors le public se désintéresse. Il se rend moins au stade (15% du budget), ne regarde plus les matches retransmis à la télévision (50%), achète moins de produits dérivés (10%).20

18 « Les stratégies de marque des clubs sportifs professionnels, étude de cas du football français », de Vincent Couvelaere, 2003.

19 Source UEFA (site officiel).

20 << Comptes des clubs professionnels, saison 2003/2004 », DNCG.

Le championnat français peine à attirer les talents

Fort heureusement, il ne faut pas croire que seule la rémunération intéresse les joueurs... Pour qu'un club attire de grands joueurs, il doit à la fois disputer régulièrement une Coupe d'Europe mais aussi être à même de la gagner, ce qui semble lié notamment au niveau du championnat.

Par conséquent, si un championnat peine à attirer d'autres prodiges, alors ce championnat pourra se résumer à n'être qu'un « tremplin », c'est-à-dire un moyen de se faire connaître (grâce à la télévision notamment) par d'autres clubs plus « huppés » qui pourront lui permettre d'atteindre son objectif.

Bien sûr, cela reste une généralité et certains joueurs tombent parfois sous le charme d'une ville, d'un club, comme ce fut le cas pour Didier Drogba avec l'Olympique de Marseille, club auquel il se disait profondément attaché mais qu'il a du se résoudre à quitter du fait d'une offre mirobolante de Chelsea, à laquelle ne pouvait refuser... l'Olympique de Marseille21.

Les investissements sont plus risqués

Enfin, un championnat sur le déclin attirera moins les sponsors (20% du budget des clubs) et les investisseurs (sauf mesures incitatives). La rentabilité attendue sera certainement plus faible et les retombées liées à l'image d'un club à la dérive pourraient même lui porter préjudice.

Le départ des meilleurs joueurs évoluant en France couplé à un attrait diminué emporterait par ailleurs des conséquences néfastes pour le football français dans son ensemble.

1.2.2. Le football français menacé dans son ensemble

a. Une diminution des ressources des clubs français

Les comptes de résultat cumulés des clubs de Ligue 1 depuis 1999 font apparaître que leur
budget est essentiellement basé sur les produits issus directement des recettes nées lors des

21 L'indemnité de transfert versée à l'Olympique de Marseille s'élevait à 38 millions d'euros.

matchs de football : 65% de leurs ressources viennent en effet de la cession des droits télévisés ainsi que des recettes guichet.22

Depuis la saison 1999/2000, les droits télévisés perçus par les clubs de Ligue 1 représentent près de 50% de leur budget. Ces droits télévisés, négociés pour une période de trois ans au nom de l'ensemble des clubs, tendent à prendre une place prépondérante dans le total des recettes aux côtés des recettes guichets dont la part dans les produits stagne autour de 15%. Corrélativement, le poste publicité / sponsors intimement lié à l'audience représente 20% du budget des clubs alors que les recettes marketings atteignent à peine 9%.

Les clubs de football professionnels français sont dépendants de l'intérêt procuré par le championnat français.

b. La formation des jeunes joueurs professionnels dépend des clubs

La mauvaise santé sportive et économique des clubs français risque de porter atteinte à la formation des futurs professionnels. En effet, la formation dépend des clubs professionnels : selon l'article 101 de la charte du football 2004/2005, un club ne peut être titulaire d'un centre de formation (de joueurs professionnels) que s'il participe au Championnat de football professionnel de Ligue 1 ou depuis au moins trois saisons consécutives au Championnat de football professionnel de Ligue 2.

Ce statut de club formateur, visé par l'article 15-4 de la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives est reconnu à condition de respecter certaines obligations, dont une aide à l'insertion scolaire ou professionnelle à l'issue de la période de formation. L'obtention de ce label permet l'application de certaines normes visant à encadrer la formation du jeune joueur en imposant des obligations à la charge du club (scolarité, rémunération...) mais aussi à protéger le club formateur.

L'article 102 précise de quelle protection il peut s'agir en prévoyant que lorsqu'un club de Ligue 1 qui ne dispose pas d'un centre de formation, il perdra :

- la possibilité d'user des contrats spéciaux prévus par la Charte (aspirants, stagiaires, élite) et protecteurs pour les clubs ;

22 « Comptes des clubs professionnels, saison 2004/2005 », DNCG.

- le bénéfice du principe d'obligation pour le joueur de football de signer le premier contrat professionnel dans son club formateur (article 259 de la charte) ;

- la perte des mesures législatives inscrites dans la loi sur le sport du 28 décembre 1999, modifiant celle du 16 juillet 1984, au sujet de la convention de formation, de la garantie de l'obligation du premier contrat professionnel et de la possibilité de percevoir légalement des subventions pour la formation.

Dans le système français actuel, la formation tient une place prépondérante ; elle permet aux clubs de s'assurer qu'ils disposeront d'une relève de qualité, attachée au club et parfois même constitutive d'une plus-value. Par exemple, lors de la saison 2004/2005, 18 joueurs de Ligue 2 ont été transférés en Ligue 1 ou à l'étranger et 64 joueurs de Ligue 1 ont quitté leur club pour un autre club de Ligue 1 - 42 -ou pour un club étranger - 22 -).

Cela démontre le rôle essentiel qui est joué par les clubs de football professionnels en matière de formation des futurs joueurs professionnels. Or, la formation des jeunes joueurs français est aujourd'hui reconnue comme une valeur sûre à travers le monde entier et contribue à un rayonnement sportif de la France à l'étranger. Il suffit à cet égard de prendre l'exemple des nombreux joueurs de l'équipe de France qui sont régulièrement titulaires au sein des meilleures équipes européennes ; pour ne citer qu'eux :

- Angleterre : Thierry Henri et Robert Pires (Arsenal), William Gallas et Claude Makelele (Chelsea), Mickaël Sylvestre et Louis Saha (Manchester United), Jean-Alain Boumsong (Newcastle United).

- Espagne: Zinédine Zidane (Real Madrid), Ludovic Giuly (FC Barcelone).

- Italie: Lilian Thuram, David Trezeguet, Patrick Viera et Jonathan Zebina (Juventus de Turin), Jérémy Bréchet (Inter Milan), Vincent Candela (AS Rome),

- Allemagne : Willy Sagnol (Bayern Munich), Johan Micoud (Werder Brême).23

Préserver la compétititivité des clubs français, c'est donc aussi assurer la pérennité de la formation française, donc une relève pour les clubs français et même peut-être de l'équipe de France.

23 www.bleusdefrance.com/

c. Le football amateur financé en partie grâce au football professionnel

> Le contrat de progrès entre la FFF et la LFP

L'article 8 du protocole d'accord financier signé entre la Fédération Française de Football (FFF) et la Ligue de Football professionnelle (LFP) en juin 2002 pour une durée de cinq (5) ans prévoit un « contrat de progrès en faveur du football amateur >> selon lequel la LFP s'engage à verser chaque année au Fonds d'Aide à l'Investissement (FAI) une somme destinée aux clubs amateurs. Le montant de cette aide a nettement évolué depuis 2002 puisqu'il est passé successivement de 9 à 10, puis 15 et enfin 30 millions d'euros par an pour les saisons 2005/2006 à 2007/2008, soit 90 millions d'euros sur trois ans! Cette réévaluation spectaculaire a été décidée en juillet 2005 lors de l'Assemblée générale de la LFP grâce à l'augmentation des droits télévisés (Canal + devra verser à la LFP 600 millions d'euros par an pendant les saisons 2005/2006 à 2007/2008 que celle-ci reversera ensuite entre les clubs de Ligue 1 et de Ligue 2), sans laquelle la LFP n'aurait pas pu se permettre de telles largesses.24

L'article 10 du protocole poursuit qu'en cas de fluctuation significative des ressources du football, l'ensemble de l'accord pris entre la FFF et la LFP pourrait être révisé... Cela pourrait aboutir à diminuer la somme allouée en faveur du football amateur, ainsi à ralentir la mise en place d'installations neuves et modernes, donc à rendre plus difficile le travail des éducateurs avec les jeunes enfants et peut-être à baisser le niveau de formation...

> La « taxe Buffet >>

Le Fonds National de Développement du Sport (FNDS) créé pour aider au développement du sport en général (pas seulement du football), était financé en 2004 à hauteur de 21,69 millions d'euros grâce à la contribution des clubs sur la cession des droits reçus en contrepartie de la diffusion télévisuelle de leurs rencontres (5%), soit 10% des recettes de ce fond. La récente augmentation des droits télévisés va accroître la valeur de ce poste et le faire passer à 30 millions d'euros.

Le poids de cette solidarité avec le sport amateur doit cependant être atténué dans la mesure
où l'Etat joue un rôle financier majeur : les moyens alloués au profit des actions en faveur de

24 « Aide financière au football amateur », L'Equipe.fr du 2 juillet 2005.

la jeunesse, de la pratique du sport et de la vie associative étaient budgétisés à hauteur de 797,18 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2005.25 Mais il n'en résulte pas moins que les clubs de football professionnels français contribuent au développement du sport amateur en France. Une baisse de leurs revenus engendrerait donc une baisse des ressources du sport amateur français.

d. Des répercussions possibles sur l'emploi

> Le sport est devenu un véritable enjeu économique

Comme le soulignait un rapport du Ministère des sports en septembre 2002, « le sport est devenu un véritable enjeu économique » avec une dépense sportive globale évaluée en 2000 à 24,6 milliards d'euros, soit 1,7% du produit intérieur brut. 26

Cependant, les ménages ne participent qu'à hauteur de la moitié de ces dépenses : l'Etat et les collectivités locales financent majoritairement les équipements mis à disposition des amateurs comme des professionnels ainsi que le personnel encadrant les activités sportives, alors que les dépenses des ménages (12 milliards d'Euros) s'orientent vers l'acquisition de biens ou services sportifs.

Selon le même rapport, 350.000 emplois étaient ainsi liés au sport en 2000.

Mais une question se pose : en quoi un manque de compétitivité des clubs de football professionnel pourrait-il affecter l'emploi ?

Il faut en effet rester prudent sur les conséquences sur l'emploi d'une crise du football professionnel. On imagine mal le chômage augmenter parce que les clubs français sont sans cesse éliminés au premier tour de Coupe d'Europe... Afin de mieux évaluer les risques qui pèseraient sur l'économie du sport, et du football en particulier, il convient de distinguer selon que les emplois sont directement ou indirectement liés au football professionnel.

25 Avis sur le projet de loi de finances 2005 présenté par la Commission des affaires culturelles, Sénat, session ordinaire 2004/2005, annexe au procès verbal de la séance du 25 novembre 2004

26 « Le poids économique du sport en 2000 », bulletin de statistiques et d'études, n° 02-03, Septembre 2002, sous l'égide du Ministère des Sports.

> Le secteur des services directement concerné

Les activités qui trouvent leur source dans le football professionnel sont essentiellement des services : il s'agit des journaux sportifs, des chaînes thématiques << pay per view >>, des chaînes de télévision spécialisées (Eurosport, l'Equipe TV...), des sites Internet sportifs, et grâce aux évolutions technologiques récentes, de nombreux services accessibles sur téléphone portable. Une baisse de l'attrait du football français tendrait à pénaliser ces activités.

> Les effets par ricochet

Indirectement, les conséquences pourraient être de deux ordres :

- D'abord, cela pourrait nuire au nombre de licenciés effectuant un sport amateur. Il a en effet été constaté d'une manière générale qu'après de grandes victoires, le nombre de licenciés dans le sport concerné augmentait considérablement (Cf. << l' effet Coupe du monde >> en 1998), cela étant sûrement très lié au phénomène de médiatisation. A contrario, en l'absence de résultats des clubs français, il ne parait pas impossible que le nombre de jeunes footballeurs s'amenuise au fil du temps, et que parallèlement diminuent les investissements publics (équipement, encadrement, subventions...).

- Par ailleurs, une désaffection pour le football pourrait aussi nuire à l'industrie de production et de distribution d'articles de sport, soit parce moins de vêtements ou de chaussures seraient vendus aux licenciés pour qu'ils pratiquent leur sport, soit parce que les sponsors des clubs bénéficieraient d'une couverture moins grande (même s'il faut rester conscient que le football n'est pas le seul moyen pour les marques de toucher leur cible).

Ainsi, même s'il peut paraître hasardeux d'avancer des chiffres, il est certain qu'un manque de compétitivité des clubs de football français nuirait à l'industrie de production et de distribution de biens et de services liés au football.

2. La révolution économique des clubs français

Face aux conséquences préjudiciables sur le football amateur, sur le sport en général, voire sur l'emploi, le législateur a entrepris de réformer le statut juridique des clubs sportifs professionnels prévu par la loi de 1984.

2.1. La modernisation de la structure juridique des clubs sportifs professionnels

2.1.1. Le perfectionnement d'un système fondé sur des valeurs sportives

a. Le maintien de la dualité association / société sportive

> L'obligation pour l'association de créer une société dès le dépassement de seuils

Initialement, les clubs étaient organisés sous forme d'association.

Puis, les années 80 ont vu le football prendre un nouvel essor, notamment grâce à la diffusion télévisée des matchs. Cette popularité grandissante a permis un développement considérable des ressources des clubs (même si elles étaient limitées par rapport à nos voisins) mais a aussi provoqué de nombreux scandales financiers. Le législateur est donc intervenu très tôt en imposant aux clubs, dès le dépassement de certains seuils, la création d'une société sportive à laquelle participe l'association afin de s'assurer que les clubs soient gérés de manière transparente.

Dès la publication de la loi du 16 juillet 1984, toute association sportive dont les recettes et les dépenses dépassaient respectivement 375 000 euros (2,5 millions de francs à l'époque) devait constituer une société commerciale pour la gestion de ses activités relatives à l'organisation de manifestations sportives payantes.

Des exceptions furent toutefois admises par le législateur, en particulier à cause du manque de « popularité » des sociétés qu'il était alors possible de constituer. La loi du 7 décembre 1987 permit aux associations de ne pas créer de société à condition qu'elles s'engagent à renforcer leur contrôle interne. Cette possibilité fut toutefois restreinte par la loi du 13 juillet 1992 aux

associations ne présentant pas de pertes pendant deux exercices successifs.27 Puis cette exception fut abandonnée lorsque le législateur décida de supprimer l'association à statuts renforcés en 1999.

Cette même année, l'Etat a entrepris de réformer les anciens seuils par l'instauration d'un système alternatif préféré au mode cumulatif.28 Désormais, la constitution d'une société sportive est obligatoire si le montant des recettes nées de l'organisation de manifestations sportives dépasse 1 200 000 euros ou lorsque les rémunérations versées aux joueurs sont supérieures à 800 000 euros.

Concernant les méthodes de calcul, l'article 1er du décret du 24 avril 2002 prévoit qu'il convient de prendre en compte la moyenne des recettes ou rémunérations versées au cours des trois derniers exercices. L'article 2 du décret précise que les recettes nées de l'organisation de manifestations payantes doivent être entendues comme les recettes guichet et publicitaires ainsi que la rémunération perçue en contrepartie de la cession des droits télévisés. Enfin, l'article 3 ajoute que les rémunérations perçues par les sportifs professionnels doivent être diminuées des charges sociales.

Lorsque l'un des seuils est dépassé, l'article 14 de la loi de 1984 modifié précise que l'association dispose d'un délai d'un an pour constituer une société, à défaut de quoi elle sera exclue de toute compétition organisée par la fédération. 29

Dans la mesure où le salaire moyen d'un joueur de Ligue 1 est de 38 000 euros par mois, il suffit de trois joueurs (sans les primes) pour dépasser les seuils. Or, une équipe disposant en général d'un groupe de 20 à 30 joueurs... toutes les équipes de Ligue 1 sont obligées de créer une société commerciale à côté de l'association.

> Les relations entre l'association et la société sportive

La loi du 28 décembre 1999 est venue ajouter un alinéa à l'article 11 de la loi de 1984 selon lequel << l'association sportive et la société qu'elle a constituée définissent leurs relations par une convention approuvée par leurs instances statutaires respectives ».

27 http://sports.aquitaine.fr/actualite breve juridique.php, << Les dispositions relatives au sport professionnel »

28 Loi 99-1124 du 28 décembre 1999 complétée par le décret n° 2002-608 du 24 avril 2002 (modifiant le décret n° 86-407 du 11 mars 1986).

29 Modification issue de l'article 22 de la loi 2001-624 du 17 juillet 2001.

Cette loi a été complétée par le décret n° 2001-150 du 16 février 2001 qui précisait quelles étaient les mentions qui devaient être contenues dans cette convention : on y retrouvait notamment la répartition entre secteur amateur et secteur professionnel (responsabilité, formation, terrains, immeubles...), les conditions d'utilisation par la société de la marque détenue par l'association, la durée de la convention, l'impossibilité pour un dirigeant de l'association de percevoir de rémunération de la part de la société, ou encore l'inscription par l'association des joueurs professionnels aux diverses compétitions...

Comme nous le constaterons par la suite, ce régime a été modifié face à la demande des clubs d'obtenir la propriété de leur marque et la possibilité de délivrer le numéro d'affiliation de leurs joueurs.30

b. Les anciennes sociétés ne correspondaient plus aux réalités économiques

Plusieurs étapes ont jalonné l'évolution du statut juridique des clubs sportifs :

- en 1975, une première société sportive est créée : il s'agit de la société d'économie mixte sportive locale (SEMLS);31

- en 1984 / 1985, deux nouveaux types de sociétés sportives apparaissent: la société anonyme à objet sportif (SAOS) et l'entreprise unipersonnelle sportive à responsabilité limitée (SEURL);32

- en 1999, le législateur met en place une société sportive vouée à exercer une activité sportive et commerciale : la société anonyme sportive professionnelle (SASP).33

Ainsi, entre 1975 et 1985, le législateur a créé trois types de sociétés différents pour encadrer l'activité des clubs sportifs. Malheureusement, ces sociétés se sont révélées incapables d'attirer des investisseurs privés, en particulier à cause de la présence obligatoire au-delà d'un certain seuil de l'association et/ou d'une collectivité locale.

30 Loi n° 2003-708 du 1er août 2003 et décret n° 2004-550 du 14 juin 2004.

31 Loi « MAZEAUD » n° 75-988 du 29 octobre 1975, relative au développement de l'éducation physique et du sport.

32 Loi du 16 juillet 1984 précité et loi du 11 juillet 1985 relative à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée et à l'exploitation agricole à responsabilité limitée.

33 Loi du 28 décembre 1999.

> La société d'économie mixte sportive locale (1975)

Créée en 1975 pour donner aux clubs sportifs professionnels une structure plus adaptée que l'association, la particularité de cette société anonyme tenait au fait que la majorité de son capital (divisé en actions) devait être détenue par l'association support seule ou conjointement avec une ou plusieurs collectivités territoriales.34 Les capitaux privés en étaient donc exclus, à moins d'être sociétaire de l'association support.

Après avoir largement utilisé la SEMSL dans les années 80,35 les clubs de première division l'ont massivement délaissée pour opter dans les années 90 pour la SAOS. Pour preuve, seul un club de Ligue 1 était encore constitué sous la forme d'une SEMSL en 1999.36 Cela est certainement dû à l'omniprésence des collectivités locales dans la gestion du club. Le rapport Denis fait remarquer que << ce statut donnait aux collectivités locales un pouvoir d'orientation considéré comme la contrepartie de leurs apports financiers au sport professionnel ».

En revanche, la SEMSL a gardé le même rayonnement en deuxième division au cours des années 90 avec une part quasi constante de 40% parmi l'ensemble des sociétés de deuxième division. Cela s'explique, selon C. Durand, << du fait de la faiblesse des ressources ainsi que de l'absence d'investisseurs susceptibles d'intervenir » car le marché y était plus réduit, cela incitant les clubs à se tourner vers les pouvoirs publics afin d'obtenir des aides de fonctionnement.37

Malgré tout, le législateur a décidé de supprimer ce type de société en rendant impossible sa création depuis 1999. Toutefois, le temps a été laissé aux SEMSL existantes de changer de structure en n'imposant aucun délai pour changer de forme.

> La société anonyme à objet sportif (1984)

A l'instar de la SEMLS, la SAOS fonctionnait selon les normes applicables aux sociétés
anonymes sous certaines réserves quant à la composition du capital : à l'origine, l'association

34 Article 7 des statuts-types issus du décret n° 86-408 du 11 mars 1986.

35 Rapport de Monsieur Jean-Pierre Denis, novembre 2003.

36 Source : LNF (ancienne dénomination de la Ligue de football Professionnel).

37 « Soutien aux entreprises de spectacle sportif par les collectivités locales : quelle liberté pour les élus ? » de Christophe Durand, 2000.

support devait détenir au moins la moitié du capital social et des droits de vote à l'assemblée générale. Face aux demandes répétées des clubs sportifs, ce seuil a cependant été abaissé à un tiers en 1993.38

Cette société a alors connu un essor rapide : alors que seul un club avait choisi cette forme en 1990, ils étaient 13 en 2000, soit 72% des clubs de division 1.39

Sans apporter toutefois les réponses aux demandes émanant des clubs de football à l'époque, cette société constituait << déjà un tournant vers l'ouverture aux capitaux privés >>.40

> L'entreprise unipersonnelle sportive à responsabilité limitée (1985)

Selon le rapport Denis, << ce régime convient surtout aux groupements sportifs dont les besoins de financement sont des plus limités >>. De même, selon le rapporteur de la loi portant création de la SASP, << l'EUSRL paraît destinée aux dirigeants d'associations qui souhaitent conserver un lien de dépendance très étroit entre la société commerciale et l'association et ne pas avoir de partenaires financiers pour gérer leur activité personnelle >>.41

Cette forme juridique peut cependant correspondre à une phase de transition pour un club amateur gravissant les étapes vers une professionnalisation42 : son fonctionnement est en effet calqué sur celui d'une EURL, dont l'associé unique est obligatoirement l'association support.43

38 Article 7 des statuts types de la SAOS imposés par décret n° 86-409 du 11 mars 1986 modifiés par décret n° 93-1047 du 31 août 1993.

39 Source : LNF (ancienne dénomination de la Ligue de Football Professionnel)

40 http://sports.aquitaine.fr/actualite breve juridique.php, << Les dispositions relatives au sport professionnel >>

41 rapport Beauchaud : JOAN 1998/1999, n° 1670, p.14.

42 « Les aspects de la gestion économique des clubs sportifs professionnels : l'adoption d'une nouvelle loi » de Gérard Auneau in La semaine juridique Edition générale n°13, 29 mars 2000, I 216.

43 Article 7 des statuts types de la EUSRL imposés par le décret n°2001-149 du 16 février 2001.

2.1.2. Les clubs reconnus comme de véritables entreprises

a. La SASP proche de la société anonyme (1999)

La SASP est résolument la première société sportive commerciale à avoir vu le jour. Outre d'être régie selon les règles applicables aux sociétés anonymes, elle résout surtout le problème relationnel qui opposait ses aînées aux investisseurs privés.

Parce que les intérêts en jeu vont au-delà du simple aspect sportif, les clubs de football professionnels doivent être gérés comme de véritables entreprises et non plus comme de simples associations. Aux sociétés sportives déjà existantes mais peu performantes, le législateur a donc ajouté la société anonyme sportive professionnelle (SASP), entité proche de la société anonyme.

> Un point commun : les statuts

Cela se traduit notamment par l'existence de statuts très proches entre les deux sociétés : alors que le législateur impose aux SA d'insérer dans les statuts certaines mentions mais leur laisse toute liberté d'introduire d'autres articles44, il existe dans le même temps un modèle de statuts types de SASP qui ne peuvent en aucun cas être modifiés.45

Les mentions communes sont les suivantes:

- la dénomination et le sigle de la société ;46 - la forme de la société ;47

- la durée de la société ;48

- l'objet social ;49

- le lieu du siège social ;50

- le montant du capital social ;51

44 Articles L.210-2 et L.225-14 C.com et l'article 55 du décret du 23 mars 1967.

45 Décret n° 2001-149 du 16 février 2001 relatif à l'article 11 de la loi du 16 juillet 1984 (modifiée par la loi du

28 décembre 1999).

46 Article L.210-2 (SA) et article 3 des statuts type (SASP)

47 Idem

48 Article L.210-2 (SA) et article 5 du décret de 2001 (SASP)

49 Article L.210-2 (SA) et article 2 du décret de 2001 (SASP)

50 Article L.210-2 (SA) et article 4 du décret de 2001 (SASP)

- la forme des actions ;52

- la description et l'évaluation des apports en nature et en numéraire;53

- les restrictions à la libre cessibilité des actions ;54

- la répartition du résultat et des pertes ;55

- et enfin, les stipulations relatives à la composition et à l'organisation des organes sociaux.56

Par ailleurs, l'article 1er des statuts types de la SASP prévoit explicitement qu'il s'agit d'une société anonyme régie notamment par « les lois et règlements relatifs aux sociétés anonymes ». Cela a pour conséquence de soumettre la SASP à une organisation similaire à celle de la SA ; un choix est donc laissé quant à la possibilité d'adopter une SASP à directoire ou à conseil d'administration.

> La SASP demeure une société sportive

Toutefois, la SASP se démarque de la société anonyme sous certains aspects :

- l'association doit figurer parmi ses actionnaires ;57

- la SASP est également soumise à des les statuts types ainsi qu'à la loi relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives ;58

- son siège social doit figurer en France ;59

- l'objet sportif est encadré : il est précisé en effet que la SASP peut avoir pour activité la << gestion et animation d'activités donnant lieu à l'organisation de manifestations payantes et à des versements de rémunérations », ce qui lui permet << de mener toutes actions en relation avec son objet et généralement toutes opérations commerciales se rattachant directement à l'objet social ».

- la SASP pourra aussi détenir des << participations dans toutes sociétés ou groupements créés ou à créer, dont l'objet social se rapporte à son objet social, par voie d'apports ou autrement ». 60

51 Article L.210-2 (SA) et article 6 du décret de 2001 (SASP)

52 Article 55.2° du décret de 1967 (SA) et article 7 des statuts type (SASP)

53 Article L.225-14 et article 55.4° du décret de 1967 (SA) et article 7 des statuts type (SASP)

54 Article 55.3° du décret de 1967 (SA) et article 9 du décret de 2001 (SASP)

55 Article 55.7° du décret de 1967 (SA) et article 11 du décret de 2001 (SASP)

56 Article 55.6° du décret de 1967 (SA) et article 12 et suivants du décret de 2001 (SASP)

57 Article 1er du décret de 2001.

58 Idem

59 Article 4 du décret de 2001.

60 Article 2 du décret de 2001.

Même si elle garde certaines spécificités relatives à son objet, la SASP se rapproche sous de nombreux aspects de la SA de droit commun. Voyons maintenant quels ont été les apports de la SASP par rapport aux sociétés précédentes.

b. les apports majeurs de la SASP

> Un statut plus attrayant pour les investisseurs

Selon l'article 1832 du Code civil, une « société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d'affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter ».

En principe, lorsqu'une personne investit dans une entreprise, elle le fait en vue d'en retirer un bénéfice ou une économie. Or, avant la création de la SASP, le bénéfice réalisé par une société sportive « devait obligatoirement être affecté à la constitution de réserves qui ne [pouvaient] donner lieu à aucune distribution ».61 Cela s'inscrivait dans le cadre d'une tradition qui assimilait le sport au secteur associatif, dans lequel la gestion est désintéressée. Mais, dans le cadre du sport professionnel, cela paralysait l'arrivée d'investisseurs car ceux-ci étaient certains de ne jamais récupérer leur mise...sauf peut-être par le moyen détourné des comptes courants (l'actionnaire agit comme un banquier vis-à-vis de la société en lui prêtant une somme d'argent qu'elle devra ensuite lui rembourser).

Cette interdiction a été levée pour les clubs choisissant de se constituer en SASP, ce qui constitue une avancée majeure puisque l'investisseur est enfin reconnu. D'autant plus qu'au cours de la saison 2004/2005, 60% des clubs de Ligue 1 réalisaient un bénéfice.

Par ailleurs, le législateur a aussi reconnu pour la première fois à une société sportive la possibilité de rémunérer son dirigeant...62 Avant 1999, tout dirigeant devait être bénévole. Certes, revêtir autant de responsabilités sans être payé est honorable, mais cela n'allait pas dans le sens d'une gestion rigoureuse et efficace, car nécessairement, le dirigeant devait cumuler cette fonction avec une autre, rémunérée...63 Là encore, la SASP introduit dans le monde du football professionnel une rationalisation de la gestion des clubs visant à les rendre

61 Article 13, alinéa 3 de la loi du 16 juillet 1984.

62 Article 13, alinéa 2 de la loi du 16 juillet 1984 (sauf pour le gérant le EUSRL).

63 Notons toutefois une « exception de taille » puisque Le Président de l'OL, Monsieur AULAS, cumule ses fonctions de Président de club avec celles de dirigeant d'une société cotée...

plus compétitifs ; ils doivent être gérés comme de véritables entreprises pour subsister dans un environnement européen ultra concurrentiel dominant déjà le << foot business ».

> Le retour aux subventions publiques

C'est d'ailleurs à l'occasion de la loi du 28 décembre 1999 qui introduisait la SASP, que le législateur s'est décidé à accorder de nouveau aux sociétés sportives le droit d'obtenir des subventions de la part des collectivités locales. En effet, après les nombreux dérapages qui avaient eu lieu au début des années 9064, le législateur avait mis en place en 1994 un système d'aides dégressives dans le temps qui devait s'éteindre à la fin de l'année 1999.65 Mais, Marie Georges Buffet a finalement obtenu que l'article 19-3 de la loi de 1984 soit à nouveau modifié. Dorénavant, les associations sportives ou les sociétés qu'elles constituent peuvent recevoir des subventions publiques à condition de disposer d'un centre de formation de jeunes agréé par les pouvoirs publics, même s'il existe désormais une limité fixée par décret à 2,3 millions d'euros.

La Commission européenne a eu à se prononcer sur ces subventions pour déterminer s'il s'agissait d'aides d'Etat au sens du Traité. Dans une décision du 25 avril 2004, elle a décidé de ne pas émettre d'objection car << les autorités françaises veulent assurer la formation des jeunes pour leur permettre d'atteindre le meilleur niveau sportif et concilier le

perfectionnement sportif avec une bonne insertion scolaire et l'acquisition d'une capacitéd'insertion professionnelle ».

> Un fonctionnement comparable à celui d'une entreprise

Bien sûr, insister sur la gestion ne doit pas faire oublier le coeur d'activité des clubs de football professionnel, à savoir constituer la meilleure équipe possible afin de remporter un maximum de trophées.

Mais grâce à un fonctionnement simple, efficace et transparent, la rapidité en matière de prise de décision est favorisée. La SASP suit ce modèle : permettre aux organes sociaux d'apprécier le bien fondé de certaines demandes de la part des dirigeants et vérifier qu'elles s'insèrent dans un projet à long terme cohérent, sans pour autant immobiliser le fonctionnement du club.

64 Par exemple, les girondins de Bordeaux avaient accumulé un déficit de 300 millions de francs en 1990.

65 Loi n°94-679 du 8 août 1994 et décret du 27 janvier 1996 n° 96-71.

Le législateur de 1999 s'est basé sur le modèle de société qui rencontrait à l'époque le plus de succès pour les grandes entreprises : celui de la SA. Cette société permet en effet de choisir entre deux modes d'organisation selon le contrôle - plus ou moins restreint - qu'il apparaît souhaitable d'exercer sur les dirigeants : on peut donc créer une SASP à directoire ou à conseil d'administration, selon les mêmes règles que la société anonyme (avec quelques différences toutefois).

> La SASP à conseil d'administration offre plus de souplesse

La SASP à conseil d'administration - système dit « moniste » - est le plus souple car la direction de la société est assurée par le conseil d'administration seul, sous le contrôle indirect de l'assemblée des actionnaires. Cette liberté laissée aux administrateurs s'explique par la seule présence d'actionnaires en son sein, nommés de surcroît par l'assemblée générale des actionnaires66 - notons toutefois que les actionnaires peuvent prévoir dans les statuts que les administrateurs devront être en possession d'un minimum d'actions.67 Les actionnaires contrôlent ainsi directement la gestion du club.

Les pouvoirs accordés au conseil d'administration sont importants : en vertu de l'article A19 des statuts types, celui-ci « est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société et prendre toutes décisions relatives à tous actes d'administration et de disposition ».$

Toutefois, le conseil d'administration doit agir dans l'objet social de la société et en dehors des pouvoirs réservés à l'assemblée des actionnaires, ce qui limite son champ d'action.68 Mais, contrairement à ce qui est prévu pour la SA,69 les statuts types de la SASP n'indiquent pas de sanction en cas de non respect de ces dispositions : l'acte peut-il être annulé sur demande d'un actionnaire ou bien est-il opposable à la société ? En l'absence d'interdiction expresse, il convient de se référer à l'article L.225-35, alinéa 2 C.com, qui prévoit qu'un acte qui ne relève pas de l'objet social, passé par la société sans l'accord de l'assemblée des actionnaires, est réputé engager la société sauf en cas de fraude de la part du tiers - fraude dont la preuve est généralement difficile à rapporter -.

66 Article L.225-18 C.com (SA) et article A 14 du décret de 2001 (SASP).

67 Article L.225-25 C.com (SA) et article A 14 du décret de 2001 (SASP).

68 Article L.225-35 C.com (SA) et article A 19 du décret de 2001 (SASP).

69 Même article (SA)

Les pouvoirs du conseil d'administration sont donc relativement importants dans la mesure où ses membres peuvent engager la société. Une exception à l'opposabilité de ces actes existe toutefois lorsqu'une caution, un aval ou une garantie sans avoir été dûment autorisée par le conseil d'administration.

Par ailleurs, la direction générale de la SASP à conseil d'administration est assurée par le Président du conseil d'administration ; c'est donc lui qui représente la société à l'égard des tiers. Dans le cadre de cette mission, il peut se faire assister par un ou plusieurs directeurs généraux élus par le conseil d'administration, pour une durée et des pouvoirs bien définis.70 Cette délégation de pouvoirs rend la gestion du club moins centralisée et plus flexible, d'autant qu'il n'est pas nécessaire pour les directeurs généraux d'être actionnaires puisqu'ils devront obtenir une autorisation préalable du conseil d'administration pour engager la société.71

Enfin, on retrouve dans les statuts types diverses dispositions relatives à une certaine transparence dans le fonctionnement de la SASP. Cela vise en particulier les conventions réglementées72, les conditions de délibération du conseil d'administration73, l'obligation de communiquer un compte rendu des délibérations du conseil d'administration à l'association << support »74 et la limite d'âge...75

La SASP à conseil d'administration se présente donc comme un mode d'administration souple, dans la mesure où la gestion courante de la société est assumée par le directeur général et que le conseil d'administration est chargé de la bonne marche de la société, des orientations stratégiques des activités sociales et du contrôle des organes de direction.

> La SASP à directoire est plus ouverte mais plus surveillée aussi

La SASP à directoire - aussi appelée << dualiste » - scinde au contraire les fonctions de direction et de contrôle entre le directoire et le conseil de surveillance.76

70 Article A 20 du décret de 2001.

71 Articles A 20 et A 21 du décret de 2001.

72 Article L.225-38 C.com (SA) et article A 22 du décret de 2001 (SASP).

73 Article L.225-37 C.com (SA) et article A 18 du décret de 2001 (SASP).

74 Article A 18 du décret de 2001.

75 Article L.225-19 C.com (SA) et article A 15 du décret de 2001 (SASP).

76 Mémento Francis Lefebvre, droit des affaires 2004, n° 9456.

Cela aboutit au mode d'organisation suivant:

- les actionnaires nomment entre eux les membres du conseil de surveillance;77 - le conseil de surveillance choisit les membres du directoire ;78

- le directoire assure la gestion de la société ;79

- le conseil de surveillance contrôle cette gestion;80

- le conseil de surveillance présente ses observations à l'assemblée des actionnaires.81

Les membres du directoire ne sont pas tenus de disposer d'actions au sein de la SASP.82 Cela a le mérite d'intégrer au sein de l'organe de gestion du club des non actionnaires, même si cette faculté existe aussi au sein du conseil d'administration puisque les directeurs généraux ne sont pas forcément actionnaires.

A l'instar du conseil d'administration, le directoire est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir au nom de la société, et la limite de ses pouvoirs à l'objet social doit aussi est regardée comme inopposable à l'égard des tiers.83 Par contre, les actes de garanties, caution et nantissement doivent avoir été autorisés par le conseil de surveillance, faute de quoi les tiers ne pourront pas s'en prévaloir.

Par contre, le directoire doit présenter chaque trimestre un rapport au conseil de surveillance, organe de contrôle de gestion composé uniquement d'actionnaires élus pour quatre ans (à la différence de la SA classique).84

Dans le cadre de sa mission de contrôle permanent, le conseil de surveillance peut aussi effectuer des vérifications à toute époque de l'année, voire nommer une commission chargée d'auditionner les membres du directoire. 85 Enfin, le conseil de surveillance doit présenter chaque année ses observations sur le rapport du directoire ainsi que sur les comptes que celuici établit dans le cadre de sa mission.86

77 Article L.225-72 C.com (SA) et article B 18 du décret de 2001 (SASP).

78 Article L.225-59 C.com (SA) et article B 14 du décret de 2001 (SASP).

79 Article L.225-64 C.com (SA) et article B 16 du décret de 2001 (SASP).

80 Article L.225-68 C.com (SA) et article B 20 du décret de 2001 (SASP).

81 Article L.225-68, alinéa 5 C.com (SA) et article B 22 du décret de 2001 (SASP).

82 Article L.225-89 C.com (SA) et article B 14 du décret de 2001 (SASP).

83 Article L.225-64 C.com (SA) et article B 16 du décret de 2001 (SASP).

84 Article L.225-68 et L.225-75 C.com (SA) et article B 19 et B 20 du décret de 2001 (SASP).

85 Article L.225-68, alinéa 1 C.com (SA) et article B 20 du décret de 2001 (SASP).

86 Article L.225-68 C.com (SA) et article B 22 du décret de 2001 (SASP).

Le contrôle du directoire permet donc de sécuriser les actionnaires quant aux agissements des membres du directoire en leur donnant tout au long de l'exercice des informations par le biais du conseil de surveillance.

Toutefois, la forme dualiste peut nuire à une bonne gestion : en effet, le rôle du conseil de surveillance peut être parfois se révéler illusoire alors que dans d'autres cas le directoire peut être gêné dans son fonctionnement par l'impossibilité pour le Président du directoire de choisir les membres qui le composeront. Les statistiques révèlent d'ailleurs que le nombre de créations de SA à directoire est en baisse par rapport aux SA à conseil d'administration.87

c. Conclusion sur la création de la SASP

Le bilan des nouveautés apportées par la SASP semblait donc convaincant. Il paraissait en tout cas plus à même d'attirer de nouveaux investisseurs. Cependant, ce modèle ne répondait que partiellement aux attentes des plus grands clubs : par exemple, alors que la majeur partie des modifications devait permettre aux clubs de lever plus facilement des fonds et que la SA est une entité vouée à faire appel public à l'épargne, le législateur interdisait une entrée des clubs de football professionnels sur un marché réglementé.

Par ailleurs, d'autres revendications destinées principalement à asseoir les actifs des clubs se sont greffées au débat.

87 Mémento Francis Lefebvre, droit des affaires 2004, n° 9464.

2.2. La prise en compte des attentes des clubs

2.2.1. La correction des insatisfactions laissées par la loi de 1999

a. Le numéro d'affiliation ne relève plus de l'association

La loi prévoyait depuis 1984, pour des raisons d'éthique, << que la participation de la société commerciale aux compétitions inscrites aux calendriers de la fédération relevait de la compétence de l'association. >>88

Cette disposition a finalement été annulée car elle traduisait << une attitude de méfiance à l'égard d'organismes fonctionnant sous contrainte financière >>.89

b. La multipropriété est permise dans certaines limites

Le législateur a d'abord interdit << à toute personne privée, directement ou indirectement, d'être porteur de titres donnant accès au capital ou conférant un droit de vote dans plus d'une société sportive [...J dont l'objet social porte sur une même discipline sportive >>.90 Cela avait pour objectif << d'empêcher des manoeuvres qui pourraient modifier le comportement d'une équipe au cours d'une rencontre ou d'un championnat, ce qui aurait pour conséquence de contrarier la glorieuse incertitude du sport >>.91

Il a été jugé que cette législation excédait << les normes indispensables pour préserver l'indépendance des clubs et l'intégrité des résultats sportifs >>. En outre, << le champ de l'interdiction absolue de la multipropriété ne paraissait plus adapté aux réalités économiques auxquelles étaient confrontées les sociétés sportives >>.92

Le législateur a donc décidé d'assouplir les dispositions de cet article par une loi du 15
décembre 2004. Cela s'est traduit par la possibilité de détenir des actions ou parts sociales

88 « Les aspects de la gestion économique des clubs sportifs professionnels : l'adoption d'une nouvelle loi » de Gérard Auneau in La semaine juridique Edition générale n°13, 29 mars 2000, I 216.

89 Rapport du sénat sur la proposition de loi portant diverse dispositions relatives au sport professionnel.

90 Article 15-1 de la loi du 16 juillet 1984.

91 « Les aspects de la gestion économique des clubs sportifs professionnels : l'adoption d'une nouvelle loi » de Gérard Auneau in La semaine juridique Edition générale n°13, 29 mars 2000, I 216.

92 Rapport du sénat sur la proposition de loi portant diverse dispositions relatives au sport professionnel.

dans une autre société sportive, dès lors qu'il n'y avait pas contrôle au sens de l'article L. 233- 16 du code de commerce.

Pour mémoire, l'article L. 233-16 prévoit certaines obligations pour les sociétés qui en contrôlent une autre dans les cas suivants :

- contrôle exclusif ;
- contrôle conjoint ;
- influence notable.

> Le contrôle exclusif

Il existe un contrôle exclusif dès lors qu'une société détient un :

- contrôle de droit : la société dispose directement ou indirectement la majorité des droits de vote du club;

- contrôle de fait : la société désigne pendant 2 exercices successifs la majorité des membres du conseil d'administration, du directoire ou du conseil de surveillance (cela est présumé lorsque la société dispose, directement ou indirectement de plus de 40 % des droits de vote pendant cette période et qu'aucune société ne détient plus que cette fraction, que ce soit directement ou indirectement) ;

- contrôle contractuel : lorsque la société exerce une influence dominante sur le club en vertu d'un contrat ou d'une clause statutaire (mais cette seconde hypothèse n'est pas applicable en l'espèce car les statuts types des sociétés sportives sont imposés par décrets).

> Le contrôle conjoint

Il existe un contrôle conjoint lorsque le club est exploité par un nombre limité d'associés ou actionnaires, de sorte que les décisions résultent de leur accord.

> L'influence notable

Enfin, l'influence notable sur la gestion du club est présumée lorsqu'une société dispose, directement ou indirectement, de plus de 20% des droits de vote de ce club.

La notion de contrôle au sens de l'article L. 233-16 du code de commerce doit donc être perçue comme le contrôle effectif d'un club de football professionnel. Cependant, son champ d'application est vaste et il convient d'être particulièrement vigilant, bien que la loi ne prévoie aucune sanction en cas de non respect.

En outre, il convient de rappeler que l'article 15-1 contient aussi d'autres dispositions visant les actes qui permettent de détourner de manière indirecte cette disposition : il est interdit à toute personne privée actionnaire d'une autre société sportive de lui consentir un prêt ou de se porter caution pour cette société, dès lors que leur activité porte sur le même sport. Le non respect de ces dispositions est susceptible d'entraîner la nullité de l'opération et la condamnation des dirigeants ou administrateurs à une amende de 45.000 Euros ainsi qu'à une peine d'un an d'emprisonnement.

c. Les clubs acquièrent la pleine propriété des droits audiovisuels

> La loi permet de conférer la propriété des droits audiovisuels aux clubs

Alors que les droits télé sont en passe de représenter près de 50% du budget des clubs français, ceux-ci ne pouvaient pas être inscrits dans leur bilan car ils étaient la propriété exclusive des fédérations.93

Face à cette incohérence qui handicapait les sociétés sportives, le législateur a modifié en 2003 la rédaction de la loi du 16 juillet 1984.94 L'article 18-1 II permet désormais aux fédérations sportives de « céder aux sociétés mentionnées à l'article 1195, à titre gratuit, la propriété de tout ou partie des droits d'exploitation audiovisuelle des compétitions ou manifestations sportives organisées chaque saison sportive par la ligue professionnelle qu'elle a créée [...J, dès lors que ces sociétés participent à ces compétitions ou manifestations sportives. »

Cependant, le système prévu est assez complexe : la cession des droits d'exploitation
audiovisuelle est facultative pour la fédération. Si celle-ci exerce le droit de cession qui lui est

93 Article 18-1 I de la loi du 16 juillet 1984 modifiée.

94 Loi n° 2003-708 du 1er août 2003, article 4 (JORF 2 août 2003)

95 La SAOS, la SEURL, la SEML et la SASP.

accordé, alors la ligue professionnelle est seule compétente pour commercialiser ces droits, dont le produit devra être réparti selon certains critères entre les clubs.

Ce nouveau régime a des avantages mais aussi des inconvénients : alors qu'il permet aux clubs d'inscrire à l'actif de leur bilan comptable cet élément (permettant d'attirer plus facilement les investisseurs), ceux-ci n'en ont pas la libre disposition et ne peuvent pas exploiter les images de leurs matches comme bon leur semble car il existe des critères de répartition des droits télévisés.

> Les nouveaux critères de répartition des droits télévisés

Le principe de solidarité est particulièrement présent dans le domaine du football : il existe entre sport professionnel et amateur mais aussi entre clubs professionnels eux-mêmes grâce à un système de répartition solidaire des droits télévisés. Les produits de la cession des droits d'exploitation sont d'abord redistribués entre Ligue 1 et Ligue 2 (respectivement 81% et 19% après avoir retranché 100 millions d'euros réservés à la seule Ligue 1), puis au sein de chaque ligue selon certains critères. La LFP a récemment modifié ces critères, lesquels se présentent désormais selon le mode de répartition suivant.

En ligue 1, une part fixe doit être répartie équitablement entre chaque club (50%), une autre est fonction du classement du club au cours de la saison (25%) et sur les 5 saisons précédentes (5%). Enfin, la dernière part est répartie selon la notoriété du club, qui se traduit concrètement par le nombre de diffusions télévisées sue les trois matchs décalés par journée de championnat au cours de la saison (15%) et au cours des 5 dernières saisons (5%). Cela permet d'assurer pour les saisons 2005/06 à 2007/08 qu'un club de Ligue 1 touchera au minimum 13 millions d'euros et au maximum 44 millions d'euros (ce qui est peu probable car il est difficile qu'un club soit simultanément le dernier ou le premier sur les critères de performance sportive et de diffusion télévisée).

En Ligue 2, 90% des sommes reçues sont redistribuées à parts égales entre les clubs et 10% selon d'autres critères qui englobent les performances sportives (5%) et la formation selon un classement établi par la Direction Technique Nationale (5%), ce qui est une première mondiale.96

96 Situation du football professionnel français, saison 2004/2005

d. Les clubs entrent dans l'ère du merchandising

Avant la loi du 28 décembre 1999, l'article 11-2 de la loi du 16 juillet 1984 interdisait la pratique du merchandising et de la commercialisation de la marque des clubs alors que, dans le même temps, un club comme Manchester United avait engrangé près de 35 millions d'Euros grâce à différents produits et services portant sa marque (hôtels, boutiques...).

Cette interdiction a été levée mais il était prévu que l'association reste propriétaire de la marque, ce qui amputait les sociétés d'un élément potentiel de l'actif de leur bilan, contrairement à leurs voisins anglais, espagnols ou italiens.

La forte demande des clubs, confortée par une suggestion du rapport Denis a poussé le législateur à supprimer « la disposition dérogatoire au droit commun des marques qui faisait automatiquement de l'association la propriétaire de celles-ci ».97 La loi du 1er août 2003 précise que l'association peut désormais céder la dénomination, marque ou autres signes distinctifs de l'association.98 Cependant, celle-ci conserve logiquement la disposition à titre gratuit des signes distinctifs utilisés par la société ou cédés à elle.99

Le possible accès des clubs de football à leur marque est un véritable tournant dans la politique de gestion des clubs, qui vont pouvoir bénéficier du rayonnement de leur marque. A l'heure actuelle, le club français le plus engagé de ce point de vue est certainement l'Olympique lyonnais : après avoir créé OL Taxi, OL Music, OL Boissons, OL Café, OL Conduite, OL Voyages, OL Beauté, OL Mobile, OL Phone, Planet'OL, OL Store, OL Forme et Performance et le magazine officiel de l'OL, le Président Jean-Michel Aulas a décidé de lancer les OL lunettes, déjà déclinées en trois coloris !

Thierry Sauvage, directeur général de l'OL groupe, estimait ainsi qu'en 2005, la marque OL rapporterait 20 millions d'Euros, en dehors des activités exercées par la SASP Olympique lyonnais, soit 20% du budget de l'OL groupe.

97 LFP magazine n°19.

98 Sur la saison 2004/2005, les clubs ont ainsi versé 4,8 millions d'euros aux associations pour l'utilisation des marques, logos et signes distinctifs (Source LFP)

99 Loi n°2003-708 du 1er août 2003 et décret n°2004-550 du 14 juin 2004.

On peut s'étonner cependant que l'Olympique Lyonnais occupe la première place en matière de gestion de produits dérivés dans la mesure où sa notoriété est moindre que celle enregistrée par d'autres clubs tels le Paris Saint Germain ou l'Olympique de Marseille. En effet, selon une étude réalisée par la société Sportlab en février 2004, ces deux clubs occupaient la tête devant l'OL.

Cela s'explique en fait parce que ces clubs n'ont pensé à exploiter leur marque que très tard, notamment à cause d'un manque de connaissance de leurs clients. Une étude réalisée par CSC sur la politique marketing à mettre en place au Paris Saint Germain en 2001 révélait ainsi que << les dirigeants n'étaient pas en mesure jusqu'alors de tracer l'historique des achats ou d'analyser le comportement des supporters >>, et un dirigeant d'avouer que la majorité des supporters restait pour eux des << anonymes >>.100

Or, les recettes nées de l'exploitation de la marque peuvent permettre de sécuriser le budget des clubs. Ainsi, Fabrice Favetto, directeur marketing du PSG, pointait la difficulté << de gérer une vraie croissance, à l'instar des entreprises classiques, avec cette trop importante composante fluctuante et imprévisible, directement liée aux résultats sportifs >>.

En juin 2001, le PSG a donc signé un accord avec Oracle, HP et CSC Peat Marwick dans le but de capitaliser sur ses activités commerciales en développant la connaissance du client et sa fidélisation, pour augmenter la part maîtrisable de son chiffre d'affaire. A l'issue de ce programme, Fabrice Favetto déclarait : << avec Oracle CRM, nous avons transformé nos supporters en clients. Et nous pouvons capitaliser sur ce vivier de plusieurs centaines de milliers de personnes attachées à notre marque pour développer nos activités commerciales et stabiliser notre chiffre d'affaires >>.101

Cette politique marketing se caractérise notamment par la création d'une carte << esprit club >> qui devrait permettre de mener des actions marketing mieux ciblées car il s'agit d'un outil d'analyse efficace. L'Express annonçait d'ailleurs en mai 2005 que la bière PSG serait bientôt disponible en supermarché !102

100 (( Etude de cas, Paris Saint Germain, CSC aide le PSG à fidéliser ses supporters et à développer son capital clients ».

101 (( Comment le Paris Saint Germain appris à mieux connaître et à fidéliser ses supporters grâce à Oracle CRM. »

102 (( Le foot sort ses griffes », L'Express du 16 mai 2005, par Paul Miquel.

Ce long développement avait pour objectif de pointer les apports concrets liés à l'utilisation puis à l'acquisition de la propriété de la marque par les sociétés, et l'entrée de ces derniers dans le « foot-business » grâce à des politiques de gestion efficientes. Cette évolution aurait logiquement pu s'accompagner d'une cotation des clubs en Bourse mais le Gouvernement a préféré laisser en suspend cette demande des grands clubs français.

2.2.2. Le débat autour de la cotation des clubs en Bourse

> La loi interdit aux sociétés sportives de faire appel public à l'épargne

L'article 13 de la loi du 16 juillet 1984 interdit aux SASP, SAOS et SEMLS de faire appel public à l'épargne.

L'article L 411-1 du code monétaire et financier précise ce qu'il faut entendre par appel public à l'épargne : il s'agit soit de la cotation des titres d'une société sur un marché réglementé, soit de la diffusion des titres dans le public. Les clubs ne pourront donc ni demander à ce que leurs titres soient admis aux « négociations sur un marché réglementé », ni émettre ou céder « des instruments financiers en ayant recours soit à la publicité, soit au démarchage, soit à des établissements de crédit ou à des prestataires de service d'investissement ».

Toutefois, selon l'article L 411-2 II complété par un arrêté ministériel,103 ne constitue pas une opération par appel public à l'épargne l'émission ou la cession d'instruments financiers mentionnés au 1° ou au 2° de l'article L. 211-1 du code monétaire et financier104 émis par une société anonyme, lorsque l'opération présente l'une des caractéristiques suivantes :

- Son montant total est inférieur à 100 000 euros;

- Son montant total est compris entre 100 000 euros et 2 500 000 euros et elle porte sur des instruments financiers qui ne représentent pas plus de 50 % du capital de l'émetteur.

103 Article L 411-2 modifié par la Loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005 art. 25 I Journal Officiel du 27 juillet 2005. Arrêté du 1er septembre 2005 portant homologation de modifications du règlement général de l'Autorité des marchés financiers.

104 Deux types d'instruments financiers y sont visés : les actions et autres tires donnant accès au capital ou aux droits de vote et certains titres de créance.

- Elle est adressée à des investisseurs qui acquièrent les instruments financiers qui font l'objet de l'opération pour un montant total d'au moins 50 000 euros par investisseur et par opération distincte ;

- Elle porte sur des instruments financiers dont la valeur nominale s'élève au moins à 50 000 euros.

Indépendamment de la nature de l'opération, le législateur considère aussi que ne sont pas des opérations soumises à la réglementation sur l'appel public à l'épargne celles adressées à des:

- Personnes fournissant le service d'investissement de gestion de portefeuille pour compte de tiers ;

- Investisseurs qualifiés ou à un cercle restreint d'investisseurs, sous réserve que ces investisseurs agissent pour compte propre.

Le législateur a défini la notion d'investisseur qualifié : il s'agit d'une « personne ou d'une entité disposant des compétences et des moyens nécessaires pour appréhender les risques inhérents aux opérations sur instruments financiers ». Une liste de ces agents économiques devrait bientôt être fixée par décret.

De même, une autre notion est précisée, celle de cercle restreint d'investisseurs : il s'agit d'un groupe « composé de personnes, autres que des investisseurs qualifiés, dont le nombre est inférieur à un seuil fixé par décret ».105 Cette nouvelle définition semble plus ouverte que l'ancienne définition issue du décret du 1er octobre 1998, qui nécessitait que les membres de ce cercle soient liées aux dirigeants par des relations personnelles, à caractère professionnel ou familial.

Concernant les sanctions, l'article 1841 du code civil prévoit que les sociétés « n'ayant pas été autorisées par la loi de faire publiquement appel à l'épargne ou d'émettre des titres négociables » verront les contrats conclus et les titre émis en violation de cette interdiction annulés.

L'appel aux investisseurs est donc envisageable mais il devra se faire soit au profit de
certaines sociétés ayant pour vocation d'investir et d'en retirer un gain, soit au profit de

105 Avant l'abrogation du décret du 1er octobre 1998 - n°98-880, ce seuil à ne pas dépasser correspondait à 100 personnes

proches. Concernant les sociétés d'investissement, les réformes engagées depuis 1999 et les progrès réalisés par les clubs en matière de bonne gestion sont peut-être à même de les attirer. Et pourtant, les clubs ont engagé un bras de fer avec le Gouvernement soutenus par certains élus au Parlement.

> La cotation en Bourse demandée par certains dirigeants du football français

Depuis quelques années, certains clubs réclament la possibilité d'être coté en Bourse dans le but d'attirer de nouveaux investisseurs et de procéder à une augmentation de leur capital. Jean-Michel Aulas, chef de file des revendications et Président de l'Olympique Lyonnais, présentait son désarroi lors d'un entretien accordé au journal Les Echos : (( Dans tout modèle traditionnel, il y a besoin de fonds propres, d'un processus opérationnel économiquement viable qui légitime l'investissement fait dans un deuxième temps. »106

Il expliquait aussi les difficultés que cela pouvait lui poser à cause de l'interdiction actuelle : « quand je fais rentrer une vingtaine de chefs d'entreprise et des fonds lors de la dernière augmentation de capital de l'OL, ils le font sur le modèle économique que je présente et sur la crédibilité que je peux avoir en tant que chef d'entreprise (il est aussi le fondateur et le Président de la société Cegid, société cotée en Bourse depuis 1986...), plus que sur la certitude de pouvoir sortir avec une valorisation de leurs actifs. »107

Certains Parlementaires ont aussi défendu la cotation en Bourse des sociétés sportives dès 1999 et l'entrée en vigueur de la loi portant création de la SASP. Ainsi, Messieurs les Sénateurs Murat, Bernard, Cornu, Courtois, Joyandet, Lemaire et Martin ont proposé d'insérer dans cette loi plusieurs amendements visant à autoriser l'admission de la SASP sur un marché réglementé sous certaines conditions : seules pourraient bénéficier de cette possibilité les sociétés ayant (( clôturé leurs comptes en équilibre au moins trois exercices successifs » et celles (( propriétaires de [leur] stade et de [leurs] installations sportives ou bénéficiant d'un bail emphytéotique portant sur ces biens. » Puis lors des débats au Sénat concernant l'adoption de la proposition de loi portant diverses dispositions relatives au sport

106 (( Jean-Michel Aulas : les affinités du sport et de l'entreprise », Les Echos du 2 mai 2005, par Marie-Annick Depagneux et Gilles Sengès.

107 (( Jean-Michel Aulas : les affinités du sport et de l'entreprise », Les Echos du 2 mai 2005, de Marie-Annick Depagneux et Gilles Sengès.

professionnel108, Messieurs les Sénateurs Mercier, Nogrix et Boyer et Mesdames Dini et Gautier ont à nouveau formulé la même demande, sans toutefois prévoir de conditions. Selon Monsieur Nogrix, « il s'agit de donner aux clubs français la possibilité de faire face à leurs besoins de financement, d'assurer une parfaite transparence de leur fonctionnement et d'harmoniser leur statut juridique avec celui de leurs concurrents européens. En effet, les différences entre les législations nationales sont telles que le décalage est avéré entre les clubs français et les autres grands clubs européens ».

Les auteurs de deux rapports majeurs sur les aspects économiques du football professionnel soutiennent aussi l'idée que la cotation des clubs pourrait permettre une plus grande transparence des comptes des clubs : « une société souhaitant faire appel public à l'épargne pour financer sa croissance doit remplir un certain nombre de conditions qui l'obligent, selon le marché concerné, à la présentation de deux ou trois années de comptes certifiés et à la publication d'un prospectus visé par la COB (l'AMF désormais) comprenant toutes les informations nécessaires aux investisseurs pour fonder leur jugement sur le patrimoine, l'activité, la situation financière, les résultats et les perspectives attendues. Et dès lors qu'elle a été admise à faire appel public à l'épargne, la société est tenue de porter à la connaissance du public tout fait susceptible d'avoir une incidence significative sur le cours du titre. En cas de risques particuliers, il revient à l'autorité de marché d'alerter les investisseurs et de les appeler à la vigilance »

Par ailleurs, force est de reconnaître que la France fait figure d'exception: la cotation des clubs est en effet autorisée en Grande-bretagne (24 clubs sont côtés), en Italie (3), au Danemark (6), au Portugal (2), aux Pays-bas et en Allemagne (1) ainsi qu'en Espagne, en Suisse, en Autriche et en Belgique même si aucun club n'y a pour le moment saisi cette opportunité.

> Certains clubs tentent le bras de fer avec le Gouvernement

Face au refus des Ministres successifs Marie Georges Buffet et Jean-françois Lamour de permettre aux clubs une introduction en Bourse, ceux-ci ont tenté de forcer le législateur à admettre cette possibilité.

108 Loi finalement adoptée le 15 décembre 2004, n°2004-1336.

La première tentative émane de l'Olympique Lyonnais qui a déposé devant l'AMF en juillet 2003 un dossier de cotation concernant sa holding, SCPS, avec l'ambition de lever jusqu'à 30 millions d'euros. Mais en décembre 2003, l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) a rejeté cette demande au motif que l'opération aboutissait à contourner la loi de 1984 puisque la majorité des revenus de la holding (80%) était issus de la SASP Olympique Lyonnais.

C'est alors que huit clubs de renom ont déposé une plainte auprès de la Commission Européenne en février 2002 « afin de dénoncer certaines restrictions de la liberté d'entreprise des clubs imposées par la loi du 16 juillet 1984 ».109 L'autorité bruxelloise s'est prononcée en mars 2003 en faveur des clubs en estimant que cette loi portait atteinte au principe de « libre circulation des capitaux » et a adopté une décision de mise en demeure de la France, sommant le Gouvernement français de venir expliquer cette mesure dans les deux mois. Finalement, les clubs ont décidé de retirer leur plainte au cours de l'été 2004.

La situation a évolué sous l'impulsion de la Commission européenne, invitant la France dans un communiqué du 14 décembre 2005 à modifier sa législation relative à l'interdiction faite aux clubs d'accéder aux marchés boursiers.110 « La Commission européenne a demandé officiellement à la France de modifier sa législation qui interdit aux clubs de football et aux autres clubs sportifs d'entrer en bourse. De l'avis de la Commission, cette interdiction constitue une entrave injustifiée à la libre circulation des capitaux, en violation du traité CE (article 56). La demande de la Commission a été adressée sous la forme d'un avis motivé, ce qui correspond à la deuxième étape de la procédure d'infraction prévue à l'article 226 du traité CE. Si la France ne donne pas de réponse satisfaisante dans les deux mois, la Commission peut décider de saisir la Cour de justice des Communautés européennes. Les contacts avec les autorités françaises seront poursuivis pour déterminer si une solution peut être trouvée, qui soit compatible avec le droit communautaire. »

Suite à cette injonction, le Ministre des Sports Jean François Lamour a déclaré que l'interdiction absolue d'appel public à l'épargne serait levée « de façon proportionnée ». Ainsi, le Ministre a-t-il a d'abord conditionné une possible cotation en bourse à la propriété par le club de son stade.111 Cependant, cette condition est loin de faire l'unanimité des clubs et l'avocat belge Jean-Louis Dupont, conseil de six des huit clubs français de football qui

109 Communiqué officiel de l'Olympique Lyonnais.

110 http://europa.eu.int/rapid/pressReleasesAction.do?reference=IP/05/1592

111 « Clubs en Bourse, oui mais... », de Nicolas MOSCOVICI, Sports.fr.

avaient déposé plainte auprès de la Commission européenne en 2002, déclarait à l'AFP que « cela paraît difficilement compréhensible de poser comme condition à l'accès à la bourse la propriété de son stade alors qu'un des motifs les plus légitimes de recourir à la bourse est d'obtenir le capital qui permet d'acquérir ses installations ».

L'épineux problème de la cotation des clubs semblait donc loin d'être réglé début 2006, tant les divergences entre une vision économique des clubs et une vision idéologique du Ministre semblaient fortes.

> Une interdiction idéologique

Au contraire de Jean-Michel Aulas, Jean-François Lamour, Ministre des Sports est persuadé que la cotation des clubs serait préjudiciable pour l'ensemble du football français. Pour ce faire, il s'appuie notamment sur l'exemple italien où la situation des clubs cotés en Bourse est catastrophique et a nécessité « un décret et une loi pour les sortir de leurs marasme ». 112 Il fait aussi référence aux effets pervers et incontrôlés d'une cotation sur un marché réglementé illustrée par l'acquisition du club de base-ball de Montréal par le club de Washington.

Mais outre l'aspect économique, c'est bien l'aspect idéologique qui prime : à force de mettre en avant le côté financier, on risque d'en oublier les fondements du sport. Rétablir un équilibre pour assurer une concurrence saine, oui. Mais ne pas perdre de vue que le sport ne peut pas être « comparé à une activité économique ou commerciale traditionnelle. »113

112 « Compte rendu analytique de la séance du 24 novembre 2004 » au Sénat.

113 « Les aspects juridiques de la gestion économique des clubs sportifs professionnels : l'adoption d'une nouvelle loi », de Gérard Auneau in La Semaine Juridique Edition Générale n°13, 29 mars 2000.

-II- Le football français en passe de devenir un modèle dans un marché en pleine mutation

1. Une santé financière bientôt retrouvée

Le football professionnel est un monde à part dans lequel un homme d'affaires connu pour sa gestion prudente peut se mettre à dépenser des sommes folles pour acquérir des joueurs de renom puis se rendre compte qu'il a plongé son club dans une situation désastreuse car les résultats n'avaient pas suivi, faute à la « glorieuse incertitude du sport ».

Le football est aussi un univers original parce que certains actionnaires sont prêts à investir « à fonds perdus » pour bâtir une équipe digne de rivaliser avec les meilleures équipes européennes.

Enfin, le football est spécifique parce que parfois, l'ensemble des acteurs commet la même erreur et apparaît alors une perte en un seul exercice de près de 150 millions d'euros pour les clubs français de Ligue 1...

1.1. Les instances du football participent au redressement financier des clubs

Heureusement, il semble que cette « spécificité du sport » s'amenuise pour laisser place à plus de rationalité.

1.1.1. Les clubs français se rapprochent de l'équilibre financier

a. Les étapes d'un parcours mouvementé

> Les errements du passé

Au regard de l'activité financière des clubs de football professionnels, il semble que l'on puisse << dater >> leur entrée dans l'ère primaire du << foot business >> aux alentours des années 1995. C'est en effet à partir de cette période que le budget des clubs a explosé et que les dirigeants ont dû prendre des décisions stratégiques quant à la répartition de ces sommes.114 Leur choix s'est porté massivement sur le court terme par l'acquisition de joueurs, d'où la création d'une << bulle >> qui s'est traduite par une augmentation significative des salaires et

114 Entre la saison 96/97 et la saison 00/01, le budget global pour l'ensemble des clubs est passé de 300 à 600 millions d'euros.

des indemnités de transfert sans justification réelle,115 ce qui n'a profité en fait qu'aux joueurs et à leurs agents mais n'a pas permis d'améliorer la compétitivité des clubs.

Au contraire, l'effet a été désastreux sur les comptes.

A l'issue de la saison 1996/1997, le bilan cumulé de l'ensemble des clubs de division 1 (Ligue 1 actuelle) faisait apparaître un résultat net comptable positif de 6 millions d'Euros tandis qu'en 2001 le résultat était déficitaire à hauteur de 53 millions d'euros (dont 435 millions d'euros de charges à répartir), puis de 151 millions d'euros en 2003.

Mais heureusement pour le football français, les dirigeants ont su se ressaisir et assainir leurs comptes.

> « Les clubs professionnels vont mieux »116

Les institutions encadrantes sont unanimes : tant en Ligue 1 qu'en Ligue 2, les progrès réalisés depuis la saison 2000/2001 sont très encourageants et le redressement économique du football français est en cours.

Selon un rapport effectué par la DNCG à propos des comptes de l'exercice 2003/2004 de la Ligue 1, il existait déjà plusieurs points positifs : le résultat net restait négatif mais se rapprochait de l'équilibre,117 les capitaux propres progressaient 118 et les charges à répartir ainsi que les dettes diminuaient (grâce notamment à une baisse des investissements joueurs depuis quelques années).119 Parallèlement, le solde de la contribution mutation était redevenu bénéficiaire pour la première fois depuis la saison 1999/2000,120 notamment grâce à la balance des transferts positive à hauteur de 91,8 millions d'Euros (différence entre joueurs vendus et joueurs achetés).

115 Entre les saisons 96/97 et 00/01, la rémunération des joueurs des clubs de Ligue 1 est passée de 130 à 300 millions d'Euros et l'investissement dans les transferts a lui été multiplié par dix ! (Passant de 44 à 400 millions d'Euros).

116 « Situation du football français, saison 2003/2004 », introduction, Gervais Martel, Président de l'UCPF.

117 38,9 contre 151,2 millions d'Euros la saison passée.

118 139 contre 93 millions d'Euros la saison passée.

119 Mais les charges à répartir représentent toujours 167 millions d'Euros et les dettes financières 66 millions d'Euros.

120 18 contre (100,2) la saison précédente.

Lors de la publication du même rapport à propos des comptes des 20 clubs de Ligue 1 lors de

l'exercice 2004/2005, la DNCG a confirmé l'embellie constatée l'année précédente :

- # Les comptes de résultats cumulés font apparaître une augmentation des produits liés à l'exploitation,121 alors que les charges liées à l'exploitation ont baissé.122 Le résultat d'exploitation n'est plus négatif qu'à hauteur de 12 millions d'euros contre 85 millions lors de la saison 2003/2004.

- # Cependant, cela ne s'est pas traduit par une amélioration significative du résultat d'exercice en 2004/2005, 123 qui reste négatif à hauteur de 32 millions d'euros, à cause d'un résultat exceptionnel très négatif.124

Cette meilleure gestion de l'activité des clubs s'est aussi traduite au niveau du bilan :

- # Les capitaux propres restent élevés à hauteur de 112 millions d'euros même s'ils ont diminué de 20%.

- # Les capitaux permanents (capitaux propres + comptes courants d'actionnaires) ont légèrement diminué à 164 millions d'euros, ce qui ne permet de couvrir que 85% du capital joueurs.

- # Les dettes financières ont une nouvelle fois baissé (5%) et n'atteignent plus que 63 millions d'euros.

- # La trésorerie des clubs de Ligue 1 était positive lors de la clôture de l'exercice.125

Ces résultats sont encourageants mais pas autant qu'en Ligue 2 où le résultat d'exploitation est redevenu positif à hauteur de 640.000 alors que le résultat exceptionnel (+ 5,6 millions) a dopé le résultat net qui atteignait près de 6 millions d'euros !

On peut donc conclure qu'après l'euphorie produite par le doublement des droits TV au cours de la saison 1999/2000, les dirigeants ont pris en compte leurs erreurs et mènent à présent une gestion moins hasardeuse, basée sur une meilleure maîtrise de leurs charges d'exploitation. Cela venant se coupler à une augmentation des produits d'exploitation (voir l'accord avec Canal + pour le championnat français), la DNCG envisage que la Ligue 1 enregistre aussi un résultat positif lors de la saison 2005/2006.

121 + 40 millions d'euros au titre des droits TV et + 11 millions au titre des recettes guichet ;

122 - 10 millions de charges de personnel et - 30 millions d'autres charges ;

123 Progression de 10% de - 35 millions à - 32 millions d'euros ;

124 - 50 millions d'euros contre un solde positif de 10 millions l'exercice précédent ;

125 109 millions d'euros avec une progression de 18% par rapport à l'exercice 2003/2004 ;

Pour information, voici les résultats publiés en juin 2005 de chaque club professionnel au cours de la saison 2004/2005 (en milliers d'euros) :

Pour la ligue 2 :

Pour la Ligue 1 :

- # A.C. Ajaccio : 802

- # A.J. Auxerre : 5.200

- # S.C. Bastiais : (1.900)

- # F.C. Girondins de Bordeaux : (1.200) - # Stade Malherbes de Caen : 460

- # F.C. Istres Ouest Provence : 392 - # Racing Club de Lens : (5.500)

- # LOSC Lille Métropole : (2.000) - # Olympique Lyonnais : 3.600

- # Olympique de Marseille : (10.600) - # Football Club de Metz : 610

- # A.S. Monaco F.C. : 140

- # F.C. Nantes Atlantique : (9.600) - # OGC Côte d'Azur : 1.900

- # Paris Saint-Germain : (17.800) - # Stade Rennais F.C. (6.700)

- # A.S. Saint Etienne : 4.400

- # F.C. Sochaux Montbéliard : 1.100 - # R.C. Strasbourg : 2.200

- # Toulouse F.C. : 1.300

- Amiens S.C. : 61

- Angers S.C.O. : 285

- Stade Brestois 29 : 550

- La Berrichonne de Châteauroux : 640 - Clermont Foot Auvergne : (175)

- U.S. Créteil Lusitanos Football : 200

- Dijon F.C.O. : 125

- Grenoble Foot 38 : (1.850) - F.C. Gueugnon : 350

- E.A. de Guingamp : 500

- Stade Levallois Mayenne F.C. : 909

- Le Havre A.C. : 150

- Le Mans U.C. 72 : 1.300

- F.C. Lorient Bretagne Sud : 1.250

- Montpellier Hérault S.C. : (33) - A.S. Nancy Lorraine : 24

- Chamois Niortais F.C. : 50 - Stade de Reims : 330

- C.S. Sedan Ardennes : 130

- E.S. Troyes Aube Champagne : 700

Les résultats cumulés de Ligue 1 font apparaître que 60% des clubs y ont enregistrés un bénéfice. C'est donc un résultat semble-t-il encourageant, d'autant que trois clubs ont réalisé des gains records à plus de 3,5 millions d'euros (AJA, OL et ASSE). En revanche, les 8 clubs dont le résultat a été négatif enregistrent des pertes d'au moins 1 million d'euros, voire même plus de 9,5 millions d'euros pour les mauvais élèves (FCNA, OM et PSG). Le bilan pour la Ligue 1 lors de la saison 2004/2005 est donc contrasté mais encourageant.

En ce qui concerne la Ligue 2, seul un club a enregistré une perte dépassant 200.000 euros et 85 % des clubs ont réalisé un bénéfice lors de cette même saison (en moyenne de 400.000 euros). Cependant, deux clubs tiraient leur épingle du jeu avec un bénéfice supérieur à 1,2 millions d'euros (Le Mans et le F.C. Lorient).

> Les perspectives d'avenir

Ce constat d'entrée des clubs dans une nouvelle ère de croissance et de prospérité qui les mènera peut-être au sommet européen est conforté par l'évolution juridique et fiscale, ainsi que par la nouvelle augmentation des droits TV.126

Le budget des clubs devrait ainsi augmenter notablement, alors que dans le même temps le législateur a mis en place un nouveau système « tax free >> concernant 30% de la rémunération des joueurs, ce qui devrait permettre de diminuer l'écart financier entre les clubs français et leurs voisins, et attirer de nouvelles stars sans pour autant plomber les comptes des clubs pendant 5 ans.

Il faut toutefois rester lucide, le monde du football est particulier : les investissements déraisonnés des années 1999/2000 ont été réalisés par des dirigeants qui, avant d'être Présidents de club, étaient reconnus dans leur domaine pour être de bons gestionnaires. Prenons l'exemple de Robert Luis Dreyfus, l'actionnaire principal de l'OM, qui a redressé successivement Saatchi puis Adidas, ou de François Pinault, l'actionnaire du Stade rennais, ou encore Yves de Chaisemartin, patron de la Socpresse et propriétaire du FC Nantes. Un dirigeant d'un grand club affirmait : « On n'a pas idée de ce que représente le fait de présider un club de football qui réussit. Il n'y a que la politique qui soit aussi forte. Quand vous êtes nommé, vous êtes un parfait inconnu. Quelques mois plus tard, vous faites l'ouverture du JT de TF1. Cela vous donne l'illusion que, comme au casino, vous allez gagner beaucoup d'argent. >>127

Les inquiétudes quant à l'utilisation des produits issus des droits TV sont donc toujours d'actualité et même au sein de la DNCG, on craint un retour aux années de dépenses inutiles et néfastes. En outre, force est de constater que la masse salariale stagne à hauteur de 46% du budget des clubs (soit 59% charges sociales comprises).

126 Canal + versera aux clubs 600 millions d'Euros par an pour bénéficier de l'exclusivité des droits sur le championnat français.

127 « Ces patrons qui ruinent le football », L'expansion du 1er juin 2002.

b. La DNCG : le nouveau garde-fou du football français
>

Une mission conférée par la loi

En vue d'assurer l'équité des compétitions, l'article 17-II de la loi du 16 juillet 1984 impose à << chaque fédération disposant d'une ligue professionnelle [de] créer un organisme assurant le contrôle juridique et financier des associations et sociétés [sportives] ». La FFF a donc instauré en 1990 la Direction Nationale de Contrôle de Gestion (DNCG), composée de trois commissions dont une spécialement conçue pour contrôler les clubs de football professionnel.

« Les clubs ont des comptes à rendre et ne peuvent plus faire n'importe quoi », déclarait ainsi Philippe Dialo, directeur général de l'Union des Clubs de Football Professionnel.128

> Une composition mixte, gage d'équité et de transparence

La commission de contrôle des clubs professionnels de la DNCG est composée de membres issus de la FFF, de la LFP, de l'UCPF (Union des Clubs de Football Professionnels), de l'UNFP (Union Nationale des Footballeurs Professionnels), de l'UNECATEF (Union Nationale des Educateurs et Cadres Techniques de Football) et du SNAAF (Syndicat National des Administratifs et Assimilés du Football).

La présence de tous les acteurs du football professionnel, tant des joueurs, entraîneurs que des clubs permet de garantir une certaine transparence. En outre, la présence de 4 commissaires aux comptes parmi les 18 membres de cette commission assure à cette instance une fiabilité du contrôle des comptes.

> Son action aux côtés du Conseil National de la Comptabilité

Le Conseil National de la Comptabilité (CNC) ayant récemment initié un processus de définition des règles comptables spécifiques au domaine sportif, la DNCG s'est jointe aux travaux concrétisés par l'adoption d'un règlement sur la comptabilisation des indemnités de mutation de joueur.129

128 Libération.fr, << le gendarme du championnat sanctionne 19 clubs », du 30 juin 2003.

129 CRC 2004-7 paru au JO le 1er janvier 2005.

Depuis, les indemnités de transfert ne sont plus comptabilisées comme des charges mais comme des immobilisations incorporelles, amortissables sur la durée du contrat avec obligation d'opérer des tests de dépréciation périodique afin de vérifier que la VNC reste inférieure à la valeur d'usage.

Ce test est effectué à deux niveaux : celui du joueur et de l'équipe (donc du club). Ces critères ont pour valeur d'usage : le taux d'actualisation, l'horizon d'évaluation, la prévision de flux nets de trésorerie, etc.

> #Des prérogatives fortes

Lorsque la situation d'un club apparaît trop fragile, la DNCG peut prendre des mesures préventives telles que :

- # l'interdiction de recruter de nouveaux joueurs sous contrats ;

- # le placement d'un club sous recrutement contrôlé (à cause d'un budget prévisionnel ou d'une masse salariale prévisionnelle trop limitée pour faire face à l'apparition de nouvelles charges).

De plus, la DNCG dispose aussi d'un pouvoir de sanction très persuasif. Elle peut en effet : - # rétrograder un club dans une division inférieure ;

- # interdire une montée dans une division supérieure ;

- # voire demander l'exclusion d'un club des championnats nationaux.

En outre, comme l'indique son Président François Ponthieu, la DNCG n'hésite pas à sévir : « en moyenne on peut dire qu'un tiers des clubs est sanctionné chaque année ».130

De ce fait, certains dirigeants peuvent être tentés de masquer certains détails. Ainsi, Pascal Urano, Président du club de Sedan (Ligue 2) a-t-il été placé en garde à vue car il était accusé d'avoir omis de faire figurer au passif de son bilan le montant du loyer que le club devait verser à la municipalité pour l'utiliser (soit un montant de 500.000 euros). Cela ayant été mis au jour, M. Urano a été placé en garde à vue en avril 2005 pour « présentation de bilan au contenu inexact ».131 Il a toutefois été relaxé par le tribunal de correctionnel de Charleville-

130 « Le gendarme du championnat sanctionne 19 clubs », Libération.fr, du 30 juin 2003.

131 « Sommation contre les salaires », Le Web de l'Humanité, du 21 avril 2005.

Mézières alors qu'une peine de 18 mois de prison avec sursis et une amende de 25.000 euros avaient été requises contre le responsable sedanais.

François Ponthieu prévenait d'ailleurs les équipes qui accèdent en Ligue 2 : << prenez vos responsabilités, mais si vous arrivez à accéder en Ligue 2 sur la base d'états financiers qui sont plus ou moins masqués, nous engagerons un système dans lequel on vous enlèvera des points en championnat l'année de votre montée. Donc, vous n'avez pas intérêt à vous engager dans cette voie-là. »132

> Un nouveau rôle : celui de garant du football français

Dans un rapport paru en mars 2005 sur la situation du football professionnel à l'issue de la saison 2003/2004, le Président de la DNCG insistait sur le rôle que cet organisme a tenu dans le redressement des comptes des clubs initié depuis peu. L'ensemble des acteurs du football français était aussi unanime : le Président de la LFP relayé par d'autres acteurs du football professionnel saluait ce très bon résultat obtenu grâce à << l'effort de gestion des clubs et à l'action de surveillance constructive et préventive de la meilleure DNCG d'Europe ».

Toutefois, le rôle du comptable des clubs français ne se limite à celui de gendarme : devant la nouvelle augmentation des droits télévisés provenant du contrat Canal +, la DNCG proposait d'instaurer un débat sur l'utilisation de ces sommes en rappelant les erreurs commises précédemment - lorsque la première augmentation des droits TV n'avait abouti qu'à augmenter le salaire des joueurs ainsi que le prix des transfert, sans que ces sommes soient investies pour améliorer les infrastructures.

En se fondant sur le modèle de gestion des clubs sportifs américains,133 M. Ponthieu proposait des idées d'investissement à long terme: augmenter les capacités d'accueil, réchauffer et rénover les stades, développer les services auprès des << clients spectateurs », maintenir et développer le système de formation, etc. Autant de mesures destinées selon lui à << accroître la valeur du produit football, qui pourra alors faire l'objet de nouvelles enchères dans des conditions optimales ».

132 « Sommation contre les salaires », Le Web de l'Humanité, du 21 avril 2005.

133 Il a déclaré à l'Humanité : << Quand on prend l'exemple des stades aux États-Unis ou en Allemagne, on se rend compte qu'ils sont mieux configurés pour un accueil du public que nos stades français qui sont souvent assez vieux. Si on ne fait pas ces efforts, ce serait une catastrophe, et je pèse mes mots. », Édition du 21 avril 2005.

La DNCG semble donc aller au-delà de la mission qui lui est impartie en principe : à côté de son action de prévention et de son action, elle intervient désormais en amont, avant que les décisions de gestion soient prises pour inciter les clubs vers une politique à mener une gestion raisonnée.

1.1.2. La LFP profite du contexte pour engager des réformes au sein du football français

La Fédération Française de Football (FFF) occupe une place centrale dans le football français puisqu'elle touche l'ensemble des citoyens entre ses activités de gestion du football amateur et de l'équipe de France. La Ligue de Football Professionnel (LFP) est une association créée par la FFF spécialement conçue pour veiller au développement du sport professionnel.

Il existe une séparation des pouvoirs qui permet à chaque entité de disposer d'un territoire propre de compétences. Mais la LFP semble depuis peu dicter ses règles à la FFF, certainement parce qu'elle a su remplir son rôle de gestion du football professionnel en étroite collaboration avec la DNCG alors que la FFF entre dans une période de turbulences du fait d'une gestion peu orthodoxe.

a. La FFF perd sa crédibilité après des dérapages financiers

> La FFF participe à l'exécution d'une mission de service public

La FFF, association loi 1901 agréée par l'Etat et placée sous la tutelle du ministre chargé des sports a pour objet l'organisation de la pratique du football en France. Concrètement, elle est chargée de superviser l'ensemble de l `activité du football amateur en France, de la délivrance des licences en passant par la gestion du million de matches orchestrés chaque année par ses différentes branches. Parallèlement, c'est elle qui gère l'environnement de l'équipe de France, de la nomination du sélectionneur jusqu'aux contrats de cession des droits audiovisuels des matchs des Bleus.

La FFF, qui occupe une place entre football de masse et football d'élite, exerce donc une mission de service public et bénéficie à cet égard d'un soutien de l'Etat.

Conformément à l'article 16 de la loi du 16 juillet 1984, la FFF bien que placée sous la tutelle du Ministre des Sports, exerce son activité en toute indépendance. Elle bénéficie à cet effet d'un agrément délivré par l'Etat qui vaut à elle seule « reconnaissance de sa participation dans l'exercice d'une mission de service public ».134

En outre, la FFF reçoit chaque année une aide de l'Etat en contrepartie de son adhésion à une convention d'objectifs fixée avec le ministère des sports. Selon la Cour des Comptes, cette aide s'élevait à 1,7 millions d'euros en 2003.135

> La Cour des Comptes pointe un fonctionnement irrégulier

Déjà dans les années 80, un contrôle de la Cour des Comptes avait mis en évidence une gestion défaillante, une organisation inadaptée, un contrôle de l'Etat illusoire, des fonctionnaires mis à la disposition de la FFF en infraction avec les règles de cumul de rémunération et surtout le non respect des règles de mise en concurrence au profit du groupe Darmon, avec la particularité toutefois que deux des dirigeants de ce groupe siégeaient aussi au sein de l'organe de décision de la FFF.136

Dans son rapport annuel publié en 2001, la Cour des Comptes a décidé de s'intéresser pour la seconde fois à la Fédération Française de Football afin de se rendre compte des évolutions par rapport au comportement de cette association. Elle a ainsi constaté des améliorations, comme la mise en conformité de ses statuts-types, l'adoption d'une comptabilité analytique et une meilleure gestion de sa trésorerie.

Mais elle a relevé que de nombreux problèmes demeuraient : ainsi, le Conseil fédéral n'a pas été nécessairement mis en mesure d'apprécier la validité d'importantes décisions en matière de marketing et de cession des droits de retransmission télévisée alors qu'il lui revenait en principe de réaliser et d'autoriser les opérations de ce type.

En outre, la Cour faisait remarquer un mode de gestion original : tout d'abord, « le processus
de décision [était] demeuré très centralisé au niveau de la présidence et de la direction

134 Rapport public annuel de la Cour des comptes 2001, Fédération Française de Football, p. 533.

135 Rapport public annuel de la Cour des comptes 2003, Sports, p. 573.

136 Le groupe Darmon a été créé par l'homme du même nom aussi surnommé le « grand argentier du football français » et qui tient, dit-on, une place très importante dans la milieux du football français. Il aurait ainsi favorisé l'élection de Monsieur Bourgoin à la présidence de la LFP en 2000.

générale, qui [géraient] les dossiers importants. » De plus, alors que la FFF était signataire d'une convention collective spécialement applicable aux personnels administratifs et assimilés au football, elle appliquait à ses salariés un accord d'entreprise qui reprenait les dispositions beaucoup plus favorables de la convention collective des employés de la presse quotidienne parisienne.

Par ailleurs, le train de vie des dirigeants était montré du doigt : au titre des frais de transport, 100.000 euros ont été dépensés en deux ans pour la location d'avions privés. De même, pendant la Coupe du monde 2002 en Corée, le Président de l'époque aurait laissé une note de près de 55.000 euros, dont l'achat d'une bouteille de Romané Conti d'une valeur de 4.800 euros.

Enfin, les auditeurs rendaient compte d'irrégularités déjà constatées en 1988 concernant les rémunérations versées aux fonctionnaires137 et les relations avec le groupe Darmon. Ainsi, le contrat de mandat exclusif confié à la société France Football Promotion (FFP), filiale du groupe Darmon pour « négocier et conclure tous contrats ayant pour objet l'utilisation l'exploitation ou la reproduction du sigle de la FFF et de l'image collective de l'équipe de France » n'aurait jamais été conforme aux règles régissant le droit de la concurrence malgré les engagements répétés de son Président en 1989 et 1990 et même parfois défavorable à la FFF.

> Les commissaires aux comptes de la FFF émettent des réserves à leur certification

Dans le cadre de leur mission exercée collégialement, Messieurs Génot et Burette ont refusé de certifier en l'état les comptes de la FFF pour l'exercice 2003/2004. Ils ont en effet émis une réserve concernant le rattachement d'un produit de 10 millions d'euros issus de la cession de droits d'exclusivité à l'exercice 2003/2004. Selon eux, ces opérations auraient du faire l'objet d'un enregistrement lors d'exercices futurs.138

Alors que le Président la FFF se défendait d'avoir consulté le Cabinet d'experts Villemot,
certains commentateurs avancent la thèse de manoeuvres visant à masquer les mauvais
résultats de la FFF, plongée dans une crise financière sans précédent. Au lieu de présenter un

137 Un des entraîneurs de l'équipe de France aurait cumulé pendant huit ans un traitement correspondant à son grade de professeur de sport et une rémunération qui excédait très largement ce traitement (plus de dix fois supérieure en 1996 et 1997).

138 Assemblée fédérale de la FFF du 12 févier 2004, intervention de Monsieur Génot, commissaire aux comptes.

déficit de 62.000 euros, celle-ci a du se résoudre à annoncer une perte de 2,6 millions d'euros. Et la situation n'irait pas en s'arrangeant : l'exercice 2004/2005 s'est soldé par un déficit de 9,7 millions d'euros (au lieu de 5 millions prévus) alors que les comptes prévisionnels votés en juin 2005 pour l'exercice 2005/2006 étaient déficitaires à hauteur de 4,6 millions d'euros.139

Par ailleurs, devant l'assemblée Monsieur Burette soutenait : « le bilan arrêté le 30 juin 2003 (soit pour l'exercice 2002/2003) ne reflète pas l'image fidèle du patrimoine de votre fédération ». Pour justifier sa position, il citait notamment la non présentation d'une facture de 4.295.479 euros, la non présentation d'un compte rendu qui aurait du leur être fourni concernant une facturation de 6,5 millions d'euros versés à un mandataire et le non respect de la procédure de mise en concurrence lors de la conclusion d'importants contrats.

> Les autorités judiciaires et administratives s'intéressent de près à la Fédération

En mars 2005, l'Equipe rendait publique une ordonnance du Tribunal de Grande Instance de Paris de mai 2004 remettant en cause « les contrats de mandat exclusifs souscrits par la FFF au profit de la Société Football Promotion pour les périodes 1994-1998 et 1998-2002 » en les sanctionnant de nullité « faute d'appel à la concurrence ».140 Cette décision qui pouvait paraître inéluctable tant la Cour des comptes avait prévenu la FFF, pourrait la plonger dans une crise plus grave encore si elle venait à être confirmée par la cour d'appel.141

Par ailleurs, le parquet de Paris a ouvert au printemps 2005 une enquête préliminaire sur les comptes de la Fédération Française de Football à la suite des dénonciations de ses commissaires aux comptes concernant les bilans des exercices 2002/2003 et 2003/2004.

Enfin, le Conseil de la concurrence s'est saisi d'office le 1er juin 2004 « de la situation de la concurrence dans le secteur de la gestion des droits dans le football professionnel et de la publicité dans les stades de football et a fait procéder à des enquêtes pour établir l'existence et l'étendue des pratiques recherchées ».142

139 « Nouveau déficit en vue », de Marc Chévrier, L'Equipe du 26 juin 2005.

140 La Société Football Promotion est une filiale de Sportfive, société mère du groupe Darmon.

141 Mais aussi la société Advent International qui a acquis 48,85% des actions de la société Sportive aux termes d'un accord en date du 19 mars 2004...

142 Communiqué du conseil de la concurrence du 18 février 2005 : « enquête dans le milieu du football ».

> L'entrée dans une ère de rigueur ?

En février 2005, Claude Simonet a quitté la FFF après 10 années passées à sa tête, laissant derrière lui une fédération stigmatisée par une gestion mal contrôlée mais aussi un bilan sportif unique avec une Coupe du monde et une Coupe d'Europe.

Son nouveau Président, Jean-Pierre Escalette prônait dès son entrée une politique de rigueur, tout en nuançant les mauvais résultats comptables enregistrés depuis 2002, même s'il admettait que les procédures en cours faisaient planer au dessus de sa tête une « épée de Damoclès ». 143

b. La Ligue de Football Professionnel prend la direction du football français

> La LFP participe à l'évolution de l'encadrement juridique du football professionnel

Alors que le domaine de compétence de la FFF tient à la promotion du football, la LFP est chargée de la << représentation, de la gestion et de la coordination des activités sportives à caractère professionnel des associations qui leur sont affiliées et des sociétés qu'elles ont constituées. »144

Aux termes de l'article 6 des statuts de la LFP, celle-ci est compétente pour << organiser, gérer et réglementer le football professionnel, financer les opérations ayant pour but d'assurer la promotion et du football professionnel, pour appliquer les sanctions prises à l'encontre des groupements sportifs et de ses licenciés, et enfin prendre la défense des intérêts matériels et moraux du football professionnel ».145

Concrètement, la LFP gère les championnats de Ligue 1 et de Ligue 2, la publicité sur les équipements sportifs et dans les stades, et autorise les équipes à utiliser des joueurs professionnels. Mais elle a aussi pour objectif de défendre les intérêts du football professionnel. Les évolutions majeures qui ont suivi la loi de décembre 1999 en sont la preuve : depuis 6 ans, le législateur a adopté plusieurs lois pour permettre aux sociétés

143 Citation de Jean-Pierre Escalette, nouveau Président de la FFF.

144 Articles 16 et 17 de la loi du 16 juillet 1984.

145 Article 6 des statuts de la LFP.

sportives d'évoluer avec plus d'aisance au sein d'un environnement ultra-concurrentiel, notamment sous la pression de cet organe qui est l'émanation des clubs professionnels.

A cela s'ajoute une action plus visible : la négociation des droits télévisés.

> La LFP fait exploser la valeur des droits télévisés

En vertu d'un décret paru en juin 2004, la LFP « commercialise à titre exclusif les droits d'exploitation audiovisuelle et de retransmission en direct ou en léger différé, en intégralitéou par extraits, quel que soit le support de diffusion, de tous les matches et compétitions qu'elle organise ».146

Selon des chiffres publiés par la LFP, les audiences moyennes des retransmissions télévisées ont presque doublé depuis 1999 pour atteindre une moyenne de 2,7 millions de téléspectateurs pour les matches diffusés sur Canal + au cours de la saison 2003/2004 (choix 1 et choix 3, alors que TPS diffusait le choix 2), soit 105 millions de téléspectateurs en cumulé sur la saison. Cet engouement de la part des français pour le football professionnel devait donc permettre aux clubs d'être avantagés dans la négociation de ces droits.

Toutefois, c'est la LFP qui a mené la négociation (et non les clubs) en qualité de mandataire unique au nom de l'ensemble du football professionnel français. Le rôle de la LFP est donc majeur puisqu'un faux pas pourrait porter préjudice à l'ensemble des clubs professionnel, dans la mesure où depuis quelques années ils retirent plus de la moitié de leurs ressources de la cession de ces droits.

Il semble cependant qu'elle ait su tirer le meilleur parti de ses responsabilités puisqu'au terme d'une bataille commerciale et juridique de longue haleine, Canal + a remporté face à son concurrent TPS, l'exclusivité des droits TV de Ligue 1 pour les saisons 2005/2006 à 2007/2008 pour la somme de 600 millions d'euros par saison.

Enfin, la Ligue s'est aussi investie au niveau de la négociation de leurs droits de
retransmission audiovisuelle par les clubs : ceux-ci sont en effet autorisés à négocier seuls

146 Décret n°2004-699 du 15 juillet 2004.

lorsque cela ne touche pas aux matchs en direct ou en léger différé.147 A cet effet, la LFP a édicté un Règlement Audiovisuel pour « organiser de manière rationnelle et homogène l'exploitation de leurs droits audiovisuels par les clubs afin de leur permettre d'optimiser au mieux l'exploitation des matches auxquels ils participent ».148 Ce règlement intérieur auxquels sont soumis les clubs leur donne un cadre pour négocier leurs droits concernant Internet, la téléphonie mobile, leur propre chaîne de télévision et les images des matchs auxquels ils ont participé dès lors qu'ils sont diffusés à compter de minuit le soir du match concerné. Pour assurer son respect, il est prévu que les clubs qui ne respectent pas leurs obligations pourront subir une sanction pécuniaire.149 Cet instrument intervient donc comme un outil de régulation a priori et tend à éviter une dérive de certaines sociétés dans la gestion de leurs droits.

> La LFP prend les rennes du football français

Lors de la première audition des comptes de la FFF dans les années 80, la Cour des comptes avait déjà fait remarquer que la FFF était dans les faits soumise à la ligue. Pour éviter que cela se reproduise, les relations entre les deux instances ont été formalisées par une convention établie pour cinq ans.150 La FFF est ainsi seule compétente en matière de déontologie, sécurité, formation ou pour la délivrance de licences, alors que la LFP bénéficie de l'autonomie financière administrative et sportive pour gérer le football professionnel.

Cependant, la situation de réussite et d'opulence de la LFP semble à nouveau faire basculer le pouvoir entre ses mains : en contrepartie de l'augmentation des engagements financiers de la ligue envers le football amateur adoptée en juillet 2005 lors de son assemblée générale à Monaco, la ligue a obtenu de la FFF qu'elle fasse aboutir d'ici 2007 plusieurs revendications :

- la création d'un championnat des réserves des clubs professionnels;

- « l'amélioration » du règlement financier de la Coupe de France ;

- l'indemnisation des clubs français lorsqu'ils mettent à disposition des joueurs pour participer aux matches de l'équipe de France ;

- la coopération entre clubs de National (3ème division) et les clubs de Ligue 1 ou de Ligue 2.

147 Article 3.2.2. du Règlement Audiovisuel du 17 mai 2005.

148 Préambule du Règlement Audiovisuel du 17 mai 2005.

149 Article 12 du Règlement Audiovisuel du 17 mai 2005

150 Convention entre la Fédération Française de Football et la Ligue de Football Professionnel du 30 juin 2002.

Autant de mesures vouées à développer la compétitivité du football français en prenant appui sur le formidable potentiel qui réside dans le football amateur grâce à une école de formation performante.151

En outre, la FFF ne sera pas libre de dépenser les nouvelles aides que lui a accordées la ligue : il s'agit en effet d'aides ciblées visant particulièrement la formation. Les sélections nationales de jeunes et espoirs français bénéficieront ainsi d'une nouvelle subvention de 2,5 millions d'euros dès 2006.

La LFP semble ainsi devenir le pilier d'un football français qui gagne en confiance : les clubs professionnels sont en passe de devenir de véritables compétiteurs et la relève tant en équipes pro qu'en sélection nationale a été favorisée.

1.2. L'aménagement de la fiscalité favorise la compétitivité des clubs

1.2.1. L'impôt sur les sociétés moins contraignant qu'il n'y paraît

a. Bref aperçu des modalités d'imposition des clubs

> La SASP rentre dans le champ d'application de l'IS

Les SASP n'ont pas un régime fondé sur la personnalité des associés car les actions sont librement cessibles. La SASP fait donc partie des sociétés de capitaux.

Conformément au principe général posé par l'article 206-1 du Code Général des Impôts, les sociétés de capitaux sont passibles de l'impôt sur les sociétés, même lorsqu'elles sont régies par une réglementation particulière, sous réserve que celles-ci ne comportent pas de dispositions fiscales dérogeant au droit commun.

L'Administration précise que l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés constitue le régime
fiscal normal des sociétés de capitaux et assimilées. Il est motivé par leur forme et intervient

151 Fruit du travail de près de 300.000 bénévoles.

par conséquent quel que soit leur objet.152 Il convient d'appliquer ce régime aux sociétés par actions (sociétés anonymes, sociétés par actions simplifiées et sociétés en commandite par actions) et aux sociétés à responsabilité limitée.

Par ailleurs, l'Administration explique que les exonérations et dérogations au régime normal d'imposition des personnes morales en cause ont été expressément prévues par des dispositions légales particulières. Cela exclut donc la SASP des régimes dérogatoires et permet d'affirmer avec certitude que la SASP est soumise à l'impôt sur les sociétés.

> Le calcul des bénéfices selon le régime des bénéfices industriels et commerciaux

Pour la détermination du bénéfice imposable, l'article 209 du CGI renvoie aux dispositions relatives au calcul des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) auxquels sont assujetties les personnes physiques153.

Le bénéfice imposable dans la catégorie des BIC est un bénéfice net égal à la différence entre les produits perçus par l'entreprise et les charges qu'elle supporte.154

Aux termes de l'articles 38-1 du CGI, le bénéfice imposable est défini de manière très large : il englobe en effet « les opérations de toute nature effectuées par l'entreprise, y compris notamment les cessions d'éléments quelconque de l'actif ». Cela soumet les bénéfices à imposition, qu'ils soient réalisés dans le cadre de l'activité du club ou non.

> La comptabilisation des produits

Les ressources des clubs se présentent comme suit : - droits télé (47%)

- sponsors / publicité (22%)

- matches (20%)

- autres produits (9%)

- subventions (4%)

152 D.adm. 4H-1111 n°4, 1er mars 1995

153 Articles 34 à 45, 53 A à 57 et 302 septies A bis.

154 Articles 38-1 et 38-2 du CGI.

L'imposition de l'ensemble des produits ne pose pas de problème sauf peut-être concernant les subventions versées par les collectivités locales. La majeure partie des clubs de football bénéficie en effet de subventions des collectivités locales qui viennent augmenter leur budget.

A titre d'exemple, le Paris Saint Germain a reçu en 2004 une indemnité de 2,3 millions d'euros. Cette aide se compose d'une subvention versée au titre d'une convention passée avec le PSG et encadrant des missions d'intérêt général assurées par le club de la capitale : formation, promotion du football féminin, clubs filleuls, sécurité.

Cette subvention doit-elle être intégrée dans la base d'imposition ?

L'Administration a précisé le régime des subventions155 accordées par les collectivités publiques qui consistent en une aide financière définitivement acquise par l'entreprise. Elle rappelle à cet effet que le régime des subventions dépend dans certains cas de règles spéciales prévues dans le Code général des impôts. En l'absence d'application de ces règles, il convient de soumettre la subvention au droit commun. Or, les subventions de collectivité locale aux sociétés sportives ne sont pas prévues spécialement et ne semblent pas entrer dans le champ d'application de l'un des régimes spéciaux visés par le Code.

Selon la doctrine administrative, « ces subventions, auxquelles aucune disposition particulière du CGI ne réserve un traitement spécial, doivent être comprises dans les résultats imposables de l'exercice au cours duquel elles ont été acquises ».

> La comptabilisation des charges

A l'image des produits, la répartition des charges peut être définie comme suit :

- rémunération du personnel (46%)

- services extérieurs (15%) - charges sociales (13%)

- autres charges (6%)

- frais déplacement (5%) - impôts et taxes (5%)

- achat marchandises (4%)

155 Dir. adm. 4 A-24

- amortissements et provisions (3%)

- frais d'organisation de matches (3%)

L'article 39-1 du CGI dispose que le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges dont il donne une liste non limitative. Mais contrairement aux produits, leur prise en compte dans le calcul de l'assiette d'imposition n'est pas automatique.

L'Administration impose en effet que les frais et charges :

- soient << exposés dans l'intérêt direct de l'exploitation ou se rattacher à la gestion normale de l'entreprise. 156 >>

- correspondent << à une charge effective et être appuyés de justifications suffisantes157 >>.

- se traduisent << par une diminution de l'actif net de l'entreprise 158>>.

- soient << compris dans les charges de l'exercice au cours duquel ils ont étéengagés 159>>.

> Précision concernant la déductibilité des dépenses de personnel

En principe, dès lors que ces critères sont remplis, le club pourra déduire les charges qu'il a constatées en comptabilité pour calculer son résultat imposable. Il convient toutefois d'étudier d'un peu plus près les dépenses de personnel qui représentent 46% du budget et dont l'administration a précisé les conditions de déductibilité.

Selon l'article 39-1-1°, << les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais » sont déductibles du résultat fiscal << dans la mesure oil elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu >>.

La question est donc de savoir si les rémunérations diverses accordées aux joueurs de football professionnels salariés ne pourraient pas être regardées comme étant excessives au regard de l'Administration.

156 Dir. adm. 4 C-11

157 Dir. adm. 4 C-121

158 Dir. adm. 4 C-2

159 Dir. adm. 4 C-13

Pour déterminer si la rémunération n'est pas excessive, des consignes sont données par l'Administration. D'une part, la totalité des rémunérations doit être prise en compte, même en nature. D'autre part, aux termes de la jurisprudence du Conseil d'Etat, il convient de se baser sur certains critères : le taux des rémunérations attribuées aux personnels occupant des emplois analogues dans les entreprises similaires de la région160, l'importance de la rémunération totale161 ainsi que la nature des fonctions exercées ainsi que les responsabilités du salarié162.

Eu égard à ces conditions, il semble possible de faire passer en charge les salaires des joueurs, aussi importants soient-ils, dans la mesure où il s'agit d'une pratique répandue que celle de rémunérer les joueurs professionnel assez largement et parce que la carrière d'un joueur dure en moyenne 6 à 10 ans au plus haut niveau. Certes, il est possible de devenir entraîneur après une carrière de joueur mais seul un petit nombre de personnes peuvent y parvenir (il n'y a que 40 clubs professionnels en France et la question du chômage des entraîneurs diplômés est d'ailleurs d'actualité), alors que la reconversion est parfois abordée avec difficulté par les anciens joueurs professionnel.

La rémunération des joueurs de football professionnels consiste essentiellement en un salaire, des primes et des avantages en nature. Selon l'Administration, les primes doivent être considérées au même titre que la part relevant du salaire163. Il suffit donc pour cette part de la rémunération qu'elle suive les règles générales.

Les avantages en nature sont variés : l'Administration cite notamment les avantages suivants : « logement, chauffage, éclairage, habillement, nourriture, mise à la disposition temporaire ou permanente d'un chauffeur, d'ouvriers d'entretien (jardinier, peintres, etc.), d'une voiture »164 et précise que ces avantages sont déductibles suivant le régime des charges à condition que soient respectées les conditions générales énoncées ci avant.

A noter par ailleurs que l'Administration admet aussi que les rémunérations allouées aux
dirigeants soient admises en déduction des résultats, dans la mesure où elles correspondent à

160 CE, arrêts du 9 juillet 1986 req. n° 44724 ; du 21 avril 1989, req. n° 79682.

161 CE, arrêt du 14 avril 1970, req. n°s 75687 et 75688, RJ II, p. 79.

162 CE, arrêt du 21 avril 1989, req. n° 79682.

163 Dir. adm. 4 C-442

164 Dir. adm. 4 C-4452

des services effectifs et ne sont pas excessives. Il existe cependant une limite concernant les jetons de présence.

> Le calcul de l'IS

Une fois ces opérations terminées, il faut appliquer à l'ensemble des bénéfices imposables un taux de 33,1/3 % sauf aux plus-values à long terme qui bénéficient d'un taux de 8 %.165

b. Le régime de groupe avantageux pour les investisseurs

La majeur partie des clubs n'a qu'un actionnaire majoritaire ou fait partie d'un groupe de sociétés. Or, il existe un régime particulier concernant les groupes de sociétés défini par les articles 223-A à 223-U du code général des impôts destiné à mieux assurer la neutralité de la fiscalité à l'égard des structures économiques et à renforcer la compétitivité des entreprises françaises.

Ce régime est intéressant pour les actionnaires des clubs français car lorsque ceux-ci réalisent un bénéfice, le régime mère-fille permet le versement de dividendes en franchise d'impôt, tandis que lorsque le club est fiscalement déficitaire, l'actionnaire pourra imputer ce déficit sur son bénéfice fiscal grâce au régime de l'intégration fiscale.

> La compensation entre déficits et bénéfices fiscaux des sociétés du groupe

Le régime de l'intégration fiscale est défini aux articles 223 A à 223 G du Code général des impôts. Il permet à une société (dite « tête de groupe ») de se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient au moins 95% du capital.

Ainsi, au lieu que chaque société du groupe soit imposée séparément, ce régime permet de concentrer l'imposition sur la tête de groupe après que chaque société ait calculé son résultat propre. De fait, cela peut permettre une compensation entre les bénéfices et déficits de chaque société du groupe.

165 A noter que ce taux sera supprimé dès 2007.

Pour bénéficier de ce régime, l'article 223-A impose une participation au sein du capital du club de plus de 95%. Toutefois, la participation en question peut être indirecte, c'est-à-dire par le biais d'une autre filiale. On prendra alors en compte la participation de la société mère dans la filiale et la participation de la filiale dans le club afin de connaître le « poids » de la société mère dans le club grâce à cette participation indirecte. Enfin, la société tête de groupe ne doit pas être détenue à plus de 95% par une autre société et être soumise à l'IS.

L'application de ce régime résulte par ailleurs d'une option de cinq ans renouvelable par tacite reconduction prise par la société tête de groupe avec l'accord des filiales.

Aux termes de l'article 223 B, chaque société continue à calculer leur bénéfice imposable selon le droit commun en matière d'IS, puis certaines corrections devront avoir lieu pour corriger le phénomène de double imposition ou de double déduction qui pourrait résulter des opérations intra-groupe notamment. Et selon l'article 223 C du CGI, le bénéfice d'ensemble est imposé au droit commun de l'IS.

En cas de déficit, celui-ci est aussi reportable dans les conditions de droit commun, c'est-àdire indéfiniment pour les exercices ouverts depuis le 1er janvier 2004. La société mère souscrit alors une déclaration pour l'ensemble du groupe et est chargée du paiement de l'impôt.

Il en résulte pour une société actionnaire d'un club une certaine sécurité. En effet, si son club enregistre des pertes au cours d'un exercice, elle pourra déduire le déficit fiscal du club de son bénéfice fiscal et ainsi réaliser une économie en termes d'impôts qui pourra contrebalancer les investissements réalisés au cours de l'année.

> L'exonération de la distribution de dividendes

Grâce au régime mère fille, prévu aux articles 216 et suivants du CGI, les dividendes versés par un club bénéficiaire pourront être versés en quasi franchise d'impôts et les abandons de créance au profit du club pourront être déductibles du résultat imposable.

L'application de ce régime suppose le respect l'article 145 du CGI :

- les titres de participation doivent revêtir la forme nominative ;

- la société mère doit disposer d'au moins 5% du capital de la fille ;

- si les titres n'ont pas été souscrits à l'émission, la société mère doit s'engager à les garder pendant deux ans.

Concernant la déductibilité des dividendes, l'idée est relativement simple : éviter qu'une même personne soit imposée deux fois au titre d'un même revenu. En effet, les dividendes étant distribués après paiement de l'impôt, si le bénéficiaire personne morale doit inclure dans son bénéfice imposable ce produit, alors il y aura double imposition. Lorsque le régime mère fille trouve à s'appliquer, la société mère pourra donc retrancher de son bénéfice net total le montant du dividende reçu.

Toutefois, il sera nécessaire de réintégrer une << quote part pour frais et charges >> de 5% de son montant, laquelle est censée correspondre, selon la doctrine administrative, aux charges afférentes aux produits de participation qu'elles ont perçus et extournés du résultat fiscal.

Cet aspect relativement attrayant est de surcroît accompagné d'un autre avantage, la déductibilité des remises de dette ou subventions sous certaines conditions (ce point ne sera pas vu en détail).

1.2.2. Les allègements fiscaux spécialement conçus pour les clubs

a. La diminution du poids des charges sociales grâce au droit à l'image collectif

> La reconnaissance d'une demande récurrente

Dès 1996, l'union professionnelle des clubs de football professionnel français a fait réaliser une étude faisant apparaître << qu'outre une différence de puissance économique qui permettait aux clubs étrangers de mieux rémunérer leurs joueurs, il existait, au détriment de la France, d'importantes disparités de régimes fiscaux et sociaux, touchant notamment les charges patronales. >>166 Dès lors, l'UCPF a proposé de << faire échapper à la législation du travail et de la sécurité sociale une fraction de la rémunération perçue par le sportif professionnel, représentative de l'exploitation de son image par son employeur >>.

166 Le droit à l'image des sportifs professionnels, service des affaires européennes, septembre 1997.

En fait, cela aboutissait à suivre l'exemple de nos voisins européens (Allemagne, RoyaumeUni, Italie et Espagne) dans lesquels l'exploitation des droits à l'image se faisait déjà hors du contrat de travail, l'Espagne permettant même aux joueurs de percevoir une participation aux bénéfices obtenus en contrepartie de l'exploitation commerciale de leur image alors que l'Italie envisageait d'exonérer de charges sociales la fraction supérieure à 650 000 euros.167

> La loi corrige l'utilisation imparfaite et parfois abusive du droit à l'image

Lors de débats parlementaires, la commission aux affaires culturelles fit remarquer que paradoxalement, le droit à l'image ne profitait qu'à une dizaine d'individus alors que le football est par essence un sport collectif. Or, la valorisation de l'image s'est nettement développée sous l'influence du choix des clubs de diversifier leurs recettes grâce notamment aux produits dérivés de leurs marques et au sponsoring.

De ce point de vue, l'adoption d'une loi permettant de rémunérer les joueurs grâce à l'image collective, celle de l'équipe, paraissait en totale harmonie avec la vision française du sport : le mot d'ordre étant en effet la solidarité.

En outre, les clubs voient depuis longtemps dans le droit à l'image le moyen de soustraire une fraction de la rémunération du joueur aux charges sociales. Des montages sociétaires ont ainsi été créés en vue de reverser indirectement au joueur un surplus de rémunération via une société au titre de son droit à l'image. Etonnamment, l'administration a autorisé cette pratique dans une circulaire du 28 juillet 1994 prévoyant que « certains clubs [pouvaient] assurer une partie de la rémunération au joueur, sous forme d'un versement à une société domiciliée en France ou à l'étranger, chargée d'exploiter le droit à l'image de celui-ci ».

Cependant, cette pratique n'était permise qu'autant que les clubs versaient les charges sociales relatives à ce que l'administration considérait comme des rémunérations découlant du salaire des joueurs.

167 Le droit à l'image des sportifs professionnels, service des affaires européennes, septembre 1997

> Le droit à l'image fait échapper 30% du salaire brut total aux charges sociales

La loi du 15 décembre 2004 portant diverses dispositions relatives au sport professionnel permet désormais aux sociétés sportives de verser une partie de la rémunération du joueur sans être soumises au paiement de charges sociales.168 Le nouvel article L 785-1 du code du travail précise en effet que « n'est pas considérée comme salaire la part de la rémunération versée à un sportif professionnel par une société [sportive], et qui correspond à la commercialisation par ladite société de l'image collective de l'équipe à laquelle le sportif appartient. »

En principe, les modalités de fixation de la part de cette rémunération doivent être fixées au moyen d'une convention collective en fonction des recettes commerciales générées par l'exploitation de l'image collective de l'équipe sportive. La charte du football professionnel, qui a valeur de convention collective a récemment été modifiée pour permettre l'application rapide de ce texte.169

Depuis février 2005, les recettes de parrainage, de publicité et de merchandising ainsi que celles provenant de la cession des droits de retransmission audiovisuelle des compétitions peuvent servir à rémunérer les joueurs, dans la limité toutefois de 30% de la rémunération brute totale y compris les primes de toute nature.

Il convient toutefois d'apporter quelques précisions : l'article L 785-1 du code du travail prévoit que la part de rémunération correspondant à la commercialisation de l'image collective de l'équipe ne s'applique pas « à la part de rémunération inférieure à un seuil fixé par les convention collectives », désormais fixé à 120.000 euros par le nouvel article 750 bis de la charte du football professionnel.

Prenons l'exemple d'un joueur qui perçoit habituellement 150.000 euros par an. La part de son salaire versée sous forme de droits à l'image collective ne peut pas aller au-delà des limites fixées par la loi, soit 30%, donc 45.000 euros. Si la société souhaite réaliser une économie de charges sociales en remplaçant une partie de son salaire par cette rémunération, elle pourra lui verser un salaire de 105.000 euros et une rémunération liée à son droit à

168 Loi n°2004-1366 du 15 décembre 2004.

169 Dossier : « droit à l'image collectif : les questions dans les vestiaires », Denis Provost et Frédéric Chatzle, sur le site de l'Union Financière de France.

l'image de 45.000 euros. Mais le seuil fixé par la LFP ne permet aux clubs de reverser les produits de la commercialisation des droits à l'image collective que lorsque le montant du salaire excède 120.000 euros. En l'espèce, la somme ainsi distribuée au joueur au titre de ces droits à l'image ne pourra être que de 30.000 euros (150.000 - 120.000), et le salaire devra donc d'élever à 120.000 euros.

> La rémunération moyenne devrait augmenter

L'opportunité ainsi offerte aux clubs aura certainement deux effets distincts : d'une part, les joueurs déjà liés au clubs devraient voir leur contrat de travail modifié pour que 30% de leur rémunération annuelle soit désormais issue de la commercialisation des droits télévisés. Denis Provost pense que l'introduction de ce nouveau système « conduira à une augmentation des rémunérations globales des sportifs, dans la mesure où ceux-ci et leurs agents pourront faire pression sur les clubs (sociétés sportives) afin qu'ils redistribuent sous forme de suppléments de salaires une partie de l'économie de charges sociales réalisée sur la part du droit à l'image collective. »170 On peut imaginer que cette hausse se situera autour de 15% selon l'importance du joueur. D'autre part, lorsqu'un club français tente d'attirer un joueur dont les revenus sont déjà élevés, cela pourrait conduire à garder une base salariale élevée et à y ajouter ces fameux 30%.

> La majorité des joueurs serait perdante

Selon la notoriété d'un joueur, les négociations avec le club seront distinctes : quand l'un verra son salaire actuel augmenter de 20 à 25%, l'autre ne bénéficiera peut-être que d'une augmentation de 5%.

Par ailleurs, cette part dans la rémunération du joueur n'est pas à son avantage. Il ne pourra plus bénéficier des abattements de 10 et 20% sur les salaires et la diminution de la base des cotisations pourra « entraîner une réduction des droits sociaux tel qu'allocations de chômage, de retraite complémentaire, indemnités journalières en cas d'accident du travail ». Ces différentes modifications dans la situation du joueur devront être compensées par une augmentation de sa rémunération sans quoi il se trouvera lésé.

170 Dossier : « droit à l'image collectif : les questions dans les vestiaires », Denis Provost et Frédéric Chatzle, sur le site de l'Union Financière de France.

b. La suppression de la taxe de 1% sur les contrats à durée déterminée (CDD)

Aux termes de l'article L 931-20 du code du travail, les employeurs doivent verser à l'Etat une taxe spécifique de 1% sur les contrats à durée déterminée. L'objectif de cette disposition introduite en 1990 était de favoriser la stabilité de l'emploi en incitant à recourir au contrat à durée indéterminée.

Or, il ressort de la pratique sportive que le CDD est devenu la norme alors que dans le même temps, la loi et la jurisprudence font exception à la législation applicable aux CDD lorsqu'il s'agit de contrats de travail conclus avec des sportifs ou entraîneurs.171 En outre, la charte du football impose aux clubs d'embaucher leurs joueurs en CDD, sans quoi le contrat ne sera pas homologué par la ligue.

Cette taxe ne présentant plus aucun fondement, le législateur a décidé de la supprimer en insérant dans le code du travail un nouvel article L 785-3. Les modifications d'ordre fiscal tendent ainsi à réduire les charges qui pèsent sur les clubs, dont la situation financière devrait nettement progresser grâce à de nouveaux produits et à une gestion plus saine.

Cependant, cela ne devrait pas suffire à permettre aux clubs de rivaliser à armes égales avec leurs homologues européens car la prise de sanctions à l'encontre des clubs qui présentent des bilans financiers révélant un déficit trop élevé n'existe qu'en Allemagne, en Belgique et en France, ce qui fosse la concurrence. L'UEFA tente donc de mettre en place un système plus équitable, en se fondant notamment sur le modèle présenté par le football français.

171 L'article L 122-1-1 du code du travail autorise la qualification de contrat d'usage pour contrats conclus dans le cadre du sport professionnel.

2. Un nouveau cadre européen pour une concurrence loyale

Malgré les évolutions juridiques et fiscales adoptées par l'Etat pour permettre aux clubs français de devenir plus compétitifs et les progrès réalisés par les clubs en matière de gestion, il est fort probable que les clubs français ne puissent pas suivre la cadence imposée par la concurrence du fait du manque de contrôle au niveau européen qui permet à certains clubs de jouer une Coupe d'Europe alors qu'ils ne sont plus capables de payer le salaire des joueurs.

L'UEFA a réagi pour créer un instrument de contrôle : la licence UEFA qui touche à de nombreux aspects dont le domaine financier. Cette avancée historique ne satisfait cependant pas tous les acteurs du football professionnel européen, dont une partie réclame plus de fermeté.

2.1. L'UEFA organise un contrôle inspiré du modèle français

L'UEFA a décidé de mettre en place une procédure de contrôle des clubs visant à garantir que seuls les clubs financièrement sains, axés sur la promotion des jeunes et planifiant à long terme pourront participer aux compétitions européennes inter-clubs.

2.1.1. La concurrence entre les clubs était devenue déloyale

a. La situation financière du football européen est suicidaire > Des charges en constante augmentation

La concurrence pour attirer les meilleurs joueurs couplée à l'augmentation exponentielle des droits télévisés a poussé les clubs à surenchérir, tant au niveau du salaire des joueurs que sur le montant des transferts. Ainsi, entre 2000 et 2002, pas moins de 10 joueurs ont été vendus par leur club pour des sommes oscillant entre 45 et 75 millions d'euros.172 A noter qu'après une accalmie, Chelsea aurait proposé à l'été 2005 la somme de 70 millions pour engager le barcelonais Samuel Eto'o et 85 millions pour le milanais Andrei Shevchenko.173

172 Source : www.sport.fr

173 Article : « Chelsea veut s'offrir Shevchenko », sur www.eurosport.fr

Concernant la masse salariale, le phénomène est identique : lors de la saison 1995/1996, aucun championnat européen n'enregistrait pour l'ensemble de ses clubs une dépense salariale supérieure à 250 millions d'euros. En 2004, celle-ci s'élevait à 600 millions pour l'Espagne, 850 millions pour l'Italie et 1,2 milliard d'euros pour le Royaume-Uni.174

> Un déficit devenu pharaonique

Dans le même temps, mis à part au Royaume-Uni, le chiffre d'affaires a cessé sa progression à partir de l'année 2000. Or, les clubs s'étant engagés auprès des joueurs pendant une durée qui varie entre 2 et 4 ans, ils ont accumulé des déficits importants.

Selon le quotidien EL PAIS, la moitié des clubs de football professionnels espagnols étaient en faillite virtuelle en 2002. En 2003, le seul club du FC Barcelone totalisait une perte de 163 millions d'euros, soit l'équivalent des pertes supportées par le championnat français dans le même temps, alors que son grand rival le Real Madrid était contraint de vendre une partie de ses biens immobiliers situés en plein coeur de Madrid pour la somme de 600 millions d'euros.

Malheureusement, tous les clubs n'ont pas la chance de posséder de telles immobilisations. En Italie par exemple, le Gouvernement a adopté en 2003 un décret « Salva Calcio » permettant aux clubs italiens d'amortir sur une durée de dix ans les pertes dues à la dévaluation de leurs joueurs afin d'éviter une faillite en chaîne.175

Enfin, entre 2000 et 2004, le résultat cumulé des 5 grands championnats européens serait passé d'une situation bénéficiaire à hauteur de 24 millions d'euros à un déficit de presque 1 milliard d'euros.176

b. La concurrence faussée par la présence de clubs au bord du dépôt de bilan

> Les clubs sains handicapés

Lors des compétitions européennes, les clubs qui brillent le plus sont souvent les plus riches
car comme nous l'avons répété, ils sont plus à même d'attirer les meilleurs joueurs. Cela est

174 (( Pour un contrôle de gestion des clubs au niveau européen », juin 2005, LFP

175 Cela signifie « Sauve - Calcio », le Calcio étant le surnom donné au championnat italien.

176 (( Pour un contrôle de gestion des clubs au niveau européen », juin 2005, LFP

donc un obstacle pour les clubs français puisque la DNCG veille à ce qu'ils respectent les règles d'équilibre financier.

En outre, ayant attiré les meilleurs joueurs, ces équipes font souvent bonne figure en Champions League. Or, comme le fait remarquer la LFP, cela aboutit à « priver de recettes les clubs au comportement loyal » et contribue à pérenniser une telle situation de domination de la part de ces clubs.

> Les championnats bien gérés pénalisés

Enfin, comme cela a été dit plus tôt, le championnat français est pénalisé puisque le nombre de clubs de chaque pays admis à participer aux Coupes d'Europe est calculé selon leurs précédents résultats.

Afin de sortir de ce cercle vicieux, l'UEFA a décidé de prendre certaines mesures.

2.1.2. L'instauration d'une licence UEFA

a. Les objectifs de la licence

> La licence UEFA devient nécessaire pour participer aux Coupes d'Europe

Afin de garantir une concurrence plus saine, l'UEFA impose désormais aux clubs de disposer d'une licence octroyée selon des critères fixés dans le manuel UEFA. Les clubs ont désormais à leur charge l'obligation de respecter une série de critères juridiques, administratifs, financiers et d'infrastructure et sont soumis à une obligation d'information à l'égard des commissions chargées de les contrôler. Applicable depuis 2004/2005, la licence UEFA devrait entrer dans une deuxième phase de contrôle financier plus strict dès 2008/2009.

> Objectifs

« La procédure certifiée est un gage de qualité du service proposé et assure la cohérence de l'ensemble du système au niveau européen pour une égalité de traitement entre les clubs disputant ces compétitions ».177

177 Manuel national pour l'octroi de la licence « UEFA club » édité par la FFF.

Les objectifs de l'UEFA sont notamment de :

- renforcer la capacité économique et financière des clubs ; - assurer une gestion transparente et plus crédible des clubs ; - contrôler l'équité financière dans les compétitions UEFA ; - promouvoir et améliorer le niveau sportif du football en Europe.

b. Les domaines du contrôle

> L'autorisation de la licence surtout fondée sur l'infrastructure

La procédure d'octroi de la licence prend en compte plusieurs critères mais le plus traité est celui relatif à la sécurité des spectateurs et des joueurs dans les stades : sont concernées la capacité d'accueil, la présence d'une équipe de sécurité habilité à exercer une surveillance grâce à un système de vidéosurveillance, la conformité du plan d'évacuation, l'existence de locaux de premier secours, etc.178

Le critère sportif impose aux clubs désireux de participer à une compétition européenne de mettre en place un programme de formation qui permette aux jeunes de suivre un enseignement scolaire.179

Une équipe d'encadrement administratif est imposée afin que les clubs soient gérés de manière professionnelle et que les joueurs disposent d'un accès aux soins et d'un encadrement technique compétent.180

Enfin, l'UEFA met à la charge des clubs l'obligation de présenter certains documents juridiques tels les statuts à jour, des engagements de respecter les obligations qui leurs sont imparties en vertu de la licence UEFA, une attestation de l'exactitude des renseignements fournis, etc.181

178 Article 10 du manuel national pour l'octroi de la licence « UEFA club ».

179 Article 9 du manuel national pour l'octroi de la licence « UEFA club ».

180 Article 11 du manuel national pour l'octroi de la licence « UEFA club ».

181 Article 12 du manuel national pour l'octroi de la licence « UEFA club ».

> Le contrôle financier permet cependant d'assurer plus d'équité

Parmi les engagements qui pèsent sur les clubs, l'UEFA a instauré des « dispositions obligatoires relatives à la tenue de la comptabilité, aux procédures de contrôle et à la production de documents ».182

L'obligation principale est d'établir des comptes annuels et une situation intermédiaire comptable conformément à la législation en matière comptable. Accessoirement, les clubs devront enregistrer toutes les factures et présenter leurs documents comptables lorsque cela leur sera demandé. Mais l'apport majeur est certainement relatif à l'obligation qui est faite aux clubs de présenter à certaines dates des documents attestant qu'ils ne sont plus redevables envers leurs employés d'aucun engagement, ou même envers d'autres clubs au titre des indemnités de transfert.

A partir de 2008/2009, la licence UEFA entrera dans une phase 2 qui obligera alors les clubs à présenter des comptes prévisionnels en plus des comptes annuels audités chaque année, ce qui induit un contrôle préventif de la situation financière des clubs.183

182 Article 13 du manuel national pour l'octroi de la licence « UEFA club ».

183 « Pour un contrôle de gestion des clubs au niveau européen », juin 2005, LFP

2.2. Les débats autour du modèle économique européen

2.2.1. La LFP souhaite la création d'une commission de contrôle européenne

a. Les limites de la licence UEFA

> L'impartialité des instances nationales en question

Conformément aux règles édictées par l'UEFA, les licences sont gérées par les fédérations nationales, chargées d'assister une ou plusieurs commissions désignées pour l'octroi des licences. Cependant, elles peuvent déléguer leurs compétences aux ligues, elles-mêmes représentantes des clubs, ce qui pose un problème d'impartialité dans le contrôle des normes auxquelles doivent satisfaire les clubs. Or, « l'indépendance d'une instance de contrôle de gestion est une condition viqh q xd qr q pour garantir une action efficace ».184

On a par ailleurs constaté que la Fédération Française de Football avait déjà commis des irrégularités en matière de concurrence en vue de permettre un meilleur développement du football français, et il n'est pas exclu qu'une autre fédération puisse permettre à ses clubs d'accéder à une compétition européenne alors qu'elle ne dispose pas d'une santé financière pourtant nécessaire.

> Les sanctions seraient inadaptées

Selon la LFP, les sanctions prévues ne sont pas adéquates car elles ne comportent pas de barème progressif permettant d'apporter une correction à la situation des clubs. Elle préconise à cet effet d'instaurer un tel système, dont le contrôle serait assuré par un organe européen, ce qui éviterait les divergences entre les Etats.

184 « Pour un contrôle de gestion des clubs au niveau européen », juin 2005, LFP

b. La création d'une commission nécessaire à une concurrence loyale

> Une nouvelle entité attachée à l'UEFA

Depuis plusieurs années maintenant, la LFP plaide pour l'instauration d'un organe de contrôle de gestion comparable à la DNCG française au niveau européen. Frédéric Thiriez expliquait cette position : « il faut que les règles soient les mêmes pour tous. Aujourd'hui ce n'est pas le cas et il y a distorsion de concurrence. Mais à l'exception de la France, l'Allemagne et la Belgique, les grands pays de football n'y tiennent pas beaucoup » et il comptait beaucoup sur l'adoption de la Constitution européenne sensée « promouvoir l'équité dans les compétitions sportives ».185

Le Président de la DNCG abondait dans son sens : « il faut donc avec encore plus de vigueur continuer à plaider en faveur d'une commission de contrôle européenne unique, seule à même de garantir, en toute indépendance et impartialité, à l'image de nôtre instance française, que les compétitions auxquelles prennent part les équipes françaises se déroulent également loyales au plan financier ».

> La réalisation de véritables audits financiers

Dans le cadre de leur mission qui se déroulerait avant le début de la saison, les experts membres de la commission de contrôle pourraient s'appuyer sur tous les documents financiers nécessaires à la connaissance parfaite de chaque club : états financiers, informations prévisionnelles, etc. En cas de mauvaise gestion de la part d'un club, ils pourraient lui infliger une amende, une interdiction d'inscrire de nouveaux joueurs pour participer aux compétitions européennes, la perte d'un statut de tête de série ou même l'exclusion de la compétition.

2.2.2. Les autres suggestions visant à rétablir la concurrence

a. Plafonner la masse salariale globale

En s'appuyant sur l'exemple des Etats-Unis « oil sport et Business semblent vivre en
harmonie »,
Jean-François Bourg, Professeur des Universités, proposait d'instaurer un
« salary cap » afin de plafonner la rémunération des joueurs. Cette idée semble toutefois

185 Article paru le 12 mai 2004 dans La Tribune.

difficile d'application dans la mesure où la charge supportée par un club liée au reversement du salaire des joueurs diffère selon la fiscalité de chaque Etat. Il serait en effet nécessaire de prévoir un plafond relatif ou établi selon les normes en vigueur pour éviter une rigidité qui pèserait sur certains clubs.

Parallèlement, il serait possible de limiter la masse salariale globale d'une équipe à un pourcentage des recettes touchées par les clubs. Cela contribuerait à garantir une meilleure gestion et à éviter les abus qui permettent à certains de retirer un avantage compétitif.

b. La remise en cause de la liberté de circulation des joueurs

Dans la mesure où la crise que traverse le football français est en grande partie due à la mise en concurrence des clubs sur un marché unique, certains proposent d'atténuer les effets de cette jurisprudence en proposant d'instaurer à nouveau des quotas pour limiter le nombre de joueurs étrangers. Ils justifient notamment cette possibilité du fait que la formation est en danger car les joueurs peinent à éclore face à une concurrence très vive, ce qui nuit aussi aux équipes nationales. Sur ce fondement, la CJCE pourrait être amenée à faire une entorse à la règle de libre circulation des personnes au sein de l'Europe communautaire.

L'UEFA pourrait alors adopter un nouveau règlement visant à imposer aux clubs qu'un certain nombre de leurs joueurs soit formés au club, ce qui limiterait de facto la circulation des joueurs.

Si une telle limitation venait à être adoptée, cela bénéficierait peut-être aux clubs français mais ne résoudrait pas le problème devenu majeur aujourd'hui : préserver une concurrence saine entre les clubs à travers un contrôle financer pour assurer un équilibre nécessaire à l'intérêt de toute compétition.

Index

Accord de Cotonou : p. 11

Appel public à l'épargne : p. 40 Association :

- # convention avec la société : p. 22

- # seuils : p. 21

Arrêt :

- # Bosman : p. 6 - 10

- # Kolpak : p. 10

- # Malaja : p. 10

- # Simutenkov : p. 10

Clause de nationalité : p. 9

Contrat de progrès : p. 17

Cotation en Bourse : p. 40

Cour des comptes : p. 56

Déficit : p. 47 - 74

DNCG :

- # composition : p. 52

- # mission : p. 52

- # rôle : p. 54

- # sanctions : p. 53

Droits audiovisuels :

- # propriété : p. 36

- # répartition : p. 37

- # taxe « Buffet » : p. 18 FFF :

- # Enquête judiciaire : p. 58

- # gestion irrégulière : p. 56

- # mission de service public : p. 55

- # Comptes non validés : p. 57 Formation : p. 16

Impôt sur le revenu : p. 8

Impôt de Solidarité sur la Fortune : p. 8 Impôt sur les Sociétés :

- # charges : p. 64

- # dépenses de personnel : p. 65

- # exonération des dividendes : p. 68

- # intégration fiscale : p. 67 # produits : p. 63

- # subventions : p. 64 Investissement (risque) : p. 15 Investisseur « à fonds perdus » : p. 16 Joueurs :

- # droit à l'image : p. 69

- # impôt sur le revenu : p. 7

Liberté de circulation : p. 11 Licence UEFA :

- # contrôle : 78

- # domaine : p. 77

- # limites : p. 79

- # objectif : p. 76 LFP :

- # mission : p. 59

- # négociation des droits TV : p. 60

- # nouveau rôle : p. 61
Ligue des Champions : p. 12-13

Marché unique : p. 10 Merchandising : p. 38 Multipropriété : p. 34 Numéro d'affiliation : p. 34 Notion de contrôle :

- # conjoint : p. 35

- # exclusif : p. 35

- # notable : p. 35 Performances: p. 14 SAOS : p. 23 - 24

SASP :

- # à conseil d'administration : p. 30

- # à conseil de surveillance : p. 31

- # apports majeurs : p. 28

- # impôt sur les sociétés : p. 60

- # statuts type : p. 26

- # spécificités : p. 27 SEMLS : p. 23 - 24

SEURL : p. 23 - 25

Bibliographie

Lois :

Loi « MAZEAUD » n° 75-988 du 29 octobre 1975.

Loi n° 84-610 du 16 juillet 1984.

Loi n° 94-679 du 8 août 1994.

Loi n° 99-1124 du 28 décembre 1999.

Loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001.

Loi n° 2003-708 du 1er août 2003.

Loi n° 2004-1366 du 15 décembre 2004.

Décrets :

Décret n° 86-409 du 11 mars 1986 modifié par le décret n° 2002-608 du 24 avril 2002. Décret n° 96-71 du 27 janvier 1996.

Décret n° 98-880 du 1er octobre 1998 modifié par décret n° 2001-96 du 2 février 2001. Décret n° 2001-149 du 16 février 2001.

Décret n° 2004-550 du 14 juin 2004.

Décret n°2004-699 du 15 juillet 2004.

Communiqués :

Communiqué du Conseil de la Concurrence du 18 février 2005.

Rapports :

Rapport de Monsieur Jean-Pierre Denis, inspecteur des finances, « Certains aspects du sport professionnel en France », novembre 2003.

Rapport de Monsieur Yves Collin, « Quels arbitrages pour le football professionnel ? Les problèmes liés au développement économique du football professionnel », juin 2004.

Rapport de la DNCG : << Comptes des clubs professionnels, saison 2003/2004 », mars 2005. Rapport de la DNCG : << Comptes des clubs professionnels, saison 2004/2005 », mars 2006. Rapport de la LFP << Situation du football français - saison 2003/2004 », mars 2005. Rapport de la LFP << Situation du football français - saison 2004/2005 », mars 2006. Rapport de la LFP << Pour un contrôle de gestion des clubs au niveau européen », juin 2005. Rapport de la LFP « 2002 - 2005, trois années de progrès », juin 2005.

Rapport de la LFP « 600 millions pour quoi faire ? », juin 2005.

Rapport du Sénat « Compte rendu analytique officiel de la séance du 24 novembre 2004 ». Rapport du Sénat sur le projet de loi de finances 2005, séance du 25 novembre 2004. Rapport du Ministère des Sports «Le poids économique du sport en 2000 », Septembre 2002. Rapport annuel de la Cour des comptes « Fédération Française de Football », 2001. Rapport public de la Cour des comptes « Sports », 2003.

Etudes :

Etude de Deloitte << Football Money League - Changing of the guard », février 2006.

Etude de CSC « Etude de cas, Paris Saint Germain, CSC aide le PSG à fidéliser ses supporters et à développer son capital clients », 2001.

Etude d'Oracle CRM « Comment le Paris Saint Germain a appris à mieux connaître et à fidéliser ses supporters grâce à Oracle CRM », 2001.

Mémoires :

Mémoire de Vincent Couvelaere « Les stratégies de marque des clubs sportifs professionnels, étude de cas du football français », 2003.

Mémoire de Christophe Durand « Soutien aux entreprises de spectacle sportif par les collectivités locales : quelle liberté pour les élus ? », 2000.

Mémoire de Louis Frédéric Doyer << L'Union Européenne et le sport, l'arrêt Bosman ».

Quotidiens / presse :

<< Les dispositions relatives au sport professionnel », Aquitaine Sport.

<< Les aspects juridiques de la gestion économique des clubs sportifs professionnels : l'adoption d'une nouvelle loi », Gérard Auneau, La semaine juridique Edition Générale, 29 mars 2000.

« Ces patrons qui ruinent le football », L'Expansion, 1er juin 2002.

« Le gendarme du championnat sanctionne 19 clubs », Libération.fr, 30 juin 2003. « Sommation contre les salaires », Le Web de l'Humanité, 21 avril 2005.

« Jean-Michel Aulas : les affinités du sport et de l'entreprise », Marie-Annick Depagneux et Gilles Sengès, Les Echos, 2 mai 2005.

<< Les arrêts de la CJCE en droit du sport », http://www.juristeeuropeen.com/, mai 2005. « Abramovitch réaffirme son engagement au club », Yahoo sports, 7 mai 2005.

<< Le football français est le bon élève de l'Europe », La Tribune, 12 mai 2004. « Le foot sort ses griffes », Paul Miquel, L'Express, 16 mai 2005.

« Nouveau déficit en vue », Marc Chévrier, L'Equipe, 26 juin 2005 « Aide financière au football amateur », L'Equipe.fr, 2 juillet 2005.

« Droit à l'image collectif : les questions dans les vestiaires », Denis Provost et Frédéric Chatzle, Union Financière de France.






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